@"SWANN BUCHANAN" & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹ i let my demons take hold and choke on me, can't fill these holes that I'm digging, can't stop my heart when it's sinking But if I could then I would, if I could then I would.(c) harley& katesgifsrp.

(BAYSIDE, LOGEMENTS). Une nuit recroquevillée à l’arrière de mon van m’a suffi pour comprendre que ce n’était pas une solution à long terme. Que ça n’en était pas une tout court, à vrai dire ; et que je ne pourrai pas fuir éternellement l’appartement que je partage avec Angus. Mais ce soir, et probablement quelques autres encore, il devra se contenter des quelques messages que je consens à lui envoyer et qui attestent du fait que je suis toujours bien en vie. À vrai dire, je ne lui ai pas encore envoyé le moindre message, mais je compte le faire, promis, ne serait-ce que pour lui assurer que je vais continuer à payer ma part du loyer jusqu’à ce qu’il me remplace – parce qu’il va me remplacer, c’est sûr. Il n’acceptera jamais que la sœur du mec qui a failli le faire licencier continue d’être sa colocataire ; et je ne peux même pas le blâmer car j’ignore comment je me sentirais si les rôles étaient inversés. En colère, probablement. Et même si Angus n’a jamais vraiment élevé la voix contre moi (hormis pour se foutre – gentiment – de ma gueule), je me doute que la situation est suffisamment grave pour l’obliger à réviser ses principes et à m’adresser toute la rage qu’il ne peut pas diriger contre Seth, qui repose derrière les barreaux. Ça lui pendait au nez. C’est ce que je me répète en boucle depuis qu’on m’a prévenue de son arrestation ; et pourtant, j’arrive pas à m’y faire. Mon frère est en prison. Ma mère panique suite aux mauvaises décisions de son fils et a sa propre stratégie pour accepter la chose, et Llewyn ne comprend pas – ou ne veut pas comprendre que celui qu’il continuait de considérer comme un héros ne le soit plus. Au milieu, j’essaie de réparer les conneries de Seth (parce que cet idiot ne s’est pas contenté de se faire enfermer, s’attaquant à mes meilleures potes ; mettant enceinte l’une, tabassant l’autre), j’ai déjà averti Rose que je prendrais toutes les shifts nécessaires au cinéma, j’ai dévoilé plus de peau que je m’étais jurée de le faire pour vendre plus de sous-vêtements usagés, j’ai commencé à faire du tri dans mes affaires pour identifier celles qui me permettraient de gagner quelques sous, j’appelle ma mère vingt fois par jour pour m’assurer qu’elle et Lee vont bien, qu’elle ne le laisse pas seul, j’essaie désespérément d’atteindre mon père pour lui demander son aide, me heurte à sa boîte de messagerie alors que j’ai, plus que jamais, besoin d’entendre sa voix. J’essaie de mettre ma rancœur de côté pour accompagner Theo dans le processus d’avortement, je fais de mon mieux pour que le traumatisme de Carl causé par mon propre frère ne finisse pas par dévier sur moi et perdre mon meilleur pote, j’essaie de trouver comment me faire pardonner auprès d’Angus même si la véritable coupable n’est pas moi ; et putain, j’en ai aucune idée. Il y a rien que je puisse dire ou faire qui saurait atténuer les fautes de mon frère et si jusqu’ici j’ai toujours réussi à lui trouver des excuses, je crois qu’aujourd’hui, je suis fatiguée.

Je suis épuisée, même, et j’ai conscience que ce n’est pas seulement les heures passées à trouver une position confortable à l’arrière de mon van qui sont la cause de mon air maussade. Je pourrais profiter de retourner chez ma mère quelques jours pour l’épauler ; mais je sais que ce sera l’occasion pour elle de continuer à sortir en sachant que Lee est entre de bonnes mains, de chercher un nouveau beau-père en ayant cette fois-ci l’excuse d’avoir besoin d’une cible fortunée pour nous aider à sortir de ce merdier. J’ai même pas envie que Seth sorte de prison, à vrai dire ; et je culpabilise. Ça fait de moi quel genre de sœur, que de s’en foutre du sort de son propre frangin ? Et je peux pas m’empêcher de me dire que si on le laissait croupir dans sa prison, ça nous ôterait les trois-quarts de nos problèmes – à commencer par la question financière de sa caution que j’arrive toujours pas à régler alors que mon cerveau manque d’exploser, étant dans les calculs continus depuis que la nouvelle est tombée. Et c’est pas pour demander la charité que je m’en viens bouleverser la tranquillité de Swann et Rory. Ou du moins, pas financière. J’ai honte et j’arrête pas de me dire que je suis une connasse pour leur imposer mes problèmes de cette façon alors qu’ils sont sur leur petit nuage ; mais j’ai juste besoin de quelques jours pour me remettre sur les rails, d’un endroit où dormir le temps d’arriver à affronter Angus, d’arriver à regarder Lee sans avoir envie de fondre en larmes, et de pouvoir simplement pouvoir mener mon quotidien sans manquer d’exploser à la moindre occasion. Swann a toujours réussi à me canaliser et je sais qu’au moins, avec lui, je ne prends pas le risque de dire ou faire des choses que je serais amenée à regretter. Et... il m’a dit que je pouvais compter sur lui. Quand il est parti, il a dit qu’il serait toujours là ; j’ai besoin d’y croire parce que je n’ai personne d’autre, à vrai dire.

Il y a cette voix dans ma tête qui continue de me répéter que je suis la pire des emmerdeuses quand je frappe à la porte, quand j’attends quelques instants dans le silence et les remords, qui ne disparaissent pas sitôt la porte ouverte ; non, le sourire sur le visage de Swann ne fait qu’accentuer ma honte. « Hey. » Que j’arrive à articuler après quelques secondes durant lesquelles j’ai cherché un moyen de me dédouaner, de rendre mon intrusion moins dramatique, mais si mes mots peuvent mentir, je sais que ce n’est pas le cas de mes traits. « Je suis désolée, je veux pas vous déranger, toi et Rory... » Que j’annonce, lui offrant la possibilité de me renvoyer d’où je viens ; sachant pourtant qu’il ne le fera jamais. « J’ai besoin d’aide et je... je savais pas vraiment à qui m’adresser. » J’annonce, avec un rire nerveux qui retient péniblement une crise de larmes que je retiens depuis des heures. J’ai aucune envie de faire durer le suspense, j’ai aucune envie aussi de provoquer la pitié ; et me voilà, à deux doigts de m’effondrer sur le perron de Swann – et ça, c’est peut-être ce que je ne pardonnerai jamais à mon frère.

Les choses vont mieux, maintenant. Le monde extérieur ne semble plus être un immense piège, Swann ne craint plus (autant) l’idée de croiser le chemin d’un journaliste ou d’un autre, quand bien même ce genre d’instant est infiniment rare: il suffit d’une fois et d’une seule pour qu’il perde pied. Après des semaines de travail avec un professionnel et déjà plusieurs mois à prendre sur lui, les résultats se font enfin voir. Aux yeux du reste du monde, tout pourrait paraître anecdotique, mais il n’en est rien ; pas alors que l’écoute de quelques secondes d’une chaîne radio choisie au hasard l’a mené jusqu’à se faire du mal à nouveau, alors qu’il se pensait sincèrement guéri de cet instinct de protection qui a au contraire tout d’un geste destructeur. Aujourd’hui plus que jamais, il veut croire que cette histoire est derrière lui et que, aidé par son fiancé autant que son psychiatre, il arrivera une bonne fois pour toutes à aller de l’avant sans donner trop d’importance aux obstacles sur son chemin. Ainsi, il a à cœur de reprendre contact avec ses proches, qu’il avait laissés de côté bien malgré lui durant les mois passés, et c’est pour cette exacte raison que la silhouette de Maisie sur le pas de sa porte lui tire avant toutes choses un immense sourire. « Hey. »

C’est justement cette simple salutation qui le fait aussitôt revenir sur sa réaction, son sourire se changeant peu à peu en une moue bien plus inquiète qu’autre chose. La voix de Maisie est basse, mal assurée, et elle va de pair avec un visage fatigué qu’il peine à reconnaître. « Je suis désolée, je veux pas vous déranger, toi et Rory... » - “Je suis seul. Tu ne déranges personne.” Ses mots rattrapent rapidement les siens pour qu’elle n’ait pas le temps d’imaginer des scénarios qui n’ont rien d’une réalité. Et quand bien même Rory avait été là, elle ne les aurait pas dérangés non plus. Swann sait que son fiancé l’apprécie sincèrement à son tour. « J’ai besoin d’aide et je... je savais pas vraiment à qui m’adresser. » L’inquiétude de l’anglais monte en flèche, bien plus à cause de sa façon de parler que pour ses mots en eux-mêmes. Face à lui, il ne reconnaît décidément pas la Maisie avec qui il a pourtant vécu, et cela lui serre le cœur et la gorge en même temps, sans doute parce qu’il est déjà en train d’essayer de se mettre à sa place et d’imaginer son mal-être. Malheureusement, cela ne l’aidera en rien à faire disparaître celui de la jeune femme, raison pour laquelle il ne tarde pas avant d’ouvrir la porte pour la laisser rentrer, sans y réfléchir davantage. “T’as bien fait de venir. Rentre, rentre.” Ce n’est sûrement pas une décision qui doit avoir lieu sur un palier. Il n’en connaît pas le contenu, mais il est déjà au moins certain de ça. Maisie n’est pas le genre de personne à se montrer dramatique, encore moins à demander de l’aide à tout va, et pour qu’elle ait ressenti le besoin de faire le chemin jusqu’à chez lui alors cela signifie que les choses doivent être vraiment importantes, vraiment graves.

Dans la demeure, c’est un chien curieux qui s’approche de Maisie, venant inspecter les jambes de cette dernière pour s’assurer qu’elle ne soit pas un vilain cambrioleur. Swann observe la scène en silence, le laissant s’approcher d’elle pour l’instant, prêt à lui ordonner d’aller se coucher plus loin si jamais il décide d’embêter la jeune femme. “Tu veux quelque chose à boire ?” Il ne lui propose pas à manger, mais elle sait bien qu’elle peut toujours lui demander si c’est ce dont elle a envie. "Raconte-moi tout.” Il n’est insistant que lorsqu’il s’agit de thé, Swann, et pour le reste il jure qu’il sait se contenter d’écouter sans blesser, sans couper, sans donner son avis. Et si Maisie est ici aujourd’hui, il se doute déjà que c’est parce qu’elle le sait à son tour. “Et dis moi comment je peux t’aider.” Il n’y a pas de si qui tienne: bien sûr qu’il veut l’aider et bien sûr qu’il le fera, même s’il ignore encore tout le problème qui est le sien, se contentant pour l’heure d’un regard compatissant et désolé en sa direction.

“Je suis seul. Tu ne déranges personne.” J’essaie d’afficher un sourire ; et si mes lèvres s’étirent en un rictus, celui-ci se veut forcé. Je sais que Swann est toujours sincère dans chaque mot qu’il utilise, mais j’ai de la peine à croire en ceux-ci. J’ai toujours l’impression de déranger ; mais ce soir mon sentiment est légitime. Swann ne s’attendait certainement pas à récupérer son ancienne colocataire sur le pas de sa porte, à deux doigts de la crise de nerfs, alors qu’il est parti pour vivre son idylle avec Rory après des années de distance insoutenable. Ils ont toute une vie pour rattraper les mots durant lesquels ils n’ont pas été ensemble, mais j’imagine que ce n’est jamais suffisant quand on a retrouvé l’être que l’on aime. Et je m’en veux de venir gâcher cela, même pour une soirée, même pour quelques jours, alors que de toutes les personnes qui composent mon entourage, Swann est celui que j’ai le moins envie de déranger. Mais il est pourtant celui dont j’ai la certitude qu’il m’ouvrira la porte ; raison pour laquelle je suis venue jusqu’à lui. Il est aussi celui dont la présence m’apaise probablement le plus, sans même le vouloir : c’est un don inné, dont je désire égoïstement profiter, parce que j’en ai besoin. J’ai besoin de retrouver une tranquillité durant quelques heures, peu importe si ça nécessitera des mois à tenter de me racheter auprès de Swann. Je ne sais pas si je suis rassurée ou inquiète à l’idée qu’il soit seul. Je crois que, dans un sens, j’aurais préféré que Rory soit là, lui aussi, quitte à devoir me confronter à un regard supplémentaire, afin d’être sûre que je ne gâche pas totalement la soirée de son fiancé. J’hésite à faire demi-tour, mais je n’ai pas le courage de dormir une nuit supplémentaire dans ma voiture et je sais que je ne pourrai pas supporter ma mère plus de quelques heures compte tenu des circonstances. “T’as bien fait de venir. Rentre, rentre.” - « Merci. » Je me glisse à l’intérieur, mon cœur qui remonte dans ma gorge en réalisant que cette fois-ci, je me suis réellement invitée chez lui et que je vais devoir m’expliquer d'ici à quelques minutes, idéalement sans inonder son sol de larmes salées.

Et si la présence de Swann m’apaise déjà, c’est surtout celle de son compagnon à quatre pas qui achève de me détendre, même si j’ai bien conscience que ce sentiment n’est qu’éphémère et qu’une fois que l’animal aura eu son lot de caresses, me laissant seul avec son propriétaire, je ne pourrai plus faire diversion. Ma main glisse sur son pelage tacheté quelques instants, avant que Swann se rappelle à mon attention. “Tu veux quelque chose à boire ?” - « Du thé, s’il te plaît. » Que je demande avec un mince sourire, rappel de nos origines et de ces tasses de thé autour desquelles on se retrouvait lors de notre colocation. "Raconte-moi tout.” Je fais quelques pas pour suivre Swann jusqu’à la cuisine, l’animal qui reste près de nous, alors que je reste pourtant silencieuse ; incapable de savoir par où commencer tandis qu'il n’y a pas grand-chose à dire, en réalité. Mon frère est en prison et il bousille sa vie en plus de la mienne. “Et dis moi comment je peux t’aider.” J’hésite un dernier instant, je déteste demander la charité, encore plus à la dernière minute de cette façon, mais je garde en tête que je pourrai toujours écourter mon séjour si la honte prend le dessus Ce n’est pas comme si j’arrivais avec beaucoup d’affaires sur le dos, de toute façon. « Est-ce que je peux dormir ici, cette nuit ? » J’interroge, avant de continuer, plus tendue : « Et peut-être celle d’après aussi ? » Et puis un ou deux autres encore, en fonction de ma lâcheté à l’égard d’Angus. « Mon frère est en prison. » J’arrache le pansement sans réfléchir, car je n’arriverai jamais à présenter les choses de manière décente ; il est en prison, c’est un fait. Et je m’interromps un instant pour continuer à flatter l’animal plutôt que d’avoir à affronter le regard de Swann. « Il a volé un collier où travaille mon copain, en se servant de lui sans qu’il le sache. » Je ne sais pas s’il avait prévu de le voler quand il s’est pointé à Michael Hills, j’ignore si son plan était prévu dès le départ et je préfère ignorer la réponse. Tout ce que je sais, c’est qu’il a profité qu’Angus lui ouvre la porte pour dérober un collier de plusieurs milliers de dollars quand il a eu le dos tourné. « Je peux pas retourner chez nous, je sais pas quoi dire à Angus. » J’admets en passant cette fois-ci ma main sur mon front, alors qu’un sourire nerveux s’installe sur mes lèvres, pour que ce ne soit pas la tristesse qui prenne le dessus. « Et la banquette de mon van est pas un bon plan sur le court terme. » Encore moins sur le long terme, mais je vais m’abstenir d’envisager que ce squattage en règle puisse durer plus longtemps qu’une poignée de jours. « C’est juste le temps que je mette de l’ordre dans tout ça, pas plus. » Sauf que j’ai aucune foutue idée de comment mettre de l’ordre dans tout ça, justement.

@Swann Buchanan

Elle accepte de boire quelque chose et ce n’est pas grand chose, vraiment rien, et pourtant c’est tout ce dont Swann se contente pour être un tant soit peu rassuré, quand bien même il est encore loin de se sentir pleinement à l’aise. « Du thé, s’il te plaît. » Il hoche la tête même si elle ne le regarde pas, occupé à contenter le jeune chien qui ne se doute de rien et, justement, se contente d’être heureux qu’on lui donne de l’attention, lui qui agit comme s’il n’en recevait pas déjà à chaque instant. Il ne lui fera pas l’affront de lui demander ce qu’elle veut exactement comme goût et tout ce qui s’ensuit, bien conscient qu’elle se contente d’être polie et que, au fond, ce n’est pas pour partager une tasse de thé qu’elle a sonné à sa porte aujourd’hui. Une telle chose ne l’aurait pas dérangé et, au contraire, l’aurait rendu parfaitement heureux, mais Swann est bien assez pragmatique pour savoir que cela n’a rien à voir avec la réalité des choses. Il sait surtout que Maisie n’est pas du genre à demander l’aide d’autrui, surtout pas pour un oui ou pour un non, et pas même pour des raisons importantes. Alors, plus que jamais, il appréhende la discussion qu’ils pourraient avoir, lui qui a pourtant toujours apprécié la compagnie et la répartie de sa jeune compatriote et ancienne colocataire. « Est-ce que je peux dormir ici, cette nuit ? » Par réflexe, il tente de se remémorer s’il a vu une autre personne derrière elle dans la rue, ou il tente d’assimiler le moindre détail qui pourrait lui faire comprendre pourquoi est-ce qu’elle ne se sent pas en sécurité, parce que c’est la seule explication qu’il trouve naturellement pour expliquer sa demande. Pour autant, il y répond sans comprendre l’histoire dans son entièreté, certain qu’il n’en a de toute façon pas besoin. “Bien sûr.” La chambre d’amie est là pour ça, et il sait très bien que Rory n’aura aucune raison de s’opposer à cette demande, tant parce qu’ils n’ont aucun mal à accueillir leurs proches sur un coup de tête que parce qu’il sait que son fiancé apprécie Maisie, tout simplement. « Et peut-être celle d’après aussi ? » Son regard se fend d’inquiétude, mais sa réponse ne tarde pas. “Tu peux rester aussi longtemps que tu veux, Maisie. Sincèrement.” Elle n’osera pas demander une telle chose sur la durée, il le sait bien, mais il le lui répétera autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce qu’elle arrive à l’assimiler un minimum.

« Mon frère est en prison. » Il voudrait savoir pourquoi, il voudrait savoir depuis quand et surtout jusqu’à quand, mais il se contente de poser sur elle un regard attendri, avant d’enfin accepter leur différence de caractère en se contentant d’aller lui préparer son thé. Elle n’a pas besoin qu’il soit sur son dos, et il ne le sera pas. « Il a volé un collier où travaille mon copain, en se servant de lui sans qu’il le sache. » Alors, il devine assez facilement que les choses sont compliquées avec son petit-ami aussi, ce qui explique un peu plus encore pourquoi elle se tourne vers lui plutôt que le jeune homme en question. “Je suis désolé.” Cela ne changera rien à la réalité et à la finalité des choses, il le sait, mais il voulait tout de même se prononcer sur le sujet. Comme à chaque fois qu’il est désolé pour autrui, il le fait savoir sans plus de cérémonie. Le collier en question devait valoir une petite fortune pour qu’il lui ait coûté la prison, mais il se rassure au moins en se disant qu’il n’est question que d’un vol. Un vol, ce n’est pas aussi pire que tout ce que son esprit aurait pu le laisser craindre. « Je peux pas retourner chez nous, je sais pas quoi dire à Angus. » - “Tu lui as parlé depuis ? Il t’a dit quelque chose ?” Swann a besoin de plus d’informations pour avoir une meilleure vision d’ensemble de la situation, alors il n’hésite pas à poser des questions, bien conscient de la lacune de ses connaissances. Au plus vite il aura eu des réponses et au plus vite il cessera de remuer le couteau dans la plaie. “Tu peux au moins lui dire que tu restes chez un ami quelques temps ?” Il ne lui demande pas de préciser son nom, si jamais elle n’a pas envie qu’Angus sache où la trouver, mais il souhaite au moins que son petit-ami la sache en sécurité, même si il y a fort à parier qu’elle ne lui donne que très peu de nouvelles. Dans sa situation, il ne sait pas non plus comment il aurait réagi, même s’il a du mal à s’imaginer imposer un silence entre lui et Rory.

« Et la banquette de mon van est pas un bon plan sur le court terme. C’est juste le temps que je mette de l’ordre dans tout ça, pas plus. » Le coeur de l’anglais se serre alors qu’il l’imagine vivre une épreuve difficile et une misère soudaine alors qu’il était occupé à voyager jusqu’à Londres uniquement pour présenter son fiancé à sa mère et rendre un hommage à une femme qu’il n’a jamais connu personnellement. Et pendant tout ce temps-là, Maisie dormait dans sa voiture, idée qui le fait s’immobiliser dans ses gestes un instant, lui qui repose son regard sur elle depuis la cuisine. Il repose le bas de son dos contre le plan de travail alors que l’eau à ses côtés chauffe rapidement. “On a bien assez de place pour toi ici. C’est pas comme si on avait pas déjà vécu ensemble, en plus.” Même Rory, à en juger par la fréquence de ses visites à l’appartement, faisait à sa façon partie de la colocation. Il n’y aura pas le moindre problème, ce qui n’est qu’une raison supplémentaire pour qu’elle reste chez eux autant qu’elle en a besoin. “Et Rory n’a pas à savoir, si tu ne veux pas que ce soit le cas.” Si elle se sent plus à l’aise à l’idée de ne pas dévoiler complètement la raison de son séjour chez eux, il anticipe l’idée que cela ne sera en rien un problème. Rory comprendrait et lui, de toute façon, en assumera les conséquences (sans doute absentes). “Angus risque quelque chose ? Si c’est lui que ton frère a utilisé pour arriver à ses fins, je veux dire.” Le nœud est immense, ils doivent y aller pas à pas pour libérer les bouts, un à un.

Je demande une tasse de thé, mais je ne suis même pas sûre de parvenir à avaler quoi que ce soit – et cette fois-ci, promis, j’ai des raisons valables. Mon estomac est noué depuis le début de toute cette histoire ; et de toute évidence mes priorités ne sont pas à le remplir. Je dois sortir Seth de prison, je dois m’excuser auprès d’Angus, je dois soutenir ma mère, je dois rassurer Llewyn et je dois aussi me présenter auprès de Rose ; car au milieu de tout ça j’ai ma propre vie à continuer alors que j’essaie d’arranger celle de mon aîné. Sauf que ce qui était une évidence il y a deux jours n’en est plus vraiment une ; et Seth est descendu dans la liste de mes priorités au profit d’Angus. Ce n’est pas pour autant que j’arrive à affronter celui-ci pour tenter d’expliquer la situation. Comment le faire ? J’ignore ce qu’il s’est passé dans la tête de Seth parce que j’arrive pas encore à me résoudre à aller à se rencontrer. La seule personne que j’ai réellement envie de voir, c’est Swann et ce n’est pas pour les bonnes raisons. Je suis intéressée et j’en suis désolée, mais je sais aussi qu’il saura comprendre que la situation justifie de tels moyens. “Bien sûr.” J’en attendais pas moins de sa part et même si je reste embarrassée, que je me promets de ne pas étendre cette situation plus que nécessaire, sa réponse positive m’allège un peu le cœur. « Merci. » Je lui adresse un sourire qui, bien que sincère, n’est pas aussi large que je le souhaiterais. Parce que même si je mets à point d’honneur à ce que ce ne soit pas l’histoire d’un mois, ça ne sera pas non plus l’histoire d’une nuit. “Tu peux rester aussi longtemps que tu veux, Maisie. Sincèrement.” - « Merci. » Je me répète et si mon sourire ne s’agrandit pas pour autant, mes épaules s’abaissent doucement, soulagée. Je ne suis pas à la rue, j’aurais trouvé des options quoi qu’il arrive, mais le réconfort d’une vraie chambre et d’un vrai lit n’est pas anodin aujourd’hui.

Bien consciente que ma demande est surprenante, qu’il doit se douter qu’elle n’est pas innocente, je finis par prononcer les quelques mots qui sont, jusqu’ici, toujours restés dans ma gorge. Seth est en prison. Et je sais que ça le concerne ; que ça ne devrait que le concerner lui et que je ne devrais pas en faire une part de mon histoire. Mais c’est mon frère, mon sang et, par extension, mon problème.  Et celui d’Angus ; puisque Seth ne sait pas s’enfoncer seul et qu’il est obligé d’emporter les autres avec lui. “Je suis désolé.” C’est même pas mon copain. C’est ce que je devrais préciser à Swann, un détail qui a toute son importance et qui saurait rendre la situation moins complexe parce qu’en réalité, Angus n’est pas censé représenter quoi que ce soit à mes yeux. Et pourtant, j’arrive pas à me résoudre à voir dans les siens toute la déception qu’il peut ressentir à mon égard. “Tu lui as parlé depuis ? Il t’a dit quelque chose ?” Je secoue la tête par la négative, avant de baisser celle-ci un bref instant. Je sais pas quoi lui dire, surtout. Je sais pas comment lui parler. Je veux pas lui parler autant que j’en ai besoin. « Je... j’arrive pas. Je peux pas lui parler. Je sais pas quoi lui dire, je suis sûre qu’il me déteste. » Il me détestait déjà. À cause de Seth, à cause de mes réflexions, à cause de mon caractère, j’ignore les raisons précises, mais je suis consciente de lui en avoir donné suffisamment pour que ce soit le cas. « Et je peux lui dire quoi ? Que je suis désolée, que ça va s’arranger ? Ça changera rien. » Je suis terriblement désolée, oui, mais ça ne changera rien à sa situation, pas plus que ça l’aidera. “Tu peux au moins lui dire que tu restes chez un ami quelques temps ?” Cette fois-ci, c’est par l’affirmative que je secoue la tête. « Je lui ai envoyé un message pour lui dire que je paierai ma part du loyer, puis j’ai coupé mon téléphone. » Parce que je ne suis pas en mesure de supporter sa réponse ni les sollicitations de ma mère ou de l’avocate de mon frère. Je lui ai assuré qu’il n’aura pas à s’endetter, mais je n’ai pas mentionné le sujet tabou entre nous pas plus que je n’ai précisé où j’étais. Je ne pense pas que ça l’importe.

“On a bien assez de place pour toi ici. C’est pas comme si on avait pas déjà vécu ensemble, en plus.” Cette fois-ci, mon sourire est plus chaleureux, alors que sa précision m’amuse. C’est vrai. C’est aussi pour cette raison que je me suis tournée vers lui, parce qu’il est de ceux que je n’ai pas envie d’étriper à force de les côtoyer. “Et Rory n’a pas à savoir, si tu ne veux pas que ce soit le cas.” - « Ça m’est égal. » Il peut lui dire. Il peut garder le secret, peu importe. « Je lui fais confiance, mais je doute que ça l’intéresse. » Que je précise néanmoins pour ne pas qu’il pense qu’il s’agit d’une animosité à l’égard de son fiancé. J’apprécie Rory, je sais qu’il est lui-aussi là pour moi, mais dans le fond, que d’autres soient au courant n’est pas un détail qui m’importe. “Angus risque quelque chose ? Si c’est lui que ton frère a utilisé pour arriver à ses fins, je veux dire.” Je secoue la tête par l’affirmative alors que j’essaie de contenir les quelques larmes qui tentent encore une fois de s’échapper. « C’est Angus qui a ouvert l’immeuble à Seth. » C’est son badge qui a donc été enregistré ce soir-là ; alors évidemment qu’il risque quelque chose. « Il savait pas ce que Seth allait faire, mais ça n’empêche pas qu’il lui a permis d’entrer et de voler ce collier. » Et qu’il sera tenu responsable, d’une façon ou d’une autre. « Il va sûrement perdre son boulot, si c’est pas déjà fait. » Et perdre son revenu, alors que lui et son frère ne peuvent compter que sur le salaire d’Angus. S’il ne retrouve pas très vite du travail, c’est leur appartement qu’ils vont perdre, Sam va perdre tous ses repères et enchaînera les crises, tandis qu’Angus devra accepter un boulot qu’il n’aime pas pour tenter de subvenir à leurs besoins, blacklisté du domaine dans lequel il se voyait évoluer. Et tout ça à cause de Seth, qui ne se serait probablement pas mis une telle idée en tête si je n’avais pas volontairement provoqué les choses en suppliant Angus de jouer au faux copain simplement parce que j’en avais marre d’être la cible de commentaires superficiels. Je réalise que mes joues se sont humidifiées et que je n’ai pas su retenir quelques sanglots, dont je fais rapidement disparaître les traces du plat de la main, et qu’un rire nerveux s’échappe d’entre mes lèvres que j’explique rapidement : « c’est même pas mon copain. » Et je pleure pour lui. Je pleure pour Sam, aussi, que je malmène malgré moi alors que ce gamin mérite pas ça. « Je lui ai demandé de se faire passer pour mon copain pour que Seth me lâche enfin avec ses commentaires. Je savais qu’il pouvait pas encadrer Angus, ça me semblait parfait pour lui donner une bonne leçon. » Oui, sur le papier et pendant des mois, le plan était parfait. Au point où j’en ai oublié la véritable nature de mon frère et que je ne me suis pas méfiée de son esprit de vengeance. « C’est pour ça que je suis sûre qu’il me déteste. Parce qu’il a pas signé pour que les Moriarty détruisent sa vie. » Parce que je peux pas même pas en appeler à l’amour qu’il me porte pour espérer son pardon et qu’il n’a donc aucune raison de me l’accorder.

@Swann Buchanan

Le problème de Maisie ne devrait pas être le sien mais il ne sait faire autre chose que s’impliquer, parce qu’il veut aider, parce qu’elle compte terriblement à ses yeux et qu’il ne supporte pas de la voir aussi triste et démunie. Parce qu’elle mérite d’être enfin heureuse, Maisie. « Je... j’arrive pas. Je peux pas lui parler. Je sais pas quoi lui dire, je suis sûre qu’il me déteste. » L’anglais esquisse une moue, trouvant l’exercice plus difficile que jamais d’essayer de réconcilier un couple sans ne rien savoir d’eux, à commencer par le fait qu’ils soient justement un couple ou des ex. Il ne connaît rien à rien et pourtant il agit comme si c’était tout comme, uniquement pour ne pas la noyer sous des demandes d’explications inutiles. “Il ne te déteste pas. Tu n’y es pour rien.” Et s’il ne le comprend pas, alors c’est que c’est simplement un connard et qu’elle n’a pas à perdre son temps avec - mais ce n’est pas ce qu’on dit pour rassurer une personne qui a non seulement une peine de coeur mais aussi tous les maux du monde sur les épaules, pas vrai ? « Et je peux lui dire quoi ? Que je suis désolée, que ça va s’arranger ? Ça changera rien. » - “Tu peux lui dire que tu es désolée, oui.” Cela ne changera sans doute pas grand-chose, il veut bien l’avouer, mais cela pourrait peut-être commencer par débloquer un semblant de discussion, ce dont ils semblent tous deux avoir terriblement besoin. Swann, lui, ne peut décemment pas accepter l’idée qu’elle paie pour les erreurs de son frère sans que personne ne tente de lui rendre un semblant de justice. Elle ne peut pas tout perdre à cause d’erreurs qui ne sont pas même les siennes. « Je lui ai envoyé un message pour lui dire que je paierai ma part du loyer, puis j’ai coupé mon téléphone. » Il grimace ; ce n’est pas vraiment ce qu’il voulait qu’elle lui dise, en réalité. “Je peux lui envoyer un message, moi ? Juste pour dire que tu vas bien.” Il ne jouera pas au donneur de leçons, il lui fera encore moins la morale, il ne plaidera pas non plus la cause de Maisie. Pas de cette façon, du moins. Il se contente de former son plan au jour le jour et ce qui lui semble être le plus important, c’est de rassurer son petit-ami, parce qu’il veut croire qu’il s’en fait pour elle et qu’il a besoin d’avoir de ses nouvelles, au milieu du tumultes d’informations que sont leurs vies pour le moment.

Rapidement, il en revient au sujet principal, c’est-à-dire son emménagement temporaire dans la maison. Elle est la bienvenue et il tente autant que possible de le lui faire comprendre, déjà conscient qu’elle ne se sent pas à sa place et qu’elle voudra repartir aussi vite que possible, dans l’éternel but de ne pas déranger. « Ça m’est égal. Je lui fais confiance, mais je doute que ça l’intéresse. » Rory a toujours été juste envers elle et vice-versa, alors la réponse de son amie ne l’étonne pas. Il part simplement du principe qu’elle sera plus à l’aise si sa vie privée reste aussi privée que possible et, déjà, il anticipe que Rory ne cherchera pas à connaître les raisons de sa venue ici et qu’à son tour, il a une pleine confiance en Swann. A raison, puisqu’il ne cherche pas à lui cacher quoi que ce soit. “Il sera heureux de te voir.” L’anglais se contente donc de répondre, sans que ce soit un mensonge et bien au contraire. Leur maison est de toute façon trop grande pour deux, même avec un chien.

« C’est Angus qui a ouvert l’immeuble à Seth. Il savait pas ce que Seth allait faire, mais ça n’empêche pas qu’il lui a permis d’entrer et de voler ce collier. » La situation est difficile, tous les nœuds sont liés les uns aux autres uniquement dans le but de servir un schéma final toujours plus difficile à résoudre, même avec tous les bons sentiments de Swann qui contre-balancent à peine son ignorance des lois de toutes sortes et des différents recours. « Il va sûrement perdre son boulot, si c’est pas déjà fait. » - “Personne ne le croit, j’imagine ?” Il n’est pas assez naïf pour croire que sa parole vaut quelque chose mais il tente tout de même, animé par un semblant minuscule d’espoir. Il n’a pas le temps de revenir vers elle lorsqu’il l’observe échapper une larme mais l’intention y est et il trouve tout de même place à ses côtés, sa tasse de thé de pacotille entre les doigts. « c’est même pas mon copain. » Mais de toute évidence, elle l’apprécie vraiment, et c’est tout ce qui importe aux yeux de Swann. Il se moque bien de l’étiquette à poser sur leur relation et se contente simplement de comprendre qu’elle serait prête à beaucoup pour lui, si ce n’est à tout, et qu’il y voit aisément une forme d’amour, se reconnaissant sans doute un peu en elle sans que ce ne soit le but. « Je lui ai demandé de se faire passer pour mon copain pour que Seth me lâche enfin avec ses commentaires. Je savais qu’il pouvait pas encadrer Angus, ça me semblait parfait pour lui donner une bonne leçon. C’est pour ça que je suis sûre qu’il me déteste. Parce qu’il a pas signé pour que les Moriarty détruisent sa vie. » - “C’est Seth qui a merdé. Pas toi.” Il la reprend rapidement, pour ne pas qu’elle laisse l’idée s’installer dans son esprit plus que de raison: ce dernier en est sans doute déjà imprégné, de toute façon. “Et tu sais… S’il a fait ça, s’il a accepté, ça veut dire que tu comptes pour lui. Peut-être pas vraiment en tant que petite-amie, dans ce cas, mais ça n’empêche qu’il te connaît et qu’il sait que tu lui ferais jamais du tort volontairement.” Peut-être qu’il ne peut pas autant que ça se retrouver dans ses mots, l’anglais, mais cela ne l’empêche pas de rester pragmatique, bien qu’éternellement (trop) confiant en l’être humain. “On pourrait aider, tu sais. On pourrait appeler nos amis pour lui trouver un avocat, et je suis sûr qu’on pourrait lui trouver un autre métier pour qu’il retombe sur ses pattes. Il n’aura pas à payer pour ce que ton frère a fait, d’accord ?” Le lui promettre lui brûle les lèvres mais il se retient, trop conscient qu’il joue avec le hasard et n’en a pas le droit. Il ne sait pas de quoi demain sera fait, malheureusement, et même lui doute que tout puisse être aussi rose qu’il le veuille.

“Il ne te déteste pas. Tu n’y es pour rien.” Je ne lui donne pas assez d’éléments pour qu’il soit conscient que, justement, j’y suis pour beaucoup. Si je n’avais pas eu la merveilleuse idée d’utiliser Angus pour donner une leçon à mon frère, je ne serais pas devant lui à lui demander de m’héberger pour quelques nuits. Rien de tout ceci ne serait arrivé et Angus serait toujours en train de balader sa dégaine arrogante dans les couloirs de Michael Hills. En réalité, je ne sais même pas s’il a été renvoyé ; pour cela il faudrait que j’arrive à communiquer avec lui, mais c’est l’hypothèse qui me paraît la plus plausible. Une entreprise comme celle-ci ne manquerait pas de licencier un employé indirectement coupable d’un vol. Alors oui, j’y suis pour beaucoup et ce n’est même pas un discours par simple envie de me flageller par habitude ; c’est une réalité. “Tu peux lui dire que tu es désolée, oui.” Mais ça ne changera rien, que j’ai envie de lui répéter. Je crois que j’ai trop souvent repoussé le moment des excuses par fierté que je les trouve désormais inutiles. Je me suis convaincue que ça ne changera rien ; et c’est le cas. Il peut apprécier le geste, il peut le trouver égoïste, déplacé, inutile, dans le fond ça ne changera pas la situation et à part m’aider à me sentir mieux, ça n’apportera rien à Angus. Cette histoire me concerne déjà plus que nécessaire sans que j’en sois officiellement un personnage principal en ayant besoin de m’excuser pour adoucir ma conscience, au détriment d’Angus. Je n’ai pas le droit de me sentir mieux, j’imagine. « Tu trouverais ça suffisant, toi ? » Je lui demande, avant de me corriger ; bien sûr qu’il trouverait ça suffisant, Swann, parce qu’il possède toute la clémence du monde qui a été retirée chez les autres. « J’veux dire, je peux pas juste me pointer avec des excuses, il me faut des solutions avec. » Un minimum qui puisse attester de ma bonne foi, sauf que les solutions elles me semblent bien difficiles à trouver. “Je peux lui envoyer un message, moi ? Juste pour dire que tu vas bien.” Non. Oui. J’en sais rien. Je n’ai pas envie qu’Angus se mette en tête de me retrouver pour me confronter, mais en même temps, je ne veux pas lui imposer un silence qu’il n’a pas mérité. « Juste un message. » Que je concède finalement, mais trop angoissée à l’idée de rallumer mon téléphone, je préfère fouiller dans mes poches à la recherche d’un vieux bout de papier et d’un stylo qui m’accompagne lors de mes journées de boulot au cinéma. Je note le numéro de téléphone que je connais par cœur sans même le vouloir, avant de le tendre à Swann avec une condition. « Quand je serai plus dans la pièce. » Parce que je ne veux pas lire la réponse d’Angus, je ne veux même pas avoir conscience de l’existence de celle-ci. Mais le son du téléphone de Swann, ses expressions, mon anticipation sont autant de choses qui ne me permettront pas d’être sereine.

Par contre, que Rory soit au courant ou non de la situation ne rajoute pas une couche à mon anxiété. Je côtoie Rory ponctuellement, certes, mais ce depuis quelques temps et je pense m’être fait une bonne idée quant à sa personnalité : il est tout aussi bienveillant que Swann et je ne doute pas qu’il acceptera ma présence – même si ce n’est pas une raison pour l’imposer plus que de raison. “Il sera heureux de te voir.” - « Moi aussi. » Parce que je l’aime bien, Rory. Vraiment. Tout comme Swann, il a le don d’avoir une présence rassurante et égoïstement, c’est exactement ce dont j’ai besoin en ce moment. Pour égaliser un peu avec toutes les fautes que j’ai l’impression de porter, et cette situation qui s’entremêle plus qu’il ne faudrait. “Personne ne le croit, j’imagine ?” Je hausse les épaules, ne sachant même pas quelle réponse donner. « J’en sais rien. J’imagine. » Je l’ignore, c’est dire à quel point la communication est rompue entre Angus et moi. « Mais tu le croirais, toi, si l’employé qui était quasiment le dernier dans le bâtiment et dont le badge a ouvert la porte au voleur venait clamer son innocence ? » Oui, probablement, parce que Swann ne pense jamais à mal et qu’au mieux, il se dirait que c’est une drôle de coïncidence. Il serait le premier à lui accorder le bénéfice du doute, mais tout le monde n’est pas aussi clément que lui. « Il a besoin de ce boulot, c’est lui qui supporte sa mère et son frère. » Il en a vraiment besoin. Ce n’est pas un euphémisme, sans lui je n’ose même pas imaginer dans quelle merde il va se retrouver avec sa famille – car ce n’est certainement pas sa dépressive de mère qui va retrouver un emploi. Ni sa copine qui va l’aider, vu que je ne suis rien, en réalité. “C’est Seth qui a merdé. Pas toi.” - « Mais c’est toujours moi qui doit passer derrière lui. » Je reconnais, laissant échapper un soupir. Rien ne m’y oblige ; pourtant j’ai l’impression de ne pas avoir d’autres choix. “Et tu sais… S’il a fait ça, s’il a accepté, ça veut dire que tu comptes pour lui. Peut-être pas vraiment en tant que petite-amie, dans ce cas, mais ça n’empêche qu’il te connaît et qu’il sait que tu lui ferais jamais du tort volontairement.” Je ris nerveusement avant de clarifier la situation : « Non, justement, on s’appréciait pas tant que ça avec Angus et on a passé des mois à trouver les pires trucs pour énerver l’autre. » Je ris encore un peu, me rendant bien compte que d’un point de vue extérieur, toute cette histoire perd du sens au fur et à mesure. « Je veux pas qu’il pense que je suis capable de ça. » D’avoir poussé le jeu si loin qu’après m’être moquée de son travail, la prochaine étape était d’influencer mon frère pour qu’il lui le fasse perdre, justement. Je ne pense pas qu’Angus m’apprécie. Je crois que tout au plus, il me supporte. Et je ne peux pas lui en vouloir ni même m’en étonner : il n’est de loin pas le premier chez qui je mets la patience et l’affection à rude épreuve. “On pourrait aider, tu sais. On pourrait appeler nos amis pour lui trouver un avocat, et je suis sûr qu’on pourrait lui trouver un autre métier pour qu’il retombe sur ses pattes. Il n’aura pas à payer pour ce que ton frère a fait, d’accord ?” Je secoue la tête de gauche à droite, refusant la proposition aussitôt formulée. « Non, c’est pas à vous de régler le problème et Angus et moi on mettra une vie à vous rembourser. » Parce qu’il a beau prétendre aux yeux du monde en entier qu’il a les moyens, je sais qu’Angus joue un rôle et je sais aussi que sa fierté l’empêchera d’accepter la proposition ou, dans le cas contraire, qu’il voudra rembourser chaque centime. Mais ma fierté se heurtera à la sienne à l’idée qu’il débourse de l’argent qu’il n’a pas à sortir, contrairement à moi. « À la rigueur, si tu vois passer une offre d’emploi... » Ouais, c’est ce qu’on peut faire. Lui proposer des options pour qu’il retombe sur ses pattes, même si j’ai cru comprendre que son job à MHI était essentiel à ses yeux et que ça ne rattrapera pas tout. « Je crois que j’ai pas envie d’aider mon frère. » Que je finis par admettre après quelques instants, enfouissant mon visage entre mes mains pendant un instant. J’ai les doigts qui tremblent à l’idée de prendre une décision que je pourrais regretter, mais au milieu de toutes les incertitudes qui ne me lâchent pas, c’est bien la seule option qui m’apparaît comme évidente. « Et que j’ai plus envie de le voir. » Pas juste le temps d’un jour, d’une semaine, d’un mois. Le temps d’une vie entière, en réalité. « Est-ce que ça fait de moi une horrible personne que de vouloir renier mon propre frère ? » Sûrement oui. « Alors qu’il a besoin de moi plus que jamais ? » Ce n’est pas le moment pour l’abandonner, et pourtant c’est la seule certitude que j’ai. Relevant le regard vers Swann, je mets quelques secondes à réaliser mon indélicatesse et mon malaise se lit probablement sur mon visage. « Désolée, je devrais pas t’embêter avec ce sujet-là. » Pas alors que je suis consciente que c’est un sujet compliqué pour lui et que je lui pose des questions auxquelles il a sûrement des réponses.

@Swann Buchanan

« Tu trouverais ça suffisant, toi ? »
“Non. Mais je trouverais que c’est un bon début.”

Il répond toujours avec la sincérité qui est sienne, assuré que le mensonge ne mènera à rien, même s’il est prononcé avec pour objectif de rassurer ses proches. « J’veux dire, je peux pas juste me pointer avec des excuses, il me faut des solutions avec. » Ce n’est pas son rôle que d’avoir les réponses à toutes les questions du monde. Pour cause: ce n’est le rôle de personne. Il se contente de souffler doucement, ne voulant pas entrer dans un débat avec elle, de toute façon déjà certain qu’elle continuera de se diminuer, et ce quoiqu’il en dise. Puisqu’il vient d’acter qu’elle restera au moins quelques jours chez lui, ils auront le temps d’en discuter à nouveau. Il utilise sa dernière carte pour gagner le droit d’envoyer un simple message à Angus et le rassurer, si jamais il se pose la question, pour expliquer que Maisie ne reviendra pas dans les jours à venir mais qu’elle va bien. « Juste un message. » Et c’est avec ce simple message qu’il dira ce qu’il a à dire, et absolument rien de plus. « Quand je serai plus dans la pièce. » - “Entendu.” Il attrape le bout de papier sur lequel est griffoné le numéro avant de, à son tour, le glisser dans la poche de son pantalon, soucieux de le mettre hors de la vue de Maisie pour ne pas qu’elle y pense de trop.

« Mais tu le croirais, toi, si l’employé qui était quasiment le dernier dans le bâtiment et dont le badge a ouvert la porte au voleur venait clamer son innocence ? » C’est l’évidence qu’il refusait de voir. “J’aurais aimé te dire que oui.” Mais la réponse est non, bien entendu. Même lui, avec toute sa foi en l’humanité, n’aurait pas pu donner le bénéfice du doute à Angus dans une affaire où tout fait de lui un coupable idéal. « Il a besoin de ce boulot, c’est lui qui supporte sa mère et son frère. » Raison pour laquelle Swann veut aider, parce qu’à défaut d’avoir véritablement confiance en Angus, il a confiance en Maisie, et à ses yeux c’est tout ce qu’il a besoin de savoir. « Non, c’est pas à vous de régler le problème et Angus et moi on mettra une vie à vous rembourser. » - “Chose qu’on ne vous demanderait pas de faire.” Il reprend aussitôt. Ils n’ont pas de mal à boucler les fins de mois, loin de là, et sa proposition était un service bien plus que quoique ce soit d’autre. “Ma proposition reste valable, mais je ne te forcerai pas la main.” Si elle n’est pas à l’aise face à cette idée, il ne la forcera à rien, parce qu’il ne veut pas la mettre dans une position possiblement difficile. « À la rigueur, si tu vois passer une offre d’emploi... » Il hoche la tête. Ça aussi, il peut le faire, et cela ne laissera pas Maisie penser qu’elle lui est redevable de quoi que ce soit.

« Je crois que j’ai pas envie d’aider mon frère. Et que j’ai plus envie de le voir. Est-ce que ça fait de moi une horrible personne que de vouloir renier mon propre frère ? Alors qu’il a besoin de moi plus que jamais ? » Il balaie d’un geste de la main les excuses qu’elle ajoute juste ensuite, simplement parce qu’il ne veut pas les entendre et les accepte encore moins. “Ca fait de toi quelqu’un d’humain qui ne veut pas souffrir pour les erreurs d’un autre. Le fait qu’il soit ton frère ne peut pas lui donner tous les passe-droit.” Aussi simplement que cela, il lui statue les choses telles qu’il les voit de son côté, avec un débit lent et calme qui le caractérise pleinement. Il ne sait pas ce que c’est que de ne pas s’entendre avec sa famille, mais pour considérer Arthur comme son frère, il sait au moins à quel point les relations peuvent parfois être rendues difficiles malgré des années de vie commune. “Ecoute, je vais te préparer la chambre et tu vas faire comme chez toi, d’accord ? On trouvera une solution à tout ça.” Elle a besoin de se reposer, de prendre un bain, de ne penser à rien d’autre qu’aux caresses que Brownie demande, et peut-être qu’ensuite ils en reparleront, à tête reposée. Les choses iront mieux, elles ont simplement besoin d’un peu de temps.

“Non. Mais je trouverais que c’est un bon début.” C’en serait un oui, je veux bien le reconnaître même si je persiste à croire que ça ne suffira pas. Je campe sur mes positions au risque d’être foutrement agaçante, sachant pertinemment que Swann ne sera pas de ceux à me mettre devant mes propres contrariétés. Je sais que ce serait un bon début, mais après les excuses, qu’est-ce qu’il restera ? Je suis déjà incapable de penser à Angus sans avoir envie de fondre en larmes ; alors une fois devant lui, je doute d’arriver à avoir une meilleure contenance et ce n’est certainement pas de mes sanglots dont il a besoin à cet instant. C’est pourtant tout ce que je peux lui offrir, alors j’acte que mon silence est préférable à une présence désobligeante. C’est pour son bien, oui, c’est ce dont je veux me persuader alors qu’il s’agit aussi du mien, et d’un problème que je ne suis pas prête à affronter tout de suite, toute seule, alors même qu’il est le premier que je devrais régler. Et si je n’ai pas la force (ou plutôt le courage) d’affronter Angus, je finis par céder face aux demandes de Swann, et il pourra lui envoyer un message – même si je pense que ça importe peu le Sutton de savoir que je vais bien, alors qu’il doit probablement me mettre dans le même panier que mon frère. Les Moriarty sont un nid d’emmerdes, je suis sûre qu’il l’a toujours pensé même s’il a eu la décence de ne jamais me le faire savoir ; j’espérais juste lui prouver le contraire. Et si j’accepte que Swann le contacte, je préfère qu’il le fasse quand je ne serai plus là, parce que l’angoisse liée à la sonnerie de son téléphone pour annoncer d’une réponse d’Angus me rendra encore plus malade que je ne le suis déjà. “Entendu.” J’affiche un maigre sourire en guise de remerciement, même si je ne suis pas convaincue que ce contact soit réellement une bonne idée.

Et si l’optimisme de Swann semble être à toute épreuve, il craque légèrement quand j’énonce les faits et l’évidence : personne ne croira Angus. “J’aurais aimé te dire que oui.” Alors si même le Buchanan, qui essaie toujours de trouver le meilleur en chaque situation, finit par admettre que celle-ci est tendue, c’est qu’elle l’est ; et que, définitivement, il n’y a plus grand-chose à quoi se raccrocher vis-à-vis d’Angus. Seth lui a bousillé la vie, mais c’est bien mon désir de revanche sur mon frère qui a amené tout ceci, et peu importe l’issue, je me sentirai toujours coupable. Et je n’ai pas envie d’ajouter à cela la honte que je ressentirai à l’égard de Swann et Rory si ceux-ci s’impliquent plus que de raison pour l’aider. J’ai merdé sur tous les points, mon égo a été plus fort que ma raison et c’est donc à moi d’assumer les conséquences de mes actes, quand bien même je préfère encore les ignorer un peu plus longtemps pour l’instant. “Chose qu’on ne vous demanderait pas de faire.” Je sais, oui, mais ça ne rend pas la proposition plus alléchante pour autant. Je n’ai pas envie que la pitié de mon ami soit la source d’efforts de sa part qu’il n’a pas à fournir. “Ma proposition reste valable, mais je ne te forcerai pas la main.” Elle reste valable, mais ne sera pas saisie pour autant. La seule chose que je veux bien concéder, c’est de m’avertir si une offre d’emploi lui paraît pas mal, plutôt que de faire jouer ses relations pour lui en trouver un.

Au fond, le problème ne réside pas uniquement dans ce que Seth a fait subir à Angus, mais sur ce que je ressens aussi vis-à-vis de mon propre frère ; une colère qui m’est d’ordinaire familière et qui, cette fois-ci, me fait peur compte tenu de la manière dont elle s’est décuplée au cours des derniers jours. Je ne veux plus le voir. C’était une pensée sous la rage, qui s’est transformée en affirmation que je peine encore à accepter. “Ca fait de toi quelqu’un d’humain qui ne veut pas souffrir pour les erreurs d’un autre. Le fait qu’il soit ton frère ne peut pas lui donner tous les passe-droit.” Mais ça devrait. Ça devrait, c’est de ça qu’est faite la famille ; et je n’ai déjà plus mon père, je connais pas mon demi-frère et ma demi-sœur, je n’ai personne d’autre que lui, Lee et ma mère et ça me fait peur, qu’on soit aussi peu. Je ne peux pas compter sur lui, mais j’ai pas l’impression d’avoir d’autres personnes vers lesquelles me tourner, et ça me terrorise. “Ecoute, je vais te préparer la chambre et tu vas faire comme chez toi, d’accord ? On trouvera une solution à tout ça.” Je hoche la tête, inspire lourdement pour tenter de me remettre les idées en place ; c’est un échec, même si l’une d’entre elles finit par prendre le dessus sur ma culpabilité à l’égard d’Angus et mon ressenti ambivalent par rapport à mon frère. « Swann ? Je peux avoir un câlin ? » Je me sens ridicule dans ma demande, mais s’il y a quelqu’un qui s’exécutera sans réfléchir, c’est bien lui. Et j’en ai besoin. J’en ai foutrement besoin ; et puisque je ne peux pas faire cette demande ni à mon frère, encore moins à Angus, sans parler de ma mère, il est un choix par défaut qui est pourtant parfaitement évident.

@Swann Buchanan