| only the young die good (mat) |
| | (#)Mer 26 Oct 2022 - 17:13 | |
| Novembre 2021
La mort à toujours fait partie intégrante de la vie : les années pèsent sur le corps – et quand le passé déborde sur le présent, la mort s’empare des âmes de ceux qui ont vécu. Chacun connaît quelqu’un qui a perdu un grand-père ou une grand-mère pendant son enfance, une première confrontation avec le dernier sommeil. Malgré la tristesse, il est facile de s’imaginer une personne âgée qui s’endort sans bruit dans sa chambre, après une longue vie. Le corps fatigué et la tête remplie de souvenirs de gens qui ne sont plus, elle embarque pour son dernier voyage. Lorsque la peau est parsemée des traces du temps passé, des sourires esquissés et des larmes coulées, la mort est au prochain virage – tapie mais attendue. Naturelle. Au contraire, parfois la mort attaque par surprise. Une maladie fulgurante – à laquelle personne ne s’attendait. Personne ne l’a vu venir. Personne n’a compris. On ne doit pas mourir à 40 ans. On ne doit pas mourir quand on a un enfant en bas âge et un autre à venir – des marmots qui auraient eu besoin de leur père pour se construire et grandir. On ne doit pas mourir avant d’avoir pu vieillir, avant d’avoir vécu la moitié de sa vie. Parti trop tôt. Nico Baker. Mari. Père. Ami.
Il faisait même partie de la famille. Nico, et sa femme Matilda avait fait parti des premiers amis de la famille à leur arrivée à Brisbane, alors que Cassidy peinait à trouver sa place auprès d’une partenaire si différente d’elle et que les enfants s’acclimataient dans une nouvelle école à 1700 kilomètres de leur ancienne maison, elle avait rencontré Matilda – et immédiatement, elles s’étaient entendues. En dehors de leurs jobs respectifs très prenant, elles partageaient les mêmes passions pour le sport et la nature – et Cassidy, déjà maman depuis plusieurs années, est ravie de découvrir que Matilda a elle aussi un petit bout. Rapidement les maris s’étaient rencontrés et l’entente s’était confirmée : Nico et Tom s’était rapprochés, les enfants apprenaient à se connaître et tous les quatre (sept, avec la marmaille) passaient une grande partie de leur temps ensemble. Loin de leur Irlande natale et de sa famille, elle avait gagné en Mat la sœur qu’elle n’avait jamais eu et Eli des cousins de cœur pour jouer avec lui. Et aujourd’hui, ils avaient tous perdu Nico.
Dire que l’annonce du cancer de celui-ci était un choc serait un euphémisme.
L’équilibre de la famille de cœur qu’ils avaient construite en était absolument chamboulé – il était impossible d’imaginer qu’il ne serait plus présent. Le choc était plus violent encore pour sa femme – qui se retrouvait seule avec Eli et sa future petite sœur.
Le trajet entre le cimetière et la maison de famille – une famille endeuillée, détruite, amputée d’un membre maintenant – est long et silencieux, sauf pour quelques reniflements et sanglots refoulés. La cérémonie s’est déroulée en tout petit comité (la famille et quelques proches) avant la cérémonie au domicile de la famille. Cassidy avait essayé au maximum de décharger son amie – se proposant pour toutes les taches possibles : de l’administratif (qui aurait imaginé qu’il est si difficile d’enregistrer un décès et de gérer une succession) à la logistique de la tenue de la cérémonie – elle ne savait pas dans quel état elle serait si elle venait à perdre Tom, Mat tentait de cacher tant bien que mal sa douleur, du moins devant les autres. Devant Eli.
Mis à part la famille et les proches qui étaient déjà présents au cimetières, quelques collègues étaient invités pour compléter cette triste assemblée. Cass reste proche de Matilda, elle ne lui demande pas si elle va bien – elle le sait déjà : « Un mot de toi et tout le monde est sur le départ. Ne te rends pas malade pour protéger les autres. » Elle connaissait suffisamment l'infirmière pour la savoir aidante dans l'âme, à faire passer toujours les autres avant elle, même dans les pires situations. « Tu veux que je te récupère un verre ? » D'eau. Ou de quelque chose de plus fort. Autour d'elles, les invités échangeaient des souvenirs du défunt - très regretté. Il y avait un trou dans le cœur de tous ceux présents : quelqu'un comme Nico savait marquer ses proches - et les multiples anecdotes échangées aujourd'hui en était une preuve supplémentaire - chacun allait de sa petite histoire. En souvenir. Pour compenser toutes les aventures qu'il ne pourrait pas vivre. Pour le garder en mémoire de son enfant.
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| | | | (#)Mer 2 Nov 2022 - 8:22 | |
| only the young die good Ton regard posé sur la table de la cuisine, tu peines à imaginer qu’elle ne sera jamais plus remplie comme avant. Cassidy a tes côtés, c’est naturellement que tu repenses à toutes les soirées que vous avez passé ici tous les quatre, les deux couples d’amis avec des verres de vin qui ne cessaient de se remplir et votre marmaille endormie dans la pièce d’à côté. Aujourd’hui, il y a Cass à tes côtés, et Tom qui s’occupe des enfants, qui les amuse comme il peut dans circonstances qui n’ont absolument rien d’amusantes, mais plus jamais il n’y aura Nico. Ni autour de la table, ni dans cette maison, ni nulle part ailleurs. Tu refoules un nouveau sanglot, étires tes lèvres dans un sourire qui n’en a que le nom. La maison est pleine des gens que tu aimes le plus au monde, les histoires qui sont racontées à gauche et à droite se veulent réconfortantes, des morceaux incroyables de l’histoire de Nico, de votre histoire à vous deux, de la vie que vous avait su créer ensemble dans les dernières années. La maison est pleine mais son absence est la seule chose que tu ressens, la seule et unique chose qui t’étouffe depuis quelques jours, depuis qu’il a pris son dernier souffle et que la maladie a eu raison de son corps trop fatigué de se battre. Il a essayé pourtant, Nico. Il a donné tout ce qu’il avait a donné, il espérait tant avoir droit à un miracle, être présent assez longtemps pour pouvoir rencontrer cette petite fille qui grandissait depuis quelques mois sous ton nombril. Mais il n’y avait pas eu droit, à son miracle, et toi non plus par le fait même. La maison est pleine, ça grouille de partout et pourtant, tu te sens terriblement seule. Terriblement seule sans Nico. Terriblement seule pour cette nouvelle saison de ta vie qui s’annonce particulièrement douloureuse. Chaque regard que tu croises te rappelle pourtant que tu ne l’es pas, seule, mais le sentiment est si envahissant que tu n’arrives pas à t’en défaire, bien que tu t’efforces de ne pas le laisser paraître. Il te faut garder la tête haute, aujourd’hui surtout. Eli ne semble pas encore comprendre l’ampleur de la situation et tu préfères le garder dans cette innocence, quelque temps encore, avant que la réalité ne vous rattrape brutalement tous les deux. C’est peut-être une erreur, mais tu n’es plus certaine de ce que tu fais, plus certaine de ce que tu devrais faire, plus certaine de rien, sans la voix de la raison qu’a toujours été Nico dans le creux de ton oreille. Oh c’est presque cruel, d’être celui qui reste derrière et qui doit gérer avec les pots cassés.
« Un mot de toi et tout le monde est sur le départ. Ne te rends pas malade pour protéger les autres. » Si ton masque fonctionne avec bien des gens, il ne fonctionne pas avec Cassidy et tes lèvres tremblent encore un peu alors que tu prends appui sur elle, comme si tu craignais soudainement que tes jambes ne flanchent sous ton poids. « Ça va. Je gère. » Encore pour un moment. C’est ce que tu te répètes sans cesse depuis le début de cette journée qui semble sans fin. « Tu veux que je te récupère un verre? » Tu fais signe que oui de la tête, la gorge déjà nouée à la simple idée de devoir reprendre la parole pour une énième fois, pour devoir étaler encore un peu la peine et la douleur dont tu es prisonnière depuis peu mais depuis trop longtemps déjà. Tu fais non quand elle te propose un verre d’eau et sa deuxième apparaît telle une délivrance. « T’es la meilleure. » que tu murmures alors que tu amènes le verre au liquide ambré près de tes lèvres. L’alcool brûle, mais c’est bien le moindre de tes soucis. Tu ne veux pas abuser, pas maintenant, pas comme ça, mais tu ne peux pas nier que ça te calme les nerfs, ne serait-ce qu’un peu. Quand tu reprends la parole, tu as l’impression de te répéter tel un disque rouillé qui ne sait jouer que trois notes. Tu remercies tout le monde, tu rappelles avec sincérité que Nico serait touché par la présence de tout ceux qu’il aime ici aujourd’hui et tu précises que tu es reconnaissante de toute l’aide et de tout l’amour que ta famille et toi avez reçu aujourd’hui. Tu penses chacun des mots, mais tu n’as plus envie de les dire, plus la force de quoique ce soit alors que tu te retrouves à serrer plusieurs mains, embrasser de nombreuses joues avant que la maison ne se vide finalement, à petit feu. « Je pense que ça s’est bien passé. » que tu annonces finalement à Cassidy alors que vous vous retrouvez désormais seules dans la cuisine, Tom toujours au salon avec les enfants. Tu t’occupes de débarrasser la table sur laquelle repose les restants du buffet. Tu n’as presque rien avaler de la journée et pourtant, la simple vision de la nourriture suffit à te lever le cœur. « J’aurais pas pu passer au travers de la journée sans toi. » Tu te retournes vers la blonde, retient un sanglot de plus, un sanglot de trop alors que des larmes menacent de couler à nouveau sur tes joues à tout moment. « Excuse-moi, c’est la fatigue qui me rattrape. » Et pas que, mais tu refuses de t’écrouler, tu refuses d’être cette femme-là, quand bien même le rôle est complètement tien désormais : celui de la veuve esseulée qui n’a pas la moindre idée comment elle est censée continuer sans l’amour de sa vie.
Dernière édition par Matilda Sylte le Mer 2 Nov 2022 - 19:38, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 2 Nov 2022 - 16:57 | |
| Pourquoi dit-on toujours beaucoup plus de bien des morts que des vivants ?
A chaque enterrement, les proches se regroupent pour évoquer oh combien le défunt était une personne extraordinaire et sa présence manquerait, à tous. Chacun a son anecdote, son moment, l’interaction qui a le plus marqué ou qui, au contraire, faisait ressortir au mieux les qualités de la personne décédée. Nico était un ami exemplaire – il n’était pas difficile de trouver des anecdotes : Thomas regrettait son partenaire de barbecue (et une aide bienvenue lorsqu’il s’agissait d’allumer le barbecue le plus rapidement possible) ou d’un soutien lorsque ses enfants avaient décidé qu’ils avaient besoin chacun d’un cheval. Cass n’oublierait jamais leurs grandes tablées et leurs longs repas de dimanche, dans cette famille recomposée qu’ils s’étaient crée tous ensemble ou les verres de vin partagée, une fois les enfants endormis dans la pièce d’à côtés. Deux couples souvent l’un chez l’autre, se soutenant au moindre imprévu au boulot de Mat ou de Cass, c’était un tel poids en moins de savoir que tes enfants avaient un endroit où rester, même si tu enchaînes les heures supplémentaires. Ils avaient tant partagé avec Mat et Nico, qu’il était difficile d’envisager qu’il n’était plus là. Tout le monde autour semblait penser la même chose : il allait manquer à ceux qui lui était cher. Elle espérait qu’il savait à quel point il était apprécié avant d’être regretté. Il n’existe pas beaucoup d’évènement où l’on se réunit pour vanter les mérites d’un vivant : mise à part les remises de médailles (souvent trop formelles) ou autre récompenses professionnelles, et dans ses cas-là, ceux qui offrent la récompense sont rarement ceux qui vous connaissent vraiment. Non, vraiment, la mort donne accès un statut particulier, presque intouchable.
Après tout, l’une des rares choses communes à chacun d’entre nous est que la vie humaine prend fin. Pourtant, chacun vit sa vie de tous les jours sans sembler être conscient de cet inévitabilité. Notre première réaction face à la mort est souvent le choc : un arrêt sur image, alors que la mort nous sort de notre routine, nous éloigne de nos habitudes avec cette conscience soudaine, ce rappel, que la vie humaine a une fin. Parfois, il est difficile de se sortir de ce choc : un décès prématuré ou d’un être aimé, proche. La confrontation à la mort nous oblige à réaliser à le temps perdu dans l’accumulation de choses inutiles, d’expériences ou de relations, mais que rien n’arrête la grande Faucheuse et le sable qui s’écoule dans le sablier. Peut-être respecte-t-on les morts parce qu’ils nous rappellent de prendre en compte les choses importantes, de nous renouveler dans nos inspirations et nos choix de vie, parce que personne ne sait réellement combien de temps il lui reste, de rechercher ce qui a un sens profond et de chérir les moments qu’il reste de cette étrange aventure qu’est la vie. Nico aurait-il fait les choses différemment s’il savait qu’il allait être malade ? S’il connaissait la date de sa mort. Il s’était battu jusqu’au dernier souffle, cherchant en vain à terrasser un ennemi trop vaillant. Putain de maladie de merde. C’est injuste, trop injuste pour ceux qui restent : sa femme, son enfant, celui à venir aussi. Mat fait bonne figure mais ne parvient pas tout à fait à cacher sa détresse (personne ne lui en voudrait, de se laisser aller, mais elle garde la tête haute et ses yeux, parfois brillants en écoutant certaines anecdotes, ne laissent pas couler de larmes). « Ça va. Je gère. » Elle est admirable, vraiment, à s’occuper des invités, à réconforter des amis, sa famille aussi, sans les faire plier sous sa peine, à elle. C’est elle qui s’endormira dans un lit vide et qui élèvera ses enfants sans père. C’est elle qui se rappellera de son visage dans la cuisine, dans la chambre, qui retrouvera ses t-shirts ou son gel douche éparpillés dans leur maison. C’est elle qui sera seule. Cass lui récupère un verre, la laisse s’appuyer sur elle, lui offre toute l’aide qu’elle peut, dans une situation où rien de ce qu’elle fait ou dit ne sera réellement bénéfique. Elle ne peut pas combler l’absence laisser par Nico. Seul le temps, clément dans son passage, pourra un jour peut-être lever la douleur ressentie, mais pas aujourd’hui. Sûrement pas demain non plus. Un jour, dans le futur. Pas aujourd’hui.
La maison se vide finalement, après d’énièmes embrassades et des sanglots – Nico était aimé, personne ne pouvait en douter. « Je pense que ça s’est bien passé. » annonce Mat alors que les invités sont partis. Est-ce qu’un enterrement peut bien se passer ? Aussi bien que possible, peut-être – avec la peine et la douleur partagée. « Ça s’est bien passé. Tu as été une hôte formidable. » Il aurait apprécié la journée – il aurait aimé être entouré ainsi de tous ceux qui l’aimaient. Après le départ des invités, la maison s’est faite presque silencieuse, mise à part les bavardages et rires des enfants – qui ne comprennent pas vraiment la situation. Tom essaie de les surveiller, un œil attentif et un entrain forcé pour ne pas faire de peine à leur petites têtes blondes (et pour ne pas que Mat ait à s’inquiéter d’une chose en plus). Elle l’accompagnait dans l’organisation, dans la mise en place et là, elle l’aidait à débarrasser les restes du buffet. Personne ne veut organiser un enterrement sans prévoir à manger et à boire mais peu sont ceux qui ont réellement faim quand la peine et la douleur noue le ventre. Au moins, les restes des plats permettraient à la famille de Mat de se nourrir pour la fin de la semaine, quand elle n’aurait pas la force de préparer quoi que ce soit. Alors qu’elles font des aller-retours entre la cuisine et le salon, emballant et plaçant les plats dans le réfrigérateur, Mat se retourne vers Cassidy : « J’aurais pas pu passer au travers de la journée sans toi. » Elle retient ses larmes, refusant de se laisser aller, même rien qu’avec elle. Cass refuse de la laisser cacher ses émotions – malgré la douleur, il est parfois nécessaire de laisser couler ses larmes. Elle s’approche d’elle pour la prendre dans ses bras : elle ne la forcera pas si elle refuse, mais elle ne veut pas qu’elle ne se cache, elle ne veut pas qu’elle ait l’impression qu’elle doit être forte avec la blonde : « Tu as le droit d’être mal, Mat. Il te manque, c’est normal. »
C’était son mari, l’homme de sa vie. C’est difficile de parler au passé de celui que tu aimes. Thomas et Cass, eux, ils s’étaient rencontrés à l’école, dans leurs premières années. S’ils ne s’étaient pas entendu au départ, mais dès qu’ils avaient appris à se connaître, ils étaient devenus absolument inséparables : il avait partagé ses victoires sportives, il l’avait défendue pendant des chamailleries avec ses frères, il l’avait encouragé et conseillée quand elle ne savait pas quoi prévoir pour son futur. Elle l’avait vu se métamorphoser de garçon à homme et avait retenu son rire lorsqu’il arborait fièrement ses premiers poils de moustache. Ils avaient révisé ensemble pour leur examen final et à leurs dix-huit ans, ils s’étaient envolés main dans la main pour l’Australie. Son meilleur ami, son confident, son mari. Le père de ses enfants. Ils avaient partagés des nuits sans dormir, inquiets d’une angine attrapée par leur bébé. Ils avaient soigné des genoux écorchés et ri quand leur aînée avait décrété qu’elle préférait le football à la danse (telle mère, telle fille). Partout dans sa vie, il était présent. Chaque objet lui rappelait son Tom. Elle ne savait pas si elle serait capable de vivre sans lui. Elle ignorait comment Mat ferait pour vivre sans son Nico.
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| | | | (#)Ven 25 Nov 2022 - 7:19 | |
| only the young die good Tu répètes les mêmes mots, les mêmes remerciements et elle te semble éternelle, cette journée de la mort. Sans doute parce que c’est ce qu’elle est, la mort : éternelle. On ne revient jamais, une fois le dernier voyage entamé et tu en veux à l’univers en entier, d’avoir estimé que c’était l’heure pour Nico alors qu’il avait à peine les pieds dans la quarantaine. Pas même le temps d’avoir une crise existentielle sur le temps qui passe que déjà, le temps était compté. Il n’aurait dû être qu’à la moitié, vivre encore tant de premières fois à tes côtés, avec votre fils, avec cette petite fille dans ton ventre dont il ne verra jamais le visage. Ce n’est pas juste, rien de tout ça n’est juste et tu rages. Oh oui, tu bouilles à l’intérieur, tu as l’impression que ta peau est en feu et personne ne semble savoir quoi dire ou quoi faire pour éteindre l’incendie qui, tu en es persuadée dans l’immédiat, aura ta peau petit peu par petit peu. La sensation est plus vive que jamais, et tu peines à t’imaginer le jour où la douleur cessera. Tu camoufles le tout sous des sourires, tu acceptes les sympathies, tu entends les histoires que l’on partage sur le passage de Nico dans la vie de ceux qu’il aimait, mais tu n’écoutes pas. Tu n’as pas besoin de te remémorer quoique ce soit, tous tes souvenirs sont juste là, ils t’inondent constamment. Tu ne peux même pas fermer les yeux sans que son image ne te hante, et tu es pétrifiée à l’idée que ça cesse autant qu’à celle que cela continue trop longtemps tant ça fait mal, de t’imaginer ses traits tout en sachant que plus jamais tu ne pourras réellement les voir. Que plus jamais tu ne pourras toucher son visage, toucher sa peau, sentir son parfum. Tant de choses que tu as cessé de tenir pour acquis quand la maladie a frappé, mais qu’importe le nombre de fois où tu t’es arrêtée pour être sûre de ne rien manquer, tu sais que ça n’aurait jamais été assez. Rien ne sera jamais assez et demain est déjà un jour trop difficile, pas pire qu’aujourd’hui, mais pas mieux qu’hier.
Le dos droit, le visage encore parfaitement maquillé malgré tes yeux humides qui risquent de venir tout gâcher d’une minute à l’autre. Ce n’est pas que tu ne veux pas pleurer, ce n’est pas que tu ne veux pas t’appuyer sur Cassidy qui t’offre une épaule sur laquelle pleurer et tout le soutien qu’une personne puisse espérer recevoir, mais tu crains que si tu t’écroules, tu ne seras jamais en mesure de te relever, et ça te fait peur. Peur de ce que tu pourrais devenir, peur d’être incapable de t’occuper d’Eli, et de cette petite fille qui n’a même pas encore vu le jour, celle qui dépend de toi. Tu détestes le fait qu’elle doive ressentir ton taux de stresse trop élever, ou ton cœur qui se brise un peu plus avec chaque seconde qui passe. Tu détestes tout de ces circonstances et tu voudrais que ça cesse. Mais la terre continue de tourner, le temps continue de filer et toi, tu continues d’exister dans un monde où Nico n’est plus. Soupir. Sourire. Un autre soupir. La journée est terminée. Le pire est derrière toi, mais tu ne te sens pas mieux. Pas même quand la maison se vide et que tu peux enfin te défaire du rôle de l’hôte parfaite. « Ça s’est bien passé. Tu as été une hôte formidable. » Avais-tu réellement un autre choix? Tu voulais que tout se passe à la perfection, pour Nico, pour lui rendre ce dernier hommage qu’il méritait pleinement, celui pour lequel il aurait dû être vivant. Pourquoi est-ce que l’on oublie toujours de dire à nos proches combien on les aime quand ils sont encore là pour l’entendre? S’occuper les mains, ramasser les plats, entasser la vaisselle sale sur un coin du comptoir pour s’y attaquer plus tard, il y a toujours quelque chose de plus à faire, pas temps pour la fin du monde qui a pourtant eu lieu il y a quelques jours de cela. Tu sens la tension qui remonte quand Cassidy s’approche, parce que tu connais la suite. Et si elle te prend dans ses bras, tu risques de ne pas pouvoir retenir les larmes plus longtemps. Ça chauffe, tes yeux. Tu as beau lever les yeux en l’air à répétitions, ravaler les sanglots, c’est trop tard et lorsque la voix de ton amie s’élève entre vous deux, tu capitules enfin. « Tu as le droit d’être mal, Mat. Il te manque, c’est normal. » Non ce n’est pas normal. Rien de tout cela ne devrait être ton normal. Les larmes roulent silencieusement sur tes joues d’abord, avant qu’un sanglot ne t’échappe et puis un autre, et tu te perds dans l’étreinte de la blonde, comme si tu tentais de cacher ton mal-être au reste du monde. Les minutes s’écoulent ainsi, la notion du temps perd tout son sens, comme le reste de ta vie, mais peu importe. Le monde continue de rouler autour de vous, personne ne s’impose dans le moment, conscient sans doute de cette vulnérabilité nouvelle qui s’émane de ta personne. Il n’y a plus personne dans les environs à qui tu voudrais réellement le cacher, de toute façon.
Le visage rougi par les larmes, les joues nouvellement cernés de traces de mascara, c’est une mine bien déconfite que tu offres désormais à la Lowell. « Excuse-moi. » sont les premiers mots que tu lui offres, comme si tu devais être désolée d’être complètement dévastée aux funérailles de ton mari. C’est plus fort que toi, c’est une mauvaise habitude qui te force à t’excuser constamment pour des comportements qui sont tout ce qu’il y a de plus normaux, toi qui aimes tant aider les gens mais qui refuses que l’on t’en offre autant. « Je comprends pas Cass. » que tu enchaînes alors que tu tends une main distraite vers l’une des nombreuses boîtes de mouchoirs à disposition. Tu essuies rageusement les larmes sur tes joues, avant de finalement poser ton regard sur la blonde à tes côtés. « On mérite pas ça. Nico méritait pas ça. » Tu cris à l’injustice, tentant de faire sens d’une situation qui n’en aura pourtant jamais. « Je sais pas comment faire sans lui. » Comment est-ce que tu es censée savoir? Des années que ton monde tourne autour de lui, de votre famille, et faire vivre cette dernière sans lui est bien la seule chose qui te garde les pieds sur terre aujourd’hui, même si c’est la chose la plus difficile que tu n’auras jamais à faire du reste de ta vie. |
| | | | (#)Ven 23 Déc 2022 - 21:54 | |
| Dans certaines coutumes africaines, paraît-il, il est commun de célébrer les funérailles, réellement célébrer : une fête organisée, avec musique et danses et la joie de se retrouver pour honorer la personne décédée. Même les porteurs de cercueil dansent en portant le corps du défunt, une manière de penser aux bons moments plutôt qu'au manque. Cassidy n'avait pas compris cette coutume. Honnêtement, elle ne sait pas si elle serait capable de célébrer quoi que ce soit dans un tel été de peine et de deuil. La culpabilité et la tristesse l'assaillent à l'idée de se réjouir, ne serait-ce qu'un moment. « Ce n’est pas qu’il aurait voulu. » Une belle phrase toute faite à la con – il ne voulait pas non plus mourir, et pourtant, nous y voilà. Assez rapidement dans la vie, chacun se rend compte que vouloir ne change l’issue, que vouloir et y croire et le désirer, peu importe la puissance de son souhait, ne peut changer le cours du temps. La mort existe. Elle est réelle, présente, omniprésente aujourd’hui, et elle n’est pas la bienvenue : une invitée surprise au détour d’un chemin, que l’on n’avait pas vu trop occupé à penser à demain et plus tard et à faire des plans pour pouvoir être heureux. La mort ne prend pas en compte les plans qu’on fait et une fois qu’elle est là, il est impossible de faire autrement que de faire avec. L’accepter est difficile, impossible pour certains : c’est injuste et inattendu et brutal de la pire des manière. Espérer l’éviter ? Certains pensent se protéger en ne s’attachant pas : on ne peut pas perdre ce que l’on n’a jamais eu. L’ignorer ne fonctionne qu’un temps, à se cacher de ses propres émotions, s’enfermant dans une armure de non-dits et de faux semblant. Combien de fois doit-on forcer un sourire pour que l’attitude devienne une seconde nature et que l’on oublie que l’on porte un masque ? Pour que le masque soit si facile à porter, si présent, si naturel, qu’il devient une deuxième peau dont ne peut se défaire ? Peut-on espérer être un jour heureux si l’on ne se permet pas d’être triste ? Et si accepter la mort est impossible et l’ignorer intenable, quelle option reste-t-il ?
« Ça s’est bien passé. Tu as été une hôte formidable. » Il est de ces moments où il est impossible de ne rien dire, mais, en même temps, rien ne peut exprimer un quelconque confort ou même être digne de briser le silence. Que peut-on donc affirmer à quelqu’un qui a perdu tout espoir et l’amour de sa vie ? Comment réconforter une future mère qui n’aura pas son partenaire pour partager tous les beaux moments de la vie ? « Tu as le droit d’être mal, Mat. Il te manque, c’est normal. » Après une journée à penser à la terre entière, à se préoccuper de la maison, des invités, de la nourriture et des boissons et des sentiments des autres, après une journée à se soucier des émotions des invités et à essayer de laisser à chacun un espace pour commencer son deuil et s’exprimer – sans pouvoir elle-même être en paix et penser à ses besoin – après une telle journée de merde, Mat a le droit de craquer. Elle ne le veut pas, Cass le sait mais elle sait aussi que la pression et la peine sont écrasante et que personne ne devrait avoir à le subir en silence et seul. « Excuse-moi. » sont les premiers mots que Mat prononce et, vraiment ? Oh, quelle audace ! Comment ose-t-elle montrer une once d’émotion et de peine aux funérailles de son mari ? Vraiment, un comportement des plus déplacés qui nécessite, clairement des excuses les plus promptes ! Elle pourrait protester et expliquer à Mat qu’elle n’a aucune raison de s’excuser – que ses émotions sont tout à fait normales et qu’elle ne fait rien de mal, mais la brune sait ça. Elle le sait très bien. Elle a tout à fait conscience, ce n’est pas pour ça pour qu’elle s’excuse. Alors Cass ne répond pas, pose simplement sa main sur le bras de son amie pour ne pas l’interrompre. Je suis là. Je suis là pour toi. Tu peux te reposer sur moi. Ne t’inquiète pas. Après un moment, Mat continue : « Je comprends pas Cass. » il n’y a rien à comprendre, mais il est difficile d’accepter que parfois, c’est comme ça. Il n’y a pas de raison, pas d’explication, rien de plus qu’une putain de vie de merde, de coup de pas de chance et de revers du sort, qu’il est impossible de comprendre et d’expliquer. Impossible à justifier. « On mérite pas ça. Nico méritait pas ça. » Il n’existe pas de balance karmique universelle ou de règles qui dit qu’il ne nous arrive que ce que l’on mérite : des gens très bien subissent des tragédies sans raison, sans les mériter, sans qu’elles soient justifiés et des personnes horribles, mauvaises, peuvent se retrouver comme récompensées de leurs attitude néfaste envers les autres. « Non, vous ne le méritiez pas. » C’est injuste. La vie est injuste et Cass ne peut pas prétendre le contraire. « Ce qui lui est arrivé... ce qui t’arrive n’es pas juste. »
« Je sais pas comment faire sans lui. » Qu’est-ce qu’elle serait sans Thomas ? La pensée est furtive mais terrifiante. Elle s’est construite avec lui, depuis son plus jeune âge. Il était son meilleur ami, son pilier, son soutien indéfectible. Il était là quand elle doutait d’elle-même et lui redonnait confiance. Elle avait construit sa vie avec lui et leur maison désormais, à Logan City serait toujours la leur. Il était partout. Comme Nico était partout avec Mat. Leur vie. Leur mariage. Leur famille qui allait s’agrandir. « Un jour après l’autre. » Il n’y a jamais de solution miracle. « On va gérer ça un jour après l’autre. » |
| | | | (#)Dim 15 Jan 2023 - 12:32 | |
| only the young die good Il ne reste qu’une seule chose que tu as envie de faire aujourd’hui : monter à ta chambre et te cacher du reste du monde pour quelques heures, quelques jours idéalement. Ce n’est pas possible toutefois et tu le sais, bien que ça ne vienne pas le moindrement teinté ce besoin qui t’habite et t’envahit. Tu n’as plus la force d’être là, plus la force de quoique ce soit, mais tu n’as pas le luxe de disparaître. Pas le luxe de ne pas être à la hauteur quand Eli a tant besoin de toi, quand cette petite fille qui n’est même pas encore née a besoin de toi, qu’elle ne mérite pas de grandir au beau milieu de ta peine et de ton stress. Tes mains caressent ton ventre et tu lui murmures des milliers d’excuses, à ce dernier morceau de ton mari qu’il te reste à découvrir. Tu continues d’éviter les regards bienveillants de ton amie, parce que tu crains de flancher et de ne jamais te relever, si tu ouvres les valves de ton cœur brisé, si tu t’engouffres pleinement dans le désespoir qui t’habite. La main de Cassidy sur ton bras n’aide en rien à tenir tes gardes bien hautes, tu te sens si faible, si fragile, comme une feuille de papier si mince qu’elle pourrait se déchirer en un seul coup de vent. Elle est là pour te retenir, mais tu crains qu’elle ne soit celle qui te fasse défaillir. « Non, vous ne le méritez pas. » Malheureusement, tu ne retrouves aucun réconfort dans la confirmation que t’offre la jeune femme. Tu n’es pas certaine que quoique ce soit puisse t’offrir du réconfort aujourd’hui. « Ce qui lui est arrivé… ce qui t’arrive n’est pas juste. » Tu poses une main sur ta bouche pour camoufler un autre sanglot qui menace de s’échapper du fond de ta gorge et tu as besoin de quelques secondes avant de reprendre un semblant de contenance. Ta main vient accrocher celle de la blonde, tu y trouves un peu de soutien, de support. Assez pour lui lâcher un cri du cœur. Une question que tu te poses tous les jours depuis quelques mois. Une question dont la réponse te manque toujours alors que la problématique est finalement là: comment survivre sans Nico? « Un jour après l’autre. On va gérer ça un jour après l’autre. » Tu secoues vivement la tête. Non, Cassidy n’a pas à gérer ça. Parce que l’amour de sa vie est encore vivant. Il est dans la pièce d’à côté, bien vivant et ne voulant qu’une chose : consoler sa femme. Il est là et Nico n’est plus là. Ce n’est pas juste, mais jamais ô grand jamais tu ne souhaiterais que Cassidy connaisse une douleur aussi vive que celle qui te consume présentement. « T’as rien à gérer du tout Cass. » Ce n’est pas un reproche que tu lui fais, au contraire. Tu veux simplement qu’elle réalise la chance qu’elle a, que ta réalité n’est pas la sienne, que tu ne veux pas qu’elle le soit non plus. « Tu peux pas perdre une seule seconde, ok? Tu peux pas prendre pour acquis tout le bonheur que t’as entre les mains. » De nouvelles larmes coulent sur tes joues, mais tu ne cherches pas à les essuyer cette fois-ci. Tu les laisses couler parce qu’il est complètement inutile de prétendre que tu peux encore te calmer. Il est trop tard pour ça. Tu ne penses pas un jour être capable de t’arrêter de pleurer, pas certaine non plus d’avoir envie de le faire non plus. « Y’a jamais assez de temps et tu peux pas en perdre à gérer avec moi. » Avec ta peine, avec ton désespoir, avec tout le bagage que tu portes désormais sur tes épaules. Tu sais que Cassidy sera là, qu’elle ne te laissera jamais tomber et ce n’est pas ce que tu es en train de lui demander, pas vraiment. Tu veux simplement lui rappeler que tout est précieux, trop précieux pour être moindrement pris pour acquis. |
| | | | (#)Mer 18 Jan 2023 - 15:23 | |
| Comment aider un proche qui a perdu l’amour de sa vie ? La situation n’est pas facile : rien ne peut réellement soulager la douleur ou permettre, même un instant, d’apporter un quelconque réconfort. Je sais ce que tu ressens. Non. A part à avoir soi-même perdu un mari, il est impossible de comprendre la situation. Impossible de savoir. Impossible d’avoir la moindre idée de la souffrance liée à la disparition de celui avec qui on était prêt à vivre pour le reste de ses jours. Je suis là pour toi. Et alors ? Ce n’est pas d’une amie dont elle a besoin : la seule personne qui pourrait lui accorder le réconfort nécessaire est celle dont l’absence se fait sentir chaque seconde de chaque instant. Si tu as besoin de quoi que ce soit. Suggestion idiote, elle aussi – à part avoir une machine à remonter le temps, une ligne directe avec la faucheuse ou un arrangement quelconque avec l’entité responsable de la vie ou la mort, les compétences risquaient de ne pas être suffisantes. Rien ne semblait suffisant. Certes, elle pouvait aider à remplir la paperasse, orienter les invités pour que Mat n’ait pas à donner plusieurs fois les mêmes explications, elle pouvait gérer les réservations d’hôtel pour les amis qui voyageaient de loin, elle pouvait s’occuper de la logistique, aider à mettre en place, mais rien ne semblait suffisant. Rien ne semblait réellement aider, et Cass en avait bien peur, rien ne pourrait réellement aider dans la situation, du moins pas de suite. Il n'y a pas de solution miracle pour diminuer la douleur. On dit que le temps guérit toutes les blessures. Peut-être les oublie-t-on, au fur et à mesure des semaines, des mois et des années, et que les plaies saignantes se referment en simples cicatrices, marques de notre passé sur notre peau. Non, vraiment, il n’y aucune solution miracle. Sauf peut-être boire. Boire. Boire et se couper du monde et oublier que l’on existe. (Que le monde l’oublie aussi) – c’était la seule solution à laquelle elle arrivait à penser pour se soulager de la peine ultime de perdre l’être aimé. Boire à ne plus se rappeler son nom, sa peine, boire à en oublier pourquoi tu as commencé à boire. Mais… même cela était impossible pour Matilda, au vu de la petite fille qui grandissait en elle.
« Un jour après l’autre. On va gérer ça un jour après l’autre. » C’est la seule chose que Cass peut lui offrir. La promesse d’un soutien au quotidien, la promesse d’une présence. Ce n’est pas suffisant aujourd’hui pour supprimer la douleur, mais elle espère que cela sera assez pour avancer jusqu’à demain. Puis jusqu’au jour d’après. Et celui encore d’après. Un pas après l’autre. « T’as rien à gérer du tout Cass. » Même dans son plus grand chagrin, elle est impossible ! Comme si elle pensait qu’elle allait se retrouver seule. « On va gérér ça. »Cassidy répète. « Quoi qu’il se passe pour toi, je suis là. » Elle avait trouvé en Mat une sœur de cœur, celle dont elle aurait rêvé en grandissant (elle adorait ses frères, vraiment, mais elle aurait parfois apprécié une autre présence féminine dans sa fratrie, un peu plus de douceur parmi ses brutes), et celle pour qui elle serait là, contre vents et marées. Même dans les pires situations. « Tu peux pas perdre une seule seconde, ok? Tu peux pas prendre pour acquis tout le bonheur que t’as entre les mains. » Les yeux de la blonde brillent alors qu’elle essaie de retenir ses larmes. Elle a tellement de choses dans sa vie qui la rendent heureuse, tellement de raisons de tenir à son quotidien et elle ne sait pas si elle profite suffisamment. Stupide job et stupides horaires. Pourquoi faut-il toujours être face aux pire situations pour réaliser le bonheur que l’on a ? Pourquoi n’est-ce que face à la mort que l’on apprécie la vie ? « Y’a jamais assez de temps et tu peux pas en perdre à gérer avec moi. » Cassidy a envie de la faire taire, de la secouer jusqu’à ce qu’elle se sorte cette idée idiote de la tête. Perdre à gérer avec elle. N’importe quoi. « Ce n’est pas du temps perdu, quand je suis avec toi. Ce n’est jamais du temps perdu quand on le passe avec les gens que l’on aime. » Une pause. « Les bons et les mauvais moments. » |
| | | | (#)Jeu 26 Jan 2023 - 13:15 | |
| only the young die good C’est plus difficile que tu ne le pensais, de laisser les autres t’offrir de l’aide, d’accepter les mains qui se tendent dans ta direction pour t’appuyer au travers de cette épreuve qu’est le deuil. Celui que tu n’as pas encore commencer à faire, mais celui qui viendra inévitablement, tant le vide autour de toi est prenant depuis que Nico a pris son dernier souffle, il y a quelques jours de ça. Tu sais ce que Cassidy essaye de faire. C’est la même chose que tes frères ont essayé de faire ce matin, la même chose que tes parents essayent de faire aussi, Ophelia, Isaac. Tu vois les silhouettes qui s’enchaînent, cette même tristesse dans le fond de leurs yeux, mais tu n’acceptes pas. Tu n’es pas capable. Comme si tu craignais que d’accepter la sympathie ou la tendresse que pouvaient t’offrir tes proches voulait inévitablement dire que tu sombrerais au point de ne jamais te relever. Oui, c’est ce que tu craignais par-dessus tout. Et si tu n’étais plus capable d’avancer sans Nico? Et si tu n’étais plus jamais capable de vivre sans lui? Les pensées sont intrusives, étouffantes, et plus tu tentes de les chasser, plus elles s’attardent, plus elles t’emprisonnent et plus tu as envie de repousser tout le monde. C’est un jeu de push and pull sadique tant tu ne voudrais rien de plus que de pleurer à chaudes larmes dans les bras de la blonde, mais que tu persistes à te le refuser. Même après avoir craquer une fois, que ta carapace se fait de plus en plus mince et que ton visage bouffi et rougit trahit comment tu te sens vraiment, tu t’efforces à imposer une distance, plus certaine de savoir qui tu souhaites réellement protéger, dans tout ça. Tu ne fais plus de sens, et tu blâmes le manque de sommeil, la grossesse, les hormones, les émotions, la liste peut continuer bien longtemps encore, mais Cassidy ne se décourage pas devant ton entêtement. Elle persiste, elle s’accroche à toi comme elle sait que tu as besoin de t’accrocher à elle, et si tu la maudis du regard, tu lui es en réalité bien plus reconnaissante que tu n’es en mesure de le lui faire savoir dans l’immédiat. « On va gérer ça. » qu’elle insiste et tu voudrais la secouer autant qu’elle voudrait le faire avec toi, tu en es presque persuadée. « Quoi qu’il se passe pour toi, je suis là. » « Cass… » Ta voix se brise et c’est si difficile. Tout de cette journée est incroyablement douloureux. Et si tu n’es pas capable de la laisser entrer? Et si ta tristesse est trop grande, trop envahissante, trop profonde pour elle, pour tout le monde, pour toi-même? Tu refuses que Cassidy se retrouve attirer dans ton malheur, elle a trop à vivre, trop de gens à aimer, trop de choses à faire pour être certaine de ne jamais manquer une seule occasion, une seule seconde avec ceux qui lui sont chers. Tu oublies temporairement que toi aussi, tu fais partie de ces gens-là, il est bien là le problème et elle n’hésite pas à te le faire comprendre, la Lowell. « Ce n’est pas du temps perdu, quand je suis avec toi. Ce n’est jamais du temps perdu quand le passe avec les gens que l’on aime. Les bons et les mauvais moments. » Tes yeux sont une nouvelle fois emplis de larmes et tu pourrais la maudire, mais tu es trop occupée à sangloter une fois de plus pour en être capable. « J’ai tellement peur. » que tu lui avoues et les mots sortent difficilement, coincés quelque part dans le fond de ta gorge, difficile à admettre. « Je veux tellement être forte. Pour les enfants. Eli comprend pas… il arrête pas, il-il… Il arrête pas de demander quand est-ce que papa revient. » De nouveaux sanglots, il est désormais impossible pour toi d’arrêter le torrent qui coule sur tes joues. « Comment tu expliques à un enfant de trois ans que son papa ne reviendra jamais? » Ton visage tombe entre tes mains, c’est trop difficile. Ça fait trop mal. Tu veux que ça arrête, mais la Terre continue de tourner et tu n’as pas d’autre choix que de survivre, minute après minute, seconde après seconde. |
| | | | (#)Dim 5 Fév 2023 - 21:03 | |
| Il faut être suffisamment fort pour tenir debout seule, suffisamment intelligent pour savoir quand on a besoin d’aide et suffisamment courageux pour oser demander cette aide. Ce dernier point est souvent le plus difficile : quand quelqu’un prend l’habitude d’être le roc, d’être le soutien de ses proches, il est difficile d’être prêt à montrer ses vulnérabilités et ses faiblesses, il est impossible, presque, d’admettre que pour une fois, on ne peut être celui ou celle sur qui les autres s’appuient, que le poids est devenu trop lourd, trop difficile à supporter. Souvent, on le cache. On le cache derrière une bonne humeur de circonstance, un faux sourire qui n’atteint pas vraiment les yeux mais qui est suffisant, après tout, pour convaincre la majorité des gens. Chaque matin, en arrivant au travail, les collègues s’échangent des « comment tu vas ? » et se questionnent sur leur week-end mais combien ont déjà répondu autre chose que du positif ? Qui s’y intéresse vraiment ? Qui cherche à avoir une vraie vision de l’état émotionnel d’un autre, qui y voit plus qu’une simple ouverture de conversation pour perdre quelques minutes autour d’un café ? Il est facile de se trouver des amis quand tout se passe bien : pour se réunir autour d’un bon repas et d’un verre, pour célébrer et pour profiter, ensemble. Mais quand la mort, la douleur, la peine vient frapper à sa porte, il est plus difficile de trouver quelqu’un à appeler : les gens fuient la peine des autres comme ils se cachent de la leur, refusant de s’y confronter. Ce n’est pas forcément qu’ils ne s’intéressent pas à la personne : c’est souvent de la maladresse, un « je ne saurais pas quoi dire » qui se transforme en un long silence et une distance qui se créée et grandit jour après jour. On ne peut pas demander à quelqu’un d’endeuillé si ça va, le matin. Et quand les journées sont remplies d’appels à des compagnies d’obsèques et de gestion de papiers administratifs et de testaments… Il est plus difficile d’en parler. Mais il y a ceux qui restent. Malgré tout. Pour tout. Ceux qui ne se laissent pas débouter par une remarque ou deux et qui ne sont pas facilement convaincus de les laisser tranquilles. Ce sont ceux qui non seulement disent qu’ils seront là, mais qui le prouvent chaque jour. Ceux pour qui l’amitié ne rime pas seulement avec une après-midi autour d’un barbecue ou une soirée pour regarder un match de football à la télévision. C’est comme une famille de cœur, celle qu’on s’est construite pour soi. Mat faisait partie de cette famille pour Cassidy. Et aujourd’hui, elle voulait être présente pour elle et pour Eli, et pour l’enfant à venir. « Cass… » La voix de Mat se brise et le son serre le cœur de la blonde. Elle aimerait tellement pouvoir supprimer toute cette douleur. Elle donnerait tellement pour pouvoir faire revenir Nico – elle aurait aimé pouvoir négocier, avoir le contrôle, pour que les choses soient [i]justes{/i]. Il ne méritait pas de partir. « J’ai tellement peur. » Que répondre à ça ? Elle n’arrive pas à envisager ce qu’elle deviendrait, sans Thomas. Elle ne s’est jamais imaginée sans lui. Depuis ces cinq ans et jusqu’à aujourd’hui, cet homme fait partie de sa vie. Pour le meilleur et pour le pire, ils s’étaient promis. Mais comment survivre quand le pire, c’est de perdre l’être aimé. « Tu as le droit d’avoir peur. Tu as le droit ne pas savoir quoi faire. Tu as le droit de ne pas être forte tout le temps. » Le droit d’être vulnérable, le droit d’être soutenue pour une fois. « Ce n’est pas ne pas être forte que d’admettre d’avoir peur. Au contraire. » « Je veux tellement être forte. Pour les enfants. Eli comprend pas… il arrête pas, il-il… Il arrête pas de demander quand est-ce que papa revient. » La question ultime. On peut gâter un enfant, lui offrir monts et merveilles, il ne se rappellera que du temps passé. Pour un enfant, l’important est d’être présent et il n’existe pas de bonne raisons pour une disparition. Quelle excuses serait acceptable pour ne jamais revenir ? Les enfants ne comprennent pas la mort. Ils ne comprennent pas que certaines personnes auraient voulu rester, auraient voulu être à leurs côtés longtemps encore mais que la vie en avait décidé autrement. « Comment tu expliques à un enfant de trois ans que son papa ne reviendra jamais? » Une injustice de plus, celle d’un enfant qui ne comprend pas. Pourquoi il n’est plus là ? Pourquoi il ne revient pas ? Il est difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux. Aucun enfant ne peut comprendre se voir arraché un parent si tôt, alors qu’il lui reste tant à construire encore. Si jeune et déjà sans son Papa… « Je sais qu’Eli sait que son Papa l’aimait plus que tout au monde. Il le gardera avec lui pour toujours. » -- RP terminé -- |
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