and the god's honest truth is that the pain was heaven

@flora constantine

Sa gorge était sèche, le grattait; il avait l’impression d’avoir mille et une lames de rasoir qui faisaient tranquillement leur travail alors qu’il n’avait jamais demandé une intervention de leur part et de cette sorte. Personne n’avait daigné lui donner une explication digne de ce nom - à ses yeux, du moins -, du pourquoi il devait supporter les lunettes à oxygène jour et nuit depuis qu’il avait été admis à l’hôpital, mais il fait décrété que ce n’était pas une bonne idée. Et le pire, réellement, c’était la perfusion accrochée à son bras: elle grattait comme sa gorge, le brulait comme ses yeux, lui donnait presque la nausée même à force de voir le liquide disparaitre à travers sa peau, dans ses veines. En d’autres termes: rien n’allait, tout se comportait de façon à énerver le jeune homme, les personnes s’occupant de lui avaient beau être surement très charmantes il ne pouvait plus les voir en peinture, la lumière du soleil qui perçait à travers les rideaux était trop vive et lui faisait mal aux yeux, la télévision était trop forte pour des programmes qui n’en valaient pas la peine.

Bref, Malone ressentait le manque comme il ne l’avait jamais ressenti auparavant.

Il avait été prévenu pourtant, que cet état allait lui tomber dessus assez rapidement. Apparemment, c’était le syndrome de sevrage, le temps que son organisme s’habitude à ne plus être alimenté de substances qui le rendaient pourtant heureux mais qui le tuaient à petit feu. C’était ce qui le rendait à peine aimable, qui lui donnait envie de mettre le feu à tout l’hôpital, qui lui coupait toute envie de continuer de vivre mais qui d’un autre côté était à deux doigts de lui arracher les larmes aux yeux parce-que tout lui manquait, de ses proches à ses doses régulières midi et soir surtout. Tout allait trop vite, tout allait trop lentement. Il avait l’impression que tous les nerfs de son corps étaient à vif, comme si on le dépeçait avec une lenteur délectable. Que ses poumons allaient lâcher à tout moment s’il ne se mettait pas à hurler et à extérioriser ce tourbillon d’émotions qui stagnait à l’intérieur de lui.

Cependant, alors que Flora entrait dans sa chambre d’hôpital, il ne pouvait se permettre de montrer la moindre chose de tout ce qu’il pouvait ressentir. Malone avait été égoïste, et pendant trop longtemps. Aujourd’hui, alors que pourtant il était au plus mal de ce qu’il avait pu être il lui semblait, il n’avait pas le droit de continuer de l’être. Parce-que la jeune femme qui prenait le temps de lui rendre visite, qui sacrifiait d’autres choses pour être à ses côtés, était aussi la personne qui lui avait sauvé la vie. Si Flora n’était pas arrivée à temps chez lui - que diable venait-elle faire là restait encore un mystère entier à ses yeux -, il ne serait plus de ce monde pour se plaindre de tout ce qui n’allait pas en ce moment chez lui et dans le monde. Si elle n’avait pas par miracle poussé la porte de ce qui lui faisait encore office d’appartement, la lumière du jour aujourd’hui n’aurait pas eu l’occasion de lui sembler pénible. Pourtant, alors que son visage se faisait désormais visible pour lui, l’ainé de la fratrie Constantine ne broncha pas un mot en première intention. Parce-qu’il savait justement à quel point il avait été égoïste, à quel point il avait pu la blesser, à quel point il s’était comporté comme un sombre idiot. Le mal-être qu’il transportait en lui n’avait pas à déteindre sur ses proches; ces derniers étaient plus ou moins conscients et attentifs à ce dernier, mais qu’importe leur degré d’implication, aucun ne méritait de gérer un tas d’émotions sans aucune direction potable qui n’était pas le leur. C’était peut-être la métaphore qui ressemblait le plus à ce que Malone était aujourd’hui: un tas d’émotions auquel il manquait une direction à suivre, auquel la vie semblait bien fade.

Il mit plusieurs minutes avant d’oser ouvrir la bouche, de cette voix roque qu’il possédait ces derniers jours alors que la climatisation de sa chambre d’hôpital lui ruinait petit à petit les cordes vocales. « Je t’ai gardé la crème dessert de ce midi. » Parce-que ce n’était pas de ce type de substances là dont il avait faim, que son organisme réclamait, alors il s’était dit dans son seul élan de générosité de la journée qu’il pouvait toujours la mettre de côté au cas où Flora aurait un petit creux - si jamais elle avait encore le courage de passer le voir. Quatre jours qu’il était là, allongé dans son lit dans cette chambre aseptisée, et quatre jours qu’elle ne manquait pas à l’appel. Les autres Constantine, tout comme les Weatherton, eux avaient brillé par leur absence mais ça n’avait en rien était le cas de la jeune femme. Pas étonnant qu’elle eut toujours été la préférée de son grand frère. « Pistache, je crois. Elle est sur la table de nuit. » Il n’avait cependant pas relevé un seul instant le regard dans sa direction, Malone, craignant de voir une fois de plus la peur mélangée à la déception dans le regard de sa petite soeur. Il n’avait pas besoin de ça - bien qu’il soit presque lucide du fait qu’il était l’auteur d’une telle oeuvre; c’était comme croiser son regard dans le miroir, ce n’était pas là une chose qui lui semblait nécessaire. « Je te l’aurais bien donné, mais… » Ce ne fut qu’à ce moment là qu’il montra les bandes de contention accrochées des deux côtés de son corps, restreignant ses bras contre le lit et contre son corps. De ce qu’il avait retenu, c’était parce-qu’il tentait trop souvent d’arracher sa perfusion que ça avait été nécessaire à être mis en place. Et puis parce-qu’il avait déjà essayé de s’échapper une fois depuis qu’il avait été admis. S’il avait pourtant toujours su suivre les ordres, depuis quatre jours ce n’était pas son fort au blond.

Bref, Malone ressentait le manque comme il ne l’avait jamais ressenti auparavant.

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S’il s’était finalement mis à parler, ce n’était que parce-qu’il savait pertinemment que Flora finirait par rompre le silence à un moment donné; il voulait juste lui montrer que les efforts pouvaient également venir de lui, qu’il savait en faire aussi, bien qu’il n’ait pas la motivation réelle derrière. La jeune femme arrivait à sacrifier un bout de son emploi du temps déjà bien chargé pour passer du temps, tous les jours, auprès de son frère aîné dans un hôpital qui avait surement hâte de le mettre à la porte tant il était peu supportable, alors au moins pour elle il pouvait tenter de faire des efforts. « Elle est si infâme que ça ? » L’essai d’humour de la part de Flora, contre toute attente, fit mouche du côté de Malone et un maigre sourire étira un instant ses lèvres. Il n’avait que trop peu d’énergie pour montrer davantage qu’il appréciait l’attention, mais c’était toujours mieux que rien. « Affreuse même. » C’était surtout parce-que son appétit à lui ne se dirigeait pas vers de la nourriture, mais en direction d’autres substances auxquelles il n’avait pas accès depuis qu’il avait été admis à l’hôpital. Alors, il faisait au moins l’effort de toucher un peu à son plat, de prétendre que le dessert l’intéressé aussi mais qu’il le mangerait plus tard - dans son esprit, il savait pertinemment qu’il n’y toucherait pas mais il avait de la chance d’avoir une petite soeur plus gourmande que lui. « C'est gentil, merci. » Du menton, il lui indiqua où se trouvait le trésor tant reconnu en otage. Puisque, de toutes façons, les efforts de Malone ne pouvaient pas aller bien au delà de simplement donner des incitations à la jeune femme. Ses bras faisaient presque qu’un avec le matelas du lit, et ce n’était pas avant quelques heures ou si une envie pressante se faisait ressentir qu’il pourrait se défaire de ses liens. Et ce, sous un regard attentif. « Mais tu as essayé de t'enfuir et ils t'ont attaché. » Une petite moue coupable s’empara de ses lèvres, alors qu’il détournait le regard de sa soeur, le reportant plus loin vers le bord du lit. Machinalement, son pouce s’était mis à gratter des peaux imaginaires sur les autres doigts de sa main - il irait jusqu’à se les arracher à sang surement lorsqu’elle serait repartie de la chambre. « Entre autre, oui. » Qu’il avoua à demi-mots. Parce-qu’il avait effectivement tenté de s’enfuir de l’hôpital dès le second jour où il avait été admis - il lui avait fallu un petit laps de temps avant de reprendre connaissance et complètement conscience, si bien qu’il avait sans faire exprès laissé vingt-quatre heures de répit et de tranquillité aux infirmiers et aux médecins.

« Pourquoi tu as essayé d'ailleurs ? Tu n'espérais pas vraiment y parvenir... si ? » La première réponse de Malone à cette question fut de garder le silence. Bien sur qu’il était persuadé, lorsqu’il était sorti de la chambre sur ses jambes encore tremblantes la première fois, qu’il pourrait s’échapper sans que personne ne le voit. Cependant, ce n’était pas parce-qu’il cherchait à s’enfuir de l’établissement qu’il s’était fait prendre la main dans le sac, mais parce-qu’il s’était mis en quête de la réserve à médicaments afin de satisfaire des envies bien plus grandes que simplement celle de grand air. Si Malone avait pris le chemin le plus court pour sortir de l’hôpital, Flora n’aurait pu être à ses côtés aujourd’hui à jouer - il voyait bien qu’elle ne mangeait pas - avec la crème dessert qu’il avait conservé pour elle; il serait resté des jours durant introuvables jusqu’à ce que mort s’en suive surement, une fois la dose de trop prise et effective cette fois-ci. « Tu sais que je ne te juge pas, Mal. Je suis simplement triste, et je veux savoir comment t'aider... c'est tout. » - « Je sais… » Il prononça ces mots du bout des lèvres, alors qu’il n’arrivait pas à relever son regard vers sa soeur. Il la savait entièrement sincère lorsqu’elle lui disait ne pas le juger, mais ce n’était pas pour autant qu’il ne ressentait pas cette situation comme un jugement perpétuel de la part de tout le monde. Ce n’était pas sa faute, ou pas totalement, s’il en était arrivé à une telle situation. Il n’était pas l’élément déclencheur de tous ses problèmes, lui n’avait fait qu’en sorte de réussir à s’en sortir. « C’était pas pour réellement m’enfuir que je suis sorti de mon lit. » Parce-qu’il était tout de même difficile pour lui de verbaliser ce qu’il ressentait, de mettre des mots sur les maux. Surtout alors que cela redirigeait systématiquement ses pensées vers le manque qui lui brulait les veines à chaque seconde de chaque heure écoulée. Mais Flora méritait un peu plus que du simple mutisme de sa part, elle qui avait été le dernier espoir alors que sa vie ne tenait qu’à un fil. « C’était pour trouver des médicaments. Et ils sont déjà au courant, c’est pas un scoop. » Qu’il s’empressa de préciser en seconde partie, ne voulant pas laisser la jeune femme penser apprendre une nouvelle à reporter au personnel médical alors qu’il ne s’était en rien caché lorsqu’ils l’avaient pris la main dans le sac.

Mais ce n’était pas sa faute, à Malone. Il était en manque de substances et il était malade, rendu esclave de drogues dont il ne connaissait même pas les noms encore quelques années plus tôt. Mais ce n’était pas sa faute, à Malone. Si la vie ne lui avait pas rendu son quotidien aussi compliqué, il n’en serait pas arriver à un tel point. Car il semblerait que chez les Constantine, la personne en charge d’écrire leur histoire était en manque elle d’histoire sordides et de nouveaux plans à tester: dès qu’un événement tragique devait arriver, ils étaient choisi pour être les premiers cobayes. « Je suis désolé. » Qu’il finit par réussir à prononcer, toujours du bout des lèvres car il n’était pas encore totalement sûr d’assumer ce qu’il souhaitait exprimer. Il ne savait pas avec certitude s’il était désolé pour la façon dont il s’était comporté pendant trop d’années, pour la façon dont elle avait été obligée de le retrouver dans son appartement, ou pour la façon dont il ne savait faire autre chose de mieux que de tenter de recommencer à peine la seconde chance enregistrée à son nom. « Je voulais pas te faire subir ça… » Vous faire subir ça aurait pu être correct, si seulement les autres hommes de la famille Constantine avait autant à coeur que Flora ce qui lui était arrivé. Il ne demandait pas de se presser à son chevet dès qu’ils avaient un instant de disponible ou un vide dans leur emploi du temps, mais un coup de téléphone n’avait jamais pris trop de temps à personne et était réalisable depuis n’importe quel endroit de leurs jours. Ils pourraient se montrer un brin plus présents auprès de Malone, qui avait désespérément besoin de se sentir aimé, entouré. Car s’il avait renoncé à lutter pour sa vie, contre ses démons bien trop installés maintenant en son sein, si d’autres personnes autour de lui qu’il aimait pensaient que ça valait le coup d’essayer, alors peut-être que ça valait le coup de le faire. Au du moins, peut-être que retarder ce qui lui semblait être l’inévitable était envisageable. « Je sais pas si je mérite ce que tu as fait pour moi. » Il allait falloir que la jeune femme tende l’oreille un peu plus pour entendre les paroles prononcés par son grand frère, car en cet instant il formulait à haute voix des choses qu’il n’aurait jamais pensé possible d’imaginer. Malone s’était aperçu que quelque-chose ne tournait pas rond avec lui depuis quelques temps déjà, et le fait que sa femme ne se montre plus dans l’appartement qu’ils étaient supposés partager avec leur enfant avait réussi à lui mettre la puce à l’oreille assez rapidement. Mais peut-être était-ce simplement sa présence dans ce monde, depuis tout ce temps, qui se trouvait être la problématique à traiter en premier lieu pour trouver une issue à cette situation. Et ce serait surement là une idée qui ne plairait pas à Flora: elle ne le jugeait pas, mais il n’y avait qu’à voir le regard qu’elle lui lançait pour comprendre qu’elle tenait à lui.

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Ce n’était pas chose aisée de sa part, que d’avouer à haute voix la réelle raison pour laquelle il s’était retrouvé attaché à ce lit sans aucun moyen d’être libre de ses mouvements. Cela revenait à admettre qu’il avait un problème bien plus gros que simplement laisser les autres prendre soin de lui - qu’il avait eu une envie bien plus pressante et urgence à ses yeux, qui passait avant tout, qu’il ne savait contrôler. L’envie, le manque, étaient deux choses auxquelles il s’était progressivement habitué au fil des semaines et de sa consommation qui évoluait en parallèle - et ce sans même s’en apercevoir. C’était le côté malicieux de l’addiction: elle s’installait, jouait avec vous sans même laisser l’opportunité que vous vous aperceviez de quelque-chose. Il n’y avait que lorsque les besoins n’étaient plus possibles d’être comblés qu’elle se manifestait réellement - de façon cruelle et sans être belle à voir. L’overdose avait été une étape, certes. Cela avait remis bien des choses en place dans l’esprit de Malone et dans ce qu’il souhaitait faire pour l’avenir - il avait commencé à en parler à peine avait-il rouvert les yeux lorsqu’il s’était réveillé. Cependant, l’esprit était quelque-chose d’étrange, savait exactement comment faire en sorte de vous faire croire une chose pour assouvir une autre en parallèle. Oui, promis, il comptait changer - mais à la première occasion où il avait pu s’échapper à la surveillance des médecins, il l’avait fait et avait cherché à se procurer de nouvelles substances à laisser glisser le long de son oesophage. « Je n'avais pas l'intention d'aller les déranger dans leur pause café pour leur dire, tu sais. » La voix de Flora le tira de ses pensées; ces dernières étaient bien plus prenantes et dangereuses qu’il aurait jamais pu le penser, la preuve en était que même lorsque sa soeur était à ses côtés il ne savait leur échapper. « Merci - de me l'avoir dis. » Flora étirait ses lèvres là où Malone se mettait à pincer les siennes. Si les circonstances avaient été différentes, jamais il ne lui aurait avoué une telle chose - pas qu’il n’avait pas confiance en sa soeur, bien au contraire, mais simplement parce-qu’il n’avait plus confiance en grand chose ces derniers temps Constantine.

Et la chose, la personne en qui il avait le moins confiance était lui-même. Il avait fait des choses dont il n’était pas fier; il avait dit des choses qu’il préférerait oublier maintenant. Il ne savait pas de quoi sa façon d’être serait composée le lendemain et cela lui faisait peur. Tout dans sa façon de faire, d’agir, de parler soulignait le fait qu’il ne savait dans quelle direction il s’en allait. Et s’il aurait eu bien du mal à admettre face à Flora qu’il avait réellement un problème avec certaines substances en temps normal, c’était d’autant plus dure de s’exprimer sur l’idée qu’il était réellement désolé de l’avoir mise dans cette position. Il avait ruiné autant l’image qu’elle avait de lui autant que la confiance qu’elle pouvait lui porter, c’était une évidence à ses yeux; et s’il y avait bien un moment où il se devait de l’exprimer à haute voix également, c’était maintenant. « Je sais que tu l’es. » Le savoir et l’entendre étaient deux choses bien distinctes cependant. « Ce n'est pas de ta faute. » Il soupira légèrement, par le nez. « Bien sur que si c’est ma faute. » Des mots murmurés, presque sifflés entre les dents. C’était forcément de sa faute, il était celui n’ayant su contrôler un tel comportement d’auto-destruction. Tant que cela s’était limité à lui-seul, c’était presque pardonnable; à partir du moment où ses proches avaient été entrainés dans sa chute avec lui ce n’était plus le cas. « Tu n'as pas le droit de penser ça. » Il pouvait, et il le faisait. Il pouvait penser que c’était de sa faute, il pouvait penser qu’il ne méritait pas l’aide que sa soeur lui avait donné et continuerait surement de lui donner parce-que c’était ça dont elle était capable, elle. Lui attirait les ennuis sur son chemin, elle était apte à réparer les maux. « Je ne te tournerais pas le dos Mal. et j'entends que ça puisse être difficile à accepter, mais tu dois te faire à l’idée. » Flora se penchait vers lui, accrochant son regard du sien - et si d’ordinaire il aurait détourné son attention pour ne pas avoir à affronter la peine qu’il pouvait d’avance anticiper dans ses yeux, aujourd’hui il n’avait plus la force d’agir ainsi. Il n’avait plus beaucoup de force de façon générale, Malone, de toutes façons. « Je t'aime et je veux que tu t'en sortes. Je ne te laisserais pas abandonner. Je ne te laisserais pas m'abandonner. J'ai besoin de toi dans ma vie. » Il fronça les sourcils: elle ne pouvait pas jouer cette carte là alors qu’il était dans la version la plus faible de lui-même. « Je sais… » Qu’il murmura du bout des lèvres. Elle ne pouvait pas jouer cette carte là maintenant parce-qu’elle était à peu près sure que cela allait fonctionner auprès de son frère. D’ordinaire déjà, la facilité existait entre eux. Aujourd’hui, alors qu’il était au plus bas de son existence et plus faible qu’il ne l’avait jamais été, forcément que ce type de comportement allait fonctionner sur lui. « Je sais que tu me laisseras pas. Mais je le mérite pas, Flo. » Du bout des lèvres, une nouvelle fois sur le ton de la confession inavouable. « Et j’ai clairement besoin de toi aussi, c’est évident… » Autant parce-qu’elle était sa soeur que parce-qu’il ne savait guère gérer sa vie seul sans trébucher. Après tout, si elle n’était pas dans cette dernière, il ne serait pas là à la regarder avec ces yeux là aujourd’hui. Malheureusement, il n’était pas encore dans un état stable Malone.

Malheureusement, il n’était pas en cet instant le frère qu’elle connaissait et qu’elle aimait, Flora. Il n’était que l’ombre de celui qu’il aurait un jour pu être - sans avoir essayé de toucher du bout des doigts cette possibilité. « Mais j’ai besoin d’autre chose que de présence, Flo. J’ai besoin… d’autre chose. » Et alors qu’il prononçait ces mots là, il ne pouvait garder ses yeux ancrés dans ceux de sa soeur; alors il les posa partout ailleurs, sur ces murs blancs et imbibés d’antiseptique, sur le drap posé sur lui qui en avaient connu d’autres que ses petits problèmes, sur ces contentions aux poignets qu’il rêvait de voir disparaitre. Surtout qu’il rêvait de voir disparaitre. Fronçant les sourcils, sincèrement désolé pourtant des paroles qu’il s’apprêtait à prononcer à haute voix sans avoir même le courage d’affronter sa soeur les yeux dans les yeux, il hésita un instant supplémentaire avant de se lancer. Promis un jour, il saurait se racheter pour ce type de comportement. Promis un jour, il comprendrait qu’il franchissait une ligne en agissant de la sorte. Promis - il promettait beaucoup de choses, Malone, et cela prendrait du temps pour qu’il en vienne à réellement tenir ses promesses. Un jour, vraiment, il y arriverait. Aujourd’hui, Malone ressentait le manque comme il ne l’avait jamais ressenti auparavant. « J’ai besoin que tu m’aides à sortir d’ici, Flora, s’il te plait. Je peux pas rester là. Je peux pas rester attacher comme ça là, regarde moi ça. » Et pour appuyer ses paroles, il tira d’un coup d’un seul sur ses deux poignets d’un coup, provoquant un bruit de métal à tirer sur les bars de son lit de la sorte, à montrer que mine de rien il avait beau être sous médication afin de le calmer il n’était jamais réellement calme. Un toxicomane en manque n’était jamais, jamais calme. « J’ai besoin que tu me donnes quelque-chose, s’il te plait. » Il n’avait jamais demandé à l’un de ses proches de participer à nourrir ses démons, mais dans l’état dans lequel il se trouvait aujourd’hui, les choix étaient limités. Malone accepterait la cure de désintoxication qui lui était proposée, oui oui, sans soucis - mais juste au moins une dernière dose avant de partir plusieurs semaines derrières des portes closes coupées du monde.

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@flora constantine

« À mes yeux en tout cas. » A ses yeux à elle, il méritait qu’elle soit présente à ses côtés. Il méritait d’être sauvé, qu’on s’occupe de lui et que quelqu’un s’inquiète de savoir s’il allait bien ou non. Aux yeux de sa petite soeur, ce type de comportement et de pensée n’était finalement pas une grande surprise; il s’y serait attendu, s'il était honnête envers tout le monde et lui en premier. Mais pour s’attendre à un tel comportement, il fallait que le sien soit bien plus proche de la normale qu’il ne pouvait présentement l’être - et surtout, il aurait fallu que ses pensées et ses besoins s’étendent bien plus loin que la limite à laquelle ils s’arrêtaient aujourd’hui.

Il avait beau être allongé sur ce lit depuis plusieurs jours maintenant, le manque faisait toujours partie intégrante de la routine de Malone. Il était là le matin, et il était là le soir aussi; entre temps, il ne le lâchait pas d’un poil et le réveillait souvent la nuit. Le manque était son nouveau meilleur ami, bien qu’il n’ait pas choisi ce dernier. S’il s’écoutait, il plierait sous le poids de l’envie et laisserait son corps obtenir ce dont il avait besoin - ou criait avoir besoin sans que ce soit réellement le cas. Le manque ne partirait plus jamais de son quotidien, mais il ne pouvait s’en rendre compte pleinement pour le moment. Tout était encore trop frais, trop proche dans le temps. Et il n’y avait qu’à voir la façon dont son comportement avait réussi à changer du tout au tout en quelques instants pour comprendre qu’il ne maitrisait qu’en superficie la situation. Bien sur que toutes les paroles qu’il avait adressé à Flora jusque maintenant était vrai: il s’en voulait réellement de la faire traverser ce type d’épreuves. Elle n’avait pas besoin d’ajouter des drames de ce genre à son palmarès. Il étai sincèrement désolé également de plein d’autres choses, certaines de mentionnées et d’autres de tues, mais celle dont il s’en mordrait davantage les doigts d’ici à quelques semaines serait de se comportement comme il était en train de se le faire désormais avec elle.

Tirant une nouvelle fois sur les liens qui le retenaient attaché au lit, il soupira lourdement. « S’il te plait… » Il n’avait désormais plus que sa voix et son désespoir pour faire comprendre à sa soeur qu’il fallait qu’elle l’aide, qu’elle se devait de lui donner un coup de main. Après tout, elle l’avait aidé chez lui alors qu’il était à l’article de la mort, et ça ça avait été une étape compliquée - alors l’aider à se défaire des contentions ne serait pas une épreuve compliquée à affronter, en comparaison. Mais son regard avait déjà fui, avait déjà dévié vers d’autres horizons; lui avait déjà échappé. « Ne te fais pas mal… » Il ne se faisait pas mal en réalité, les bandes de tissu assez rembourrées pour justement éviter ce phénomène si les pressions n’étaient pas trop répétées. Malone ne pourrait comprendre que l’idée allait surement bien au delà du physique. « Je ne peux pas - tu sais bien que je ferais tout pour toi, mais pas ça. » Serrant les dents encore davantage, il souffla l’air entre ses dents, son mécontentement palpable à travers la pièce. Il s’était dit que le passage de sa petite soeur serait le meilleur moyen pour se sortir de ce lit; apparement, il s’était fourré le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. « Flora… » Il était bien plus énervé, désormais. « Ce serait l'équivalent de réduire à néant tous les efforts que tu as fais jusque maintenant, et je refuse de participer à ça. » Pour prononcer ces paroles là, elle avait remonté son regard dans celui de son aîné. Il y avait une vraie détresse qui s’y dessinait, qui soulignait tout le problème de cette situation. Elle s’en faisait vraiment pour celui qui ne cherchait qu’à trouver la faille et la manipuler pour arriver à ses fins présentement. Un jour, il se rendrait compte de tout ça; mais pas aujourd’hui. « Tu iras, Mal. C'est promis, tu vas y arriver. » Elle s’était levée, et la panique se fit voir autant dans le regard que dans les gestes de Malone. « Flora… » Il tira de nouveau fermement sur ses liens, faisant trembler quelque peu le lit. « Flora reste là, ne pars pas s’il te plait. J’ai besoin de toi, tu m’entends ? J’ai besoin de ton aide. » Il n’était pas fou: il connaissait ses points faibles, et avec une pointe supplémentaire de désespoir dans la voix il réussirait peut-être à la faire plier. « Tu peux pas me laisser comme ça, regarde moi, je suis attaché comme un animal. » L’évidence même de ceux qui ne savaient se contenter des limites de la raison pour obtenir ce dont il crevait envie de s’infliger. « Ou promis, j’arrêterai après, je me contrôlerai et je ferai attention. Mais je peux pas arrêter sans une dernière dose, juste une Flora. »