Ma main glisse lentement sur la cuisse de Gabrielle, tandis que mon regard, lui, plonge dans ses iris toujours aussi envoûtantes. Lui offrant un doux sourire, je sers gentiment son genou puis me penche vers et, attrapant son menton, je lui vole un baiser. « Merci de m'accompagner aujourd'hui» souriais-je en lui caressant la mâchoire avec mon index « ça signifie beaucoup pour moi» car c'est ainsi, avec cette sortie sur le tapis rouge que je peux enfin d'officialiser mon couple avec la jeune avocate. « Tu vas voir, on va bien s'amuser» que je lui assure sur un ton sans équivoque.
Il ne faut pas plus d'une dizaine de minutes pour que la voiture se gare devant le tapis rouge et je sens, à mes côtés, comme Gabrielle se tend soudainement. «Respire » soufflais-je « et souris» je lui adresse un clin d'oeil « ça va bien se passer » dis-je encore avant d'ouvrir la porte. Le bruit des fans et le cliquetis des appareils photo sont assourdissants et éblouissants, mais j'ai l'habitude. D'une main, je ferme mon costard, de l'autre je salut le publique comme j'ai l'habitude de le faire avant de me pencher et tendre la main à Gabrielle, l'invitant, avec un sourire rassurant, à sortir de la voiture.Il ne faut pas plus d'une dizaine de minutes pour que la voiture se gare devant le tapis rouge et je sens, à mes côtés, comme Gabrielle se tend soudainement.
C'est donc un réel soulagement qui me prend lorsqu'elle se penche, non pas pour refermer la porte, mais pour attraper la main que j'ai toujours tendue. Tel le gentleman que je suis, je l'aide à sortir de la voiture et lorsqu'elle apparaît enfin, le crépitement des appareils photo et hurlement des gens agglutinés contre les barrières s'accentuent davantage encore. Je referme la porte de la voiture qui s'en va précipitamment puis entraîne Gaby le long du tapis rouge, posant avec elle pour les photographes, répondant aux quelques questions qu'on me pose et signant quelques autographes au passage.
Toute cette manœuvre dure à peu près 10 minutes et lorsque nous entrant dans le cinéma, les portes se referment derrière nous et le bruit devient plus sourd. Sans perdre mon sourire, j'attrape Gabrielle par les hanches et dépose un baiser sur sa tempe « Pour une première apparition, tu étais parfaite » lui assurais-je avant de l’entraîner derrière moi.
2019. Elle s’est apprêtée pour l’occasion, revêtant une robe de circonstance quand Andrew lui a signifié à quel point cette soirée était importante pour lui. Elle a compris qu’il s’agissait de la première projection de son film et a sûrement été un peu plus distraite sur d’autres détails, quand il est venu lui en parler alors qu’elle était concentrée sur son cas actuel. Gabrielle est donc à présent dans la voiture à ses côtés qui les guidera à cette soirée et lorsqu’il glisse une main sur sa cuisse, un sourire se dessine sur ses lèvres avant qu’il ne vienne lui subtiliser un baiser « Merci de m'accompagner aujourd'hui (…) ça signifie beaucoup pour moi» « Naturellement, Andrew » Parce qu’elle se doute que, comme à chaque première projection, l’appréhension doit être présente et ainsi, d’avoir un peu de soutien, ne lui fera pas de mal. « Tu vas voir, on va bien s'amuser» « Il y a aura du vin ? » demande-t-elle amusé, son regard se voulant joueur avant qu’elle ne tourne légèrement la tête de gauche à droite, lui subtilisant à son tour un baiser. « Si c’est le cas, effectivement, on va bien s’amuser » Ce n’est un secret pour personne, le vin est la grande faiblesse de la Strange.
Ils approchent alors du lieu de rendez-vous et, peu à peu, Gabrielle semble comprendre qu’ils ne passeront pas par la petite porte. Du moins, pas elle. Que l’acteur pose pour les photographes ne lui posent aucun problème, elle sait qui il est et sa réputation, mais être celle qui se montre à ses côtés sous les centaines de flashs éblouissants des photographes n’est pas du tout quelque chose qu’elle souhaite. Elle devient plus silencieuse, son air se renfrogne davantage et Andrew le ressent certainement «Respire (…) et souris» Elle trouve son regard, inexpressif alors qu’au fond d’elle, une certaine amertume commence à naitre. Ce n’est pas ce qu’elle avait compris, et elle est persuadée qu’il a omis de lui parler de ce détail. « ça va bien se passer » Gabrielle n’en doute pas quand elle n’a d’autres choix, après quelques secondes de réflexion, de se saisir de sa main pour sortir de la voiture. Loin d’être du genre à faire une scène en public – leur apparition étant déjà bien suffisante – elle se prête au jeu mais il est certain qu’Andrew et elle auront une discussion après la soirée à ce propos.
« Pour une première apparition, tu étais parfaite » Elle se pivote pour trouver son regard « Ravie de l’entendre, surtout quand je n’étais pas du tout préparé » Et un sourire nait sur ses lippes, faux et forcé avant qu’elle ne vienne lui déposer un baiser sur la joue, qui l’est tout autant. Parce qu’elle lui en veut de lui avoir fait ce coup, de les avoir exposé de la sorte quand elle n’est pas certaine d’être prête pour une nouvelle relation, surtout avec un acteur qui, elle en est persuadée, de par sa profession, finira par partir également, du jour au lendemain.
Ils arrivent dans une grande salle, celle où sera projeté le film et Gabrielle observe les lieux et surtout les quelques regards qui se tournent vers eux. Une personne approche, la jeune femme revêt un sourire de façade à nouveau, se saisissant de la première coupe de champagne qu’on lui tend, laissant leur interlocuteur se présenter et laissant le soin à Andrew de la présenter également à celui-ci…
Est-ce que je m’en veux d’avoir fait vivre cette situation à Gabrielle ? Naturellement, d’autant plus lorsqu’elle me rappelle que je ne l’ai pas prévenu de ce qui l’attend. Toutefois, elle aurait pu s’en douter non ? Elle connaît un minimum le monde du cinéma et même si elle ne l’a jamais vécu personnellement, je ne pense pas qu’elle vive dans une grotte et qu’elle sait que lors d’une projection il y a le tapis rouge. Chaque humain habitant dans un pays avec accès à la télé et à internet sait ce qui se passe ici. Lorsque Gaby passe à côté de moi, j’ai un drôle de sentiment, mais décide de l’ignorer et la rejoint rapidement, entrant avec elle dans la salle de réception. Là, nous sommes très rapidement alpagués par de nombreuses personnes plus ou moins connues à qui je présente ma copine, échangeant sur des sujets plus ou moins intéressant. La projection du film se déroule parfaitement bien, la standing ovation de la fin prouve à quel point il sera un succès cinématographique et la suite de la soirée est placée sous le signe de la joie, la bonne humeur, le vin et les meilleures mignardises que je n’ai jamais mangées.
Il est minuit passé lorsque mon chauffeur nous dépose, Gabrielle et moi, devant la villa dans laquelle j’ai élu domicile depuis quelques années. Légèrement enivré par l’alcool, j’ouvre la porte et me tourne vers la jeune femme lorsque celle-ci entre derrière moi. J’avoue qu’avec l’euphorie qui m’anime encore maintenant je ne remarque pas son regard ni à quel point son visage est fermé et lui offre simplement un large sourire avant que je ne dépose un baiser sur ses lèvres. «Merci pour cette merveilleuse soirée. Tu l’as rendue encore plus douce et magique qu’elle ne l’aurait été de toute manière » souriais-je alors que ma main glisse sur sa hanche «Tu as été parfaite sur tous les points » lui assurais-je en l’attirant contre moi «Faut juste que t’apprenne à arrêter de froncer autant les sourcils » reprenais-je en passant mon index sur son front « ça ne fera qu’accentuer tes rides et ça rend pas trop bien sur les photos » je laisse échapper un rire puis l’embrasse à nouveau et la relâche avant de me reculer.
« Tu veux boire encore quelque chose ? Manger un truc ?» demandais-je en retirant mes chaussures et la veste de mon costard avant de me diriger vers le salon où je m’avance vers le bar. J’en sors une bouteille de whisky et me sers un verre avant de relever mon regard sur Gabrielle qui a quitté sa place dans le couloir pour rejoindre dans le salon « A moins que tu attende le dessert …» reprenais-je avec de nombreux sous-entendus, souriant avec malice.
2019. Bien sûr que Gabrielle savait à quoi s’attendre en sortant avec une star du cinéma. Cependant, elle ne s’attendait pas se retrouver sous les projecteurs avec une telle rapidité et sans y être prévenue. Voilà ce qu’elle lui reproche, voilà ce qui explique pourquoi, tout le long de la soirée, et malgré les sourires dont elle a su user pour ne laisser rien transparaitre devant les nombreuses personnes qui sont venues à leur rencontre, elle a été tout de même distante avec lui, trouvant dans le vin un certain réconfort et surtout un moyen de rester calme dans cette situation.
«Merci pour cette merveilleuse soirée. Tu l’as rendue encore plus douce et magique qu’elle ne l’aurait été de toute manière » Et elle est touchée en réalité que cela ai pu être le cas. Gabrielle n’a rien contre le fait de le soutenir dans ce qu’il fait, est ravie qu’il l’est convié à cette projection. Mais au-delà de ça, le fait qu’elle se soit sentie piéger en passant aux yeux de tous comme la petite amie d’Andrew Livingstone est la raison pour laquelle elle se ferme totalement désormais qu’ils sont seuls dans la villa de l’acteur. «Tu as été parfaite sur tous les points » Ils sont proches, elle sent la caresse de sa main sur sa hanche et pourtant, reste de marbre quand, d’habitude, elle se laisserait facilement séduire par son regard azur, et bien d’autres de ses atouts «Faut juste que t’apprenne à arrêter de froncer autant les sourcils (…) ça ne fera qu’accentuer tes rides et ça rend pas trop bien sur les photos » Gabrielle est silencieuse, bien trop silencieuse, ses sourcils ne se détendant pas au contact des doigts de l’acteur sur son front, encore moins encore face à la remarque de trop : celles des photos, celles pour lesquelles elle se serait passée de poser. Il l’embrasse, elle réagit à peine, le regarde s’éloigner alors qu’il lui propose « Tu veux boire encore quelque chose ? Manger un truc ? (…) A moins que tu attende le dessert …» Là encore, elle aurait pu se laisser séduire par sa malice, celle à laquelle elle aurait joint la sienne mais ce soir, il n’en est rien. Pour preuve, l’avocate est encore dans le couloir et ce n’est que lorsqu’il s’en rend compte qu’elle se mouve enfin pour le rejoindre dans la pièce à vivre, détachant délicatement une de ses boucles d’oreilles « Je n’avais pas signé pour ça, Andrew il n’y a aucun contrat entre eux, c’est une manière de parler pourquoi tu ne m’as pas prévenu ? Et je ne te dis pas ça parce que j’estime ne pas avoir choisi la meilleure robe ou parce que je n’étais pas suffisamment maquillée pour l’occasion elle en a strictement rien à faire des apparences je te dis ça parce que tu as décidé seul de nous montrer au grand jour » Et c’est tout ce qu’elle ne veut pas. « Tu ne penses pas que j’avais mon mot à dire là-dessus ? » Estime-t-il que du fait de sa notoriété, de la personne qu’il est, il peut décider pour eux deux ? Qu’elle est uniquement une poupée à son bras dont il peut user comme bon lui semble « Ce n’est pas ce que je veux » s’il ne l’avait pas compris.
Je sens que quelque chose cloche avec Gabrielle tant elle est distante malgré que nos corps soient proches et tant elle reste de marbre à mes caresses là où, en temps normal, elle aurait réagi positivement d’une manière ou d’une autre. Lorsqu’elle s’éloigne, je l’observe avec un certain étonnement, ressentant un léger stress pour la suite des évènements. Stress qui, je m’en rends rapidement compte, était tout à fait légitime quand elle reprend ne pas avoir signer pour ça. Fronçant les sourcils, reposant la bouteille de whisky avant même que le liquide n’ait pu remplir ne serait-ce qu’un doigt du verre, je me redresse et, le regard toujours fixé sur ma copine, je l’écoute attentivement.
Elle m’en veut d’avoir décidé seul pour de nous avoir montrer au grand jour. Je fronce les sourcils avant de laisser échapper un soupire en secouer la tête « Evidemment que t’as ton mot à dire mais … c’était logique, non ? Qu’en acceptant de venir à cette première avec moi tu te retrouverais sous le feu des projecteurs » je hausse les épaules « Enfin je sais pas moi, mais il était évident que je n’allais pas passer par derrière et que j’allais obligatoirement passé par le tapis rouge donc bon, même si je ne l’ai pas dit à haute voix, c’était toutefois fortement sous-entendu quoi»
Je pince un instant les lèvres « Et pourquoi ça te dérange tant que ça ? » demandais-je en inclinant légèrement la tête sur le côté « ça fait plusieurs mois qu’on est ensemble et jusqu’à preuve du contraire c’est plutôt sérieux entre nous donc le jour où on se montrerait en public était quand même très proche et était obligé d’arriver » je m’approche de la jeune femme « Est-ce que tu réagis comme ça parce que tu ne nous nous considère pas comme ‘sérieux’ ? » je ne suis même pas sûr d’avoir envie de connaître la réponse à cette question en vrai. Et si la réponse est positive ? Est-ce que cela voudrait dire qu’elle s’est simplement joué de moi ?
2019. « Evidemment que t’as ton mot à dire mais … c’était logique, non ? Qu’en acceptant de venir à cette première avec moi tu te retrouverais sous le feu des projecteurs » Logique pour lui, pas pour elle. Si effectivement, le tapis rouge était de rigueur, elle pensait qu’il l’aurait formulé à voix haute pour qu’elle l’y accompagne. Cela reste quelque chose de très officiel et à aucun moment, lorsqu’il lui a fait sa proposition, cela n’a été explicitement dit, faisant penser donc à Gabrielle qu’elle ne serait pas sous les feux des projecteurs avec lui. « Enfin je sais pas moi, mais il était évident que je n’allais pas passer par derrière et que j’allais obligatoirement passé par le tapis rouge donc bon, même si je ne l’ai pas dit à haute voix, c’était toutefois fortement sous-entendu quoi» « Oh, donc c’est moi l’idiote dans l’histoire parce que je n’ai rien compris ? Je devrais sûrement m’en excuser alors » fait-t-elle en haussant légèrement le ton, tout en gardant un calme assez perturbant dans ses gestes alors qu’elle détache sa deuxième boucle d’oreille et défait quelques-unes des pinces présentes dans ses cheveux. Qu’il ne comprenne pas ce qu’elle veut dire l’agace, qu’il ne cherche pas à voir où est le problème le fait tout autant quand pourtant, elle tente de ne pas s’énerver « Et pourquoi ça te dérange tant que ça ? » Gabrielle reste silencieuse, non pas parce qu’elle n’a pas de réponses à cela mais parce que cela la ramène à ses mêmes raisons qu’elle préfère occulter. « ça fait plusieurs mois qu’on est ensemble et jusqu’à preuve du contraire c’est plutôt sérieux entre nous donc le jour où on se montrerait en public était quand même très proche et était obligé d’arriver » Et à ce obligé, un léger rire s’échappe d’entre ses lèvres, un rire jaune quand il ne fait que renforcer là cette idée, celle qu’il y a une sorte de contrat implicite entre eux du fait de sa profession. « Est-ce que tu réagis comme ça parce que tu ne nous nous considère pas comme ‘sérieux’ ? » Et cette fois, le fait qu’il se trouve à proximité d’elle et qu’il lui pose cette question la fait se figer et se taire, prise au dépourvu. Son regard s’ancre dans le sien, comme si elle souhaitait qu’il lise dans son regard la réponse qu’elle n’a pas envie de prononcer à voix haute. Peut-être la comprend-t-il ne serait-ce que par son silence, peut-être qu’il entrevoit en tout cas une bribe de celle-ci, qu’elle tend à lui donner une fois que ce soupir passe la barrière de ses lèvres « Andrew… une pause nécessaire alors que son regard se veut plus doux, et sûrement désolé toi et moi passons de très bons moments ensemble. Vraiment. Mais je n’en suis pas à ce stade où je me dis que toi et moi c’est assez sérieux… pour que ce soit officiel une deuxième pose alors qu’elle préfère s’éloigner, les mots sortants sûrement plus aisément de la sorte et au-delà de ça, je ne suis pas sûre de vouloir de quoi que ce soit de sérieux parce qu’à chaque fois, cela se solde par un échec et que sa dernière relation a laissé bien trop de traces pour qu’elle s’autorise à nouveau à aimer. et si à tes yeux tu penses que c’est le cas… j’en suis désolée. Mais de mon côté, je n’en suis pas capable » Elle dresse des barrières invisibles autour d’elle, autour de son cœur, sûrement à tort, peut-être à raison mais elle fait comprendre à Andrew que cette officialisation n’avait pas lieu d’être parce que ses craintes à elle sont bien trop réelles, bien trop ancrées pour qu’elle accepte de se laisser porter à nouveau. Son regard est désolé, et si tout à l’heure elle était sur le point de prendre ses aises, finalement, elle est presque prête à partir, car elle sait que c’est ce qui lui demandera de faire. Et elle ne pourra lui en tenir rigueur.
Je retiens au dernier moment mes yeux avant qu’ils ne roulent au ciel lorsque Gabrielle se pose en victime en disant que je sous entends que c’est elle l’idiote de la situation et qu’elle devrait s’excuser. Bon dieu, ces femmes et leur manie de comprendre tout ce qu’on ne dit pas, m’exaspèrent réellement. «Ce n’est pas ce que j’ai dit Gaby » dis-je en posant ma voix correctement pour reste neutre et ne pas montrer à quel point elle a tort et décide de continuer sur un autre registre.
Je sais déjà maintenant qu’en évoquant notre couple et le sérieux de notre relation, que je m’engage sur une pente glissante. Et Gabrielle me le confirme avec un simple regard. Je la vois, cette lueur dans son regard et la douceur de son sourire désolé avant qu’elle ne commence à me dire que nous passons de bons moments. Instantanément, je baisse le regard et hoche la tête en me reculant, ayant presque envie de lui dire de se taire, de ne pas continuer car je la connais très bien la suite. Déglutissant, je la laisse toutefois continuer, m’expliquant qu’elle ne souhaite, pour l’instant, rien de sérieux et qu’elle est désolée qu’elle m’en ait donné l’impression.
« Non, c’est moi qui suis désolé» et trop con aussi répondais-je en me détournant pour déposer ma veste de costard sur la chaise « On aurait dû avoir cette conversation déjà bien avant » je me prend encore le temps de lisser un plie de la veste puis me dirige vers l’étagère. Ouvrant un tiroir, j’en sort une boîte dans laquelle je dépose un à un mes boutons de manchettes «J’ai sans doute été un peu trop naïf pour le coup, ou alors je suis vraiment trop nul pour lire correctement les signaux qu’on m’envoie » je laisse échapper un rire sans joie et referme délicatement la petite boite « Ou alors t’es juste trop bonne actrice pour avoir réussi à me faire croire que je valais quelque chose à tes yeux et que notre relation avait un futur » je soupire et me retourne vers la jeune femme en déboutonnant les deux premiers boutons de ma chemise « Dans tous les cas… on en reste là, c’est ça ?» demandais-je avec un pincement au cœur, me rendant réellement compte à quel point je tiens à Gabrielle et combien mes sentiments pour elle sont sincères.
2019. La colère n’est plus de mise. Elle l’était, il y a encore quelques minutes, quand elle a eu l’impression d’être prise au piège par Andrew en officialisant leur relation devant les objectifs des photographes à cet avant-première. Il a peut-être pas tort après tout, Gabrielle aurait pu se douter que ça finirait par arriver, surtout en sortant avec un grand nom du cinéma. Surtout, c’est de la culpabilité qu’elle ressent quand elle estime qu’elle aurait dû être plus clair avec Andrew, au lieu de lui laisser penser qu’elle était disposée à une quelconque relation avec lui. Il n’a rien à se reprocher, a été parfait à chaque instant… mais son cœur n’est pas prêt à aimer à nouveau. Elle se l’interdit, la dernière fois lui ayant cruellement servi de leçons et son esprit et son cœur à la fois sont bien trop chamboulés encore pour laisser la place à quiconque. « Non, c’est moi qui suis désolé (…) On aurait dû avoir cette conversation déjà bien avant » « J’aurai dû, surtout, être plus honnête avec toi, dès le début… » surenchérit-t-elle à regrets alors que son regard est attiré par les gestes qu’il entreprend avec minutie «J’ai sans doute été un peu trop naïf pour le coup, ou alors je suis vraiment trop nul pour lire correctement les signaux qu’on m’envoie (…) Ou alors t’es juste trop bonne actrice pour avoir réussi à me faire croire que je valais quelque chose à tes yeux et que notre relation avait un futur » Gabrielle pourrait s’offusquer face à une telle accusation mais comment le pourrait-t-elle quand il a sûrement raison ? Elle s’en veut, ce n’est pas du tout ce qu’elle souhaitait, encore moins le faire souffrir, quand jamais ô grand jamais elle ne veut faire ressentir à quelqu’un ce qu’elle a pu ressentir, elle, quelques mois plus tôt « Dans tous les cas… on en reste là, c’est ça ?» Un silence s’installe, quelques secondes, un silence nécessaire quand elle semble en avoir besoin pour donner sa réponse. Non pas qu’elle ait des doutes, mais c’est surtout la difficulté de dire à nouveau au revoir à quelqu’un, de se retrouver dans une situation similaire qui l’a replonge dans des souvenirs douloureux « Je suis désolée, Andrew… » Et malgré tout, elle s’approche de lui, vient à le stopper dans ses gestes pour qu’il lui porte encore quelques secondes d’attention avant qu’il ne lui indique sûrement la direction de la sortie, gardant sa main dans la sienne « Ca ne veut pas dire que je n’ai pas été bien à tes côtés tout comme ça ne veut pas dire que tu n’es pas une bonne personne… elle lui dessert un discours qu’il serait tout en droit de lui rejeter en pleine figure, tant il s’apparente à un c’est pas toi, c’est moi. Je ne me suis pas jouée de toi et pour ce que ça vaut, je tiens à toi, Andrew… Mais… elle marque une nouvelle fois une pause, car elle n’est pas à laisse avec le sujet, est sûrement maladroite, peu encline à l’exercice. Mais si elle marque ce temps d’arrêt, c’est surtout pour mieux reprendre son souffle quand ce qu’elle s’apprête à dire n’est pas aisé à confesser pour elle je ne suis pas prête parce que la fin de ma précédente relation a été douloureuse. Et je ne suis pas prête à revivre ça… A me risquer d’aimer à nouveau ». Elle ne cherche pas à faire sa plaidoirie, elle ne cherche pas à ce qu’il la comprenne ou ait pitié d’elle. Pour ce que ça vaut, Gabrielle juste à lui expliquer les raisons de son comportement… et le dédouaner d’une quelconque responsabilité. « Je suis désolée… » réitère-t-elle en ayant ce geste tendre à son attention, sa main trouvant pour la dernière fois sa joue, qu’elle caresse subtilement.
« je suis désolée » la pire phrase qu'une personne puisse nous dire lorsque nous évoquons la relation amoureuse dans laquelle nous étions et qui annonce la fin sérieuse de celle-ci. Je ferme les yeux lorsque la jeune femme s'approche pour poser sa main sur mon bras et me stopper dans mes gestes. Relâchant la boîte dans laquelle se trouvent maintenant les boutons de manchettes, je déglutis et pince les lèvres, essayant de faire appel à mes talents d'acteur pour cacher mes réelles émotions aux yeux de la jeune femme, mais je me rends très rapidement compte que ça ne sert à rien. Malgré que notre relation est toute récente, Gabrielle a très rapidement su me percer à jour et je ne peux, et ne veux, pas lui mentir.
La suite de ses paroles et un discours en mode « ce n'est pas toi, c'est moi », que j'écoute malgré tout avec attention. Elle m'annonce que malgré tout elle était bien avec moi et qu'elle ne s'est pas jouée de moi, mais qu'elle ne peut pas envisager d'avoir une relation sérieuse avec quique ce soit après que celle avec son ex se soit finie d'une manière qui lui à briser le cœur. M'humectant les lèvres, je hoche doucement la tête pour essayé de reprendre contenance et fini par relever mon regard sur la jeune femme. « Je n'ose même pas imaginé ce qu'il a put te faire pour que tu n'y arrive plus » soufflais-je avec un petit sourire compatissant, avant de soupirer doucement et hausser les épaules « C'est comme ça hein, que veux tu. C'est la vie, comme on dit »
je me passe une main sur le visage, me masse un instant la paupière droite avant de me redresser. «C'est dommage. Vraiment dommage. J'aurais bien aimé que ça ...Que nous continuions, tous les deux. Mais je ne peux et ne veux pas t'imposer quoique ce soit » dis-je en me reculant légèrement pour me défaire de la main que Gabrielle a toujours posé sur mon bras « Tu peux y aller maintenant» soufflais-je en déviant à nouveau le regard « Ou alors tu restes pour boire un dernier coup entre amis» ajoutais-je même si, dans le fond, je préférerais qu'elle choisisse la première option. Et connaissant Gabrielle, je pense que c'est ce qu'elle fera.
Et c'est effectivement l'option qu'elle choisi. Après un dernier regard, un dernier sourire désolé et un dernier soupire qui montre à quel point elle aurait, elle aussi, préféré finir la soirée, elle se détourne et, lorsqu'elle passe la porte, je me rends compte que c'est sans doute la dernière fois que je la reverrais.
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