an ocean in between the waves
Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

De toutes évidences, les communications sont H.S. puisque plutôt que de nous permettre de joindre l’extérieur, nous n’avons pu capter qu’un message fumeux en morse. Heureusement, en combinant nos deux cerveaux, le jeune homme et moi avons réussi à traduire les différents messages et nous avons à présent sous les yeux un énigme digne des meilleurs archéologues à la recherche des tombeaux perdus des pharaons d’Egypte. J’espère que nous aurons un peu plus de chance que ces malheureux qui, en touchant du bout du doigt leur Saint Graal, ont été frappés de malédictions toutes plus étranges et mortelles les unes que les autres. L’avantage que nous avons, c’est que la malédiction est déjà là et que nous sommes déjà condamnés si nous ne partons pas à la recherche de ce fichu crâne. Autrement dit : nous n’avons rien à perdre à essayer. « C’est bon, j’y crois à tes conneries. » Ou en tout cas, je suis prête à essayer puisque je n’ai pas d’autre idée qui nous permettrait de nous échapper. J’ai aperçu des créatures effrayantes dans l’eau et je n’ai pas envie de tenter ma chance dans l’une des embarcations de secours : je suis courageuse, mais pas idiote.

« Le crâne, c’est ça qu’on cherche ? Dans la cale ? » Certaines phrases en morse ne me semblent pas indiquer grand-chose, si bien que je me raccroche à celles qui ont du sens à mes yeux. Crâne. Cale. Le reste n’a pas d’importance ou en tout cas je n’ai pas l’intention de lui en donner pour l’instant. « Tu sais où est la cale ? Et comment on y accès ? » Comme lui, je commence à me dire qu’avoir une arme ou, en tout cas, une arme de fortune, ne pourrait pas nous faire de mal. « Est-ce que les cuisines sont sur le passage ? On pourrait récupérer des couteaux pour avoir de quoi se défendre si une créature nous attaque. » Pour l’instant, je parle de “créatures”. Je n’ai pas envie d’envisager que nous risquons de tomber sur un être humain possédé, je ne veux pas penser au fait que nous devrons peut-être tuer un de nos semblables pour sauver notre propre peau.

« C’est bon, j’y crois à tes conneries. »
Il aurait préféré que ce ne soit pas le cas. Pour la première fois de sa vie, Rose aurait préféré s’être lamentablement trompé sur toute la ligne et qu’il n’existe aucune malédiction, aucun monstre, aucun mort. Aucune transformé, surtout pas sa chère et tendre.

Bien malgré lui, leur enquête avance. Ils ont réussi à traduire le morse, avec beaucoup d’aide de vieux livres qui contenaient sûrement leur variante bien à eux du tétanos. « Le crâne, c’est ça qu’on cherche ? Dans la cale ? » - “J’espère. Faut pas qu’il ait bougé de place depuis.” Surtout, surtout, il craint qu’une personne avide d’or l’ait trouvé il y a longtemps déjà et voulu le revendre à prix fort. Un crâne dans ce genre doit valoir une véritable fortune, sûrement équivalente au prix de leur vie. « Tu sais où est la cale ? Et comment on y accède ? » - “J’ai vu passer un plan du bateau dans les papiers. Attends, attends.” Il s’agite, fait voler les papiers quand les mouvements du bateau ne s’en chargent pas déjà naturellement. « Est-ce que les cuisines sont sur le passage ? On pourrait récupérer des couteaux pour avoir de quoi se défendre si une créature nous attaque. » L’idée est bonne, il n’y répond pas de suite car accaparé par la carte sous ses yeux, laquelle il essaye de traduire, en commençant pas trouver où ils sont en premier lieu.

“On peut passer par la boucherie. C’est juste en face.” Là-bas, au moins, ils sont certains de trouver ce qu’ils désirent pour se protéger et, surtout, attaquer en cas de besoin. Les couteaux seront immenses, tranchants, et à profusion. “On va… devoir passer par la cale à charbon, je crois. On y verra rien.” Ce sera trop petit pour passer à deux, trop exigu pour fuir. En somme, s’ils se trompent, ce sera un piège mortel. “Je garde la carte. On reste groupé, direct à droite en sortant de la salle. On devrait se repérer à l’odeur.” Quoique la mort se répand sur le bateau, maintenant.

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Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

« J’espère. Faut pas qu’il ait bougé de place depuis. » - « Qu’est ce que quelqu’un irait faire avec un crâne de… Comment t’as appelé ça déjà ? De Guniep ? » Je n’ai pas plus prêté attention aux tribulations du jeune homme lorsqu’il était complètement saoul qu’au discours sans sens du capitaine de ce maudit rafiot. Croisière de luxe, mais bien sûr. Qu’ils aillent tous se faire foutre avec leur jeu macabre, je ne le joue que parce que j’espère que tout ça se terminera plus vite et que je retrouverai alors mon fiancé. Peut-être m’a-t-il déjà devancée ? Il est malin Amos, peut-être aura-t-il filé à la cale sans se perdre dans la cabine du capitaine en route. Oui, maintenant, j’arrive presque à m’en persuader, il va bien, il va trouver ce fichu crâne avant nous.

« J’ai vu passer un plan du bateau dans les papiers. Attends, attends. » Je l’observe retourner toute la paperasse de la cabine et, enfin, il met la main sur quelque chose qui ressemble à un plan. « Ça a l’air sacrément simplifié. » Il y a bien plus de couloirs que ça, je l’ai appris au bout d’une semaine de croisière. Au moins, nous avons une vague idée de la destination et nous n’avons plus qu’à nous fier à notre instinct. « On peut passer par la boucherie. C’est juste en face. » Penchée sur la carte, je hoche la tête avec que mon doigt dessine l’itinéraire sur le papier vieilli. « On va… devoir passer par la cale à charbon, je crois. On y verra rien. » - « Ça veut dire qu’il faut qu’on repasse par le pont. » Je prononce la phrase avec effroi. C’est le seul moyen d’aller vers notre destination. « Il faudra ramper pour ne pas risquer d’être désarçonnés en cas de vague trop forte. »

« Je garde la carte. On reste groupé, direct à droite en sortant de la salle. On devrait se repérer à l’odeur. » Je hoche la tête/ « Tu passes le premier. » Il a la carte après tout, n’est-ce pas logique ? (Je ne suis pas obligée de préciser que je préfère qu’il y passe plutôt que moi en cas d’attaque). « On monte sur le pont, on passe par la boucherie, puis on redescend vers la cale à charbon. » Le plan est clair pour tout le monde. Sauf qu’une fois sur le pont, alors que le ciel est devenu noir - en plein jour, comment est-ce possible ? - j’ai du mal à discerner les différents “bâtiments”. « Je crois que c’est par là ! » Je crie afin de couvrir le bruit de l’océan qui se déchaîne.

« Qu’est ce que quelqu’un irait faire avec un crâne de… Comment t’as appelé ça déjà ? De Guniep ? »
“J’ai une tête de medium, putain ?”

Ils auraient pu en faire ce qu’ils veulent, de ce putain de crâne de Bunyip, après tout. Le chien du jardin aurait sûrement adoré jouer avec, non ? « Ça a l’air sacrément simplifié. » Sans nul doute, mais puisque c’est tout ce qu’ils ont, ils devront s’en contenter. C’est sans doute pas plus mal, qui sait. « Ça veut dire qu’il faut qu’on repasse par le pont. Il faudra ramper pour ne pas risquer d’être désarçonnés en cas de vague trop forte. » En restant proches et s’accrochant dès qu’ils le peuvent, ils devraient pouvoir y arriver. - “On va y arriver.” Il assure d’un hochement de tête, voulant sans doute se rassurer lui-même bien plus qu’elle.

Elle répète le plan et il l’accepte d’un nouvel hochement de tête: pont, boucherie, cale. C’est simple, dit comme ça. Et ça sera simple, tout court, parce qu’ils doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour y parvenir. Ouvrant la voie, il se retourne régulièrement pour vérifier que la jeune femme reste toujours sur ses talons, non pour elle-même, mais bien pour qu’il y ait au moins une personne pour vérifier que personne ne l’attaque par derrière. « Je crois que c’est par là ! » Elle crie, il hurle par-dessus, attrapant son poignet pour qu’elle ne tourne pas de suite. D’un geste de la main, il lui ordonne de continuer. C’est lui qui a étudié la carte, bon sang.

« STOP! » Ambrose hurle soudainement en barrant le chemin de son bras, au cas où elle ne l’aurait pas entendu à cause de la tempête assourdissante. Et quand bien même, elle aurait vu tout comme lui l’immense bête aux allures cauchemardesques passer en sautant et courant devant eux, un passager à moitié dévoré dans la gueule. La vue glace le sang du passage clandestin, lui qui pensait avoir tout vu, le voilà bien loin du compte. « Vite vite. » Il ordonne à nouveau dans l’urgence, passant outre le second inconnu soudainement apparu sur le pont qui devient automatiquement la nouvelle cible de la bête. Finalement, il ouvre la porte de la boucherie en trombes et attrape les premiers couteaux venus, lui tendant le sien tout en protégeant la lame. « Maintenant, on est prêts. »

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Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

« J’ai une tête de medium, putain ? » Il a une tête de voleur, d’alcoolique, de débraillé donc, à partir de là, je crois que je peux tout avaler. Il peut lire l’avenir dans les lignes de la main des gens crédules si ça lui chante, ça ne m’étonnerait pas plus que ça m’intéresserait. Je ne suis pas câblée pour comprendre les passions les plus atypiques : toute ma vie j’ai été élevée pour être conventionnelle. « On va y arriver. » - « On a pas le choix. » Je suis plus fataliste que lui mais, dans tous les cas, nous disons la même chose : nous n’avons pas le luxe d’échouer, alors nous n’échouerons pas. C’est aussi simple que ça. Et si l’un de nous deux tombe par-dessus bord et bien… Il n’aura au moins pas le temps de souffrir longtemps.

Sur le pont, le vent fait voler mes cheveux dans tous les sens. Ils me fouettent le visage, les yeux, et m’aveuglent même par moment. Je regrette de ne pas les porter attachés. Mais la vue d’une bête cauchemardesque qui saute sur le pont et engloutit un malheureux remet mes propres problèmes en perspective. Les cheveux dans la bouche finalement, c’est mieux que d’être éviscéré et dévoré par une de ces créatures. « STOP ! » Horrifiée, je m’arrête sans oser parler ou même respirer. « MAIS QU’EST CE QUE C’EST ? » C’est forcément une race inconnue du requin. Mon esprit rationnel cherche une explication. Nous sommes au beau milieu d’un banc de requins préhistoriques, c’est forcément ça. « Vite vite. » L’inconnu attrape mon poignet et me pousse à l’intérieur de la pièce que je n’avais pas vue à cause de l’obscurité. Il attrape des couteaux et m’en tend un que je tente de saisir avec panache. Au fond, je suis morte de trouille. « C’est quoi ? Des requins ? Des orques ? Une race de baleine préhistorique ? » Je parle plus pour moi que pour lui, et je me moque qu’il risque de me railler. « Maintenant, on est prêts. » Je hoche la tête, bien moins sûre que lui. Nos couteaux font la taille d’une seule des dents de ces bestioles : moi, je parie plutôt sur mes jambes. Courir vite jusqu’à l’escalier. « ON COURT ! » En sortant de la boucherie, je m’élance à toute vitesse. Une créature surgit alors de nulle part et je l’esquive à la dernière seconde. Je pousse un cri, tendant mon couteau courageusement devant moi. La créature nageait, et voilà qu’elle se dresse à présent sur ses pattes. Mais quel genre de cauchemar est-ce donc ?

« On a pas le choix. » Ne pas avoir le choix ne signifie pas pour autant qu’ils vont y arriver, mais soit. Il passe outre, n’a de toute façon aucune envie de discuter terminologie. Les mouvements du bateau lui donnent trop la gerbe pour ça. Très rapidement, c’est la vue d’un corps mutilé au possible qui semble le rentre malade, sans qu’il n’ait pour autant le temps de s’arrêter pour vomir toutes ses tripes. « MAIS QU’EST CE QUE C’EST ? » Muet, la bouche ouverte, il observe la scène, les yeux exorbités, ne voulant toujours pas y croire. Ce n’est pas possible. Cela n’existe pas. Rien de tout ceci ne peut décemment exister. Il le saurait, sinon. Il en a vu des choses, beaucoup, mais jamais rien d’un minimum semblable à cette créature tout droit sortie des pires livres de la Bible.

« C’est quoi ? Des requins ? Des orques ? Une race de baleine préhistorique ? »
« Je t’ai dit. Bunyip. Putain de Bunyip. »

Et un Bunyip, peu importe à quel point on est rationnel, ce n’est ni un requin, ni un orque, une race de baleine préhistorique. Ca reste un putain de Bunyip quand est partie à la chasse aux hommes, et ça n’a rien d’une bonne nouvelle, ni même quoi que ce soit de rassurant. Maintenant, en guise de défense, ils peuvent au moins utiliser des couteaux digne de ce nom, lesquels deviennent la continuité de leurs mains. « ON COURT ! » A toute vitesse, il s’élance donc sur le pont détrempé, n’hésitant pas à glisser sur ce dernier pour être une cible mouvante et difficilement attrapable, son attention uniquement attirée par le cri de la jeune femme derrière lui, laquelle il imagine déjà perdue. Pourtant, couteau le premier, elle arriver à se frayer un passage jusqu’à la cale à charbon, attendant à l’entrée de cette dernière pour offrir une main à l’inconnue et l’aider à rentrer le plus rapidement possible. La porte, elle, se referme une maigre seconde avant que la créature hybride ne fasse claquer ses immenses dents dans le vide, là où se trouvait la blonde une seconde plus tôt. “Bordel. C’était moins une. Ca va, t’es pas blessée ? On peut avancer ?” Pour survivre, il faut rester en mouvement. Tout le monde le sait, et c’est plus évident que jamais maintenant.

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Raelyn Blackwell & @Ambrose Constantine

La créature qui se dresse entre moi et l’inconnu n’a rien d’un requin préhistorique, rien d’un orque ou d’une foutue baleine, même mutante. Comment continuer à refuser d’y croire alors qu’elle est devant moi, mélange entre toutes les créatures des fonds marins les plus terrifiantes, avec deux grands yeux jaunes qui me regardent, des dents aussi longues que celles d’un tigre de sables, des pattes, des tentacules, des poils et une cuirasse luisantes à la fois. Cette bête est plus effrayante à elle seule que tous les films d’horreur réunis et je pousse un hurlement aigu, horrifiée, pétrifiée. Mes doigts s’accrochent à mon couteau au point de me faire mal, mais ne pas le lâcher est la seule chose qui compte.

Au dernier moment, alors que la créature saute sur moi et que je brandis bien inutilement ma courte arme devant moi, je sens une main qui se referme sur mon poignet qui m’attire avant de refermer une lourde porte. Le monstre cogne contre la porte, il hurle et je me bouche les oreilles pour ne pas l’entendre et tenter de calmer le rythme de ma respiration. « Bordel. C’était moins une. Ca va, t’es pas blessée ? On peut avancer ? » J’halète encore un peu, avant de regarder l’inconnu avec deux grands yeux ronds. « Pardon ? Comment tu peux ne pas être terrifié ? » Peut-être parce qu’il l’a déjà vue. Peut-être que c’est pour ça qu’il était si fataliste tout à l’heure et je ne peux plus réellement le lui reprocher. « C’est bon, on se met en route, je veux pas rester ici une seconde de plus. » Je vérifie toutefois une dernière fois le mécanisme de verrouillage de la porte de la cale. « Passe devant, je te suis. » Le couloir est trop petit pour qu’on se tienne debout ou à deux de côté. Nous devons y aller à la file, recourbés pour ne pas nous cogner : même moi et mon petit mètre cinquante cinq. Il fait noir, l’air est presque irrespirable et, à la fin, j’ai les mains couvertes de suie, les vêtements couverts de suie et le visage qui n’est pas en reste. Mais nous arrivons face à une nouvelle porte, celle de la cale, je l’espère. « C’est là ?  »

Il entend en echo le bruit de la mâchoire de l’animal qui se referme derrière lui. Encore et encore, inlassablement, Ambrose sait déjà que s’il s’en sort, ce ne sera pas sans traumatismes, lesquels prendront la forme de douloureux souvenirs lors des rares instants où il pourrait trouver le sommeil, par chance. Pour cela, du moins, il faudrait déjà qu’il s’en sorte. « Pardon ? Comment tu peux ne pas être terrifié ? » Il trouve le temps de laisser parler son rire amer malgré le contexte qui ne devrait pas lui en laisser le temps. Elle en a, du culot, de penser qu’elle le connaît parce qu’ils ont passé cinq minutes ensemble sur un bateau voué à rejoindre le fond de l’océan. Ils n’ont pas le temps de discuter. « C’est bon, on se met en route, je veux pas rester ici une seconde de plus. » Voilà.

« Passe devant, je te suis. » Dans ces mots, il y a comme un air de déjà vu, mais ce n’est pas pour le déranger finalement. Couteaux en main, il ouvre le passage en les faisant fendre l’air avant lui, peu certain qu’ils soient seuls dans ces étroits couloirs. Pourtant, ils avancent à coups de coude, dans l’obscurité la plus totale, ne s’arrêtant même plus lorsque les plus importants cris de l’extérieur parviennent jusqu’à leurs oreilles malgré la lourde porte et l’espace les séparant. Mais à force de perseverer, il finit par buter sur une ultime porte, le laissant ainsi penser que derrière elle se trouve la seule cale. Le loquet lâche simplement, sans difficulté. « C’est là ? » Il déglutit lentement, adapte ses yeux à une lumière toute relative. Sous ses yeux, le spectacle est aussi simple que parfaitement désolant. S’il voulait s’autoriser une dernière blague, il dirait qu’au moins ils n’ont pas à perdre du temps à chercher. “Nous sommes perdus.” Devant ses yeux, rien. Le crâne a déjà été pris ou, pire encore, n’a peut-être jamais été là.