Muni d'une complicité optimale, Winston et moi entreprirent de fouiller la cabine du surnommé cyclope, motivés par l'intérêt que ses affaires suscitaient auprès de certains malfrats voyageant à bord de la Narelle. J'obéis au brun en laissant la clef dans la serrure et tandis qu'il aborde le contenu d'un meuble, je m'agenouille au sol, tirant une malle de sous le lit. J'attire l'attention du Ackerman qui tient entre ses mains quelques missives et bien vite, un sursaut anime mon corps lorsque le contenant s'agite avec véhémence sous mes mains. Je me recule légèrement, considérant le cuir solidement verrouillé. « Qu’est ce que... Y’a un truc dedans? » Je grimace, intrigué, alors que la malle s'agite avec une agressivité exponentielle. « On dirait bien... » « Qu’est ce qu’on est sensés faire? Ouvrir? Ou la garder fermer? » Le même dilemme me taraudait. Une partie de mon être a envie de libérer la bestiole enfermée, l'autre soupçonne qu'elle le soit pour une bonne raison. Surtout que nous nous trouvons dans la cabine d'un homme peu avenant. « Dans la lettre, ça parle de rendre quelque chose... Tu crois que c’est ça? » Je lève les yeux vers Winston, interrogatif. « Peut-être... » Je fronce les sourcils et songe à comment cette information pourrait être exploitée. « Tu crois qu'on devrait la voler ? Enfin, l'emprunter... » Je fais. Question d'avoir une arme supplémentaire, un pas d'avance, et peut-être résoudre ce drôle de mystère.  

Winston n'a cependant pas le temps de répondre. La malle cède dans un bruit sourd et je ne peux réprimer un cri de terreur lorsqu'une forme velue s'extrait de son précédent domicile pour me sauter au visage. Sans réfléchir, je porte mes mains à la bête et tente de la retirer de ma tête, sentant dents et griffes percer ma chaire. « Aide-moi ! On va l'enfermer de nouveau ! » Je hurle à l'attention du policier et sans ménagement, je plonge la bestiole dans la malle puis la referme. Je m'assis dessus, espérant que mon poids maintienne le singe à l'intérieur. « C'est quoi ce cirque, » je commente, essuyant mon visage gouttelant de sang et zébré d'égratignures. « J'espère qu'il est pas infecté, » je crains en marmonnant un juron. « Qui voyage avec un macaque sérieux ? » Je m'étonne avant de souffler longuement, la pression redescendant. « J'l'embarque. Tu m'aides ? » Je demande à Winston et ni une ni deux, j'attrape deux ceintures de la penderie de cyclope pour solidifier la malle. « Prends les lettres, peut-être qu'elles nous aideront à comprendre ? » Je suggère.

dé win : les deux hommes quittent la cabine de cyclope sans encombre et s'enferment dans celle de Kai, à l'abri des regards.
dé so close : les deux hommes quittent la cabine de cyclope et tombent sur deux collègues intrigués dans le couloir.
dé fail : Kai a à peine le temps de boucler la deuxième ceinture que cyclope pénètre la cabine.

J'expire bruyamment une fois que le singe est de retour dans sa malle, de laquelle je solidifie la fermeture par deux ceintures dénichées dans les affaires du surnommé Cyclope. Tandis que je passe une main pour gommer les quelques gouttes de sang ayant perlé sur mon front, je proteste contre cette vive attaque et la logique reposant sur la présence d'un tel animal à bord du bateau de croisière. « J’sais pas. Un trafiquant? » Winston conjecture pour justifier la raison du mammifère sur place tout en insufflant un frisson le long de mon échine lorsqu'il me conseille d'aller voir un médecin. J'espère sincèrement ne pas développer une infection à cause de cette créature sauvage.

Une chose est sûre : je suis déterminé à la prendre avec moi. Mon acolyte s'empare de la malle et passe en premier le seuil de la porte, pour manquer ensuite de me cogner le nez contre celle-ci lorsqu'il la referme précipitamment. Je devine que des personnes se trouvent dans le couloir et je colle spontanément mon oreille contre la surface boisée, tentant d'ouïr les échanges de l'autre côté. Mon regard balaie simultanément le reste de la cabine de Cyclope et lorsque je juge la voie libre, je m'extrais de la pièce.

Je prends précautionneusement la direction de la cabine d'Ackerman, supposant qu'il doit s'y trouver. « Ça a été? » m'interpelle-t-il dans un couloir à proximité de sa porte et je m'approche de sa personne en acquiesçant. Nous nous rendons dans sa cabine où il dispose les différentes missives subtilisées. « Les lettres datent de la veille ou quelques jours avant le départ. Sauf une qui date d’il y a quelques mois. Et elles sont presque toutes signées de la même personne. » Je fronce les sourcils, analysant les courriers. « JMK... » Je fais à voix haute, interrogatif. Je réfléchis quelques instants avant de me rapprocher de la malle. « JMK ! » Je tapote la gravure sur la malle affichant ces mêmes lettres. « Donc le singe serait à elle et cyclope lui aurait volé, » je suppose avant de m'asseoir sur le lit de Winston. « J'ai trouvé ça aussi. Regarde. » Je tire de ma poche un écrin sur lequel était brodé un singe similaire à celui enlevé. Je l'ouvre pour en déverser le contenu dans ma paume : quelques fleurs séchées et pierres polies. Mes pupilles étudient ce drôle de butin avant de se river sur la malle qui s'agite désormais avec véhémence contre la porte de la cabine. « JMK, ça me fait penser à quelqu'un, » je formule en levant le regard vers le flic. « Je crois qu'elles sont les initiales de l'épouse du capitaine. Mais elle a complètement perdu la tête, elle est dans le cosmos total, comme si son âme était figée dans son corps. » J'explique. « Tu crois que c'est lié ? »

La Narelle regorgeait de passagers aux profils différents et manifestement, ce pool d'énergumènes conduisait à la création d'intrigues toutes aussi saugrenues les unes que les autres. Des alliances se façonnaient pour ensuite s'éclater, des secrets se laissaient respecter sous la menace et le chantage, les doubles jeux et faux semblants se multipliaient éhontément. J'étais témoin d'un bon nombre de manège sur ce navire, malins tours de passe-passe que j'essayais d'éviter aussi soigneusement que possible, quand bien même il m'arrivait aussi d'y salir mes mains, pour mon propre intérêt. Ainsi, je détenais quelques connaissances sur ce qui se tramait, assez pour me faire respecter, assez pour me sortir d'un mauvais pas ; du moins, c'est ce que je me disais sous les draps de ma couchette pour ne pas être happé par les insomnies.

« Pourquoi lui voler? » Questionne Winston avec raison, la présence de ce macaque parmi nous largement énigmatique. « Peut-être qu'il vaut beaucoup de fric ? » Je conjecture. Ce n'était après tout pas très commun de posséder un singe. De plus, n'y connaissant pas grand chose aux primates, je conjecturais que cette race précise pouvait peut-être valoir gros. Je prenais place aux côtés de mon acolyte, lui dévoilant ma trouvaille : un écrin ornée d'une tête de singe, dont le contenu se limitait à des pierres polies et fleurs séchées. « C’était dans sa chambre aussi ça? » J'acquiesce. « J'ai pas l'impression que ça vaille beaucoup, par contre, » je soumettais. Ce butin s'apparentait plutôt à des souvenirs sentimentaux que des possessions de fortunés. J'expire longuement tout en farfouillant ma mémoire à la recherche d'indices pour assimiler davantage l'abstrait qui nous enveloppait.

Puis, je fais le lien entre ces initiales et celles de l'épouse du capitaine. Derechef, je le révèle à Winston, qui m'apprend : « C’est bizarre, y’a un an un individu est entré par effraction dans le domicile du capitaine et il a agressé sa femme. On a pas retrouvé le type. » J'entrouvre la bouche, prêt à accuser des passagers du navire. « Pas de vol ce jour là. Mais les parents de Madame tenaient de leur vivant une joaillerie qui fonctionnait plutôt bien. Alors sans doute qu’elle devait en avoir encore chez elle ou ailleurs. » Je baisse les yeux sur l'écrin que désigne d'un mouvement de tête le flic. « Je savais pas que sa femme avait perdu la tête entre temps. » « Peut-être qu'elle n'a pas supportée être agressée ? » Je supposais. « Mais je suppose qu’une histoire d’argent doit être se mêler à ça. » J'opinais. L'argent, le nerf de la guerre. « Tu penses que l'agresseur pourrait être sur le bateau et vouloir terminer ce qu'il a commencé ? » Je formule à voix haute, un frisson courant le long de mon échine à cette hypothèse. Cela faisait beaucoup de coïncidences pour qu'elles ne soient que purs fruits du hasard. « Tu penses que le capitaine est au courant ? Que lui et sa femme sont en danger ? » Et par conséquent, vous également : perdre un capitaine était effectivement jamais de bon augure pour la continuité d'un voyage maritime.

Je rive mon regard sur la porte de la cabine, des voix criardes et des pas se rapprochant rapidement de notre localisation. Je glisse l'écrin dans ma poche, dissimule rapidement nos pièces de casse-tête avant de sursauter, des poings toquant à la porte. « ACKERMAN ! OUVRE ! » Je me fige, échange un regard avec mon ami. Devrions-nous nous cacher ? Reconnaissait-il cette voix masculine ? La poignée de porte s'agite sans permettre à cette dernière de glisser sur ses gonds. La personne finit par abandonner et le groupuscule annonce se rendre sur le pont pour y chercher Winston. « Et si on allait voir la cabine du capitaine ? On aura peut-être des réponses ? »