Il était sorti furtivement au moment même où il s’était senti coincé et c’était peut-être bien là tout l’art des kleptomanes de son genre. Greta n’était pour lui à première vue qu’une héritière sans cervelle incapable de déceler la moindre malice quand à l’arrivée d’un inconnu par son armoire. Mais il ne lui avait fallu qu’une trentaine de minutes en sa compagnie et la vision de ce qui ressemblait à son collier et pendait de sa poche pour comprendre : l’inconscient avait commis un larcin. Le marché qu’elle lui avait proposé était simple et équitable selon elle, elle souhaitait qu’il l’aide à survivre et en échange ne dirait rien sur ce qu’il trafiquait à bord. « Mon marché n’était pas assez intéressant pour vous ? » avait-elle commencé en le retrouvant sur le pont. La cabine prenait l’eau et sa vie n’y était pas moins en danger alors elle l’avait suivi sans trop hésiter. « Rendez-moi mon collier, au moins ! » Le jeune homme continuait à marcher droit devant lui en l’ignorant complètement et la situation commençait à fortement agacer Greta, qui tenait peut-être plus à ses possessions qu’à sa propre vie. « Cette personne n’a pas de billet ! » Un coup de bluff et le vent pouvait tourner pour cette personne beaucoup trop arrogante. Greta n’avait pas songé que les gens n’en avaient à présent que faire de la légitimité des passagers et qu’une seule chose comptait : le crâne de bunyip. Dès bunyip judgment alertés par les cris de la blonde visiblement moins efficace dans l’art de passer inaperçue. Ils étaient maintenant ensemble, coincés contre les barrières du pont par trois bunyip, un monstre difficile à définir.  Elle se retenait. Elle faisait de son mieux pour se retenir. « Vous allez être bien obligé de m’aider maintenant, à moins qu’en plus d’être un voleur vous soyez également un meurtrier… » avait-elle murmuré à Ambrose derrière qui elle s’était réfugiée.

« Mon marché n’était pas assez intéressant pour vous ? » Des bruits. Voilà tout ce qu’elle représente. Quelques bruits derrière lui, le même genre de ceux qui se noient et tentent de respirer un peu d’air, en vain. Au lieu de ça, leurs poumons se remplissent d’eau. « Rendez-moi mon collier, au moins ! » La demande lui arrache un certain sourire. Bien sûr que non, il ne lui rendra pas ce collier. Il était là pour le voler et il a réussi, alors pourquoi choisirait-il de soudainement revenir en arrière ? Après tout, elle aurait dû s’en rendre compte avant si elle y tenait tant. Maintenant, Ambrose considère qu’il est à lui. Il continue de marcher, éternellement fier, éternellement arrogant, certain qu’elle en aura marre bien avant lui, ou mieux encore: qu’à la prochaine vague, elle passera elle aussi par dessus bord. « Cette personne n’a pas de billet ! » Et si le premier réflexe du brun a été de se retourner en sa direction dans le but de poser sa main contre sa bouche et la menacer de se taire à jamais ou qu’il la fasse taire, les choses s'enchaînent rapidement.

Des bêtes immondes à l’allure qui ferait trembler les pires créatures des Enfers se dressent désormais devant eux, au nombre de trois, les acculant à l’avant du bateau, l’océan comme seul échappatoire. « Vous allez être bien obligé de m’aider maintenant, à moins qu’en plus d’être un voleur vous soyez également un meurtrier… » - “Tu veux vraiment connaître la réponse ?” Il n’a pas d’honneur, pas de foi, et certainement pas de loi. Si elle continue de l’agacer ainsi, il la fait lui-même passer par dessus bord, et osez lui demander s’il en retiendra quelconque remord: la réponse est non. Pourtant, il y a une chose qu’il ne peut pas nier pour l’heure: l’union fait la force. Même si elle se contente de se cacher derrière lui et amenuir son champ d’action, il est certain qu’elle trouvera son utilité, à un moment ou à un autre - ne serait-ce que pour leur servir d’amuse bouche. “Si tu te l’étais fermé, on en serait pas là.” Il gronde alors, la tête tournée en sa direction sans pour autant l’avoir dans son champ de vision. La blonde est trop bien cachée derrière lui pour cela et il s’agace de la pression de ses mains contre son bras, s’en dégageant rapidement. “Tu sais courir au moins ? Y’a une trappe, juste là. On pourrait s’y faufiler.” Simplement, ils vont avoir besoin d’un leurre pour attirer l’attention des immondes Bunyip ailleurs ; et il faut trouver vite, parce qu’aucun ne semble prêt à attendre pour manger son repas, en témoigne le pas en arrière esquissé par l'australien lorsqu'ils en font un en avant.

Greta tentait d’être incisive pour éviter au voleur de s’accorder un peu trop d’importance et de continuer à tenter de la déstabiliser. Certes, le navire était voué à sa perte et ils ne se sortiraient probablement pas de là vivants mais cela ne justifiait pas la façon qu’il avait de prendre les choses à la légère. “Tu veux vraiment connaître la réponse ?” Il ne manquait pas de ressources et continuait sur le même schéma, essayant de lui faire peur dans le but de la voir fuir mais c’était sans compter sur la coriacité de la jeune femme. Leur échange avait été interrompu rapidement par l’arrivée des bunyip droit sur eux et si Greta ne saurait probablement jamais si le jeune homme était un meurtrier, présentement, il lui servirait de bouclier. “Si tu te l’étais fermé, on en serait pas là.” Greta s’agrippait à son bras et il s’était défait de son emprise en un mouvement aussi brusque que le ton qu’il employait. Certes, elle avait peut-être attiré les monstres à eux mais le dire tout haut n’allait pas leur permettre de s’échapper des griffes de ces choses. “Tu sais courir au moins ? Y’a une trappe, juste là. On pourrait s’y faufiler. « Maintenant, oui, je vais pouvoir courir. » Un éclair de génie lui était parvenue - s’ils bougeaient d’un millimètre à ce moment là, ils se feraient attraper. Elle avait enlevé ses talons et avait profité de l’occasion pour en lancer un le plus fort qu’elle pouvait vers les bêtes pour leur faire détourner le regard juste assez longtemps pour permettre aux deux compères de se glisser dans la trappe. « Je tiens à signaler que je viens de vous sauver la vie. » Parce qu’il avait trouvé une échappatoire mais c’était elle qui leur avait permis de s’y engouffrer sans que les monstres ne les en empêchent. Sans cette distraction, il y avait fort à parier que la tentative de fuite aurait été vaine et qu’ils auraient fini dévorés. Alors qu’ils venaient de passer par la trappe et évaluaient le nouvel environnement, Greta avait profité du moment d’inattention d’Ambrose pour tirer discrètement sur la chaîne en or qui pendait encore de son jean - le garçon était plein de ressources mais très peu attentif aux détails - pour récupérer son bien.

« Maintenant, oui, je vais pouvoir courir. » Tant mieux pour elle ; dans le cas contraire, elle aurait été un met de choix pour ces animaux. Néanmoins, tout va trop vite pour qu’il lui en fasse la remarque, lui-même accaparé par le spectacle de ses chaussures volant de l’autre côté du bateau, geste assez intéressant pour occuper les Bunyip à leur tour et leur laisser la maigre fenêtre d’ouverture dont ils ont besoin. Ainsi, il attrape l’avant-bras de la jeune femme uniquement pour s’assurer qu’elle le suive et, aussi vite qu’il le peut, ses pas le mènent jusqu’à la trappe qu’il déverrouille rapidement grâce à un mécanisme simple ô possible.

Le souffle court, le coeur battant la chamade, Ambrose s’octroie enfin une seconde de répit alors qu’il s’adosse au mur et s’y laisse tomber, non sans avoir vérifié que la trappe était bien refermée et inaccessible à de tels bêtes. « Je tiens à signaler que je viens de vous sauver la vie. » - “Et quoi alors, tu veux une récompense ?” Elle lui a sauvé la vie à lui, oui, peut-être, mais il est conscient que c’est la sienne propre qu’elle voulait se sauver, alors il ne la remerciera pas outre mesure.

“Je te le reprendrai tu sais.” Il n’a pas eu le réflexe de l’arrêter dans son geste lorsqu’il a senti la chaine glisser de la poche de son pantalon détrempé, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne s’en est pas rendu compte une fois assis, quand sa main a naturellement cherché l’objet de son larcin, sans le trouver. “Je repartirai pas de ce bateau de malheur sans une petite fortune en main.” Il ne veut pas être passé par toutes ces aventures, tous ces problèmes, tous ces jeux malsains sans avoir quelque chose à revendre sur le marché noir et de quoi lui assurer un avenir serein: hors de question. Ce collier, c’est sa récompense à lui.

Il était de ceux de qui il était impossible d’obtenir quoique ce soit. Il n’était pas difficile de comprendre qu’il était égoïste et animé par une seule et unique chose : l’argent. Son arrogance ne le quittait jamais et son visage entier exprimait un certain mépris et la blonde se demandait si cette expression était constante et si elle était dûe à sa simple personne ou également aux événements. “Et quoi alors, tu veux une récompense ?” La question était théorique mais Greta ne s’attendait à rien venant d’un voleur mais un simple soupçon de gratitude de sa part lui aurait remis un peu de baume au cœur. Réagir aussi rapidement dans une pareille situation était assez impressionnant pour être salué. Mais elle ne s’était pas démontée et avait répondu sur le même ton. « Je n’attends rien de vous. » Tout avait commencé dans une armoire et finissait dans une pièce tout aussi exiguë. Visiblement, la proximité obligatoire des lieux où ils ne cessaient de se perdre ne semblait pas être suffisante pour les rapprocher. “Je te le reprendrai tu sais.” Et alors que Greta pensait qu’elle avait été discrète, il lui avait dit le contraire et prouvé par la même occasion que le vol était un vrai métier dont le garçon semblait maîtriser toutes les ficelles. “Je repartirai pas de ce bateau de malheur sans une petite fortune en main.” Elle n’en doutait pas. « Mais comment as-tu réussi à rentrer dans ma cabine ? » La sécurité de la Marelle semblait pleine de failles mais cela était de moindre importance au milieu de la tempête et des monstres. Essayer de le raisonner ne servait à rien alors elle allait tenter de le comprendre et de l’amadouer d’une autre façon, même s’il lui semblait que le garçon ne se laisserait pas si facilement avoir. Comment pouvait-il créer des liens sociaux avec un pareil caractère ? Greta avait laissé tomber le vouvoiement pour tenter de créer une proximité dont il ne voudrait sûrement pas mais c’était plus fort qu’elle, elle devait parler, lui trouver une faille pour pouvoir récupérer son collier. « Ou même sur le bateau ?» Parce que c’était bien la l’exploit, elle était persuadée qu’il n’avait même pas de quoi se payer le billet d’entrée le plus basique. Ils étaient bloqués et la suite serait difficile à supporter si le silence venait s’ajouter au climat de terreur.

« Mais comment as-tu réussi à rentrer dans ma cabine ? Ou même sur le bateau ?» Elle est amusante, l’inconnue. De toutes les questions qu’elle aurait pu poser, de tous les sujets auxquels elle aurait pu penser, tout ce qui l’intéresse se résume à la présence d’Ambrose à bord. Pourquoi donc ? Elle n’est pas de la police, pas de l’immigration non plus, ni même d’un quelconque corps de métier qui pourrait s’en rapprocher et expliquer son intérêt pour la question. “J’ai volé le badge et les habits d’un membre d’équipage.” Qui, lui, est resté à terre. Et finalement, c’est sans doute la meilleure chose qui lui soit arrivée de toute sa vie, sans même que ce dernier n’en ait conscience. Ambrose lui a fait une fleur, lui l’homme au grand coeur - qui l’eut cru, pas vrai ?

“T’sais, je me moque que la mort nous attende derrière cette trappe. Rends moi ce collier.” Il annonce alors, ses yeux dans les siens, en même temps qu’il se relève en laissant ses avant-bras prendre appui sur ses genoux. Il a gagné ce bijoux, il l’a volé. Elle, elle ne l’a pas fait assez subtilement ; et de toute façon peu importe, il n’existe aucune règle dans leur monde. Ici, dans cet espace réduit, il pourrait aisément avoir l’avantage et le dérober à son corps froid. Pourtant, il ne le fait pas et tente plutôt la version douce, calme, posée. Elle a intérêt à répondre par la positive à sa requête, Constantine n’ayant jamais été du genre patient dans ses demandes. Elle le lui donne, ou il le prendra lui-même, comme en témoigne le premier pas qu’il esquisse déjà en direction de la jeune femme qu’il dépasse de quelques centimètres pouvant changer toute la donne. Sans ses chaussures, elle est nettement désavantagée. “T’auras qu’à t’en racheter un, me force pas à utiliser la force.” Ils appartient à deux mondes différents et pour l’heure, Rose a besoin de puiser dans le sien, uniquement pour survivre dans le bas monde.

Inutilement puisqu’elle n’allait probablement jamais remettre les pieds sur la terre ferme, Greta imaginait que la tournure qu’avait prise la croisière allait lui donner l’avantage face à ses parents. L’argument serait imparable : elle les avait suivis parce qu’ils l’avaient forcée et elle s’était retrouvée à lutter pour sa vie. Tous bons parents seraient sensibles à cet argument et, s’ils sortaient de la, elle espérait bénéficier d’un peu plus de laxisme de leur part. D’ailleurs, s’ils avaient essayé de la protéger en engageant certaines personnes et en comptant sur Owen, ses géniteurs semblaient complètement absents et elle se demandait s’ils avaient même survécu à tous ces événements. Une chose était sûre, ils restaient désespérément introuvables.

“J’ai volé le badge et les habits d’un membre d’équipage.” avait-il dit froidement. Visiblement, sa vie entière semblait être axée sur le vol et Greta se demandait si cela le réjouissait réellement. Elle avait reçu l’affirmation en levant légèrement le menton, peu étonnée finalement. “T’sais, je me moque que la mort nous attende derrière cette trappe. Rends moi ce collier.” S’il savait que la mort les attendait, pourquoi s’accrochait-il à ce bijou de pacotille comme un naufragé à une planche de bois? “T’auras qu’à t’en racheter un, me force pas à utiliser la force.” « Je ne te dois rien et je n’ai pas peur de toi. » C’était totalement faux et elle était terrifiée mais il n’était pas la pire des menaces à ce moment-là alors que l’eau envahissait une pièce bien trop petite pour contenir leurs deux égos. « Je t’ai déjà proposé un marché. Tu m’aides à sortir de là et je te donne tout ce que tu veux. Tout mais pas ce collier. » Parce qu’il lui avait été offert par Owen avant qu’il ne parte sur le front et c’était probablement l’une des seules possessions qui avaient une vraie valeur sentimentale pour elle. En plus, le bijou ne valait rien comparé à ce que les Sighbury possédaient et le voleur même s’il était malin semblait avoir des difficultés à choisir les pièces qui rapportaient vraiment de l’argent. Il était également loin d’être aussi futé car il était évident que ce genre de moment apocalyptique pouvait resserrer les liens et s’il aimait l’argent, mieux valait faire de l’héritière une alliée. Greta avait accompagné le renouvellement de son offre par un signe de la main vers ce qui ressemblait à un squelette de bunyip, le crâne ne devait donc pas être loin.

« Je ne te dois rien et je n’ai pas peur de toi. » Il ricane, Ambrose. Elle ne lui doit rien, non, mais elle aura tôt ou tard peur de lui, par contre, parce qu’il n’hésitera pas à utiliser la force pour arriver à ses fins et, dans ce cas, elle en viendra à le craindre, comme d’autres avant elle et possiblement encore d’autres ensuite. « Je t’ai déjà proposé un marché. Tu m’aides à sortir de là et je te donne tout ce que tu veux. Tout mais pas ce collier. » - “Je me moque de ton putain de marché, quand est-ce que tu le comprendras ?” Il gronde en même temps que l’orage, s’énerve près du visage de la si-parfaite fille de bonne famille. Il ne demande pas monts et merveilles ; un simple collier, un simple foutu collier est tout ce dont il a besoin pour s’assurer quelques instants de vie sans trop avoir à s’inquiéter de où il dormira, de ce qu’il pourrait trouver à manger.

Alors, ayant déjà oublié les animaux qui les traquent, Ambrose se concentre uniquement sur l’acquisition de l’objet de valeur, et si elle ne souhaite pas le lui donner alors il le prendra par la force, parce qu’il n’y a sûrement que cette façon de faire qui puisse être viable, non ? Si on ne lui donne pas, il prend. Ils n’ont pas le temps de discuter, de négocier, de parlementer. Son regard ayant viré des teintes naturellement noisettes de ses yeux pour devenir pleinement noir, l’absence de véritable source de lumière n’aidant pas. Il n’a pas besoin de lumière pour lui arracher le collier des mains ; il en aurait peut-être eu besoin avant de marcher sur une planche détrempée, qui ne demandait qu’à céder sous son poids, emprisonnant sa jambe entre deux niveaux, tranchant sa chaire sur plusieurs dizaines de centimètres au passage. Le voyou laisse échapper un terrible cri de douleur, lequel n’aura sûrement que ranimé le désir des animaux de les chasser, si ce n’est pas l’odeur du sang en lui-même, coulant le long de sa jambe totalement coincée, qui vient de s’en charger. Les problèmes ne font qu’empirer.