❀ i bent the truth too far tonight « storm coming, good husband, bad omen, dragged my feet right down the aisle (...) you know there's many different ways that you can kill the one you love, the slowest way is never loving them enough »

Septembre 2022, aéroport de Brisbane.


Les sièges de la voiture que Madison a louée sentent un parfum chimique de citron qui lui pique le nez. Elle a ouvert les fenêtres pour aérer, et la musique que crache les enceintes s'envole dans le vent. Elle augmente le son pour noyer ses pensées. Elle n'a pas assez bu pour ce qu'elle fait, se dit-elle tristement. Elle n'a pas voulu pas boire un troisième verre de vin, pas avant de prendre la voiture - c'est l'une des rares règles autour de l'alcool qu'elle arrivait encore à s'imposer et à respecter. Alors elle inspire, et elle appuie sur l'accélérateur, le bruit du moteur avalant son angoisse. Trop d'émotions se bousculent en elle, et elle réalise tristement que l'euphorie qu'elle devrait ressentir à l'idée d'aller chercher son petit ami à l'aéroport est étouffée par tout le reste.

Pourtant, elle est heureuse de retrouver Jonas, se rappelle-t-elle tandis qu'elle gare la voiture sur le parking de l'aéroport. Depuis qu'ils sont ensemble, il a quasiment toujours été déployé, et outre quelques permissions, elle n'a pu le voir que très rarement. Et elle l'aime, c'est difficile à expliquer, mais elle l'aime vraiment et elle veut le revoir, elle veut être proche de lui, surtout depuis qu'elle a remarqué le changement étrange en lui et qu'elle sent qu'il va mal. Comment ne pourrait-il pas aller mal après tout ce qu'il a vu ? Alors elle s'inquiète, bien sûr, elle veut le prendre dans ses bras, elle veut lui parler, elle veut qu'il revienne à la maison.

Mais elle a peur. Elle est terrorisée. Parce qu'elle sait, au fond... Elle sait, elle ne sait pas, elle veut se convaincre. Quand Jonas est loin, c'est plus simple de se mentir, de mettre de côté, d'enterrer les angoisses et les secrets. Elle n'a pas à l'embrasser, à se regarder dans le miroir ensuite et s'avoir que quelque chose ne va pas, que quelque chose ne s'est pas aligné. Mais peut-être que la distance n'a pas aidé, se dit-elle. Souvent, le soir, après quelques verres, elle regarde son plafond et se dit que s'il y a un homme qui réussira à la changer, c'est Jonas. Et elle prie, elle pense à Dieu, et l'implore de réussir ce miracle qu'elle souhaite depuis son enfance.

Alors elle rentre dans l'aéroport et se dit que c'est ça, sa vie, maintenant. Qu'elle aime Jonas, qu'elle va chercher l'homme - oui, l'homme - qu'elle aime à l'aéroport. Elle devait travailler aujourd'hui, mais elle a réussi à décaler le shooting photo sur lequel elle a été engagée, et au lieu de prévenir Jonas, elle s'est dit qu'elle allait le surprendre. Alors elle attend, angoissée, devant les arrivées, observant les gens qui sortent et retrouvent leurs proches. Puis, elle reconnait sa silhouette, elle le voit avant qu'il ne la remarque, et elle s'approche. Il a l'air tellement vide, tellement fatigué, et elle sent son cœur qui se contracte doucement, dans un mélange de soulagement d'enfin le retrouver, d'affection et d'anxiété ; il la voit enfin, et son visage change, il est surpris, et avant qu'il ne puisse sourire, elle est déjà contre lui, elle le prend dans ses bras.

« Surprise... » Elle murmure. Elle a imaginé une explosion de sentiments, l'excitation des retrouvailles, mais elle se rend compte que le moment est lourd, qu'il s'accroche cette étreinte comme à une bouée dans un océan agité. Elle s'écarte, l'embrasse rapidement, intimidée par les gens qui les observent, et elle lui caresse la joue avec un sourire. « Je n'allais pas te laisser être seul pour ton grand retour. »


@Louis Oakflay    

Mon pas est lourd, mon humeur pas bien meilleure alors que je m'éloigne de l'avion, m'avançant sur le tarmac. Un silence bien significatif s'est installé entre mes frères d'armes et moi-même et je suis persuadé que nous pensons tous la même chose lorsque nous passons à côté des cercueils qui sont sortis avec douceur et cérémonie du cargo. Une tristesse immense me prend aux tripes alors que je ne peux que trop bien imaginer celle qui ressentira la famille de Paul, Watson et Jake, qui ont donné leur vie pour leur patrie. Et maintenant ? Que va-t-il se passer ? Est-ce que le gouvernement pense réellement que nous allons reprendre nos vies d'avant comme si de rien n'était ? Comme si nous n'avions pas vu toutes les horreurs du monde ? Un long frisson parcourt mon échine alors que nous passons les portes pour entrer dans le bâtiment de l'aéroport.

C'est à ce moment, lorsque nos regards se posent sur les personnes qui ont attendu notre retour avec hâte, qu'un soulagement se fait brusquement ressentir parmi mes camarades. Le mien arrive lorsque j’aperçois le visage de Madison dans la foule. Pendant tout le trajet, j'étais persuadé que j'allais devoir rentrer seul à la maison, que je me retrouverais dans cette chambre vide sans personne autour de moi. Mais c'était sans compter sur la surprise que m'a réservée ma douce Madison.

Lorsque nos regards se croisent, elle s'élance vers moi et je laisse tomber mon barda au sol pour pouvoir la rattraper au vol. Refermant mes bras autour d'elle, je la soulève un instant en l'air, la serrant fermement contre moi, m'accrochant à elle comme je le ferais avec une bouée de sauvetage. Lorsque je la repose au sol, je ne la relâche pas tout de suite, profite encore quelques instants de sa proximité, hume son odeur si particulière et familière avant de la relâcher à contrecœur lorsqu'elle décide d'elle-même de se reculer. Son 'surprise' prononcer dans un souffle me réchauffe brusquement le cœur, desserrant mes entrailles. Quand elle m'annonce qu'elle n'allait pas me laisser seul pour mon grand retour, c'est comme si tout le poids des derniers combats et des dernières pertes s'évaporait subitement. « Qu'est-ce que je ferais sans toi » soufflais-je en répondant à son baiser tout en venant caresser sa joue. « Merci» je lui adresse un sourire fatigué et sans joie, mais qui à au moins le don de m'apaiser un peu plus...

… Jusqu'à ce que les hurlements de peine et les pleurs ne viennent déchirer cette bulle de bonheur dans laquelle Madison venait de nous placer. Me tendant brusquement, je lance un coup d’œil au-dessus de mon épaule et déglutis en voyant la sœur et la mère de Paul, mon binôme, qui viennent de s'effondrer devant son cercueil. « On y va» dis-je en attrapant la main de Madison et en me baissant pour récupérer mon sac au sol. Sans plus attendre, je nous éloigne de cette scène que je n'ai plus envie de revivre jusqu'à ce que Madison ne prenne les devants et nous guide vers le parking.

Arrivé à la voiture, je remarque que j'ai retenu ma respiration lorsque je m'installe sur le siège passager et que je vide l'air de mes poumons dans un soupire lourd de sens. Me passant une main presque tramblante sur le visage puis dans les cheveux, je déglutis et fini par rouvrir les yeux, tournant le visage pour poser mon regard sur la jeune femme «J'ai envie d'un tacos » déclarais-je brusquement sans transition « ça te dit qu'on s'arrête en chemin? » n'est-ce pas aussi, inconsciemment une excuse pour rester encore plus longtemps loin de la maison où je serais, de toute manière tout seul et où mon esprit pourra s'emballer trop facilement.

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Madison profite de cet instant de flottement où ils sont tous les deux dans une petite bulle, l’aéroport s’effaçant autour d’eux, faisant disparaître avec lui les inquiétudes de Madison. Louis a parfois cet aura apaisant ; c’est ce qui a plu à Madison lorsqu’elle l’a rencontré à la fac, et qu’elle s’est dit qu’il deviendrait facilement un bon ami pour elle, avec cette douceur et cette attention au monde qui l’entourait. Depuis quelques mois, Louis a changé, elle le sait, elle le sent agité, et sa nervosité se transfère sur Madison qui porte déjà une angoisse perpétuelle en elle. Elle essaie de se convaincre qu’il va falloir un petit temps d’adaptation à Louis, qu’il va devoir se remettre de ce qu’il a vu, que cette expérience l’a forcément changé, mais que ce jeune homme discret et doux est encore là, sous quelques couches de traumatismes. Elle fait des recherches google, lorsqu’elle boit trop, pour savoir ce qui l’attend, d’accueillir un ancien soldat à son retour, mais ce qu’elle a trouvé l’effraie, et elle veut oublier. Elle refuse de se dire que cela va être sa réalité - elle a besoin de se dire que Louis va aller bien, va être fort, parce qu’au fond, elle ne sait pas combien de temps elle pourra se mentir à lui, mentir à lui-même, et qu’elle a besoin qu’il soit fort pour tenir l’inévitable qu’ils vont vivre.

Non, non, elle va arriver à l’aimer correctement. Elle entend les pleurs des familles endeuillés, et elle se rappelle que ça pourrait être Louis dans ce cercueil, et le frisson qu’elle ressent dans le dos lui rappelle qu’elle l’aime tant, plus qu’elle ne s’aime elle, et qu’elle serait capable de sacrifier tout une part d’elle pour lui.

Ils sortent de l’aéroport, et Madison réalise avec effroi à quel point le monde est bruyant. Les klaxons des voitures, les enfants qui hurlent et courent, les adolescents qui rigolent, le bruit lointain des avions qui décollent. Elle serre un peu plus fort la main de Louis, qu’elle sent se tendre à chaque minute qui passe à côté d’elle. Le retour à la réalité est trop brutal, trop vif, et elle a peur qu’il ne le supporte pas. Elle le guide jusqu’à la voiture, et pendant qu’ils s’installent, elle baisse le son de la stéréo pour être sûr que la radio ne se lance pas en hurlant dès qu’elle mettra le contact. Louis pousse un soupir - il a l’air exténué. Madison aimerait dire quelque chose, mais elle ne sait pas quels mots pourraient le réconforter, s’il ne préférerait pas tout oublier.

« J'ai envie d'un tacos, ça te dit qu'on s'arrête en chemin ? » Il préfère oublier. Madison lui sourit. « Bien sûr ! » Elle tape dans le gps une adresse qu’elle connaît sur le chemin, et tourne la clef pour faire démarrer la voiture. Le moteur ronronne doucement. « Je suis soulagée que tu sois rentré. » Dit-elle simplement, et se lance sur la route.

Elle sent Louis un peu loin, qui regarde le monde qui défile par la fenêtre, et elle le laisse se perdre dans ses pensées. Les siennes aussi sont emmêlées et elle inspire pour essayer de ne pas se laisser emporter par les vagues. Elle se gare devant le petit resto mexicain à la devanture colorée - une musique enjouée mais calme s’échappe de la porte ouverte et ils s’installent à une table.

« Une bière, s’il-vous-plaît, » demande Madison à la serveuse qui vient leur amener la carte, avant même qu’elle ne se commande à manger. Elle survole le menu, incertaine, et regarde Louis. « J’ai déjà pensé à pleins de choses qu’on pourrait faire pour célébrer ton retour. Il faut absolument qu’on fasse une expédition à la plage maintenant que les beaux jours reviennent. » Elle essaie d’être détendue, joyeuse, de faire comme si elle prévoyait des dates absolument normaux, avec son copain absolument normal, elle, la copine absolument normale, pas celle qui a besoin d’une bière pour calmer l’anxiété qui ronge.



@Louis Oakflay  

Le monde extérieur est horrible. Il est effrayant et stressant et je suis sûr que si Madison n'était pas là pour moi, je ne serais encore pas dans l'enceinte de l'aéroport, proche d'une crise d'angoisse. Mais elle est là, sa main qui sert mes doigts et qui me guide jusqu'à bon port. Dans la voiture, les bruits extérieurs sont plus sourds et bien moins présents. Seule la douce musique émanant de l'autoradio se fait entendre, me permettant de souffler un peu. De plus, Madison accepte directement ma requête d'aller manger dans un restaurant mexicain et tape l'adresse dans le GPS avant de mettre le contact et de s'engager dans le trafic qui nous mène vers la ville. Avant de quitter le parking, elle me balance d'être soulagée que je sois de retour, qui a l'effet d'un coup de poignard dans le cœur. « Je ne sais pas ce que j'ai fait pour mériter ça » répondais-je avant de me murer dans un silence pesant.

Fort heureusement, ma copine a la présence d'esprit de ne pas répondre et c'est, sans échanger un mot de plus, qu'elle conduit jusqu'au restaurant où je sors de la voiture. Laissant ma casquette sur le siège passager, je ferme un instant les yeux lorsque la porte se referme dans un bruit bien trop fort, avant de me diriger vers le restaurant où nous nous installant en terrasse. « La même chose pour moi » ajoutais-je à l'attention de la serveuse lorsque Madison commande une bière et soupire doucement lorsqu'elle repart.

C'est à ce moment que la jeune femme s'adresse à nouveau à moi pour me parler du programme qu'elle a prévu, dont une expédition à la plage. « hmhm» dis-je en hochant la tête, le regard restant fuyant observant les alentours avant de me passer une main sur le visage « désolé. Je ... Enfin, je veux dire, oui, ça me plairait bien » dis-je finalement en posant mon regard sur Madison, lui adressant un doux sourire « C'est juste que j'ai vraiment envie et besoin de d'abord revenir ici. Je ne suis pas fermé à tes idées, loin de là, mais ... Pas tout de suite, ok ?» Je lui adresse un petit sourire et me redresse lorsque la serveuse revient avec les deux bières « Je vous prendrais votre spécial du jour» commandais-je lorsqu'elle sort le calepin. Elle prend ensuite la commande de Madison et repart en cuisine. « Comment est-ce que tu vas ? » Demandais-je essayant de focaliser mon esprit sur autre chose « J'ai vu les résultats de tes projets photo, elles sont incroyables !»

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Madison se doute qu’il va falloir qu’elle soit forte pour deux, pour gérer le retour de Louis. Elle n’a pas l’habitude de porter les autres sur ses épaules, en grandissant, c’est Lola, sa grande soeur, qui avait pris ce rôle, et à son décès, Archie avait pris la suite. Madison est souvent dans sa petite bulle, prise dans les méandres de ses propres pensées, et c’est la stabilité de Louis qui lui a donné un sentiment de sécurité lorsqu’elle a décidé de se mettre avec lui. Aujourd’hui, elle sait que les choses ont changé, et elle se sent déjà dépassée par les évènements ; elle se noie dans un verre d’eau, dans ses verres de vin.

« Hmhm. Désolé. Je ... Enfin, je veux dire, oui, ça me plairait bien » Le cœur de Louis n’y ai pas, elle le sait, elle le sent au ton de sa voix. « C'est juste que j'ai vraiment envie et besoin de d'abord revenir ici. Je ne suis pas fermé à tes idées, loin de là, mais ... Pas tout de suite, ok ?» Les entrailles de Madison s’écroulent sur elles-mêmes, et elle attrape la bouteille de bière que la serveuse a amené. Elle se sent honteuse, comme l’enfant qu’elle a été, toujours inquiète de ne pas être parfaite. Elle pourrait pleurer, et elle sait à quel point sa réaction est ridicule, disproportionnée. Elle pense à se justifier, à dire à Louis qu’elle parle de la plage juste à côté de Brisbane, que c’est près, que c’est ici mais à quoi bon ? Elle boit une longue gorgée de bière pour se calmer. Il faut qu’elle fasse attention ; elle sait qu’elle ne pourra pas recommander sans attirer trop l’attention, sauf si Louis propose de lui-même de reboire. Cette bière est son unique bouée pour le repas. « Oui, je comprends, j’aurais dû y penser, désolée. » Elle mordille la petite peau autour de l’ongle de son pouce, et remercie mentalement la serveuse de venir la sauver du malaise qu’elle ressent.   « Je vous prendrais votre spécial du jour. » « Et moi les tacos végétariens, s’il-vous-plait. » Ajoute Madison avec un sourire.

Ils ont déjeuné ensemble au restaurant des dizaines de fois quand ils étaient amis à la fac, mais depuis qu’ils sont ensemble, Louis a souvent été loin. C’est même ça, se dit souvent Madison, qui a accéléré leur mise ensemble ; c’était plus simple, le compromis parfait, un petit-ami presque de loin. Mais dès qu’elle s’avoue ce choix, elle se sent tellement coupable qu’elle le rejette et se convaint à nouveau qu’elle a choisi Louis volontairement, par amour, ou du moins une sorte d’amour qui suffira à son bonheur, et elle l’espère, celui de Louis. Elle a grandi dans un monde d’apparence, et elle s’est toujours doutée qu’elle devrait les maintenir, que c’était dans ses gênes, sa culture familiale. Elle ne sait pas ce qui est le plus difficile : mentir aux autres, ou se mentir à soi-même ? Et où s’arrête la ligne ?

« Comment est-ce que tu vas ? » « Oh, ça va, ça va !  » Elle s’exclame rapidement. Elle ne veut même pas laisser la place aux doutes. « J'ai vu les résultats de tes projets photo, elles sont incroyables !» Elle sourit et sent qu’elle rougit. Louis a toujours été du genre à la soutenir, et il est sûrement son plus grand soutien, après Archie évidemment. « Merci.  » Elle bredouille presque, parce qu’elle ne sait jamais trop comment réagir aux compliments. « J’ai eu un bon été, surtout après le set de photos pour le magazine Dazed, et j’ai réussi à récupérer d’autres contacts pour d’autres projets… Evidemment comme tu le sais, me construire un réseau, c’est mon fort, donc…  » Elle ironise avec un petit rire. Sa timidité légendaire complique toujours un peu cette partie sociale de son travail. Elle sait qu’avoir un réseau, prendre des contacts, c’est la meilleure façon qu’on pense à elle pour d’autres missions freelance, mais elle est toujours anxieuse à l’idée de se vendre. Elle ne se sent jamais légitime. « J’ai toujours pas réussi à me débarrasser de mon syndrôme de l’imposteur. » Elle hausse les épaules. Elle a peur de trop parler, d’ennuyer Louis, qui est clairement déjà anxieux de son retour. Elle inspire. « Et… Toi, alors, la suite ? Enfin, on est pas obligé d’en parler maintenant. » Ajoute-t-elle un peu précipitamment avec un sourire forcé.


@Louis Oakflay  

Je devrais faire un effort. Je ne devrais pas me murer dans ce silence et ignorer de la sorte ma copine qui, je sais, se démène comme jamais pour me rendre mon retour en ville bien plus agréable. Mais c’est tellement plus simple à dire qu’à faire. Je sais qu’il me faudra du temps et je pense que Madison le comprendra aussi. Et pourtant, je peux bien accepter ses propositions d’activités, non ? Allez à la plage, ce n’est pas non plus la chose la plus insurmontable qui soit. Je vois bien que ma réponse n’est absolument pas celle que ma copine souhaitait entendre et voir son visage se décomposé face à ma froideur me brise le cœur.

C’est pour cela que je change hâtivement de sujet, lui parlant de ses projets photographiques et combien j’ai adoré les dernières photos qu’elle a posté sur instagram. Elle rougit, Madison, et je me rends compte qu’elle n’a toujours pas appris à aimer et apprécier les compliments qu’on peut lui faire. Elle m’explique toutefois avoir eu un bon été et qu’elle commence enfin, malgré son syndrome de l’imposteur, à réussir à se créer un petit réseau. « Mads…tu ES talentueuse» dis-je en avançant mes mains sur la table pour attraper les siennes   « Tu as une vision tellement personnelle de ce qui t’entoure. Tes photos sont magnifiques et toutes racontes une histoire» je capte son regard et y plonge le mien   « Quand j’étais là-bas, j’étais heureux de chacun de tes post et j’avais même inventer un jeu où j’imaginais les histoires qui se trouvaient derrière chacune de tes photos » et enfin il vient, ce sourire sincère, celui qui surpasse toutes mes émotions négatives et qui se veut le plus rassurant possible.

Et qui me permet, surtout, d’appréhender la nouvelle question de Madison avec un peu plus de sérénité. Qu’allais-je donc faire maintenant ? « Je vais déjà être obligé de participer à la cérémonie la semaine prochaine pour la remise de médailles » expliquais-je, gardant toujours la main de ma copine dans la mienne   «Ensuite, j’aurais trois semaines pour réfléchir si je veux ou non retourner là-bas » je pince les lèvres et baisse le regard   « Mais pour moi il est hors de question de reprendre ce chemin » je déglutis et ferme un instant les yeux   « je vais sûrement essayer de me trouver un petit boulot» je pinces les lèvres puis soupire doucement   «Je …enfin, on verra. Un jour après l’autre, hein » je relève mon regard sur la jeune femme   « L’important, de toute façon, c’est que je sois de nouveau avec toi » et ça c’est sans doute la chose la plus sincère que j’ai dite depuis des mois. Car en la revoyant, là, et en touchant les mains de ma copine, je me rends compte à quel point je l’aime et combien elle m’a, inconsciemment, aidé à tenir le coup cette dernière année.

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Si ils se sont rencontrés sur les bancs de la fac de lettres modernes, où Madison faisait son double diplôme, Louis a toujours été intéressé par les études d’art et les photographies de Madi, avant même qu’ils ne se mettent ensemble, l’encourageant ou l’accompagnant à des expositions. Madison se souvient de soirées passer à discuter et à montrer à Louis des artistes qu’elle apprécie, simplement pour le plaisir de partager sa passion avec quelqu’un qu’elle aime. Elle se demande, maintenant, si ce côté plus doux de Louis existe encore, où si tout a été emporté dans la tornade de son déploiement. Et, tout au fond d’elle, Madison se demande combien de temps elle pourra tout supporter sur ses épaules, le changement de Louis, leur couple bancal, les mensonges qu’elle enfouie en elle…

« Mads…tu ES talentueuse. » Louis prend doucement les mains de Madison dans les siennes. « Tu as une vision tellement personnelle de ce qui t’entoure. Tes photos sont magnifiques et toutes racontes une histoire. Quand j’étais là-bas, j’étais heureux de chacun de tes post et j’avais même inventer un jeu où j’imaginais les histoires qui se trouvaient derrière chacune de tes photos. »

Tous les doutes se balaient et la culpabilité envahit Madison : comment peut-elle remettre en question cette relation, quand Louis est le garçon le plus attentionné qu’elle a jamais connu, et quand elle sent son coeur s’emballer quand il lui parle ainsi. Elle a des sentiments pour lui, c’est sûr, une forme d’amour particulière, qui doit suffire. Mais elle se demande quelles histoires imaginent Louis devant ses photos, car s’il devinait ce qui s’y cachait réellement, Madison aurait bien peur de lui briser le cœur.  Car elle sait que certaines de ses photos racontent justement cette angoisse d’être avec lui, cette peur de se mentir à soi-même qu’elle combat… La dernière série en date qu’elle a commencée porte sur les espaces liminaux, ces endroits d’entre deux où l’on circule sans jamais y rester, comme les couloirs de maisons ou les lobbys d’hôtels, et elle est fascinée par leur vide, l’absence qui semble les habiter, et cette impression d’être coincée entre un point A et un point B. Madison le sait ; cette sensation, elle la connait depuis son enfance, déchirée entre ce qu’elle voudrait être, ce qu’elle sait être, ce qu’elle prétend être, l’impression de ne jamais être vraiment complète ou d’appartenir quelque part. Elle ressent cela avec sa famille, ses amis, l’alcool… Mais elle sait que sa relation avec Louis n’échappe pas à cette règle, qu’elle se sent tiraillée avec lui aussi. Mais impossible de mettre des mots dessus. Alors elle se contente de pointer son appareil photo et de mettre en scène les malaises qui la préoccupent.

« Ça me touche beaucoup,  » répond Madison, les joues toujours rosées devant les compliments qu’elle ne sait pas gérer. « Et ça me fait plaisir de savoir que je pouvais te tenir compagnie, même de loin.  »

Elle se demande bien comment il a pu supporter de telles épreuves, et elle se demande encore plus pourquoi il s’est enrôlé. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de le convaincre de ne pas y aller - à l’époque, Madison avait même fait équipe avec Bellamy, l’ex de Louis, pour lister des arguements et essayer de lui faire changer d’avis.

« Je vais déjà être obligé de participer à la cérémonie la semaine prochaine pour la remise de médailles. » Madison pince les lèvres. Elle imagine que ça sera un moment chargé en émotion. « Je pourrais venir ? Enfin, si tu veux que je vienne, évidemment. » Demande-t-elle, espérant pouvoir aider Louis à affronter ce moment.   « Ensuite, j’aurais trois semaines pour réfléchir si je veux ou non retourner là-bas. Mais pour moi il est hors de question de reprendre ce chemin. » Quelque chose se détend en Madison, elle se sent soulagée. « Je vais sûrement essayer de me trouver un petit boulot. Je …enfin, on verra. Un jour après l’autre, hein. L’important, de toute façon, c’est que je sois de nouveau avec toi. » Et quelque chose se contracte en elle à nouveau, mais la serveuse revient avec leur commande, et Madison lâche la main de Louis, chassant le malaise qui l’a piquée quelques secondes. « Je pense que tu as assez donné à l'armée, et que ta place est ici, maintenant,  » dit-elle, espérant ne pas le brusquer en l’encourageant à rester. « Mais quoi que tu choissises, je te soutiendrai, » ajoute-t-elle, essayant de se convaincre elle-même, « et tu as raison, un jour après l’autre. Déjà, tu vas pouvoir retrouver toutes les choses du quotidien qui t’ont manqué, ça va te faire du bien. Je suis sûre que ça va te rendre heureux d’être rentré. » Elle croque dans l’un de ses tacos, et sent l’acidité du citron vert lui piquer le palais. « Pas trop stressé à l’idée de revoir ta famille ? » Demande-t-elle. De tous leur point commun, c’est sûrement celui là qui les a rapproché le plus vite : les familles dysfonctionnelles, chacune à leur façon - les parents de Louis étant plutôt du genre absents, ceux de Madison trop présents par leur pression constante - et qui avaient laissé des traces indélébiles dans la construction de Louis et Madison.



@Louis Oakflay  

Ça m’a toujours désolé et ça me désolera toujours que ma copine n’arrive pas à accepter les compliments sans rougir ou sans essayer de se justifier. C’est le cas depuis le début de notre rencontre et depuis que j’ai vu ses photographies la première fois. Son coup d’œil est magique, ses compositions magnifiques … bref, Madison a un talent inné et une vision bien à elle de ce qui l’entourent et j’ai toujours aimé observe le monde à travers ses photos.  J’espère sincèrement qu’un jour elle pourra passer outre ce syndrome de l’imposteur et accepté que oui, elle a le droit d’aimer ce qu’elle fait et elle est absolument légitime quant au fait d’éventuellement, un jour, exposer ses œuvres aux yeux du monde. Je me suis promis de toujours la soutenir dans ce qu’elle entreprend et même si je dois lui répéter 36 000 fois dans une journée qu’elle a un talent inouï, je le ferais.

Mon expérience à l’autre bout du monde a, toutefois, tout changé. Aurais-je encore la force de lui faire comprendre par la parole qu’elle mérite cette reconnaissance ? Ou ne risquerais-je pas de perdre patience bien plus rapidement ? Le risque que je me lasserais de répété toujours la même chose est de plus en plus grand et ça me désole à l’avance déjà.   « Tu m’as beaucoup plus aidé que tu ne l’imaginais » lui assurais-je en caressant le dos de sa main avec mon pouce.

Ce geste s’arrête brusquement lorsque Madison revient à la charge, me demandant ce que je compte faire maintenant que je suis de retour. Dans un soupire je lui annonce mon obligation d’aller à la cérémonie de remises de médailles et relève mon regard lorsqu’elle me demande si elle peut m’accompagner « Avec plaisir »  soufflais-je « J’allais te poser la question de toute manière, car je ne sais pas si je pourrais y aller seul » je sais ce qui m’y attend, je sais que je serais médaillé pour ma bravoure et juste pour me féliciter de ne pas avoir été tué là-bas.  

Lorsque Madison me dit que de toute manière j’ai déjà trop donné à l’armée et que ma place est ici, je hoche doucement la tête en déglutissant, affichant toutefois un petit sourire alors qu’elle me dit que retrouver mon quotidien ici me rendra sans doute heureux. « Je pense aussi » ou pas. Mon quotidien et ma vie ici ne seront plus jamais les mêmes, je ne pourrais plus jamais reprendre ma vie où je l’ai laissé, je le sais. Mais pour Madison je veux bien faire un effort. D’ailleurs, elle me demande comment je me sens à l’idée de retrouver ma famille « aucune idée. » haussais-je les épaules « Ma cousine n’est pas là, ma tante est je ne sais où et mon père ben … tu sais aussi bien que moi qu’il n’a jamais existé dans ma vie » haussais-je les épaules « Je vais rentrer et me retrouver seul » prenant une profonde inspiration, j’attrape enfin mon tacos et mord dedans « Tu sais quoi ? » je relève mon regard sur Madison « on peut aller à la plage tout à l’heure si tu veux. Sortir dans un bar peut-être »

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« Avec plaisir. J’allais te poser la question de toute manière, car je ne sais pas si je pourrais y aller seul. » Madison hoche la tête, à la fois rassurée de pouvoir être là pour Louis dans ce moment charnière, et déjà anxieuse de ne pas avoir les épaules pour ces choses là. Elle se sent dépassée par les évènements, et beaucoup trop jeune - elle n’a jamais imaginé que l’on puisse être si jeune et être la copine d’un soldat… Ancien soldat, pense-t-elle. Arrêtons seulement d’être soldat un jour, se demande-t-elle. Elle a l’impression que la marque va être indélébile. Et elle a la désagréable sensation qu’elle sera l’une des seules à pouvoir épauler Louis dans cette épreuve ; il n’a jamais vraiment pu compter sur sa famille.

« Aucune idée. Ma cousine n’est pas là, ma tante est je ne sais où et mon père ben… tu sais aussi bien que moi qu’il n’a jamais existé dans ma vie. » Madison fait une petite grimace. C’est dans ces moments-là qu’elle se sent reconnaissante d’avoir sa famille et ses parents, peu importe les défauts qu’ils peuvent avoir. Elle préfère tout faire pour être la petite fille qu’ils veulent, quitte à réprimer certaines parts d’elle ; il veut mieux ça qu’être orpheline de son foyer. Elle regarde Louis, son air sombre, la tendresse qui se cache derrière ses gestes. Avec lui, elle peut être la fille qu’elle veut être, celle dont ses parents ont besoin. « Je vais rentrer et me retrouver seul. Tu sais quoi ? » Madison sent l’angoisse monter en elle. « On peut aller à la plage tout à l’heure si tu veux. Sortir dans un bar peut-être. »

Elle ressent tellement d’émotions contradictoires, elle serre ses doigts tremblants autour de sa bouteille de bière, comme une vulgaire bouée, la même bouée qu’elle a été pour Louis à l’aéroport. Elle ne veut pas laisser Louis seul, elle ne sait pas comment faire avec lui non plus, elle a peur de ne pas y arriver. Et elle pense à une sortie dans un bar, à l’idée d’être ivre à ses côtés et elle se sent rassurée ; elle se souvient de toutes les soirées qu’ils ont passé ensemble, à faire la fête et la facilité avec laquelle Madison peut se laisser aller avec lui. Elle pense à tout ce qu’ils ont partagé, à l’aisance qu’elle ressent avec lui une fois qu’elle oublie ses secrets enfouis, une fois que l’alcool, son meilleur ami, la détend et la rend plus présente. Elle pense à ses parents, qui sont présents, eux, et combien elle veut une vie qui les rend fiers, qui rend fier Archie aussi. Elle sait qu’elle serait prête à tout pour réussir - combien de fois a-t-elle prié pour que Dieu lui donne ce dont elle rêvait ?

Les prières ne suffisent plus. Alors elle sourit et elle choisit. « Oui, on pourrait fêter ton retour comme il se doit. Ça ne fera pas de mal de relâcher un peu la pression, non ? » Elle demande, comme si elle préparait déjà le terrain pour justifier tout ce qu’elle comptait boire. « Et puis ensuite de toute façon tu viens à mon appart, non ? On verra pour après, mais tu peux rester chez moi pour l’instant. » Propose-t-elle d’un air presque détaché. Elle va y arriver, elle va faire ce qu’il faut, ce qu’on attend d’elle. Avoir Louis au quotidien l’aidera peut-être, se dit-elle, à moins boire, à être plus responsable, à s’habituer à sa relation avec lui et à l’aimer comme il faudrait.



@Louis Oakflay  

Est-ce que c'est une bonne chose que de lui proposer cette sortie dans un bar ? Est-ce que ce ne serait pas un  trop grand risque que de prendre celui de se perdre dans l'alcool ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, finalement, c'est que j'ai encore moins envie d'être seul, car je ne me fais pas confiance. Je suis incapable de savoir ce que je vais faire dès que je retrouverais seul avec mes pensées, mon esprit et moi-même. Ça risque d'être pire que de sortir en étant encadré et en présence de celle qui m'est le plus cher, non ? Alors, lorsque Madison accepte, c'est un réel soulagement qui enveloppe mon être, alors que je mords à nouveau dans mon tacos « Parfait alors » dis-je en hochant la tête «Je passerais d'abord chez moi pour me changer et prendre une douche » expliquais-je en attrapant ma bière pour en prendre une longue gorgée. «Etaprès on relâche la pression, oui » affirmais-je dans un hochement de tête.

Et c'est alors que Madison annonce quelque chose d'assez incroyable : elle me propose de venir, après, chez elle, dans mon appartement. «Je ... euh ...» bégayais-je en reposant la bière sur le sol « Comment ça ? Je veux dire ...genre ...emménager chez toi ? » soufflais-je en déglutissant, pinçant les lèvres en même temps « Ce... ce n'est pas un trop tôt ?» ça voudrait dire que nous passerons à l'étape supérieure et nous venons tout juste de nous retrouver. A moins que ce soit la meilleure des solutions ?

« Cela dit... pourquoi pas ?» dis-je finalement après un petit moment de silence «Je ne me vois pas retourner chez ma tante et, maintenant que je suis de retour en ville, j'ai réellement envie de me trouver un appartement quelque part en ville donc... pourquoi ne pas rester chez toi en attendant ? » ou définitivement ? On verra bien en fonction de comment se déroule notre colocation. Peut-être que ça fonctionnera parfaitement bien entre nous ? Peut-être que nous serons totalement en symbiose ? Tout cela on ne peut pas le savoir avant d'avoir tester..

Je reprends ma bière et la porte à ma bouche « Je rêvais d'un tacos depuis que je suis parti» dis-je pour changer de sujet « et il faut absolument que j'aille acheter de la vegemite » mon pêcher mignon « C'est quoi ton prochain projet photo ?» demandais-je, changeant à nouveau totalement de sujet pour éviter de trop se perdre dans ceux qui fâchent.

❀ i bent the truth too far tonight « storm coming, good husband, bad omen, dragged my feet right down the aisle (...) you know there's many different ways that you can kill the one you love, the slowest way is never loving them enough »

Madison y a réfléchi, souvent tard le soir après plusieurs verres. Elle savait qu’au retour de Louis, la question allait se poser, où il allait vivre, elle savait aussi qu’ils allaient forcément se voir régulièrement… Elle est ambivalente sur le sujet, elle ne sait jamais trop ce qu’elle veut, ce qu’elle croit vouloir. Elle s’imagine qu’elle peut réussir à se convaincre de beaucoup de choses, que plus elle se pousse et se force, mieux elle réussira à s’accomoder de sa réalité. C’est étrange, admet-elle, qu’elle se soit mise en couple avec Louis juste avant son départ, heureuse malgré elle des milliers de kilomètres qui allaient les séparer, et qu’elle lui propose désormais de carrément venir vivre chez elle, dans une sorte de colocation plus ou moins temporaire. Oui, c’est étrange, elle le reconnaît. Mais si elle n’essaie pas réellement d’être avec Louis, à quoi bon ?

«Je ... euh ... Comment ça ? Je veux dire ...genre ...emménager chez toi ? » Madison sent l’angoisse qui monte légèrement dans sa gorge devant la réaction de Louis. « Ce... ce n'est pas un trop tôt ?» Elle agite ses mains, comme pour chasser leurs angoisses respectives.  « Non mais je voulais dire, de façon… Temporaire. Jusqu’à que tu vois de quoi tu as besoin ici,  » dit-elle. Peut-être qu’il se remettra sur pieds rapidement, qu’il aura envie d’avoir un chez lui. Peut-être qu’il voudra être avec sa tante… Ou alors reprendre le chemin de l’armée. Une telle pensée provoque une bouffée d’anxiété à Madison. Elle ne peut pas s’imaginer Louis encore loin, encore en danger ; elle tient trop à lui.

« Cela dit... pourquoi pas ? Je ne me vois pas retourner chez ma tante et, maintenant que je suis de retour en ville, j'ai réellement envie de me trouver un appartement quelque part en ville donc... pourquoi ne pas rester chez toi en attendant ? » Madison lui adresse un petit sourire.  « En attendant, » aquiesce-t-elle.

Et cela lui suffit, pour l’instant, à se convaincre que son couple fonctionne, qu’elle est heureuse de ce quotidien, tout en s’imaginant une certaine porte de sortie. C’est parfait.

« Je rêvais d'un tacos depuis que je suis parti et il faut absolument que j'aille acheter de la vegemite. » Madison éclate de rire.  « J’en ai un pot qui t’attend chez moi, » dit-elle, ses yeux pétillants.  Elle savait que cela lui ferait plaisir - elle le connait bien, à force. « C'est quoi ton prochain projet photo ?» Madison sent qu’elle se détend. Elle sait que Louis écoutera toujours ce qu’elle a à dire sur ses photos, et avec un intérêt sincère, et elle ne se lasse pas d’avoir trouvé quelqu’un qui s’intéresse vraiment à elle, qui la soutient, qui l’aime. Peu importe les émotions qui lui font peur, elle sait que ce lien est précieux. Elle prend une grande gorgée de bière.  « J’en ai deux en cours, » commence-t-elle avec un grand sourire.

Et ils mangent leurs tacos en riant, et elle lui parle de son projet sur la banlieue résidentielle de Brisbane, son envie de capturer le quotidien bien rangé de ces gens, la symétrie des jardins et le désir de liberté de la jeunesse ; elle lui parle du projet sur les espaces liminaux, ces lieux d’entre-deux qui la fascinent, et elle regarde avec plaisir les yeux de Louis qui s’animent avec attention à chaque détail qu’elle mentionne, les questions qu’il lui posent en retour, et elle choisit d’ignorer l’air agité qu’elle devine sous ses traits, la façon dont il sursaute au moindre bruit étrange, et le mur invisible qu’elle sent entre eux, transparent mais résolument présent.


@Louis Oakflay