Un samedi matin de novembre au St-Vincent. Quelques bénévoles de l'association se sont réunis en prévision du repas de Noël organisé par le pôle hospitalier. Il faut dessiner les plans de table, créer les décorations et prévoir les repas. Jackson, en sa qualité de président, supervise et participe aux opérations en l'absence d'Isaac. Après avoir accueilli et expliqué à ses fidèles soldats le but des différents ateliers mis en place dans la grande salle que leur prête l'établissement, il prend place à une table et commence à bricoler en compagnie de son amie Judy. Une relation particulière unit ces deux survivants que la mutation de Joy est venue renforcer. Ils ne sont plus que deux sur les trois du début. Mills a repris le travail et Chapman continue son suivi dans les différents services, bien que son état global se soit nettement amélioré depuis la création de l'association. Les mois passent, les temps changent mais tous deux sont impatients de partager leur premier Noël ensemble. Contrairement à 2021, cette année, Jax s'est fait la promesse d'être présent.
« Qu'est-ce que t'attends ? » Il laisse échapper un claquement de langue, sourcils froncés de contrariété. Judy commence à lui courir sur le haricot avec son harcèlement. « Que tu me lâches les baskets. » L'ado soupire, exaspérée. « Je ne te comprends pas, Mills. » Son ton est grave, assez pour que l'agent prenne sur lui et la laisse continuer. Judy sait comment attirer son indulgence. Jax n'arrive pas à se fâcher contre elle, quoiqu'elle fasse, même lorsqu'elle se prend pour sa mère. « Elle a tout pour plaire, non ? Tu ne me feras pas croire qu'il ne s'est rien passé entre vous, j'ai vu son regard changer depuis le marathon. Ça fait trois mois que t'es rentré et rien ne bouge ! »« Depuis quand t'es devenue sa première fan ? » La pique-t-il pour dévier la conversation. Jackson refuse de parler de sa vie privée avec cette gamine. Avec quiconque d'ailleurs. Même Louisa peine à lui soutirer de l'information ... Ça marche, Judy se vexe et lève le nez en signe de condescendance. « Depuis que j'ai compris que tu n'étais pas un homme pour moi. » Mills marque un temps d'arrêt dans son collage de paillettes. Il observe Chapman d'un air interloqué. Cette dernière le défie du regard puis finit par pouffer, ce qui entraîne l'agent à la suivre dans un fou-rire idiot. Bien sûr que Judy est amoureuse de son héros, mais tous deux savent que cette relation fraternelle ne deviendra jamais rien d'autre et c'est très bien comme ça. Passant l'éponge sur la trop grande curiosité de l'adolescente, Jax lui jette une guirlande au visage et reprend son bricolage. Ils créent les couronnes de Noël qui seront suspendues aux portes des patients du service de pédiatrie lorsqu'arrivera le mois de décembre.
Dehors, le soleil est radieux. Ses rayons traversent les fenêtres et viennent réchauffer les bénévoles à l'œuvre. Au fur et à mesure que la matinée avance, des gens partent et d'autres arrivent, créant un flux tendu de petites mains productives. Vers 11h, Jackson décide d'aller faire le plein. Jus de fruits, café et snacks en tous genre sont à disposition des bénévoles, en contrepartie de leur temps. Les bras chargés de victuailles, il revient dans la salle et constate que quelqu'un a pris sa place aux côtés de Judy. La blondeur de Sofia chatoie au soleil, incitant l'agent à rester en retrait pour observer la scène. Cette couleur a beau lui aller comme un coeur, il trouve à la kiné un air fatigué et triste qui lui pince le cœur. Lorsqu'elle capte son regard, Chapman stoppe la conversation et se lève pour le rejoindre. « Je m'occupe de ça, prend ma place. » Mills l'accable d'une œillade accusatrice. Petite garce qui profite de la situation pour le clouer sur une chaise en tête à tête avec Shaw alors qu'il évite soigneusement de se retrouver seul en sa compagnie depuis le retour de Marley et de tous les problèmes que cela représente. Mills ne veut pas compliquer la situation. Tout est déjà si embrouillé dans son esprit, il n'a pas besoin de rajouter une couche de prise de tête à toute cette merde, encore moins d'entraîner la kiné dans sa chute. « Traître. » Grince-t-il entre ses dents, à la seule attention de Judy qui lui sourit et s'empare des victuailles pour mieux aller les distribuer aux autres. Sauvant un paquet de chips et une canette de coca, Mills prend place aux côtés de Sofia. Il n'a d'autres choix que de faire face à la situation.
« Hey. » Lance-t-il, n'osant pas la toucher là où ils avaient jadis pour habitude de s'offrir des accolades en guise de bonjour. « Tu bosses pas aujourd'hui ? » Sofia et son planning incompréhensible. Jackson la sait très investie dans différentes causes, toujours en train de s'activer à droite et à gauche pour combler le vide de sa vie privée. Un vide qu'il a lui-même rempli au printemps passé, alors qu'ils s'entraînaient deux fois par semaines ensemble pour le marathon. Mais, depuis sa réintégration, Jackson n'a plus le temps d'aller à la salle de sport. Il continue la boxe, tôt le matin et la course, le plus souvent de nuit. Le reste du temps, il est au QG du projet Epsilon, à traquer les terroristes ayant bien failli faire de l'inauguration de l'association un jour funeste. L'agent n'a bien évidemment parlé à personne de cette information brûlante mais la mission sur laquelle planche actuellement le PSI le concerne d'autant plus qu'il était présent ce jour-là et qu'il a peut-être croisé le porteur de bombe intercepté par la police fédérale. Le simple fait d'y penser le contrarie autant que cela l'effraie. Mills n'ose imaginer le carnage qu'un attentat aurait pu produire sur la ligne d'arrivée. Sa détermination à remonter la piste des criminels est forte. Comme souvent, il s'engage tellement dans son métier qu'il en oublie de vivre et Sofia en paie les frais ...
(c) sweet.lips
Dernière édition par Jackson Mills le Jeu 1 Déc - 1:20, édité 2 fois
« Si, si j'ai fais mes visites ce matin et j'y retourne tout à l'heure, je ne suis pas là très longtemps. »« Hum. » Répond-il tout en profitant d'avoir les mains pleines pour se concentrer sur le paquet de chips qu'il ouvre avant de décapsuler sa canette de soda. Le regard de Jackson s'attarde sur la couronne de Noël que Sofia est en train de dépouiller. Il pourrait prétendre ne pas savoir interpréter cet indice, mais il ferait un piètre agent si tel était le cas. Shaw, sans être la suspecte d'une quelconque enquête, est stressée. Cela ne peut venir que de sa présence, Jackson le sait et intériorise la contrariété que cela lui provoque. Il se désole d'être responsable de ce genre d'émotion chez la kiné, lui qui n'a jamais voulu que son bien, toujours cherché à la faire rire et même à la faire rêver lors du bal de clôture ... Silencieusement, il porte la canette à sa bouche et avale une gorgée de boisson sucrée tout en repensant à ces trois mois de chassés-croisés.
Il avait dédié août et septembre à l'entraînement et à la préparation de ses tests de réintégration. De l'avis de tous les membres du PSI, Jax devait se concentrer sur cet objectif. Sa carrière entière en dépendait et son échec lors de l'épreuve improvisée par Sparrow, au printemps dernier, les laissaient supposer que Mills avait encore beaucoup d'efforts à fournir pour mieux gérer ses émotions. Il avait donc répété d'arrache-pied afin de faire illusion aux yeux du jury. Le fait que l'ASIO ait récupéré la direction du PSI en cours de route avait clairement joué en sa faveur. Au ministère des armées et de la défense, on semblait avoir moins de problèmes qu'au sein de la police fédérale avec les têtes brûlées comme Jackson ... L'agent s'était alors cru sorti d'affaire et avait tranquillement repris ses marques au sein de leur nouveau bureau, avec de nouveaux collègues et de nouvelles responsabilités, mais octobre s'était imposé comme une claque en pleine gueule. Le désastre de ses retrouvailles avec Marley était venu confirmer que l'accrochage du mois de mai entre Brody et lui n'avait rien d'un événement anecdotique. Il répondait mal au stress intense et aux situations de perte de contrôle. Après avoir manqué d'étrangler la première par excès de suspicions, il avait bien failli violer la deuxième aveuglé par sa haine. Ce constat terrifiant était venu le couper net dans ses projets vis à vis de Sofia. Déstabilisé par son propre comportement, effrayé par la violence avec laquelle il dérapait si facilement, Jax s'était mis en retrait le temps de trouver des solutions et de se rassurer quant à sa capacité d'entretenir une relation qui ne soit pas dangereuse pour la kiné ...
Mais les solutions n'arrivent jamais d'elles-mêmes et pendant qu'il refuse d'admettre qu'il a besoin de se soigner, les jours passent, creusant la distance tout en nourrissant les interrogations légitimes de Sofia. « Je me demandais si tu serais là aujourd'hui, j'ai l'impression que tu as disparu depuis quelques mois, même à la salle je ne te vois plus. » Jackson tente de faire bonne figure : il gobe une poignée de chips et hausse les épaules. « Ouais. J'ai repris le taff. Le planning est chargé en ce moment. » Ce qui n'est ni un mensonge, ni une vérité. Leur enquête est en phase de recherches ; les membres du PSI ne sont pas tenus par des horaires stricts mais par une obligation de résultat. Si Mills se tue à ce point à la tâche, c'est autant pour démasquer les terroristes que pour noyer son propre sentiment de culpabilité. Il a l'impression d'avoir merdé sur tous les tableaux et encore plus lorsque la blonde ajoute, d'un air qui lui coupe l'appétit et lui fait lâcher son paquet de chips : « Si ma présence te dérange, c'est ton association je peux quitter les lieux. »« Quoi ?! » Réagit-il vivement avant de réaliser que son exclamation attire sur eux les regards des bénévoles de la table d'à côté. Jax baisse alors le ton en même temps qu'il se penche vers Sofia. « Dis pas de conneries, Shaw, j'veux pas que tu partes. » Chuchote-t-il à son intention, forçant le contact visuel pour témoigner de sa sincérité, comme s'il paniquait à l'idée de la voir se lever et partir sans ajouter un mot.
Dans le silence qui s'installe, leurs regards restent accrochés l'un à l'autre. La lueur d'espoir et de joie qui habitait les iris de la kiné lors de leur soirée Titanic a disparu. Le phare ne brille plus à l'horizon et force est de constater que leur barque prend l'eau. Mills refuse de laisser faire. Aussi prend-il son courage à deux mains pour sortir le canot de sauvetage. « Je sais que j'aurais dû t'appeler. » Il se revoit en discuter avec Edge dans le garage du photographe. Parler de gamins et d'avenir, lui demander s'il avait entendu parler de Sofia et répondre à ses encouragements de passage à l'action qu'il verrait ça plus tard. Conneries ! Il s'en était bouffé les doigts pendant que ceux de Marley lui massaient la bite dans la laverie. « J'suis pas un prince, princesse. » Jax tente un sourire triste mais c'est une moue déçue que son visage affiche derrière l'aveu. Un menteur, un agresseur, une bombe à retardement ... mais certainement pas un prince.
« Je ne t'ai jamais demandé d'être un prince. » Jax baisse les yeux. « C'est toi qui a organisé cette soirée, c'est toi qui m'a donné une raison de croire que tu pouvais être un mec bien, j'attendais rien de toi. »
C'est vrai, elle ne lui avait pas demandé la lune, juste deux semaines de massages et un diner visant à récupérer les calories perdues. Il s'était mis cette idée en tête tout seul, convaincu qu'elle méritait une soirée digne de ce nom après tout le mal qu'elle s'était donnée pour avaler les 21 kilomètres du défi qu'il lui avait lancé ... S'il avait prévu d'être le plus beaux des Jack et de donner à Sofia l'impression d'être une Rose pour laquelle décrocher les étoiles paraissait justifié, l'agent n'avait pas vu venir la magie opérer. Il s'était pris au jeu sous les lumières du jardin botanique et s'était laissé glisser dans la glace comme un ado qui en redemande, sans penser aux conséquences de ses actes, trop séduit par l'instant présent pour prendre ne serait-ce qu'un peu de recul sur ce qu'il était en train de faire. Faire basculer leur amitié dans une zone flou ou chacun connaissait désormais le goût de la salive de l'autre. Dans l'avion qui le menait à Dubaï puis à Los Angeles avec Andrew, Mills pensait plus aux lèvres de la mexicaine qu'à son cœur lourd de le savoir parti à l'autre bout du monde dès le lendemain de ce premier baiser. Un sale con, voilà ce qu'il avait été derrière son nœud papillon et ses dreadlocks de pop star.
« C'était qu'un jeu tout ça pour toi ? » Jax ouvre la bouche, prêt à la contredire, à lui dire qu'il n'avait pas prévu de la décevoir, que c'était un mauvais timing, qu'il regrette d'avoir laissé traîner les choses et qu'il ne veut pas que leur amitié en prenne un coup mais Sofia ne lui laisse pas le temps de répondre. Elle continue, visiblement pressée de lui sortir ses quatre vérités et il ferme sa gueule parce qu'il sait qu'elle a raison de prendre le contrôle de la conversation. Trois mois qu'il repousse. Shaw ne veut plus attendre : « J'ai compris que ça ne comptait pas, on s'est rien promit donc y'a pas de soucis, mais explique moi parce que je ne comprends pas pourquoi tu n'as pas été au bout de ton idée ? Tu n'as pas fais tout ça juste pour m'embrasser et m'éviter ensuite non ? » Un silence inquisiteur tombe sur la table. Mills pourrait quasiment le voir : tel une flaque, le vide abyssal se répand, grignotant le terrain seconde après seconde jusqu'à lui tomber sur les genoux et le glacer à travers le tissu de son pantalon. " Le bout de son idée ". Même quand elle parle de cul Sofia est mignonne. Pourtant le regard insistant qu'elle braque sur lui n'a rien de mignon. Elle ne détourne pas les yeux cette fois, elle veut savoir, Jax peut lire la détermination sur ses traits résolus.
C'est le moment d'être honnête. Le moment d'avouer à la blonde qu'il n'avait pas d'idée derrière la tête lorsqu'il a organisé tout ça et que c'est en passant une si bonne soirée en sa compagnie qu'il a commencé à se faire des films. Des films porno lorsqu'il était sur son paillasson, c'est vrai, mais à la tentation desquels il a su résister. C'est sûrement un détail pour elle, mais pour lui ça veut dire beaucoup. Mills et sa libido, c'est une histoire complexe. Une relation conflictuelle avec laquelle il jonglait plutôt bien jusqu'à ce que Marley n'arrive et lui fasse réaliser à quel point le sexe fait partie de ses points faibles. Un paradoxe quand on sait qu'il adore ça et qu'il a suffisamment d'heures de pratique au compteur pour se vanter de savoir ce qu'il fait. Elle n'a eu qu'à le chauffer un peu pour le faire complétement partir en vrille ; ne pas le faire se reconnaître face au miroir, après qu'il soit rentré chez lui, choqué d'avoir été si violent dans ses actes mais surtout dans ses pensées. Qu'aurait-il fait si NEO ne l'avait pas arrêté ? Serait-il allé jusqu'au bout ? La réponse à cette question l'effraie car son intime conviction penche du mauvais côté de la balance ...
De la tristesse : il n'y a pas d'autre mot pour définir ce que Mills ressent en repensant à tout ça et en voyant se profiler devant lui une impasse. Quelle fille croirait à son histoire ? Bientôt un an qu'il allume Sofia en roulant des mécaniques et en la draguant ouvertement. Pour plaisanter, certes, mais avec un fond de séduction dont tous deux ont parfaitement conscience. La kiné aurait toutes les raisons de crier au mensonge s'il lui disait qu'il ne veut pas coucher avec elle juste pour le plaisir de tirer son coup, qu'il aimerait voir plus grand. Et il ne se voit pas non plus lui avouer qu'il a bien failli finir au registre des délinquants sexuels de Brisbane suite à un pic de colère mal maîtrisé. Shaw ne le sait pas, mais Jax a passé des nuits entières à réfléchir aux risques que son tempérament anarchique représente. Il s'est imaginé dans des situations épouvantables, porté par les voix qui vont et viennent entre ses oreilles afin de le tourmenter chaque fois qu'il se met à douter de lui. Qu'est-ce qu'il arrivera s'ils se disputent comme le font tous les couples à un moment ou un autre de leur relation ? Un mètre dix les bras levés : la mexicaine n'a aucune chance. C'est à peine si Brody et son mètre soixante-dix s'en sont sortis ... Comment fera-t-il pour se faire pardonner s'il dérape avec elle ? Lynch et l'irlandaise il s'en fout, toutes les deux ont des choses à se reprocher le concernant, mais Sofia ? Il ne connait personne d'aussi sympa que cette nana, personne qui mérite moins qu'elle d'être confrontée à un animal sauvage qui attaque lorsqu'il se sent attaqué. On fait comment quand le problème doit rester secret ? Quand parler des raisons du silence revient à se griller sur tous les plans ? Mills est coincé, il ne peut rien avouer de tout ça et tourne en rond dans sa tête à la recherche de ce qu'il pourrait dire pour éviter que le regard que Shaw pose sur lui ne change plus qu'il ne l'a déjà fait. Elle ne le regarde déjà plus comme le soir du bal, peut-il espérer qu'elle continue de le voir comme l'ami qu'il est depuis qu'elle n'est plus son médecin ? Ce n'est pas ce qu'il veut, mais ce qu'il veut n'arrivera pas tant qu'il ne se sera pas assuré d'en être capable et ça ... ça Jax ne sait pas quand il en aura le cœur net. Tout ce que sait l'agent, c'est qu'il met beaucoup trop de temps à répondre et que s'il ne réagit pas, elle va se casser, c'est sûr !
« J'pense pas qu'on soit faits pour être plus qu'amis, toi et moi. » Ça lui coûte de mentir et d'affirmer tout l'inverse de ce qu'il pense mais Jackson fait appel à ses capacités d'agent. Baratiner en fait partie. Un fed qui ne sait pas mentir est un fed mort, c'est l'une des premières choses qu'on lui a apprises au MOSC. « J'savais juste pas comment te le dire sans te blesser ... et me sentir minable. » Adieu grossesses multiples et équipe de basket ball. L'estomac de Mills se contracte au point de lui faire mal au cœur. Il sait qu'il ne peut en vouloir qu'à lui-même de se trouver dans cette position ; c'est pour ça qu'il accepte d'être le méchant de l'histoire. Ça lui apprendra à ne pas saisir sa chance en temps et en heure.
Elle lui reproche d'avoir été silencieux quand lui s'appliquait à aligner les astres pour leur permettre d'aller quelque part. Le silence, c'est le prix de l'absence, Jackson le sait très bien. Pendant qu'il faisait de son mieux pour réussir ses tests de réintégration, il ne pouvait pas être présent pour elle. Et pendant qu'il essayait de se convaincre que tout irait bien malgré son incapacité à gérer l'ingérable, le temps passait trop vite, emportant avec lui les espoirs de Sofia ainsi que les promesses d'une belle histoire. Mills soupire. Il entend les reproches de la kiné et les accepte sans broncher. Elle a le droit de lui faire la morale. Dans cette histoire, l'agent sait bien qu'ils sont deux à souffrir, deux à y laisser des plumes. « Mais rassures toi, je le pensais pas non plus. Qu'on soit faits pour être ensemble. » Lèvres pincées, Jax approuve d'un signe de tête afin de lui signifier qu'il a bien reçu le message. La pilule passe mal mais à force de déglutir il finira bien par l'avaler ... « Au moins tu t'en ai rendu compte avant qu'on aille plus loin je pense que pour ça, je dois te remercier. »« Arrête. » Les sourcils de l'agent se froncent, comme s'il lui était douloureux d'accepter ce sarcasme. « Tu voulais pas te sentir minable mais rassures toi, c'est moi qui suis minable parce que j'aurais pu craquer pour toi, j'aurais vraiment pu te donner tellement plus ce soir là et ça montre à quel point je suis minable, à quel point je m'emballe pour rien. Je suis nulle pour ce genre de chose. » C'en est trop pour Jackson qui se plaque une main sur le visage en signe d'exaspération.
S'il s'interdit de demander à Sofia de se taire et de ne pas retourner d'avantage le couteau dans la plaie, c'est parce qu'il s'en veut d'être responsable de cette souffrance. Mis face au fait accompli, Mills réalise à quel point ses bonnes intentions ont fait pire que mieux. Il était tellement satisfait de la voir sourire, tellement content de mettre un peu de magie dans ses yeux entre deux baisers et trois pots de glace. Ça lui semblait si mérité, si approprié à ce moment là, aprés tous les efforts qu'elle avait fourni pour se dépasser et honorer le pari ... Aurait-il seulement pu deviner que les choses tourneraient si mal et que ces moments de bonheur deviendraient de l'acide sur leurs plaies ? Le voilà dans une position invivable : il ne peut même pas dire d'essayer de la consoler car ça lui donnerait l'air de la prendre pour une pauvre fille, ce qui n'est pas le cas. Mais ça non plus il ne peut pas le lui dire sans passer pour un hypocrite. Casse-tête sans nom ...
« Mais c'est bon j'ai compris que tout ceci ne représentait rien, mais un conseil d'ami à ami. » Jax sent venir le coup de grâce. Solide, il serre les dents et fixe avec ferveur la couronne de Noël laissée sur la table par Judy. « Évites d'offrir ce genre de rendez-vous à des amies ça peut vraiment porter à confusions. »« Merci du conseil. » Répond-il avec raideur, tâchant d'être courtois quand sa seule envie serait de l'attraper par les épaules et de la secouer un bon coup afin de lui remettre les idées en place. Mauvaise projection ... Mills ne veut pas s'imaginer lever la main sur Sofia. Il ne veut pas s'imaginer agressif tout court. « On s’parle encore ou tu préfères que j'te laisse tranquille ? » Il comprendrait qu'elle ne veuille plus lui adresser la parole. Pour un temps ou pour toujours, même si la seconde hypothèse lui serre les tripes un peu trop pour qu'il en fasse abstraction. « J'veux dire ... » Reprend-il, comme pour chasser de son esprit l'idée que tout s'arrête là, qu'il n'y ait plus rien à partager avec la kiné. Ni blagues, ni rires, ni propos d'aucune sorte. « Regarde-la. » Discrètement, Jackson désigne Judy d'un mouvement de tête. L'adolescente discute à l'autre bout de la pièce, autour d'une table dédiée aux découpages de guirlandes en papier crépon. Son engouement pour les fêtes qui se préparent est notable : elle sourit, ce qui est assez rare chez elle. « J'veux pas rentrer dans une guerre froide. » C'est toxique et ça donne aux enfants des exemples contre-productifs de comportements à adopter vis à vis de leurs semblables. Mills a parfaitement conscience de pousser le bouchon un peu loin, mais il se résigne à avouer : « J'sais que j'assure pas sur le plan perso, mais ce qui s'passe ici n'a rien à voir avec nous. » Elle, lui, eux. Ce '' nous '' qui ne verra probablement jamais le jour mais qui, pour l'instant, reste le meilleur pronom pour définir la position compliquée dans laquelle ils se trouvent par sa faute. « J'te présente des excuses. » Des excuses, c'est tout ce qu'il lui reste à offrir maintenant. Un énorme sentiment de lassitude s'empare de lui et affaisse la courbe de ses épaules massives. Jax se déteste d'être comme il est ; de s'appliquer comme un dingue et de tout foirer dans la dernière ligne droite. Il parait que c'est en faisant des erreurs que l'on apprend. Lui se demande si la leçon se terminera un jour ...
Jackson écoute sans parvenir à se réjouir. Sofia lui affirme pourtant qu'ils ont les mêmes priorités vis à vis des enfants et de l'association, qu'ils sont deux à ne pas vouloir se battre avec l'autre mais ces points communs lui minent le moral plus qu'il ne le réconfortent. Il ne peut pas gagner sur tous les tableaux. Jusque dans la part de responsabilités que prend la kiné dans la situation, Mills trouve à leur statu quo quelque chose de particulièrement triste. Sûrement qu'il a besoin de temps, lui aussi. Digérer le point auquel il a merdé ne sera pas chose facile. Jax se connait, il sait déjà que cette affaire va lui peser sur le cœur pendant des semaines. Semaines durant lesquelles il faudra d'ailleurs éviter que Judy ne soupçonne quoique ce soit ; elle a qui rien ne semble échapper lorsqu'elle se met en tête de fouiner dans les affaires des autres.
« Merci d'avoir accepté de me parler, et moi aussi je m'excuse. » Face au regard que lui lance Sofia, Jackson ravale un soupire et tente un sourire mélancolique. Il se revoit la prendre dans ses bras, danser avec elle et chanter sur les paroles de The Weeknd avec la ferme impression d'avoir trouver une amie en plus de nourrir l'envie d'en faire une amante. Aujourd'hui, il ne peut même plus se permettre de poser sa main sur celle de la blonde au risque d'envoyer des signaux contradictoires. Alors il ne le fait pas et se contente d'attraper la couronne de Noël sur laquelle il reprend son collage de paillettes, l'air maussade. « Mange avant d'y retourner. » Elle lui a dit qu'elle ne resterait pas longtemps mais Jax peine à accepter l'idée de la voir partir. Et si elle ne revenait tout simplement pas ? L'agent cherche un moyen de lui faire comprendre l'affection qu'il a pour elle sans trop savoir comment s'y prendre avec toutes ces impasses dans lesquelles il se perd à commencer par celles qu'il a lui-même créé en s'y prenant comme un manche. Poussant en direction de Shaw le paquet de chips, Mills lui fait cadeau de son snack. Ça ne vaut pas un clou, mais ça à le mérite d'être symbolique. Le bien-être de Sofia lui importe, quand bien même il est plus doué pour le foutre en l'air que pour en prendre soin ...
Durant le reste de l'après-midi, Jackson est plus discret qu'au matin. Judy a beau venir l'asticoter pour lui tirer les vers du nez à propos de sa conversation avec Sofia, l'agent demeure impassible, perdu dans ses pensées et dans ses souvenirs de la soirée post marathon. Des questions stupides lui traversent le crâne comme de savoir si Shaw s'est teint les cheveux afin de mieux tourner la page de leur histoire imaginaire ou si les pots de glace ont fini à la poubelle après qu'elle se soit lassée de l'attendre. Il s'applique à la tâche et se montre charmant avec les bénévoles mais sonne résolument creux derrière son sourire de président aux petits soins. Judy le lui reproche d'ailleurs avant qu'il ne quitte l'hôpital. « Tu mens carrément mal pour un flic. » Mills se retient de répliquer que les suspects ne le connaissent pas et qu'il n'y a que les chieuses comme elle pour réussir à capter la nature de ses sentiments derrière sa façade d'agent fédéral. « Tu me fatigues. » Et c'est parce qu'il est sincère en le disant que la gamine finit par le retenir juste avant qu'il ne tourne les talons. Un long câlin de ses petits bras enroulés autour de son torse, voilà ce que Judy lui offre en guise de bonne nuit. Jax lui rend la pareille. Elle lui casse peut-être les pieds à vouloir le caser à tout prix, mais son amour et la plus réconfortante des thérapies.