Elizabeth s’assit sur son canapé accompagnée d’un verre de vin. Malgré elle, elle ne pouvait pas se débarrasser de sa sale manie de souffler en fin de journée avec ce liquide réconfortant. Elle avait essayé toutes les boissons chaudes ou thés glacés possibles pour trouver une alternative mais rien ne valait cette boisson à son coeur. Son appréciation du bon vin avait commencé jeune. Elle avait toujours partagé ça avec son père particulièrement. Ca et le billard c’était bien les deux seules choses qu’ils avaient partagées durant sa jeunesse. A part ça, ils n’étaient pas loin d’être deux inconnus l’un pour l’autre…La mère Warren prenait une place plus qu’envahissante, cela ne laissait place qu'à de l'attention portée sur elle. Le père Warren s'était enfermé dans le cliché du père qui s'en tient à son rôle de subvenir aux besoins financiers du foyer en passant des heures au bureau. Elizabeth sentit son cœur se resserrer à l’approche de cet habituel regret de ne pas avoir pu développer une vraie relation avec son père. Mais l’heure n’était pas à cette réflexion, il fallait plutôt se recentrer sur le présent.
Comment en à peine quelques mois avait-elle pu en arriver là ? Elizabeth était passée de surprise par la réaction de Jackson lorsqu’il lui avait clairement indiqué qu’il la pensait en danger à la limite de paranoïaque. Depuis qu’ils avaient commencé à éplucher tous les dossiers des employés et anciens employés de la ABC en juillet, la situation n’avait fait qu’augmenter en intensité. Entre des employés qui manifestaient plus vivement leur mécontentement, la garde rapprochée de Jackson qui générait de plus en plus de murmures ou même des dirigeants qui commençaient à avoir échos de divergences au sein des studios de la ABC…Elizabeth avait laissé doucement cette tension l’envahir sans même réellement s’en rendre compte. Et Jackson n’aidait pas. Plus le temps passait et plus elle se rapprochait de l’agent. Elle pouvait donc de plus en plus ressentir ses états. Jackson était prudent, toujours à cran, prêt à exploser à tout instant. Elle le sentait. Certains jours, elle avait même peur qu’il explose sur elle. Elle savait que jamais il ne serait violent envers elle, ça c’était certain, mais il pouvait très clairement lui faire passer un mauvais quart d’heure s’il le voulait. Ou peut-être même sans le vouloir d’ailleurs. Mais ce soir, elle devait mettre son angoisse de côté. Elle avait invité Jackson à la rejoindre chez elle. Elle n’avait pas d'autre choix que de le convier dans son espace personnel Ils ne pouvaient pas discuter de tout cela en public, ce n’était pas prudent. Ni même dans son propre bureau d'ailleurs. Et il lui fallait avoir des nouvelles concernant toute cette affaire. Jackson était très secret et il gardait beaucoup pour lui. Sans doute un défaut professionnel parfaitement compréhensible mais ici, la vie d’Elizabeth se retrouvait au milieu de tout ça et elle ne supportait plus de ne rien savoir de ce qui se passait. Donc quitte à énerver le lion, elle allait tout de même venir lui caresser la crinière pour récolter une miette d’information.
Elle s'allongea sur le canapé. A force de tout remuer dans son esprit, elle avait un mal de tête qui s'installait. Elle ne pouvait s’empêcher de penser au fait que Jackson n’était pas revenu chez elle depuis cette fameuse nuit en juillet. Lui était sans doute trop concentré par sa mission et Elizabeth avait redoublé d’efforts pour mettre de la distance et ne pas tenter le Diable en l'invitant dans son antre en était une très bonne façon. Il fallait qu'elle se protège. De lui. De ce que succomber à son aura hypnotisante pourrait entrainer. Elizabeth avait usé tout son répertoire pour pouvoir contenter ses ardeurs avec d’autres hommes. Des connus, des inconnus…tout ce qu’elle pouvait trouver était bon pour détourner son esprit de Jackson. Malheureusement, cela n'empêchait pas qu'elle pouvait sentir à chaque fois qu’ils s’effleuraient cette tension palpable. Il était fort probable que lui aussi la sentait mais les deux compères s’en étaient d’une certaine façon accommodés, leur esprit pris par d’autres enjeux.
Jackson frappa à la porte. Il serait sans doute ravi de constater que depuis la dernière fois, Elizabeth avait opté pour une fermeture de façon automatique de sa porte d’entrée. Elle alla lui ouvrir.
« Hey »
Prononça-t-elle, timidement, et sans regarder Jackson passer le pas de sa porte. Elle le laissa rentrer et se dirigea automatiquement vers la cuisine pour lui servir également un verre de vin à lui. Autant détendre la bête un peu avant de tenter de lui extorquer des informations. Et puis sans doute en avait-il aussi besoin vu comment il était encore plus tendu qu'à la normale ces derniers jours.
Mais lorsqu’elle revint dans le salon avec le verre à la main, elle se figea face à la découverte du visage de Jackson. Un coquard trônait fièrement sur l’un de ses yeux, noircissant encore plus le regard de l’agent. Elizabeth fut sous le choc. Elle resta plantée face à lui, sans rien dire ni faire.
Ce n'est de toute évidence pas le bon moment mais Jackson manque de recul et de lucidité. Il accepte l'invitation d'Elizabeth sans réfléchir, convaincu qu'il sera mieux à faire les cent pas dans le salon de la directrice plutôt que de rester chez lui à tourner tel un fauve en cage. Moins de 24 heures qu'Anwar et lui ont serré Hoover au Casino ; 20 heures que le PSI a récupéré la vidéo non recevable de ses aveux. Aucun de ses collègues n'a fait de commentaire sur la violence physique employée par Jackson lors de cet interrogatoire improvisé dans les toilettes. Seul Zehri, l'élément extérieur à leur groupe, s'est offusqué qu'un agent fédéral se montre aussi peu scrupuleux. En témoigne le coquard noir de jais ornant l'œil gauche de Mills.
Moins de 24 heures, mais c'est déjà trop pour la patience inexistante du boxeur. S'il n'a pas rendu à Anwar la monnaie de sa pièce, c'est avant tout parce que Jackson reste persuadé d'avoir eu raison d'agir tel qu'il l'a fait. Aussi certainement qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser d'œufs, on ne fait pas parler un salopard de première sans faire preuve du même niveau d'immoralité ... Il n'aurait jamais fait de mal à ces gamines. Les suivre, les étudier, récolter des clichés et de l'information sur elles dans le but d'effrayer leur père, tout cela n'était que peine nécessaire, une condition sine qua non au poids de ses menaces lors de la confrontation. Ça a marché et c'est le principal, voilà ce qu'il se dit. Avec les aveux du colonel, le PSI dispose désormais des informations suffisantes pour le faire tomber. Il leur suffit de semer en chemin les cailloux qui permettront de remonter sa piste. Un travail long et fastidieux mais nécessaire à la mise en route la machine judicaire car la clause de confidentialité leur tenant lieu de couverture empêche les membres du projet epsilon d'arrêter le coupable sans autre forme de procès. Leurs collègues de l'AFP, en revanche, finiront bien par flairer les pistes subtiles laissées par NEO et WIDOW afin d'attirer leur attention. L'investigation laisse à présent place à la manipulation et au jeu d'échecs. Deux domaines dans lesquels le sprinteur ne s'épanouit ni ne brille. Jax déteste les virages. Dans son esprit, rien ne vaut les lignes et les angles droits.
« Salut. » Répond-il lorsqu'elle lui ouvre, pénétrant la demeure de Warren dans un silence lourd de non-dits. L'agent s'attend à la voir sourciller ; il anticipe ses questions mais rien ne vient. Eli lui tourne le dos et disparait dans la cuisine, laissant au bagarreur tout le loisir de s'avancer dans le salon pour constater une fois de plus la tension qui l'anime dès qu'il est question de leur intimité. Chacun des meubles lui rappelle cette nuit de juillet durant laquelle il s'était souvenu des circonstances de son départ, des pots qu'il avait cassé en quittant Brisbane pour Sydney. Jax pose le regard sur le canapé et se revoit coincer la brune sous son poids, prêt à la harceler jusqu'à ce qu'elle lui ordonne de les faire chavirer. Certainement qu'ils se croyaient capables de nager à l'époque mais la réalité s'est rapidement chargée de leur faire boire la tasse et de leur prouver que des liens viscéraux étaient venus s'enrouler autour de leurs chevilles tandis qu'ils se rentraient dedans au point d'abîmer le lit. Maintenant, ils coulent par le fond.
La garde rapprochée de la directrice est devenue une source d'inconfort lattant particulièrement exaspérant pour Mills qui, depuis leur conversation de lendemain de baise sur ce banc face au fleuve, s'évertue à respecter sa part du marché sans tomber dans l'excès de zèle. L'agent sait que coller de trop près son employeuse la dérange par principe mais aussi physiquement. Cette tension maladive qui s'installe chaque fois qu'il s'interpose entre Warren et tout corps étranger potentiellement menaçant l'impacte autant qu'elle n'affecte la brune. Tendu, suspicieux, frustré et contrarié par une justice tardant à être rendue, l'agent est devenu, au fil des semaines, une véritable bombe à retardement. Pas étonnant qu'il se soit montré si virulant avec Hoover la veille au soir. La boxe ne suffit plus à canaliser sa colère. Jax monte en pression de jour en jour et sent bien qu'il est sur le point d'atteindre un point de non-retour tout sauf désirable pour la réussite de leur mission. Ils doivent garder le contrôle sur la situation s'ils souhaitent faire tomber le colonel avant que ce dernier ne se remette de l'agression et n'entame de trouver qui a bien pu l'humilier de la sorte sur son propre terrain ; celui des petits fours, des pots de vins et des soirées au sein desquels les corrompus comme lui se graissent la patte pour faire tourner le monde.
« Quoi ? » Demande-t-il d'un ton abrute lorsqu'Eli revient de la cuisine, un verre de vin à la main. Jax n'en est pas encore à lui aboyer dessus mais, s'il était un chien, ses poils seraient hérissés et menaçants. La vérité, c'est qu'il a bien failli butter Hoover hier soir et qu'il en est désormais réduit à remercier silencieusement l'homme auquel il doit sa face de panda ainsi que la bosse sur la carrosserie de son ego. Mills n'aime pas le souvenir que ce face à face avec le commanditaire de son agression a fait remonter à la surface. Savoir que les cauchemars qui le hantent depuis sa sortie du coma ne sont que des vérités et qu'il s'est bel et bien fait courser comme un lapin avant qu'une jeep gouvernementale ne le percute sciemment lui laisse un goût amer dans la bouche. Il a l'impression de lutter seul contre un système rallié à la cause de son ennemi.
Que feront-ils si Hoover est plus rapide à les retrouver - Anwar, Elizabeth et lui - que le PSI à tout mettre en place pour qu'il soit arrêté ? Le simple fait d'y penser l'a empêché de dormir, lui qui déjà ne dort pas beaucoup. D'un côté le coquard, de l'autre les cernes. Jackson fait peur à voir. Mieux vaut changer de trottoir ce soir ...
Elizabeth était habituée à rapidement réagir dans le cadre de son travail mais là, elle restait réellement sans voix face à cette vision de Jackson. Tout se mélangeait dans sa tête comme si elle était en plein milieu d’un manège duquel elle essayait désespérément de se sortir. Impossible d’y voir clair. Avait-elle peur ? Etait-elle inquiète ? En colère ?
« Qu’est-ce que…qu’est-ce c’est que ça ? »
Evidemment, nul besoin de poser la question. Elle voyait bien ce dont il s’agissait mais elle espérait fortement que Jackson ne la prendrait pas au pied de la lettre et qu’il lui donnerait plus d’informations. Il était évident que c’était un coup qu’il avait reçu mais pourquoi ? Dans quel contexte ? Avait-il été attaqué ? Une agression serait tout à fait envisageable, cela en serait pas si surprenant car Jackson était bel et bien un agent fédéral et pas un garde du corps. Certes, il était plus incognito depuis qu’il surveillait Elizabeth de près mais il avait sans doute moult d’ennemis qui pouvaient lui en vouloir. Mais la directrice ne pouvait s’empêcher d’être sous le choc. La confrontation à la réalité du danger autour de l’intégrité physique de Jackson était…renversante. Elizabeth commença à sentir sa tête tourner. Etait-ce du à l’angoisse qui gagnait du terrain en elle, à la folie enivrante de cet homme, ou encore au verre de vin ? Personne ne pouvait réellement le savoir. Elle décida de s’asseoir sur le canapé, manquant de perdre son équilibre. Elle devait certainement être pâle du visage car Jackson n’avait toujours rien répondu et l’inquiétude pouvait se lire sur son visage.
« C’est quoi ce bordel Jackson ? Il faut que tu m’expliques là »
Elle ne savait pas quoi penser de tout ça. Elle se demandait aussi pourquoi cela la souciait autant. Etait-ce plus en rapport avec sa sécurité à elle ou celle de Jackson ? Car cette attaque avait peut-être un rapport avec l’enquête et donc avec elle, qu’elle le veuille ou non. Elizabeth avait effectivement pris un peu plus conscience du fait qu’il pouvait se passer quelque chose depuis qu’elle s’était associée à Jackson pour éplucher les dossiers des employés mais pas à ce point-là. Elle attrapa son verre de vin qu’elle avait de nouveau rempli en servant Jackson en même temps puis déposé sur la table basse en face d’elle et elle le vida d’un coup. Sans doute pas la meilleure décision à cet instant mais que pouvait-elle faire de plus ? Et puis la panique, c’était un habit qu’elle portait rarement. Et il ne lui allait pas du tout. Il fallait qu’elle reprenne le dessus, qu’elle retrouve ses capacités. Elle utilisa ses deux index pour masser ses tempes. Elle avait l’impression de délirer…Etait-elle en train de rêver d’ailleurs ? Pas un rêve agréable en tous cas. Et si c’était bien la réalité, alors elle devait se confronter encore à ce constat que cet homme n’était que chaos. A chaque fois qu’il passait dans sa vie, il provoquait le bazar. Pour une femme qui aimait tant l’ordre, c’était un comble d’en redemander encore et encore. Quand est-ce que tout cela allait s’arrêter ?
« C'est rien. » Répond-il machinalement, habitué à minimiser la douleur et le caractère impressionnant des blessures au visage tel qu'il les expérimente depuis qu'il pratique la boxe, à savoir des années. Jackson sait faire avec, il ne souffre pas outre mesure d'être à moitié défiguré. La partie de lui la plus affectée par ce coquard n'est pas visible. Son égo, Mills le cache farouchement, raison pour laquelle il préférerait qu'Elizabeth ne vienne pas le chercher sur ce terrain là mais c'est bien évidemment trop demander à la brune qui se laisse choir dans le canapé en se plaignant de ne pas être mise au courant. « C’est quoi ce bordel Jackson ? Il faut que tu m’expliques là. »
L'agent inspire profondément, cherchant par cet appel d'air à aspirer la patience supposée flotter dans l'oxygène de la pièce. Tous deux arrivent à bout de ce que leurs ressources leur permettent d'encaisser, cela se lit comme le nez au milieu de la figure. Des jours que le témoin lumineux est allumé sur le tableau de bord pour les avertir que le manque de communication est en train de les mener droit dans le mur ... « J'ai pas eu l'temps d'esquiver. » Pragmatique, Mills le reconnait de manière un peu raide. Il refuse de dire pourquoi ses réflexes de combattant n'étaient pas au rendez-vous lorsque Zehri lui a collé son poing dans la gueule. Son corps fatigué par l'insomnie voudrait bien aller s'asseoir aux côtés de Warren mais son esprit rejette l'idée de se poser. Jax est en alerte, il attend le moindre signal, le moindre appel du PSI qui l'informerait d'une quelconque manœuvre de Hoover suite au guet-apens. Puis il se souvient avoir promis à Eli de ne pas mentir et se résigne à en dévoiler davantage : « On l'a serré. » Le simple fait de ne pas le nommer révèle l'identité du sujet. Tacitement, Elizabeth et lui en sont venus à ne plus parler de Hoover qu'au moyen de pronoms orientés par la conversation. Conséquence de l'esprit suspicieux de l'agent qui se croit sur écoute dés qu'il pénètre une pièce qu'il n'a pas lui-même sécurisée ... « Il est passé aux aveux. » Inconsciemment, Jax contracte les poings. Aux extrémités de ces derniers, un œil attentif verrait sans mal les jointures abimées d'avoir frappé fort ... « C'est pas recevable en justice mais j’m'occupe de recycler ce qui peut l'être. » Widow planche sur le plan de guerre, Bond cible les personnes dans le champ de vision desquelles les indices doivent être semés afin que le feu prenne et que les flammes remontent jusqu'au colonel.
Mills n'est pas inquiet quant à l'efficacité de ses collègues, il a l'intime conviction d'avoir dans son camp les meilleurs recrues dans leur domaine. Ce qui le fout en pelote c'est le temps que tout cela prend et la frustration grandissante d'avoir peut-être laissé passer sa chance de punir ce connard pour ses méfaits. Cachée dans l'obscurité de ses entrailles, là où les miasmes de la colère et de la rancœur s'épanouissent à l'ombre des faux-semblants, nourrie par les incertitudes de l'amnésie, une bête violente et malfaisante regrette que plus de sang n'ait pas été versé la veille. Jackson la sent feuler dans le noir, irritée d'avoir été retenue par Anwar. Elle se venge en se faisant les griffes contre les parois de son estomac, provoquant des grincements de dents lorsqu'il les serre pour ravaler la douleur et l'envie d'aboyer.
Voyant la brune vider son verre de vin d'une traite, l'agent décide d'en faire de même. Il se rapproche et s'empare du récipient qu'il porte à ses lèvres non sans repenser ironiquement à ce soir de juillet. Là aussi il avait bu cul sec, juste après s'être fait frapper de plein fouet par le souvenir de son départ pour Sydney ... Arrière goût détestable de déjà vu ; impression horripilante de tourner en rond. Ça lui prend sans crier gare : au lieu de reposer le verre comme le fait Elizabeth, Jackson le lance de toutes ses forces à travers la pièce. L'objet finit sa course contre le mur du salon sur lequel il éclate en laissant derrière lui quelques traces de liquide prêt à tâcher la tapisserie comme preuves à charge. Mills pince les lèvres, tente de retenir l'énervement prêt à lui faire dire des choses qu'il ne pense pas. En seulement quelques mois, il a avancé plus que les médecins ne l'avaient espéré sur le terrain de sa mémoire. Mais à quel prix ? Plus il se souvient, plus l'impression d'avoir été trahi par son corps de métier l'oppresse et l'indigne. L'agent ne parvient pas à croire que l'AFP ne savait pas, que sa hiérarchie est propre de toute tentative d'étouffer l'affaire. Quant à l'aspect personnel des choses, est-ce vraiment beaucoup mieux ? Il se trouve là, face à celle qu'il a prétendument aimé, sans réussir à temporaliser ses sentiments. La tension qui l'habite est-elle le fantôme d'un état d'esprit passé hantant son corps sans qu'il puisse s'en défaire ou est-il en train de faire des raccourcis scabreux, de s'engluer dans ses désirs malsains chaque fois que Warren se montre un peu trop autoritaire avec lui et qu'il s'imaginerait bien la faire taire en la baisant sur le bureau de la ABC ? Tout feu tout flamme, Jackson sent bien que le contrôle de ses émotions lui échappe, qu'il mélange tout et que c'est le meilleur moyen pour lui de faire une connerie dont personne n'a besoin en ce moment. Ni Eli, ni ses collègues du PSI, ni lui. Quoiqu'il en dise, quoiqu'il prétende.
(c) sweet.lips
Dernière édition par Jackson Mills le Lun 15 Mai 2023 - 5:11, édité 2 fois
Elizabeth ne put s’empêcher d’arquer un sourcil lorsque Jackson évoqua ne pas avoir eu le temps d’esquiver le coup qu’il a reçu. Jackson était plus qu’entraîné, c’était un véritable chien en cage prêt à en découdre avec n’importe qui l’approchant. Tous ces réflexes étaient extrêmement sensibles et ce, en permanence. Elle le constatait chaque jour qu'ils passaient ensemble. Elle avait largement du mal à croire qu’il n’avait pas été en capacité de contourner un coup de poing. Mais elle n’allait certainement pas l’interrompre. Non, elle voulait qu’il s’exprime. Elle voulait en savoir plus. Il ne pouvait pas la laisser de côté ce coup-ci. Elle écouta donc attentivement les miettes d’informations que Jackson parsema petit à petit dans son récit. Mais alors vraiment petit à petit…Il prenait son temps. Peu loquace sur la situation (ou même en général d’ailleurs), il en vint tout de même à en révéler suffisamment pour qu’elle comprenne enfin. Hoover avait été pris la main dans le sac. Et si le soulagement qui prenait place en Elizabeth avait un effet libérateur, il ne fut que de courte durée lorsque Jackson révéla sa dernière phrase.
« C'est pas recevable en justice mais j’m'occupe de recycler ce qui peut l'être. »
Jackson bu lui aussi son verre de vin. Mais après l’avoir terminé, il ne le reposa pas. Il le lança contre le mur du salon. Si le bruit de l’explosion fit sursauter Elizabeth, elle n’en fut pas décontenancée pour autant. La surprise l'avait prise au dépourvu mais il en fallait beaucoup plus pour décontenancer une femme de son acabit.
« Tu crois que c’est la violence qui va résoudre tout ça ? »
Dit-elle calmement. Plus Elizabeth se sentait dans des situations qui pouvaient potentiellement partir en vrille, plus elle était du genre à rester calme. Elle attrapa délicatement son verre à elle et le lança à son tour contre le mur.
« Alors, ça a changé quelque chose ? »
Dit-elle sur un ton de challenge. Elle était terrorisée de l'intérieur mais ça, elle ne le montrerait jamais. La poker face, elle connaissait ça par coeur. Elle était définitivement du genre à bluffer avec une mauvaise main. Pour gagner dans la vie, il faut savoir jouer au bon moment. La seule leçon utile qu'elle avait tirée de son père.
« Jusqu’où tu iras Jackson ? Dis-moi, jusqu’où tu comptes aller au juste ? Parce que jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas en prison que tu pourras me protéger. Et je te signale que je suis dans cette situation à cause de toi »
La révélation était amère mais vraie. Et tout les deux le savaient parfaitement même si elle ne l’avait jamais prononcé jusqu’alors. Mais elle savait aussi qu’elle avait besoin de lui pour s’en sortir. Plus elle avait connaissance des éléments, plus elle se rendait bien compte de l’ampleur de ce qui se passait. Quand il y avait des gens haut placés dans une affaire, il n’y a rien qu’ils ne seraient prêts à faire pour s’en sortir. Elle savait très bien cela car elle avait évolué dans ce milieu. Elle avait grandi dans l’hypocrisie bourgeoise du paraître et de la démonstration de force. Le pouvoir et l’argent. Tout se résumait à ces deux mots. Et c’était l’une des raisons qui l’avait poussée à être encore plus ambitieuse qu’elle ne l’était déjà à la base. Elle se devait d’obtenir les moyens de protéger ses frères et sa sœur. Surtout quand on connaissait les caractères de Tommy et Scarlett...Oui, clairement une nécessité à ce niveau. Elle avait même envisagé une fois de devenir une femme insipide trophée du fils d'un sénateur qui avait un brillant avenir en politique devant lui. Mais sourire et se taire, c'était au delà d'Elizabeth. Elle avait toujours eu en elle ce feu qui avait besoin de brûler. Sinon il la brûlait à elle. Elle l'avait appris à ces dépens. Alors au lieu de s'associer à un homme puissant, elle avait décidé de devenir une femme puissante.
« Tu crois que c’est la violence qui va résoudre tout ça ? » Jackson ne sait pas si la violence résoudra quoique ce soit, mais le calme suffisant avec lequel Eli lui impose sa rhétorique ne risque pas d'améliorer les choses. Intérieurement, les chevaux de sa mauvaise humeur ruent dans les brancards de se faire prendre d'aussi haut. Interdit, l'agent la regarde imiter son geste. Bientôt, le mur se teinte de nouvelles tâches de vin et le sol se couvre d'autres débris de verre. « Alors, ça a changé quelque chose ? » Mills lui rend son regard de défi. En l'infantilisant de la sorte, Warren joue un jeu dangereux. Tendu, Jax prend sur lui pour ne pas provoquer d'escalade incontrôlable. La brune est peut-être convaincue d'avoir le parfait contrôle de ses nerfs mais l'agent, lui, n'en est plus au stade de se voiler la face. Son instinct, cette antenne exaspérante de précision, sonne l'alerte en son for intérieur. Ils sont en train de s'embourber dans une gadoue qui risque fort de rendre caduc les plaquettes de frein de Jackson tout en ébranlant les fondations de cette relation bancale qu'Eli et lui s'efforcent de maintenir en équilibre précaire.
« Jusqu’où tu iras Jackson ? Dis-moi, jusqu’où tu comptes aller au juste ? Parce que jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas en prison que tu pourras me protéger. Et je te signale que je suis dans cette situation à cause de toi » Mills sent la colère lui monter au visage. Une vague de chaleur l'obligeant à reculer d'un pas, par mesure de précaution. Le verre de vin en est la preuve : lorsqu'il est dans cet état, tout ce qui se trouve à portée de main risque de voler à travers la pièce. Finalement, ne pas rejoindre Elizabeth sur le canapé était peut-être la meilleure idée de cette soirée commençant sur les chapeaux de roues. « J'fais ce qu'il faut ! » Répond-il séchement, indigné qu'elle lui reproche d'agir tout en s'évertuant à le culpabiliser. Croit-elle sincèrement qu'il sera plus à même de l'aider en se tournant les pouces ? En se contentant d'être un rempart physique lorsqu'un employé de la ABC s'approche un peu trop d'elle ? Alors même qu'il ne peut la coller 24 heures sur 24, comme elle lui a subtilement fait la remarque lorsqu'ils étaient sur le banc face au fleuve ? La garde rapprochée est une chose, mais s'ils veulent en finir avec la menace planant au dessus de leur tête, il faudra prendre des initiatives, aller au devant du danger. L'agent aimerait pouvoir compter sur l'AFP pour résoudre cette enquête, malheureusement leur hiérarchie a préféré classer le dossier sans suite. C'est déjà un gros risque que prend le PSI d'investiguer en secret afin de découvrir le fond de l'affaire. Un pas de travers et c'est toute l'unité qui y laissera des plumes ... Des dommages collatéraux, voilà ce qu'ils sont pour la police frileuse à l'idée de se mettre un haut gradé de l'armée à dos. Lâche, il n'y a pas d'autres mots pour définir cette attitude et Jax refuse de s'y conformer. Il ne pliera pas l'échine, ne dira pas amen à celui qui, d'une simple signature, a ordonné qu'on l'exécute. De toute façon, laisser couler reviendrait à prendre le risque de se faire poignarder dans le dos le jour ou ils ne s'y attendront plus. Leur avenir à tous les trois sont intimement liés. Warren, Hoover, Mills ... Ce triangle malsain rend les rapports entre le garde du corps et la directrice de la programmation de plus en plus tendus, en témoignent les cents pas que Jackson se met à faire dans le salon afin d'extérioriser toute cette agressivité qu'il sent bouillir dans son corps. Si seulement il avait un sac de frappe sous la main ...
« T'as dis qu'on ferait face ensemble. » Juste avant qu'il ne se mette à la séduire en lui parlant des frissons et de ces autres phénomènes physiques ayant eu raison de leur réserve, ce soir de juillet. Aujourd'hui, le regard de Mills est sombre, loin des œillades tentatrices de l'été. Le feu qui brule en lui est tout aussi incendiaire mais la façon dont Eli souffle sur les braises n'est plus aussi plaisante. Jax crépite, prêt à exploser. « J'me bats pas que pour moi, là. » C'est peut-être le moment de le lui rappeler. Mills doute que la brune aurait pu encaisser ce coup de poing avec autant de solidité. Il n'a pas besoin qu'elle l'admire ni qu'elle le remercie, pas envie de faire passer cette bagarre pour ce qu'elle n'est pas (à savoir un acte héroïque), mais digère mal le manque de considération dont fait preuve sa complice. « Tu vois une solution diplomatique à toute cette merde ? » Ironise-t-il finalement, empruntant à la belle son habit de suffisance. « Va te jeter dans sa gueule et viens m'dire c'que ça fait de se prendre une balle en réponse. » Il se fera un plaisir de lui demander si ça aura changé quelque chose ... Pour lui, c'était 10 mois de mémoire en moins et 6 de rééducation motrice.
Jackson bouillonnait. Cela se voyait clairement qu’il était en lutte contre l’explosion de colère et de frustration à l’intérieur de lui. La preuve se matérialisait à travers tous les pas qu’il accumulait dans le salon. C’en était à avoir le tournis si l’on voulait réellement le suivre. Mais ce n’était pas ce que faisait Elizabeth. Elle était plutôt concentrée à trouver en elle les ressources pour faire face à ce nuage gris de violence menaçant. Pas la violence de Hoover pour une fois, mais celle de Jackson. Elle voulait le secouer, le ramener à la raison. Et en même temps, une partie d’elle avait forcément peur de se brûler les doigts. Et tous les deux savaient parfaitement que leurs confrontations pouvaient mener à de vraies étincelles, qu’elles soient positives ou négatives...
« T'as dis qu'on ferait face ensemble. J'me bats pas que pour moi, là. »
Les mots de Jackson étaient acerbes mais il n’y avait rien d’étonnant vu son état instable. Mais Elizabeth ne pouvait pas le laisser dire ça.
« Tu ne te bats pas seul Jackson. Crois-moi »
Chaque jour elle devait composer avec la présence de cet homme. Pour sa sécurité à elle, mais pour son bien à lui aussi. Aider Jackson à retrouver la mémoire était la seule chose positive qu’elle pouvait réellement lui apporter, même si cela devait la consumer à petits feux. Quelle ironie car au final, il n’en avait pas fallu tant que ça pour qu’Elizabeth retombe dans son schéma de fonctionnement habituel : tout faire pour protéger ceux qui comptaient pour elle, telle une vraie maman ours. Et qu’elle le veuille ou non, Jackson comptait pour elle. Jusqu’où, elle ne le savait pas encore, mais elle était prête à se battre à ses côtés et ça, c’était un témoignage clair de son affection à son égard. Surtout que plus elle passait du temps avec lui, plus elle pouvait imaginer ce qu’aurait pu donner la vie à ses côtés. Et malheureusement, cela lui plaisait. Son impulsivité, son explosivité, son impertinence…Tout ça n’avait rien de répulsif pour Elizabeth. Elle n’avait jamais aimé avoir des gens lisses face à elle, que ce soit en amitié ou en amour. Alors oui, le garder à ses côtés, se battre pour qu’il retrouve ses souvenirs, trier des dossiers avec lui…Oui, tout ça avait un goût amer, comme une punition plaisante. C'était malsain. Et accepter avec volonté ce châtiment, c’était sa façon à elle de se battre.
« Tu vois une solution diplomatique à toute cette merde ? »
Il devait forcément en exister une. Ils ne pouvaient que se rattacher à cet espoir de toute façon. Si les gens commençaient à faire leur propre justice, le monde partirait en vrille. Il y avait des lois et elles étaient faites pour être respectées. En tous cas, Elizabeth en avait la profonde conviction. Elle avait toujours suivies les règles à la lettre et ça lui avait réussi jusqu’à présent. Bien sûr que l’envie d’en braver certaines la chatouillait parfois mais elle préférait diriger ses pulsions sur d’autres sujets. Et même si les choix n’étaient pas toujours brillants (comme l’alcool ou le sexe), elle n’en restait pas moins une bonne citoyenne qui croyait au système de la justice, malgré ses imperfections.
« Va te jeter dans sa gueule et viens m'dire c'que ça fait de se prendre une balle en réponse. »
Elizabeth comprenait la rage qu’il pouvait ressentir. Mais elle savait aussi que la violence ne résoudrait rien. Encore plus si elle lui était dirigée, ce qui était le cas à travers l'agressivité avec laquelle il s'adressait à elle.
« Arrête de t'énerver contre moi, j'y suis pour rien je te signale »
Dit-elle sèchement. Mais elle plongea dans le regard perdu et enragé de Jackson et il ne lui en fallu pas plus pour tenter de s'apaiser. Il avait besoin d'elle là. Il ne s'agissait pas d'elle, mais de lui.
« Je comprends ta lassitude et surtout ce gros sentiment d’injustice, mais tu ne peux pas agir sur tes pulsions. Tu vas te faire manger par elles, sans obtenir ce que tu veux pour autant. »
Elle tenta de se rapprocher de lui à l’aide de ses pas de féline, silencieux mais décidés.
« Sois malin, soit patient. Cette situation ne durera pas toujours même si tu n’en as pas l’impression. »
Elle ne pouvait s’empêcher de penser à sa dépression, à ce gouffre de souffrance dans lequel elle s’était enfoncée après le départ de Jackson. Elle avala sa salive à la boule aparaissante dans sa gorge suite à la réminiscence de cette époque. Car elle, elle avait bien tous les souvenirs en tête. Elle pensait ne jamais en sortir de ce trou durant tous ces longs mois, comme s'il n'avait pas de fond. Et pourtant, elle avait réussi. Avec de la force et de la détermination, on peut toujours trouver une issue.
« Les gros poissons, tu les pêches avec de la patience… »
« Arrête de t'énerver contre moi, j'y suis pour rien je te signale » Jackson expire lourdement. Il sait qu'Elizabeth a raison - autant sur le fond que sur la forme - et que le ton qu'elle prend pour lui répondre n'est que le miroir de celui sur lequel il s'adresse à elle mais cela ne l'empêche pas d'être tout bonnement exaspéré. D'elle, de la situation, de l'avancée en dents de scie de leur enquête, des conditions dans lesquelles se joue cette chasse sous-marine, de lui-même et de sa mémoire en gruyère qu'il déteste de ne pas récupérer aussi vite qu'il le souhaiterait.
Il reprendrait bien un peu de vin histoire de s'aider à décompresser mais l'idée de demander un verre en remplacement de celui qu'il a volontairement brisé le dissuade. Jax ne donnera pas à la brune des raisons de le toiser avec cet air de " je te l'avais bien dit " qui lui hérisse le poil. Il doit déjà composer avec ses tentatives de le raisonner quand la seule chose qu’il souhaiterait est de faire sortir toute cette tension de son être. Jackson n’est pas intéressé par la justesse des propos que lui tient la directrice de la programmation. Sa fougue n’a que faire du raisonnable. Des mois qu’il est sage, qu’il ferme sa gueule et qu’il attend, avalant de la paperasse jusqu’à l’indigestion alors que son job n’a jamais été de se convertir en bureaucrate. La coupe est pleine. L’agent ne supporte plus la lenteur à laquelle vont les choses, chaque minute qui passe est une torture pour ses nerfs à vif. Ils ont suffisamment observé, suffisamment déduit, suffisamment conspiré ...
À quoi bon si jamais ne vient la mise en pratique ? Le fait d'avoir regardé Hoover dans le blanc des yeux avant de lui taper dessus laisse un goût de trop peu dans son esprit vindicatif. L'agent regrette de ne pas avoir frappé plus fort, de ne pas avoir mis fin au problème de manière radicale en envoyant leur ennemi au cimetière. Mills a besoin d’action car c’est dans l’action qu’il se sent le plus utile et le plus efficace. Son corps musculeux n’est pas fait pour rester assis sur une chaise à attendre que les choses se passent ; son tempérament enflammé pas fait pour regarder passer le train sans tenter de l'attraper au vol. S’il ne peut attaquer frontalement, il va devoir trouver un exutoire plus concluant que la boxe car c’est un fait : Jax se sent sur le point de déborder.
« Les gros poissons, tu les pêches avec de la patience … »« Écoute. » Tranche-t-il sans détour. Ses cent pas se stoppent tandis qu’il fait face à Elizabeth dont il peut lire la volonté de calmer le jeu en se rapprochant de lui physiquement. Il puise dans ses réserves afin de faire un effort, de ne pas l’envoyer chier sans autre forme d’explication. « T’essayes sûrement de m’aider, là, mais c’est pas de leçons stratégiques dont j’ai besoin. » Jax est excédé. Se faire dicter sa conduite et sermonner ne sert qu’à amplifier le sentiment de frustration auquel s’ajoute la détestable impression d’être pris au piège. Au piège de son amnésie, au piège de l’anonymat du PSI et au piège de ce pacte que Warren et lui ont passé sans que l’agent se soit imaginé, au moment de le conclure, que cela lui imposerait d’avoir à supporter les critiques de la brune sur ses façons de faire.
Par réflexe, Jax se passe une main sur le visage. Il cherche à chasser les tourments de son esprit ainsi qu’à se recadrer les idées, mais la présence du coquard sous ses doigts ne fait qu’ajouter un élancement de douleur à l’amoncèlement de ses contrariétés. Un grognement lui échappe tandis qu'il s’éloigne en direction de la salle de bain. Se passer de l’eau froide sur la face lui fera peut-être plus de bien, calmera peut-être la pression qu'il peut sentir pulser autour de son œil, là ou l'œdème recycle sa tension artérielle en chaleur lancinante. Mills s’attèle à la tâche avec application avant de constater, à travers le miroir surplombant le lavabo, qu’Elizabeth se tient dans l’encadrement de la porte. Après l’avoir fixée et détaillée en silence, l'agent finit par se retourner. « J’ai rien de plus à t’apprendre concernant cette affaire pour le moment. » Comme elle, Jax attend la suite. Depuis la veille, son téléphone le suit partout dans l’attente du coup de fil de ses collègues. « Es-tu disposée à changer de sujet ? »Ou j'me casse avant que ça dégénère. Ça se lit entre les lignes de son silence et des muscles de son cou si contractés qu'une veine se distingue sous sa peau noire.
« T’essayes sûrement de m’aider, là, mais c’est pas de leçons stratégiques dont j’ai besoin. »
S’il cherchait à distribuer des coups de poings à droite et à gauche, en dehors d’un ring, alors si. Mais elle se contenta de le penser. Cela dit, c’était quasiment certain que Jackson pouvait lire la désapprobation dans le regard d’Elizabeth. Elle n’avait jamais été très douée pour cacher ça. Ou vu le talent qu’elle avait à dissimuler tout ce qui pouvait se passer en elle, c’était sans doute car elle n’en avait pas envie dans le fond. Le jugement coulait en elle comme son sang dans ses veines. Cadeau de Maman Warren. Mais Elizabeth avait fini par accepter qu’on héritait forcément de quelques traits de caractère de nos parents, malgré nous, et qu’il valait mieux l’accepter que de se détester de quelque chose qui ne dépendait pas réellement de soi.
Jackson passa sa main sur son visage. Il essayait certainement de se réancrer dans le présent, son esprit parti visiter tous les dossiers présents dans sa tête en rapport avec Hoover. Jackson devenait littéralement obsédé par tout ça…On ne pouvait pas lui reprocher, c’est clair, mais le problème c’est que cela venait obscurcir son regard de la situation et les décisions qui en découlaient. Comme celle qui lui avait amené cette marque douloureuse sur l’œil. Il grogna, un son guttural profond et intense. Cela envoyait toujours automatiquement une session de frissons à Elizabeth. Et comme un aimant, elle le poursuivit dans ses mouvements. Elle n’avait mis absolument aucune réflexion dans son déplacement car sinon elle aurait réalisé que le laisser souffler seul aurait été probablement la meilleure décision. Mais l’inconscient d’Elizabeth n’avait pas peur du danger. Elle s’était toujours dit qu’un jour cela l’amènerait à des situations vraiment dangereuses mais elle avait toujours réussi à se modérer ou quand elle n’y arrivait pas, à s’en sortir. Comme quelqu’un qui attend toujours le dernier moment pour rendre un dossier et qui ne reçoit aucun mauvais commentaire, voire même au contraire. Elle savait qu’elle avait des capacités sur lesquelles se reposer et cela l’électrisait de recevoir sa dose d’adrénaline. Du moins, c’était plus prononcé qu’avant même si elle avait toujours eu un sacré caractère et de l’ambition qui l’avait amenée à manifester plus d’une fois du culot et à sentir des ailes lui pousser. Mais depuis quelques temps, elle se demandait si peut-être elle ne recherchait pas sans le savoir des situations délicates à gérer pour se sentir vivante. Incarner un Phoenix, en renaissant littéralement de son propre cadavre. Après tout, c’était un peu ce qui c’était passé pendant sa dépression. Sentir le vide, la mort en soi, et revenir de ça. Cela lui avait apporté une sensation de pouvoir. Un autre type de pouvoir que celui qu’elle pouvait si facilement avoir dans le cadre de son travail. D’ailleurs, en y réfléchissant bien, ce penchant pour le danger c’était accentué depuis la fin de cette époque de profonde tristesse. Et cela la ramenait de nouveau à cet homme en face d’elle. Et si tout était lié à lui ? Elle se tint près de l’encadrement de la porte de la salle de bain, fixant Jackson et le laissant la fixer en retour.
« J’ai rien de plus à t’apprendre concernant cette affaire pour le moment. »
Pas sûr que ce soit réellement le cas mais elle sentait bien que ce n’était pas le moment pour gratter d’autres informations.
« Es-tu disposée à changer de sujet ? »
Elizabeth continua de scruter Jackson, en silence. Elle prit en considération sa demande. Et une partie d’elle voulait y répondre favorablement en changeant de sujet, en parlant de quelque chose de plus léger. Vraiment. Mais une autre avait envie de venir le taquiner. Le provoquer.
« Tu devrais envisager de prendre carrément une douche pour te rafraichir les idées. Tu en as bien besoin après tout »
Elle ne bougea par son regard défiant. Elle était prête à réagir à toute éventualité. Etait-ce une forme de vengeance pour avoir vécu cette scène violente qui avait terminé dans la disparition de deux verres de vin hors de prix ou bien une façon de recevoir encore une dose d'électrisation ? Ces deux-là étaient décidément insupportables. Leurs entourages étaient à plaindre.
C'est flagrant et subtile à la fois. Silencieux et pourtant criant d'évidence : Elizabeth se positionne face à un dilemme intérieur. Ce silence immobile, ce regard jugeant, cette attitude passive-agressive qui irrite Jackson parce qu'elle vient se heurter à son impulsivité, à son savoir-faire incomparable lorsqu'il s'agit de provoquer le conflit plutôt que de l'éviter comme le fait sournoisement la directrice depuis des semaines chaque fois qu'il manifeste un peu trop de mauvaise humeur ... L'agent reste sur ses gardes et il fait bien car Warren penche finalement du côté de la mesquinerie. « Tu devrais envisager de prendre carrément une douche pour te rafraichir les idées. Tu en as bien besoin après tout. » Jax lève le menton, la regarde par-dessus son nez duquel pourrait sortir de la fumée s'il était un dragon incendiaire. Elle le cherche ! Il répond à son invitation, se présente chez elle malgré sa gueule balafrée qui - il le savait - allait lui valoir des remarques désagréables, partage le peu d'informations dont il dispose au risque de relancer la machine de sa propre frustration et tout ce qu'Eli trouve à faire est de mettre de l'huile sur le feu.
Il n'en faut pas plus à Jackson pour devenir un sale con. Provoquant, il se rapproche de la brune, torse bombé d'orgueil, le regard parasité du même genre d'étincelles que celles annonçant la foudre. « C'est si gentiment proposé ... » Répondit-il de son ton le plus hypocrite, ses doigts se refermant sans plus attendre sur l'ourlet de son pull qu'il retire d'un geste assuré. Le t-shirt vient avec, Mills jette au sol ses vêtements puis s'attaque à la boucle de sa ceinture. Son regard soutient celui d'Elizabeth qu'il met à présent au défi de ne pas ciller, de ne pas dévier sur le miroir qui, derrière lui, reflète les courbes de sa nudité quasi totale lorsque le pantalon lui tombe sur les chevilles. Jax marche alors sur les talons de ses chaussures, retire chaussettes et boxer avec l'habitude du sportif prenant tellement de douches qu'il n'a plus besoin de regarder ce que font ses mains pour se foutre à poil.
Seulement vêtu de son insolence, l'agent offre un sourire narquois à la propriétaire des lieux avant de tourner les talons puis de se diriger vers la douche dont il ouvre la porte comme s'il était chez lui. Outre le fait qu'exaspérer Elizabeth par son comportement puéril lui procure un semblant de soulagement dans son besoin viscéral de vengeance, Mills doit bien reconnaître que la morsure du jet sur sa peau a le mérite de le distraire suffisamment pour calmer ne serait-ce que temporairement son agacement. En quelques secondes, l'eau passe du froid au chaud, lui permettant de se mouiller complétement et d'offrir sa nuque à la purge. Encore une fois, il ne réfléchit pas, se précipite dans les ressentis immédiats pour tenter de canaliser ses émotions difficilement contrôlables depuis le temps qu'on l'exhorte à rester calme, à prendre sur lui, à donner la patte bien comme il faut sans jamais montrer les crocs.
It's music time baby: https://www.youtube.com/watch?v=FN_mPSg_jk0
Jackson la fixa droit dans les yeux, ses deux billes incandescentes, prêtes à s’enflammer à chaque seconde qui s’écoulait. Est-il vraiment nécessaire de préciser que ce que l’on pouvait y lire dedans, ce n’était que de la fureur, prête à tout ravager ? Elizabeth ne pouvait pas s’en empêcher mais ce qu’elle ressentait, c’était bel et bien de la fierté. Etait-ce une façon sournoise de se montrer qu’elle pouvait encore avoir le dessus sur lui ? Une espèce de combat d’egos entre bêtes sauvages ? Ou peut-être tout simplement deux âmes blessées qui cherchaient à se raccrocher à ce qu’elles pouvaient…
« C'est si gentiment proposé ... »
Et d’un geste net, il retira son pull. Le t-shirt ne fit qu’un avec, laissant à découvert son torse délicieusement façonné. Allait-il réellement faire preuve d’une telle indécence ? Elizabeth n’en croyait pas ses propres yeux. Elle s’attendait plutôt à voir un Jackson révolté, poussé à bout, prêt à partir de cette pièce et de cet appartement. Mais elle devait savoir depuis le temps qu’il n’était pas du genre à fuir un combat. Sa surprise n’était que le résultat d’une sous estimation de son adversaire. Quelle erreur…Alors qu’elle entendît le bruit de la boucle de ceinture qui se défait, elle sentit son bas ventre se resserrer. L’expectative de ce qu’il était sur le point d’arriver, de ce qu’elle allait de nouveau voir, était l’équivalent d’une douce torture. Quel Diable…En tous cas, il en avait déjà une belle de queue, il ne manquait plus que les cornes. Elle savait très bien qu’elle devait tenir bon, qu’elle ne devait pas céder à cette provocation. A son tour, elle devait faire une démonstration de force.
Jackson poursuivit son objectif, s’allégeant de tout ce qui pouvait recouvrir la partie basse de son corps. Oui, tout. Et en plus, avec une telle habileté. Il avait à peine besoin de regarder ce qu’il faisait pour le réaliser. Il ne faisait qu’un avec ses gestes, à l’image d’un agent bien entrainé et précis. Il n’était désormais muni que de sa nudité et de son impertinence. Et quel homme…L’observer dans sa primitivité, dans son attirail le plus simple, était toujours aussi plaisant, qu’elle le veuille ou non. Jackson était la force et la masculinité incarnées. Rajoutez à cela de l’audace et comment est-ce qu’Elizabeth aurait pu lui résister ? Il fallait qu’elle se pardonne d’avoir terminé dans les griffes de ce prédateur. Peu importe la façon dont leurs chemins s’étaient croisés, ces deux-là avaient été crées pour se rencontrer.
Des éclairs traversèrent les yeux d’Elizabeth. Elle aussi aurait été capable de le foudroyer en un regard si un tel pouvoir existait réellement. Jackson n’en tenu absolument pas compte et pénétra dans la douche de la directrice. Elizabeth n’avait pas bougé d’un iota. Elle n’avait pas prononcé un mot. Elle n’avait pas émis un seul gémissement, bien que ceux-là ne demandaient qu’à sortir. Les seuls éléments lisibles sur elle étaient l’accélération de sa respiration et si l’on était suffisamment prêt d’elle, la dilatation de ses pupilles.
D’ailleurs, elle ne manqua pas de se régaler de la vue. L’envie de le rejoindre la démangeait. Non, elle ne serait pas celle qui cède. Mais que faire ? L’idée de sentir ce corps de nouveau contre elle, de sentir ses mains parcourir chaque surface...Tout cela allait la dévorer. Elle se pinça les lèvres. Jackson prenait volontairement son temps, attendant sans doute qu'elle le rejoigne afin de lui montrer qu’il pouvait la faire perdre à son propre jeu à n'importe quel moment. Et il y avait sans doute du vrai là dedans mais il était hors de question qu'il le sache. Elle avait bien conscience d’être l’initiatrice de cette situation. Elle se devait d’assumer. Sinon qu’est-ce que cela ferait d’elle ? Une chienne qui accourt dès que Jackson agite son bâton magique ? C’était peut-être dur comme image mais c’était bien ce qu’elle pensait. Elizabeth était une femme dure. Et sa fierté serait sans doute sa perte.
Des frissons la parcoururent et elle sentit ses pieds exprimer l’envie claire de se déplacer. Il fallait trouver une alternative. De suite. Alors, elle se déplaça de la porte jusqu’au bord du meuble dans lequel se trouvait le lavabo, celui qui faisait face à la douche, pour s’y asseoir sur le bord. Elle portait un pantalon en soie que l’on resserre à la taille avec un nœud. Elle défit ce nœud, ce qui permettait plus de flexibilité puis elle écarta légèrement les jambes et glissa délicatement sa main à l’intérieur. Jackson ne pouvait qu’apercevoir les mouvements de sa main mais avec un tissu comme barrière, et les conséquences qui découlaient de l'agilité de ses doigts de féline sur son visage. Cette fois-ci, les gémissements pouvaient enfin sortir. Elizabeth mit un point d’honneur à fixer Jackson. De toute façon, il était clairement l’objet de son excitation, il était donc inutile de tenter de le dissimuler. Elle ne tarda pas à accélérer son tempo. Le but était avant tout de se soulager et bien entendu de provoquer de nouveau Jackson. Elle crispa sa main sur le bord du meuble pour se stabiliser dans les tremblements qui l’envahissaient. Les gémissements se transformèrent en un son guttural et intense, limite un cri qui provenait des tripes. Le message était clair.
Elle ressortit sa main et refit le nœud de son pantalon. Puis elle se mit de dos face à Jackson pour pouvoir accéder au lavabo et se lava les mains. Elle les essuya tranquillement sur une serviette. Elle prit cette même serviette et la mit à la place de celle qui se trouvait sur le crochet disponible juste en sortant de la douche.
« T’as raison, tu devrais m’écouter plus souvent »
À peine commence-t-il à se détendre que l'attitude d'Elizabeth de l'autre côté de la vitre séparant la douche du reste de la salle de bain attire son attention. Jax s'attendait au mieux à ce qu'elle le rejoigne et vienne l'aider à relâcher la pression, au pire à ce qu'elle lui dise d'aller se faire voir en claquant la porte derrière elle. Cette deuxième option, à défaut de le vider de sa frustration, aurait au moins eu le mérite de lui faire savoir qu'ils étaient désormais deux à ronger leur frein. Mais ce qu'il voit de formes approximatives derrière la buée tend à démentir cette hypothèse.
Warren ne semble pas disposée à s'encombrer de tensions inutiles. Provoquante, la voilà qui s'assied sur le meuble du lavabo. Mills pense avoir mal vu lorsqu'elle défait le nœud de son pantalon. Ce n'est pourtant pas le cas. Interdit, l'agent sent l'eau lui descendre le long du dos tandis que sa verge s'étire malgré lui en direction du plafond. Quelle garce ! L'agent serre les dents, pris à son propre jeu, tâchant de rester indifférent sans toutefois pouvoir contrôler cette partie là de son corps qui n'en fait qu'à sa tête. Quand les gémissements de la directrice se transforment en cris de plaisir, Jax tourne le robinet d'eau froide. La morsure glacée sur sa peau brûlante de désir contracte ses trapèzes, donne aux muscles de son dos des spasmes qu'il réprime afin de paraître le moins réceptif possible au petit jeu d'Elizabeth.
Tandis qu'elle se lave les mains, son orgueil et son envie se foutent sur la gueule. La seconde voudrait qu'il sorte de cette maudite douche afin d'intercepter la brune avant qu'elle ne quitte la pièce ; le premier refuse tout net de perdre à ce petit jeu d'ego. « T’as raison, tu devrais m’écouter plus souvent. » La prochaine fois, se dit-il, Jackson trouvera de quoi la faire taire. Elle lui a déjà prouvé qu'elle aimait ça, avoir la bouche pleine ... De mauvais poil, l'agent attend d'être seul pour s'extraire de sa cage, s'emparer de la serviette encore humide des mains de la brune et s'essuyer. Il quitte la salle de bain après s'être rhabillé à la hâte et traverse le salon sans un regard pour la propriétaire des lieux, mécontent de se sentir à l'étroit dans son boxer. Sa poigne est brusque lorsqu'il s'empare de la poignée de la porte d'entrée. « Tu chantes faux. » Lance-t-il en guise d'au revoir.
La nuit risque une fois de plus d'être longue pour l'agent qui repart de chez Warren plus irrité qu'il ne l'était en arrivant. L'ambiance lundi aux bureaux de la ABC risque d'être électrique ...