À travers un écran ♦ Sarie

(#)Mer 19 Oct 2022 - 15:01

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

À force d'y aller, Sara connaît toutes les boutiques de maquillage de Queen Street Mall. Il faut dire qu'à chaque fois qu'elle fait une virée dans ce centre commercial – qui est en fait une grande rue –, elle passe dans chacune d'elles. Elle n'y achète pas forcément quelque chose à chaque fois – question de budget, car l'envie y est assurément – mais elle y fait forcément un tour. Pour voir les nouveautés, critiquer – dans sa tête, en général – les couleurs tendance dans tel ou tel magasin, repérer les produits qu'elle a vu sur Instagram – notamment leur prix –, s'imaginer avoir telle ou telle couleur sous les yeux, faire des essais sur le dos de sa main. Et parmi les boutiques qu'elle préfère, il y a MAC. Leurs produits comme leurs affiches de campagne, elle trouve que c'est une marque avec de l'ambition et de la qualité alors forcément elle kiffe. Le plus gros problème pour Sara, c'est le prix. Mais comme regarder ça ne coûte rien, aujourd'hui encore la brune pousse les portes de leur boutique à Brisbane.

Initialement, elle venait voir leurs nouvelles palettes. D'ailleurs c'est vers ce rayon qu'elle se dirigeait jusqu'à ce que son regard l'accroche elle. Cette silhouette qu'elle a vue en photo mille fois, cette chevelure blonde dont elle connaît les agitations nerveuses quand celle qui la possède raconte ses dernières galères, ce visage apparaît si souvent sur son feed Instagram. Le doute s'insinue dans son esprit mais est rapidement remplacé par une certitude : c'est elle, ça ne peut être qu'elle. Alors Sara elle s'approche de celle qui n'est pas vraiment une inconnue, de celle qu'elle ne connaît qu'à travers un écran mais qui a pourtant tant d'importance pour elle. « Laurie ? » Plus elle s'approche et plus elle en est convaincue : c'est bien elle. Elle l'a tellement vue en scrollant sur Instagram, en story et en live qu'elle ne peut pas se louper à ce sujet. La brune affiche un sourire un peu incrédule mais terriblement heureux de tomber sur elle. Ça n'a pas l'air tout à fait réel, pour être honnête. « J'arrive pas à croire que ce soit toi. C'est à Brisbane que tu as déménagé ? » C'est dingue quand même, dans toute l'Australie c'est ici qu'elle a atterri, dans sa ville natale. « Pardon j'me suis pas présentée ! » C'est qu'elle s'est emballée la Gutiérrez, émue de la rencontrer après des années à la suivre sur la toile. « J'm'appelle Sara. Je te suis sur Instagram depuis... pfiou, trop longtemps, » termine-t-elle avec un rire, ne se souvenant pas de la date exacte à laquelle elle sait abonner à son compte. Elle se souvient qu'elle était au lycée, donc ça remonte vraiment à loin au vu de toutes les réorientations qu'elle a eu le temps de faire depuis.

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Qu'on se le dise, même si tu adores ton métier et que tu es particulièrement fière après un rendez-vous pour quelques heures de maquillage et que ton client du jour repart plus qu'heureux, avoir un vrai boulot n'est pas tout le temps glamour. Surtout quand la boutique est un peu trop vide au goût de la manager et qu'elle décide de vous lancer dans un inventaire qui ne fera absolument plaisir à personne, juste parce qu'une de tes collègues s'est plainte à voix haute. Une erreur de débutante, que tu t'es contentée de penser, un sourire sur le visage, te retenant de lui faire un doigt d'honneur dès que la manager a le dos tourné. Tu ne l'as pas fait, à la place, tu te retrouves proche de l'entrée, à ouvrir les tiroirs, tablette à la main, à compter les tubes de rouge à lèvres dans chaque teinte différente. Une perte colossale de ton temps. Tu aurais été contente de te tenir proche de l'entrée et juste d'inaugurer ton nouveau bustier, ainsi que ta nouvelle paire de collants. Oui, avoir une rentrée d'argent un peu plus régulière, ça veut aussi dire s'acheter n'importe quoi et tes pauses sont en réalité des pauses de shopping, histoire de ne pas passer pour la has been qui ne peut pas se payer une nouvelle paire de chaussures (la honte vraiment).
"Hmm ?" Ton prénom, c'est ton prénom que tu entends, le bon et tu tournes vers une jeune brune au sourire un peu rayonnant, qui se demande si c'est bien toi. Tu l'écoutes, on t'a déjà dit que c'était le mieux de laisser les clients dire ce qu'ils voulaient d'abord, pour mieux les aiguiller et ouais, leur faire cracher un peu plus d'argent. Mais ce n'est pas juste une cliente ordinaire, elle te connaît, enfin, elle connaît Laurie qui poste et s'époumone sur sa page Instagram, en direct, dans la section des commentaires et à propos et... oh Sara te sauve de l'ennui. "Et oui tu m'as trouvé, en même temps, c'est le secret le moins bien gardé du monde, mais on ne dira rien, hein ?" Tu répliques cela avec un sourire sur le visage et comme cela, tu abandonnes tout ce qu'on t'a mis entre les mains dans le tiroir, que tu refermes dans un clac rassurant, toute ton attention portée vers Sara. Qui t'a reconnue, tu ne vas pas laisser passer une occasion en or, d'exister pour quelques minutes et oui, ça t'est déjà monté à la tête, déjà.
"Tu connais déjà mon prénom et attends..." Comme par magie, ton téléphone apparaît dans ta main droite, tu le caches dans les poches de ta tenue, comme toutes tes collègues, et facilement, naturellement, tu ouvres déjà Instagram. "C'est quoi ton pseudo, que je te trouve et que je te suive directement." Tu dis cela sans aucune once d'hésitation, avant de réaliser que tu es au boulot, dans la réalité, pas juste en train de répondre à des questions sur un direct ou de chercher le meilleur angle pour des photos. Tu attrapes la main de Sara et tu la guides vers la section des démaquillants, là encore, sans hésiter et pas comme si c'était une parfaite inconnue. "Oh allons de ce côté-là, il n'y a pas de caméra, si ma manager m'attrape encore avec le téléphone à la main, je crois qu'on va devoir avoir une conversation sérieuse, et je n'ai certainement pas assez de café en moi pour cela."

(#)Jeu 3 Nov 2022 - 17:42

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

En entrant dans la boutique MAC, Sara s'attendait à ce que son regard soit attiré par de sublimes palettes colorées ou des rouges à lèvres aux teintes variées. Mais non, c'est la silhouette d'une grande blonde aux cheveux lisses qui appelle ses mirettes brunes. Et elle la reconnaît aussitôt comme Laurie, n'ayant aucun doute sur son identité du fait des années passées à suivre ses posts et ses stories sur Instagram. C'est aussi pour ça qu'elle n'hésite pas à l'approcher, parce qu'elle a l'impression qu'il y a cette espèce de proximité entre elles malgré l'écran qui les a toujours séparés. D'abord en prononçant son prénom, puis en lui demandant ce qu'elle fait à Brisbane – question qui pourrait paraître étrange pour quelqu'un ne suivant pas la blonde sur les réseaux. Le tout sans penser à se présenter avant, trop émue de rencontrer enfin celle qu'elle considère comme une modèle en terme de maquillage. « Et oui tu m'as trouvé, en même temps, c'est le secret le moins bien gardé du monde, mais on ne dira rien, hein ? » « J'avais pas deviné avec tes stories, mais en venant à MAC c'est vachement plus simple de trouver, » admet-elle avec un petit rire. La brune aurait peut-être fini par reconnaître sa ville natale à travers les publications de Laurie, mais il n'y a pas plus efficace que cette rencontre : la make-up artist est bien là, à Brisbane, dans une boutique où la Gutiérrez est allée des centaines de fois. Elle laisse même tomber ce qu'elle était en train de faire dans la boutique au profit de cette discussion, tandis que la brune pense enfin à se présenter. Elle, elle connaît Laurie, mais Laurie ne connaît pas Sara – Sara est loin du 50k sur Instagram, nobody qui pourtant passe un temps fou sur l'application. « Tu connais déjà mon prénom et attends... » En un battement de cils, un téléphone apparaît entre les doigts de Laurie. « C'est quoi ton pseudo, que je te trouve et que je te suive directement. » Le sourire de la Gutiérrez s'agrandit à l'idée que Laurie s'abonne à son compte, à ce compte qui regroupe des photos de soirées, de plats – souvent mexicains – et de maquillage amateur. Mais elle n'a pas le temps de répondre que la blonde attrape sa main et l'entraîne à sa suite vers un autre rayon, sans que Sara n'oppose la moindre résistance. Elle se demande pourquoi elles doivent bouger, mais ne tarde pas à avoir une réponse de la principale concernée. « Oh allons de ce côté-là, il n'y a pas de caméra, si ma manager m'attrape encore avec le téléphone à la main, je crois qu'on va devoir avoir une conversation sérieuse, et je n'ai certainement pas assez de café en moi pour cela. » La brune grimace à cette idée. « Chiant, » commente-t-elle en secouant légèrement la tête. Elle sait ce que c'est – Maisie est la première à lui faire des remarques lorsqu'elle la voit être sur son téléphone pendant ses heures de boulot. C'est pas de sa faute si Instagram l'intéresse vachement plus que le remplissage du popcorn.

Cela étant, la menace de la manager n'arrête pas Laurie qui a toujours son téléphone dans la main, instagram ouvert sur l'onglet recherche, attendant son pseudo. « Sara tiret du bas gugu. Sans h, Sara, » précise-t-elle car elle sait que les deux orthographes existent. Elle sourit toujours, ravie – Laurie va être abonnée à son compte instagram, c'est quand même la classe non ? Sans doute parce que Sara a soudainement l'impression d'être plus que juste une abonnée à ses yeux, pour qu'elle s'abonne à son compte en retour sans avoir à rien lui demander. « Tu finis à quelle heure ? On pourrait aller se boire un café si c'est pas dans trop longtemps ? » Ou une autre fois – maintenant qu'elles sont toutes les deux abonnées au compte de l'autre, elles pourront se programmer ça sans trop de problème. Mais la brune n'est pas connue pour sa patience, si bien qu'elle espère – naïvement – que Laurie finit son shift dans dix minutes et pourra aller dans un café du Queen Street Mall pour continuer cette discussion avec plus de confort. Ça ne l'empêche pas de se poser déjà tout un tas de questions sur l'arrivée de Laurie à Brisbane. Et, encore une fois car elle n'est pas du genre patiente, la Gutiérrez ne se contente pas de les garder dans sa tête. « Comment tu trouves Brisbane ? Ça change par rapport à Sydney ? Et c'est bien de bosser à MAC ? » Est-ce que c'est mieux qu'un boulot dans un cinéma ? Que des études en biologie qu'on risque très probablement de planter à la fin de l'année ? Est-ce que c'est le job rêvé lorsqu'on aime le maquillage ? Elle se fait du mal avec ces questions, elle devrait peut-être arrêter de se les poser.

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Se faire repérer et trouver par un de tes abonnés dans la vraie vie ? Cela devrait être un peu effrayant et tu sais que certains feraient demi-tour et ne voudrait vraiment pas de ce genre de rencontre du troisième type. Mais toi ? Tu vis pour des moments tels que celui-ci, après tout, et à tes yeux, tous tes abonnés ne sont que de la famille distante que tu ne vois qu'une fois de temps en temps, pour les meilleures d'occasions. Des cousins qui soutiennent chacune de tes décisions, qui sont là pour lâcher des cœurs, des slays, yas queen et tout autre type de validation qui fonctionnent avec les gens de ta génération. Et tu passes beaucoup de temps dans ta section de commentaires, à lire, à rire, à approuver, à répondre, tu y passes parfois des heures et des heures, sans vraiment le remarquer, oubliant souvent de boire ou de manger, toujours un peu déroutée de voir que les gens ils apprécient la Laurie qui s'élance sur la toile. Celle avec les sourires un peu plus creusés, plus de maquillage et qui est beaucoup plus intéressante, elle fait son apparition juste là, aux côtés de Sara, que tu tentes de trouver sur Instagram, tes doigts parfaitement manucurés se promenant sur ton écran tactile avec une expertise certaine.
"Okay alors, alors... ah je t'ai trouvée ?" Tu dis cela comme une question, mais c'est bien elle que tu vois se dessiner sur ton écran, avec des photos de la même brune en face de toi et sans hésitation, tu appuies sur l'option pour t'abonner en retour. "Petit selfie pour fêter cela !" Tu ne préviens pas Sara plus que cela, tu as trop l'habitude de te lancer dans des photoshoot improvisés et spontanés, tu passes un bras autour des épaules de l'autre femme, tu tends le bras et trouver un angle parfait et tu prends une photo, juste au moment où tes lèvres viennent se poser sur sa joue droite. "Adorable ! Je posterais ça dès que j'aurais trouvé le filtre parfait." Parce que bien entendu, si cela n'est pas documenté sur la toile et sur Instagram, c'est comme si cela n'était pas arrivé, et à quoi bon ? Toujours avec le sourire aux lèvres, tu te tournes vers Sara, répondant à sa question. "Dans trois heures malheureusement... peut-être même plus si ma manager décide que c'est mon tour de sortir les poubelles avant que je ne parte." Ce qui est déjà arrivé par le passé, un petit rite de passage pour les nouvelles employées, ce que tu comprends bien, mais si on pouvait réaliser que tu as mieux à faire, ce serait bien.
A savoir documenter chaque instance de ta vie pour que des gens comme Sara puissent te regarder comme elle est en train de faire. Elle en a plein des questions pour toi, tu le sais, la dernière fois que tu as révélé ta position, tu as juste annoncé que tu quittais Sydney, tu n'as pas précisé de destination en particulier et tu n'étais certaine de rien. Tu ne l'es toujours pas, l'indécision, ça fait partie de toi, c'est ancré dans ta chair et dans tes os, et tu partageras ton nouveau domicile quand tu auras quelque chose de permanent. Mieux qu'une chambre d'hôtel en tout cas."C'est une grosse ville, j'ai commencé à explorer mais... je suis sûre et certaine que je n'ai pas tout vu." Tu te concentres sur le positif, tu ne vas définitivement pas lui dire pourquoi tu as quitté Sydney, tu n'as pas partagé avec tes abonnés le fait que Jo pourrait peut-être revenir dans ta vie, tu pleures peut-être en direct, mais même toi, tu as des limites il semblerait bien. "Je suis dans mon élément, proche des tubes de gloss et de tout ce qui me fait envie. Faut que je vois qui sont les grosses pontes ici, pour me faire un nid." Brisbane ce n'est pas à Sydney, et tu n'as plus 17 ans, pas une ville à conquérir mais juste un endroit où s'établir et peut-être arrêter de courir. Ce qui serait un véritable changement pour toi, au moment où tu dis cela, tu captes le regard d'une de tes collègues, qui roulent ouvertement des yeux face à ton échange avec Sara. "Merde, on a l'air de trop discuter..." La réalité, c'est que tu as besoin de ce boulot, tu ne peux pas te permettre de fauter. Aussi, tu t'éclaircis la gorge et quand tu parles la seconde suivante, tu parles assez fort pour que beaucoup t'entende. "Et sinon, je ne sais pas ce que tu cherches aujourd'hui Sara, mais on a une promotion en ce moment sur nos best sellers, oui, vingt pourcents de réduction, de quoi se refaire un petit stock digne de ce nom."

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

Laurie de the.rightlau est en train de s'abonner à son compte Instagram ! L'idée tourne en boucle dans sa tête, accompagné d'un cri bien trop aigu qu'heureusement elle intériorise – elle aurait l'air complètement perchée sinon. Mais si elle se laissait aller à se comporter comme une gamine, Sara sautillerait partout en piaillant « Laurie est abonnée à moi ! Laurie est abonnée à moi ! », trop heureuse que cette star des réseaux qu'elle suit de loin depuis des années est de l'intérêt pour sa petite personne pas célèbre pour deux sous. Au lieu de tout ce cirque digne d'une fangirl – qu'elle est un peu, pour être honnête –, la brune se restreint à un grand sourire et à une excitation qui brille dans ses iris presque noirs. Elle épelle consciencieusement son pseudo puis observe avec attention l'écran de son interlocutrice sur lequel elle voit apparaître son visage. Oh bordel, oh bordel ! « Okay alors, alors... ah je t'ai trouvée ? » Hochement de tête presque automatique pour confirmer que c'est bien elle. « Ouais c'est moi. » Et c'est là que Laurie clique sur le bouton bleu lui permettant de suivre le petit compte Instagram pas passionnant de la Gutiérrez, déclenchant un cri suraigu de joie dans l'esprit de cette dernière. Putain, si on lui avait dit que ça lui arriverait un jour, elle n'y aurait jamais cru. « Petit selfie pour fêter cela ! » Qu'importe que ce ne soit pas une proposition mais simplement un signal pour qu'elle soit prête quand le téléphone sera en position pour les prendre en photo, Sara s'en fout : pour rien au monde elle ne refuserait un selfie avec Laurie. Alors, lorsque l'écran fait apparaître leurs deux visages et qu'elle sent le bras de la blonde se glisser autour de ses épaules, elle affiche un immense sourire qu'elle n'a même pas à forcer. Elle est réellement heureuse d'être là, de prendre cette photo avec cette star qu'elle suit depuis si longtemps, ayant même le droit à un bisou sur sa joue pour la photo. Photo qui sera forcément parfaite, n'est-ce pas ? « Adorable ! Je posterais ça dès que j'aurais trouvé le filtre parfait. » La brune hoche la tête pour approuver ses dires, ne doutant nullement des connaissances approfondie de la jeune femme en matière de filtres Instagram. « Hâte de voir le résultat, » assure-t-elle bien qu'elle soit sûre que la photo est superbe – Laurie et elle, forcément que la photo est canon puisqu'elles le sont.

Lorsqu'elle demande à la blonde si elle a bientôt fini ses heures, Sara espère vraiment avoir une réponse positive, dans l'espoir de continuer à papoter un peu plus tranquillement – sans avoir à fuir les caméras et la manageuse, notamment. « Dans trois heures malheureusement... peut-être même plus si ma manager décide que c'est mon tour de sortir les poubelles avant que je ne parte. » La Gutiérrez esquisse une grimace contrite. « Arf, bon courage. » Sortir les poubelles, c'est comme nettoyer les toilettes : ça fait partie des tâches que personne ne veut se voir confier au travail. Sauf Jules quand il fuit sa collègue sous prétexte qu'elle ressemble à son frangin violent, mais c'est peut-être la seule raison pour laquelle Sara pourrait approuver cette attitude débile : au moins quand il est là, ce n'est pas à elle de récurer les chiottes. « Si tu veux qu'on aille se boire un café un autre jour, on pourra se programmer ça par Insta, » propose-t-elle avec un grand sourire. Honnêtement elle ne se voit pas attendre ici si longtemps même pour que Laurie finisse son service, alors ça lui semble être la meilleure solution pour qu'elles aient l'occasion de boire un coup ensemble. Pour une fois que la brune boira un coup non-alcoolisé, il faudrait célébrer ça avec une photo.

Même si Laurie ne finit de bosser que dans trois heures, elle n'a pas l'air de rechigner à répondre aux questions de son abonnée qui a plein de questions à lui poser. Après des années à la suivre en direct de Sydney, la croiser pour de vrai à Brisbane c'est foutrement irréaliste et elle a par conséquent tout un tas de questions à lui poser au sujet de son arrivée et de sa vie en ville. « C'est une grosse ville, j'ai commencé à explorer mais... je suis sûre et certaine que je n'ai pas tout vu. » En même temps, ça ne fait pas longtemps qu'elle est là, ça aurait été difficile de découvrir tout Brisbane si vite. « Je suis d'ici moi, je pourrais te faire une liste des coins sympas à voir en ville. » Que ce soit des activités sympas à faire, des lieux à visiter, des spots cools pour des photos Instagram... Sara peut trouver de tout dans sa mémoire, tant que ça reste dans le domaine du fun – qu'on ne lui demande pas des informations sur des sujets trop sérieux non plus. « Genre, si y a un café que tu dois tester à Brisbane c'est le DBD, à Logan City. Il est vraiment cool, et c'est super bon. Le nom entier c'est Death Before Decaf, » précise-t-elle lorsqu'elle réalise que tout le monde ne connaît sans doute pas l'acronyme du café populaire de la ville. La Gutiérrez suppose que l'influence a plutôt tendance à boire un café par ici, ou dans Spring Hill, vu son travail situé en plein Queen Street Mall. Bosser à Mac, ça fait un peu envie à Sara dans le fond, avec tout ce maquillage qui les entoure et qui lui semble bien plus attrayant que ses cours de neurosciences ou de microbiologie. « Je suis dans mon élément, proche des tubes de gloss et de tout ce qui me fait envie. Faut que je vois qui sont les grosses pontes ici, pour me faire un nid. » La brune hoche la tête même si elle n'est pas sûre de savoir ce qu'elle entend pas grosses pontes. Des gens célèbres dans le domaine du maquillage ou qu'importe ? Dans les deux cas, la réponse est un peu la même. « Tu devrais trouver avec Insta ou Google, tranquille. » Pas de quoi s'inquiéter, sauf si... « Merde, on a l'air de trop discuter... » C'est drôle, on dirait Sara qui a l'air de trop être sur Instagram pendant son shift... Parce qu'elle est sur Instagram pendant son shift. « Ta manageuse t'a vue ? » Après tout c'était elle la menace, non ? Qu'importe puisque Laurie semble avoir trouvé la solution parfaite au problème, se raclant la gorge avant de poursuivre d'une voix qui porte plus. « Et sinon, je ne sais pas ce que tu cherches aujourd'hui Sara, mais on a une promotion en ce moment sur nos best sellers, oui, vingt pourcents de réduction, de quoi se refaire un petit stock digne de ce nom. » La brune ne peut pas se retenir de pouffer face à ce changement soudain. Pendant une seconde elle hésite à répondre d'une voix haute elle aussi, avant de se dire que là ça aurait vraiment l'air ridicule. Alors elle se contente d'afficher le sourire d'une contente ravie d'être là – c'est pas bien difficile, elle est réellement ravie d'être avec Laurie. « Y a des promos sur certaines palettes ? » Après tout c'est ce qu'elle était venue chercher initialement. « Ça m'intéresse de voir vos best sellers, même si ce sont pas des fards à paupières. » Quitte à ce que Laurie ait à jouer le jeu de celle qui travaille sérieusement, autant en profiter pour avoir quelques infos et faire du repérage pour Noël.

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Si tu pouvais passer la journée avec le nez collé à ton téléphone portable, tu le ferais très certainement. La réalité, de ton humble avis, c’est très surfait et tu as presque envie de demander à Sara si tu es aussi jolie que sur toutes les photos où elle a mis des petits cœurs et des commentaires. Tu pourrais le lui demander en réalité, tu n’es pas si timide que cela, tu ne l’es pas sur la toile, Laurie ne l’est pas quand on la reconnaît et l’illusion est presque parfaite. Non vraiment, qui voudrait vivre dans le vrai monde quand Sara est en train de te sourire de cette façon. Ou de donner des bons conseils à une parfaite inconnue, parce que dans le fond, oui, tu n’es que cela pour elle, juste une parfaite inconnue, ta vie est peut-être affichée en ligne mais tu pourrais mentir et la brune ne le saurait même pas. Cela te fait bien sourire dans le fond, encore plus que d’habitude parce que ce n’est pas un secret si bien gardé que cela. “Oui, je veux bien les adresses, je ne suis définitivement pas faite pour m’ennuyer, que ce soit pour faire la fête ou juste pour traîner dans des endroits sympas, je suis partante.”
Tu es partante pour tout, cela, elle a bien dû s’en rendre compte en suivant tes frasques de photos en photos, de direct en direct, tu es du genre à dire oui et avoir des regrets plus tard. Beaucoup plus tard, quand il ne reste plus personne pour commenter ou analyser et que tu es toute seule face au silence. Tu ne montres pas tous tes moments les plus bas, et ce même si c’est cela qui t’a mise sur le chemin de certains. “Je note, je note, j’irais faire un petit tour, je ne connais pas tant de monde que cela alors... Pas que je sois timide ou autre, enfin ça, tu le savais déjà.” Pas timide devant une caméra, tu es un animal très bien dressé et ce qui aiderait là tout de suite, serait que tu fasses ton boulot, Sara joue le jeu au moins et tu es contente de voir qu’elle suit ta directive. Tu as besoin de ce boulot et ta patronne ne s’en rend sans doute pas compte, tu fais de véritables efforts pour le coup. “Je vous montre cela de ce pas.” Tu hausses le ton en disant cela et tu fais signe à Sara de te suivre pour les palettes en question, tu pourrais lui faire profiter de la petite ristourne des employés, histoire de te faire bien voir et qu’elle se rende bien compte à quel point cette chère Laurie est sympa. Non, tu n’es pas une sainte, mais ça, elle n’a pas besoin de le savoir, pas vrai ?
Ton regard azur cherche encore ta manager, elle a dérivé vers les caisses, tu as bien joué le jeu visiblement et ton regard finit par tomber sur la chaise haute vide et ta station abandonnée. Quand tu te tournes de nouveau vers Sara, ce n’est définitivement pas pour parler de palette ou de fard à paupières mais tu as bien un sourire malicieux sur le visage. “Tu sais quoi, il y a personne dans la chaise, que dirais-tu d’un petit glow up, hein? Gratuit en plus, histoire que tu saches encore plus à quel point je suis talentueuse..." Et techniquement, tu as le droit, c’est même encouragé par les hautes sphères de la marque, pour faire le show, pour attirer les regards des plus curieux, pour sublimer les produits et pour montrer tout ce qu’il est possible de faire. Bon okay, ce n’est pas en claquant une centaine de dollar dans tout une gamme de produitsici que la première venue saura faire ce que tu sais faire mais... l’espoir fait vivre, non? Quelque chose comme cela, et en vrai tu es déjà en train d’attraper la main de Sara alors que tu viens de faire la requête. “Allez, s’il te plait.” Tu dis cela avec un autre sourire sur le visage, clairement celui d’une gamine en train de faire un caprice et qui attend un oui et pas autre chose.
Et oui, avant que Sara ne te pose la question, cette même expression a déjà fonctionné par le passé. Et fonctionnera également dans le futur.

(#)Jeu 5 Jan 2023 - 20:30

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

À voir comment Sara se comporte face à la blonde, on pourrait croire qu'elle est une de ces amies d'enfance qui a déménagé de Brisbane il y a des années et qui est enfin revenue. C'est clair que, vu de l'extérieur, on dirait qu'elles se connaissent de longue date. Parce que la Gutiérrez semble tout aussi à l'aise avec Laurie qu'elle l'est avec son groupe de potes ou ses copains de la fac. Pas qu'elle soit du genre timide, mais d'habitude elle n'accoste pas n'importe qui sans raison – sauf quand elle a bu. N'importe qui aurait du mal à croire que c'est leur première rencontre. Et le fait que Sara se sente à ce point en confiance auprès de Laurie serait assurément moqué par certains boomers qui lui rappelleraient qu'elle n'est ni plus ni moins qu'une inconnue dont elle ne connaît rien de plus que des photos Instagram. Ce sont des faits – des faits dont Sara se fout ouvertement, car elle considère l'influence et maquilleuse comme bien plus que ça. Bien plus qu'une image à travers un réseau social sur lequel elle passe sans doute trop de temps.

Alors c'est tout naturellement qu'elle propose de lui faire une liste des meilleures adresses qu'elle connaît à Brisbane. Quitte à être née ici et à savoir quels endroits valent le coup en ville, autant que ça serve à une nouvelle venue. Dire qu'en quittant le lycée elle envisageait bosser dans le tourisme – voilà tout ce qu'il lui en reste. « Oui, je veux bien les adresses, je ne suis définitivement pas faite pour m’ennuyer, que ce soit pour faire la fête ou juste pour traîner dans des endroits sympas, je suis partante. » La brune hoche vivement la tête. « Je connais les meilleurs coins pour faire la fête, ça c'est sûr. » Ni Cesar ni Papa ne les qualifierait pas ainsi, mais ils n'y connaissent rien. « Je t'enverrai la liste sur Insta, ce sera le plus simple. » Comme ça ça marquera encore plus le fait qu'elles se sont rencontrées, en plus de l'abonnement à présent réciproque. Le premier coin qu'elle lui conseille, c'est le DBD – outre le fait que Wendy y travaille, c'est quand même un super endroit où ils servent des cafés glacés et des lattes excellents. « Je note, je note, j’irais faire un petit tour, je ne connais pas tant de monde que cela alors... Pas que je sois timide ou autre, enfin ça, tu le savais déjà. » Elle hoche la tête – elle le sait déjà, en effet, sinon comment pourrait-elle partager sa vie entière à travers un réseau social ? « Si tu tombes sur Wendy, dis que tu viens de la part de Sara, elle te filera un truc en plus avec ton café, » assure-t-elle comme si c'était l'évidence même. Enfin dans le doute, elle enverra peut-être un texto à son amie, histoire d'être sûre de ne pas passer pour une débile quand Laurie se pointera au DBD – si jamais elle tombe bien sur Wendy.

C'était sympa de parler tranquillement d'Instagram et des lieux les plus sympas de Brisbane, mais il se trouve que Laurie n'est pas à MAC pour faire du lèche-vitrines. Contrairement à la Gutiérrez, elle bosse ici et ne peut pas se permettre de faire de la merde si sa boss est aussi insupportable qu'elle l'a sous-entendu tout à l'heure. Sara a beau être du genre irresponsable et je me fous des conséquences de mes actes, elle n'a pas envie que la blonde se fasse virer à cause d'elle. Alors elle participe au petit manège de la vendeuse et joue la cliente intéressée par les promotions qu'elle vient de mentionner. « Je vous montre cela de ce pas. » Et hop, les voilà qui parcourent quelques rayons pour rejoindre celui des palettes qui intéressent la brune. Elles vont donc discuter palettes et réduction sur les best sellers du magasin, oui oui. Enfin, c'est ce qu'elle croyait avant que Laurie se tourne vers elle avec un sourire... malicieux. Disons que Sara le comparerait à celui de son petit frère qui s'apprête à faire une bêtise. Mais venant de la blonde, elle ne peut pas croire qu'elle n'ait pas une bonne idée. « Tu sais quoi, il y a personne dans la chaise, que dirais-tu d’un petit glow up, hein? Gratuit en plus, histoire que tu saches encore plus à quel point je suis talentueuse... » La brune n'a pas vraiment le temps de réagir que la main de la vendeuse s'empare de la sienne et l'entraîne en direction de la dite chaise. « Allez, s’il te plait. » Comment Sara peut résister à ce combo ? Ce sourire plus therightlau plus cette proposition alléchante – bien sûr que tu veux qu'elle te maquille ! La vérité c'est qu'elle aurait dit oui simplement avec la proposition – le sourire n'est qu'un plus, bien que la brune ne doute pas qu'il fonctionne à merveille sur n'importe qui. « Y a des gens qui arrivent à résister quand tu fais cette tête ? » qu'elle demande avec un petit rire. « Vas-y, fais-moi ton plus beau glow up pour ma soirée de ce soir, » lance-t-elle avec entrain. Elle n'a pas besoin d'avoir une soirée de prévu pour savoir qu'elle va sortir, en réalité. Et si son visage est magnifié par le travail de Laurie, elle va non seulement prendre mille photos du résultat mais aussi frimer comme personne dans le bar ou la boîte où elle atterrira – qu'importe la luminosité pourrie de ces lieux. « J'suis déjà maquillée mais tu peux retirer ce que j'ai fait, t'inquiète, » assure-t-elle sans une once d'hésitation. Elle a l'opportunité de voir ce dont Laurie est capable en vrai et sur son visage à elle, évidemment qu'elle n'en a rien à faire de son propre maquillage fait ce matin.

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J'vais soulever des montagnes avec mes petits bras, traverser des campagnes, des patelins, des trous à rats, m'échapper de ce bagne, trouver un sens à tout ça

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"Hmm... Certains ont bien essayé, mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je suis très douée." Tu le sais déjà que la réponse de Sara va être positive, avant même qu'elle ne le formule à voix haute, avant même qu'elle s'installe dans la chaise, et c'est tellement facile que tu as presque envie de rire. Ou même de te lamenter parce que ce n'est pas aussi facile de convaincre certaines personnes dans ta vie de juste te laisser une toute petite place pour faire ce que tu sais faire de mieux. Non, tout n'est pas aussi simple, mais Sara ne te connaît pas vraiment, elle n'a que quelques images çà et là que tu partages, des faux moments qui sont recrées pour la caméra, quelques passages tragiques de ta vie parce que ça te rend plus réelle. Mais la question, c'est, est-ce que tu l'es vraiment ? Protégée derrière un écran, parfois, tu es capable de faire la différence entre la Laurie qu'il y a sur les feeds et la personne que tu es dans la vie de tous les jours, pas tout le temps. Sara a donc le droit a une instance rare, que tu te dis tandis qu'elle s'installe.
Tu pousses les mèches brunes loin de son visage, avant de sortir du démaquillant et des disques en coton, tu préfères travailler en repartant de zéro, c'est beaucoup plus simple. "Okay, merci j'allais te poser la question." Tu as son feu vert et sa permission et c'est tout ce qu'il te fallait, tu es professionnelle jusqu'au bout et une fois que tu la démaquilles, tu attrapes une bouteille de crème pour le visage, tu la lui appliques en lui massant d'abord les joues, puis les tempes. Parce que c'est bien un spectacle et qu'il ne faudrait pas qu'on pense que tu ne t'occupes pas bien des clients. Et puis, Sara n'est pas juste une cliente lambda, mais une de tes abonnées, une membre de ta famille distance, donc autant bien faire les choses. "Bon l'autre question, c'est, qu'est-ce que tu as de prévu pour le reste de la journée ?" Tu l'interroges en sortant différents pinceaux, un primer et tu mets plusieurs fondations contre sa peau pour trouver la meilleure et t'assurer que cela ne va pas clasher avec la peau de la jeune femme. Il n'y a rien de pire que de paraître trop claire ou même trop foncée et ça entacherait ta réputation de maquilleuse maintenant que tu y penses bien. Sara va très certainement prendre une photo et te tagguer, tu ne veux pas passer à côté d'une telle occasion pour recevoir des compliments, de l'amour virtuel et plus de commentaires. Et non, tu ne te sens même pas coupable de penser de la sorte et de penser à toi et uniquement à toi avant tout, du tout, tu es une égoïste finie, c'est dans tout ce que tu fais, et même dans le sourire que tu offres à Sara la seconde suivante.
Même cela, c'est faux et c'est uniquement là pour t'aider à obtenir quelque chose, ni plus, ni moins. "Est-ce qu'on part sur quelque chose de simple qui passera partout ou alors tu vas retrouver quelqu'un après tout ça et je suis en train de te mettre en retard ? Si c'est le cas, je ne suis même pas désolée." Tu le dis très sincèrement avec un petit rire à la fin de ta phrase, parce que c'est la vérité et tu veux savoir vers quoi t'orienter. Le but est de trouver ce qui correspondrait le mieux à Sara, son teint, les différents angles de son visage, sa tenue et tout ce qui va avec. Ce n'est pas juste une histoire de fond de teint et de fard et paupière et vraiment, tu détestes qu'on résume ce que tu fais à uniquement cela. "Ou alors tu veux la totale et attirer tous les regards ?"

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

La maquilleuse n'a qu'à battre des cils pour que Sara accepte le glow up qu'elle propose avec entrain. Ô, elle n'est pas bien résistante la brune, encore moins lorsque la femme qu'elle admire depuis des années sur Instagram se tient face à elle et lui propose d'user de ses talents sur son visage. Comment dire non ? Tout simple : dire oui. C'est ce que fait d'ailleurs la Gutiérrez, bien que Laurie ne semblait pas avoir besoin d'un mot de sa part pour savoir qu'elle gagnerait. Elle en était sûre, ça se voyait dans son attitude confiante, sans doute parce qu'elle ne manque pas de talent pour convaincre. « Hmm... Certains ont bien essayé, mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je suis très douée. » « Je confirme, » s'amuse Sara avant de s'asseoir sur la chaise à l'effet des clients.

Impatiente et bien trop heureuse à l'idée d'être maquillée par Laurie elle-même, Sara se moque bien de son trait d'eye-liner tracé minutieusement ce matin, lui permettant de démaquiller l'intégralité de sa figure si c'est plus simple pour elle. « Okay, merci j'allais te poser la question. » Et aussitôt elle s'y met. Après le démaquillant, c'est de la crème qui finit sur le visage de la Gutiérrez qui ne va pas se plaindre d'être ainsi pouponnée. Les yeux pétillants, elle se moque bien que tout ça ne soit qu'une occasion pour la maquilleuse de se faire bien voir par sa supérieure, ou juste de faire valoir son talent qui n'est pourtant plus à prouver. Elle n'en a en réalité pas vraiment conscience, profitant de l'instant présent et du kiff absolu qu'elle ressent. Il faut dire qu'elle est plutôt habituée à être celle qui esquisse de faux sourires face aux clients du Twelve, tout en prétendant que le dernier Del Toro est incroyable alors qu'elle ne l'a même pas vu. « Bon l'autre question, c'est, qu'est-ce que tu as de prévu pour le reste de la journée ? » Tout pour ne pas rester statique et surtout ne pas penser, car c'est tout ce que fait Sara depuis octobre – elle s'évite des souffrances qu'elle ne saurait pas gérer. « Je vais sûrement sortir. » Et faire tout ce que Papa désignerait sous les termes mauvais choix, parce que Sara ne se refera pas de si tôt. Encore mois pendant une période si stressante, et octobre l'est terriblement.

Lorsque Laurie commence à sortir des fondations pour les comparer à sa peau, Sara se demande si elle devrait lui dire laquelle elle met habituellement, avant de songer au fait qu'elle a affaire à une pro qui n'a sûrement pas besoin du moindre mot de sa part. Au contraire, elle lui fera peut-être découvrir un nouveau fond de teint meilleur que celui qu'elle utilise actuellement – et si c'est le cas, la Gutiérrez espère qu'il ne coûtera pas un rein. « Est-ce qu'on part sur quelque chose de simple qui passera partout ou alors tu vas retrouver quelqu'un après tout ça et je suis en train de te mettre en retard ? Si c'est le cas, je ne suis même pas désolée. » Ça se sent, qu'elle ne serait pas désolée du tout quand bien même Sara lui répondait avoir un rendez-vous dans un quart d'heure. La bonne nouvelle, c'est que la brune est libre comme l'air cette après-midi et que personne ne l'attend. Même si c'était le cas, soyons honnêtes : elle aurait bien eu du mal à dire non à cette petite séance maquillage. « Pas de rendez-vous particulier prévu non, juste une sortie ce soir. » Parce qu'elle ne travaille pas aujourd'hui et qu'elle est tout bonnement incapable de passer la soirée chez elle sans occupation alors qu'elle n'est plus là. Dehors c'est mieux, et en boîte c'est le top : alcool, reggaeton, copines et mecs – le combo gagnant pour tout oublier l'espace d'une soirée. « Ou alors tu veux la totale et attirer tous les regards ? » La proposition est tentante, d'ailleurs il ne faut pas longtemps à Sara pour l'accepter. Le temps d'un battement de cil, à vrai dire. « Franchement, je veux trop voir ce que ça donne la totale par therightlau, » assure-t-elle, utilisant intentionnellement son pseudo car c'est ainsi qu'elle l'a connue. Un pseudo, une première photo de maquillage, une deuxième, un abonnement à son compte, des stories racontant sa vie... Et finalement ça a duré des années. Alors oui, therightlau est indissociable de Laurie, parce que c'est ainsi que Sara la connaît : à travers un écran, et en ayant pourtant cette nette impression de la connaître réellement. « Tu sais quoi ? J'ai encore du mal à croire que je te rencontre enfin en vrai, ça fait tout drôle. » Parce qu'après des années de scrolling sur son profil pour trouver des idées, passer de l'écran à la vraie vie, ça fait quelque chose. « Si j'avais su qu'on pouvait rencontrer ses idoles juste en faisant du lèche-vitrine, j'en aurais fait plus souvent. » Et déjà elle en fait régulièrement, pour être honnête.

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Qui dit nouveau visage, veut dire une nouvelle occasion de jouer avec des couleurs, des textures et de faire apparaître une autre facette de Sara. Et oui, peut-être que cela est un peu prétentieux de ta part, okay, c’est complètement prétentieux, mais c’est bien le sentiment qui t’habite à chaque fois que tu te retrouves face à une cliente et qu’on te fait confiance à ce point-là. Oui, il y a des directives à suivre et certains sont plus exigeants que d’autres, mais toujours, c’est toi l’artiste, c’est toi avec les pinceaux dans les mains, les différents tubes avec tous les produits de beauté et toi qui mènes la barque. On devrait sans doute analyser ton comportement dans l'immédiat, pourquoi tu aimes autant être en contrôle de l’apparence de quelqu’un d’autre, cela doit sûrement être lié au fait que tu n’as pas pu contrôler la tienne, d’apparence justement, pendant des années, mais au lieu de te poser mille questions, tu offres un sourire à Sara. “Oh, on sait tous ce que ça veut dire ça...” Tu lis très bien entre les lignes et en ta présence, chose que tu as remarquée au fil des années, les gens n’ont pas forcément envie d’être raisonnables.
Pourquoi ? Tu n’en sais rien, bien souvent tu es le combustible qui sert à embraser bien des choses et tu regardes, spectatrice, le chaos se dérouler sous tes yeux. Rien de dramatique ce soir et quand Sara te donne le feu vert, ton sourire s’agrandit et elle a même le droit à une petite danse pour traduire à quel point tu es contente de sa décision. “C’est partie pour la totale alors !” Elle ne va pas le regretter, après tout, ta réputation est en jeu, c’est une de tes abonnés, autant s’assurer que l’expérience soit inoubliable et qu’elle vienne de nouveau se perdre par ici. Oui, c’est le but et tu finis enfin par t’activer, ouvrant les produits les uns à la suite des autres et partant à l’assaut, plus que littéral pour le coup, du visage de Sara.
Intérieurement, et comme tu le fais avec toutes les clientes, tu en profites pour voir quel type de peau elle a, ce qui pourrait lui convenir et quelle couleur pourrait le mieux faire ressortir son teint. Et ses yeux, elle a un joli nez aussi, voilà ce que tu te dis. “Un peu plus et je prendrais la grosse tête, je suis pas une idole et crois-moi quand je te dis que je n’ai rien de spécial, je ne sais faire qu’une seule chose et je tente de bien le faire.” Tu continues de parler, le débit de paroles assez important, parce que tu es bien incapable de te taire en fait, et il faudrait sûrement lui laisser le temps d’en placer une et de respirer. Tu lui fais signe de lever le regard histoire de ne pas foirer tes traits d’eye-liner et parce que cela serait plus que bizarre de regarder Sara droit dans les yeux maintenant que tu y penses bien. “Le reste... c'est comme tout le monde, je suis aussi perdue que n’importe quelle fille qui débarque dans une nouvelle ville.” Un rire passe, à la fois sincère et travaillé, parce que c’est la pure vérité, parce que tu n’as rien à cacher et ce n’est pas dans des instances telle que celle-ci que tu es timide. Oui, toi, timide, ce n’est définitivement pas l’adjectif qui conviendrait le mieux à quelqu’un qui expose tous les moments de sa vie en ligne, pourtant, ce n’est qu’un masque de plus, un rôle de plus, une autre sorte de maquillage. Cela se rapproche de la réalité parfois, mais ce n’est décidément pas la véritable Laurie sous tous les filtres, certainement pas.
“Si tu me suis depuis longtemps, tu as déjà vu les larmes et c’est réel, même si on m’accuse de me mettre je ne sais pas quoi dans les yeux... ridicule, non ?” Tu pouffes à la fin de ta phrase, franchement, si tu l’avais voulu, tu aurais pu être actrice, il suffit d'un rien pour ouvrir les écoutilles et pleurer. Un truc qui peut être utile parfois, okay souvent quand on est blonde, mince, grande et avec un teint aussi diaphane que le tient, mais autant ne pas le crier sous tous les toits. “Je ne pensais pas que ma petite vie et mes questions existentielles attireraient qui que ce soit, mais hein nous y voilà!” Non, tu ne pensais à rien en commençant ta page Instagram, pas que cela te conduirait jusqu’ici ou même que l’on te reconnaîtrait. “J’ai de la chance pour le moment un jour peut-être que les gens ouvriront les yeux et réaliseront que je me sers d’Instagram comme de mon journal intime...” Ou alors ils ont réalisé, ils savent que tu es aussi névrosée qu’eux, même plus et ils restent pour cette raison.
Peu importe, quelques minutes plus tard, tu as un mouvement de recul, une main sur les hanches, levant le pouce de l’autre. “Je l’ai encore fait.” Sara a le droit à un clin d'œil. “Tu veux voir ?” Tu n’attends pas la réponse de la brune, tu fais tourner la chaise, l’exposant enfin au miroir pour qu’elle puisse s’admirer.

insp:

(#)Mer 1 Mar 2023 - 0:45

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

Installée sur la chaise faire pour les clients prêts à se faire maquiller par les mains talentueuses de MAC, Sara se sent comme une princesse. Certes, les glow up sont accessibles à tous les clients, mais pour elle celui-ci a quelque chose de particulier parce que c'est Laurie qui va s'occuper d'elle. Cette femme est douée, c'est sûr, mais surtout elle est une de ces plus grandes inspirations en ce qui concerne le maquillage. Depuis combien d'année est-ce qu'elle la suit sur Instagram ? Combien de fois a-t-elle pris comme modèle l'une de ces photos pour sublimer ses propres yeux ? Combien de fois s'est-elle dit qu'elle aimerait avoir son talent et surtout faire comme elle – avant d'oublier cette idée en pensant à l'accueil qu'ont reçu les dessins de Cesar dans la famille ? Trop pour les compter. Trop pour qu'elle ne soit pas la plus heureuse du monde à l'idée de passer entre les mains de therightlau qui démaquille son visage puis le lui masse avec des crèmes dont elle se fiche de connaître le nom. Elle lui demande ce qu'elle a de prévu aujourd'hui, et comme souvent lorsqu'elle ne travaille pas Sara n'a pas grand chose à répondre. Ou plutôt, elle répond toujours la même chose : elle va sortir, bien sûr. Qu'importe qu'elle n'ait pas de soirée de prévu, elle en trouvera une. Un simple message dans un groupe Whatsapp ou une question posée dans une story Instagram, et elle sait qu'elle obtiendra un lieu et une heure pour enchaîner les cocktails, les shots et les danses sur une table pour kiffer toute la nuit. « Oh, on sait tous ce que ça veut dire ça... » Bien sûr qu'elles le savent, et c'est pour ça que la Gutiérrez choisit la totale plutôt qu'un look passe-partout. La petite danse que Laurie exécute alors la fait rire : elles sont toutes les deux ravies, que demander de plus ? « C’est partie pour la totale alors ! » Et Sara a vraiment hâte de voir ce que ça va donner !

La Gutiérrez se laisse faire sans donner la moindre indication supplémentaire, plaçant toute sa confiance dans la maquilleuse pour le look qu'elle arborera ce soir : quoi que Laurie choisisse, elle est persuadée que ce sera sublime. Peut-être est-elle trop naïve en faisant confiance à une femme qu'elle vient à peine de rencontrer vraiment – car c'est le cas : c'est la première fois que therightlau n'est pas un visage qu'elle peut expulser de son champ de vision d'un geste du pouce. Pourtant, ce n'est pas l'impression qu'a Sara : à ses yeux Laurie a toujours été plus qu'un tas de pixels, bien réelle malgré l'écran qui les a toujours séparées, une idole qu'elle a connu adolescente mais qui l'est toujours aujourd'hui. Comme certains admirent des acteurs ou des danseurs, Sara s'est attachée à une influenceuse parce que personne ne maquillait aussi bien que therightlau selon elle. Ça en ferait rouler des yeux certains et certaines – sa famille en première liste, sans doute –, mais à Laurie elle sait qu'elle peut le dire : pour elle aussi ça doit être réel, ce qu'il se passe au travers de son compte Instagram. « Un peu plus et je prendrais la grosse tête, je suis pas une idole et crois-moi quand je te dis que je n’ai rien de spécial, je ne sais faire qu’une seule chose et je tente de bien le faire. » La Gutiérrez aimerait pouvoir en dire autant mais le maquillage est le seul truc où elle se sent à peu près douée – le seul truc décent en tout cas – et elle ne pourra pas en faire son métier car c'est loin d'être assez sérieux pour ses parents – et sa fratrie, à qui elle n'en a pas plus parlé pour être honnête. Surtout maintenant qu'elle est si proche du diplôme, pas vrai ? « C'est déjà bien, non ? » Après tout, on demande à un pianiste de jouer du piano, pas de maîtriser en plus le violoncelle et la cornemuse. « Le reste... c'est comme tout le monde, je suis aussi perdue que n’importe quelle fille qui débarque dans une nouvelle ville. » La brune lève le regard comme le lui indique Laurie, continue de l'écouter attentivement. « S'il te faut une guide touristique, envoie-moi un message, j'suis sûre que je peux faire l'affaire. » Ce n'est pas ce qu'elle s'est dit quand elle a entamé des études dans ce domaine, pourtant. À croire que ce sont peut-être les études qui ne lui conviennent pas plutôt que le champ de compétence – ce serait con de ne s'en rendre compte que maintenant, quand même. « Si tu me suis depuis longtemps, tu as déjà vu les larmes et c’est réel, même si on m’accuse de me mettre je ne sais pas quoi dans les yeux... ridicule, non ? » L'une pouffe, l'autre sourit – pour Sara, c'est bien réel, c'est sûr. « Les gens sont juste jaloux parce que leur vie à eux n'intéresse personne, » assure-t-elle avec un haussement d'épaules qu'elle ne se permet qu'au moment où aucun pinceau ne touche son visage – faudrait pas qu'elle fasse foirer tout le travail de la maquilleuse. « Je ne pensais pas que ma petite vie et mes questions existentielles attireraient qui que ce soit, mais hein nous y voilà! » Elles y sont oui, à ce moment où Laurie est suffisamment connue pour qu'une de ses abonnées la reconnaisse sur son lieu de travail, s'extasie d'une photo avec elle, la décrive comme idole plus qu'influenceuse. « J’ai de la chance pour le moment un jour peut-être que les gens ouvriront les yeux et réaliseront que je me sers d’Instagram comme de mon journal intime... » « Peut-être que c'est ce qui plaît, justement. Que tu sois honnête, que ce soit pas tout rose... Ça montre que t'es humaine et que même sur Instagram la vie parfois c'est de la merde. » Parce qu'Instagram est truffé de comptes de vies parfaites, mais que c'est le genre de contenu qui fait se sentir comme une moins que rien, à se demander pourquoi sa vie à soi n'est pas aussi belle. Avec Laurie au moins il y a des larmes, des injustices, du vrai – en tout cas c'est ainsi que le perçoit Sara, derrière l'écran de son téléphone, lorsqu'elle suit ses lives et ses stories, lorsqu'elle suit toute sa vie partagée en direct à des dizaines de milliers de personnes.

Le spectacle sur la peau de la Gutiérrez arrive à sa fin : dernier coup de pinceau, Laurie se recule et lève le pouce, lui offre même un clin d'œil. « Je l’ai encore fait. » La brune a un petit rire. « Tu veux voir ? » « Bien sûr ! » Et elle n'a pas eu besoin de le dire pour que la maquilleuse tourne sa chaise et lui permette de se regarder dans le miroir. Enfin, de s'admirer plutôt, et d'admirer le travail réalisé. Aussitôt son regard s'illumine, trahissant un waow mais sa joie d'avoir été maquillée par therightlau et personne d'autre. « Si avec ça toute la boîte ne me complimente pas sur mon maquillage, c'est qu'ils n'ont aucun goût. » Ça relève du crime à ce stade, non ? « Franchement c'est incroyable, je suis vraiment trop fan. » L'honnêteté transparaît dans chacun des mots de la Gutiérrez alors qu'elle sort son téléphone de sa poche, le tendant à Laurie. « Tu peux me le prendre en photo s'te plaît ? » Pour envoyer à ses potes, pour poster sur Instagram, pour frimer en soirée qu'elle a été maquillée, pour l'ajouter à son profil Tinder, pour la regarder de nouveau quand elle aura le moral dans les chaussettes – elle ne sait même pas, elle s'en fout : elle veut juste cette parfaite photo. « T'as fait ça avec une seule palette ou plusieurs ? » Qu'elle sache quoi réclamer à Noël, hm. « Ça va aller avec ta cheffe, si elle voit que tu t'es bien occupée de ta cliente ? » Ou est-ce qu'elle doit acheter un truc pour vraiment jouer la comédie ? Le portefeuille de Sara n'aime pas trop cette idée, mais s'il y a des fards à un prix raisonnable... Elle s'arrangera, elle s'arrangera. Si les mecs lui offraient des verres dès le début de soirée, elle n'en serait pas là – non ce n'est pas du tout parce qu'elle n'est pas foutue d'être raisonnable lorsqu'il s'agit de sortir ou de s'offrir du maquillage, pas du tout.

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Peut-être que tu devrais être un peu plus humble, peut-être... mais déjà, ce n'est pas comme cela que Catherine Wright t'a élevée, c'est même tout le contraire, ta mère aurait adoré te voir prendre plus de place que ce que tu ne le fais et même foncer la tête baissée pour briller au soleil. Et ensuite, ce n'est pas vraiment pour cela que Sara est là, qu'elle est abonnée à ta page sur Instagram, ce n'est pas parce que tout va bien chez toi, que tu es une personne parfaitement équilibrée et bien rangée, que les gens s'abonnent et reviennent. C'est tout le contraire même et quand le maquillage est concerné, personne ne peut te retirer ça, tu n'es qu'une autre influenceuse dans la masse, cependant, tu es douée, assez pour te creuser un nid et te faire bien voir. Et Sara, face au miroir désormais, semble être du même avis. Ce qui te met du baume au cœur, réellement, et ne fait qu'agrandir le sourire que tu as sur le visage en seulement quelques secondes. C'est bien pour cela que tes abonnés ont une place toute particulière dans ta vie, il ne suffit que de quelques mots, que d'un petit commentaire, un émoji en forme de cœur et tu te sens pousser des ailes. Assez pour faire face à toutes les épreuves du quotidien, assez pour surmonter certaine de tes angoisses et te montrer face à tout le monde. "Si tu ne reçois aucun compliment, tu m'envoies un message privé et je débarque pour leur expliquer la vie, genre vraiment..." Et l'expression sur ton visage indique que tu pourrais vraiment le faire, ce serait un moyen d'en voir un peu plus de Brisbane et tu as du temps à revendre depuis que tu es ici.
Tu n'as pas encore pris tes marques, pas tout à fait, il y a beaucoup de choses à découvrir et plus les jours passent et plus cela te parait évident que Sydney, ce n'est pas Brisbane, et inversement. Tout est à refaire et tu n'as pas encore décidé qui tu serais ici, à Sydney, tu savais tout et la ville n'avait aucune surprise pour toi, ce n'est pas encore le cas à Brisbane. "Ne t'inquiète pas, je suis sur le coup... je vais en prendre quelques-unes avec mon téléphone portable et ensuite le tien." Tu dis ça en sortant ton téléphone portable de sa cachette et pendant les prochains minutes, tu tournes autour de Sara comme la pire des paparazzi. Ou la meilleure, tu lui indiques dans quelle direction regarder, à quel angle tourner sa tête et même comment s'asseoir dans la chaise pour dominer le cadre. Et oui, tu as passé du temps à analyser tout cela, il ne s'agit pas juste de prendre des photos dans le vide et de les poster sans même y penser. Tu lui rends son téléphone portable, ouvrant Instagram sur ton écran d'un seul clic, pour un nouveau post, les photos de Sara iront dans tes brouillons pour le moment, tu modifies juste le contraste et la luminosité et tu lui montres ton écran la seconde suivante. "Ce sont les réglages que j'utilise sur Insta, merci de partager cette information avec... personne, merci !" L'indication s'accompagne d'un rire cristallin, qui se veut léger, accueillant au possible, cependant, tu viens bien de dire la vérité et si la brune pouvait garder tout cela pour elle, ça t'arrangerait bien. Et bien entendu, tout est faux et retravaillé sur Instagram, ça, tout le monde le sait, tout le monde décide de croire au mensonge et à toutes les paillettes, ce n'est pas pour autant qu'il faut dévoiler tous les secrets.
Tu fais signe à Sara de se lever la seconde suivante et facilement, tu attrapes un sac noir estampillé MAC avant de la guider dans les rayons. "Je pense que je vais pouvoir partir en pause tranquillement et même finir ma journée sans qu'on me trouve incompétente." Tu attrapes différent produit au passage, tout ce que tu as utilisé et quelques-uns de tes produits favoris, mettant tout ça dans le sac parce qu'elle te l'a demandé et qu'elle en a besoin et qu'elle pourra reproduire le look comme elle le veut tranquillement. "Passons à la caisse, je vais te donner ma réduction d'employée, parce que je l'ai décidé et qu'être abonnée à therightlau, ça ne compte pas pour des pommes, si si." Tu l'annonces fièrement avant de scanner les articles un à un et de les remettre dans le sac, une série de boutons plus tard, tu annonces le total à Sara, toujours le sourire aux lèvres. Tu es contente de cette rencontre, satisfaite de savoir qu'il y a des personnes bien intentionnées dans ta flopée d'abonnés et que dans un sens, tu n'es pas toute seule.

(#)Sam 18 Mar 2023 - 18:10

À travers un écran

@Laurie Wright & Sara Gutiérrez
Fin octobre 2022, boutique MAC du Queen Street Mall, Spring Hill

Le maquillage que lui a fait Laurie est absolument parfait : la Gutiérrez rayonne d'autant plus maintenant qu'elle a vu les talents de son instagrameuse préférée faire des miracles sur son visage à elle. Flattée mais aussi excitée comme une gamine avant Noël, elle a hâte de sortir ce soir – sans même savoir encore où elle ira, en réalité – parce qu'elle sait qu'elle va être complimentée pour son sublime maquillage et pourra frimer qu'il a été réalisée par une professionnelle qu'elle con-naît – oui, Instagram ça compte pour connaître les gens. « Si tu ne reçois aucun compliment, tu m'envoies un message privé et je débarque pour leur expliquer la vie, genre vraiment... » La brune laisse échapper un rire. Elle aimerait vraiment que ce soit le cas, adorerait que Laurie débarque à sa soirée et pouvoir la présenter comme son amie, mais doute réellement que ses amies ne se rendent pas compte d'un tel glow up. Enfin, ça ne l'empêchera d'envoyer un message privé à l'influence pour lui signaler tous les merveilleux compliment qu'elle a reçus en une seule soirée – peut-être un peu pour qu'elle ne l'oublie pas, aussi.

Après la séance maquillage c'est l'heure de la séance photo, et Sara se sent toujours autant comme une petite princesse lorsqu'elle tend son téléphone à la maquilleuse. « Ne t'inquiète pas, je suis sur le coup... je vais en prendre quelques-unes avec mon téléphone portable et ensuite le tien. » Elle hoche la tête, se laisse faire et surtout suit les indications données par Laurie sans une protestation. Elle a été pouponnée et maintenant elle est prise en photo comme si elle était une star, c'est hyper valorisant. Sans surprise, elle stresse bien moins face à un téléphone portable que face à l'appareil photo professionnel d'Edge, aussi gentil qu'ait pu être l'homme qui le tenait. Elle a plus l'habitude des clichés pour les réseaux sociaux, avec ce mélange de chill et de narcissisme qui imprègne ces moments entre copines à renouveler son feed Instagram ou sa photo de profil Tinder. Lorsque Laurie a fini, elle lui rend son téléphone puis lui montre le résultat sur un post Instagram entamé – et c'est vraiment trop la classe de se dire qu'elle apparaîtra dans le profil de l'influenceuse. « Ce sont les réglages que j'utilise sur Insta, merci de partager cette information avec... personne, merci ! » Le léger rire de la blonde lui arrache un sourire. « Promis, je dirai rien. » Au maximum elle essaiera d'utiliser les mêmes réglages pour son prochain post à elle, juste pour voir comment ça rend, mais ça s'arrêtera là.

Sara se lève lorsqu'elle le lui indique et lui demande comment ça ira avec sa cheffe, car initialement c'était elle le problème. « Je pense que je vais pouvoir partir en pause tranquillement et même finir ma journée sans qu'on me trouve incompétente. » « Cool. » Puis la voilà qui suit la maquilleuse à travers les rayons. non sans sentir une certaine culpabilité l'envahir lorsqu'elle voit la quantité de produits qu'elle met dans le sac qui finira forcément dans ses mains. Ah ah – elle n'a clairement pas les moyens d'en acheter autant, sa carte va sûrement râler face à une telle dépense, voir simplement ne pas passer. Et là, ce sera franchement la honte. « J'vais juste pas prendre le fond de teint et l'anticernes parce que j'en ai achetés y a pas longtemps et que je les ai déjà ouverts, » explique-t-elle, justifiant qu'elle ne peut pas se les faire rembourser et que ça ne lui servirait à rien d'avoir plusieurs produits pour ça. Autant elle aime avoir beaucoup de fards, autant elle utilise toujours la même base qui va avec son teint. Elle se permet donc de les retirer du sac avant de suivre Laurie. « Passons à la caisse, je vais te donner ma réduction d'employée, parce que je l'ai décidé et qu'être abonnée à therightlau, ça ne compte pas pour des pommes, si si. » La brune sourit de toutes ses dents. « Oh merci c'est trop cool ! » Entre ça et le retrait des deux produits, sa carte devrait passer. Et lorsque vient le moment fatidique, c'est bien le cas, heureusement. Alors Sara récupère le sac contenant ses produits fraîchement payés, toujours tout sourire. « Merci pour cette séance glow up incroyable, c'était vraiment trop chouette. » Et ses yeux qui scintillent témoignent de la sincérité de chacun de ses mots. « Et puis j'suis trop contente de t'avoir rencontrée en vrai. Je t'enverrai les bonnes adresses par message privé, comme promis. » Parce qu'elle veut être plus qu'un pseudo Instagram ou qu'une simple abonnée rencontrée sur son lieu de travail – elle veut exister réellement, juste un peu plus longtemps, aux yeux d'une de ses idoles dans le monde du maquillage. « Bonne après-midi ! » Et la Gutiérrez passe les portes de la boutique en sens inverse, le porte-monnaie bien trop léger sans doute mais le cœur comblé.

RP terminé

(c) Miss Pie
Haut : thelovelymrsc & @betimoo
Bas : anhandfulgirl18 & eurydiceh

proud

J'vais soulever des montagnes avec mes petits bras, traverser des campagnes, des patelins, des trous à rats, m'échapper de ce bagne, trouver un sens à tout ça

(c)crackintime
À travers un écran ♦ Sarie VNCfyuC

♥ :

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