Il y a pas grand chose qui te faisait plaisir depuis ta sortie de taule. T'avais pas encore prévenu beaucoup de personnes pour le moment - de toute façon, personne n'était vraiment intéressé à le savoir donc bon. Tu cherchais encore quoi dire à tout le monde, parce que, ouais, tout le monde te déteste. Plus qu'avant tu veux dire. Mieux valait être bien préparé avant de tout refaire foirer de nouveau. Pour une fois dans ta vie, tu veux pas merder. Et pour ne pas le faire, il faut que t'écoute cette jolie nana qui s'occupe de toi comme si t'étais incapable de t'adapter en société. C'est chiant tout ce qu'elle raconte. Elle n'est pas intéressante. Elle te donnerait plus envie de retourner la voir si elle mettait un décolleté plongeant. Franchement, t'es pas trop exigeant. Tu demandes juste à te rincer l'œil et pas à consommer. Mais ouais, c'est pas ça l'important de l'histoire. L'important, c'est qu'elle ta fortement conseillé un taf chiant qui aide les pauvres - yo, c'est toi les pauvres, tu devrais plutôt être servis - et que bah elle s'assure vigoureusement que tu respectes tes conditions de libération conditionnelle. Ce qui inclus de pas consommer, ni alcool, ni drogue, de ne pas avoir de démêlés avec la justice (même mineur) et ça veut aussi dire venir dans ses réunions où tout le monde veut se tirer une balle parce qu'ils ont pas été gentils quand ils étaient défoncé. C'est qu'une bande d'anciens addicts qui attendent ensemble le moment où ils vont replonger. Une belle connerie. Une charmante bombe à retardement mutuelle. Mais comme t'as besoin de ta foutu signature chaque semaine pour pas retourner en dedans, bah, te voilà. De toute façon, t'es presque certain que Vivian va te foutre à la porte et appeler les flics elle-même si tu ne respectes pas tes conditions. T'as presque plus peur d'elle que des flics. Donc, ouais, tu te tiens à carreau pour pas qu'elle arrête de faire semblant de pas réalisé que vos quelques jours de colocation commencent à devenir bien long. T'es bien là. Tout le monde le serait. T'as pas envie de partir.

C'est ta première réunion cette semaine et t'es presque pas en retard, ce qui est tout un exploit en soit, mais un exploit qui ne semble quand même pas apprécié par la personne en charge de la réunion. Tu la déteste déjà de (presque) te donner un avertissement. T'es quand même soulagé de voir que c'est pas une réunion en cercle à la con où tu devras regarder quelqu'un dans le blanc des yeux alors que vous ferez une compétition de celui qui a frappé sa meuf le plus fort pendant qu'il était ivre - chouette ambiance. Nah, y'a juste un con en avant qui raconte des trucs à chialer et tout le monde est cordé en rang d'oignon en face de lui. Tu repères rapidement une chaise dans le fin fond de la salle. Presque à la noirceur. L'endroit parfait pour te faire oublier. Ou presque, puisque t'as à peine le temps de mettre ton cul sur ta chaise que tu remarques la personne à ta droite. Ça te ferait marrer dans bien d'autres conditions. Ça te fait pas marrer là. « C'pas vrai. » Spencer. Qu'est-ce qu'elle fout là ? Pour avoir une place de choix comme celle-ci, ça lui fait pas plus plaisir que toi d'être là. « J'te demanderais bien qu'est-ce que t'as foutu pour te retrouver ici, mais ça m'intéresse pas. » que tu marmonnes pour ne pas attirer l'attention des autres. Manquerait plus qu'on te force à te présenter et à raconter ton histoire devant tout le monde. Pas envie que Spencer se foute de ta gueule encore plus.

@spencer blackwell

Presque six mois que ça dure, toute cette mascarade, même toi t’as du mal à y croire tellement ça paraît aberrant que t’aies tenu jusque là. Pour être honnête, t’es même pas sûre de comment t’as fait pour pas replonger à la première occasion vu toutes les merdes qui continuent à te tomber dessus. Le pire dans tout ça, c’est sans doute que tu sois engoncée dans un quotidien de métro boulot dodo, le tout entrecoupé de thérapie et de groupes de parole. T’es sûre qu’à la longue, tu vas finir par vriller tant ça t’épuise cette tentative désespérée de te raccrocher à la normalité et à la stabilité que ça peut offrir. Le problème étant que tu sais pas faire, ça. T’as jamais su faire.
Alors t’es là, à moitié planquée dans le fond de la salle pendant qu’un des intervenants fait son speech habituel de “don’t do drugs, kids, et que tu fais semblant d’écouter parce que ça t’emmerde et que t’as qu’une chose en tête ; rentrer chez toi. La réunion d’aujourd’hui est étonnamment remplie par rapport à d’habitude, beaucoup de nouvelles têtes dont tu retiendras ni les prénoms ni les visages parce que t’as une flemme monstrueuse de faire plus d’efforts que le simple acte de présence prévu aujourd’hui. T’as pas prévu d’être attentive à cette séance, c’est pourquoi tu t’es foutue dans le fond, loin de tout le monde et de toutes les potentielles interactions qui pourraient se présenter à toi. L’avantage de ce genre de rassemblement, c’est qu’ils ne forcent généralement pas la main si les gens ne veulent pas participer, ils ont sûrement dû avoir des mauvaises expériences par le passé et c’est tant mieux pour toi, tu vas pouvoir somnoler tranquillement jusqu’à la fin de la séance sans qu’on vienne t’emmerder. C’est à peine si tu prêtes attention au type qui vient se caler à côté de toi, ça t’intéresse pas de taper la discute et sans doute que lui non plus sinon il se serait foutu à côté de quelqu’un avec un air un peu plus avenant. T’es presque prête à commencer ta sieste quand t’es interrompue par la voix de ton nouveau voisin. « C'pas vrai. » Même pas besoin de jeter un regard dans sa direction pour savoir de qui il s’agit. Forcément, forcément fallait que ça soit lui. De tous les connards de Brisbane, fallait que ce soit celui-là qui vienne se poser à côté de toi. Et tout ce que tu peux faire sur l'instant, c'est rouler des yeux en lâchant un soupir sonore. « J'te demanderais bien qu'est-ce que t'as foutu pour te retrouver ici, mais ça m'intéresse pas. » « A ton avis, j’viens profiter du café et des sandwichs gratos. » tu railles en croisant les bras, t’affalant un peu plus dans le fond de ta chaise. Bien sûr, c’est évident que t’es là pour ça. T’es sûre que lui aussi il vient là uniquement pour profiter de la bouffe gratuite, hein. « T’as foutu quoi cette fois, t’as piqué de l’aspirine à ta sœur et elle t’a envoyé ici ? » Sur le papier tu t'en fous sûrement au moins autant que lui, mais dans le fond, t’es tout de même curieuse et t’as envie de savoir pourquoi il est arrivé là. Pourquoi faut qu’il se retrouve une nouvelle fois à venir t’emmerder alors que les choses commençaient à peu près à aller dans ton sens. Quel karma de merde, vraiment.

Déjà que cette petite rencontre obligatoire était chiante, elle l'est encore plus lorsque tu découvres l'identité de la seule autre personne qui semble se faire chier autant que toi vu l'endroit stratégique dans le noir qu'elle a choisis : Spencer. « A ton avis, j’viens profiter du café et des sandwichs gratos. » - « Y'a des sandwichs gratos ? » que tu réplique aussitôt en te redressant légèrement pour fouiller la place des yeux. T'avais pas vraiment pris le temps de faire un inspection visuel avant de venir t'écraser sur ta petite chaise pas confo du tout. Finalement, c'est vraiment la place idéale ici. Tellement loin que personne ne risquera de s'intéresser à toi, et à proximité du buffet. Tu te lèves légèrement, étire sans gêne ton bras devant Spencer jusqu'à attraper le morceau de sandwich le plus près avant de revenir t'asseoir. Écoute, il faut savoir se contenter des petits bonheurs de la vie. Faire beaucoup trop de bus pour écouter des histoires qui t'intéresse pas et ne retenir aucune leçon de tes erreurs et bouffer des sandwichs gratos en guise de récompense, c'est presque un bon deal à tes yeux. Si on exclut la présence de Spencer sur les lieux. « T’as foutu quoi cette fois, t’as piqué de l’aspirine à ta sœur et elle t’a envoyé ici ? » Tu ricanes tout bas - faudrait pas déranger le discours larmoyant devant - avant de prendre une énorme bouchée du sandwich entre tes mains. C'est meilleur que la plupart de tes repas des six dernières années. Même meilleur que la bouffe de ta mère. C'est pas trop difficile à battre hen. « Ma soeur est pas assez conne pour penser qu'ce genre d'endroit va me sauver la vie. » Ou plutôt, elle sait que t'es une cause perdue que rien ni personne ne peut sauver. Elle n'est pas idiote Maisie. Elle t'a rayé de sa vie pour de bon. Quelque chose qu'elle aurait sans doute dû faire bien avant oui. Toi, t'es encore assez con pour penser pouvoir rattraper le coup. Ça lui ferait plaisir de te savoir ici ? Ouais, peut-être bien. Ou pas parce qu'elle n'en a plus rien à faire. « À qui t'a volé de l'aspirine pour qu'il t'envoie ici ? » que tu lui retournes la question. Sa meuf, sans doute. C'est pas comme si elle était hyper bien entourée la blonde. Des gens comme elle et toi, ce n'est jamais bien entouré, parce que vous préférez les substances illicites aux personnes qui vous entourent. « T'es clean ? » Ou est-ce qu'elle fait semblant depuis tu ne sais combien de temps ? Si Spencer peut arrêter, tu le peux aussi. Elle était enfoncé bien plus profond que tu ne l'étais. Sauf qu'elle, elle a peut-être l'avantage d'avoir une motivation que tu n'as pas. Quand t'es ici par obligation ou par ton propre choix, ce n'est pas pareil du tout. « Pourquoi est-ce qu'on aurait envie de l'être ? » Question tout-à-fait rhétorique. T'as pas envie d'être sobre. Personne n'a envie de l'être ici. Celui qui prétendra le contraire n'est qu'un foutu menteur. Le monde est bien trop cruel pour avoir envie de le vivre avec les idées claires. Non, c'est mieux d'être dans les vapes. C'est mieux de ne pas être conscient de ce qui se passe autour de nous.

Une fois n’est pas coutume, t’aurais mieux fait de fermer ta gueule et ne rien dire à propos du buffet. « Y'a des sandwichs gratos ? » Pourquoi ça t’étonne même pas qu’il ait envie de se jeter dessus comme un mort de faim ? « Putain t'es chiant. » Tu pestes alors qu'il se penche sans aucune considération pour ton espace vital vers la bouffe. Noté, la prochaine fois tu te mets plus à cette place là, tu feras tes réserves en début de séance et t'iras te planquer dans un autre coin sombre à l'opposé de la table de victuailles. « Ma soeur est pas assez conne pour penser qu'ce genre d'endroit va me sauver la vie. » « T’sauver la vie, carrément ? » Tu le voyais plus comme un consommateur occasionnel qu’un véritable crackhead au fond du trou. Mais encore une fois, ça fait un moment que tu l’as pas vu, il a très bien pu chuter depuis. Ca serait même pas si étonnant que ça en vérité. « À qui t'a volé de l'aspirine pour qu'il t'envoie ici ? » Y a plein de modne à qui t’as piqué des médocs, trop, sûrement, mais c’est clairement pas la raison de ta présence ici. « J’suis venue toute seule, on m’a pas envoyé ici. » C’est vrai mais pas tout à fait. T’avais commencé à faire les démarches, tu serais venue quoi qu’il arrive. Y a juste eu une erreur de parcours à mi-chemin qui a failli te coûter la vie et qui a un peu précipité le processus, mais ça, tu te gardes bien de le partager avec lui, il serait encore capable de se foutre de ta gueule juste parce que t’as été assez conne pour OD. Connaissant l’énergumène, tu doutes qu’il soit venu de son plein gré. Si sa sœur n'en a rien à faire de lui comme il le prétend, qu’est-ce qui le motive à venir là ? Certainement pas l’envie de devenir une personne nouvelle et meilleure, alors quoi ? Il a rencontré quelqu’un qui compte assez pour qu’il écoute et veuille changer ? Bizarrement t’en doute aussi. « L’ambiance est plutôt sympa, tu verras. » t’ajoutes sans dissimuler l’ironie dans le ton de ta voix, portant le regard sur la personne en train de raconter une histoire larmoyante au possible. Ouais, c’est pas la joie ici. Tout le monde a ses traumas qu’ils partagent plus ou moins facilement et heureusement, t’es pas obligée d’écouter. Tu peux te contenter de faire acte de présence, foutre tes écouteurs dans tes oreilles et attendre que ça se passe. « T'es clean ? » « Hm. Toi ? » Tu confirmes à peine en grognant à moitié, l’air de dire “ouais mais ça me fait chier” avant de lui renvoyer la question. Lèvres pincées, tu tournes la tête vers lui pour essayer de déterminer si lui l’est, clean. Tu distingues pas les habituels signes, du coup t’en conclues que peut-être. « Pourquoi est-ce qu'on aurait envie de l'être ? » Très bonne question. Parce que jusqu'à maintenant, la sobriété relève plus du calvaire qu’autre chose et très honnêtement, tu détestes ça. Peut-être même presque plus que la descente qui suit un bon high. Sans le brouillard constant qui occulte tes idées les plus noires ou l’euphorie artificielle provoquée, tu sais pas comment fonctionner normalement. Tu te vois franchement pas le faire pendant des années, non plus. Ca t’emmerde d’être d’accord avec lui sur ce point, ça t’emmerde surtout d’en être encore là dans ton cheminement de pensées. « Ouais, j'sais pas trop. » Mais c'est nécessaire pour que tu puisses garder Mac près de toi, pour espérer avoir un tant soit peu de reprise de contrôle sur ta vie. « Évite de dire ça devant tout le monde quand c’est ton tour de parler, ils risquent de pas apprécier. » Tu sais même pas comment ils réagiraient, les responsables de salle si y en a un qui décidait subitement de balancer ce genre de vérité devant l’assemblée. Y aura probablement juste un rappel à l’ordre et une tentative de discussion, pas des conséquences super lourdes quoi. A moins qu’ils ne décident qu’il n’a rien à faire ici et qu’ils le foutent dehors en lui demandant de trouver un autre meeting. Merde, peut-être une opportunité manquée. « J’pensais pas que t’en étais au point de venir dans c’genre d’endroit. » Tu commentes l’air de rien, parce que quitte à ne pas vouloir être ici, autant le faire à deux.

« Putain t'es chiant. » Rien de nouveau hen. C'est pas parce que t'es sobre depuis quelques semaines que t'es devenu un tout autre homme. L'alcool, c'est ce qui t'amène dans l'excès, c'est ce qui te fait dépasser les bornes sans remords, c'est ce qui t'empêche de réfléchir aux conséquences de tes actes. Ça ne change pas qui tu es. Ça amplifie les défauts de ta personnalité. Sobre, ils sont toujours là. Ils sont juste moins flagrants disons ça ainsi. « T’sauver la vie, carrément ? » Sauver la vie, préserver ton foie, faire de toi une meilleure personne et toutes ses conneries là. Tu acquiesces d'un signe de tête la bouche plein de ces magnifiques sandwichs. Nop, aucune classe. C'est pas comme si t'avais quelqu'un a impressionné, ni même avec qui faire bonne figure. C'est juste Spencer. Un dommage collatéral de plus. « J’suis venue toute seule, on m’a pas envoyé ici. » Et bah, qu'est-ce qui l'a motivé à venir ici par elle-même ? Elle croit vraiment que ces conneries de réunion de groupe peuvent l'aider à rester sobre ? Rester sobre, oui ok, tu sais que des gens stupides veulent ça, mais venir ici ??? Nah, c'est qu'une menteuse. « Ouais c'est ça. » Elle a juste autant pas envie que toi de dire la raison pour laquelle elle est forcée d'être ici. Elle n'est sûrement pas fière de la raison. Toi non plus t'es pas fier. Tu peux la comprendre là dessus. « L’ambiance est plutôt sympa, tu verras. » Elle pue le sarcasme. Tu lèves les yeux au ciel avant d'envahir de nouveau son espace vital pour aller chercher un second morceau de sandwich. Franchement, faut pas laisser le buffet sans surveillance. Ils ne leur resteront plus rien quand ils auront fini de chialer sur leur problème. « Hm. Toi ? » - « Hm. » À son manque d'enthousiasme sur sa sobriété vient le tien. Ouais, t'es sobre. Tu dois l'être pendant encore 345 jours - oui, tu comptes faire le décompte jusque là. Tu doutes qu'un coup l'échéance atteint tu auras une révélation pour poursuivre ton train de vie santé. Tu doutes même de vraiment arriver à rester sobre jusque là. Il faut juste que tu trouves le moyen de berner les tests de dépistage. T'es clairement pas assez intelligent pour ça. « Ouais, j'sais pas trop. » Elle sait pas trop hen ? « J'croyais que t'étais venu toute seule ? » Putain de menteuse. Elle vient tout juste de se trahir. Elle doit bien savoir pourquoi elle a envie d'être sobre si elle le fait par choix. Ou alors elle regrette son choix. C'est presque tentant de te sauver avec elle et de trouver un mec louche qui vous viendra un peu d'herbe. Une envie qui ne sera pas partagée par la blonde. À moins que l'herbe soit une raison suffisante de supporter ta présence quelques minutes de plus. « Évite de dire ça devant tout le monde quand c’est ton tour de parler, ils risquent de pas apprécier. » Comme si tu en avais quelque chose à faire de que les autres apprécient ou non. « J'avais pas l'intention de faire un grand discours. » Certainement pas le premier jour, certainement pas avec Spencer comme spectateur. Tu ne lui donneras pas le plaisir de savoir à quel point tu as été pitoyable dans les semaines qui ont précédés cette réunion ci. T'es pas fier de ce que t'as fait à Murphy. T'es pas fier non plus de ton élan de colère sur son pseudo copain. Faut croire que c'est tout de même trop te demander d'aller lui faire des excuses. « J’pensais pas que t’en étais au point de venir dans c’genre d’endroit. » - « J'en suis pas là. J'ai pas de problème. J'ai rien à foutre ici. » Étape numéro un : admettre qu'on a un problème. On part de loin quand on n'a même pas franchi la première étape du processus. C'est pas parce que tu prends un verre ou deux tous les jours que t'as un problème. C'est n'importe quoi tout ça. « Moi j'suis surpris que tu sois pas morte dans une ruelle. » Elle, elle a un problème. Pas toi. T'es loin de te shooter de la merde comme elle dans les veines. Deux-trois lignes de coke avec Murphy, c'est rien à comparer à tout ce qu'elle a dû prendre, elle.

« Ouais c'est ça. » Comme prévu, il te croit pas sur le volontariat dont t’as fait preuve pour te ramener ici. Tant pis, tu vas pas insister jusqu’à ce qu’il se mette soudainement à le faire, il peut bien s’imaginer ce qu’il veut. « Hm. » qu’il calque sur ta réponse, au moins aussi convainquant que toi, même lui n’a pas l’air d’y croire, c’est dire. Et comme toi, comme beaucoup de personnes qui se retrouvent dans ce genre d’endroit, ce n’est pas par gaieté de coeur ou par le besoin absolument viscéral d’être sobre et de se défaire de ses addictions. Ca fait peut-être plusieurs mois que t’as rien pris, pas un seul rail, pas un seul joint, pas une simple goutte d’alcool ou même de fruit un peu fermenté et si dans l’immédiat tu ne ressens pas le besoin de t’enfiler un truc, c’est pas pour autant que t’es sûre de pas céder à la moindre opportunité. T’as failli céder plusieurs fois mais t’as eu d’assez bons réflexes pour appeler à l’aide et ne pas foutre en l’air tous tes efforts, et pourtant voir Seth débarquer pourrait bien faire pencher la balance. Les tocards ont tendance à s'entraîner mutuellement vers le fond, aucun doute que c’est ce qui risque d’arriver si tu restes dans son sillage. Et t’auras beau invoquer toutes les excuses possibles et imaginables, au final, le résultat sera le même. « J'croyais que t'étais venu toute seule ? » Il doit bien savoir comment ça marche non ? Lui aussi doit avoir un truc qui le motive assez pour se ramener ici. Toi c’est ta meuf, lui ça doit être genre une condition pour toucher un héritage familial ou t’en sais trop rien. « C’est l’cas. » En plus paraît que t’en as besoin. « Ca veut pas dire que j’prends mon pied à être là ou que j’en ai super envie. » Tu détestes chaque instant passé ici, chaque seconde perdue à devoir écouter les mêmes discours déclamés par différentes personnes et sous différentes formes. Tu connais par coeur, t’en as marre de l’entendre et de devoir prétendre que t’as adopté la doctrine. Ça te gonfle de plus avoir de recours pour te vider l’esprit quand toi tu l’as décidé ou juste quand t’en as besoin. « Mais paraît que c’est bien vu d’faire des efforts quand on promet alors- » tu hausses les épaules un coup, l’air de dire “alors voilà où j’en suis.” Des efforts t’en as jamais fait avant, et certainement pas quand tu fréquentais Seth, c’est une grande nouveauté pour toi et t’es même pas certaine que ça en vaille le coup. Sur le papier peut-être, dans les faits, c’est autre chose. Tout ce que tu sais, c’est qu’au bout du compte tu finiras forcément par ne pas réussir à tenir ta foutue promesse et décevoir la personne à qui tu l’as faite. Et puis tant pis s’il te croit pas en fait, t’as rien à lui prouver, tu sais pour qui tu le fais et c’est pas pour lui. « J'avais pas l'intention de faire un grand discours. » Encore heureux, manquerait plus que ça, qu’il se mette à faire des discours inspirants genre influenceur qui s’est découvert une vocation. L’idée de le voir dans ce rôle te fait un peu rire, faut avouer. Bien plus que de l’avoir là pour cette séance et potentiellement d’autres plus tard, si t’es tout à fait honnête. Et faudrait pas qu’il prenne tes questions pour une invitation à venir s’assoir à côté de toi à chaque fois, surtout si c’est pour empiéter dans ton espace vital pour des foutus sandwichs. « J'en suis pas là. J'ai pas de problème. J'ai rien à foutre ici. » « C’est marrant, tu sonnes exactement comme tous ceux qui sont forcés à être ici. » Ceux qui viennent parce qu’on leur impose de le faire dans le cadre d’une procédure judiciaire, ou ceux qui ont un suivi un peu plus poussé parce que leur vie est directement en danger, au choix. Seth a quand même plus le gabarit du premier cas, mais tu pourrais te tromper, alors autant le laisser raconter l’histoire qu’il veut, c’est pas tellement comme si ça t’intéressait réellement. « Moi j'suis surpris que tu sois pas morte dans une ruelle. » Tes lèvres étirent un rictus amer et tu peux pas t’empêcher de souffler un rire du nez. C’est de bonne guerre ce genre de pique, bien vu de sa part. T’es même presque aussi surprise que lui que ça ne soit pas arrivé, mais hé, faut croire que quand on t’agite la bonne récompense sous le nez t’es prête à faire des efforts. « Oh bah non, ça t’ferait trop plaisir. » En plus c’était même pas une ruelle où ça a failli arriver, c’était une salle de bain juste à côté des chiottes, carrément rien à voir. « Et puis tu vas stalker qui, après ? » t’ajoutes l’air de rien. « R’marques tu t’attendais peut-être à croiser Murphy en fait. » Tu sais toujours pas c’est quoi leur relation, ou s’ils se côtoient encore. Toi t’as juste toujours le piège de l’autre coup en travers de la gorge, c’est peut-être bien le moment de savoir comment il s’est retrouvé à se servir de son téléphone à elle pour te contacter.

« C’est l’cas. » Pourtant elle agit comme une personnr qui n'a absolument pas envie d'être là. Pourquoi elle se forcerait à faire quelque chose qui la fait chier ? Ce serait carrément stupide. « Ca veut pas dire que j’prends mon pied à être là ou que j’en ai super envie. » Tes sourcils se froncent l'air de dire : c'est carrément con ce que tu racontes là. « Mais paraît que c’est bien vu d’faire des efforts quand on promet alors- » alors there she is. Elle est là pour quelqu'un. C'est ça qui la motive. Et c'est probablement la raison pourquoi elle restera sobre plus longtemps que toi, parce que toi, t'en as pas de raison de rester sobre. Enfin, si, préserver ton petit cul de la prison. Est-ce vraiment suffisant comme motivation ? Non, pas vraiment. Le moment où tu sentiras de nouveau que tu ne te feras pas prendre, les vieux démons reviendront au galop. En même temps, tout le monde dit qu'on doit faire ça pour nous et pas pour les autres. Spencer est sans doute autant une bombe à retardement que tu l'es. « C’est marrant, tu sonnes exactement comme tous ceux qui sont forcés à être ici. » Sans doute parce que t'es forcé à être ici, hen. Tu lève gentiment ton doigt d'honneur en sa direction. La vérité est chiante à entendre. « Ta gueule, tu déranges à l'avant. » Le discours larmoyant dont ni elle ni toi n'a quelque chose à foutre. T'as déjà assez de ta propre merde à gérer. Tu ne vas pas commencer à écouter celles des autres en plus. « Oh bah non, ça t’ferait trop plaisir. » Ton regard est fixé sur l'avant de la salle - même si t'écoutes rien - et un sourire amusé se dessine sur ton visage. « De venir cracher sur ta tombe ? Carrément. » Nah, ça te ferait pas plaisir. Elle est une bonne source de divertissement Spencer. Tant qu'elle crève pas, t'as envie de croire que tu ne peux pas crever non plus. Ça, ça ferait vraiment plaisir à beaucoup de personnes. Elle y compris. « Et puis tu vas stalker qui, après ? » Tu laisses échapper un rire qui te vaut quelques regards désapprobateurs. Bon ça va, tu te moques pas du drogué à l'avant qui s'est presque noyé dans son propre vomit. « T'es sûrement rendu chiante à stalker. » Depuis qu'elle est sobre pas par plaisir donc. « R’marques tu t’attendais peut-être à croiser Murphy en fait. » Ça pique. Simplement par la manière dont tu te replaces sur la chaise, elle pourra comprendre qu'elle vient de toucher une corde sensible. Ta mâchoire qui se serre un peu viendra lui confirmer le tout. Murphy, c'est bien la dernière personne au monde que tu penserais croiser ici. C'est encore moins la personne que tu veux croiser ici. Non, quand ça arrivera, c'est parce que tu l'auras décidé. « Je doute qu'elle ait la moitié de ta détermination à venir se faire chier ici. » Elle a pourtant fait une overdose et elle continue de se poudrer le nez comme jamais. Tu lui demanderas jamais d'arrêter contrairement à la charmante copine de Spencer. Et elle le fera jamais d'elle-même non plus. « C'est quand la dernière fois qu'tu l'as vue ? » Bien plus simple de demander à quelqu'un d'autre que de prendre des nouvelles soi-même hen. Tu sais même pas à quel point elles sont amies toutes les deux. Mais quand on veut être sobre, on sort forcément une personne comme Murphy de sa vie. Tu doutes que Spencer sache pour les derniers événements entre vous deux. À moins que ce n'était qu'une manière d'aborder le sujet et te le balancer en pleine tronche.

« Ta gueule, tu déranges à l'avant. » Le ricanement qui t’échappe est difficile à retenir, on dirait vraiment que t’as à faire à un gamin et si t’es tout à fait honnête, tu dois pas avoir l’air bien mieux. Comme si il en avait quoi que ce soit à faire de déranger les autres, quelle hypocrisie vraiment. La vérité c’est qu’il est bien trop content d’avoir quelqu’un à emmerder pour passer le temps et pas se faire chier à faire semblant d’écouter les intervenants. « De venir cracher sur ta tombe ? Carrément. » Décidément le plus gros risque de l’avoir à côté de toi pendant les séances, c’est sans doute le fait que tu risques de finir par éclater de rire. Et vu les sujets abordés à chaque fois dans la salle, y a moyen que ça soit un peu mal pris et forcément, on viendra t’engueuler toi plutôt que lui. « Arrête de mentir, t’aurais trop la flemme de le faire. » Si c’était toi qui devait aller cracher sur la sienne, c’est sûr que c’est pas le genre d’activité qui passerait en priorité sur ta liste. Faire le déplacement, prendre du temps et de l’énergie, tout ça pour perdre ta salive pour quelqu’un qui n’en vaut pas la peine, ouais, mauvais plan. « T'es sûrement rendu chiante à stalker. » « Ouais sans doute. » Au moins il te fout la paix, comme ça. Qu’il s’occupe de sa meuf Murphy ou Leo ou tu sais pas qui, au moins pendant ce temps il est pas là à t’emmerder chaque fois que tu mets le nez dehors. T’as pas besoin d’un type comme autour de toi pendant que t’essaies avec plus ou moins de difficulté d’aller mieux. T’as pas été sobre depuis pas loin de dix ans, si c’était pas les stupéfiants c’était l’alcool, et si ça te fait chier, tu sais que tu le fais pour les bonnes raisons. Côtoyer Seth ou Murphy ou tes anciens potes, c’est le meilleur moyen de se retrouver à nouveau le nez dans la poudre. Et cette fois, peut-être que t’y survivras pas. Du coup, l’idée qu’il te trouve désormais trop peu intéressante pour te gratifier de sa présence te convient plutôt bien. « J’suis pas loin de madame tout le monde, ces derniers temps. C’est plutôt chiant, tu perds rien. » Y a des avantages qui sont indéniables, tu diras pas le contraire, le principal étant bien évidemment d’avoir Mac de retour dans ta vie, parce que sans elle pour te motiver t’as pas tant de raisons d’essayer. Et si Seth te trouve trop chiante à stalker parce que t’as un quotidien un peu chiant, tant mieux. « Je doute qu'elle ait la moitié de ta détermination à venir se faire chier ici. » Ouais, bizarrement t’en doute aussi. Encore que, tout est possible, y a encore un an tu te voyais pas franchement troquer tes sachets de poudre et tes seringues contre un pin’s à la con et une tape sur l’épaule. Quel enfer mais quel enfer. « C'est quand la dernière fois qu'tu l'as vue ? » Houla, tu réfléchis quelques instants histoire de te souvenir quand et où t’as pu la voir pour la dernière fois. « Heu… J’sais même pas, probablement depuis qu’tu t’es fait passer pour elle. » Un bon bout de temps, donc. « Le prends pas mal mais toi ou elle, vous êtes pas tellement les meilleures personnes à fréquenter quand on veut rester sobres, hein. » Et comme t’as la détermination d’une enfant de cinq ans, t’es à peu près sûre que la première opportunité qui se présentera, tu risques de la saisir. Tant pis si elle s’appelle Murphy ou Seth ou qu’importe, tu sais très bien que t’as pas assez de volonté pour que toute cette foutue mascarade dure longtemps. « C’est ta meuf, Murphy ? » Tu demandes alors sans trop réfléchir. Pas que ça t’importe vraiment, ça titille ta curiosité depuis un moment alors faut que ça sorte. Au moins ça expliquera comment il a pu utiliser son téléphone.

« Arrête de mentir, t’aurais trop la flemme de le faire. » Peut-être, peut-être pas. Tes lèvres s'étirent en un sourire amusé alors que tu hausses les épaules nonchalant. Qui aurait cru que cette réunion ne serait pas si chiante que ça ? Et elle est pas chiante parce que t'écoutes pas et que t'apprends rien surtout. Spencer est sûrement pas du même avis que toi. Elle préfère quand t'es pas là. Tant pis pour elle parce que tu comptes bien rester dans les parages pour un petit bout de temps. Pas pour elle hen, qu'elle ne s'enfle pas trop la tête la blonde. « Ouais sans doute. » L'est-elle vraiment ? Est-ce qu'être sobre fait d'elle une nana chiante et pas intéressante ? Qui suit les règles de la société et qui n'a plus aucun mordant ? Sûrement pas. Être sobre, ça ne change pas le fond d'une personne. Et elle n'a pas un bon fond la blonde. On fera pas genre. « J’suis pas loin de madame tout le monde, ces derniers temps. C’est plutôt chiant, tu perds rien. » Tu ricanes un coup, plus ou moins subtilement. À force de le répéter, elle va bien finir par se convaincre. Par contre, plus elle le dira, moins tu la croiras. « Une jolie maison avec de belles fleurs et un labrador ? » Un terrassement tout propre et impeccable avec ça ? Ouais, jamais de la vie qu'elle aura tout ça. Jamais de la vie qu'elle ne voudra entrer dans le moule imposé de la société. « J'attends l'invitation pour aller visiter. J'amènerai des sodas. » Au lieu d'un peu d'herbes et quelques bouteilles de fort. Une belle soirée chiante en vue quoi! La discussion devient un brin moins confortable pour toi lorsque le sujet de Murphy vient sur le tapis. Tu te demandes comment elle va, ce qu'elle fait, avec qui elle le fait. Peut-être bien que Spencer peut répondre à certaines de tes interrogations. C'est quand la dernière fois qu'elle l'a vue ? « Heu… J’sais même pas, probablement depuis qu’tu t’es fait passer pour elle. » Et bah non, elle sert strictement à rien. Et mise à part elle - et sa jumelle qui vit sa meilleure vie - tu connais pas trop ses fréquentations ni même son entourage. Enfin si y'a son amant, mais c'est certainement pas à lui que tu vas aller chercher des nouvelles. Parce que prendre ton téléphone, ou directement aller chez elle, c'est trop te demander. « Le prends pas mal mais toi ou elle, vous êtes pas tellement les meilleures personnes à fréquenter quand on veut rester sobres, hein. » Ouais, c'est bien ça le problème. Une partie de toi sait que c'est pas une bonne idée de retourner vers Murphy pour le moment. Parce qu'elle va te faire chuter en un claquement de doigt. Parce qu'elle ne pourra pas aimer le Seth sobre. Ça va l'emmerder d'être avec quelqu'un qui doit se tenir à carreaux, quelqu'un qui ne pourra pas la suivre dans ses plans foireux. Tu vas la perdre. Tu vas pas la récupérer plutôt. « Faut croire que c'est l'cas maintenant. » Comme vous êtes tous les deux là à faire semblant d'être sobres. Difficile à dire si de vous comprendre l'un l'autre pourrait vous aider ou si vous finiriez pas vous tirer vers le bas bien trop rapidement. « C’est ta meuf, Murphy ? » - « Ouais. » Non, c'était. « Ça t'surprend ? » Les paumés attirent les paumés, y'a rien de surprenant là dedans. C'est pas l'identité de la meuf qui va la surprendre, c'est juste le fait que y'a bien quelqu'un dans ce monde qui a accepté de partager sa vie avec toi. Elle a l'air d'oublier qu'elle a été cette meuf y'a longtemps. Elle veut l'oublier plutôt. Qu'elle ne s'inquiète pas, tu comptes le lui rappeler à chaque fois qu'elle oublie malencontreusement.

« Une jolie maison avec de belles fleurs et un labrador ? » Ton sourire de merdeuse trop sage s’élargit alors que tu hoches la tête. « Pas loin. Juste pas les fleurs parce que c’est vraiment super chiant à entretenir. » Voilà, tu sais comment te débarrasser de lui ; t’as qu’à faire en sorte d’être le plus chiante possible à ses yeux et il finira par te lâcher la grappe parce qu’il y trouvera plus son compte. Putain pourquoi t’y as pas pensé avant, ça t’aurais épargné bien des soucis. « J'attends l'invitation pour aller visiter. J'amènerai des sodas. » Tu le vois tellement pas en petit invité bien sage qui se ramène avec ses boissons sucrées, tout ça pour passer une soirée chill et sans problème. A l’époque où vous vous fréquentiez, c’était tout l’inverse et t’es sûre que si vous étiez de nouveau amené à le faire, ça se passerait au moins tout aussi mal. « Trop hâte, on pourra rattraper le temps perdu. » Tu railles en roulant des yeux. Si t’as bien gardé un truc de tes années passées dans la rue, c’est de garder les informations sensibles pour toi. T’as eu raison de jamais vouloir les partager avec votre connaissance commune, c’est pas sous prétexte qu’il est sobre et rangé que ça va changer. « Faut croire que c'est l'cas maintenant. » « C’est vraiment tout ce qui manquait. » Tu grommelles en te massant l’arête du nez. La question à un milliard qui te brûle les lèvres depuis trop longtemps déjà, sa relation avec Murphy ? « Ouais. » A sa réponse, tu arques un sourcil critique. T’es pas sûre de savoir si tu dois le croire ou non, tout ce qu’il dit est possiblement un mensonge même si dans ce cas très précis, il n’a pas grand chose à gagner à raconter des conneries. C’est pas comme si t’allais soudainement te montrer jalouse et vouloir le récupérer lui ou alors empêcher Murphy de se lancer dans une histoire avec un type comme Seth. Ils sont tout aussi toxiques et peu fiables l’un que l’autre alors bon. « Ça t'surprend ? » Tu contrôles pas tellement le ricanement silencieux qui t’échappe. « Pas tellement. » Qui se ressemble s’assemble, il paraît. C’est la raison pour laquelle t’as fini avec lui à un moment de ta vie, ou pourquoi t’as croisé la route de sa meuf à un moment où t’étais encore complètement en roue libre. Qu’ils aient terminé dans les bras l’un de l’autre n’est clairement pas une surprise. Reste à savoir si c’est du solide ou juste du fun, dans tous les cas t’imagines mal une relation basée sur les sentiments ou la confiance. Remarque, ça doit être marrant d’assister à leurs échanges. « Vous allez bien ensemble. » Et c’est pas un compliment, clairement. Raison de plus pour éviter de traîner dans le sillage de l’un ou de l’autre, ça ne peut que mal finir, surtout si tu veux continuer à essayer de changer et de devenir une meilleure version de toi-même, blablabla. Pendant un instant, le silence s’installe mais tu peux pas t’empêcher de jeter des oeillades dans la direction du Moriarty tout en balançant ta jambe. Putain de tic nerveux. A l’instant où t’en rends compte, tu souffles du nez en te redressant sur ta chaise trop peu confortable. « J’ai fait une overdose y a genre six mois. C’pour ça que j’suis là. » Tu balances en fixant ton regard sur les intervenants loin devant vous. Il peut bien faire ce qu’il veut de l’info, c’est pas tellement ton problème à vrai dire. « Si c’est pas ta soeur qui t’a poussé à venir, c’est clairement pas Murphy non plus. Du coup c’est quoi ? » T’attends l’énième bobard, juste pour le fun et l’occupation que ça procure dans un moment où ta seule envie c’est de te tirer de la salle mais après tu sais qu’on va venir te faire chier. Qu’il invente une histoire divertissante, ça passera le temps. « Et me dis pas que c’est parce que t’as soudainement eu envie de changer, hein. »

« Pas loin. Juste pas les fleurs parce que c’est vraiment super chiant à entretenir. » Bof, tant qu'à toi, c'est aussi chiant d'entretenir des fleurs que de gérer un animal de compagnie. C'est pas comme si y'avait des tonnes de choses dans la vie que tu trouvais pas chiante hen. « C’est vrai que ramasser de la merde de chien, c’est pas chiant du tout. » que tu réponds immédiatement. Peut-être qu'elle ne la ramasse pas la merde de son chien qui existe sûrement pas. C’est aussi une bonne option pour faire fuir les invités indésirables - ou les convaincre de ne pas revenir après avoir salis ses baskets. C’est sûrement ce que tu ferais s’il fallait que t’hérite d’un chien… et tu oublierais sûrement de le nourrir et il crèverait aussi vite qu’il est arrivé dans ta vie. T’as déjà du mal à t’occuper de toi-même, faudrait pas ajouter un autre être vivant dans l’équation. Encore heureux que Theodora ait choisis l’option avortement hen. « Trop hâte, on pourra rattraper le temps perdu. » Ça pu le sarcasme son truc, mais bon, on va faire comme si t'avais pas remarqué et tu va continuer d’attendre l’invitation. Elles sont chiantes les toxicos à se croire meilleure que toi - elle, Murphy, toutes des connasses qui ne valent rien, comme toi. Si ça peut lui faire plaisir de croire le contraire… on verrait bien qui de vous deux sera le premier à crever dans une ruelle louche. « C’est vraiment tout ce qui manquait. » - « Un réel plaisir de combler ce manque. » Sarcasme par-dessus sarcasme. C'est déjà mieux que d'écouter ce qui se passe à l'avant. Si tu peux emmerder Spencer pendant les mois à venir tout en obtenant ta signature à la fin de la séance, y'a pire comme condition de libération. « Pas tellement. » Évidemment qu'il n'y à rien de surprenant au couple que tu formes avec Murphy. Couple qui a éclaté en quelques semaines seulement, mais bon, elle n'a pas besoin de savoir ça. Et puis, c'est juste une petite pause que vous prenez pour mieux vous déchirer plus tard. « Vous allez bien ensemble. » Tu peux pas t'empêcher de laisser échapper un petit rire à peine audible pour les autres qui ne sont pas concernés. Un joli compliment pour tous les couples du monde entier, c'en est pas un pour le votre - celui qui n'existe que dans ta tête, c'est important de le rappeler. « C'est une connasse. » Et ça fait de toi le parfait connard qui va bien avec elle. Aussi bien dire tout haut ce qu'elle pense tout bas. On va pas faire genre de s'mentir à ce point là. On va pas faire genre qu'elle a une once de respect pour toi hen. Y'a un silence qui s'installe et tes yeux se reportent vers l'avant de la salle alors que le mec qui parle devant se met à sangloter. Sérieux ? S'il se tire pas une balle, c'est toi qui va le faire. Tu soupires bruyamment en versant la tête vers l'arrière. Ça doit bientôt être terminé ces conneries ?? « J’ai fait une overdose y a genre six mois. C’pour ça que j’suis là. » Voilà qui te fait redresser la tête. Tes sourcils se froncent alors que ton regard se porte sur Spencer. À quel moment en êtes vous rendu à vous faire des confessions ? Ça prenait une désintox et un besoin de passer le temps visiblement. « Qui est-ce qui t'a trouvé ? » Sa meuf sans doute. Et c'est pour ça qu'elle l'a forcé à devenir sobre. Tu voudrais lui demander si elle a eu peur quand elle a cru qu'elle allait mourir, mais t'as encore trop d'orgueil pour communiquer tes propres peurs à travers des questions. « Si c’est pas ta soeur qui t’a poussé à venir, c’est clairement pas Murphy non plus. Du coup c’est quoi ? » Non, c'est pas ta soeur. Murphy encore moins. Elle serait déjà en train de t'encourager à sniffer. Et tu le ferais même si tu détestes cette merde qu'elle se fout dans le nez. Si l'alcool, ça t'fait pas, la coke, c'est encore pire, ça au moins tu l'admets. « Et me dis pas que c’est parce que t’as soudainement eu envie de changer, hein. » Pas de mensonge donc. Tu peux bien faire ça avec la révélation qu'elle vient tout juste de te faire. Qu'est-ce qui est pire ? L'overdose ou la prison ? « Mon agent de libération conditionnelle. » Plus ou moins hm. « Plus l'droit de boire, de consommer et de passer devant Michael Hills International. » Elle fera bien les liens toute seule comme une grande dans sa tête. C'est pas comme si c'était vraiment compliqué. Elle a déjà été une complice de tes vols après tout. « Satisfaite ? » Pas aussi glorieux que de frôler la mort, mais presque.

« C’est vrai que ramasser de la merde de chien, c’est pas chiant du tout. » « Ca va, ça fait fuir les relous en cas de besoin. » Comme si le chien de ta meuf avait un quelconque pouvoir dissuasif du haut de ses 30 centimètres au garrot ou même défendre votre honneur. Y a pas pire comme chien de garde, vraiment. « Un réel plaisir de combler ce manque. » Ouais, enfin s’il pouvait surtout aller s’installer ailleurs la prochaine fois, ça t’arrangerait bien aussi. Le sujet Murphy a l’air de le toucher. Difficile à dire de quelle façon exactement, mais c’est un fait. Est-ce qu’il y est attaché ? Est-ce qu’il se donne un genre et fait des promesses pour lui plaire ? Non, t’es pas surprise par le fait qu’il y ait un truc entre eux, personne connaissant les deux énergumènes peut prétendre l’être, d’ailleurs. « C'est une connasse. » Tu le retiens à grand peine, le “my point exactly”. Ca serait carrément mérité et dans d’autres circonstances t’aurais sans doute pas hésité. La vérité c’est que même si le faire chier t’amuse beaucoup plus que de raison, ça ne devrait pas être un prétexte pour de la méchanceté gratuite. C’est marrant parce que même si t’essaies de te convaincre très fort que tu le hais, t’arrives juste pas à le détester, Seth. C’est juste un pauvre type aussi paumé que toi et dans un sens, ça reste assez complémentaire. Y a rien de bon qui peut ressortir si vous vous fréquentez, t’en as eu la preuve à de multiples reprises et ça ne risque pas de changer ; mais pour quelqu’un comme toi, ça a un côté aussi familier que rassurant, de le savoir toujours dans le paysage. C’est complètement stupide et t’en as parfaitement conscience, mais c’est comme ça. « Qui est-ce qui t'a trouvé ? » Une grimace d’inconfort se forme sur ton visage et pendant l’espace d’un instant, t’envisages de donner un nom random. « Mac. Elle a- Ca s’est joué à quelques minutes. » Et s’il te demandait, t’as plus peur des dommages que ça lui a causé à elle que de savoir que t’as manqué de crever. Ça fait longtemps que t’as accepté l’idée que tu vivrais pas vieille, avec un mode de vie comme t’as eu, c’était qu’une question de temps. Et pourtant, t’es encore là, t’essaies de t’accrocher pour aller mieux sans savoir si t’en as réellement envie ou même si ça vaut le coup et c’est réellement épuisant à la longue. A la place tu t’intéresses aux raisons qui font que lui a envie d’être ici. Pour être honnête, tu pensais même pas qu’il était réellement addict, tu le voyais plus fumer un joint ou se faire un rail de façon récréative quoi. « Mon agent de libération conditionnelle. » Tu ne dis rien, te contentant d’un regard en coin un peu sceptique et étonné, cherchant à savoir s’il se fout de sa gueule ou s’il a décidé de donner la vraie version. Il n’a techniquement aucune raison de mentir, mais à côté de ça il ne te doit pas non plus la vérité. « Plus l'droit de boire, de consommer et de passer devant Michael Hills International. » Et juste comme ça, t’es quasiment convaincue qu’il vient de te donner la vraie raison ; tu doutes qu’il aille jusqu’à inventer des détails pareils pour appuyer son histoire. « Satisfaite ? » Tu peux pas t’empêcher de ricaner doucement en hochant la tête. « Wow regarde nous, c’est sans doute la première fois qu’on est honnêtes l’un envers l’autre. » Tout ce que ça aura pris, c’est que tu fasses une overdose et que lui se fasse arrêter. Le pire dans tout ça, c’est que ni lui ni toi ne pouvez réellement jouer la carte de la surprise quant au destin de l’autre. Vous êtes des tocards, des losers, ça vous pendait au nez et ce n’était qu’une question de temps. Dans un autre univers, une autre configuration vous auriez pu être un genre de Bonnie & Clyde version Wish, tiens. T’allais reprendre et continuer dans l’exagération, mais un raclement de gorge venant de derrière t’interrompt. Tu jettes un oeil pour y voir un des sponsors qui vous fait signe vers l’avant, l’air de dire “vous allez écouter ce qui se dit ?” Pour toute réponse tu lâches une grimace d’excuse et tu croises les bras en faisant mine de t’intéresser à la suite de la séance, terminant ainsi la discussion avec ton voisin. C’est pas plus mal, en vrai, ça vous évitera de vous attirer mutuellement dans des problèmes comme vous avez si bien su le faire jusqu’à maintenant.