there's a heart on your sleeve

I could see this view a hundred times
Pale blue sky reflected in your eyes
So give me a reason and don't say no
And the note from the locket,
You keep it in your pocket
Since I gave it to you
There's a heart on your sleeve
I'll take it when I leave and hold it for you

« Hors de question de jouer au monopoly ! » M’exclamai-je, poussant la boite que Théo venait de poser sur la table. « Je refuse de jouer à un jeu où le concept c’est de payer le loyer. Merci, mais on fait déjà ça tous les mois. »
« Marcel, t’es propriétaire. Tu ne paies même pas de loyer, » répliqua Suzy en levant les yeux au ciel.
« J’ai été locataire pendant des années, » rétorquai-je.
« Et c’est tes parents qui te payaient le loyer ! » Je poussai une exclamation, prétendant être outrée, et j’envoyais une cacahuète à la figure de Théo en éclatant de rire. « Oh pardon si mes parents me donnaient de l’argent au lieu de me donner de l’affection, » je portai ma main à mon front en un geste dramatique. « Tu ne pourrais pas comprendre Théo, tes parents t’appellent encore toutes les semaines, » lançai-je. « Alors que - »
« Excusez-moi ? » Je me retournai vers la jeune fille de la table d’à-côté qui venait de nous interpeller, m’attendant à ce qu’elle me demande une photo parce qu’elle m’avait reconnue - mais la suite de la conversation prit une tournure que je n’avais absolument pas prévu : « Vous voulez pas vous joindre à nous ? Notre paladin nous a lâché. »
« Votre quoi ? »

***

C’était Suzy qui avait eu l’idée de sortir dans le bar à jeux d’à côté de chez elle au lieu d’aller encore se mettre une caisse au karaoké. J’avais protesté, pour la forme, mais j’avais très vite cédé - la semaine avait été longue, je m’étais disputée avec Jiyeon et j’avais envie d’être au calme quelques heures avec mes meilleurs amis. J’avais beaucoup bu la veille, et un vieux mal de crâne trainait, plus ou moins incompatible avec les mauvaises enceintes du karaoké et les shots de soju. J’avais tout de même envoyé un texto à Jiyeon pour savoir où elle sortait ce soir, pour peut-être la rejoindre, mais elle ne m’avait toujours pas répondu et Suzy m’avait fait remarqué que regarder compulsivement mon téléphone ne risquait pas de faire arriver une réponse plus vite. Touché, évidemment - elle me connaissait depuis le collège et m’avait vu être ridiculement obsédé par des filles un bon nombre de fois. J’avais reposé mon téléphone dans mon sac, et j’avais promis de rester concentré sur la soirée et sur nos débats perpétuels sur quel jeu faire - nous avions fait une première partie d’un jeu de rapidité pour nous mettre en jambes mais nous n’arrivions pas à être d’accord sur la suite des jeux.

C’est ainsi que nous nous retrouvâmes entraînés par notre table voisine à nous joindre à leur partie d’un jeu obscure de plateau avec des dés de toutes les couleurs. Il m’était apparu rapidement que la plupart de la joyeuse petite bande n’avait pas l’air de savoir qui j’étais et ce soudain regain d’anonymat m’avait mise de bonne humeur - je m’installai à côté d’une jeune fille fluette aux cheveux châtains et nos regards se croisèrent. J’eus un sentiment étrange au fond de ma poitrine, un sentiment légèrement inexplicable, comme si j’avais déjà vu cette fille quelque part et qu’elle m’était agréablement familière. C’était pourtant une inconnue, j’en étais persuadée, mais quelque chose dans l’éclat de ses iris me mit instantanément à l’aise. Je lui fis un sourire pendant que l’une de ses amies se lançait dans l’explication des règles du jeu, particulièrement complexe. Dieu merci, je n’en étais qu’à ma première bière, car il fallait visiblement rester concentrée pour saisir les tenants et les aboutissants.

« Bruce, tu peux me passer un dé ? » Demanda-t-elle alors à ma voisine en agitant sa main. Je fronçai les sourcils, oubliant un instant d’écouter la suite des instructions, et me penchai vers la jeune fille : « Tu t’appelles Bruce ? »


@Andrea Welch  

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@Marceline Griffiths  

« Bon, on commence ou pas ? » Râlait Amir, un métisse, maigrichon, aux cheveux bouclés, qui feuilletait nerveusement son fascicule de règles du jeu, déjà tout froissé et annoté avec de nombreux post-it. « On attend pas Steph? » demandait Hanna, une brune aux formes généreuses qui était plus occupée par son téléphone que par autre chose. « On fait la forêt de Blantronc ? » demandait alors Andy, sans attendre une réponse à la question de Hanna. « Oui. » « Euh non on devait pas faire le labyrinthe du pic du tonnerre ? » « J’ai préparé la forêt, pas le labyrinthe. » assurait-il, tirant des feuilles de son fascicule pour les distribuer à ses deux amis. « Bon moi je vais commander à boire. » Soufflait Andrea en se tirant de sa chaise. Habituellement ils jouaient à six, mais là, la moitié du groupe leur avait fait faux bond. Enfin, Steph devait soit disant les rejoindre après le boulot, mais la pauvre enchainait les heures supp à l’hôpital et ne pouvait pas leur donner une heure précise d’arriver. Andrea se trainait jusqu’au comptoir, interpelant rapidement la bartender pour lui commander quelques bières pour leur table. Elle se retournait en direction de ses amis en attendant sa commande, notant que Hanna tapait déjà la discussion à la table voisine. Elle était intenable. Andy récupérait les quatre bières entre ses doigts, pressant le pas jusqu’à leur table de peur d’en échapper une avant d’arriver à bon port. « ... Notre paladin nous a lâché. » « Ah Steph vient pas du coup? » demandait-elle, croisant le regard de Amir qui soulevait les sourcils, visiblement aussi perdu qu’elle. « Votre quoi ? » « Un paladin c’est une sorte de chevalier. » Expliquait aussitôt Amir qui bien que perdu n’avait pas résisté à jouer les monsieur je sais tout.

Bien vite leur petit tablé de trois fut donc rejoin par trois autres personnes. Trois inconnus. Enfin non, mensonge, Andrea avait reconnu la grande blonde du groupe, elle l’avait déjà vu dans un film. Marcelle ? Marceline ? … quelques chose comme ça, elle n’était pas douée avec les noms. Mais bref, au fond ça restait une inconnue, elle savait juste qu’elle était bonne actrice, très jolie et queer, si ses souvenirs étaient bon. Andy peinait à suivre les conversations, entre Amir qui semblait faire connaissance avec le garçon de la bande et Hanna qui se décidait à expliquer les règles de bases aux nouveaux arrivant. « Bon, le but du jeu est simple : tu incarnes un personnage. Donc vu que vous venez d’arriver vous allez reprendre les perso des absents. » Annonçait la brune, Amir s’empressant, au même moment, de distribuer les fiches personnages qui restaient entre les pages de son fascicule. Chacun récupérait donc une feuille au hasard et Andy se penchait déjà sur la fiche de sa voisine, la blonde, pour voir sur quoi elle était tombée, notant au passage que la jeune femme sentait terriblement bon. « Bruce, tu peux me passer un dé ? » Andy relevait à peine la tête de la fiche, attrapant à l’aveugle le dés de vingt qui se trouvait près d’elle pour le passer à son amie. « Tu t’appelles Bruce ? » lâchait alors la blonde. Andrea relevait la tête, plantant ses yeux dans ceux de la jeune femme. Elle avait l’air sérieuse. « Ouais, Bruce Way— » elle s’arrêtait net se reprenant : « Welch. Bruce Welch. » Bah quoi ? c’était pas totalement faux ? puis bon, on avait encore le droit de rigoler un peu non ? « Et toi c’est comment ? » Elle préférait demander plutôt que de faire une gaffe. Puis elle se figurait aussi que se retrouver face à une inconnue qui connait déjà votre prénom, devait être une expérience assez déstabilisante. Elle attrapait sa bière pour trinquer avec celle de la blonde avant de prendre une gorgée. "Marceline", bon elle l’avait quasiment trouvé enfin de compte. En tout cas elle était bien plus belle en vrai qu’au cinéma. « T’as le perso de Will. » notait-elle en se repenchant sur la fiche de personnage de la blonde bien plus intéressée par le jeu que par la célébrité toute relative (puisque autour de la table seule Andy la reconnaissait) de sa voisine. « Du coup t’es un barbare de niveau deux. Félicitation. » Lâchait-elle en pouffant de rire, parce que la pauvre allait devoir jouer un perso pas très futé. « ça devrait être drôle. Normalement t’as toutes les infos dont t’auras besoin sur la feuille. Faut juste ne pas prêter attention aux tâches de gras. Will avait renversé ses frites dessus la dernière fois. » notait-elle, frottant rapidement la feuille comme dans l'espoir de faire partir les tâches, avant de  se reculer un peu au fond de sa chaise pour remettre quelques mèches rebelles dans le chignon bâclé qui trônait sur sa tête.

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La jeune fille me regarda, hésitant quelques secondes, avant me répondre le plus naturellement du monde : « Ouais, Bruce Way— Welch. Bruce Welch. » Je pinçai les lèvres et hochai la tête en levant les sourcils, d’un air de dire “ah, bon, ok”. Après tout, elle s’était peut-être rebaptisée. J’étais habituée à trainer avec des personnes queers qui se réinventaient constamment, lorsqu’ils transitionnaient ou simplement qu’ils avaient envie d’ouvrir un nouveau chapitre dans leur vie, vivre au grand jour qui ils étaient. Qui sait pourquoi Bruce s’appelait Bruce, j’avais vu bien plus étrange. J’haussai les épaules et souriais : « Original, » notai-je. « Mais ça te va bien. » Je repris la fiche qu’on m’avait donné dans les mains, essayant de comprendre les chiffres qui étaient notés et le système de point. « Et toi c’est comment ? » Je relevai la tête. Cela faisait longtemps qu’on ne m’avait pas demandé mon prénom. J’avais cru sentir un petit éclat dans les yeux de Bruce, comme si elle m’avait reconnu - je connaissais bien ces airs, maintenant - mais je m’étais peut-être trompée. Ou elle essayait peut-être d’être polie, tout simplement, et cette option me plaisait beaucoup. C’était un petit plaisir simple pour moi de dire mon prénom, de me dire que j’avais le droit de me présenter, que l’autre ne me connaissait pas ou faisait simplement de ne pas me connaître pour me donner une chance d’être moi-même. « Marceline, » lui dis-je. « On m’appelle Marcel parfois, donc moi aussi j’ai un prénom de mec, je suppose, » plaisantai-je en levant ma bière pour trinquer avec Bruce à nos prénoms - ou surnoms, qui sait - originaux.

« T’as le perso de Will. » M’expliqua Bruce en pointant le titre du personnage sur la fiche. J’avais visiblement écopé d’un… « un barbare de niveau deux. Félicitation. » Je fronçai les sourcils, comprenant enfin que le système de point correspondait à mes capacités. « ça devrait être drôle. Normalement t’as toutes les infos dont t’auras besoin sur la feuille. Faut juste ne pas prêter attention aux tâches de gras. Will avait renversé ses frites dessus la dernière fois. » Elle frotta ma fiche avec tant d’application qu’elle décoiffa quelques mèches de son chignon - je remarquai la finesse de son poignet tandis qu’elle levait sa main pour réajuster sa coiffure. « Ok, donc ce que je comprends, c’est qu’on peut manger des frites pendant qu’on joue. Une information précieuse… »

Suzy se pencha pour regarder ma fiche, observant le personnage que j’allais jouer et se mit à rire. « Moins deux en charisme ? Tu veux dire que ton numéro de charme habituel ne va te servir à rien ? » Ca l’amusait tant qu’elle tapa l’épaule de Théo pour qu’il lise ma fiche aussi : « Moins deux en sagesse… Jusque là, c’est plutôt réaliste, » ajouta-t-il et je poussai un petit cri outré, récupérant ma fiche dans un geste brusque et prétendument offusqué. « Vous êtes juste jaloux de ma… » Je me penchai sur la fiche pour lire à nouveau avant d’ajouter : « hâche à deux mains ! » Ah, là au moins ça en jetait. Je me tournai à nouveau vers Bruce : « Tu joues à ça régulièrement avec tes amis et vous êtes encore amis ? Non parce que je sens que ce jeu c’est un terrain encore plus glissant que “tu me dois 5000 dollars parce que j’ai un hôtel construit rue de la paix.” » Dis-je en référence aux disputes à chaque fois qu'un groupe jouait au monopoly, avant de boire une gorgée de ma bière et finir la lecture de ma fiche. Heureusement que j’étais une bonne actrice - ce que je gardais bien de préciser, pour faire durer le plaisir d’être dans ma petite bulle - et après tout, cela pouvait peut-être m’aider pour ma future audition pour le spin-off de Game of Thrones. Il y avait bien des barbares dans cet univers, non ? God, il fallait vraiment que je me penche sur les livres. « C’est quoi des points de tromperie et pourquoi j’en ai moins deux ? Ne me dis pas que mon ex peut aussi me tromper dans ce jeu sinon j’abandonne ! » Plaisantai-je en faisant une grimace. Je regardai Bruce avec un petit sourire, pour lui montrer que ce n’était qu’une blague - enfin, non, c’était vrai, mais j’étais capable d’en rire maintenant. J’eus une petite pensée pour Jiyeon, mais chassai le doute de mon esprit. « C’est quoi ton personnage, toi ? »


@Andrea Welch  

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@Marceline Griffiths  

« Original, » Elle avalait ce mensonge ? « Mais ça te va bien. » En cet instant, Andrea s’en voulait presque d’avoir voulu jouer les rigolote, elle avait l’impression d’avoir déjà tout foutu en l’air entre elles. Commencer sur un mensonge débile n’annonçait rien de bon, il fallait qu’elle se tire de là rapidement sans quoi elle serait à jamais 'Bruce' pour la jolie blonde. Non pas que ça la dérangeait, ses amis l’appelaient toujours ainsi, mais ils savaient tous son vrai prénom, à la différence de Marceline qui ignorait tout d’elle. « On m’appelle Marcel parfois, donc moi aussi j’ai un prénom de mec, je suppose, » Andy gloussait un peu venant trinquer avec elle. « Sinon c’est Andy et … ça fait aussi prénom de mec. » notait-elle, contente d’avoir trouvé un moyen de glisser son vrai prénom, enfin surnom dans la conversation.

Elle se penchait sur la fiche personnage de Will, dont avait héritée Marceline, notant les traces de gras qui se trouvaient sur le papier. « Ok, donc ce que je comprends, c’est qu’on peut manger des frites pendant qu’on joue. Une information précieuse… » Andrea esquissait un sourire amusé, étant à deux doigts de lui proposer de lui offrir une barquette de frite, le bar proposant aussi pas mal de snack, mais n’eu rien le temps de dire que déjà l’amie de la blonde se penchait à son tour sur la fiche du Barbare. C’était un bon personnage dans l’ensemble, pas très futé c’est vrai mais c’était un barbare après tout, il était plus là pour sa force que pour son intelligence. « Moins deux en charisme ? Tu veux dire que ton numéro de charme habituel ne va te servir à rien ? » Bien vite la jeune femme interpellait le troisième de leur petite bande qui venait à son tour jeter un oeil à la fiche de la blonde. « Moins deux en sagesse… Jusque là, c’est plutôt réaliste, » Ils étaient impitoyables. Andrea échappait presque malgré elle un petit rire, couvrant bien vite sa bouche de peur de vexer Marceline. « Vous êtes juste jaloux de ma… » Elle suivait le regard de Marceline sur la fiche, se demandait ce qu'elle allait bien pouvoir sortir, « hâche à deux mains ! » et échappait un nouveau petit rire, moins sonore ce coup-ci, avant que la blonde ne se retournait vers elle : « Tu joues à ça régulièrement avec tes amis et vous êtes encore amis ? Non parce que je sens que ce jeu c’est un terrain encore plus glissant que “tu me dois 5000 dollars parce que j’ai un hôtel construit rue de la paix.” » Elle gloussait de nouveau comme une idiote. « Ouais on joue régulièrement et on se prend la tête régulièrement aussi. » admettait-elle, c’était toujours des querelles bonnes enfants, sans conséquences, heureusement. Après tout ce n’était qu’un jeu. « Après, normalement, chacun crée son personnage. Donc si t’as pas envie de te faire charier parce que ton perso est con, tu prend une classe ou une race avec de l’intelligence. Mais tu peux pas avoir un perso bon en tout évidemment. » Expliquait-elle. Elle n’avait pas l’impression d’être très clair, mais bon, s’il fallait qu’elle liste toutes les classes de personnage possible et les différentes races (qu’elle même ne connaissait pas par coeur) elle n’allait pas s’en sortir. « Si tu veux des explications plus précises et complètes : faut te tourner vers Amir. » Précisait-elle, se dédouanant ainsi de toutes conneries qu’elle pourrait dire. Elle était loin d’être incollable sur le jeu et ce même si elle y jouait avec Amir depuis bien une douzaine d'année. Le plus calé restait le maitre du jeu/maitre du donjon : Amir, justement, celui qui collectionnait les manuels de jeu en tout genre. Le reste de la bande suivait le mouvement, le but étant surtout de s'amuser.
Andrea prenait une nouvelle gorgée de bière, manquant de recracher sa mousse dans la bouteille en entendant ce que la blonde lâchait: « C’est quoi des points de tromperie et pourquoi j’en ai moins deux ? Ne me dis pas que mon ex peut aussi me tromper dans ce jeu sinon j’abandonne ! » « Non, non, non. » s’empressait-elle de la rassurer, reposant sa bière. « Enfin… techniquement tout est possible, la seule limite c’est ton imagination et l'univers du jeu. » du moment qu'elle ne disait pas "je sors un smartphone pour chercher la solution sur google". « Mais là la tromperie c’est en rapport avec ton charisme. Tu vois le petit ‘Cha’ entre parenthèse, ça indique que c’est une compétence liée au charisme. En fait c’est ta capacité à tromper l’ennemie. Mais vu que t’as moins deux en charisme bah… t’as moins deux en ‘persuasion’, ‘représentation’ et en ‘tromperie’ aussi. Y’a qu'en ‘intimidation’ où t’as zero, parce que t’as le ‘bonus de maitrise’ qui s’applique. » Elle lâchait la feuille des yeux pour les reposer sur Marceline, scrutant son expression. « Je t’ai perdu ? » demandait-elle, réalisant que ce qu’elle disait n’était peut-être pas clair pour une non-initiée.

« C’est quoi ton personnage, toi ? » « Un magicien. » répondait-elle aussitôt, glissant sa fiche vers la blonde. « Je suis un peu la MacGonagall du groupe. » notait-elle, étant enfin de compte plus calée en Harry Potter qu’en DnD. « J’ai zero force, moins un en charisme, mais j’ai cinq en intelligence et trois en sagesse. » Expliquait-elle pointant du bout du doigt les différents chiffres sur sa fiche. « J’ai une épée courte mais je m’en sers pas trop, je lance surtout des sorts. » ajoutait-elle tout en reportant brièvement son attention sur Hanna qui c’était lancée dans une longue conversation avec celui qui s’appelait Tim ? Timéo ? Théo ? Noé ? Bref le garçon du groupe d’ami de Marceline. Ils semblaient parler boulot, donc la partie était loin de commencer. « Vu comme c’est partie on va pas vraiment jouer de toute façon. » notait-elle, récupérant sa bière avant de reporter son attention sur la blonde. Elle avait envie de lui parler mais ne savait pas quel sujet aborder. Est ce qu’elle devait lui expliquer plus en détail ce qui se trouvait sur sa fiche personnage, ou est ce qu’elle pouvait lui parler d’autre chose ? « Et je suis désolée que ton ex t’ai trompé(e). » Lâchait-elle alors en repensant à ce qu'elle avait dit quelques minutes plus tôt. C’était sincère mais franchement maladroit et ses joues tournaient aussitôt au rouge. « Enfin je veux dire … C’est pas cool qu'il ou elle t'ai... bref. » Elle s’enfonçait, prenait vite une gorgée de bière comme pour se forcer à se taire avant de quand même ajouter, une fois sa mousse avalée : « Pardon. J'aurais du rebondir sur un truc plus joyeux. »

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Andy. C’était un joli prénom qui avait du piquant, il allait bien à la jeune fille - c’était moins original que Bruce, certes, mais ça avait beaucoup de charmes. Je trinquai avec elle, le liquide houblonnée réchauffant mes poumons. L’atmosphère était agréable dans le bar, les rires des autres tables un fond perpétuel à nos discussions, la lumière tamisée faisait briller les yeux d’un éclat pétillant. Autour de la table, tout le monde semblait matcher avec les autres, comme si nous étions une bande de vieux copains qui se retrouvaient ; il y avait quelque chose de particulièrement plaisant à s’entendre si bien avec des gens que l’on venait de rencontrer, ces évidences qui surprenaient au détour d’une soirée. Visiblement les amis d’Andy et elle étaient habitués à venir ici et à jouer, ce qu’elle m’expliqua avec un sourire : « Ouais on joue régulièrement et on se prend la tête régulièrement aussi. » J’eus un petit rire - j’imaginais très bien les débats à n’en plus finir, les pseudo rancunes que l’on gardait d’une partie à l’autre. « Après, normalement, chacun crée son personnage. Donc si t’as pas envie de te faire charier parce que ton perso est con, tu prend une classe ou une race avec de l’intelligence. Mais tu peux pas avoir un perso bon en tout évidemment. » J’hochai la tête, comprenant petit à petit les logiques du jeu. C’était un peu comme la vie, après tout, on avait chacun ses forces et ses faiblesses, mais si je devais être transposée dans une fiche personnage, je n’aurais clairement pas récupéré beaucoup de points de sagesse malgré ce que j’avais laissé prétendre devant Théo qui me chariait.  « Si tu veux des explications plus précises et complètes : faut te tourner vers Amir. » Je regardai Amir, que j’avais identifié comme le maître du jeu depuis le début. C’était visiblement lui qui animait les parties, qui était le storyteller, et je pouvais voir qu’il avait un don pour raconter des histoires. Il serait sûrement parfait pour monter une pièce de théâtre, me dis-je avec amusement.

Je me reconcentrai sur ma fiche de personnage, outrée d’y trouver des points tromperie. Andy manqua de raccrocher sa bière, à la fois amusée et horrifiée : « Non, non, non. Enfin… techniquement tout est possible, la seule limite c’est ton imagination et l'univers du jeu. » J’éclatai de rire : qui aurait souhaité jouer ça ?! J’avais bien assez à faire avec la réalité. « Mais là la tromperie c’est en rapport avec ton charisme. Tu vois le petit ‘Cha’ entre parenthèse, ça indique que c’est une compétence liée au charisme. En fait c’est ta capacité à tromper l’ennemie. Mais vu que t’as moins deux en charisme bah… t’as moins deux en ‘persuasion’, ‘représentation’ et en ‘tromperie’ aussi. Y’a qu'en ‘intimidation’ où t’as zero, parce que t’as le ‘bonus de maitrise’ qui s’applique. Je t’ai perdu ? »  Je me mis à rire, parce que je voyais bien qu’Andy faisait de son mieux bien m’expliquer. « Je crois que j’ai compris le plus important… J’ai une hâche et j’ai assez de force pour tuer les gens. » J’agitai une hâche imaginaire dans ma main en riant. « En fait, je suis exactement comme mon personnage. Une brute débile, » plaisantai-je. Je serais la force du groupe, parfait, et je comptais sur les autres pour être les intellos de la bande. Je me penchai vers Andy pour voir sa fiche, beaucoup mieux tenue que celle du supposé Will, absent. « Un magicien. Je suis un peu la MacGonagall du groupe. » Je fis un “hmmm” entendu. Là, ça me parlait : comme tous millenials, j’avais grandi avec Harry Potter et je me souvenais encore lire jusqu’à pas d’heure et me réveiller avec des cernes, simplement parce que je voulais savoir ce qu’il arrivait à mon trio favori. « J’ai zero force, moins un en charisme, mais j’ai cinq en intelligence et trois en sagesse. J’ai une épée courte mais je m’en sers pas trop, je lance surtout des sorts. » « C’est parfait, on se complémente très bien alors ! » Dis-je, satisfaite. Je lui fis un grand sourire. « Tu seras la tête et je serais les muscles. On va faire une super équipe. Enfin… On joue en équipe, pas vrai ? Le but c’est qu’on avance ensemble, non ? » Non parce que là si en plus il y avait de la compétition, ça allait vraiment finir en bain de sang - j’entendais déjà Théo et Suzy se chamailler et rire avec Amir et Hanna. Ils étaient clairement en train de plaisanter sur leurs boulots respectifs, l’atmosphère détendu par la bière, la partie de DnD se faisant de plus en plus un prétexte pour simplement discuter et rencontre d’autres personnes.

« Vu comme c’est partie on va pas vraiment jouer de toute façon. » J’hôchai la tête d’un air entendu. Après tout, je passai tout de même une bonne soirée - même si j’étais finalement curieuse d’amener mon barbare en quête. « Et je suis désolée que ton ex t’ai trompée. » Je reportai mon attention sur Andy qui se mit à rougir, visiblement gênée de sa propre confession : « Enfin je veux dire … C’est pas cool qu'il ou elle t'ai... bref. Pardon. J'aurais du rebondir sur un truc plus joyeux. » Je la regardai, amusée : elle était adorable, me dis-je. Elle avait quelque chose de solaire et réconfortant, dans sa façon de faire attention aux autres. J’étais habituée à fréquenter d’autres célébrités, mes amis comédiens de théâtre que je m’étais fait au fil des années, et qui avaient tous un égo surdimensionné et adoraient parler d’eux ; je n’étais presque plus habituée à rencontrer quelqu’un qui s’intéressait sincèrement aux autres. Je fis un grand sourire à Andy. « T’inquiète, c’est moi qui ai mis le sujet sur le tapis. Il faudrait que j’aille chez un psy au lieu de raconter ma vie aux gens dans les bars, » dis-je avec un petit rire. « Et techniquement, elle trompait sa copine avec moi. J’étais l’autre femme… » Je grimaçai et m’empressai d’ajouter : « Sans le savoir évidemment. » J’haussai les épaules, pensant à mes quelques semaines de romance brusque avec Mac. J’aurais du voir tous les red flags, comme toujours, c’était allé trop vite. Dire qu’elle avait dit m’aimer - c’était ça, l’amour ? Je pinçai les lèvres, et fouillai dans mon sac rapidement pour chercher mon téléphone. « C’est de l’histoire ancienne… Enfin, même si, bon, » commençai-je, regardant l’écran de l’appareil, avec toujours aucune message de Jiyeon, « ma copine actuelle est peut-être aussi en train de me tromper, » plaisantai-je. « J’ai de terrible goût en matière de filles. Mais très bon en matière d’hommes : aucun ne m’attire ! » J’éclatai de rire, fière de ma petite plaisanterie. J’adorais lancer des piques sur la gente masculine dès que j’en avais l’occasion, c’était une petite revanche pour toutes ses années d’hétérosexualité compulsive. Je me reconcentrai sur Andy et ses yeux qui brillaient : « Alors, si tu es la MacGonagall du groupe, est-ce que ça veut dire que tu es une Gryffondor ? » Demandai-je, intriguée.


@Andrea Welch  

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@Marceline Griffiths  

« Je crois que j’ai compris le plus important… J’ai une hâche et j’ai assez de force pour tuer les gens. » Andre échappait un petit rire. Oui c’était une très bonne façon de résumer le personnage du barbare. « En fait, je suis exactement comme mon personnage. Une brute débile, » Elle avait l’air de plaisanter mais Andrea ne pouvait s’empêcher de secouer la tête à la négative. Elles ne se connaissaient pas mais il lui semblait évidant qu’une telle femme ne pouvait pas être une brute débile. Elle avait l’air au contraire d’être soignée, délicate, douce, tendre… Bref elle s’égarait dans ses pensés. Elle prenait une petit gorgée de bière avant d’expliquer à Marceline qu’elle jouait un magicien. « C’est parfait, on se complémente très bien alors ! » Cette remarque arrachait un sourire à Andy. ‘On se complète’. Son ex aussi lui avait dit ça avant de lui briser le coeur. C’était pourtant une si belle chose à dire, c’était tellement fort de se dire qu’on avait trouvé sa moitié. Marceline la ramenait bien vite à la réalité. « Tu seras la tête et je serais les muscles. On va faire une super équipe. Enfin… On joue en équipe, pas vrai ? Le but c’est qu’on avance ensemble, non ? » Elle acquiesçait d’un signe de tête. « Oui, enfin … » Elle pouffait de rire à l’idée d’annoncer ça à la jeune femme. « Techniquement on est ensemble. Mais libre arbitre oblige : si quelqu’un a envie de se rebeller contre un membre du groupe … il peut. » Elle se souvenait très bien de sa toute première partie de jdr, quand un mec avait décidé de lui foutre un coup d’épée et que, évidemment, son lancé de dé avait été une réussite. La partie commençait à peine et son perso était déjà mort.

Son regard se reportait sur le reste du groupe qui bavardaient gaiment et elle notait que la partie de jeu n’était pas prête de commencer, avant de tenter de faire la conversation. Ce n’était pas une grande réussite, clairement, puisqu’elle avait eu la bonne idée de revenir sur le sujet de la tromperie de son ex. « T’inquiète, c’est moi qui ai mis le sujet sur le tapis. Il faudrait que j’aille chez un psy au lieu de raconter ma vie aux gens dans les bars, » Andrea rejoignait le rire de la blonde, s’arrêtant net lorsque celle ci poursuivait : « Et techniquement, elle trompait sa copine avec moi. J’étais l’autre femme… » « Ah… » lâchait-elle. « Sans le savoir évidemment. » « En soit que tu saches ou non ne change rien. C’était elle la fautive. » commentait-elle alors qu’on ne lui avait rien demander. Marceline sortait alors son téléphone de son sac. « C’est de l’histoire ancienne… Enfin, même si, bon, » Andrea suivait machinalement le regard de la blonde, le fond d’écran de son téléphone était une photo d’elle et d’une jolie asiatique, certainement la petite amie en question, avant de bien vite reporter son attention sur sa bière, notant qu’elle était totalement indiscrète à regarder le téléphone de la jeune femme. « ma copine actuelle est peut-être aussi en train de me tromper, » Une petite moue triste s’affichait sur la bouche d’Andrea, alors qu’elle reportait son attention sur la blonde. « Je suis sûr que non. » lâchait-elle pour la rassurer, ne pouvant en fait être sûr de rien puisqu’elle ne connaissait pas la petite-amie en question. « J’ai de terrible goût en matière de filles. Mais très bon en matière d’hommes : aucun ne m’attire ! » Elle éclatait de rire et Andrea ne pu s’empêcher de rire avec elle. « Moi j’ai des mauvais goût pour les deux je crois. » admettait-elle en riant encore, repensant à Malcolm, son foutu café liégeois et ses phrases toutes faites "ça va trop vite", "on n'veut pas la même chose" bla, bla, bla, avant que Marceline ne repose ses yeux bleus sur elle. « Alors, si tu es la MacGonagall du groupe, est-ce que ça veut dire que tu es une Gryffondor ? » Andrea secouait lentement la tête, alors qu’elle reprenait son sérieux et ses esprits. « Oui et non. Comme MacGonagall je suis une chapeaufloue. Enfin j’aime à croire que je le suis puisqu’en réalité je n’ai jamais eu le Choixpeau magique sur la tête, donc je n'peux pas vraiment me dire Chapeaufloue. » Admettait-elle. Oui puisque le chapeauflou était basé sur le temps de décision que prenait le Choixpeau. Alors que faire un quiz buzzfeed sur internet ne prenait que quelques secondes. « Mais quand je fais des quiz, dont celui de Pottermore que j’ai fait plusieurs fois : je suis un coup Serdaigle, un coup Gryffondor. Mais je pense, contrairement à MacGonagall, que j’ai plus ma place chez les Serdaigle quand même. Les Gryffondor c’est surfait en plus. » Expliquait elle, parlant comme souvent trop vite, venant se gratter le nez avec le dos de sa main. « Enfin pardon si t’es Gryffondor. Je voudrais pas cracher sur ta maison. » ajoutait-elle après un très court silence, réalisant qu'elle pourrait avoir en face d'elle une Gryffondor. « Et aussi je serais ravie de jouer les psys, mais j’ai pas fait les bonnes études je crois. » Andrea, ou la passion de ramener des trucs dit plus tôt sur le tapis. Elle échappait un petit rire avant de prendre une nouvelle gorgée de bière, terminant sa bouteille.« Si t'étais un ordinateur ou un robot, j'aurais pu t'aider mais là... c'est plus délicat. » Elle se tournait un peu sur sa chaise, jetant un rapide coup d'oeil en direction du bar. « Tu veux quelques choses à grignoter ? Pour ajouter un peu de gras sur cette fiche personnage ? » Un petit sourire sincère sur les lèvres, elle était presque contente que la partie de DnD ne commence pas enfin de compte. Marceline était de très bonne compagnie et Andrea mourrait d'envie d'en savoir plus sur elle, sa vie, son oeuvre... tout en fait. En plus elle avait terriblement besoin de se changer les idées, Malcolm étant bien trop présent dans sa tête et dans son coeur en cet instant, il fallait qu'elle trouve une distraction.

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I'll take it when I leave and hold it for you

Evidemment Andy était gentille, et elle affirma sûrement par politesse que Jiyeon n’était évidemment pas en train de me répondre. Je souriais, me sentant un peu stupide, laissant mes inquiétudes s’évaporer dans les échos des conversations du bar. Je ne savais pas pourquoi je faisais ça, pourquoi je me mettais dans une telle situation avec Jiyeon, à attendre toujours le moment où notre relation allait basculer. J’étais toujours inquiète, sur mes gardes ; je ne connaissais mes relations que par ce prisme-là, avec cette pression constante, cette attente du moment où l’affection me serait retirer, où je perdrais l’autre. Parfois, j’entendais mes amis me dire dans une relation saine on se sentait en sécurité, et je levais les yeux aux ciels. Pour les autres peut-être, me disais-je alors, pas pour moi. Je n’avais pas une fondation affective assez solide pour avoir cette confiance là en quelqu’un, et oui évidemment c’était cliché mais je ne pouvais que blâmer mes parents, ce n’était pas ma faute si c’était littéralement de leur faute !

« Moi j’ai des mauvais goût pour les deux je crois. » Répondit Andy alors que je mentionnais mes goûts en matière de filles et de garçon, et je lui fis un petit sourire de type “oh, bien joué”, simplement parce qu’elle était queer. Il y avait instantanément une sorte de connexion dans ces moments-là, et je notais avec plaisir que mon instinct ne m’avait pas trop trompé, elle m’avait donné une vibe dans ce genre-là. Ce n’était pas quelque chose que je pouvais expliquer, simplement une intuition. Je levais mon verre pour que l’on trinque à nos mauvais goûts avec un rire avant de questionner Andy sur sa maison Harry Potter - DnD, ce n’était pas mon terrain, mais comme tous les gens de mon âge, j’avais grandi avec la saga du petit sorcier et c’était d’ailleurs sûrement là toute l’étendue de mes connaissances nerdy. « Oui et non. Comme MacGonagall je suis une chapeaufloue. Enfin j’aime à croire que je le suis puisqu’en réalité je n’ai jamais eu le Choixpeau magique sur la tête, donc je n'peux pas vraiment me dire Chapeaufloue. » J’haussai les épaules et répondis : « Bah, ce n’est pas Dumbledore qui dit que ce qui compte, au final, c’est le choix qu’on fait ? Tu n’as pas besoin du choixpeau, tu te connais et tu fais un choix ! » J’étais moi-même assez surprise de me souvenir aussi bien de ce genre de détails. Mais après tout, comme tout le monde, j’avais fait un tas de tests sur internet. « Mais quand je fais des quiz, dont celui de Pottermore que j’ai fait plusieurs fois : je suis un coup Serdaigle, un coup Gryffondor. Mais je pense, contrairement à MacGonagall, que j’ai plus ma place chez les Serdaigle quand même. Les Gryffondor c’est surfait en plus. » J’éclatai de rire : ouch, touché ! « Enfin pardon si t’es Gryffondor. Je voudrais pas cracher sur ta maison. » Trop tard, pensai-je, amusée. A vrai dire, je trouvais le naturel d’Andy assez désarçonnant. Une nouvelle fois, il me rappelait à quel point mes récentes interactions dans le milieu du cinéma avaient été enveloppés de faux semblants et de politesses. « Je suis Gryffondor, » dis-je amusé en feignant tout de même d’être outrée. « Mais je suis totalement surfaite, donc ça paraît logique, » continuai-je dans un murmure amusée, choississant la voie de l’auto-dérision.

Je prétendais toujours avoir un égo immense, et à vrai dire, je crois que j’en avais un, mais il fallait bien en plaisanter de temps en temps. Au final, je me rappelais souvent que je n’étais qu’une vieille fille de trente ans, perdue dans ses relations et dans sa célébrité, qui n’avait jamais été capable de réparer ses blessures familiales. J’étais bien loin d’être parfaite, et encore moins d’être l’espèce de modèle que certaines personnes semblaient voir en moi. Ces gens-là ne me connaissaient pas, me rappelai-je souvent, quand leurs compliments me montaient un peu trop à la tête.

« Et aussi je serais ravie de jouer les psys, mais j’ai pas fait les bonnes études je crois. Si t'étais un ordinateur ou un robot, j'aurais pu t'aider mais là... c'est plus délicat. » Je levai un sourcil, curieuse. Ah, donc en plus de tout, c’était une meuf qui bossait sur des ordis… sur des robots ?! J’étais à côté d’une véritable intello, en fait. Je souriais. « Oh je comprends mieux le serdaigle, du coup. T’es une véritable intello en fait. C’est toi qui fais les robots qui vont dans l’espace, c’est ça ?! » Demandai-je dans un rire.

Andy lança un regard vers le bar, et j’eus la même idée qu’elle, mais elle me devança : « Tu veux quelques choses à grignoter ? Pour ajouter un peu de gras sur cette fiche personnage ? » Je tapai dans mes mains, excitée : « Aaaah, oui oui ! Je viens avec toi ! On pourra reprendre à boire. » On se leva et je fis signe à nos camarades de jeux - enfin, de discussions - « Vous voulez reboire un truc ? C’est ma tournée ! » Rien de mieux qu’avoir de l’argent et de pouvoir être généreuse, me disais-je souvent. Andy et moi nous dirigeâmes vers le bar pour y commander directement. J’attrapai une carte et scannai la partie snacks, réfléchissant à voix haute : « Parfois, j’aimerais bien être un robot, que mes émotions puissent se diriger par des codes et des algorithmes. Je crois que ça serait beaucoup plus reposant… » Je me tus, tout à coup un peu honteuse : j’étais clairement du genre à trop partager mes pensées intimes, y compris avec des inconnus. J’eus une pensée pour Jiyeon que mes tangentes introspectives laissaient toujours un peu perplexe. Je me repris d’un air un peu détaché, changeant de sujet : « Ils vendent un bol de bonbons dans les snacks ? Mais qui va dans un bar et se dit “cool je vais manger un paquet d’Haribo” ? » J’éclatai de rire, avant de remarquer le visage d’Andy et de me taire. « Oh… Je sens un gryffondorgate bis, » ajoutai-je en référence à la gaffe d’Andy quelques minutes plus tôt.



@Andrea Welch  

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@Marceline Griffiths  

« Je suis Gryffondor, » Et voilà. C’était presque sans surprise enfin de compte, tant Andrea passait son temps à mettre les pieds dans le plat. Elle grimaçait tout de même en entendant ça, tournant une nouvelle fois au rouge. « Mais je suis totalement surfaite, donc ça paraît logique, » « Non, je suis désolée, c’est pas ce que je voulais dire. » assurait-elle ne pouvant retenir un rire gênée vu le ridicule de la situation. Marceline n’avait pas l’air de mal le prendre, c’était bien tout ce qui comptait.

« Oh je comprends mieux le serdaigle, du coup. T’es une véritable intello en fait. C’est toi qui fais les robots qui vont dans l’espace, c’est ça ?! » demandait la blonde dans un rire, rapidement rejoint par le rire d’Andrea. « Non non. Enfin, j’ai bossé trois ans dans une boite qui faisait des IA à des fins militaire. Mais je t’avoue que faire des robots tueurs allait un peu à l’encontre de mon éthique.» Ouais, elle n’était pas restée longtemps dans cette boite, même si le boulot était très bien payé. Elle préférait mille fois faire ce qu’elle faisait aujourd’hui. Alors oui ce n’était rien qui risquait de changer la face du monde, puisqu’elle développait surtout des logiciels informatiques, mais au moins elle n’avait pas de mort sur la conscience. Elle reportait son attention sur le bar avant de proposer à manger à la blonde.« Aaaah, oui oui ! Je viens avec toi ! On pourra reprendre à boire.  » Andy se levait aussitôt de sa chaise alors que Marceline proposait aux autres: « Vous voulez reboire un truc ? C’est ma tournée !  » « Oh alors, pina colada pour moi please ! » Lâchait immédiatement Hanna, qui profitait visiblement que quelqu’un paye pour prendre quelques choses d’un peu plus élaborée qu’une simple bière. Les autres se contentaient d'une pinte de blonde, visiblement trop pris dans leur conversation pour réfléchir à quelque chose de plus original.
Marceline et Andrea partaient donc en direction du bar. La blonde trouvait un menu et laissait rapidement ses jolis yeux bleus se balader sur la liste de snacks proposés par l’établissement. « Parfois, j’aimerais bien être un robot, que mes émotions puissent se diriger par des codes et des algorithmes. Je crois que ça serait beaucoup plus reposant… » Andrea venait s’appuyer sur le comptoir, tout près de Marceline, observant elle aussi le menu tout en rebondissant sur ce que venait de dire la blonde. « Les émotions sont trop complexes pour être mathématisées je pense… » Elle aurait longuement pu divaguer sur le sujet et évoquer ces intelligences artificielles qui créaient leur propre langage à force de communiquer entre elles. Sans qu’aucun être humain n’interviennent, les codes et les algorithmes de ces IA évoluaient, un peu comme si, même avec un cadre imposé par des maths et construit de toute pièce par l’homme, les relations humaines (ou robotiques dans ce cas là) venaient toujours tout compliquées. Ils n’y avait pas moyen de faire cohabiter émotion et simplicité. Mais c’était certainement ça la beauté de l’aventure humaine. « Ils vendent un bol de bonbons dans les snacks ? Mais qui va dans un bar et se dit “cool je vais manger un paquet d’Haribo” ? » Lâchait soudain la blonde alors que Andy revenait à elle même, tentant une poker face, sans grand succès. « Oh… Je sens un gryffondorgate bis » Elle éclatait de rire en entendant ça, venant presque faire un petit bruit de cochon tant cette dernière remarque l’avait prise par surprise et tant elle l’amusait. Elle soufflait un coup, reprenant son souffle, essuyant les larmes qui avaient perlées au coin de ses yeux. « Ouais, je commande des bonbons parfois, j’avoue. » En fait elle était certaine que ce fameux bol de bonbon avait été ajouté au menu du bar après une longue conversation avec le patron de celui ci. Il fallait dire que son groupe d’amie passait de nombreuses soirées ici et étaient devenu très proche du gérant. Ce dernier avait rapidement remarqué qu'Andrea ramenait des paquets de bonbon et avait donc investi de son côté pour se faire d l’argent et aussi, un peu, pour faire plaisir à sa fidèle cliente. Andrea se penchait vers Marceline pour venir lui chuchoter à l’oreille: « Mais j’ai déjà un paquet de Strawberry Clouds dans mon sac. » Elle reprenait ses distances, toute fière d’elle, comme si elle venait d’avoué avoir ramené ses propre pop-corns au cinéma, alors qu’être une femme de trente ans qui se baladait avec un paquet de bonbon pouvait faire rire plus d'une personne. « Je pense que je vais prendre des ailes de poulet. ça me fait bien envie… » avouait-elle, alors que ses yeux survolaient une dernière fois le menu. Puis elle reportait son attention sur le bartender. « On va prendre une pina colada, trois pintes de bière… une pinte pêche pour moi et… » Elle reportait son attention sur Marceline : « Tu veux une bière ? une pinte ? ou autre chose ? » elle pointait rapidement du doigt la section cocktail du menu : « Ils ont que les classiques et bon, c’est pas un bar à cocktails, mais c’est franchement pas mauvais. » assurait-elle, sous le regard du bartender qui ne la contredisait même pas.

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Andy ne m’avait demandé en retour mon métier et je me demandai tout à coup si elle savait qui j’étais et étais simplement trop polie pour le mentionner. Ou peut-être qu’elle ne la connaissait pas et n’avait simplement pas encore posé la question habituelle du “tu fais quoi dans la vie ?”... Je n’en savais rien. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de me demander, et je détestai que mes interactions avec les autres soient maintenant teintés de ce voile étrange. Avant, je rêvais de cette célébrité, de l’attention constante sur moi, que l’on sache qui j’étais, et maintenant je détestais que les gens aient une idée préconçue de qui j’étais, une image qui parlait à ma place dès que je rencontrais une nouvelle personne. Et pourtant, j’en jouais, je continuais à poster sur instagram, à faire des interviews ; qu’est-ce que je voulais au fond ? Quelque chose ne devait pas tourner rond chez moi, pour que toutes ces émotions s’affrontent.

« Les émotions sont trop complexes pour être mathématisées je pense… » Répondit Andy, comme si elle lisait dans mes pensées embrouillées. Je pinçai mes lèvres, pas entièrement satisfaite de cette réponse et ajoutai : « C’est bien le problème…  »

J’eus une pensée pour Jiyeon, pour cette relation étrange dans laquelle je m’étais installée, où j’étais persuadée que nous fonçions dans un mur tout en étant sûre que Jiyeon pouvait changer, m’accrochant aux moindres signes qui me confirmaient ce que je voulais voir. Suzy et Théo étaient d’ailleurs de plus en plus sceptique de la  situation, mais je voyais bien qu’ils n’osaient pas me dire frontalement ce qu’ils pensaient. Ce n’était pas la première fois qu’une de mes histoires d’amour était un sujet de débat au sein de notre petit trio - mes malheurs de ce côté-là avaient été le sujet de longues soirées aux multiples bouteilles de vin. Je regardai d’ailleurs le vin de la carte du bar, réfléchissant à ce que j’allais boire, avant de remarquer le bol de bonbons… Et remarquer le visage d’Andy qui avait très légèrement rougi. Heureusement, elle éclata de rire suite à ma blague - depuis le début de la soirée, il semblait que l’on était capable de beaucoup d’autodérison elle et moi, ce qui m’amusait beaucoup. « Ouais, je commande des bonbons parfois, j’avoue. » Andy se pencha pour murmurer à mon oreille - enfin, je me penchai, parce qu’elle était toute petite et que j’étais bien trop grande, et en baissant ma tête vers elle, j’eus une effluve du parfum de ses cheveux. Elle sentait bon, une odeur sucrée et florale. « Mais j’ai déjà un paquet de Strawberry Clouds dans mon sac. »

Je me mis à rire. Mais qui se trimballait dans un bar avec un paquet de bonbons dans le sac ? Visiblement, Andy. Je la regardai, amusée, et décidai que c’était absolument adorable de sa part.

« Je pense que je vais prendre des ailes de poulet. ça me fait bien envie… On va prendre une pina colada, trois pintes de bière… une pinte pêche pour moi et… » Commença-t-elle avant de se tourner vers moi : « Tu veux une bière ? une pinte ? ou autre chose ? Ils ont que les classiques et bon, c’est pas un bar à cocktails, mais c’est franchement pas mauvais. » Je fronçai les sourcils en regardant la carte, hésitant. « Je vais prendre des nachos et… Je ne sais pas quoi boire. Choisis pour moi,  » dis-je à Andy avec un sourire : « Surprend moi ! » Ajoutai-je. Après tout, pourquoi pas ? J’aimais bien laisser le hasard décidé des petites choses du quotidien - rentrer dans un restaurant parce que la devanture me plaisait, acheter le bouquet de fleurs du jour chez le fleuriste, commander une saveur de bubble tea que je n’avais jamais goûté. Je me tournai vers le barman : « Oh et on va vous prendre un bol de bonbons, aussi. Et je vais tout régler, s’il-vous-plaît ! » Je sortis ma carte bancaire de mon porte-monnaie et lui tendis avant qu’Andy ne puisse protester. C’était ma tournée, et cela incluait aussi les bonbons. Je me tournai vers elle : « Et ensuite on va faire cette fameuse partie de DnD ou pas ? Je venais enfin de comprendre les règles, je crois que je suis prête à tuer quelqu’un avec ma double hâche ! »


@Andrea Welch  

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@Marceline Griffiths  

« Je vais prendre des nachos et… Je ne sais pas quoi boire. Choisis pour moi, » Hein ? quoi? Andrea reportait son attention sur Marceline un peu paniquée. « Surprend moi ! » « Sérieux ? » lâchait-elle, reposant ses yeux sur le menu. Est ce qu’elle allait la décevoir dès leur première rencontre ? Elle reportait son regard sur le barman comme pour qu’il l’aide mais celui ci restait impassible. « Euh… une pinte citron. » lâchait-elle en haussant les épaules. « C’est pas dis que tu sois surprise du coup. » notait-elle en pouffant de rire. « J’ai paniqué. »« Oh et on va vous prendre un bol de bonbons, aussi. Et je vais tout régler, s’il-vous-plaît ! » Andrea secouait la tête, prête à rouspéter et lui dire qu’elles allaient partager. Mais déjà la blonde donnait sa carte bancaire à l’employé du bar. « Bon le prochain coup c’est moi qui paye alors. » assurait-elle alors que Marceline se retournait déjà vers elle. « Et ensuite on va faire cette fameuse partie de DnD ou pas ? Je venais enfin de comprendre les règles, je crois que je suis prête à tuer quelqu’un avec ma double hâche !  » « Oui oui, on va jouer ! » déclarait-elle, récupérant l’un des deux plateaux sur lesquels se trouvaient leur commande. Ce bar c’était vraiment comme à la maison ! Andrea retournait donc vers la table rapidement rejoint par … Alan ? Non c’était quoi déjà son prénom ? Bon tant pis, le pote de Marceline, qui venait l’aider avec le plateau, à croire qu’il avait déjà compris que Andy était d’une maladresse qui risquait de leur couter leur boisson. « Merci. » soufflait-elle alors que les verres étaient bien vite distribués au quatre coins de la table. Andrea se réinstallait à sa place, avec sa pinte et ses ailes de poulet, observant Marceline prendre une première gorgée de sa pinte citron.

« Bon aller, on commence. » annonçait Amir à l’autre bout de la table, une fois tout le monde installés. Son guide ouvert à la bonne page, il se lançait déjà, prenant le rôle de narrateur, sa voix grave portant tout autour de la table, mettant tout le monde dans l’ambiance. « Les présentations ne sont plus nécessaires car je sais bien qui vous êtes mes intrépides aventuriers …» Commençait-il un petit sourire malicieux collé aux lèvres. Et c’était partie, Amir plantait le décor : « Les brumes froides du petit matin s'élèvent du sol aux alentours de Nenlast, petite communauté agricole et de bucherons de plus de 500 habitants… » Rapidement leur première mission devenait clair : les aventuriers allaient suivre le Maitre Herbert Hrafn, un riche marchant ayant récemment fuit sa maison avec sa fille, craignant pour leurs vies, pour partir en direction de Bro'kin, un centre commercial gobelin. Amir présentait bien vite tout un tas d’autre personnage, qui accompagnaient la caravane du marchand et sa fille, faisant les voix de chacun d’entre eux, sous le regard captivé de son audience. Andrea perdait rapidement le file, en mangeant ses ailes de poulet. Elle avait toujours du mal à retenir les prénoms loufoques de tout les personnages. L’aventure débutait donc sur une piste boueuse en direction d’un poste de garde à trois jours de marche. Et si dans un premier temps il n’y avait pas de monstre à tuer, chacun prenait tout de même son rôle à coeur. Le but du jeu étant d’incarné son personnage. Des affinités se créaient déjà entre les joueurs, Suzy étrangement convaincante dans son rôle de paladin alors que Théo incarnait un guerrier un peu trop sûr de lui avec pourtant beaucoup de doute dans la voix.
« Roh elle fait chier cette boue ! » Râlait déjà Andy alors que la caravane s’embourbait pour la troisième fois déjà et que certain personnage devaient utiliser leur force pour la débloquer de la boue. « Bon je vais vous jouez un autre petit morceaux de ma composition pendant que Marceline et Théo nous sortent de là, une fois de plus. » déclarait Hanna. Puisqu’elle jouait un barde elle adorait pousser la chantonnette à tout va et casser les oreilles de tout le monde. Et comme elle prenait son rôle très à coeur, elle se levait déjà de sa chaise, faisant mine de jouer de la guitare tout en chantant. Andrea fronçait les sourcils, essuyant ses doigts plein de poulet sur une serviette en papier. « Arrête tu vas faire venir des monstres ! » Râlait-elle prenant une gorgée de sa pinte. « Bon j’utilise mon épée à deux mains pour détruire la guitare d'Hanna. » Déclarait Théo, visiblement lui aussi fatigué de l’entendre chanter. Amir lui glissait aussitôt un dé et le jeune homme le lançait. « L’épée de Théo coupe les cordes de l’instrument du barde. » Annonçait Amir. Hanna grognait un peu, puis très vite continuait de chanter, prenant sa pina colada à la main, pour chanter dans la paille de son verre, y allant même d’un petit pas de danse, renversant un peu de son cocktail sur la table, alors que des tensions naissaient au sein du groupe. « Pourquoi elle chante encore ? » lançait une personne, « faut lui couper les cordes vocales ! » lançait quelqu’un d’autre. « ça commence juste et on se rebelle déjà les un contre les autres ? » demandait Andy au milieu du brouhaha général.

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« Sérieux ? » Andy sembla surprise de ma demande spontanée, ce qui m’amusait : elle regardait la carte avec inquiétude, ça se voyait qu’elle avait envie de bien faire. « Euh… une pinte citron. C’est pas dis que tu sois surprise du coup. J’ai paniqué. » Je me mis à rire avec elle. « Je ne me serai jamais commandée ça pour moi, donc si, je suis surprise. Bien joué ! » Dis-je en tendant ma main pour que l’on fasse un high five. La sienne était minuscule contre ma paume. Andy proposa de payer la prochaine tournée et je me sentis sourire, contente que la soirée se projette ; j’avais envie qu’elle continue, je me sentais détendue comme je ne l’avais pas été depuis longtemps. Je réalisai que j’avais complétement oublié Jiyeon et son silence, que je n’avais pas vérifié mon téléphone compulsivement comme je l’avais fait au début de la soirée. Je me sentis sourire. Il fallait que je profite de ce moment le plus possible. On retourna à la table avec nos plateaux pleins à craquer, et on fût accueilli avec des éclats de rire et des applaudissements excités - la réaction habituelle à ramener deux plateaux de boissons et de nourritures offerts à la table entière. On s’installa et on commença enfin la partie de DnD que l’on m’avait vendu depuis tout à l’heure.

Je me fis la réflexion que cela ressemblait un peu à une lecture de scénarios avec une équipe de tournage : chacun avait un rôle et le jouait autour d’une table, attendant la suite que le maître du jeu - le scénariste ou le réalisateur - distillait petit à petit. L’alchimie du groupe fonctionnait bien, à mon grand plaisir, et je me pris au jeu facilement. Après tout, je n’étais pas une actrice pour rien, et si mon barbare était bien loin de mes rôles habituels, je pouvais m’adapter sans souci. Cela me faisait même rire, il y avait quelque chose de léger dans ce jeu qui me rappelait ce que j’aimais particulièrement avec le fait d’être comédienne. En plus, il y avait une part de jeu et d’hasard avec les dés, les actions et réactions de chacun, le tout porté par Amir qui avait un vrai don pour raconter les histoires.

« Roh elle fait chier cette boue ! » Je riais, tandis que je tirais les dés pour savoir si j’allais avoir assez de force pour sortir notre caravane. C’était pas mal, finalement, d’être celui qui avait les muscles, c’était plus utile qu’on ne le pensait. « Bon je vais vous jouez un autre petit morceaux de ma composition pendant que Marceline et Théo nous sortent de là, une fois de plus. » J’éclatai de rire devant l’investissement d’Hanna qui partit en véritable karaoké, me rappelant la plupart de mes samedi soirs. Je devais être habituée aux fausses notes, car les autres se montrèrent beaucoup moins patient. « Arrête tu vas faire venir des monstres ! » Protesta Andy. « Bon j’utilise mon épée à deux mains pour détruire la guitare d'Hanna. » Décida Théo et je poussai un petit cri outré.  « Arrête, y a pas Spotify dans ce monde, comment on va avoir de la musique après ?! » J’essayai de négocier, mais c’était déjà trop tard : « L’épée de Théo coupe les cordes de l’instrument du barde. » Mais Hanna n’était visiblment pas du genre à abandonner. Je n’arrêtais pas de rire devant son petit numéro, elle chantait dans la paille, tout le monde se plaignait, des gens dans le bar nous regardait un peu étrangement, mais ça me faisait rire. En cet instant, j’oubliais complètement que j’avais peur que l’on nous remarque et que l’on me reconnaisse : je m’amusais beaucoup trop : « ça commence juste et on se rebelle déjà les un contre les autres ? » se plaignit Andy. Je fis une grimace à son attention, d’un air de dire que la situation nous échappait, avant d’agiter mes mains.  « Bon, est-ce que je peux… Gentiment cogner Hanna pour qu’elle perde l’usage des cordes vocales ? Sans la tuer, bien sûr ! » Ajoutai-je. Des nouveaux cris de protestation fusèrent autour de la table et j’agitais mes mains :  « Désolée Hanna mais à la limite, si tu chantais du ABBA, » expliquai-je. « Mais ABBA n’existe pas dans ce monde, voyons ! » Repliqua Hanna en éclatant de rire et je protestai à nouveau : « Quoi ?! Pas d’ABBA ?! Je prends ma double hâche et je me suicide ! »

Evidemment, je ne fis rien de tel : les enjeux de la partie était trop important. On rigola et finalement, après de nombreux débats, on avança enfin dans notre quête, enchainement les combats et les découvertes, avançant petit à petit dans le scénario. Andy était devenue ma co-équipière malgré elle, elle me guidait un peu dans le jeu, et je me tournai souvent vers elle pour avoir son avis. C’était la plus attentionnée des trois, surtout au milieu de toutes ces embrouilles qui, je devais l’avouer, m’amuser beaucoup. Finalement, c’était assez cathartique de s’engueuler dans un jeu où rien n’était réel, on se cherchait et on s’embêtait, mais au final, une fois les dés posés, on pourrait retourner à notre vie normal. C’était plutôt plaisant.

Nos personnages étaient à présent coincés dans un château abandonné, en combat avec un groupe de six créatures dont j’avais déjà oublié le nom et nous étions plutôt en mauvaise posture. Mon barbare était en prise avec l’une des créatures, en combat à mains nues après que ma double hache se soit cassée - quel échec ! Andy, notre magicienne en chef, était plus ou moins notre dernière chance.

« Andy, tu peux jeter un sort, mais actuellement, il y aurait beaucoup de chance qu’il touche Marceline. » Expliqua Amir. Je me tournai vers Andy, ma compagnonne depuis le début de l’aventure :  « Oula, ça ne vaut pas le coup ça, pas vrai ?! »



@Andrea Welch  

there's a heart on your sleeve
@Marceline Griffiths  

« Bon, est-ce que je peux… Gentiment cogner Hanna pour qu’elle perde l’usage des cordes vocales ? Sans la tuer, bien sûr ! » Andrea pouffait de rire, Hanna continuait de chanté alors que les autres protestaient encore. Ils étaient de loin la table la plus bruyante du bar. « Désolée Hanna mais à la limite, si tu chantais du ABBA, » Les yeux de Andy passaient de Marceline, à Hanna, de Hanna, à Marceline, alors qu’elle hochait rapidement la tête, approuvant ce que disait la blonde.« Mais ABBA n’existe pas dans ce monde, voyons ! » Andrea hochait la tête de plus belle, approuvant également ce point, attrapant sa bière pour en boire quelques gorgées. « Quoi ?! Pas d’ABBA ?! Je prends ma double hâche et je me suicide ! » « Ah bah non, quand même ! Y’a certainement un groupe de barde très tendances dans la prochaine ville, qui sait. » Lâchait-elle d’un air voulu sérieux mais avec un sourire qui la trahissait collé aux lèvres.
La partie se poursuivait. Tout le monde laissait Hanna tranquille, la caravane quittait enfin la route boueuse et tout semblait rentré dans l’ordre…. Enfin presque. Après environ une heure de jeu, les aventuriers se retrouvaient dans un château, à la recherche de la fille du riche marchand, qui avait été enlevé par des brigands. Le soucis étant que ce château était infesté de monstre en tout genre et que plus l’équipe de bras cassés s’engouffrait dans les méandres du château, plus ils perdaient des points de vie au file des bagarres. Marceline venait de casser sa précieuse hache et se retrouvait à mains nues contre l’un des monstre. « Andy, tu peux jeter un sort, mais actuellement, il y aurait beaucoup de chance qu’il touche Marceline. » Andrea attrapait un bonbon, réfléchissant à cette situation épineuse tout en mâchouillant nerveusement ce gummy bear.  « Oula, ça ne vaut pas le coup ça, pas vrai ?! » Andy posait ses yeux sur Marceline avant d’attraper sa bière et de la finir cul sec. « Ok.. bon… je vais tenter de faire un sort ‘rayon de givre’ sur le monstre. » Décidait-elle enfin en reposant sa pinte d’un air déterminé. Elle récupérait un dé, secouant ce dernier entre ses mains avant de le lancer au milieu de la table. « Vingt. » annonçait Amir, en se penchant sur son livre. « Vingt avec un dé de vingt, c’est forcément très très bien ça ! » Mais Amir secouait déjà lentement la tête. « Ton rayon de givre est trop puissant : il tue le monstre et Marceline. » déclarait-il alors que Théo pouffait déjà de rire et récupérait le dé pour continuer de jouer, puisque contrairement à Marceline : son personnage à lui était encore en vie. « Il reste encore deux monstres, Théo tu tentes quoi ? » Andrea esquissait un grand sourire gêné en se retournant vers la blonde qui était à côté d’elle, ignorant la suite de l’aventure et ce que Théo allait faire pour venir attraper l’avant bras de Marceline et le serrer gentiment. « Je suis désolée, je te jure que ça partait d’une bonne attention. » assurait-elle, avec cette impression de marcher sur ses coquilles d’oeuf. Est ce que Marceline était mauvaise perdante ? Elle n’en savait trop rien, mais elle espérait qu’elle ne lui en voudrait pas trop d’avoir tuer son personnage…. presque accidentellement. « Je te paye un verre pour me faire pardonner ? Un second plat de nachos ? » Son regard était limite suppliant, elle ne voulait vraiment pas que cet incident n’entache leur amitié toute neuve. « Je peux mettre du ABBA sur mon téléphone si tu veux...The Winner Takes It All ? »

there's a heart on your sleeve

I could see this view a hundred times
Pale blue sky reflected in your eyes
So give me a reason and don't say no
And the note from the locket,
You keep it in your pocket
Since I gave it to you
There's a heart on your sleeve
I'll take it when I leave and hold it for you

Je m’étais prise au jeu malgré moi, et même si nous étions plutôt en mauvaise passe face au monstre, j’avais bien l’impression que la proposition d’Amir était risquée, surtout que j’étais l’un des personnages les plus puissants physiquement de la table. On allait quand même pas risquer de me blesser ? Je regardai Andy avec des petits yeux implorants, mais je me dis que depuis le début de la partie, on forme une espèce d’équipe implicitement, et qu’elle ne risquerait sûrement pas d’attaquer mon perso, si ?...

« Ok.. bon… je vais tenter de faire un sort ‘rayon de givre’ sur le monstre. »

Ma bouche s’ouvrit en un parfait petit o dramatique. Eh mais ?! Je regardai le dé coloré rouler sur la table, affichant un joli 20. C’était haut, c’était bien ou pas bien ça ?! Je lançai un regard désespéré à Amir.

« Vingt. » « Vingt avec un dé de vingt, c’est forcément très très bien ça ! » J’hochai ma tête : oui, c’est bon, non ?! « Ton rayon de givre est trop puissant : il tue le monstre et Marceline. » Je poussai un petit cri tandis que Théo et Suzy éclataient de rire - ils ne risquaient pas de l’oublier cette histoire-là. Je fixai le plateau, ma main devant ma bouche, contenant moi aussi un espèce de fou rire, et me tournai vers Andy, ma meurtrière. Elle posa sa main sur mon avant-bras dans un geste désolé - elle avait la main douce, tiède, qui chatouilla ma peau. « Je suis désolée, je te jure que ça partait d’une bonne attention. »

Je sentais bien qu’elle avait l’air sincèrement désolée, comme si elle s’inquiétait que je me vexe - et en réalité, j’aurais pu, j’étais historiquement plutôt une mauvaise perdante, surtout lorsque je jouais avec mes cousines - parce que notre esprit de compétition était trop fort -  ou mes meilleurs amis - pour le plaisir de se disputer pour rien. Mais je passai une tellement bonne soirée, je n’avais pas le coeur à torturer Andy. C’était stupide, c’était un jeu, et je m’amusais parfois à être mélodramatique pour embêter mes amis, nous ne nous connaissions pas encore assez pour ça. Elle risquait de le prendre au sérieux. Pendant un instant, je me demandai même si je finirais dans un tiktok ou une nouvelle buzzfeed qui m’afficherait comme une célébrité désagréable parce que mauvaise perdante. “J’ai rencontré Marceline Griffiths dans un bar et elle est hyper mauvaise joueuse !” J’imaginais les commentaires des gens, les ragots. Mais ce n’était pas le genre d’Andy, pas vrai ? Je n’étais toujours même pas sûre qu’ils sachent qui j’étais.

« Je te paye un verre pour me faire pardonner ? Un second plat de nachos ? Je peux mettre du ABBA sur mon téléphone si tu veux...The Winner Takes It All ? » J’inspirai, retenant un nouveau rire, et me tournai vers Andy, posant ma main sur la sienne. « Though it’s hurting me… Now it’s history… » Chantai-je d’un air dramatique avant d’éclater de rire. Je secouai la tête. « Je croyais qu’on formait une équipe, j’arrive pas à croire que tu ais risqué ma vie ! » M’exclamai-je en frappant son épaule. Je poussai un soupir, amusée. « T’inquiète. Finissez votre tour, je vais nous rechercher une tournée ! » Je me levai et passai au bar pour revenir accompagnée d’un serveur qui m’aidait à tout transporter, nos bras chargées de verres et d’un plat de nachos. Je m’assis à côté d’Andy, distribuant les verres aux autres. Je lui jetai un regard - elle avait l’air encore sincèrement inquiète. Je me penchai vers elle : « Eh, vraiment. C’est le jeu, t’inquiète. Je suis dramatique pour la blague, promis, » dis-je en lui faisant un petit clin d’oeil. Je me redressai pour parler aux autres, qui avaient quasiment fini leur quête : « Bon, on fait une partie d’un truc où je ne meurs pas ? » Demandai-je avec un sourire. J’ajoutai, de bonne humeur : « Il faudra qu’on refasse ça, non ? On se créé un groupe whatsapp ? » Proposai-je, pensant déjà qu’il faudrait bien donner mon numéro perso de secours que j’utilisais pour les nouvelles personnes, de peur que mon vrai numéro circule sur internet.



@Andrea Welch  

there's a heart on your sleeve
@Marceline Griffiths  

Marceline posait sa main sur la sienne et elle sentait, malgré elle son coeur s’emballer. Andrea scrutait son visage à la recherche d’un sourire, quelques choses qui lui prouve qu’elle n’avait pas mal pris cet accident meurtrier.  « Though it’s hurting me… Now it’s history… » Andrea se retenait de rire, se demandant si elle faisait passer un message avec ces paroles, puis bien vite la blonde éclatait de rire et Andrea la rejoignait dans un rire plus de soulagement que de véritable amusement. « Je croyais qu’on formait une équipe, j’arrive pas à croire que tu ais risqué ma vie ! » Andy arrêtait aussitôt de rire, la prenant totalement au sérieux avant qu’elle n’ajoute:  « T’inquiète. Finissez votre tour, je vais nous rechercher une tournée !  » Ouf, elle lâchait un petit soupire de soulagement alors que la blonde se levait et s’éloignait déjà vers le bar. Andrea reportait son attention sur le jeu, poursuivant la partie, non sans jeter quelques regards vers le bar pour voir ce que faisait la blonde. « Bruce c’est à toi. » « Hein ? Ah, pardon. » elle attrapait le dés, sans vraiment savoir ce qu’elle devait faire, puis déjà la partie prenait fin alors que Marceline revenait les bras chargés, accompagnée par un serveur. Elle s’installait, distribuait les boissons avant de se pencher vers Andy, qui se faisait toute petite. « Eh, vraiment. C’est le jeu, t’inquiète. Je suis dramatique pour la blague, promis, » « Ok, tu m’as fait peur un peu. » avouait-elle. « Et merci pour les boissons et tout, tu me donneras ton venmo je te rembourserais. » soufflait-elle alors que Marceline s'adressait déjà au groupe: « Bon, on fait une partie d’un truc où je ne meurs pas ? » « On peut faire un Uno si vous voulez ? » proposait-elle, prenant une gorgée de la nouvelle boisson que lui avait amené Marceline. « Il faudra qu’on refasse ça, non ? On se créé un groupe whatsapp ? » « Euh oui, carrément, enfin faudra que vous faire vos propres perso, ce sera plus sympa. » assurait-elle, sortant déjà son téléphone pour lancer WhatsApp et le tendre à la blonde pour que celle ci rentre son numéro. Amir rangeait déjà son manuel de donjon et dragon, et se levait pour aller choisir un jeu dans l’imposante bibliothèque du bar. « Tu chantes bien. » lâchait-elle soudain à l’attention de Marceline alors qu'elle suivait du regarde Amir pour savoir quel jeu il allait prendre. « Enfin… ABBA… tu sais… » bordel, pourquoi elle était aussi awkward, elle reposait ses yeux sur la blonde. « T’as une jolie voix. » concluait-elle, se noyant enfin dans sa pinte, les joues rougies par la gêne. Pourquoi elle faisait ça ? En plus Marceline avait bien dit avoir une copine, elle jouait à quoi en lui faisant des compliments comme ça ? Ridicule.

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« Ok, tu m’as fait peur un peu. » M’avoua Andy avec un petit sourire désolé. Elle avait sincèrement l’air inquiète et cela me toucha - j’avais toujours eu un faible pour les gens qui faisaient réellement attention aux autres, une qualité dont je pouvais parfois manquer, aspiré dans ma tornade d’exhubérance et mon besoin chronique d’attention. « Et merci pour les boissons et tout, tu me donneras ton venmo je te rembourserais. » J’hochai la tête, consciente que je ne demanderais jamais un centime à Andy, mais je ne voulais pas avoir l’air de me vanter de mon argent. J’espérais simplement qu’Andy oublie et je ne comptais pas la relancer. Elle et son groupe d’amis m’avaient fait le cadeau d’une chose très précieuse qui remboursait bien tous les verres : le luxe d’une soirée où je m’étais sentie normale. Et où, au passage, je n’avais pas non plus pensé à Jiyeon qui ignorait mes messages.

Andy proposa un Uno, et Amir commença à fouiller les étagères du bar à jeu pour chercher des jeux à nous proposer. On mentionnait déjà l’idée de refaire des soirées jeux de société - je n’étais pas sûre que Suzy, Théo et moi soyons assez assidus pour être des membres à part entière d’un petit club de DnD, mais j’étais sûre que nous pourrions venir de temps en temps. Ou simplement venir pour jouer au Uno et autres jeux qui semblaient bien les amuser aussi - Amir avait clairement l’air de connaître la moitié des jeux disponibles.

« Tu chantes bien. » Je sursautai, tirée de mes rêveries par Andy. J’haussai un sourcil, intriguée. « Enfin… ABBA… tu sais… T’as une jolie voix. » C’était moi ou elle rougissait ? Je lui adressai un sourire rayonnant, sincèrement touchée par son compliment ; je me demandai un instant si elle essayait d’être gentille après le fiasco du jeu, mais je ne l’imaginais pas être chose que sincère. Depuis le début de la soirée, j’avais remarqué et apprécié son honnêteté - et comme tous les actrices, j’avais un égo légèrement démesuré, et je ne disais jamais non à un compliment. « T’es adorable, » lui dis-je. Je plissai un peu les yeux, et ajoutai, puisque je le pensai sincèrement : « Je sens qu’on va être devenir de très bonnes amies. »


(Terminé) @Andrea Welch