J’ai cru que le pire jour de ma vie c’était quand j’ai appris que Maria n’était plus là, mais j’ai l’impression que la douleur de l’enterrement est encore pire. Cette journée a été un cauchemar du début à la fin. Une journée totalement surréaliste, et même après tout ça je n’arrive pas à y croire. De la fermeture du cercueil à la cérémonie, tout a été un déchirement. Je n’ai même pas réussi à prendre la parole pour lui faire un discours d’hommage. Pourtant ça faisait des nuits entières que les mots étaient prêts dans ma tête. Alors je me suis contenté de m’asseoir avec la famille, de pleurer avec eux mais c’était comme si je n’étais pas présent. Mon corps était là-bas, à l’église mais je ne ressentais rien à part un énorme vide. J’avais mis mon costume, celui que j’avais porté au vernissage et que Maria avait trouvé beau. Elle m’avait même dit que j’avais l’air d’une star dedans. A l’époque ça m’avait fait sourire, ce matin quand je l’ai enfilé ça m’a brisé le cœur. Une chose est sûre, je ne remettrai plus jamais ce costume, ce serait trop dur.

Nous rentrons tous à la maison, maman ouvre la porte et c’est un grand silence qui flotte dans la maison, et c’est sûrement mieux comme ça. De toute façon qu’est-ce qu’on pourrait dire de plus ? De mon côté cela fait bien une semaine que je n’ai pas dit un mot. Je n’y arrive juste pas, je me sens totalement vide, incapable de penser et de formuler la moindre phrase. J’ai juste envie de rester seul, de me mettre tout seul dans ma chambre sous la couette sans devoir parler à quelqu’un. Alors quand Sara apporte des verres dans le salon en proposant de boire quelque chose je la regarde sans qu’un seul mot ne sorte de ma bouche. « Il y a du jus de fruits au frigo, si certains en veulent. Et il reste du coca. Sinon c'est de l'eau. » Bloqué dans un mutisme, je me contente de hocher la tête de gauche à droite pour décliner sa proposition. Je n’ai pas envie de boire quelque chose et encore moins de manger, cette seule pensée suffit à me filer la nausée. Je m’installe dans le canapé, la place la plus près du mur et la plus isolée aussi. J’en profite pour sortir mon téléphone et je commence mon activité du moment : le scrolling intensif. J’ouvre instagram tout en faisant défiler les publications sans qu’aucune ne me fasse réagir. Même les vidéos qui auraient pu me faire rire ou les photos qui m’auraient intéressé en temps normal ne me font rien. Je fais glisser mon doigt sur l’écran pour passer le temps, pour m’occuper et essayer de me vider l’esprit mais rien ne marche. Vu de l’extérieur, mon attitude doit peut-être avoir l’air peu respectueuse, comme si je n’étais pas affecté par tout ça. Mais les cernes sous mes yeux rougis par les larmes suffisent à rappeler la réalité : je suis en sale état physiquement. J’ai hâte que cette journée se termine pour pouvoir me cacher sous la couette et dormir pendant de très longues heures, c’est le seul moment où j'arrive à faire le vide et à ne pas penser à quel point la vie est merdique.

Des mines tristes et des larmes, voilà le résumé de cette journée éprouvante. Alma avait pleuré, beaucoup, trop. A présent, il fallait qu'elle prenne sur elle, refusant de craquer à nouveau quand le reste de la famille avait besoin que quelqu'un garde la tête froide. Depuis le décès de la petite, leur mère avait sombré dans un genre de dépression qui l'empêchait de s'occuper correctement d'Alejandro, désormais le plus jeune de ses enfants. Sara avait perdu toute joie de vivre et Cesar semblait avoir perdu son envie de parler. Diego passait ses journées à répéter que personne n'aurait pu la soigner, comme s'il se sentait coupable de ne pas avoir pu la sauver. Et Alma gérait de la seule manière qu'elle connaissait : en s'occupant de tout. Comment aurait-elle pu trouver le temps de faire son deuils lorsqu'il s'agissait d'organiser un enterrement, d'envoyer des cartes de remerciements pour les vœux de condoléances reçus ou de payer les factures des prestataires ? Elle allait mal et ça se lisait clairement sur son visage. Elle souffrait plus qu'elle n'avait jamais souffert, sentant qu'en elle un sentiment de vide profond était en train de lutter pour prendre la place de toutes ses émotions. Mais elle se rattachait aux faits, aux tâches qu'il fallait effectuer, à se montrer être présente pour ceux qu'elle aimait, comme elle avait été présente pour sa douce Maria. Parce que sans ça, elle n'était pas certaine de réussir à se relever un jour. Arrivés à l'intérieur de la maison, elle lâchait la main d'Alejandro. En fait, elle avait l'impression de lui avoir tenu depuis qu'ils étaient partis à l'office, et la sensation de ne plus avoir sa main dans la sienne réussit presque à lui remettre les larmes aux yeux, encore. Il avait exprimé son envie de quitter ces vêtements sombres et de se mettre en pyjama, et qui pourrait le blâmer pour ça ? Toutes les personnes présentes dans cette maison ne rêvaient probablement que de se caler sous une couette pour le restant de leurs jours - ou le temps de digérer ce qu'il venait de se passer, au moins. Alors elle l'autorisait à filer dans sa chambre un instant, tout comme venait de le faire Maritza d'ailleurs. Tu peux aller te changer mon grand, vas y. Sara apportait de quoi boire et sans attendre Alma se servait un verre d'eau. Elle était assoiffée, comme si toute l'eau de son corps s'était évaporé avec ses larmes. Elle s'installait à côté de Cesar, laissait quelques minutes passer avant d'oser briser le silence pesant qui avait pris possession de la pièce. Maman m'a demandé d'emballer toutes les affaires de Maria. Pour qu'elle n'ait plus à subir de les voir traîner partout dans la maison, ce qui ravivait la douleur un peu plus à chaque fois. Quelqu'un veut m'aider ? Vider sa chambre serait une épreuve douloureuse, mais elle pouvait comprendre la nécessité de le faire rapidement, au risque de ne jamais réussir à y toucher et qu'elle reste figée dans le temps durant des années. Ou récupérer quelque chose peut-être ? Juste un souvenir, même s'il ne remplirait jamais le vide laissé par leur précieuse Maria.

Je pensais que le retour à la maison serait la partie la moins difficile de la journée, mais j’ai été bien con de croire ça. Le silence à la maison est étouffant, mais en même temps de quoi est-ce qu’on aurait bien parlé ? On aurait pu parler d’elle, évoquer de bons souvenirs, des moments qu’on a eu la chance de partager avec elle. Mais ce serait trop dur, et ça fait des jours qu’on tient ce discours. Et puis voir tous ces gens à l’église ce matin et les entendre dire à quel point ma sœur était un petit rayon de soleil ça m’a brisé le cœur. Parce que la vie est beaucoup trop injuste, Maria était un petit ange, un concentré de bonne humeur, de force, avec un caractère bien trempé aussi. Penser à ce genre de truc pourrait m’arracher un petit sourire parce que c’est quelque chose qui doit être dans les gênes de la famille d’être têtu. 8 ans bordel, 8 ans, la vie est beaucoup trop injuste et je crois qu’aucun autre futur constat ne pourra me briser davantage le cœur. Je pensais donc que la fin de l’enterrement, des discours, des condoléances et des remerciements pour les personnes présentes me ferait du bien mais à chaque minute qui passe je me sens encore plus vide. Parce que tout ça est devenu trop réel et j’ai réalisé d’un coup que je n’allais pas me réveiller de ce cauchemar. Cette journée c’était donc comme une énorme claque, du genre qui met KO et dont on a du mal à se relever. Et la présence du reste de la famille n’aide pas vraiment, au contraire. J’aimerais pouvoir me casser et juste me planquer sous ma couette pour ne pas en sortir. Rester assis dans le salon là et être forcé de discuter comme ça c’est une véritable torture. Sara décide de briser le silence la première, proposant des boissons mais je refuse d’un signe de la tête. Maman monte dans sa chambre pour se changer et Alma invite Alejandro à la suivre. J’ai sorti mon téléphone et je traine sur mon téléphone sans pour autant prêter la moindre attention à ce que je regarde pendant qu’Alma s’installe à mes côtés. Un silence s’installe à nouveau et j’hésite à me lever en lâchant juste un « j’y vais » pour rejoindre ma chambre sans demander l’autorisation. La journée a été épuisante et j’aurais bien besoin de repos. “Maman m'a demandé d'emballer toutes les affaires de Maria.” Je quitte brusquement mon écran des yeux pour la fusiller du regard. “Quelqu'un veut m'aider ?” Elle est sérieuse ? Comment est-ce qu’elle peut nous demander ça maintenant. Enfin c’est plus la demande de Maman que je ne comprends pas. “Ou récupérer quelque chose peut-être ?” Je suis sur le point de m’emporter, de lui dire qu’il n’en est pas question quand Sergio prend la parole. « Ou vous pouvez juste fermer la porte. » Je le regarde et je hoche légèrement la tête en l’écoutant.  « Tu n’as pas à t’en charger Alma. Encore moins seule. » Personne ne doit s’en charger, sa chambre restera comme elle est et puis c’est tout. Il y a de la place ici, chacun a sa chambre, je ne vois pas en quoi ça ce serait gênant de laisser ça comme ça. « On pourrait juste... Ramasser celles qui traînent et les mettre dans sa chambre, » Sara a raison, ce serait trop dur de passer dans l’entrée en voyant son manteau ou de voir son doudou qui traine dans un coin du salon. « On peut pas vider sa chambre, pas maintenant, » Je laisse échapper un gros soupir et je secoue la tête de gauche à droite. Je regarde Alma droit dans les yeux pour lui dire avec fermeté mais sans agressivité. “Non mais on touche pas à sa chambre non et puis c’est tout.” Tout le monde a l’air plutôt d’accord dans le salon alors on ne le fait pas. “Mais je suis d’accord il faut fermer la porte…j’en…j’en peux plus de passer devant sa chambre.” C’est bien une des rares fois où je suis d’accord avec Sergio ou avec Sara d’ailleurs. Mais aujourd’hui les vieilles rancœurs sont restées sur le pas de la porte, ce n’est vraiment pas le moment et de toute façon je n’ai pas la force pour me battre avec eux, pas aujourd’hui. « Quelqu’un peut aller fermer la porte et ramasser ses trucs ? Je peux pas” En général je suis à peu près sûr d’être à peu près quelqu’un de solide mais là je suis en mille morceaux et je me sens incapable de regarder une de ses affaires sans me mettre à pleurer. Quelle vie de merde bordel.

Sa voix, son odeur, son sourire, ses éclats de rire. Des souvenirs ; voilà tout ce qu'il leur restait de leur douce et innocente Maria, désormais partie rejoindre les anges. Alma avait plus que tout peur de les oublier. Elle s'imaginait que si elle s'arrêtait une seule seconde de penser à elle, tout finirait pas s'effacer de son esprit, et elle refusait de laisser ça arriver. Chaque photo était précieuse, chaque évènement dont elle pouvait se souvenir l'était encore plus. Alors la brune comprenait à quel point les affaires de la petite, qui trainaient un peu partout dans la maison, l'étaient elles aussi. Mais si visiblement tout le monde était pour ne surtout rien toucher, leur mère semblait vouloir se débarrasser de tout. Comme si, à l'inverse des autres Gutiérrez, songer une seule seconde à sa plus jeune fille la mettait indéniablement face à l'immense perte qu'ils faisaient tous face. Comme si son décès et toute la souffrance qui se dégageait de cette situation avait déjà effacé tout le bon, la joie, les rires et l'amour. Chacun d'entre eux allait devoir faire face à son deuil de sa façon, et personne ne pouvait en vouloir à quelqu'un de ne pas réagir de la même manière que les autres, mais ils devraient trouver des arrangements pour que cette période douloureuse se passe au mieux pour tout le monde. Ou vous pouvez juste fermer la porte. En même temps, Alma se doutait que les avis auraient divergé à ce sujet. Tu n’as pas à t’en charger Alma. Encore moins seule. Pour une fois, le comportement de Sergio était irréprochable. Il avait pris sa place de père et essayait de gérer au mieux, comme eux tous. Rien qui n'empêchait Alma de vouloir prendre les choses en mains, comme sa mère le lui avait demandé. Je peux le faire. Si on la laissait faire, évidemment, ce qui ne semblait pas être le cas puisque Sara prit la parole à son tour. On pourrait juste... Ramasser celles qui traînent et les mettre dans sa chambre. On peut pas vider sa chambre, pas maintenant. Ça paraissait être un bon compromis, et la jeune femme s'apprêtait à acquiescer quand Cesar intervint à son tour. Non mais on touche pas à sa chambre non et puis c’est tout. Il était à deux doigts de s'énerver, Alma sentait sa gorge se serrer. A croire qu'ils pensaient tous qu'elle trouvait du plaisir à prendre cette initiative ; c'était tout le contraire. Ça lui déchirait le cœur d'imaginer les affaires de leur précieuse Maria emballée pour finir données ou vendues ; ça lui déchirait le cœur d'imaginer qu'elle ne verrait plus la petite porter ses jolies robes ou son costume de princesse. Ok ok, on touche à rien. Qu'elle lançait, presque sur la défensive, comme si le fait qu'ils n'aient pas été d'accord avec elle voulait dire qu'ils étaient contre elle. Comme s'ils ne voyaient pas qu'elle faisait tout pour les soutenir et faire en sorte que cette famille ne se brise pas à nouveau. Elle était à fleur de peau et ça se ressentait clairement dans chacun de ses gestes, dans ses expressions et dans sa façon de parler, même si elle mettait tout en œuvre pour le cacher. Mais je suis d’accord il faut fermer la porte…j’en…j’en peux plus de passer devant sa chambre. Un silence s'installait à nouveau dans la pièce et elle en profitait pour boire son verre d'une traite. Quelqu’un peut aller fermer la porte et ramasser ses trucs ? Je peux pas. Alma prit une longue inspiration avant de se lancer. C'est bon, j'y vais. De toute façon j'avais dit à maman que je m'en occuperais. Le plan initial ne serait pas suivi, mais elle supposait que le compromis conviendrait à Maritza, temps qu'elle n'avait pas à tomber sur les affaires de Maria au hasard dans la maison. Et je rentre chez moi après. Elle était restée quelques jours à la maison avec le reste de sa famille juste après le décès de Maria, mais à présent elle avait besoin de se retrouver seule pour faire le point et accepter les milliers d'émotions qui étaient en train de la submerger. Sinon, d'un moment à l'autre, elle risquait de craquer. Quelqu'un fait le tour avec moi ?

But what is grief if not love persevering ?

@Sara Gutiérrez @Sergio Gutiérrez @Alma Gutiérrez

La journée était déjà éprouvante mais il a fallu que certains décident de la rendre encore plus difficile. Je n’arrive pas à comprendre la demande de Maman, pourquoi vouloir faire ça si vite ? Faire ça maintenant ce serait comme tout balayer, comme si elle n’était pas partie, comme si elle n’avait jamais existé. Et puis merde quoi, la maison est immense, chacun a sa chambre alors en quoi ce serait gênant que la chambre de Maria reste comme elle est. C’est quoi le projet ? On met tout dans des cartons au grenier, on repeint demain et après-demain on en fait un bureau ou une buanderie ? Cette pensée là me révolte et je ne me gêne pas de le dire. Pour une fois Sergio et Sara sont de mon côté, le genre de trucs qui n’arrivent jamais. “Ok ok, on touche à rien.” Encore heureux. Je pense que si Alma avait insisté je me serais énervé même si je suis épuisé par la journée. J’accepte cependant qu’on ferme sa porte, parce que c’est bien trop difficile en vivant ici de passer devant cette porte entrouverte tous les jours. Je demande si quelqu’un peut aller aider Alma à ramasser les affaire de la petite éparpillées dans la maison, je m’en sens incapable. “C'est bon, j'y vais. De toute façon j'avais dit à maman que je m'en occuperais.” Je hoche la tête pour lui dire merci. “Et je rentre chez moi après” Voir Alma repartir ça va faire bizarre après l’avoir vue dans le coin pendant presque une semaine. Même si on ne se parle pas beaucoup en ce moment elle va me manquer. “Quelqu'un fait le tour avec moi ?”  « Je vais t’aider. » « Je vais t’aider. » Si je n’étais pas complètement vidé d’énergie ou d’émotions je pense que c’est le genre de situation qui aurait pu me faire exploser en temps normal. Voir Sergio ramasser les affaires de sa fille pour qui il n’a jamais eu le moindre intérêt c’est le genre d’image qui aurait pu me faire péter les plombs. Mais pas aujourd’hui, pas maintenant. Ce n’est ni le moment pour les vieilles rancœurs et de toute façon je n’ai aucune envie de rentrer en conflit avec lui en ce moment. « J'arrive. » Je me sens con, inutile parce que je pense que je ne suis pas capable de toucher le moindre jouet qui lui a appartenu sans m’effondrer à nouveau. C’est trop difficile et le seul fait de les voir commencer à ramasser ses affaires fait remonter mon niveau d’anxiété. Mon rythme cardiaque s’accélère et j’ai rapidement l’impression d’étouffer, submergé par les émotions. Merde je me sens pas bien là “Je vais prendre l’air” Je me lève avec un mal de ventre plutôt dérangeant. Je ne prends pas mon téléphone qui reste sur le canapé et d’une main tremblante j’ouvre la porte fenêtre du salon pour aller dans le jardin. Je m’installe un peu plus loin sur le banc en essayant de calmer ma respiration. C’est au moins la dixième fois depuis le début de ce cauchemar que j’ai ce genre de crises. J’essaie de prendre de grandes inspirations pour calmer mon coeur mais mon regard se pose sur la balançoire et sur le toboggan où Maria aimait tant s’amuser. Putain c’est un cauchemar. Je repense à Maria que j’ai poussé sur la balançoire pendant des heures pendant qu’Alejandro descendait à toute vitesse le toboggan. Je repense au “Plus haut Cesar !” qu’elle me lançait avec beaucoup d’enthousiasme et un énorme sourire et ça me brise un peu plus. J’en peux plus, j’en peux plus de vivre ici c’est une torture. Le visage enfoui dans mes mains je me remets à pleurer et ma crise d’angoisse ne se calme pas, j’ai vraiment l’impression de me noyer et de perdre complètement pied.

Spoiler:

S'ils étaient tous d'accord sur la façon de procéder, il était temps de s'y mettre pour de bon pour pouvoir tourner cette page là au moins. Ce serait ça de fait, juste une première étape sur un chemin qui s'avèrerait long et douloureux pour chacun d'entre eux. Je vais t’aider. Alma n'aurait pas cru, quelques temps auparavant, pouvoir compter sur l'aide de Sergio ; mais elle ne cachait pas la reconnaissance qu'elle ressentait à cet instant de ne pas être investie de cette tâche seule. Elle se donnait de grands airs, se montrait forte et aurait tout fait pour soutenir sa famille. Pour autant, qu'il soulage sa charge mentale juste un peu en participant aujourd'hui faisait un bien fou à la brune. J'arrive. Elle se tournait vers Sara en entendant sa voix, lui offrait un sourire compatissant. Je vais prendre l'air. Ça marche. La fuite de Cesar n'était pas surprenante et Alma se demandait comment elle réussirait à percer la coquille qu'il était en train de se forger - si c'était possible. Le voir se renfermer sur lui même la déchirait profondément, mais elle n'avait malheureusement pas l'énergie de le porter à bout de bras pour l'instant. Lui laisser du temps et de l'espace était certainement la meilleure des choses à faire. D'ailleurs elle aussi avait besoin d'espace, elle le leur avait annoncé à tous en disant qu'elle rentrerait chez elle juste après - ce que Sara semblait déplorer puisqu'elle venait lui en reparler peu après qu'ils se soient mis à parcourir la maison à la recherche des affaires de Maria. Tu es sûre que tu veux rentrer tout de suite ? Elle hochait la tête machinalement. Tu pourrais rester un jour de plus. Elle savait être la bienvenue à la maison, et en même temps elle estimait avoir fait son temps ici. Son indépendance lui manquait. Ça m'a fait du bien qu'on se retrouve tous ici ces derniers jours, Elle était sincère à ce sujet. Se sentir entourée de sa famille, c'était tout ce dont elle avait eu besoin. mais j'ai besoin de rentrer maintenant. De souffler, de craquer, de ne penser qu'à elle et de s'enfermer sous sa couette, de manger de la glace, de regarder dans le vide et de voir le temps passer sans rien faire d'utile au passage - tout ça sans que personne ne puisse la voir, évidemment. De se retrouver, en soit, pour essayer de digérer un décès qu'elle pensait ne jamais pouvoir accepter. Tu sais que t'es toujours la bienvenue chez moi, si tu as besoin de souffler. Après un petit silence elle se retournait pour avancer vers le couloir, décrocher d'un porte manteau quelques affaires de leur petite sœur qui y étaient accrochés et qu'elle passait par dessus son bras pour les apporter jusque dans sa chambre. Elle attrapait au passage les affaires que Sergio venait de déposer dans un coin de la pièce, avant de se diriger vers la chambre de Maria, dont la porte était toujours ouverte. Elle s'avançait dans la pièce, posait ses vestes et son sac à dos sur le lit avant de rester plantée là, à observer silencieusement les murs ornés de décorations, les jouets qui traînaient au sol, les peluches encore placées comme si elles parlaient entre elles, comme la fillette aimait les mettre pour leur donner vie.