See you walkin' 'round like it's a funeral
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

Amos est encore en vie il ne peut en être autrement. Je ne veux pas des condoléances du faux membre d’équipage tout comme je ne veux pas qu’il tente de me faire accepter ce qui à ses yeux est la dure réalité mais, aux miens, n’est qu’un mensonge. Si nous sommes en vie lui et moi, pourquoi n’y en aurait-il pas d’autres ? Des gens qui se sont enfermés à double tour dans leur cabine dès l’annonce du capitaine ? Des gens qui se cachent un peu partout dans le navire, terrifiés ou au contraire prêts à prendre les armes ? Je secoue la tête lorsqu’il me conseille de me faire une raison : ça n’arrivera pas et, si d’aventures je trouvais Amos possédé par une de ces choses, je retournerai le bâteau ou l’Australie s’il le faut pour le guérir.

Il défonce la porte de la cabine et j’entre à sa suite à la recherche d’un moyen de communication. Je ne prête plus attention aux agissements de mon compagnon d’infortune, qui se jette sur un micro permettant de parler à l’ensemble des passagers. Je réalise ce qu’il fait lorsque j’entends sa voix résonner dans la pièce. « Fuyez. Tuez tous les monstres que vous pourrez, cachez vous où vous le pouvez. Le navire est condamné. » Je me retourne vers lui, avant de dire d’une voix égale. « Vous auriez pas dû faire ça. Les gens sont imprévisibles lorsqu’ils pensent qu’ils n’ont plus rien à perdre. » Je le sais : mon lycée a été un terrain d’anarchie lors de la tuerie du bal de promo de l’an dernier. Plus d’élèves ont perdu les pédales que n’ont gardé la tête froide. « Si vous étiez le capitaine d’un vaisseau hanté, vous foutriez votre radio où ? » Ça aurait été utile qu’il fasse vraiment parti de l’équipage, maintenant.

« Vous auriez pas dû faire ça. Les gens sont imprévisibles lorsqu’ils pensent qu’ils n’ont plus rien à perdre. » Sa tête se tord de droite à gauche. Il se moque de son avis, il se moque de ce qu’elle pense des autres membres du navire. C’était là sa seule façon de se montrer clément envers son prochain et ses aînés, cela n’est pas voué à se reproduire. Il les a aidés une fois, ce chiffre ne montera pas plus haut. Maintenant, chacun pour soi. “Nous aussi on est imprévisibles.” Il rétorque, l’air grave. Bientôt, elle comprendra que son fiancé est perdu. Et déjà, il recommence à fouiller tous les tiroirs, placards, meubles, à la recherche de tout et son contraire, n’importe quel objet qui pourrait les aider dans leur quête Impossible.

« Si vous étiez le capitaine d’un vaisseau hanté, vous foutriez votre radio où ? » La radio doit se trouver proche de son bureau, non ? Éternellement à portée de main, là où il peut appeler et répondre dans l’urgence, au besoin. Le regard du clandestin se pose sur le bureau sans qu’il ne trouve rien, pourtant, venant rapidement anéantir sa théorie. “C’est peut-être un truc portable. Le bateau tangue tellement, ça a dû tomber quelque part.” Il ne sait pas ce qu’il cherche exactement, mais il sait qu’ils le sauront une fois qu’ils l’auront sous les yeux et sous la main aussi. Une radio, c’est tout de même assez grand pour être visible, ils n’ont qu’à fouiller sous les meubles et ils finiront par trouver. “J’vais fermer la porte avant. Au cas où.” Pour se protéger des monstres autant que des humains, voilà ce qu’il sous-entend. Ils ne peuvent plus avoir confiance en personne, maintenant. “Je vais continuer à fouiller les placards. Y’a sûrement une radio de secours, ou quelque chose comme ça.” Personne ne serait assez stupide pour aller voguer sur les sept mers avec un seul appareil pour prévenir les autorités, pas vrai ?

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Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

« Nous aussi on est imprévisibles. »
« J’ai vécu une situation similaire. Les gens oublient d’où vient le danger et sont capables de vous assommer pour vous voler votre arme ou votre téléphone. »

Lors de la tuerie de mon lycée, les gens sont devenus fous, adultes comme élèves si bien qu’à présent, je ne compte plus que sur moi-même et mon petit ami qui est forcément retenu quelque part sur le bâteau : il ne se cacherait pas en me laissant toute seule s’il avait le choix, non, j’en suis persuadée.

Alors je commence à fouiller la cabine de fond en comble. Lorsqu’un placard me résiste, je frappe dedans avec mon pied ou la longue vue du capitaine - elle était posée sur la table de commandes - pour l’ouvrir mais, jusque-là, je ne suis tombée que sur de la paperasse ou des outils inutiles en apparence. « C’est peut-être un truc portable. Le bateau tangue tellement, ça a dû tomber quelque part. » J'acquiesce parce qu’il a raison. J’ignore s’il a désaoulé naturellement ou si c’est à mettre sur le compte de l'adrénaline mais, une chose est sûre, c’est bienvenu. « J’vais fermer la porte avant. Au cas où. » - « C’est une bonne idée. » C’est peut-être la seule chose gentille que je lui ai dite jusque-là mais, en même temps, c’est également la première chose intelligente qu’il fait depuis que nous nous sommes rencontrés. « Je vais continuer à fouiller les placards. Y’a sûrement une radio de secours, ou quelque chose comme ça. » Je suis plus petite que lui : c’est moi qui vais regarder le sol et glisser ma main sous les meubles à la recherche de notre planche de salut. L’espace entre les placards et le plancher est trop fin pour que je puisse observer ce que je touche, si bien que je prends une grande inspiration avant d’y aller à l’aveugle et à tâtons. Je sens quelque chose qui bouge, et je hurle. « Un rat ! Y’a un rat sur ce foutu de bâteau de croisière de luxe. » Mon cœur bat la chamade mais je me résonne : qu’est-ce qu’un rat par rapport aux créatures qui nous attendent sur le pont et dans les fonds marins ? « Je l’ai ! » Ma main se referme sur l’outil électronique. « Tu sais comment le faire fonctionner ? » Moi, je n’en ai jamais vu de tel.

« J’ai vécu une situation similaire. Les gens oublient d’où vient le danger et sont capables de vous assommer pour vous voler votre arme ou votre téléphone. » - “Permets moi de te dire que t’as vraiment une vie de merde.” C’est dans les pires moments qu’il faut trouver le temps de rire lorsque c’est possible. Enfin, il n’en sait rien, ce n’est pas écrit où que ce soit, mais c’est tout du moins ce qu’il veut croire, pour ne pas qu’un voile trop sombre se soit abattu sur son monde. Pour autant, il n’a aucun mal à croire ce qu’elle dit. C’est dans les moments difficiles que les véritables personnalités se révèlent.

Lorsque la voix de la jeune femme s’élève soudainement, il sursaute et se cogne la tête contre un tiroir surélevé, grogne et fait pression sur l’arrière de son crâne, comme si cela allait changer quoi que ce soit. « Un rat ! Y’a un rat sur ce foutu de bâteau de croisière de luxe. » - “Bordel de merde.” Il continue de râler et s’énerver, pour le rat autant que pour cette foutue radio sur laquelle ils n’arrivent pas à mettre la main. Elle existe, pourtant, c’est certain. « Je l’ai ! Tu sais comment le faire fonctionner ? » - “Fais voir ?” Il va toucher tous les boutons tel un enfant hyperactif, quoi d’autre ? “Le rat a rien bouffé au moins ?” Il tape dessus, comme si cela allait suffire à faire fonctionner l’objet à nouveau. Après tout, il ne sait pas à quoi ressemble une radio en fonctionnement en comparaison à une qui est hors d’état. “Le rat t’a pas mordu au moins ?” Il touche tous les boutons, ne capte que des fréquences illisibles, mais tente au moins de s’assurer qu’elle n’a pas été contaminé par l’animal à la morsure aussi bénigne en apparence qu’elle est en réalité mortelle. “Je crois… Attends, si je m’approche de la proue, peut-être qu’on captera mieux, j’en sais rien.” Il lève les bras au ciel en direction des fenêtres, où les ondes passeront sans doute plus aisément.

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« Permets moi de te dire que t’as vraiment une vie de merde. »
« Tu crois que tu me l’apprends ? »

Je n’ai pas une vie de merde, en fait. Mon père possède de l’argent et de l’influence et je vais me marier au garçon dont je suis amoureuse depuis que j’ai quinze ans. Je roulais sur l’or et les privilèges, avant le bal de fin d’année. Maintenant, on dirait que le sort s’acharne ou me punit de mes crimes commis dans une vie antérieure, qui sait. Le tueur fou, la malédiction et ces créatures et, maintenant, un rat qui se balade et grignote peut-être la coque. Je ne suis pas simplement effrayée d’être mordue : je sais que ces animaux sont un fléau pour les navires. « Bordel de merde. » Déjà, il part se cacher sous un autre meuble et nous ne pouvons plus l’atteindre. « L’avantage, c’est que le bâteau est déjà condamné de toute façon. » Autrement dit, ce petit animal ne changera plus rien, à présent. Ce que j’ai aperçu sur le pont avait l’air bien plus dangereux. « Fais voir ? Le rat a rien bouffé au moins ? » Je retourne la radio dans tous les sens. Pas de fil grignoté, pas de trace de dent visible. « J’ai l’impression que non. » Je lui tends l’appareil, avant de me laisser tomber sur le fauteuil du capitaine. « Le rat t’a pas mordu au moins ? » - « Je vais pas me transformer en montre avec une queue de poisson et une tête de rat, tu peux respirer. » J’ai crié parce que j’ai eu peur mais, ça, je préfère le taire et user de sarcasme pour lui dire que tout va bien.

« Je crois… Attends, si je m’approche de la proue, peut-être qu’on captera mieux, j’en sais rien. » Il ouvre la fenêtre et je retiens mon souffle. « Ne la fait surtout pas tomber… » Si la radio s’échappe dans l’océan, nous sommes finis et mon poil se hérisse à cette pensée. « C’est quoi ces bips ? Elle doit être abîmée. » Sauf que, l’espace d’un instant, je me rappelle des histoires des scouts que me raconte mon fiancé lorsqu’il parle de sa pré adolescence. « Attends ! Je crois que c’est du morse ? » Oui, maintenant que j’écoute avec attention, je réalise qu’il ne s’agit pas simplement d’un bip régulier, mais de variations qui doivent former des mots. « Tu entends ? C’est toujours la même chose qui passe en boucle. Reste comme ça, je vais chercher un stylo et une feuille. » Ensuite, il faudra traduire ça, mais c’est un problème pour plus tard.

« L’avantage, c’est que le bâteau est déjà condamné de toute façon. » L’animal a encore moins de chances qu’eux de s’en sortir, et c’est sans doute à souligner, parce qu’eux même ne sont pas très bien lotis déjà. « J’ai l’impression que non. » Au moins, ce foutu animal n’a pas limité leurs chances de s’enfuir de cet endroit. Il n’aurait plus manqué que ça, tiens. L’appareil une fois entre ses mains, il prend le temps de s’inquiéter de la santé de la jeune femme, ne voulant pas qu’elle lui claque entre les doigts. « Je vais pas me transformer en monstre avec une queue de poisson et une tête de rat, tu peux respirer. » - “C’était pas ma question.” Il allait prononcer son prénom pour appuyer son propos, avant de se rendre compte qu’il ne le connaît tout simplement pas. Peu importe.

A bout de bras, il tient la radio par-dessus le pont et, avec, tous leurs espoirs réunis. « C’est quoi ces bips ? Elle doit être abîmée. » - “[color=darkslategray]Quoi ? Mais non, c’est… -[color]” Ce ne sont pas des bips à cause de fréquences mal réceptionnées. Il ne sait pas du reste, mais est au moins assuré de ça. Ils avancent, petit à petit. Ils trouvent de l’espoir là où ils peuvent, aussi. « Attends ! Je crois que c’est du morse ? Tu entends ? C’est toujours la même chose qui passe en boucle. Reste comme ça, je vais chercher un stylo et une feuille. » Elle l’a prise pour une putain statue de marbre ou bien ? “Tu sais traduire au moins ? Attends, attends, je crois que j’ai vu passer un livre sur le morse, là.” Il désigne un coin de la pièce d’un coup de tête pour qu’elle se saisisse déjà du livre. Ils n’ont pas de temps à perdre, chaque seconde est importante. “Le message est court. J’espère que c’est pas un SOS, parce qu’on a vraiment pas le temps, sérieux.” Et suite à ça, il se la ferme enfin pour qu’elle puisse noter les bips comme il se doit.

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Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

Du morse, évidemment ! Je n’en avais jamais entendu, mais c’est pas comme ça que les bâteaux communiquent entre eux ou que les organisations secrètes font passer des messages. Plus je l’écoute, plus je reconnais un pattern, une séquence qui se répète en boucle. J’espère de tout cœur que c’est le message d’un autre navire qui a compris que quelque chose ne tournait pas rond et qui nous dit de tout faire pour survivre jusqu’à ce qu’il vienne nous secourir. Ou bien l’autre bâteau est-il pris dans la même tempête que nous ? « Tu sais traduire au moins ? Attends, attends, je crois que j’ai vu passer un livre sur le morse, là. » Bien sûr que je ne sais pas traduire, pour qui me prend-t-il ? Une opératrice de télécom ? Un agent secret sous couverture ? Est-ce que j’ai l’air d’avoir passé mon enfance le nez plongé à apprendre un dialecte codé qui n’était jamais censé me servir à quoi que ce soit ? « Ne bouge pas, je l’attrape. » Il me désigne l’ouvrage de la main, et je me hisse sur la pointe des pieds pour le sortir de la bibliothèque du capitaine. Bingo, il s’agit en effet d’un dictionnaire, d’une table de traduction pour être capable de comprendre les messages codés en morse. « Le message est court. J’espère que c’est pas un SOS, parce qu’on a vraiment pas le temps, sérieux. » - « Oui, c’est la même séquence en boucle, j’ai l’impression. Mais ça voudrait dire que quelqu’un a déjà appelé les secours et signalé qu’on est en détresse ? »

Après tout, la cabine du capitaine était fermée à clé, mais il doit bien y avoir une salle des communications quelque part sur le navire, non ? J’attrape un stylo et, à défaut d’une feuille de papier, je gribouille sur une page vierge du livre. « C’est pas comme s’il allait s’en reservir un jour. » J’espère qu’il sera mis en prison pour sa blague morbide de mauvais goût. Je me concentre pour traduire le message et, lorsque nous sommes sûrs d’avoir bien noté le bips, le mousse se joint à moi. La phrase n’est pas un S.O.S. Il s’agit d’une nouvelle menace, et je blêmis. « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Quelqu’un a-t-il piraté les communications ? Je l’ignore, mais ce que je comprends, c’est que nous sommes totalement isolés du monde extérieur.

« Oui, c’est la même séquence en boucle, j’ai l’impression. Mais ça voudrait dire que quelqu’un a déjà appelé les secours et signalé qu’on est en détresse ? » - “Je sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle, en réalité.” Parce que si quelqu’un a déjà appelé les secours, alors comment cela se fait-il que personne ne soit arrivé ? Le drame a lieu depuis de longues dizaines de minutes déjà, peut-être plus. Il a eu le temps de perdre toute notion de temps, ce qui voudrait dire qu’ils courent et s’obstinent à survivre depuis trop longtemps déjà. Trop longtemps, alors que personne n’est venu les sauver.

Il garde la suite de ses pensées pour lui, occupé à placer la radio du mieux qu’il le peut pour ne surtout pas perdre le signal. Peu importe ce qu’il dit, c’est important. « C’est pas comme s’il allait s’en reservir un jour. » Certes. Point à l’inconnue - qu’il espère très fort ne jamais ô grand jamais revoir dans sa vie, en tout bien tout honneur. Elle semble attirer le mauvais sort, sûrement un problème de mauvaises ondes. « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Il lâche finalement la lourde radio, ses bras le remerciant au passage et alors qu’il les secoue assez brusquement pour laisser le sang circuler à nouveau, il se pense aussi avec une certaine curiosité sur la suite de bips notée sur le carnet, la traduction non loin. Et finalement, il aurait souhaité ne jamais avoir lu la traduction, son visage devenant aussi blême que celui de la jeune femme face à lui. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et il avait beau le savoir, le fait qu’on le leur précise d’une telle façon ne fait que lui donner le coup de grâce. La suite de leur périple sera bien pire encore que son début, et cela n’a bien sûr rien d’une bonne nouvelle.