Gold cage, hostage to my feelings.
@Marceline Griffiths  

Les yeux encore fermés, elle avait récupéré son téléphone qui trainait sur ta table de chevet pour regarder l’heure. Quatorze heures… peut-être temps de sortir de son lit. Elle grognait un peu face à la luminosité de l’écran avant de se redresser soudainement dans son lit en voyant qu’elle avait un message de Marceline. Son coeur s’accélérait alors qu’elle déverrouillait son smarphone pour ouvrir le message. Elle avait premièrement froncée les sourcils face à son contenu : Cocktail à la cerise et obsession pour elle ? De quoi elle parlait ? Puis faisant légèrement glisser son pouce sur l’écran tactile de son samsung elle échappait un long soupire en faisant face à quatre messages qu’elle avait oublié dans la nuit, dont un contenant uniquement des emoji… dont l’emoji de l’aubergine qui n’avait pas vraiment sa place dans cette conversation. Elle se laissait lourdement retomber dans son lit, attrapant un coussin pour le mettre sur son visage avant de pousser un nouveau grognement. Drunk Jiyeon avait fait de la merde.

Même si elle n’était pas trop sujette aux maux de tête qui accompagnaient normalement la gueule de bois, Jiyeon avait quand même bien la tête dans le cul et passait son après-midi dans un semi-coma, devant les Kardashians, histoire d’oublier ses problèmes, ne se nourrissant que de nouilles instantanées et de redbull. Lorsqu’elle terminait enfin le dernier épisode en date, le soleil était déjà couché depuis un petit moment et elle se décidait enfin à aller faire un tour par la salle de bain. Adieu le vieux t-shirt qui lui servait de pyjama, elle enfilait deux hauts gris, superposés, et un jean large avant de se décidé à sortir. Premièrement elle pensait aller au Saucibar, le QG des five, pensant soit y trouver Hugo, soit à la limite y trouver quelques choses à manger, mais en passant devant le Canvas, elle jetait machinalement un regard à l’intérieur. Quelques pas de plus et elle s’arrêtait net alors que ce qu’elle venait de voir arrivait à son cerveau. Elle trainait des pieds à reculons, sorte de moonwalk pas très réussi, s’arrêtant devant les portes du bar qui étaient grandes ouvertes pour en avoir le coeur net. Marceline était là, installée à une table pas très loin de la porte, on ne voyait qu’elle… enfin Jiyeon ne voyait qu’elle … Elle et… une brune qui avait le culot de poser sa main sur celle de la blonde. Sans trop savoir ce qui lui prenait, Jiyeon oubliait le Saucibar, Hugo et la faim qui lui tordait le ventre (enfin était-ce vraiment la faim ou cette vision d’horreur ?) et rentrait dans le bar d’un pas décidé. Sans dire un mot elle se glissait sur la banquette, juste à la droite de Marceline, fusillant du regard la brune qui était installée à la gauche de sa blonde. Elle attrapait la pinte qui se trouvait devant Marceline pour en piquer une ou deux gorgées avant de la reposer, sans quitter des yeux l’inconnue qui semblait déjà très mal à l’aise et qui avait, par conséquent retirer sa main de celle de Marceline. Jiyeon comptait bien la dévisager jusqu’à ce qu’elle ne parte.

Gold cage, hostage to my feelings

Met you in a bar
All eyes on me, your illusionist
All eyes on us
I make all your gray days clear and
Wear you like a necklace
I'm so chill, but you make me jealous
But I got your heart
Skippin', skip-skippin' when I'm gone

Le date se passait bien - étrangement bien. C'était l'amie d'une amie, on s'était rencontrées en soirée, et quand j'étais rentrée chez moi, le répertoire de mon téléphone avait gagné un numéro : Sofia, 5896-5879. Elle était grande, brune, avec des pommettes marquées et des fossettes quand elle souriait. Ses sourcils étaient arqués, surtout quand elle écoutait attentivement une histoire, et ses doigts étaient remplis de bagues dorées qui attrapaient la lumière lorsqu'elle agitait ses mains. Elle me plaisait : elle était assurée, drôle, avec du répondant. On s'était retrouvé en fin d'après-midi, et on avait marché ensemble, riant et discutant, avant de s'installer dans un bar. Elle était en train de me raconter qu'elle savait lire les lignes de la main, et elle s'était installée à côté de la banquette pour prendre ma paume et tracer les lignes, les analyser. Croyez le ou non, mais ce n'était pas la première fois qu'une fille me faisait le coup des lignes de la main pendant un rendez-vous amoureux : c'était assez commun chez les femmes queer de s'intéresser à l'astrologie, ce genre de choses, et on m'avait déjà fait ma charte astrale en plein date - on m'avait même planté en plein date à cause de ma charte astrale. Visiblement ma lune en scorpion n'était pas au goût de tout le monde.

J'en avais fait beaucoup, des rencarts, et je connaissais les codes, assez pour savoir quand l'alchimie était là ou non. Sofia frôla ma paume gauche, et je sentis les petits fils électriques dans mon estomac : oui, ils étaient bien allumés, quelque chose se passait. Cela me faisait du bien, après quelques mois où j'avais mis de côté ma vie amoureuse et sexuelle pour privilégier ma carrière - ou du moins, c'était ce que je me racontais pour ne pas avouer que j'enchaînais simplement les échecs et que je commençais à perdre patience. La trahison de Mac m'avait brûlée - ce n'était pas la première, mais c'était celle de trop - et l'inconsistance de Jiyeon m'épuisait. J'essayais tant bien que mal de tenir mes distances avec elle, mais elle ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Il fallait dire que moi aussi, parfois, après quelques verres, je n'étais pas très cohérente non plus. Mais je savais ce que je voulais : quelqu'un de stable, de fidèle, et en regardant les yeux de Sofia, je me pris à rêver que c'était elle, peut-être. De tous les premiers dates que j'avais fait, c'était définitivement l'un des meilleurs.

Rien, donc, n'aurait pu me laisser deviner la suite. Car si on m'avait déjà fait le coup des lignes de la main, on ne m'avait jamais, mais jamais fait le coup de débarquer en plein milieu de mon date : je sursautai quand je sentis quelqu'un s'installer à côté de moi, et je poussai une petite exclamation en reconnaissant Jiyeon. Non mais qu'est-ce qu'elle fichait là ?

« Euh, Jiyeon, qu'est-ce que tu fous ? » Demandai-je, complètement prise de court. « Je, euh, c'est une amie à moi. » Expliquai-je à Sofia. Mais c'était déjà trop tard : elle me regardait, mal à l'aise, semblant comprendre quelque chose ; elle s'écarta de moi, comme pour s'éloigner.« Je... Je crois que je vais vous laisser... » Commença-t-elle. « Non, hors de question, » coupai-je, autoritaire. Sofia me fit un petit sourire d'excuse.  « Marceline, je passe un super moment, mais je suis déjà sortie avec une fille qui n'était pas au clair avec son ex, et franchement, je n'ai pas envie de revivre ça. » « Jiyeon n'est pas mon ex ! » M'exclamai-je, en poussant Jiyeon pour qu'elle quitte la banquette, les joues brûlantes d'humiliation et de colère.

@Jiyeon Park 

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@Marceline Griffiths  

« Euh, Jiyeon, qu'est-ce que tu fous ? » Jiyeon ne répondait pas ne lâchant pas des yeux l’inconnue. « Je, euh, c'est une amie à moi. » expliquait alors Marceline, qui avait l’air mortifiée. Amie, amie… ouais c’est ça. Si on passait parfois la nuit avec ses amies et qu’on leur roulait des patins ! Jiyeon préférait ne pas relever, continuant son petit jeu, le regard perçant planté sur la brune qui semblait enfin sur le départ. En même temps n’importe qui dans cette situation aurait préférer partir, surtout vu le regard noir que Jiyeon lui lançait. « Non, hors de question, » La retenait Marceline. La coréenne lâchait brièvement du regard l’autre potiche pour lancer un regard électrique à la blonde. D’où elle la retenait ?! C’était une blague ? « Marceline, je passe un super moment, mais je suis déjà sortie avec une fille qui n'était pas au clair avec son ex, et franchement, je n'ai pas envie de revivre ça. » Gngngn, "je passe un super moment", Jiyeon levait les yeux au ciel, s’impatientant, elle avait presque envie de l’aider à prendre son sac et lui montrer la sortie. « Jiyeon n'est pas mon ex ! » répondait aussitôt Blondie. « En effet je n'suis pas son ex… » convenait-elle enfin, attrapant la main de Marceline, la forçant à entre-mêler leurs doigts. « Je suis sa petit-copine. Donc prend tes affaires et va voir ailleurs avant que je m'énerve. » Lâchait-elle sur un ton glacial, le regard de nouveau planté sur celle qui, clairement était de trop ici. Elle lui indiquait d’un signe de la tête la sortie et déjà la jeune femme se levait, récupérant son sac à main et son smartphone qui était sur la table. Qui aurait cru qu'une petite coréenne pouvait faire aussi peur ! Sofia était sur le point d’ajouter quelque chose mais Jiyeon la coupait avant même qu’elle n’ait le temps d’émettre un son: « Aller, aller ! Pas la peine de trainer, on te retiens pas. » Baissant la tête dans une petite moue déçue, elle partait enfin et Jiyeon se surprenait à lâcher un soupire de soulagement une fois l’inconnue sortie de son champs de vision, reposant son dos au fond de la banquette, laissant tomber le rôle de tigresse qu'elle avait endossée en arrivant ici. Elle reportait son attention sur Marceline qui était toute rouge. « C’est à cause des fossettes ? C’est ça ? Je sais bien que j’en ai pas mais c’est pas une raison pour me faire ça. » admettait-elle, sérieusement, lâchant enfin la main de la blonde pour lui piquer une nouvelle fois sa pinte et en prendre quelques gorgées. C’est que jouer les méchantes comme ça, ça donnait soif mine de rien ! Elle ne réalisait pas encore ce qu'elle venait de faire, ni même pourquoi elle l'avait fait, mais maintenant que l'autre pot de colle était partie elle se sentait déjà mieux.

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« En effet je n'suis pas son ex… Je suis sa petit-copine. Donc prend tes affaires et va voir ailleurs avant que je m'énerve. »
« Ji ! » M’exclamai-je, et je me tournais vers Sofia, paniquée : « Non, ce n’est pas ce que tu crois ! »

Mais c’était trop tard, la situation m’échappait trop vite, et je me sentis glisser hors de moi, observant la scène, avec cette sensation un peu irréelle. Ce n’était pas possible, Jiyeon n’était pas en train de faire ça, pas vraiment ? Elle dégageait une énergie si forte et si hostile, je sentais Sofia complètement éteinte, probablement en train de s’imaginer raconter ce date désastreux à ses amies. “Et là, devine quoi… Sa meuf ! Si, je te jure !”. Dans mon imagination trop rapide, notre futur s’envolait en éclat, effaçant notre l’appartement que nous aurions pu avoir, les plantes qu’on aurait acheté, les dimanches matins au lit. C’était ridicule, oui, mais je l’avais visualisé, ou plutôt, j’avais voulu y croire, comme je faisais à chaque fois. Je l’avais fait la première fois que j’avais embrassé Jiyeon - je me projettais toujours - mais nous avions mis fin à tout ça pour une raison clair : nous ne voulions pas la même chose. Elle était en couple avec Ethel, bordel !

« Aller, aller ! Pas la peine de trainer, on te retiens pas. »

Je restais assise, muette, les joues rouges, fixant ma pinte. C’était pas possible : Jiyeon était folle, en fait ? Au fond, je n’étais pas surprise - les drames de dating queer pouvaient être bien plus compliqués que les gens ne l’imaginaient, et ce n’était pas la première fois que je me retrouvais dans des situations gênantes. Mais là… Là, non. C’était trop. Venant de Jiyeon, en plus ?!

« C’est à cause des fossettes ? C’est ça ? Je sais bien que j’en ai pas mais c’est pas une raison pour me faire ça. »

Je regardai Jiyeon, clignant plusieurs fois des yeux. Non, mais…

« Non, ce n'est pas les fossettes, c'est l'absence de peur de l'engagement. » Répondis-je, glaciale.

J’inspirai.

« Je n’arrive pas à croire que tu viens de faire ce que tu viens de faire. » Je la fixai, tout mon corps tremblant d’une colère froide. J’imaginais lui jeter mon verre à la figure, mais la honte d’un geste si excessif me stoppa.   « Ce n’est pas toi qui a dit la dernière fois qu’on était pas ensemble ? » Je me souvenais très clairement de ces mots :  “J’en reviens pas que tu sois entrain de me larguer alors qu’on sort même pas ensemble.”. Je sentais que je commençai à hausser la voix ; j’avais envie de tout faire d’une scène au milieu d’un endroit où on pouvait me voir, m’entendre, et où toute ma vie privée pouvait être affichée dans les tabloids le lendemain. Mais j’étais tellement en colère que je sentais mes mains qui tremblaient. « T’es encore ivre d’hier ou quoi ? Tu me confonds avec Ethel ? Oui, ta copine. Donc tu as le droit d’être en couple et pas moi ? C’est quoi ton problème ?!»

@Jiyeon Park

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@Marceline Griffiths  

Marceline avait eu beau protester, rien à faire, le parasite prenait la fuite sous le regard satisfait de Jiyeon. Mission accomplie. Pourquoi elle avait fait ça ? …. Elle n’en était pas très sur, une sorte de pulsion qu’elle n’avait eu d’autre choix que d’écouter, elle avait vu un danger et elle avait agi, c’est tout. Pourtant visiblement Marceline n’était pas reconnaissante, bien au contraire. « Non, ce n'est pas les fossettes, c'est l'absence de peur de l'engagement. » « Ooook blondie, pas besoin d’attaquer comme ça… » Soufflait-elle en écarquillant les yeux, attrapant une nouvelle fois la bière de la blonde pour la faire glisser sur la table avant de la soulever pour en prendre une nouvelle gorgée. Elle aurait bien pris un ou deux shots avec ça, histoire de faire passer ce moment gênant. « Je n’arrive pas à croire que tu viens de faire ce que tu viens de faire. » Elle non plus honnêtement… Jiyeon n’avait jamais vu Marceline dans cet état là. Elle faisait un peu peur quand même, assez en tout cas pour que la coréenne repousse la bière face à sa propriétaire. « Ce n’est pas toi qui a dit la dernière fois qu’on était pas ensemble ? » Damn elle avait une bonne mémoire en plus, c’est vrai qu’elle avait dit un truc dans ce genre là, mais bon, elle disait beaucoup de chose, ça ne voulait pas dire qu’elle pensait tout ce qui franchissait ses lèvres. « T’es encore ivre d’hier ou quoi ? Tu me confonds avec Ethel ? Oui, ta copine. Donc tu as le droit d’être en couple et pas moi ? C’est quoi ton problème ?!» Elle attaquait de plus belle et le regard de Jiyeon s’assombrissait aussitôt, sa bouche se transformant en une moue boudeuse. Évidemment Marceline marquait un point, c’était difficile de la contre dire là dessus. Pourquoi Jiyeon aurait le droit d’aller voir ailleurs et pas l’actrice ? C’était gonflé… très gonflé. « Je suis tout à fait sobre. Enfin… » Elle pointait la bière de Marceline du doigt. « … j’ai bu de ta bière mais sinon : sobre. » Et le ventre toujours aussi vide, mais ça c’était un autre détail. Le regard glacial de la blonde lui avait un peu coupé l’appétit. « Et je ne te confond pas avec Ethel, t’as rien à voir avec elle… vraiment rien à voir. » assurait-elle, à deux doigts d’ajouter « t’es beaucoup mieux qu’elle » mais se retenant, venant croiser ses bras sur sa poitrine, enfonçant son dos au fond de la banquette. Oui Ethel ne lui faisait pas du tout le même effet que Marceline, c’était certain. Elle échappait un petit soupire, se mordant la lèvre inférieur, réfléchissant comment justifier ce qu’elle venait de faire… Comment ne pas vraiment s’excuser, parce qu’au fond elle n’était pas désolée, au contraire, elle était contente que l’autre nana soit partie. Elle passait une main dans sa tignasse sombre avant de se lancer. « Je t’ai vu avec cette meuf, j’ai pas aimé, c’est tout. » déclarait-elle premièrement, le regard fuyant, continuant de se mordiller la lèvre comme si ça allait l’aider à réfléchir. « Tu devrais être contente je t’ai épargné un date boring. » Ajoutait-elle en se redressant sur son siège, passant de l’honnêteté à la mauvaise foi en quelques secondes, mais visiblement elle était plus à l’aise avec cette option là, l’honnêteté étant trop vulnérable à son gout. « Franchement… elle faisait quoi à te tripoter la main comme ça ? C’est une fétichiste?? C’est chelou ! » ajoutait-elle sérieusement. « Tu mérites mieux. »  Et Jiyeon était mieux ? C’était ça la conclusion de l’histoire ? Nope, clairement ça ne tenait pas debout et même la coréenne le savait. Ça l’embêtait de ne pas réussir à expliquer clairement ce qu’elle venait de faire, pourtant au fond elle savait : elle était jalouse. C’était pas quelques choses qui lui arrivait souvent, pas comme ça en tout cas. Normalement elle prenait ses distances avant d’en arriver là. Elle ne se reconnaissait pas.

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Je ne pouvais pas nier que j'avais espéré plusieurs fois qu'un jour Jiyeon se réveille, qu'elle me dise que finalement non, elle voulait être avec moi, elle voulait changer pour moi ; mais j'avais appris à m'habituer à sa légereté, à ses textos ivres qui ne me donnaient jamais exactement ce que je voulais, à sentir l'amertume quand j'embrassais ses lèvres. Alors je m'étais écartée, j'avais décidé que l'on resterait amies, et pour une fois, j'avais voulu être mature. Mais maintenant, Jiyeon se comportait ainsi, sans me donner exactement ce que je désirais : elle me faisait une espèce de crise de jalousie sans pouvoir la nommer, pour quoi, pour m'humilier ? Elle ne comptait pas changer sa façon d'être, elle avait sa copine maintenant, son maudit couple ouvert, donc c'était quoi son délire là ?!

« Je suis tout à fait sobre. Enfin… j’ai bu de ta bière mais sinon : sobre. » Visiblement, elle n'avait pas compris que je lui avais posé une question rhétorique, et elle me répondait comme si j'étais sincèrement curieuse de son taux d'alcoolémie. J'avais envie d'hurler de la voir faire comme si de rien était. « Et je ne te confond pas avec Ethel, t’as rien à voir avec elle… vraiment rien à voir. » Je clignais plusieurs fois des yeux. Non mais elle ne manquait vraiment pas d'air. « C'est censé être un compliment ou une critique ? » Répliquai-je, froidement.

Quoi, Ethel était géniale, moi non ? Ou l'inverse ? Qu'est-ce que Jiyeon foutait là dans tous les cas ?!

« Je t’ai vu avec cette meuf, j’ai pas aimé, c’est tout. Tu devrais être contente je t’ai épargné un date boring. »

Non mais là, c'était la meilleure : j'étais tellement soufflée par sa logique complètement incohérente que je restais silencieuse, la bouche entrouverte.

« Franchement… elle faisait quoi à te tripoter la main comme ça ? C’est une fétichiste?? C’est chelou ! » Je m'apprêtai à répliquer, mais Jiyeon continua : « Tu mérites mieux. »

C'était la goutte d'eau de trop. Il me fallut tout l'effort du monde pour ne pas me mettre à hurler ou exploser en sanglots. Au fond de moi, quelque chose se compressait horriblement et me faisait mal, et je ne pouvais pas m'empêcher de me demander quelle malédiction me mettait toujours sur la route de filles comme Jiyeon, pourquoi j'étais destinée à toujours me mettre dans des relations où je n'obtenais jamais ce que je voulais. Jiyeon n'était même pas capable de s'investir pour moi, elle ne pouvait qu'être vaguement jalouse et instable, méchante même, et pulvériser mon coeur par la même occasion. Elle s'amusait, pour elle ce n'était qu'une vague dispute dans un bar, tandis que je me sentais coincée dans le même film sans fin. J'eus une pensée pour Mac, et sa foutue copine Margot qu'elle m'avait cachée, je pensais à toutes mes exs qui s'empilaient, à tous les drames, les déchirures. J'inspirai.

« C'était mon date, Jiyeon, c'est pas à toi de décider pour moi, je date qui je veux, j'ai le droit de dater qui je veux. Je te rappelle que c'est toi qui n'a pas voulu qu'on soit ensemble. Et le date se passait très bien. Elle s'intéressait vraiment à moi, » ajoutai-je et soudain je remarquai honteusement que mon menton s'était mis à trembler et que j'étais à deux doigts de me mettre à pleurer. Je détestais mes émotions toujours trop fortes, surtout face à Jiyeon et son éternel détachement. J'avais l'impression d'être dans une impasse, d'être humiliée, et la colère coula sur moi, effaçant mes larmes, les chassant pour me protéger. Je me redressai, j'haussai ma voix, tout à coup cassante - je détestai quand je devenais ainsi, je ne me reconnaissais plus : « Mais t'as raison, je mérite mieux. Mieux qu'une fille comme toi qui a trop peur de souffrir et qui préfère ne pas s'attacher. C'est tellement immature, t'es même pas capable d'être vulnérable avec qui que ce soit. » J'eus un petit rire mauvais. « Tu crois quoi, que je vais rester à ta disposition et me contenter de quelques textos pathétiques quand t'es ivre, et t'attendre pendant que tu te tapes Ethel, et qu'en plus tu peux ruiner mes dates ? Tu te prends pour qui ? »


@Jiyeon Park  

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@Marceline Griffiths  

« C'est censé être un compliment ou une critique ? » C’était un compliment évidemment, mais sans rien ajouter ça restait ouvert à interprétation, ce qui semblait énerver encore plus la blonde. S’ajoutant à ça les arguments totalement bancales de Jiyeon, qui ne faisaient que jeter de l’huile sur le feu… Jiyeon perdait totalement le contrôle de la situation.  « C'était mon date, Jiyeon, c'est pas à toi de décider pour moi, je date qui je veux, j'ai le droit de dater qui je veux. Je te rappelle que c'est toi qui n'a pas voulu qu'on soit ensemble. Et le date se passait très bien. Elle s'intéressait vraiment à moi, » Jiyeon ne la quittait pas des yeux, notant qu’elle était sur le point de pleurer. La coréenne sentait son coeur s’enfoncé dans sa poitrine, elle avait envie de la prendre dans ses bras, de s’excuser… elle n’avait pas envie de la faire pleurer. Mais déjà les larmes qui semblaient perlés au coin des yeux bleus de Marceline disparaissaient, et la blonde se redressait, le regard froid, le ton cassant : « Mais t'as raison, je mérite mieux. Mieux qu'une fille comme toi qui a trop peur de souffrir et qui préfère ne pas s'attacher. C'est tellement immature, t'es même pas capable d'être vulnérable avec qui que ce soit. » Ces remarques frappaient Jiyeon en pleine figure, la déstabilisant. Elle qui était si sur d’elle d’habitude, voilà qu’elle était totalement troublée. Jamais on ne lui avait craché ce genre de chose au visage, et jamais elle n’aurait imaginé Marceline la traiter comme ça. Sweet Marceline, elle qui semblait toujours totalement sous son charme, qu’elle pouvait contrôler comme elle le voulait.… Voilà que la situation lui échappait. Elle avait l’impression de se prendre une gifle. « Tu crois quoi, que je vais rester à ta disposition et me contenter de quelques textos pathétiques quand t'es ivre, et t'attendre pendant que tu te tapes Ethel, et qu'en plus tu peux ruiner mes dates ? Tu te prends pour qui ? » Pour le coup c’était au tour de Jiyeon d’avoir des larmes qui lui montaient aux yeux. Elle baissait aussitôt la tête, refusant d’être vu ainsi. Elle pleurait rarement et jamais en publique, les larmes c’étaient à la maison uniquement, bien cachée sous sa couette. Elle prenait une profonde inspiration, tentant de sa calmer alors que son coeur lui hurlait de partir, prendre la fuite, comme elle le faisait toujours. Elle savait bien qu’elle aurait du couper les ponts avec Marceline, qu’elle aurait du s’éloigner avant d’en arriver là. Elle avait été trop arrogante, pensant certainement que jamais elle ne serait la victime dans ce scénario, la place étant déjà prise par Marceline, l’éponge à sentiments. Elle c’était naïvement cru en sécurité, pensant garder suffisamment ses distances, sans se rendre compte que même en jouant les filles détachée, elle c’était laissé charmer par son amie. Marceline avait raison, elle était immature, c’était un fait et il n’y avait pas qu’en amour qu’elle l’était malheureusement. « J’suis désolée… » soufflait-elle, la tête toujours baissé, cachée derrière ses longues mèches brunes. « J’avais pas envie de te voir avec quelqu’un d’autre… c’est égoïste je sais… » ajoutait-elle, venant essuyer rapidement ses larmes d’un revers de main avant de relever la tête pour planter ses yeux dans ceux de Marceline. « Je t’aime bien ok? Vraiment bien. Et je sais pas quoi faire du coup. Je pensais pouvoir te ghoster mais j’ai pas eu la force. Alors je me suis mise avec Ethel, pensant que ça allait me faire oublier un peu ce que je ressentais pour toi… » Lâchait-elle rapidement, prenant tout son courage pour dire tout ça avant de, de nouveau, baisser la tête, venant nerveusement jouer avec la bague qui se trouvait sur son index gauche. « Mais là je te vois avec quelqu’un d’autre et ça me rend folle… Parce que je te veux que pour moi. » Elle avait rarement été aussi sincère et aussi vulnérable, elle était vraiment à deux doigts de se lever et partir en courant pour aller se cacher au Saucibar. Elle sentait son estomac se nouer en attendant une réponse de Marceline.

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Quelque chose avait changé en moi, un poids imperceptible qui basculait le centre de gravité et soudain ma voix était froide, mes gestes secs, l'écho de mes battements de cils prêt à briser les barrières de Jiyeon. À ma grande surprise, elle ne se mua pas comme moi en un mur de froideur, au contraire, quelque chose sembla la déséquilibrer et elle me parut tout à coup minuscule sur la banquette du bar. Elle était blessée par ce que je lui disais, j'avais vu juste, et je me sentais ridiculement triomphante. Je ne savais pas comment communiquer avec elle sans l'attaquer - j'étais une Griffiths après tout, biberonnée aux attaques passives agressives, aux non-dits. J'étais incapable de simplement m'asseoir et de dire calmement à Jiyeon qu'elle me faisait de la peine parce qu'elle me plaisait, et que je me sentais inadéquate de ne pas pouvoir être ce qu'elle voulait, assez pour qu'elle change. C'était trop dangereux, plus facile d'attaquer.

« J’suis désolée… » Jiyeon s'excusait, c'était une première. Mais le sang battait toujours dans mes tempes. La machine était lancée. « J’avais pas envie de te voir avec quelqu’un d’autre… c’est égoïste je sais… » Elle... Avait les larmes aux yeux ? Une boule d'émotions contradictoires me prit : je me sentais coupable, j'avais envie que tout s'arrête, de lui dire d'oublier toute cette histoire, et pourtant, j'avais l'impression d'avoir enfin le dessus dans cette histoire, d'avoir le contrôle, et cela me grisait. Il fallait que cette fierté mal placée se taise, que quelque chose l'efface, mais je sentais qu'elle prenait le dessus, se répandant dans mes veines à une vitesse folle.

« Je t’aime bien ok? Vraiment bien. Et je sais pas quoi faire du coup. Je pensais pouvoir te ghoster mais j’ai pas eu la force. Alors je me suis mise avec Ethel, pensant que ça allait me faire oublier un peu ce que je ressentais pour toi… » Je restais muette, cachant ma surprise. Je ne savais pas exactement quoi ressentir. « Mais là je te vois avec quelqu’un d’autre et ça me rend folle… Parce que je te veux que pour moi. »

C'était exactement ce que j'attendais que Jiyeon me dise depuis des semaines, et j'aurais dû être contente. Mais au fond, ça ne changeait rien : oui, elle m'aimait bien, je l'avais plus ou moins compris, mais ça ne changeait rien, elle n'était pas du genre monogame ou sérieuse... Elle m'aimait bien, mais ça ne suffirait pas, et cela me mettait en colère, je me sentais à nouveau encore prise au dépourvu et je voulais retrouver ce contrôle que j'avais ressenti dans ma froideur. Je serrai les dents. Le train était lancée à toute vitesse, je ne savais pas faire demi-tour. Pas quand je me sentais à la merci de mes sentiments, de Jiyeon, qu'elle m'avait humiliée devant Sofia. Pas quand je réalisais que nous avions peut-être une chance et que cela me terrifiait aussi.

« Alors tu aurais pu être courageuse et me le dire au lieu de m'humilier en plein date. » Sifflai-je. « J'en ai marre qu'on joue avec mes sentiments simplement parce que tu es perdue, que tu ne sais pas quoi faire... J'en ai marre d'espérer que tu changes. » Je me levai et jetai un dernier regard à Jiyeon. C'était stupide : si seulement les sentiments ne s'en étaient pas mêlés, elle aurait pu être une de mes meilleures amies. « Laissons tomber. On ne changera pas. » Elle comme moi.

(terminé)

@Jiyeon Park