Il était difficile à croire qu’elle était parvenue jusque-là, qu’elle avait su déjouer les pièges du navire hanté qu’était la Narelle et se frayer un chemin jusqu’à la cale, tout en utilisant les indices qu’elle avait pu trouver. Bien sûr, Greta avait trouvé du monde sur son chemin mais certains étaient morts, d’autres avaient essayé de la voler et elle seule se retrouvait à présent dans la cale à tenter de retrouver ce que tout le monde cherchait. Sur son chemin, Greta avait vu des inscriptions étrangers sur les murs mais c’est au fumoir avec Ambrose qu’elle avait trouvé l’indice le plus important. Cacher un crâne maudit et l’accompagner d’indices ici et la était stupide mais le capitaine avait pour mission de naviguer non pas d’être un fin stratège. Et puis, finalement, elle n’avait aucune idée de comment s’était organisée la malédiction et elle n’avait aucune envie de le savoir.

Alors qu’avec la solitude revenait la terreur, Greta tentait de chercher en s’assurant de garder un œil sur les possibles ouvertures pour les bunyip. Son corps s’était raidi un peu plus en écoutant quelqu’un rentrer dans la pièce mais c’était heureusement un visage familier qui s’était présenté. « Mère ? Toi aussi tu t’en es sortie ?! » Depuis les heures sombres qui avaient suivi le discours du capitaine, Greta avait dû faire équipe avec la vermine présente sur le bateau et se faire prendre de haut par des personnes qui ne lui arrivaient pas à la cheville. En un instant, elle se retrouvait de nouveau avec quelqu'un de son acabit et même si ses relations avec ses parents n'étaient pas au beau fixe, elle était plus qu'heureuse de voir sa mère ici. C'était une chance parce que si Greta réussissait à trouver et détruire le crâne, la survie ne serait que plus belle si sa mère s'en sortait également. « Est-ce que tu as trouvé des indices ? Moi j’ai un plan que j’ai eu au fumoir… » avait-elle demandé sans prendre le temps de lui octroyer les formes de politesse usuelles. Elles seraient toutes les deux d’accord sur le fait que l’urgence était de sauver leur peau et qu’il fallait aller vite car tout était menaçant. « Et Père ? » avait-elle enfin demandé, inquiète qu'il n'y soit resté.

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Raelyn Blackwell & @Greta Moore

Mon époux et moi-même avons cheminé vers le bureau du capitaine et, Amos, militaire de formation, n’a eu aucun mal à en forcer la porte. C’est encore grâce à lui que nous avons su faire marcher la rudimentaire radio trouvée sur place et, sa connaissance du morse aidant, nous avons déchiffré le message lugubre. C’est là que les choses se sont compliquées. Les communications du navire semblent avoir été trafiquées. Impossible de s’en servir pour faire parvenir un message à l’extérieur malgré les tentatives de mon mari. Le seul signal que cet appareil maudit semble capter, ce sont ces quelques mots supposés nous aiguiller dans la chasse au trésor de ce capitaine fou. A-t-il mis ce plan sur pied seul, ou a-t-il des complices ? Ce que j’ai au départ pris pour un jeu semble être un jeu mortel : plusieurs invités sont déjà passés par-dessus bord et il m’a semblé entendre des hurlements qui n’avaient rien d’humain au détour de certains couloirs. Quand je pense que nous n’étions ici que pour nous détendre et profiter de la croisière qui nous était gracieusement offerte, je vois rouge. Bien sûr, l’offre nous a semblé alléchante à tous les deux : Amos est un passionné de navigation depuis toujours, au point qu’il possède plusieurs maquettes de bâteaux comme celui-ci dans son bureau, et je suis une amoureuse du luxe. Notre fille, Greta, a fait des pieds et des mains pour nous accompagner et a eu raison de notre patience : nous avons accepté pour ne plus l’entendre avancer ses arguments à chaque repas.

Nous étions à se recherche quand une horde de passagers visiblement possédés nous ont séparés, mon époux et moi. Il s’en est tiré, j’en suis certaine, je le sens au fond de mes tripes, mais depuis, je n’ai pas réussi à le retrouver. « Mère ? Toi aussi tu t’en es sortie ?! » Surprise de tomber sur ma fille, je reprends ma respiration après une longue course dans les coursives pour être certaine de semer ces créatures. « Greta ! Nous te cherchons depuis près d’une heure ! » Retrouver notre unique héritière m’a semblé plus important que chercher ce fameux crâne. Je ne crois pas en une potentielle malédiction. « Est-ce que tu as trouvé des indices ? Moi j’ai un plan que j’ai eu au fumoir… » Je baisse les yeux sur la feuille jaunie qu’elle tient, oubliant pour l’instant le fait qu’elle s’est baladée dans le navire sans chaperon. J’aurais le temps de lui demander des comptes lorsque nous serons tous les trois hors de danger. « Et Père ? » - « Ton père et moi avons tenté de donner l’alerte, mais les communications du navire semblent avoir été trafiquées. » Un nouveau coup d'œil sur la carte, et j’ajoute. « Tu t’es lancée dans la folle quête de cet illuminé ? » Nous devrions plutôt être en train de chercher à voler une embarcation de secours, à mon sens.

« Greta ! Nous te cherchons depuis près d’une heure ! » Il fallait être honnête, la jeune héritière avait perdu tout espoir de les revoir un jour et s’était même persuadée qu’ils avaient pris la fuite grâce à leur argent, la laissant derrière eux. Ses parents étaient des gens de pouvoir et savaient comment arriver à leurs fins, elle était convaincue que même une apocalypse n’aurait su les stopper. Pourtant, sa mère était là et si les conventions ne les en empêchaient pas, Greta se serait jetée dans ses bras. La prestance de sa mère et son attitude suffisaient à lui faire maintenir un air composé. « Ton père et moi avons tenté de donner l’alerte, mais les communications du navire semblent avoir été trafiquées. » Ils n’étaient pas partis sans elle et avaient, comme la plupart des passagers du bâteau elle l’espérait, tenté de les sortir de cette catastrophe. Leur stratégie était différente, plus ancrée dans le monde réel, mais n’en était pas moins importante. Peut-être que donner l’alerte suffirait à les sauver, mais une chose était sûre, Greta, elle, croyait profondément à ce qui n’avait d’abord été que des rumeurs de couloir. « Tu t’es lancée dans la folle quête de cet illuminé ? » « Tu sais, Mère, tout le monde a initié les recherches. Ce crâne semble être notre seule chance de survivre. » Raelyn avait toujours été quelqu’un de sensé et de terre à terre. Prise dans un mariage dès son plus jeune âge avec Auden, elle n’avait connu que luxe et sophistication et l’idée qu’une famille de si bonne composition puisse être mêlée à une malédiction devait, Greta le savait, la laisser incrédule. « Je les ai croisés, les monstres. Les bunyip. Tout cela est bien réel. » Les yeux de Greta étaient criant de sincérité et en un regard, sa mère avait consenti à la croire et à la suivre dans cette mystérieuse quête. Ses parents étaient parfois trop snobs pour qu’elle ne puisse se sentir proche d’eux, et pourtant, alors que leur famille entière était prête à périr, Greta avait besoin de cette connexion pour pouvoir avancer. « On peut s’en sortir, reprendre notre vie normale. Je le sais. » Et alors que Greta prononçait ces mots pour se convaincre elle-même d’une possible issue, une voix d’outre tombe avait résonné pour les aider, comme si Narelle souhaitait voir deux femmes reprendre le contrôle du navire.

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Mes relations avec cette fille que j’ai eue trop jeune et que je ne comprends pas sont compliquées, mais je suis malgré tout profondément soulagée de voir qu’elle va bien et qu’elle semble indemne. Ses yeux ne sont pas vides et ses pupilles ne sont pas dilatée : elle n’a pas le regard hagard de ces inconnus qui semblaient sous l’influence d’une drogue inconnue - je refuse de croire qu’ils sont possédés pas une puissance maléfique, je suis bien trop cartésienne pour ça. Elle est elle-même, et seul mon amour de l’étiquette m’aide à résister à l’envie de la prendre dans mes bras. Cela, ainsi que la peur qu’il soit arrivé à son père. « Tu sais, Mère, tout le monde a initié les recherches. Ce crâne semble être notre seule chance de survivre. » - « Ne dit pas de bêtises Greta. Notre meilleure chance, c’est de parvenir à envoyer un message de détresse pour qu’on nous envoie une aide extérieure. Ton père cherchait d’ailleurs la salle de communication quand nous avons été séparés. » Puisque la radio du capitaine semblait hors service ou avoir été trafiquée. J’espère qu’Amos est arrivé à destination, et que nous serons bientôt secourus. « Je les ai croisés, les monstres. Les bunyip. Tout cela est bien réel. » J’ai un frisson dans le dos alors que ma fille évoque ces créatures sorties de comptes pour enfants. Personne passé l’âge de dix ans ne croit à leur existence, comme se pourrait-il qu’elles existent en fait réellement ? « Greta, tu t’entends ? Les bunyip, et pourquoi pas le lapin de Pâques. » Moi non plus je ne sais comment expliquer ces grognements inhumains qui proviennent du pont. Mais mon esprit ne cesse de trouver une autre explication.

C’est toutefois la peur dans les yeux de ma fille qui me pousse à la croire ou, en tout cas, à lui laisser le bénéfice du doute. Peut-être a-t-elle bien vu quelque chose de terrifiant, Bunyip ou pas Bunyip. L’aider à chercher ce fichu artefact est peut-être notre seule chance de conserver notre sang-froid, après tout. « On peut s’en sortir, reprendre notre vie normale. Je le sais.  » A moitié convaincue, je hoche la tête. « Bon, et où est-ce que tu penses pouvoir le trouver, ce crâne ? »

Difficile de faire entendre raison à une mère qui lui avait toujours inculqué les bonnes manières et appris à rester correctement à sa place. Greta n’était pas du genre à s’imposer face à ses parents et durant les conflits, si elle tentait de faire entendre sa voix, elle finissait toujours par se ranger gentiment de leur côté. Après tout, sans eux, elle n’était rien. « Ne dit pas de bêtises Greta. Notre meilleure chance, c’est de parvenir à envoyer un message de détresse pour qu’on nous envoie une aide extérieure. Ton père cherchait d’ailleurs la salle de communication quand nous avons été séparés. » Et elle se tenait là, la coiffure parfaite, la tenue lisse et immaculée alors que Greta, elle, montrait des signes visibles de lutte. Elle avait couru, s’était démenée avec les autres passagers et les bunyip pour arriver jusqu’ici. Et pourtant, Raelyn n’hésitait pas à prendre le temps de lui faire la morale alors même que chaque seconde était importante dans cette tentative de survie. « Greta, tu t’entends ? Les bunyip, et pourquoi pas le lapin de Pâques. » Aux yeux de sa mère, Greta était encore une enfant à qui l’on devait faire la leçon. Pourtant, ici sur le navire, elle avait plus appris qu’en dix-huit ans d’existence. Il fallait croire que naviguer sur un bateau hanté et tenter d’en résoudre les mystères était quelque chose de formateur. Agacée, Greta avait croisé les bras et tourné légèrement la tête avant que sa mère ne se décide à enfin coopérer. « Bon, et où est-ce que tu penses pouvoir le trouver, ce crâne ? » avait-elle enfin demandé, visiblement résignée et ayant renoncé à humilier sa propre fille. Il était évident que rien n’avait de sens et que croire tout cela les faisait passer pour des évadés d’un asile de fou, pourtant, le scénario qui se jouait autour d’elles ne mentait pas « Écoute, si Père s’occupe de lancer l’alerte, ça ne coûte rien de commencer à chercher de notre côté. » Avant de répondre, Greta avait jugé nécessaire de se justifier comme elle l’avait toujours fait face à ceux qui lui avaient toujours dicté sa vie. « Comme je te disais, j’ai trouvé un plan qui devrait nous amener au bon endroit.  » avait-elle expliqué en commençant à tourner le plan dans tous les sens. Dans son quotidien, elle était guidée et n’avait jamais eu l’occasion de lire un quelconque plan alors l’exercice s’annonçait difficile, autant pour elle que pour sa mère.

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« Écoute, si Père s’occupe de lancer l’alerte, ça ne coûte rien de commencer à chercher de notre côté. » - « On a été séparés. Je veux m’assurer qu’il ne lui est rien arrivé. » Quoi qu’elle en dise, retrouver son père et m’assurer qu’il ne lui est rien arrivé est prioritaire sur tout le reste pour moi. Si j’ai toujours eu un rapport compliqué avec ma fille - je n’étais pas prête à devenir mère - elle ne peut pas prétendre qu’elle ignore avoir été élevée dans un mariage d’amour. Dans notre milieu, la plupart des unions sont arrangées par les parents des jeunes époux. Pour mon époux et moi, les choses ont été différentes. Si Greta me trouve peut-être coincée et inflexible aujourd’hui, elle ignore qu’à l’époque, j’ai fui avec son père alors que je n’étais âgée que de dix-neuf ans pour pouvoir m’unir à lui dans le plus grand des secrets. Lorsque nous sommes rentrés en ville, nous étions de jeunes mariés et nous avons mis nos parents respectifs devant le fait accompli. Mon père ambitionnait de me marier au fils de l’un de ses riches et puissants amis, et nous avons agi rapidement Amos et moi pour le devancer. Je suis tombée amoureuse de mon mari dès que nous nous sommes rencontrés, et il n’était pas envisageable à mes yeux de laisser mes parents nous séparer. Il venait d’une bonne famille, avait déjà une situation dans l’armée et mon père a fini par se faire à l’idée. Les tensions se sont définitivement apaisées l’année suivante, quand je suis tombée enceinte de Greta, notre fille unique. Nous avons essayé d’avoir un autre enfant, après elle. Mais après plusieurs fausses couches, nous avons dû nous résoudre au fait qu’elle était notre miracle. « On va chercher ton artefact, mais on fouille tout le bateau en même temps. » A la recherche d’Amos.

« Comme je te disais, j’ai trouvé un plan qui devrait nous amener au bon endroit. » Greta étend le plan au sol, et au diable les convenances. Je m’agenouille pour l’étudier. Je ne suis pas idiote. Mais j’ai été élevée par des parents conservateurs qui considèrent que seules compétences utiles à une femme sont celles qui lui permettent de tenir un foyer. Si avec Amos je me suis émancipée, j’ai toutefois des lacunes. « La cale c’est ça ? » Je mets quelques minutes à la repérer sur l’immense plan avant de la pointer du doigt. « Elle a l’air d’être là non ? » Je fronce les sourcils, avant de comprendre. « J’ai l’impression qu’il faut obligatoirement passer par le pont… » Et comme moi, elle a certainement vu l'océan déchainé et les créatures qui sautent sur le navire pour se repaître de nos congénères humains.

Son propre mariage avait été une catastrophe et il était difficile de trouver les raisons d’un tel échec. Raelyn et Amos, Père et Mère, ses parents avaient toujours été des modèles, le genre de personne dont l’histoire d’amour faisait rêver. La sincérité était visible dans leurs yeux et Greta avait pu grandir dans un foyer réellement aimant et se construire une image concrète de ce que devait être l’amour. Jamais elle n’aurait toléré être moins aimée que son père avait aimé sa mère et si Owen n’avait jamais manqué de lui montrer, ils ne pouvaient se vanter d’un mariage aussi glorieux que les parents de l’héritière. Greta était persuadée que beaucoup d’enfants se disputaient avec leurs parents et elle l’espérait réellement en développant un respect grandissant pour sa mère en la voyant, là, agenouillée, déchiffrant une carte pour les mener à une relique, à de la poussière. « On a été séparés. Je veux m’assurer qu’il ne lui est rien arrivé. » Cette femme agissait alors même qu’elle était tourmentée par la peur de se voir séparée de son mari à tout jamais alors que quelques minutes suffisaient déjà à la destabiliser. « On va chercher ton artefact, mais on fouille tout le bateau en même temps. » avait-elle dit dans une assurance qui ne la quittait jamais. « Bien sûr. Moi aussi, je voudrais le retrouver, tu sais… » Elle avait levé son regard azur vers sa mère pour lui témoigner sa sincérité. Mais ce regard était également apeuré et lui montrait qu’elles avaient beaucoup à perdre si elles ne suivaient pas le plan qui constituait déjà un atout par rapport aux autres passagers. « La cale c’est ça ? Elle a l’air d’être là non ? » Greta avait acquiesé et se faisant avait accepté de prendre en charge toute sa famille. Greta avait attrapé la main de sa mère pour se mettre en route, le temps leur était compté. « Papa doit également nous chercher, on finira forcément par le trouver. Mais tu sais, si l’on ne met pas la main sur le crâne, on périra tous. » Greta savait bien que sa mère préférait qu’ils soient unis dans la mort que séparés dans la vie, mais la jeune femme avait déjà trop donné à cette quête pour renoncer et ce malgré l’amour qu’elle portait à ses parents. Elles avançaient, soudées, et c’étaient les liens familiaux qui se resserraient.  « On va y arriver. Ensemble. » Et cette phrase incluaient évidemment le père de famille.

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Je suis tiraillée entre mon soulagement d’avoir retrouvé ma fille et mon envie de l’aider dans sa lubie - je l’aime, même si je n’ai jamais trop su comment le lui montrer tant nous sommes différentes et parce que j’étais jeune à sa naissance, à bien des égards elle est arrivée trop tôt - et la peur qui me garde en tenaille. Celle qu’il soit arrivé quelque chose à mon compagnon de toujours. Toutefois, s’il cherche la salle de communication, il se dirigera comme nous vers le bas du navire. Je sais également que c’est là qu’il voudrait que j’aille pour nous protéger, Greta et moi. « Bien sûr. Moi aussi, je voudrais le retrouver, tu sais… » - « Il est vivant. Je le sais. » Greta n’a pas encore rencontré son âme sœur. Comment attendre d’elle qu’elle comprenne le lien particulier qui nous unit, son père et moi ? Si quelque chose était arrivé à Amos je le saurais, j’en ai la certitude. « Papa doit également nous chercher, on finira forcément par le trouver. Mais tu sais, si l’on ne met pas la main sur le crâne, on périra tous. » - « Je vais t’aider. » Sans être complètement convaincue par ce qu’elle avance mais puisque, après avoir analysé les différentes possibilités, je suis arrivée à la conclusion que c’était la meilleure chose à faire, pour l’instant.

Alors je prends la carte et je l’étudie. Je tente de m’en sortir dans un monde qui n’a jamais rien fait pour éduquer les femmes, et je remercie mon mari d’avoir montré un peu plus d’ouverture d’esprit, lorsque nous étions jeunes. C’est à ses côtés que j’ai pu m’instruire, et je crois que ma lecture de la carte est correcte, quand j’annonce le chemin qui nous mènera jusqu’à la cale. « On va y arriver. Ensemble. » Ma fille ne devrait pas être celle qui me rassure. Je prends alors une inspiration et je hoche la tête. « Allons, en route Greta. » Je me redresse et tandis qu’elle range sa carte, je cherche des yeux le chemin vers le fumoir. Bingo, il est indiqué. « Le fumoir est par là. Et si ta carte est juste, on pourra remonter jusqu’au pont grâce à lui. » Je me mets en marche, considérant que nous n’avons pas une seconde à perdre. « Sur le pont, il faudra être rapides. Tu as vu ces créatures ? On devra le traverser en courant. » Pour éviter de se faire arracher la tête au vol.

« Allons, en route Greta. » Raelyn Blackwell était une femme respectacle et une femme dont le charisme et l’assurance ne permettait pas de faire autre chose que de l’écouter et d’obéir. Certes, Greta était sa fille, mais elle avait déjà vu sa mère faire comprendre à leurs serviteurs ce qu’elle attendait d’eux en un regard. Une fermeté qui n’allait jamais jusqu’à l’irrespect, sa mère avait des défauts, mais elle était fascinante. « Sur le pont, il faudra être rapides. Tu as vu ces créatures ? On devra le traverser en courant. » Sa fille avait acquiescé, le danger était partout et ses déplacements ne s’étaient jusqu’alors fait qu’en courant. Le temps pressait, les monstres guettaient, il était impossible de faire autrement. « Le fumoir est par là. Et si ta carte est juste, on pourra remonter jusqu’au pont grâce à lui. » Il était parfois plus facile pour l’héritière de chercher à s’émanciper et à échapper à ses parents et toute l’arrogance qui pouvait parfois les qualifier, mais cette fois, elle était fière et rassurée de faire équipe avec sa mère qui semblait savoir ce qu’elle faisait. Cela ne l’étonnait pas, Greta savait que celle-ci ne resterait pas déstabilisée bien longtemps et ce même sur un navire hanté et maudit. La jeune femme suivait sa mère, écoutant attentivement ses conseils et ses ordres, se raccrochant à elle comme seul espoir de survivre. Les deux femmes étaient arrivées sur ce fameux pont et alors que Greta s’apprêtait à courir à toute vitesse, elles avaient été stoppées dans leur folle course par un monstre accompagnant une personne qui n’était pas effrayée. Elle devait être possédée et se dirigeait droit sur elles. Se cachant par réflexe derrière sa mère, la peur de Greta n’avait duré que quelques instants puisque le monstre s’était tordu de douleur avant de s’évaporer et c’était une passagère tout à fait normal qui se tenait maintenant face à eux avec l’air confus, comme quelqu’un qui se réveille d’un mauvais rêve. « Tu… tu crois que quelqu’un à été plus rapide ? Qu’on a été sauvées ? » Parce que tout semblait indiquer que les monstres avaient été détruits, la mer était redevenue calme et le soleil perçait à l’horizon. SI c’était le cas, les deux femmes n’avaient plus qu’à retrouver le père de famille et à attendre l’arrivée à bon port pour sortir de ce cauchemar ensemble.

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J’ai l’habitude d’être écoutée. Je gère un foyer et une foule de domestiques d’une main de maître. Mon mari est peut-être habitué à distribuer des ordres à ses officiers et, à ce titre, il est perçu comme l’autoritaire au sein de notre couple, mais penser que par conséquent je manque de ces qualités serait mal me connaître. Concernant ma fille, je l’ai certainement étouffée une partie de son enfance, ne sachant comment lui montrer que je l’aime tout en l’éduquant du mieux que la jeune femme que j’étais l’a pu. Mon mari était souvent en mission à l’étranger, sans que ça n’entache en rien notre amour. Mais il n’en reste pas moins vrai que veiller sur Greta et faire d’elle une femme accomplie est une tâche qui m’est incombée. Et j’étais trop jeune pour savoir le faire sans commettre d’erreur. Au moins, elle obéit.

Sur le pont, je m’apprête à courir quand une créature nous saute dessus. Sur quatre pattes, d’une taille effrayante, elle pousse un rugissement - hurlement ? - qui dévoile toutes ses dents. Son haleine est abjecte et, instinctivement, je protège de mon bras ma fille qui se cache derrière moi. Peut-être vais-je y rester, mais si je peux offrir à Greta le temps de fuir, je le ferai. Sauf que juste avant de bondir sur moi, la bête s’évapore. Je cligne plusieurs fois des yeux et, en quelques minutes, le temps change. La nuit noire qui était tombée sur le bâteau en plein jour disparaît et fait place au jour, alors que l’océan se calme doucement. « Tu… tu crois que quelqu’un à été plus rapide ? Qu’on a été sauvées ?  » - « Je l’ignore. » Et je ne veux pas rester là, quoi qu’il se passe. « Vite, on court jusqu’à l’autre côté du bâteau. » Si quelqu’un est déjà là-bas, nous le trouverons. Si c’était un piège ou un simple répit, nous n’avons pas de temps à perdre. « Dépêche toi Greta. » Je l’encourage, et, arrivée au bout du navire, nous soulevons à deux la lourde trappe. Moi, je me penche pour observer ce qu’il se trouve en dessous. « J’ai l’impression qu’il y a moins de deux mètres. Vite, l’échelle. » Je n’ai plus qu’une idée en tête : avoir la confirmation que nous sommes tirés d'affaires et retrouver mon âme-sœur.