2011 • S’ils lui avaient conseillé de quitter son travail c’était parce qu’ils imaginaient sûrement une grande carrière pour elle, ou au moins, un travail plus valorisant et qui rapporterait plus. La seconde option était la plus probable étant donné la façon dont son père, principalement, lui rappelait sans cesse à quel point elle était minable. Ava, cherchant à leur plaire, à enfin atteindre ce qu’ils attendaient de leur fille unique, se pliait à leurs exigences avec ce même sourire qui ne la quittait que rarement. Son poste de fleuriste lui permettait de rencontrer des gens et de prendre le temps de discuter avec eux et elle devait avouer que le temps passé loin de chez elle lui faisait du bien. Quand Ava rentrait, ses yeux pétillants et sa joie de vivre étaient accueillis par des regards réprobateurs sans qu’elle ne sache trop ce qu’on pouvait lui reprocher. Certes, elle était loin de la carrière de ses parents ou plutôt de son père, un avocat dont le nombre d’affaires suffisait à entretenir la famille. Sa mère elle, d’abord hôtesse de l’air, restait à la maison depuis son accouchement et s'assurer que tout reste en ordre. Peut-être que le fait d’avoir vu sa fille lui couper les ailes avait participé à cette haine viscérale pour son enfant. Le fait est que cet enfant participait grandement à venir garnir un peu plus le compte en banque de la famille West grâce à ce tout nouveau métier qu’ils lui avaient choisi et c’était sa façon à elle de tenter de leur plaire. Ava voyait ce travail comme une opportunité qu’on lui offrait, une façon de se créer des contacts et de se faire un peu d’argent - dans leur dos, espérant qu’ils ne s’en rendraient jamais compte. Elle en était consciente, ils ne seraient pas toujours là pour assurer ses arrières et Ava malgré son dévouement et son obéissance ne pouvait s’empêcher de penser à son avenir.

Ce soir-là, Ava s’était maquillée un peu plus que d’habitude et avait choisi une robe chinée que lui permettait son argent de poche. La jeune femme se sentait jolie et le sourire de l’avocat qui l’attendait pour partager un verre venait confirmer ses pensées. « Bonsoir, Monsieur Prescott. » avait-elle lancé avec enthousiasme, aucunement consciente des regards qui s’étaient instantanément posés sur eux. La différence d’âge visible ou le ton enjoué de cette gamine bien peu adapté à l’ambiance chic de l’endroit surtout rempli d’hommes d’affaires en costumes, quelque chose les faisait tiquer. Ava, elle, se sentait à l’aise, juchée sur le haut tabouret et trinquant joyeusement avec Howard Prescott, un avocat du même cabinet que son père. Il était courtois et son père l’appréciait, alors son enthousiasme ne la délaissait pas. Ava s’était finalement poliment excusée pour se rendre aux toilettes et en revenant, son bras avait été attrapé par un homme dont elle ne connaissait pas l’identité. « Excuse-moi mais, qu’est ce que tu fais ? Je suis occupée. » Ava ne comprenait pas pourquoi cet inconnu l’avait enlevée aux mains de l’homme qu’elle accompagnait ce soir-là. La jeune femme était venu mimer l’air contrarié et les sourcils froncés du garçon qui semblait avoir une mauvaise nouvelle à annoncer. « Tu vas bien ? » avait-elle finalement demandé en approchant son visage du sien pour tenter de mieux comprendre son expression. Peut-être qu’il avait besoin d’aide à en juger par ses yeux plissés et ses joues légèrement rouges. Alors elle avait enlevé son bras de son emprise pour se planter devant lui en attendant des explications et cherchant des yeux un Howard introuvable.

La tradition voulait que l’on aille tout boire un verre au retour d’une mission. Dernier moyen de relâcher la pression avant de retrouver nos proches. Derniers instants pour laisser la noirceur de la mission sur les chaises d’un bar plutôt que de les transporter dans nos bagages. Tout, c’était bien passé cette fois-ci, mais la tradition reste la même, cet endroit agit comme un sas de décontamination, en sortant d’ici on ne sera plus des soldats, mais tout simplement des civils qui reviennent en ville avec la ferme intention de ne pas en partir pour les trois prochains mois. Auparavant, j’étais le seul qui n’avait aucun partenaire de vie à retrouver une fois la mission achevée, le seul qui allait voir sa nièce, mais qui finissait par rentrer seul dans son appartement. C’est la première fois, que je rejoins l’équipe des mecs casés et je dois avouer que cela est encore assez étrange, de me dire qu’une fois ma bière terminée, je vais aller retrouver Matilda. Tout le monde me chambre à son sujet, les questions pleuvent et les remarques en toujours sur les premières retrouvailles se transforment en un partage de souvenirs que j’aurais préféré ne pas entendre, mais tout le monde à le sourire et cela fait du bien. On va être en permission pendant plusieurs semaines et je crois que tout le monde en avait cruellement besoin. Personne n’a réellement envie de s’attarder plus que nécessaire, on échange rapidement sur ce que l’on a vécu ces dernières semaines, on se promet d’être à l’heure pour le compte-rendu qui doit avoir lieu à la base dans 72 heures et finalement chacun commence à partir. Habitué à être le dernier à partir, je reste assis auprès de Sam qui est celui qui n’aura aucune compagne à retrouver ce soir depuis sa récente rupture. Et alors qu’il est en train de me raconter tout ce qu’il va faire pour tenter de se rapprocher à nouveau de son ex petit amie, mon regard se perds vers un couple près du bar. Le genre qui détonne rien qu’en se tenant l’un à côté de l’autre. Elle est jeune, blonde et ravissante. Il est vieux, ridé et pas franchement attrayant malgré son costume qui semble coûter une fortune. Rien ne paraît faire sens entre eux, elle est bien trop jeune et il a bien trop l’air de la dévorer du regard comme si elle n'était qu’un vulgaire bout de viande. La situation me file un frisson, mais je finis par reporter mon attention sur Sam qui a continué de m’exposer son plan, l’air de rien.

Je n’ai pas pour habitude de me préoccuper de simple étranger, mais à plusieurs reprises mon regard, c’est glissé vers le couple. Juste par acquit de conscience, même si ce dernier paraissait inutile tant la conversation pouvait paraître fluide entre eux. Jusqu’à ce que la demoiselle se lève pour rejoindre les toilettes au fond du bar. Il a attendu un peu le pervers, avant de fouiller la poche de son costume hors de prix, pour venir glisser une pilule dans le verre encore plein de la jeune blonde. Du coin de l’œil, je le vois en train de revenir dans la salle et mon sang ne fait qu’un tour. Sans rien dire à mon camarade, je me lève et m’empresse de traverser la salle pour attraper la demoiselle en plein vol. « Excuse-moi mais, qu’est-ce que tu fais ? Je suis occupée. » Sans jamais forcer mon emprise sur son bras, je la tire légèrement vers l’arrière pour qu’elle reste dans le couloir et finalement, mon regard croise le sien. Un instant, la couleur de ses prunelles me laisse sans voix, m’entraînant vers des souvenirs que je ne pensais jamais laisser remonter à la surface. « Tu vas bien ? » Elle me ramène sur terre avec force et je m’empresse de lâcher son bras face à son air inquiet. « Tu le connais bien ce mec ? » Il est hors de question que je la laisse retourner à ses côtés. Ma conscience ne me laisserait jamais tranquille si je venais à la laisser retrouver cet homme qui n’attend qu’une chose : abusé d’elle. « Il a glissé un truc dans ton verre. » que je finis par lâcher, ne voulant pas perdre de temps et lui faire comprendre que je ne plaisante pas. « Tu te sens bien ? » Est-ce qu’il avait déjà commencé ? Est-ce que c’est pour ça qu’elle a dû se rendre aux toilettes ?

@ava west

C’était une activité plus qu’un métier parce qu’il lui était impossible de déclarer ce genre de revenus. Ses parents se chargeaient de récupérer l’argent et de faire le reste, c’était tout ce qu’elle savait. Ce n’était pas forcément bien vu mais c’était légal et ses parents lui avaient assuré que tout cela était correct malgré les regards désapprobateurs qu’elle recevrait et les critiques. C’était un secret de famille si bien gardé qu’elle n’avait pourtant jamais eu à se poser la question, se contentant de jouer le jeu de la femme fatale en sirotant des cocktails hors de prix. Le jeu était amusant même si Ava ne se serait pas tourné d’elle-même vers cette profession. C’était simple et ne demandait pas d’expériences particulières alors elle acceptait les rendez-vous et l’argent, sans réfléchir, parce qu’elle n’aurait de toute façon pas eu d’autres choix que de suivre les règles imposées par ses parents. Il était donc fort appréciable que la jeune femme soit aussi docile.

Ce soir-là n'était pas différent des autres, Ava commençait à exceller dans l’art de persuader le public des différents lieux où elle se rendait qu’elle était bel et bien liée à ses partenaires. L’illusion qu’elle réussissait à créer l’amusait et elle se surprenait parfois à se rêver au bras d’un homme d’affaires, pour de vrai. Mais il fallait toujours un certain temps avant de réussir à faire fermer les yeux à des personnes affamées de scandale dont la routine quotidienne ne permettait plus aucun imprévu et n’apportait plus aucune excitation. Ava se jouait d’eux en paraissant bien trop à l’aise pour que le couple soit faux et ils finissaient par reporter leur attention sur leurs verres de vin. Ce soir-là n’était pas différent des autres, non, ou du moins jusqu’à ce qu’elle ne quitte un instant l’avocat pour se rafraîchir. « Tu le connais bien ce mec ? » Il lui semblait étrange depuis qu’elle était tombée nez à nez avec lui mais sa question était venue lui faire arquer un peu plus le sourcil. Peut-être que le public de ce soir serait bien plus difficile à convaincre, en fin de compte, et ce spectateur là semblait totalement hermétique à ses tentatives de se faire passer pour Madame Prescott. « Oui, je le connais bien, pourquoi ? » Ava n’avait pas jugé utile d’en dire plus jusqu’à ce qu’elle comprenne où voulez en venir ce garçon qui semblait un peu trop perturbé pour n’être qu’un simple détraqueur. « Il a glissé un truc dans ton verre. » Ses deux sourcils étaient maintenant hauts vers le ciel alors qu’elle tentait de comprendre ce qu’il souhaitait lui dire. « Un truc dans mon verre ? Une paille ? » Aucune tentative d’humour de la part de la blonde totalement décontenancée par la tournure que prenait cette soirée. « Tu te sens bien ? » Puis l’entendre lui demander si elle allait bien lui avait fait prendre conscience de ce qu’il était en train d’insinuer. Mettant sa main sur le front, Ava avait laissé échapper un léger rire. « Oh. Non, ne t’en fais pas, Howard ne ferait jamais ça ! S’il parlait effectivement de drogue alors il avait tout faux. Ava était effectivement au courant des vices de ce monde mais préférait vivre sa vie sans y penser et il lui était encore plus absurde de venir laisser un étranger tenter de l’apeurer. « C’est la première fois que je le vois mais c’est un ami de mon père alors il n’y a rien à craindre. »  Sans réellement s’en rendre compte, Ava avait révélé le prénom et le lien de cet homme qu’elle accompagnait avec son père et c’était autant d’informations que pourrait retenir Cían contre lui si ses accusations étaient fondées. Mais elle était fermé et définitive, l’homme fabulait. « Je te trouve un peu pâle, tu veux t’asseoir ? » Loin d’elle l’idée d’être désagréable avec quiconque et encore moins avec quelqu’un qui semblait si troublé, au contraire, Ava avait à cœur de s’assurer qu’il aille bien surtout maintenant qu’il lui était inutile de rejoindre un Howard qui avait visiblement disparu.

Ce n’est pas le militaire qui entre en action, mais bel et bien le grand frère qui aurait aimé que n’importe quel inconnu agisse ainsi si l’une de ses sœurs venait à se retrouver dans une telle situation. S’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que ma vision ne me fait pas défaut et que ce pervers est venu glisser une pilule dans le verre de la jeune femme. En rien, je ne souhaite me montrer insistant, mais mes doigts restent légèrement enroulés autour de son poignet pour ne pas la laisser retourner à sa table trop vite.« Oui, je le connais bien, pourquoi ? » Sa réponse vient du tac au tac et me fait hésiter un instant. Elle dit le connaître, mais je sais ce que j’ai vu et si elle retourne auprès de ce gars, je ne sais pas ce qu’il va lui arriver. On ne glisse pas une pilule dans le verre d’une fille pour lui dire ‘je t’aime’. Je ne pourrais pas prendre de décision pour elle, mais elle mérite d’être au courant, je ne peux pas juste la laisser y retourner sans rien dire. « Un truc dans mon verre ? » Pendant une seconde, je me dis qu’elle a compris, qu’elle prend conscience de l’horreur qui aurait pu se déroule. « Une paille ? » Mais sa deuxième question me laisse sans voix. Une paille ? Serait-elle innocente à ce point-là ? « Non pas une paille. » que je l’informe les dents serrées d’une colère que je ne saurais expliquer. « De la drogue. » Je ne sais plus comment on appelle cela désormais, toutes les particules y était passé à une époque, mais le résultat est toujours le même : des connards qui abusent des jeunes filles trop comateuse pour avoir conscience de quoi que ce soit. « T’as quel âge ? » Elle me paraît jeune, trop jeune pour traîner avec un homme comme lui simplement par plaisir. Quelque chose ne colle pas.

« Oh. Non, ne t’en fais pas, Howard ne ferait jamais ça ! » Tout chez elle crie à l’innocence la plus pure. Si mes doigts ont fini par relâcher son poignet pour ne pas lui donner la sensation d’être retenue de force, mon corps ne peut s’empêcher de se décaler légèrement afin de lui bloquer la vue sur la salle. Je ne veux pas qu’elle se soucie de lui pour le moment, ce qui me préoccupe, c’est elle. « C’est la première fois que je le vois, mais c’est un ami de mon père alors il n’y a rien à craindre. » Sous l’effet de la surprise, mes yeux s’écarquillent et je manque de m’étouffer avec ma propre salive. C’est quoi ce bordel ?! Dans le fond, je sais que je ne devrais pas me soucier de cela. Elle me paraît majeure et surtout, elle a bien le droit de fréquenter qui elle le souhaite, mais quand même… « Tu sors souvent avec des amis à ton père ? » Arrête de te mêler de ça Cian. Je vais finir par m’attirer des ennuis, mais il y a trop d’éléments qui me déconcertent. « Je te trouve un peu pâle, tu veux t’asseoir ? » Visiblement, je ne suis pas le seul à trouver la situation hallucinante, mais ma raison semble s’être fait la malle. « Non, je vais très bien ! » Ce n’est pas moi qui traîne avec un vieux pervers qui veut abuser de mon innocence. « Écoute, je sais qu’on se connaît pas, mais il vaudrait mieux que tu retournes pas là-bas. » Il a réussi à droguer son verre une fois, si elle décide de ne pas le boire, il va probablement s’énerver que son plan ne prenne pas. Si elle en commande un autre, il trouvera une autre idée pour asseoir son désir d’abuser d’elle. Aucune des solutions ne laisse ma conscience tranquille. « Je vais t’appeler un taxi. » Je lui aurais bien proposé de la ramener, mais je ne souhaite pas que le message soit mal interprété. Le regard de la jeune femme me paraît un peu perdu et pour la deuxième fois de la soirée, je viens doucement toucher sa main pour attirer son attention. « Tu es sûre que ça va ? Pas de nausées, pas de vision floue ? » Une seule réponse positive de sa part et je vais me faire le pervers qui ne semble pas avoir bronché de son siège, mais qui commence à s’agiter de ne pas la voir revenir. « T’as laissé ton sac au bar ? » Cela aussi, je peux aller le chercher pour elle, énième raison de rappeler à l’ancien que sa méthode ne prendra pas ce soir. Ou tout du moins, je l’espère.

D’un point de vue extérieur, c’était lui qui représentait la réelle menace pour Ava. Sa façon de l’arrêter et de la retenir était passée bien moins inaperçue que l’entrée de la blonde au bras de l’homme d'affaires, une scène ayant pourtant attiré déjà bien des regards. Même si l’inconnu l’avait rendue prisonnière en attrapant son poignet, son regard inquiet et son attitude en général ne donnaient pas l’impression à Ava qu’il était dangereux. La blonde n’avait de toute façon pas non plus décelé une once de méchanceté dans la personnalité d’Howard comme si elle restait aveugle à toute la négativité du monde. Même s’il ne semblait pas menaçant, Ava avait repris possession de son bras en penchant la tête pour signifier au garçon qu’il était peut-être un tantinet excessif. Mais il était vite venu lui expliquer les raisons d’un tel comportement au détour d’une allusion qu’elle avait d’abord prise à la légère. « Non pas une paille. » avait-il dit avec une colère qui avait étonné Ava. « De la drogue. » D’un geste, la jeune femme avait repoussé ses allusions parce qu’elle en était convaincue, Howard était incapable de faire ce dont il l’accusait. C’était un collègue de son père et il était impossible que celui-ci l’ait envoyée accompagner quelqu’un de dangereux. Ils avaient été clairs en annonçant les termes de ce nouveau métier, ils prendraient soin de sélectionner les hommes qui croiseraient son chemin et elle n’aurait qu’à se soucier d’être agréable pour que le travail soit rémunéré. « T’as quel âge ? » La scène était surréaliste et même si elle ne comprenait rien de ce qu’il était en train de se passer, Ava poursuivait la discussion, un peu plus à l’aise maintenant que son bras était libre. « J’ai vingt-trois ans, et toi ? » Sa naïveté et son naturel enjoué ne lui avait même pas laissé le réflexe de se vieillir un peu pour tenter de donner une certaine légitimité au couple qu’elle formait ce soir. Ava répondait comme s’il s’agissait là d’une conversation banale entre deux étrangers qui se rencontrent pour faire connaissance et c’était la façon dont le garçon avait secoué la tête qui lui avait fait réaliser qu’il continuait à s’inquiéter et qu’il ne cherchait pas à sympathiser. Repensant aux avertissements donnés par ses parents et consciente de la façon dont son père réagirait s’il apprenait qu’elle avait laissé un inconnu dire du mal d’Howard Prescott, Ava avait tenté de se justifier et de rassurer son chevalier servant. « Tu sors souvent avec des amis à ton père ? » Elle avait haussé les épaules alors qu’elle essayait de retrouver Howard parmi les clients du bar en regardant au-dessus de celles du garçon qui lui bloquait le passage. Ava ne savait plus comment se comporter sans qu’il ne décèle que quelque chose n’allait pas parce qu’au fond d’elle, elle savait que malgré toutes les explications reçues, la situation était problématique. Elle se refusait juste à y croire, incapable de faire exploser une bulle dans laquelle elle se sentait en sécurité.

Dans une tentative habile de le détourner de son envie de la protéger, elle s’était intéressée à lui et à l’état dans lequel il se trouvait. « Non, je vais très bien ! » Son ton l’avait légèrement fait sursauter et elle se retrouvait dans la position d’une gamine que l’on aurait grondée, incapable de se défaire de quelqu’un tant son caractère lui interdisait d’être désagréable. « Écoute, je sais qu’on se connaît pas, mais il vaudrait mieux que tu retournes pas là-bas. » Le regard d’Ava était venu trouver le sien dans une vaine tentative de comprendre ce qu’il était en train de se passer. « Je vais t’appeler un taxi. » Avant qu’elle ne puisse refuser, il était venu à nouveau poser sa main sur la sienne, mais de façon plus douce cette fois. « Tu es sûre que ça va ? Pas de nausées, pas de vision floue ? » Son inquiétude était réelle et l’espace d’un instant, la peur avait réussi à gagner Ava. Et s’il avait raison ? Et si ses parents n’avaient finalement que faire des personnes qu’elle fréquentait du moment que l’argent rentrait ? Secouant légèrement la tête, la fraction de seconde de lucidité de la jeune femme s’était échappée. « T’as laissé ton sac au bar ? » Profitant d’une vue enfin un peu plus dégagée, Ava avait réussi à apercevoir Howard qu’elle pensait disparu du bar. Il était bien là, terminant nerveusement son verre et toisant celui qui l’accompagnait. Elle avait acquiescé, son sac à main était bien au même endroit où elle l’avait laissé avant d’aller aux toilettes. Une pause qu’elle aurait pensé bien plus brève. « Tu es policier, c’est ça ? » C’était selon elle la seule raison pour qu’Howard ne se lève pas pour lui coller son poing dans la figure, peut-être se savait-il en danger. Ou, au contraire, peut-être que s’il restait sagement assis alors qu’Ava était en présence d’un policier, c’était qu’il n’avait rien à se reprocher. Tout se bousculait dans sa tête et en voyant l’air agacé de l’homme qu’elle accompagnait, Ava réalisait soudain les problèmes auxquels elle serait confrontée si la soirée se finissait ainsi. « Je ferai mieux d’essayer de le retrouver, je veux pas avoir d’enn… enfin, je veux pas qu’il m’en veuille de l’avoir laissé, tu comprends ? » Perdue, la jeune femme avait presque failli parler trop vite alors elle s’était reprise pour ne pas donner une chance de plus à l’inconnu de poursuivre sa mission qui semblait être de la sauver d’un mal qu’elle ne décelait pas. « C’est très gentil de te soucier de moi mais je t’assure que tout va bien, regarde. » avait-elle dit en faisant un tour sur elle-même et en entreprenant de marcher sur une petite distance comme si elle avançait sur une ligne droite. Son sourire enfantin était venu confirmer ce qu’elle s’efforçait de prouver : tout allait bien. Dans le meilleur des mondes. Mais elle n’arrivait à convaincre personne. « Écoute, je ne sais pas pourquoi tu fais tout ça, et je te remercie, vraiment. Mais je ne voudrais pas t’attirer d’ennuis, il faut que tu me laisses y retourner. » Un regard suppliant s’était plongé dans celui de son interlocuteur, qui, elle l’espérait, comprendrait malgré son silence. Ava enfouissait au plus profond d’elle ses craintes, ses moments de lucidité et surtout, la vérité. Il était plus facile de sourire, de faire semblant, de sauver les apparences. Le contraire aurait été trop difficile pour elle.

« J’ai vingt-trois ans, et toi ? »
« Vingt-neuf. »

Il me faudra une seconde pour réaliser que je venais de lui répondre de la manière la plus banale qui soit alors que tout cela n’avait rien d’une rencontre anodine où l’on prenait le temps de faire connaissance. Je secoue la tête et soupire pour mieux me concentrer sur la demoiselle en face de moi qui a donc presque le même âge que mes petites sœurs et qui sort avec un homme qui pourrait être mon père. Tout mon instinct me hurlait de l’empêcher de retourner auprès du vieillard et en même temps, je ne voulais pas être ce gars qui impose sa présence et lui donner des ordres. Après tout, elle est majeure et vaccinée. C’est simplement que je ne pourrais pas vivre tranquille avec ma conscience tant que je ne serais pas certain qu’elle ne boira pas ce verre et surtout qu’elle ne suivra pas ce gars en dehors d’ici. Un homme qui en vient à droguer le verre d’une fille n’a aucune bonne intention envers elle, mais la demoiselle semble encore réticente. Je ne peux pas lui en vouloir, de son point de vue, je suis l’inconnu qui lui demande de faire attention à quelque chose dont elle n’a même pas été témoin.

J’insiste et je vois qu’elle cherche des excuses pour filer. « Tu es policier, c’est ça ? » Est-ce que cela la rassurerait si je répondais par la positive ? J’en doute et il ne serait pas dans mon intérêt que de lui mentir si je veux qu’elle me fasse confiance. « Non, je suis militaire. » Je préfère éviter le moment où je décline mon rang et tout le tralala habituel, je pense que c’est clairement le dernier de ses soucis. « Et surtout, je suis le grand frère de deux filles qui ont à peu près ton âge. » C’est bien cet élément qui fait toute la différence depuis que j’ai vu ce pervers venir glisser une pilule dans son verre. Le seul fait d’imaginer Mia ou Hayden dans cette situation me donne des frissons et je me note dans un coin de mon esprit d’avoir une discussion avec elles : ne jamais laisser son verre sans surveillance. « Je ferai mieux d’essayer de le retrouver, je veux pas avoir d’enn… enfin, je veux pas qu’il m’en veuille de l’avoir laissé, tu comprends ? » C’est qu’elle tente de faire passer son lapsus pour une simple petite erreur de langage, mais j’ai parfaitement entendu ce qu’elle avait l’intention de laisser échapper. « Je peux t’accompagner si tu préfères. » J’ai comme la sensation qu’elle va me dire non, mais je n’ai vraiment pas envie de la laisser seule et cela va être dur de changer d’avis. « C’est très gentil de te soucier de moi, mais je t’assure que tout va bien, regarde. » Le sourire paraît presque convaincant, je pourrais presque lui accorder cela. « Écoute, je ne sais pas pourquoi tu fais tout ça, et je te remercie, vraiment. Mais je ne voudrais pas t’attirer d’ennuis, il faut que tu me laisses y retourner. » Il faut qu’elle cesse vraiment de parler d’ennui si elle veut que je la laisse partir, mais je sens bien le regard qu’elle ne cesse de lancer en direction du bar avant de me supplier de la laisser échapper. Et je ne suis personne pour la retenir contre son gré. « Fait attention à toi. » que je murmure avant de me décaler pour lui laisser la place de filer. Mais avant qu’elle puisse fuir, je me permets un dernier conseil. « Prends ton sac et sors de ce bar, vraiment. » Je lui offre un léger sourire pour tenter de la rassurer. « Je m’appelle Atlas, si besoin. » Si elle cherche s’éloigner et que l’autre deviens insistant.

J’aurais pu reprendre ma soirée comme si de rien était, aller finir ma bière et rejoindre Matilda qui doit commencer à se demander où je suis passé, mais il y a ce sentiment qui ne me quitte pas et vient me tordre le bide. Je ne peux pas juste prétendre que tout cela ne m’intéresse plus parce que la gamine a su jouer de ses yeux doux. Je lui laisse un instant, juste assez pour prétendre aller me laver les mains avant de revenir dans la salle et découvrir que l’homme semble être devenu encore plus insistant. Je ne réfléchis clairement à rien lorsque je rejoins le couple, mais j’entends l’homme prononcer le prénom de la jeune femme et une idée, peut-être stupide, me vient. Je m’approche, passe devant eux et utilise mon meilleur jeu d’acteur pour feindre la surprise. « Ava ? » Je prétends un instant la regarder de haut en bas avant de sourire comme un idiot. « Merde, ça fait longtemps ! » J’ose espérer que le pervers n’avait rien aperçu de notre échange sinon mon plan allait tomber à l’eau. « Je sais pas si tu te souviens de moi, je suis le grand frère de Mia ! » Prétendre la connaître allait sûrement repousser l’autre, non ? Il n'allait rien tenter si je restais dans les parages et puis il fallait que ce verre disparaisse maintenant. « Excusez-moi, mais nous étions en train d’avoir une discussion privée. » Ah il s’offusque le vieillard maintenant ! Est-ce qu'Ava va entrer dans mon jeu ou rester dans le sien ?

« Non, je suis militaire. » Elle en était pratiquement sûre, une blague sur le port de l’uniforme aurait été extrêmement mal venue, aussi, elle se retenait tant bien que mal de parler sans réfléchir, au moins cette fois. L’homme semblait en mission et elle se demandait si c’était une déformation professionnelle mais se laissait tout de même portée par son charisme - Ava ne doutait pas qu’il disait bel et bien la vérité. « Et surtout, je suis le grand frère de deux filles qui ont à peu près ton âge. » Ava se sentait à présent à court d’arguments alors qu’elle savait désormais le rôle du garçon, le côté militaire l’empêchant probablement de craindre quoi que ce soit et quiconque, le rôle de grand frère la mettant inévitablement à la place d’une de ses petites sœurs. « Je peux t’accompagner si tu préfères. » Après tout, il saurait sûrement se défendre s’il devait se retrouver à devoir rendre des comptes à Howard ou même à son père. Pourtant, comment gérerait-elle, elle, la situation à la maison une fois qu’elle devrait raconter ce qu’il s’était passé ? « Ne t’en fais pas pour moi, je suis une grande fille. » Ava, elle, n’avait aucune idée de comment se sortir de là sans que l’anecdote ne remonte aux oreilles de son géniteur et n’avait surtout pas l’impression de devoir être sauvée. Elle était de toute façon  incapable de réfléchir dans un tel moment. « Fait attention à toi. » Il n’était certes encore qu’un illustre inconnu quelques minutes auparavant, sa façon de vouloir la protéger la faisait sourire. « Prends ton sac et sors de ce bar, vraiment. » avait-il poursuivi. « Je m’appelle Atlas, si besoin. » Elle se souviendrait de ce prénom peu commun pour un garçon qui sortait également de l’ordinaire, s’était-elle dit en le regardant s’éloigner mais n’appliquant pourtant pas ses conseils.

« Ava ? » Retournant à ses occupations en oubliant déjà son entrevue pourtant troublante, Ava avait été rapidement interrompue. « Merde, ça fait longtemps ! » La fraction de seconde de doute sur son visage avait probablement était imperceptible alors elle avait transformé son expression en une moue étonnée et réjouie, l’étonnement de le revoir revenir vers elle n’étant pas feint. « Je sais pas si tu te souviens de moi, je suis le grand frère de Mia ! » Il la sortirait d’ici, coûte que coûte, et elle n’avait plus l’occasion d’essayer de le détourner de son but. « Excusez-moi, mais nous étions en train d’avoir une discussion privée. » « Oh Howard, je te présente  A… Ashton. C’est le grand frère d’une amie à moi, il est policier. » Se levant presque d’un bond à l’entente du mot magique, l’homme avait bafouillé quelque chose qui ressemblait à tu salueras ton père pour moi avant de se diriger vers la sortie. « Tu pars déjà ? » avait-elle balbutié en retour, faussement déçue de le voir partir, étonnée qu’il prenne ainsi la fuite à l’évocation d’un policier. Haussant les épaules, elle s’était retournée vers le bar sans se poser plus de questions. Les billets avaient été glissés négligemment sous son dessous de verre et si la liasse était moins conséquente qu’elle n’aurait dû l’être, elle permettrait à Ava de noyer le poisson auprès de ses parents. Pourtant, l’inquiétude ne la quittait pas. « Merci. J’espère juste qu’il ne pensera pas que c’était un coup monté. » Il pourrait très bien se dire qu’il s’agissait là d’un piège dans lequel l’avocat et sa fille avaient tenté de le diriger, bien loin peut-être de s’imaginer que la seule personne piégée ici n’était autre qu’Ava. La jeune femme avait réfléchi plus rapidement que jamais, saisissant l’opportunité de se défaire des griffes d’Howard que lui avait servie sur un plateau le fameux Atlas. Finalement, elle n’avait pas hésité une seule seconde et s’était elle-même trouvée une échappatoire et c’était inconsciemment qu’elle avait validé la position de l’inconnu : elle était en danger. « Tu sais, ça se passe très bien d’habitude. » devant le sourcil arqué d’Atlas, elle avait repris. « Enfin, mon père me présente souvent à des collègues et amis, ça permet d'ouvrir des portes pour le futur. » Son sourire ne la quittait pas mais ses yeux fixaient à présent les siens alors qu’elle luttait contre l’envie pressante de se blottir dans les bras de ce grand frère dont elle aurait bien eu besoin dans sa vie. « Je peux t’offrir un verre ? Promis, je ne mettrai rien dedans. » Ava blaguait déjà sur la situation et le clin d’œil qui avait suivi était malicieux, diamétralement opposé à l’air grave qui pesait quelques minutes avant. Les émotions négatives ne faisaient que passer dans l’esprit de la jeune femme dont la joie de vivre reprenait toujours très vite le dessus. Il venait de faire fuir le collègue de son père, ce dernier risquait d’être au courant et elle ferait face à bien des soucis mais le mal était fait alors autant profiter de la soirée pour faire connaissance avec ce chevalier servant.

C’était réellement risqué d’oser venir se faufiler dans leur conversation comme si de rien n’était. Je ne suis pas le meilleur acteur qui soit et mentir n’a jamais été mon fort, mais je m’en serais mordu les doigts de l’avoir laissé en compagnie de ce mec qui me renvoyait une vibe indescriptible. Je ne le sens pas et ma conscience de ne veut pas s’en défaire. Alors, je tente le tout pour le tout. C’est culotté, mais la demoiselle semble au moins comprendre ma démarche. « Oh Howard, je te présente A… Ashton. C’est le grand frère d’une amie à moi, il est policier. » Légèrement surpris qu’elle ne donne pas mon vrai prénom, je ne me laisse tout de même pas décontenancé et abhorre un grand sourire l’air de rien. « Ça faisait longtemps, qu’est-ce que tu deviens ? » Est-ce que je dérange ? Très probablement. Est-ce que l’annonce de mon soi-disant métier semblait avoir effrayé le vieil homme ? Tout à fait. « Tu pars déjà ? » Elle jouait les filles surprises, mais elle n’avait pas énoncé un tel métier par pur hasard, dans le fond, elle voulait qu’il s’en aille. Cela tombe bien car moi aussi. Il ne prit même pas la peine de dire au revoir le bel enfoiré, il a choper son portefeuille, à remballer sa rolex et il s’est taillé sans demander son reste. « Comme c’est dommage. » que je me permets de commenter avant de prendre place sur le tabouret qu’il venait de rendre vaquant. Ce que je finis par remarquer, surtout, c’est qu’il a glissé une belle liasse de billets sous le verre de la blonde avant de filer comme un voleur. Ne te fais pas d’idées Atlas, on ne juge pas sans connaître. « Merci. J’espère juste qu’il ne pensera pas que c’était un coup monté. » J’ai véritablement du mal à comprendre les réactions de la jeune femme. Il avait clairement l’intention de la droguée et je n’ose pas imaginer ce qu’il avait prévu pour le reste de la soirée et pourtant, elle s’inquiétait encore des réactions de l’homme. « S’il te fait une réflexion, tu lui rappelleras qu’il avait drogué ton verre en premier. » Il ne fallait pas qu’elle oublie cela, je n’allais pas en démordre, elle semblait tellement prendre la situation à la légère. C’est mon côté grand frère protecteur qui ressort de manière exacerbée et peut-être que j’abuse un peu, que je ne devrais pas autant me soucier d’une inconnue, mais c’est tout simplement plus fort que moi.

« Tu sais, ça se passe très bien d’habitude. » D’habitude ? Ce n’est pas la première fois, en quelques phrases, qu’elle laisse sous-entendre que tout cela n’a rien d’une première pour elle. Est-ce qu’elle a des soucis au point de devoir vendre son corps ? Je ne suis personne pour juger de cela, peut-être que c’est une décision prise en toute âme et conscience, que c’est quelque chose qu’elle a désiré et mis en place de son propre chef. « Enfin, mon père me présente souvent à des collègues et amis, ça permet d'ouvrir des portes pour le futur. » Mais une fois encore elle évoque son père et un frisson me parcours. Quelque chose ne tourne pas rond dans toutes les explications qu’elle cherche à me donner depuis le départ. Est-ce que le père se sert des avantages physiques, je ne suis pas aveugle elle est très jolie, de sa fille pour faire des affaires ? Ce serait bien indélicat de lui poser la question de cette manière, mais cela me démange fortement. « Et on te paie toujours pour ce genre de rencontre ? » J’ai conscience que la question est loin d’être délicate et cherche à me reprendre. « Je… Enfin, ça ne me regarde pas, mais… Mais c’est la deuxième fois que tu parles des amis de ton père. » Jamais d’hommes qu’elle avait envie de rencontrer par elle-même. Quelque chose clochait dans toute cette histoire et je n’allais probablement pas avoir le mot de la fin, mais je pouvais bien poser une question, ou deux. Néanmoins, je fais attention de ne pas la rendre mal à l’aise, ce n’est clairement pas mon objectif. Je voudrais juste qu’elle rentre chez elle saine et sauve, sans embûches et sans risque de se faire traumatiser pour le reste de sa vie. D’ailleurs, j’en profite pour tendre le verre dopé au barman. « Jette ça. » Il vaut mieux que personne ne trempe ses lèvres dans ce verre.

« Je peux t’offrir un verre ? Promis, je ne mettrai rien dedans. » Elle essaye de blaguer, mais je n’ai pas vraiment le cœur à en rire. « Je veux bien. » que je souffle tout de même, cherchant à gagner du temps à ses côtés. Je me demande si elle n’a pas besoin de quelques minutes supplémentaires pour prendre réellement conscience de ce qui venait de se passer. « Ne laisse jamais ton verre sans surveillance, okay ? Même si tu connais la personne qui est avec toi. » Une fois encore, c’est mon côté grand frère qui ressort. Je n’emploie pas un ton paternaliste, mais juste une douceur que j’emploierais sans aucun doute avec mes propres sœurs. Est-ce que j’ai déjà eu ce genre de conversations avec elles ? Probablement, mais il ne serait pas mauvais de faire un petit rappel dès demain même si je sais d’avance qu’elles vont me traiter de rabat-joie. Et alors que l’on passe commande pour deux nouveaux verres, mon regard tombe à nouveau sur les billets qu’elle a laissé sur le bar. « Ça va te causer des ennuis que je l’ai fait fuir ? » Est-ce qu’elle a besoin de ramener une somme particulière ? Est-ce qu’elle a besoin d’autre chose en réalité. « Tu… T’as un endroit où dormir cette nuit ? » Ce n’est absolument pas une proposition indécente, mais soudainement, mon esprit se retrouve envahi de questions en tout genre. Est-ce qu’elle compte sur ces hommes, amis de son père, pour avoir un toit ? Un peu d’argent pour vivre ? « Je veux pas t’importuner, mais t’as l’air soucieuse. » Et tout ce que je souhaitait, c’était pouvoir l’aider après être venu chambouler sa soirée de manière visiblement un peu violente pour elle. L’innocence qu’elle dégage me pousse à vouloir la protéger alors qu’il y a dix minutes de cela encore, je ne la connaissais même pas.

Il était revenu. Il était inquiet. Il ne l’avait pas laissée. Ce sentiment de gratitude qu’elle ressentait était inédit, et elle s’était alors totalement pliée au jeu qu’il avait lancé pour faire fuir un Howard qu’il avait qualifié de dangereux. Atlas s’était ensuite assis à ses côtés, écoutant ses craintes et tentant de la raisonner. « S’il te fait une réflexion, tu lui rappelleras qu’il avait drogué ton verre en premier. » « Tu le penses, sincèrement ? Mais pourquoi il aurait fait ça ? » Ava était bien incapable de se convaincre qu’elle avait été elle-même prise au piège, incapable de s’imaginer que quiconque veuille lui faire du mal. Après tout, elle était venue de son plein gré, poussée par la volonté de ses parents assoifés d’argent facile et elle se pliait à leurs drôles de règles sans réellement broncher. Alors pourquoi user de techniques sordides ? Son regard perçant était venu sonder celui d’Atlas, qui devenait peu à peu un pe uplus qu’un simple inconnu. Il n’était pas du côté des méchants, et de cela elle en était intimement persuadée, le sentant tout au fond de son être. En faisant une rapide comparaison, Ava avait finalement bien plus confiance en cet Atlas qui avait surgi dans sa vie dans un élan chevaleresque qu’en un Howard, parce que si elle se voilait gaiement la face, elle n’en demeurait pas moins assez lucide sur la situation. Elle n’avait simplement aucune autre option.  « Et on te paie toujours pour ce genre de rencontre ? » avait-il demandé et Ava n’avait aucune idée de l’image qu’elle renvoyait à ce moment précis.« Bien sûr, qu’on me paye. » avait-elle commencé en désignant fièrement les billets qu’elle avait rangés dans son sac. La vie, le travail, tout n’était qu’un jeu pour une Ava qui faisait de son mieux pour ne pas comparer sa vie à celle de ses amis afin de tenter de lui donner un sens. « C’est mon travail, mes parents m’ont expliqué que ça rapportait et que ça ne risquait rien. » Sa naïveté brillait alors qu’elle sortait un discours extrêmement bien répété, des directives données par des parents qui étaient ses seuls repères et qu’elle avait appris à suivre quoiqu’il arrive, sans jamais même se questionner sur pourquoi il désirait toujours plus quand ils avaient déjà tout. La seule chose qui leur manquait était probablement l’enfant parfait, alors elle s’attelait à s’en rapprocher le plus possible. « Je… Enfin, ça ne me regarde pas, mais… Mais c’est la deuxième fois que tu parles des amis de ton père. » Ava avait tenté d’être mystérieuse jusque là, taisant ses inquiétudes face à la réaction de son rendez-vous du soir et surtout de ses parents. Pourtant, devant les questions d’Atlas, elle s’était livrée sans sourciller, parce que le travail d’escort était loin d’être la même chose pour elle qu’il ne l’était aux yeux de tous. Elle l’avait bien remarqué en scrutant les réactions de son grand frère de substitution, la rage déformant son visage et venant lui faire serrer les poings. Tentant de reprendre le dessus, persuadée d’en avoir peut-être trop dit, elle avait poursuivi. « Effectivement, ça ne te regarde pas, mais tu avais dépassé les limites depuis un moment déjà. » Son sourire enfantin avait accompagné ses paroles, manière d’assumer d’être peut-être un peu trop honnête et désagréable avec le garçon. « Jette ça. » Sa colère s’était finalement portée sur ce fameux verre, début de cette discussion qui la dépassait. Le barman s’était exécuté, un air inquiet sur le visage.

Appréciant la compagnie, bien moins nocive que celle de ses seuls réels repères dans la vie, Ava avait tenté de poursuivre un peu la soirée - pour son propre intérêt, parce qu’elle en avait evnie et parce que cela donnerait l’impression que le rendez-vous s’était passé sans encombre. « Je veux bien. » Son sourire s’était agrandi et elle avait appelé le barman afin qu’ils passent leur commande pour ensuite lui donner un de ces billets, aussi sales étaient-ils. « Ne laisse jamais ton verre sans surveillance, okay ? Même si tu connais la personne qui est avec toi. » La blonde et son comportement similaire à celui d’une enfant d’une dizaine d’années au plus, avait reçu son verre et était venu le poser à l’extrême opposé d’Atlas pour y poser la paume de sa main, en signe de bonne volonté. « C’est bien noté, je te le promets. » avait-elle conclu avec un énième sourire. « Ça va te causer des ennuis que je l’ai fait fuir ? » Elle aurait préféré que le sujet soit clôt, mais Atlas n’était pas ici par hasard et elle allait devoir se justifier. « Non ça va, j’ai eu mon salaire. C’est s’il était parti sans payer que ça aurait été problématique, je vis chez mes parents et je dois les aider. » Aider un père avocat et fortuné et une mère qui la détestait, une carrière prometteuse. « Enfin je n’aime pas me disputer avec eux, c’est tout, mais non, je ne risque rien. » Si ce n’est des critiques acides, des cris, des menaces de la mettre à la rue. « Tu… T’as un endroit où dormir cette nuit ? » Il était venu poser la question comme s’il avait lu dans ses pensées, jusqu’alors, les menaces n’avaient pourtant jamais été mises à exécution. « Je vis chez mes parents. » Atlas continuait à arborer ce regard inquiet et Ava avait bien du mal à ne pas profiter de cette opportunité pour s’échapper et fuir avec lui, tant l’idée d’être aidée et d’être en présence de quelqu’un dont les intentions étaient louables lui procurait une immense sensation de bien-être. Mais le suivre, se rapprocher de lui, lier une amitié la faisait également risquer de tomber de très haut en ouvrant les yeux sur ce qu’était réellement sa vie et ce n’était pas une étape qu’elle était prête à franchir. « Je veux pas t’importuner, mais t’as l’air soucieuse. » Elle avait reporté son regard sur son verre, jouant avec la paille - ou plutôt avec la pâte utilisée en guise de paille, un bon point pour l’écologie se disait-elle - se remémorant le début de sa soirée durant un temps. « T’es très gentil. Ça va bien se passer pour moi, mais je veux bien qu’on reste encore un peu ici, si tu veux bien ? » Une supplication n’aurait pas sonné aussi desespérée alors encore une fois, tentant de maintenir son masque bien en place, Ava s’était reprise. « Alors, Atlas, qu’est ce que tu étais venu faire ici toi ? Tu es venu seul ? » Si cette dernière question avait été posé par quiconque à part Ava, elle aurait été une tentative camouflée de demander si le garçon était célibataire mais elle scrutait la salle en cherchant une éventuelle bande d’amis qu’il aurait abandonné pour la secourir.

Elle paraissait si fragile cette jeune fille, comme une poupée que l’on aurait placée là, mais qui ne pouvait correspondre au décor et j’avais du mal à m’éloigner pour la laisser reprendre le cours de sa vie. Dans un coin de ma tête, je pouvais entendre la voix de ma mère qui n’avait de cesse de me répéter que l’on ne pouvait juger la vie des gens sur la simple base des apparences et que je devrais surtout garder ma curiosité pour ma propre personne. J’ai toujours aimé passer du temps dans un café à simplement observer le ballet des gens autour de moi, ce soir mon intérêt tout entier se portait sur Ava et l’innocence qu’elle dégageait. « Tu le penses, sincèrement ? Mais pourquoi il aurait fait ça ? » Sa question me laissa sans voix pour quelques minutes. Elle ne voyait même pas pourquoi un homme chercherait à la droguer contre son insu, personne ne lui avait jamais parlé de tout cela ? « Pour… » Je n’osais même pas prononcer les mots ne voulant pas l’effrayer plus que de raison, mais elle devait peut-être l’entendre pour mieux l’intégrer ? « Pour abuser de toi ? » Je me souviens avoir eu cette conversation avec les filles il y a quelques années déjà. William trouvait cela stupide, mais je voulais qu’elles sachent que des hommes étaient capables des pires horreurs pour attirer une femme dans leur lit. Hayden n’avait pas tout compris, mais Mia m’avait entendu et je sais qu’elle avait tout répété à ses copines et que le groupe de filles faisaient, désormais, toujours attention à leur verre dès qu’elles étaient de sortie. Ava ne semblait pas avoir eu le droit à ce genre de conversation et il me semble qu’elle s’engageait dans des activités tout aussi dangereuses pour une jeune femme aussi naïve qu’elle. « Bien sûr, qu’on me paye. » Il me faudra une seconde pour lisser mon expression et ne rien laisser paraître, je ne devais pas la juger, elle était en droit de faire ce qu’elle voulait de son corps. « C’est mon travail, mes parents m’ont expliqué que ça rapportait et que ça ne risquait rien. » Cette fois, il m’est pratiquement impossible de ne pas laisser mes expressions me trahirent. Ses parents lui ont donné l’idée ? Tout dans son discours laissait à croire que ses parents profitaient de son innocence et je n’étais plus capable de faire comme si cela n’avait aucune importance. Les amis de son père, maintenant un discours parfaitement huilé sur la profession la plus vieille du monde que l’on cherchait à glamouriser. Est-ce qu’elle était une escorte pour les amis fortunés de son paternel ? L’idée même me filait la gerbe. « Effectivement, ça ne te regarde pas, mais tu avais dépassé les limites depuis un moment déjà. » « Il paraît que j’ai tendance à faire ça. » Il n’était plus nécessaire de le cacher, je n’ai jamais été du genre à retenir mes paroles et on m’a déjà reproché un million de fois mon franc-parler, ce n’était pas une nouveauté et je n’allais pas être offusqué par cela.

Elle avait peut-être la sensation que je sois hors limite, mais elle ne montrait aucun signe de fuite et je n’avais pas réellement de la laisser seule, à tout moment le vieux pervers pouvait réapparaître pour continuer la soirée avec la jeune femme pour qui il avait payé. Un instant, je laisse mon regard glisser sur la silhouette de la blondinette, elle n’a pas l’air amaigri et ne semble pas être sous l’emprise de quelconque drogue. Tout cela était sous son consentement et pourtant, j’avais la terrible sensation qu’elle ne prenait pas réellement en compte l’ampleur de tout ce que ses parents lui demandaient. « Non ça va, j’ai eu mon salaire. C’est s’il était parti sans payer que ça aurait été problématique, je vis chez mes parents et je dois les aider. » Plus la conversation avance, plus je me retiens de l’attraper par le bras pour l’emmener loin de ce bar et lui faire entrer dans la tête qu’elle ne devrait pas retourner auprès de ses géniteurs. Occupe-toi de tes affaires Atlas. Non, je ne pouvais pas juste l’abandonner ainsi. « Enfin, je n’aime pas me disputer avec eux, c’est tout, mais non, je ne risque rien. » Je n’arrivais pas à être persuadé par ses paroles quelque peu tremblotantes. « S’il te manque de l’argent, je peux te donner le reste. » Voilà que je me propose de payer pour ses services. Choqué par la tournure que cela pourrait prendre, je me rattrape immédiatement. « Enfin juste pour pas que tu es de problème, je… J’ai pas l’intention de… Je compte pas… » Quoi ? Acheter ses services ? Je ne pourrais pas formuler les choses ainsi. « Juste pour t’aider kiddo. » Le surnom m’échappe comme si je venais de m’adresser à l’une de mes sœurs. J’espère qu’elle comprendra que tout cela ne partait que d’un bon sentiment et que je n’avais clairement pas l’idée d’abusé de sa faiblesse ou de sa gentillesse ? « Je vis chez mes parents. » Je hoche la tête, elle me l’avait déjà dit, mais je préférais l’entendre encore une fois. Je me retiens de lui demander si elle se sent en sécurité là-bas, je crois que j’ai déjà un peu trop abusé de tout cela. Elle m’a fait comprendre une fois déjà que j’avais dépassé les limites, je ne pouvais pas me permettre plus. « D’accord. » Je suis tenté de lui laisser mon numéro, mais je ne sais pas comment elle pourrait le prendre, alors je préfère attendre, peut-être lorsque notre chemin finira par se séparer.

« T’es très gentil. Ça va bien se passer pour moi, mais je veux bien qu’on reste encore un peu ici, si tu veux bien ? » « Bien sûr. » Je n’allais pas lui refuser cela, elle semblait encore un peu secouer. J’attrape tout de même mon téléphone pour envoyer un message à Matilda, j’allais avoir du retard. Je n’aimais pas vraiment faire ce coup-là à ma petite amie après autant de semaines d’absence, mais j’espère qu’elle comprendra. Je serais là pour les prochaines semaines, rien que pour elle. Ce soir, il fallait que je fasse encore un peu attention à Ava. « Alors, Atlas, qu’est-ce que tu étais venu faire ici toi ? Tu es venu seul ? » Impossible qu’elle ait manqué la bande de militaires qui était entrée dans ce bar en étant aussi bruyant qu’un troupeau d’éléphants. « J’étais là avec des amis militaires, première soirée de perm. » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je repense au pauvre Sam que j’avais quelque peu lâchement abandonné à son propre sort, il avait filé de son côté et j’avais un message de sa part sur mon téléphone. « Je crois que mon ami, c’est senti abandonner, il est parti. Ou il a trouvé le courage d’appeler la fille dont il n’a pas arrêté de nous parler pendant des semaines. » Je ris un peu à l’idée d’un Samuel qui débarque chez son ex à une heure aussi avancée, il allait se prendre la claque du siècle si c’était le cas. « C’est notre petite tradition, on vient boire un verre avant de rentrer chez nous, pour laisser l’armée derrière nous et profiter de nos jours avec nos proches. » Beaucoup ne comprenaient pas ce besoin d’avoir un sas entre le moment où l’on quittait l’uniforme et celui où l’on franchirait le pas de la porte de chez nous, mais c’était important. « J’étais pas revenu sur la terre ferme depuis trois mois, j’ai l’impression que tout tangue un peu. » que j’ajoute pour la plaisanterie, même si la sensation est bel et bien réelle. C’est toujours pareil quand on passe trop de temps en mer, le retour sur le plancher des vaches nous donne le tournis pour des jours et des jours. « C’est la première fois que j’ai quelqu’un qui m’attend et je joue les pseudos héros dans un bar. » Une nouvelle fois, je ricane quelque peu, mais j’essaye de détendre un peu l’atmosphère et peut-être aussi de lui faire comprendre que je n’étais pas un célibataire qui chercherait à l’emmerder. J’essaye sans savoir quoi dire de plus, j’aimerais juste être sûre que tout ira bien pour Ava ce soir.

Il avait un côté extrêmement paternel et n’avait pourtant absolument aucun point commun avec son père à elle. Sa voix était douce, même lorsqu’il tentait tant bien que mal de lui faire prendre conscience des dangers qui couraient, et elle avait pris confiance. Il ne lui inspirait que du bien, des sentiments positifs et Ava devait bien admettre que ce qu’elle ressentait face à lui n’avait rien de similaire à ce noeud dans l’estomac qu’elle préférait ignorer avec ses clients. La jeune femme prenait conscience de sa naïveté à la façon qu’il avait de hausser les sourcils à chacune de ses réponses. « Pour… Pour abuser de toi ? » Et Atlas, lui, semblait indiquer que ce même trait de caractère pouvait la mettre en danger. La jeune femme avait fixé le verre devant elle, se souvenant que quelques minutes avant c’était la boisson payée par Howard qui trônait devant elle et la possibilité peut-être que les dires d’Atlas se soient confirmés. Avait-elle réellement été en danger ? Il était difficile de le savoir et Ava ne s’aventurerait pas à évoquer l’incident à ses parents parce qu’ils avaient été clairs sur le fait qu’elle ne risquait rien. « J’en parlerai avec mon père. » avait-elle menti, le rose lui montant aux joues parce que ce n’était pas quelque chose qu’elle était habituée à faire. La situation était compliquée mais elle était consciente qu’elle ne pouvait pas donner son entière confiance à un inconnu et décrédibiliser ses propres parents. La douce Ava s’était même surprise à lui faire remarquer qu’il avait été déjà trop curieux, comme pour se protéger d’une réelle prise de conscience. « Il paraît que j’ai tendance à faire ça. » Elle lui avait adressé un léger sourire puis avait baissé la tête, un mécanisme de défense pour clore le sujet. « S’il te manque de l’argent, je peux te donner le reste. » Accepter sa proposition aurait signifié le mettre en position du coupable, alors qu’elle acceptait peut-être de croire en sa réalité à lui. « Enfin juste pour pas que tu es de problème, je… J’ai pas l’intention de… Je compte pas… » Ses sourcils s’étaient froncés alors qu’elle essayait de comprendre d’où venait sa gêne. « Juste pour t’aider kiddo. » Ava était surprise par son comportement mais il était évident que la façon dont il se comportait avec elle lui procurait une immense sensation de bien-être. Quelque chose de nouveau pour la jeune femme de vingt-deux ans qui n'avait connu que critiques et reproches, pouvant difficilement sortir le soir à cause de ses activités et profiter de la compagnie d'autres personnes. « C’est pas la peine, Atlas. J’en aurais d’autres, des dîners. » Elle ne savait pas ce qu’elle essayait de dire, que l’argent reviendrait, ou que son père ne pourrait pas se plaindre de quelques billets manquants s’il souhaitait qu’elle continue ces rendez-vous. « Tu es papa ? Désolée de demander mais, tu en as tout le comportement. » Ce n’était pas un reproche, juste une constatation parce qu’au final, Atlas était en train de lui montrer tout ce à quoi le monde devait réellement ressembler. Tout n’était pas toujours rose, le monde n’était pas toujours empli de bienveillance. A l’inverse, il lui indiquait ce à quoi devaient ressembler les réels liens familiaux, ce à quoi ses parents auraient dû la préparer et l’idée la faisait tiquer sans pour autant qu’elle ne souhaite se lancer dans une réelle remise en question. Ses parents l’attendaient, ils lui permettaient de dormir à l’abri et la guidaient, elle en était convaincue, et son point de vue ne pouvait pas changer simplement suite à une conversation avec un homme qui demeurait un réel inconnu. « D’accord. » avait-il simplement répondu, le son de sa voix indiquant le peu de réconfort que lui avait apporté cette information.

Malgré ses doutes, Ava était trop intriguée maintenant pour ne pas prendre le temps de discuter un peu plus avec lui. « Bien sûr. » Elle lui avait souri, comme un remerciement pour accepter de ne pas l’abandonner de suite. « J’étais là avec des amis militaires, première soirée de perm. » Son uniforme et le fait qu’il soit entré avec ses collègues étaient des indications évidentes mais Ava s’était concentrée sur Howard puis la tournure qu’avaient pris les événements l’avait empêchée de réellement s'intéresser à ce qu’il se passait autour. « Oh, oui, évidemment. D’ailleurs je crois qu’ils ne t’ont pas attendu… » avait-elle répondu, donnant un rapide coup d’oeil à la pièce qui était devenue bien plus calme qu’à leur arrivée. Elle n’était pas consciente de l’heure, devant de toute façon donner le change et ne pas rentrer trop tôt pour éveiller les soupçons. Atlas avait lui aussi lancé un regard par dessus son épaule avant de confirmer. « Je crois que mon ami, c’est senti abandonner, il est parti. Ou il a trouvé le courage d’appeler la fille dont il n’a pas arrêté de nous parler pendant des semaines. » Elle avait souri avant de prendre une gorgée de son verre, songeant à comme il devait être difficile pour lui de vivre éloigné des siens. « C’est notre petite tradition, on vient boire un verre avant de rentrer chez nous, pour laisser l’armée derrière nous et profiter de nos jours avec nos proches. » Il avait ce quelque chose de touchant, ses yeux s’illuminant presque à la mention de ses proches. Peut-être était-ce la la réponse évidente aux questions que se posait Ava, la raison de sa présence ici avec elle. « J’étais pas revenu sur la terre ferme depuis trois mois, j’ai l’impression que tout tangue un peu. » Elle avait haussé un sourcil, il n’était visiblement pas n’importe quel militaire, à moins que ce ne soit l’alcool qui lui donne l’impression de tanguer mais le garçon semblait parfaitement sobre. « Militaire dans les forces maritimes, alors ? Tu n’as pas précisé. » Ava insistait, demandait des précisions, comme si elle doutait de lui alors qu’elle continuait simplement à développer une grande curiosité envers celui qui l’avait sauvée ce soir. « C’est la première fois que j’ai quelqu’un qui m’attend et je joue les pseudos héros dans un bar. » Et soudain elle avait réalisé qu’elle se tenait entre lui et sa famille. « Je suis désolée, je voulais pas te retarder.. » Ni lui causer d’ennuis, à lui. Il s’était tant inquiété pour elle qu’il en avait oublié ses priorités et si Ava appréciait sa compagnie si rassurante, elle détesterait l’arracher à sa famille encore plus longtemps. « J’imagine qu’elle a hâte de te retrouver. Et toi aussi. » Elle, parce qu’il était évident qu’Atlas faisait référence à une toute nouvelle histoire d’amour en précisant que c’était la première fois que quelqu’un l’attendait et si sa petite-amie n’avait absolument rien à craindre d’Ava, celle-ci savait que la jalousie était un défaut que possédait beaucoup de personnes. « Le moment est mal choisi pour te dire que ça m’embêterait qu’on ne se revoit jamais ? » Son impulsivité et son honnêteté avaient été ses meilleures alliées pour poser cette question alors qu’elle craignait que cette rencontre au hasard n’en reste là quand Atlas venait de lui apporter bien plus que n’importe qui.

J’ai conscience de frôler les limites avec toutes mes questions, mais c’est plus fort que moi. Il m’est difficile de la laisser planer dans sa petite bulle sans lui faire un rappel sur la triste réalité de notre société. Visiblement ses parents ont fait un excellent travail pour venir lui imprimer dans le crâne que toute cette situation est absolument normale, qu’elle se doit de vendre ses services pour ramener de l’argent à la maison. L’idée me fait frissonner, quel genre de parents peut bien forcer leur fille à faire ce genre de chose ? Mon esprit s’emballe probablement à l’imaginer devoir se prostituer pour le compte de ses parents, après tout elle offre peut-être juste un peu de compagnie à ces hommes et c’est pour cela que le vieux avait cherché à la droguer. Je devrais arrêter mes conclusions hâtives, mais il faut avouer que les paroles d’Ava ne sont pas là pour venir apaiser mon esprit. « C’est pas la peine, Atlas. J’en aurais d’autres, des dîners. » Il y a quelques minutes encore elle était une stricte inconnue à mes yeux, mais désormais je serais prêt à lui filer 1 000 dollars justes pour qu’elle puisse ne pas avoir à se rendre à un autre de ses dîners dans les prochains jours. Je n’ai aucunement le droit de lui dire tout cela, de m’immiscer dans sa vie de cette manière, alors je me contente de hausser les épaules. Dès l’instant où elle quittera le bar, elle reviendra une inconnue et elle pourra bien faire ce qu’elle veut de sa vie, après tout. « Tu es papa ? Désolée de demander mais, tu en as tout le comportement. » Sa question me surprend quelque peu, mais un sourire se dessine lentement sur mes lèvres. « Non, non je suis pas papa. » Même si l’idée me trotte en tête depuis quelque temps désormais. « J’ai juste deux frères et deux sœurs puis une nièce également. » Je ne sais pas si cela justifiera mon comportement à ses yeux, mais c’est la seule explication logique que je peux lui offrir. Ava a probablement le même âge qu’Hayden et ce sont mes instincts de grand frère qui prennent le dessus dans ce genre de situation. « Au goût de mes sœurs, je suis trop protecteur. » Clairement, ce n’est pas mon avis, mais je l’entends depuis des années et je me suis fait à l’idée que mes sœurs finiront toujours par se plaindre de l’intérêt que je leur porte. Je suis le grand frère qui met son nez dans leur affaire après tout. « Mais elles aiment juste se plaindre. » que j’ajoute pour plaisanter quelque peu.

Ava cherche à dégager la conversation de sa personne et de la raison qui l’avait amené à se retrouver dans ce bar. Ma raison a moins semblé bien désuète à côté, juste une réunion de quelques gars qui voulait boire une bière avant de rentrer à la maison. « Oh, oui, évidemment. D’ailleurs je crois qu’ils ne t’ont pas attendu… » Du coin de l’œil, je suis son regard vers la table que j’occupais avec Sam il y a encore quelques minutes de cela. Il a filé et je suis persuadé que dès demain j’aurais un message de sa part pour me relater le reste de sa soirée ou pour me poser un millier de questions sur ma tentative de sauvetage.  Habituellement, je ne suis pas le plus bavard de la bande, mais Ava a répondu à toutes mes questions, je peux bien lui expliquer ce que je faisais avant de venir ruiner sa soirée. « Militaire dans les forces maritimes, alors ? Tu n’as pas précisé. » Sa question m’arrache un petit rictus amusé, qui est trop curieux désormais ? Conditionné par des années de carrière, je me redresse sur mon tabouret et tends une main rigide vers la jeune femme. « Commander Siede, pilote de l’aéronautique au sein de le Navy australienne. » Je suis à deux doigts de lui offrir un salut militaire, mais je crois que ce ne sera pas nécessaire. « Je passe le plus clair de mon temps sur un navire militaire. » Et il était toujours difficile d’être de retour sur la terre ferme, il fallait quelques jours pour que notre oreille interne s’habitue à nouveau.

« Je suis désolée, je voulais pas te retarder... » - « Ce n’est rien. » Une nouvelle fois, je souris à la jeune femme. Il ne faut pas qu’elle s’inquiète, ce n’est pas comme si Matilda était entrée dans ma vie depuis peu, elle me croira lorsque je lui raconterais le dérouler de ma soirée. Elle sait que je suis du genre à vouloir sauver tout le monde et que je ne suis pas capable d’abandonner trop facilement. « J’imagine qu’elle a hâte de te retrouver. Et toi aussi. » J’ai parfois encore du mal à me dire que Matilda m’attend de cette manière et pas seulement en étant ma meilleure amie. « C’est idiot si je dis que je suis nerveux ? » C’est complètement débile en réalité, ce n’est pas comme si on avait jamais fait ce genre de choses, comme si je ne m’étais pas déjà absenté plusieurs fois depuis que je me suis engagé. « Je devrais pas te dire ça, pardon. » Il manquerait plus que je ne vienne à me confier à une parfaite inconnue. Je crois que Matilda me qualifierait de fou allier ou quelque chose dans le genre. « Elle est ma meilleure amie depuis genre toujours, c’est… C’est juste vraiment idiot. » Pourquoi est-ce que je cherche à me justifier moi maintenant ? Probablement parce que j’ai peur que Matilda se soit déjà lassé de m’avoir attendue si longtemps sans avoir eu énormément de contact. En réalité, je n’en sais trop rien, mais j’ai ce truc dans le fond de l’estomac qui me rappelle un état de nervosité que je n’avais pas connu depuis bien longtemps. « Le moment est mal choisi pour te dire que ça m’embêterait qu’on ne se revoie jamais ? » Mes sourcils se froncent, par certains d’avoir réellement compris ce qu’elle voulait sous-entendre, mais décider à lui faire savoir qu’elle pourrait me contacter si nécessaire. Je fouille dans les poches de mon treillis, mais finis par demander un papier et un stylo au barman pour y inscrire mon numéro de téléphone. « Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit. » Je fais glisser le bout de papier dans sa direction. « Que ce soit pour te sortir d’une galère ou même juste discuter. » J’aimerais qu’elle voie cela comme une carte à utiliser dès qu’elle en ressent le besoin sans que cela soit bizarre ou quoi que ce soit. « Tu vas dire que je suis un vieux con qui se répète, mais tu es sûre que tu n’as pas besoin que je te ramène ? » Je veux pas passer pour le gars qui lui force la main, mais sa soirée a déjà été assez agitée comme cela. « Je vais en direction de Fortitude Valley si jamais. » Je ne devrais pas tarder à rentrer pour ne pas vexer Matilda, mais de toute manière je n’ai pas encore terminé mon verre.

Atlas s’était comporté comme le soldat qu’il était et il était évident qu’ils partageaient tous les deux des valeurs similaires. « Non, non je suis pas papa. » Elle avait arqué un sourcil, étonnée que sa pensée ne se confirme pas. « J’ai juste deux frères et deux sœurs puis une nièce également. » « Rien que ça, hin ? » avait-elle plaisanté en hochant légèrement la tête. S’il n’était pas un père, il en avait déjà l’étoffe et se comportait déjà comme tel. « Au goût de mes sœurs, je suis trop protecteur. » C’était effectivement la première chose qui l’avait frappé chez lui. « J’ai cru comprendre ça, oui ! » Ils avaient échangé un rire et Atlas avait conclu. « Mais elles aiment juste se plaindre. » A sa façon de parler et l’intonation de sa voix, Ava pouvait entendre l’amour qu’il portait à ses soeurs et l’idée la faisait sourire. Penchée sur le bar, la tête posée sur la main, la blonde l’écoutait avec attention, jusqu’à demander des précisions sur son rôle dans l’armée. « Commander Siede, pilote de l’aéronautique au sein de le Navy australienne. » Mettant la tranche de sa main sur sa tempe, Ava avait salué le Commandant Siede comme il se devait, et, à nouveau, ils avaient éclaté de rire. En si peu de temps, elle se surprenait à apprécier sa compagnie et de voir combien la discussion était naturelle et fluide avec quelqu’un qui aurait pu commencer cette rencontre par la juger. « Je passe le plus clair de mon temps sur un navire militaire. » Et l’idée n’était pas totalement repoussante pour une fille qui rentrait chez elle uniquement pour subir des reproches.

Il venait de lui exposer une partie de sa vie, parler de sa carrière qui était prenante et ne l’autorisait pas à être présent pour ses proches comme il le voulait et l’idée de le retenir la dérangeait énormément. « Ce n’est rien. » Pourtant, c’est auprès de sa petite-amie qu’il devrait être et tous deux n’avaient rien à devoir à l’autre - ils appréciaient juste la conversation. « C’est idiot si je dis que je suis nerveux ? » Ava lui avait souri alors qu’Atlas continuait de lui montrer une facette extrêmement positive. « Ce n’est absolument pas idiot, c’est exactement comme ça que tu devrais te sentir si elle compte pour toi. » Et c’était probablement le cas à en juger par le petit soupir que poussait déjà le garçon à l’idée de la retrouver et la façon dont il jouait avec ses mains, comme un enfant timide. « Je devrais pas te dire ça, pardon. » Elle avait haussé les épaules, aucune règle n’indiquait de ne pas parler de sa petite-amie avec une inconnue dans un bar. « Elle est ma meilleure amie depuis genre toujours, c’est… C’est juste vraiment idiot. » « Arrête de dire ça ! Je trouve ça encore plus impressionnant si c’était ta meilleure amie. T’as plus à perdre si ça se passe mal. Mais tu seras parfait. » Et en un réflexe, Ava lui avait replacé une mèche de cheveux et remis le col de son uniforme avant de légèrement rougir et de s’excuser à son tour, son naturel revenant toujours sans qu’elle ne puisse le contrôler. La blonde ne connaissait rien en relation mais elle était convaincue que sa petite-amie serait ravie de le revoir parce qu’il avait toute l’étoffe d’un parfait gentleman, au point où elle s’inquiétait de ne plus jamais le revoir. « Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit. » Ava avait attrapé le morceau de papier avec un sourire, sa vision de l’humanité n’était peut être pas si biaisée si elle arrivait à croiser un homme et récupérer son numéro juste parce qu’il avait envie d’être là pour elle. « Que ce soit pour te sortir d’une galère ou même juste discuter. » « T’auras probablement rapidement de mes nouvelles, alors. » Le remercier à nouveau aurait sans doute été inutile tant elle l’avait déjà répété à plusieurs reprises, alors, elle lui avait confirmé qu’elle garderait le contact en espérant que cela soit une annonce assez réconfortante. L’heure tournait et Ava sentait la fatigue la gagner, elle était finalement ravie de ne pas avoir à faire la discussion à un homme de l’âge de son père pour une partie de la nuit, Atlas était bien plus intéréssant elle en était convaincue. « Tu vas dire que je suis un vieux con qui se répète, mais tu es sûre que tu n’as pas besoin que je te ramène ? » Le seul vieux con qu’elle avait croisé ce soir, c’était Howard, même si elle ne l’admettrait pas tout haut. « Je vais en direction de Fortitude Valley si jamais. » Son regard se faisait pressant et vu la façon de se comporter du garçon, Ava ne trouvait aucune excuse pour refuser. Elle aurait pu se mettre à nouveau en danger, mais il semblait que la blonde n’avait jamais assez de recul sur une situation pour prendre les bonnes décisions. « J’accepte mais seulement parce que j’habite pas très loin, alors. » Sa famille s’était établie un peu en dehors de Logan City dans un quartier résidentiel, rien de bien conséquent pour l’avocat qu’était son père mais elle savait qu’il décrivait toujours la famille comme modeste, leur maison étant pourtant l’une des plus imposantes de la rue. « On profitera du trajet pour que je te rassure en te disant qu’elle doit trépigner d’impatience de te revoir. » Et ils s’étaient levés d’un même mouvement pour quitter le bar.