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Tapotant son volant du bout des doigts, cela devait faire la trentième fois que Malone jetait un coup d’oeil à l’horloge de son tableau de bord - oui, le modèle de sa voiture avait beau ne pas être dernier cri, il possédait quand même une horloge encore en état de fonctionnement. C’était pas l’âge avancé de cette dernière qui lui posait soucis, mais bien les chiffres qu’elle indiquait. Pour la faire courte: Malone était en retard, et c’était bien là quelque-chose qu’il ne supportait. Ce dernier ne pouvait lui être impugné puisqu’il avait du intervenir entre deux clients de l’hôtel qui, d’après ce qu’il avait attrapé comme informations au vol, avaient décidé de se refaire le portrait; en dehors de l’établissement s’ils voulaient, mais pas alors que la surveillance des parties communes étaient à sa charge aujourd’hui. Il n’avait pas l’intention de terminer sa journée de travail au poste de police pour être interrogé sur ce qu’il s’était passé, surtout qu’il était effectivement attendu ailleurs. Si Malone détestait autant être en retard, c’était parce-que cela lui rappelait le comportement qu’il n’avait que trop adopté pendant de longues années: celui de l’homme qui n’avait plus rien à perdre, celui qui se fichait complètement des règles qui pouvaient être mises en place autour de lui, qui ne comptait que sur son plaisir personnel en faisant passer les autres et leurs besoins à la trappe. Il n’avait aucune envie de retourner à celui qu’il était à cette époque là, ni que quelqu’un puisse le pointer du doigt d’agir en ayant un tel objectif en tête; alors, quand le feu passa au vert et que la circulation se remit en fonctionnement, il appuya un brin davantage sur le champignon - il faisait attention qu’il n’y ait pas d’enfants ou de personnes âgées traversant la rue à ce moment là, promis.

Comme si le sort s’acharnait contre lui, lorsqu’il arriva à la structure de Homeless Connect où il était justement attendu, le parking était plein et il dut faire trois fois le tour du pâté de maisons pour trouver où se stationner. Il était presque essoufflé lorsqu’il passa enfin les portes, qu’il salua la secrétaire de l’accueil - qu’il gratifia d’un petit sourire et d’un gentil commentaire sur sa nouvelle coupe de cheveux, parce-que maintenant c’était là le genre de détails qu’il remarquait, Malone -, avant de monter quatre à quatre les escaliers qui le menaient à la salle de réunion.

« Vraiment désolé d’être en retard, j’ai fait aussi vite que j’ai pu. » En réalité, ce n’était pas face à une foule qu’il allait se retrouver aujourd’hui puisque le rendez-vous qu’il avait se tenait seulement avec Vittorio. Cependant, il connaissait à force un brin le comportement et le caractère de ce dernier, et savait qu’il y avait des chances pour que le retard de Constantine ne passe pas inaperçu - de toutes façons, il n’y avait que lui d’attendu, donc forcément que cela se remarquait qu’il manquait à l’appel. « J’ai du régler une situation délicate au boulot. D’ailleurs, peut-être que je vais reprendre des cours de boxe dans pas longtemps, si ça continue. » Il tentait là d’ajouter une pointe d’humour, pour adoucir l’italien pour qui ce sport était un terrain connu. Malone n’était cependant pas là que pour savoir qui se fendrait le plus la poire, alors il ne perdit pas trop de temps pour renchainer sur ses dernières paroles. « Je suis en retard du coup MAIS je viens pas les mains vides: j’ai trouvé un nouveau bénévole pour servir les repas de temps en temps avec nous. » Le nous impliquant ici n’importe quelles personnes impliquées déjà dans ce processus. Le sourire de Constantine en cet instant ne pouvait passer inaperçu, tant il mangeait déjà une partie de son visage. A ses yeux, il considérait ça comme était une bonne nouvelle et une petite victoire à la fois. Surtout que pour une fois, ce n’était pas quelqu’un issu réellement de son milieu qu’il s’apprêtait à mettre dans les pattes des autres bénévoles. Ambrose était de son milieu, mais familial, c’était un tout autre registre. Ceux qu’il hésitait parfois à proposer pour aider, c’étaient les toxicomanes comme lui qui peinaient encore à joindre les deux bouts sur une base quotidienne, qui était persuadé que c’était là un quelque-chose qu’ils devaient absolument faire et qui finissaient par retourner à la rue et aux addictions à peine quelques semaines retournés au contact des personnes dans le besoin. Ce que ces personnes là ne voyaient pas, c’était qu’elles étaient encore elles-aussi totalement dans le besoin.

Mais comme il s’apprêtait à le dire à Vittorio, ce n’était pas quelqu’un de cette trempe là qui rejoindrait leur rang mais une vraie recrue, quelqu’un de confiance et en qui - même s’il ne l’avouait pas - Malone plaçait beaucoup d’espoir. « Mon petit frère est partant pour venir lui aussi. » Bien sur qu’il y avait également un peu de fierté dans son sourire, dans son regard; mais ça, il se doutait d’avance que Vittorio n’en aurait pas grand chose à faire. « Est-ce que ça pardonne mon retard, du coup ? » Il appuyait peut-être un peu trop, insistait là où ce n’était pas nécessaire, mais il savait aussi qu’en agissant ainsi il se transformait surement en une épine dans le pied pour l’italien - et même s’il démentirait si quelqu’un en venait à lui poser la question, cela l’amusait assez pour qu’il continue et insiste encore un instant supplémentaire.

Vittorio Giovinazzo & @Malone Constantine

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Si Gaïa avait été là, elle lui aurait probablement lancé ce regard qu’il avait déjà vu cent fois et qu’elle n’avait même plus besoin d’accompagner de la moindre remarque pour qu’il comprenne instantanément le fond de sa pensée. Elle aurait probablement fini par soupirer, et par replonger le nez dans les pages du magazine qu’elle feuilletait pendant que lui plissait les yeux sur ce qu’il lisait ou écrivait, et un « Tu sais, ce n’est pas une tare d’admettre qu’on a besoin de lunettes. » facétieux lui aurait échappé en sachant très bien que l’italien balayerait la remarque qu’un haussement d’épaules – ou pire, ferait mine de n’avoir rien entendu. Mais Vitto n’était pas chez lui, Gaïa n’était pas là, et c’est donc en paix qu’il pouvait rédiger son courrier le nez presque collé à la feuille, et les lèvres pincées par la concentration. Besoin de lunettes, lui ? Allons. Ce dont il aurait eu diablement besoin en revanche, c’était de quelqu’un de plus calé que lui en droit de la famille : car tout légitime qu’il était à pouvoir fièrement exhiber son Law Master’s Degree, obtenu à la sueur de cinq années de remise à niveau sur la jurisprudence australienne, le droit faisait partie de ces domaines pointus qui nécessitaient d’être pratiqués assidûment pour ne pas perdre la main … Et autant dire que jusqu’à présent, ce diplôme n’avait pas eu d’autre utilité que celle de pouvoir frimer en l’affichant au mur du bureau qu’il occupait au Dojo. « T’as toujours le numéro d’Anouch ? Faut vraiment que je retrouve le cabinet d’avocats dont elle m’avait parlé. » Les mains vissées sur ses hanches potelées, Bettina – Betty, pour les intimes – avait arqué un sourcil par-dessus la monture écaille des lunettes qu’elle ne rechignait pas à porter, elle. « Dis-moi que tu n’as rien écouté à ce que je viens de dire, sans me dire que tu n’as rien écouté à ce que je viens de dire. » Oups ? « Hein ? Mais si. » Mais non, trois fois non. « Malone est en retard et je dois vraiment partir maintenant récupérer les invendus, sinon les commerces vont fermer. Je peux te laisser gérer ? » Oh, la barbe. « Non mais, j’peux y aller moi, faire la tournée des invendus … » – « Tu ne sais même pas conduire. » Faux, il savait parfaitement conduire … Il n’avait simplement pas de permis pour le prouver. Encore que, il n’avait jamais conduit à gauche, mais cela ne devait pas être bien sorcier, si ? « N’y pense même pas. » Ah. « Et soit sympa, il y met du sien, tu devrais en faire autant. » Il y mettait tellement du sien qu’il était en retard, mais plutôt que de se lancer dans ce débat perdu d’avance, l’italien s’était contenté de grommeler tandis qu’elle quittait déjà la pièce, se fendant d’un « J’suppose que ça veut dire non pour Anouch. » blasé.

Mais pour quoi Malone était-il en retard, d’ailleurs ? De ça, Betty n’avait pas non plus juger utile de le mettre au parfum, pas plus que de l’heure à laquelle il était supposé arriver, aussi Vitto s’était-il contenté de continuer sa besogne en se disant qu’au pire, Constantine ne viendrait pas. Un de ces jours cela arriverait, il était prêt à mettre sa main à couper là-dessus. Un de ces jours, mais pas celui-ci, et débarqué en trombe dans la petite salle servant de bureau les jours pairs et de débarras les jours impairs, Malone s’était fendu d’un « Vraiment désolé d’être en retard, j’ai fait aussi vite que j’ai pu. » que l’italien qualifierait de théâtral, mais qui ne l’était en réalité pas tant. « J’ai dû régler une situation délicate au boulot. D’ailleurs, peut-être que je vais reprendre des cours de boxe dans pas longtemps, si ça continue. » Tiens donc. Reposant son stylo et frottant ses yeux presque sans y penser, il avait rétorqué d’un ton narquois « Y’a des muscles, sous cette carrure de cure-dent ? » et en sachant bien que oui, il y en avait – au moins un minimum, si l’on s’en référait à l’ancienne carrière du rouquin. « Si t’étais mon élève je t’aurais pas vu la couleur du ring aujourd’hui en tout cas, j’entraîne pas les retardataires. » Poussant un soupir un peu plus prononcé qu’il ne l’aurait pu, Vittorio avait agité une main vers la chaise vide et s’était levé pour allumer la lumière (comme si la raison de ses yeux qui piquaient se trouvait dans la luminosité). « Je suis en retard du coup MAIS je viens pas les mains vides : j’ai trouvé un nouveau bénévole pour servir les repas de temps en temps avec nous. » Tiens donc, bis repetita. Partagé entre l’envie de savoir (ils avaient toujours besoin de bénévoles) et la méfiance (ils n’avaient pas besoin d’un autre chat errant à la ponctualité approximative) l’italien n’avait rien répondu, signe que Malone pouvait abandonner le suspens et en venir aux faits.  « Mon petit frère est partant pour venir lui aussi. Est-ce que ça pardonne mon retard, du coup ? » Haussant les épaules, décidé enfin à faire un semblant d’effort, il avait argué « J’sais même pas à quel point t’es en retard, pour commencer, alors en ce qui me concerne … » Il s’en moquait un peu, voilà la vérité. « T’entends quoi exactement par “de temps en temps” ? Il est majeur ? On prend pas s’il est pas majeur. » Trop de responsabilité, trop de risques, trop de paperasse. En réalité, il y avait toujours moyen de s’arranger, mais passons. « Café ? » Plutôt que de regagner sa place, l’italien s’était en effet affairé près de l’antique cafetière à filtre, ayant déjà sorti deux gobelets de la pile entassée dans un coin. « Il peut venir faire un essai s’il veut. Tu lui dis de venir avec toi un jour ou t’es là, et on voit à la fin s’il est toujours motivé. » Dans le filtre, suffisamment de café pour réveiller un mort – la seule manière acceptable de le préparer, aux yeux de Vitto. « C’était pour ça, ton rendez-vous d’aujourd’hui, ou y’avait autre chose ? Betty m’a refilé le bébé sans rien me dire. » Pas qu’il ne soit en train de traîter Malone de bébé, il ne s’agissait que d’une expression … Mais hey, il lui proposait un café, cela lui donnait bien le droit d’être un peu caustique en compensation.

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Oh, il pouvait deviner dans le moindre élément de la façon qu’avait Vittorio de se tenir présentement qu’il n’était en rien ravi de le voir- rien que la façon dont il se frotta les yeux en croisant son regard indiquait qu’il ne pouvait déjà plus supporter la vision de Constantine, alors que ce dernier venait à peine d’arriver sur les lieux de l’association. « Y’a des muscles, sous cette carrure de cure-dent ? » Haussant un sourcil, autant amusé qu’un brin choqué, Malone se permit un petit rire. « J’ai moins l’air d’un cure-dents que toi. » Le pire ? Ce n’était pas tout à fait faux. Le problème ? C’était que la remarquer de la part de l’italien était gratuite car il savait pertinemment que sous ses airs innocents et sa façon de passer pour quelqu’un de timide la moitié du temps, Malone avait effectivement des muscles bien formés et bien en place. Ces derniers avaient quelque peu perdu en épaisseur et en force avec les années, mais ils avaient bénéficié d’un entrainement assez développé pour se montrer utile si le besoin se faisait ressentir. « Si t’étais mon élève t’aurais pas vu la couleur du ring aujourd’hui en tout cas, j’entraîne pas les retardataires. » - « Je prends ça pour un non pour les entrainements alors ? » Pas qu’il ait été réellement sérieux - peut-être que si ?

Ce n’était pas pour discuter de cours de boxe cependant que Constantine était venu ici aujourd’hui, mais pour annoncer une bonne nouvelle à Vittorio - ou en tous cas, une nouvelle qu’il considérait comme bonne de son côté et qu’il était plutôt heureux de partager. Ce n’était pas rien, qu’Ambrose désire se lancer dans ce type d’opérations à son tour; peut-être n’était-ce effectivement que pour embellir son C.V pour les prochaines années et les aventures professionnelles qui l’attendaient, mais c’était toujours une branche pour ce faire choisie qui permettait aux deux frères de voir des opportunités de se croiser plus souvent. Tout effort, qu’importe la forme, était bon à prendre. « J’sais même pas à quel point t’es en retard, pour commencer, alors en ce qui me concerne … » Et, ouais, il n’en avait rien à faire. « T’entends quoi exactement par “de temps en temps” ? Il est majeur ? On prend pas s’il est pas majeur. » Un petit sourire se glissa sur les lèvres de Malone. Il était vrai que le terme petit frère pouvait porter à confusion - ou Vittorio n’avait pas la notion de l’âge que pouvait avoir le roux, ce qui était fortement probable également. « Il est majeur, te fais pas de bile. Il a vingt-…trois ans. » Il avait pris une seconde d’hésitation pour se remémorer l’âge exact d’Ambrose - le temps de faire le calcul, en réalité, car il n’était pas de ceux réellement doués pour se souvenir des âges exactes des gens et les mettre à jour tous les ans. « Et de temps en temps, c’est un soir par semaine assuré. » C’était ce que lui avait dit Rose, alors il répétait bêtement. Il avait promis de faire les efforts nécessaires, et de voir s'il était possible même de dégager un peu plus de temps par la suite - mais un soir, c’était déjà énorme.

« Café ? » - « Je veux bien, ouais. » Il allait surement faire un arrêt avec le café préparé par l’italien, mais il passait sur les détails de cette sorte aujourd’hui.

« Il peut venir faire un essai s’il veut. Tu lui dis de venir avec toi un jour où t’es là, et on voit à la fin s’il est toujours motivé. » Hochant la tête, Malone finit par s’asseoir sur l’une des chaises de la petite salle. Il ne savait pas si c’était la meilleure des options, qu’Ambrose commence sur une soirée où il était également présent - surtout à voir les conversations qui n’avaient pas si bien tourné que ça ces derniers temps entre eux -, mais effectivement cela serait plus simple s’il connaissait déjà du monde sur place. Pas qu’il soit timide et ait besoin d’un guide, mais le but était aussi que les frères passent un peu plus de temps ensemble: autant saisir les perches tendues. « Je lui dirai. Je pense qu’il va pouvoir essayer assez rapidement. Et il est bien plus têtu et tenace que moi: il sera toujours motivé. » Malgré toute sa bonne volonté, Malone faisait partie de ces personnes dont l’assiduité n’était pas toujours régulière; il avait surtout d’autres sujets sur lesquels se concentrer une partie du temps, et c’était d’ailleurs à cause de ces derniers que Vittorio ne savait faire autrement que lui lancer des regards pleins de jugement, la plupart du temps. « C’était pour ça, ton rendez-vous d’aujourd’hui, ou y’avait autre chose ? Betty m’a refilé le bébé sans rien me dire. » Il ne pouvait le voir d’où il se tenait, mais il leva les yeux au ciel aux mots de l’italien - bien sur qu’il en profitait pour placer ici et là une remarque ou deux. C’était là sa façon habituelle de faire. « C’était pour ça, ouais. Betty m’avait dit qu’on en profiterait pour discuter des décorations à mettre en place pour les fêtes dans le camion qui sert à la distribution, en même temps. » Il fit une légère grimace. « Elle m’a aussi dit qu’elle était attendue ailleurs finalement, et j’en déduis que c’est pas là un sujet qui va autant te brancher qu’elle ? » Il supposait, mais était presque sur en réalité: mettre un peu de gaité ici et là était au delà des efforts que Vittorio pouvait faire. « Elle voulait voir avec moi aussi les jours où j’allais être dispo après les fêtes, parce-qu’apparemment on perd quelques bénévoles en début d’année. J’ai pas encore mon planning du boulot, et je vais devoir faire des heures supp dès début janvier, alors je suis pas sur d’être très utile pour répondre à cette partie là de ses questions de toutes façons. » Et puis, vu que c’était là un sujet que Betty voulait aborder avec lui et que cette dernière en avait un minimum quelque-chose à faire, contrairement à l’italien, Malone ne se faisait que peu d’illusions: ils allaient devoir planifier de nouveau un rendez-vous, Betty et lui.

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Depuis que Donnie avait officiellement donné les rennes (et donc la gestion) du Dojo à l’italien, ce dernier tentait non seulement d’y asseoir sa place et de se créer une légitimité, mais également de se familiariser avec les profils divers et variés d’habitués face à qui, il le savait, il avait encore tout à prouver. Et si avant Donnie et lui, Danika ne faisait à priori pas non plus l’unanimité, la jeune femme avait au moins pour elle l’avantage d’un nom de famille et d’une filiation directe avec l’homme par qui tout avait commencé – elle était une Riley, et même ceux qui ne la portaient pas en haute estime respectaient au moins ce trait indéniable. Vittorio, lui, ne démarrait pas avec un tel avantage et devait faire son trou autrement, en observant, en apprenant, et plus difficile encore en ne laissant pas ses préjugés parler en premier – discipline dans laquelle il excellait pourtant particulièrement. Et Malone, au fond, ne faisait qu’expérimenter les mêmes travers dans un décor différent, victime collatérale des préjugés de l’italien autant que de son humeur du jour parfaitement inégale. « Je prends ça pour un non pour les entraînements alors ? » Il y avait un brin de défiance dans le ton employé, et cela avait été suffisant pour faire hausser un sourcil à Vitto, qui laissant passer une seconde ou deux pour rajouter de l’effet avait fini par répondre d’un ton impatient « Si t’as un truc à demander, fais-le franchement. » Et si cela ressemblait plus à une proposition qu’à un “non” il y avait peut-être une raison … Mais il ne faudrait pas attendre de l’ancien boxeur une perche plus grande que celle-ci. Fais ce que je dis, fais pas ce que je fais.

Rapidement, il était de toute façon devenu clair que le rouquin n’était pas là pour ça, et plutôt que de donner trop de grain à moudre au moulin de l'italien, Malone en était venu au fait : son petit frère, donc. « Il est majeur, te fais pas de bile. Il a vingt-… trois ans. » L’hésitation faisant arquer à nouveau un sourcil à Vittorio, celui-ci s’était néanmoins gardé de tout commentaire et simplement acquiescé lorsque le bonhomme avait ajouté « Et de temps en temps, c’est un soir par semaine assuré. » d’un ton apparemment sûr de lui. Proposant un café avec autant d’habitude que certains demandaient l’heure, il s’était attelé à la tâche non sans perdre une occasion de creuser un peu la proposition de Malone. « Il fait quoi dans la vie ? On n’écume pas plutôt les beuveries étudiantes chaque soir que Dieu fait, à cet âge ? » A la recherche de ses limites, d’un peu de frisson et de compagnie, et avec encore l’avantage de la jeunesse de pouvoir se remettre de ses propres excès en quelques heures. Dix ans de plus et il fallait plutôt compter cela en jours – mais Malone était le véritable expert en excès de cette pièce, après tout. « Mais on manque toujours de bras, alors si tu dis qu’il est motivé. » Ils auraient de toute façon tous l’occasion de s’en rendre compte (ou non) dès lors que le petit frère pointerait son nez. « Je lui dirai. Je pense qu’il va pouvoir essayer assez rapidement. Et il est bien plus têtu et tenace que moi : il sera toujours motivé. » Pour l’heure Vittorio avait décidé de s’en satisfaire, et s’autorisant même à commenter « J’aimerais pouvoir en dire autant du mien. » avec un brin de sarcasme, il avait tendu le premier gobelet de café (serré) à Malone et s’en était servi un second en ajoutant « Il doit nous rester quelques formulaires qui traînent en bas, je t’en filerai un quand tu repartiras, tu n’auras qu’à lui faire remplir. » Ou bien le remplir pour lui, mais puisqu’il avait hésité sur sur âge Dieu seul savait sur quoi d’autre il pourrait sécher. « C’est quoi son nom ? »

La grande question restait maintenant de savoir si Betty l’avait laissé gérer l’arrivée de Malone pour cette unique raison, ou si les deux bénévoles avaient autre chose sur le feu dont la retraitée n’aurait pas pris le temps (ou pas voulu) faire part à Vittorio. « C’était pour ça, ouais. Betty m’avait dit qu’on en profiterait pour discuter des décorations à mettre en place pour les fêtes dans le camion qui sert à la distribution, en même temps. » La grimace esquissée par Constantine avait été suivie de celle de l’italien, assez peu sensible à l’esprit de Noël (pour ne pas dire pas du tout). « Elle m’a aussi dit qu’elle était attendue ailleurs finalement, et j’en déduis que c’est pas là un sujet qui va autant te brancher qu’elle ? » Trempant d’abord les lèvres dans son café, il s’était fendu d’un « J’voudrais pas priver Betty du plaisir de transformer son bolide en sapin de Noël. » sarcastique, bien content par ailleurs que Gaïa et lui n’aient pas encore trouvé leur futur appartement : c’était probablement la dernière année où il échappait aux guirlandes lumineuses et aux épines de sapin dans son salon pendant un mois. « On cherche toujours du monde pour le repas du vingt-quatre, d’ailleurs. Y’a pas masse de volontaires, comme tu t’en doutes, mais si t’es du genre à chercher après une excuse pour échapper à un repas de famille rasoir. » Lui avait déjà promis à Betty qu’il serait là, il n’avait simplement pas encore réfléchi à comment il l’annoncerait à Gaïa. Lui parler de l’association aurait été un bon début, mais l’italien avait atteint ce stade où le mensonge était trop confortable pour qu’il ne veuille s’en déloger … Elle faisait ce qu’elle voulait de son temps-libre sans lui rendre de comptes, il avait bien le droit d’en faire autant. « Elle voulait voir avec moi aussi les jours où j’allais être dispo après les fêtes, parce-qu’apparemment on perd quelques bénévoles en début d’année. » avait de son côté repris Malone au sujet de Betty. « J’ai pas encore mon planning du boulot, et je vais devoir faire des heures supp dès début janvier, alors je suis pas sur d’être très utile pour répondre à cette partie là de ses questions de toutes façons. » Haussant les épaules, Vitto avait balayé d’un revers de main « La première moitié de janvier ça devrait aller, y’a toujours quelques bonnes volontés qui débarquent avec leurs résolutions de nouvelle année. C’est après que ça se gâte, quand la plupart réalisent que la bonne volonté c’est pas suffisant pour tenir ses résolutions … » Mais ça, Malone en savait probablement quelque chose. « Dis-lui juste quand t’auras ton planning, elle râle par principe mais on arrive toujours à se débrouiller. Au pire on fermera la brocante une semaine ou deux pour dispatcher les présents sur le reste. » Sienna ne verrait probablement pas d’inconvénients à servir des repas plutôt qu’à vendre des vieilleries, et les autres suivraient – Betty avait le don pour savoir prendre les gens par les sentiments. « Ton frère, il est au courant ? » La question sortait de nulle part, et après une nouvelle gorgée de café il avait développé « Que t’étais pas là comme bénévole quand t’as débarqué à l’asso ? Parce que s’il l’est pas, tu devrais briefer Betty … Et tous ceux qui seraient susceptibles d’avoir la langue trop bien pendue. » Pas sûr que cela suffise à ce que le secret (s’il existait) en reste un longtemps, mais enfin.

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« Si t’as un truc à demander, fais-le franchement. » Tout comme Vittorio avait pris quelques secondes avant de répondre, Malone en fit de même, commençant par balayer d’un revers de la main les paroles de l’italien. « Nah, t’en fais pas. » En réalité, l’idée de prendre des cours de boxe n’était pas déplaisant, et faisait partie surement des rares choses qui pourrait lui plaire réellement. Cependant, il savait parfaitement d’avance que le caractère de l’homme face à lui n’était pas réellement compatible avec le sien - il n’y avait qu’à voir la façon dont cette discussion se passait presque bien mais que cela était bien rare pour comprendre de quoi il en retournait.

Surtout que ce n’était pas pour cela qu’il était venu ici aujourd’hui, Constantine; loin de lui l’idée d’emprunter du temps à Vittorio pour un prétexte qui ne concernait en rien l’association. S’il voulait voir des personnes un peu mieux placées que lui au sein de cette dernière, c’était pour prévenir qu’il avait réussi à dégoter un nouveau bénévole pour leur donner un coup de main. « Il fait quoi dans la vie ? On n’écume pas plutôt les beuveries étudiantes chaque soir que Dieu fait, à cet âge ? » Ne retenant pas le petit rire qui voulait se glisser entre ses lèvres, Malone secoua quelque peu la tête de gauche à droite. « Il est trop sérieux pour ça. » Lui n’avait jamais fait d’études, s’étant engagé dans l’armée dès la sortie du lycée; de la fratrie il n’était donc pas l’exemple à suivre dans ce domaine et il n’était donc pas non plus le mieux placé pour savoir la façon dont tous les autres vivaient leurs années étudiantes. La chose dont il était certain, en revanche, c’était ce qu’il avançait sans hésitation à l’italien: son frère était quelqu’un de sérieux, et en rien du genre à passer trois quarts de ses semaines d’études à écumer les bars de la ville. « Il bosse en politique, il a autres choses à faire que de subir des gueules de bois à longueur de temps. » Il bosse en politique parce-que de toutes façons, Malone était incapable de décrire avec plus de précisions ce que faisait réellement au quotidien son petit frère. « Mais on manque toujours de bras, alors si tu dis qu’il est motivé. » Hochant lentement la tête, il approuvait les paroles de l’homme face à lui. Il était motivé, c’était là une des façons de décrire le jeune homme de façon générale. « J’aimerais pouvoir en dire autant du mien. » Au ton sarcastique utilisé, Malone eut un petit sourire pincé. « Tout peut arriver. » Il avait bien réussi à devenir sobre à un moment donné alors que toutes les chances semblaient contre lui; tout pouvait donc arriver pour tout le monde à partir de ce moment là. « Il doit nous rester quelques formulaires qui traînent en bas, je t’en filerai un quand tu repartiras, tu n’auras qu’à lui faire remplir. » - « Yep, merci. » - « C’est quoi son nom ? » Là, il eut un fin sourire bien plus adouci. « Ambrose. » Aucun prénom réellement classique, chez les Constantine.

Ce n'était cependant pas uniquement pour cette raison là qu’il était venu jusque l’association aujourd’hui, alors qu’il n’y était pas attendu par d’autres personnes que par Betty qui plus était. Il était à peu près sur que les raisons qui avaient poussé la jeune femme à lui demander de venir n’étaient cependant pas celles qui donneraient des étoiles dans les yeux à Vittorio. « J’voudrais pas priver Betty du plaisir de transformer son bolide en sapin de Noël. » Ses paroles étaient sarcastiques, mais le petit rire de Malone était lui tout à fait amusé. « Je verrai ça avec elle alors. » Effectivement, aucun des deux n’allait retirer ce plaisir là à Betty, pour rien au monde. « On cherche toujours du monde pour le repas du vingt-quatre, d’ailleurs. Y’a pas masse de volontaires, comme tu t’en doutes, mais si t’es du genre à chercher après une excuse pour échapper à un repas de famille rasoir. » Un instant, un infime instant, Malone hésita à répondre dans la foulée qu’il se portait volontaire. Il se rappela cependant juste à temps qu’il avait promis de faire des efforts auprès de sa famille cette année, et que s’absenter d’office pour le soir du réveillon n’était peut-être pas la meilleure des solutions. Il ne savait même pas quand la famille Constantine-Weatherton allait fêter réellement Noël, qui plus était, alors s’avancer sur des plans dont il ne connaissait aucun détail n’était réellement pas le meilleur plan de l’histoire. Il se contenta donc de plisser le nez, pour commencer. « Je garde l’info dans un coin de ma tête, mais pour le moment je crois que je suis bloqué en famille ce soir là. » Pas nécessaire avec la partie de ce qu’il appelait famille qu’il aurait aimé voir ce soir là autour d’une table, mais passons - il n’y avait pas une version de cette journée où il se plaignait auprès de l’italien de toutes façons.

« La première moitié de janvier ça devrait aller, y’a toujours quelques bonnes volontés qui débarquent avec leurs résolutions de nouvelle année. C’est après que ça se gâte, quand la plupart réalisent que la bonne volonté c’est pas suffisant pour tenir ses résolutions … Dis-lui juste quand t’auras ton planning, elle râle par principe mais on arrive toujours à se débrouiller. Au pire on fermera la brocante une semaine ou deux pour dispatcher les présents sur le reste. » Constantine hocha la tête, prenant une nouvelle gorgée de café dans la foulée - il comptait vraiment se débarrasser de lui en lui provoquant une crise cardiaque, il en était sur maintenant. « Je vais faire de mon mieux pour être présent autant que d’habitude, mai ouais, des horaires en plus ça risque d’être compliqué. Je la tiendrai au courant. » C’était ce qu’il faisait de son mieux, de toutes façons, Malone: de son mieux.

«  Ton frère, il est au courant ? » Relevant son regard vers Vitto, il avait froncé quelque peu les sourcils. Dans la discussion présente, il avait au moins l’avantage de savoir qu’il parlait d’Ambrose plutôt que d’August - étant donné qu’il ne connaissait l’existence que du premier et non du second, ça réduisait les sujets de conversation possibles. Cependant, il avait beau tenter de comprendre à quoi il faisait référence, il peinait. « De ? » - « Que t’étais pas là comme bénévole quand t’as débarqué à l’asso ? Parce que s’il l’est pas, tu devrais briefer Betty … Et tous ceux qui seraient susceptibles d’avoir la langue trop bien pendue. » Malone dut faire le plus gros des efforts pour ne pas lever les yeux au ciel en cet instant. Ce n’était là un sujet qui initialement concernait Vittorio, donc techniquement il n’avait pas à mettre sonnez dans cette catégorie là de la vie de Malone. Cependant, pour une fois, ses remarques à son encontre étaient presque basées sur de la bienveillance - car effectivement, si Rose n’avait pas été au courant des quelques déboires de son ainé concernant la période la plus sombre de son existence, cela aurait rapidement pu devenir compliqué de se côtoyer au sein de ces locaux. Avec un petit sourire pincé, en rien amusé malheureusement, Constantine écarta son regard de l’italien. « Nah, t’en fais pas, personne a briefer de ce côté là. » Malheureusement, il aurait du ajouter. « Il sait que c’est pas par hasard que j’ai connu l’asso. » Du moins, il ne s’en était jamais caché; il n’était pas sur que l’information avait été complète dans l’esprit de son jeune frère, mais il ne mentirait pas sur la question. Il avait fauté, sur bien des points et des plans Malone, mais il s’était promis de ne plus cacher la vérité quant au comportement qu’il avait pu adopter pendant trop longtemps malheureusement. Le mensonge faisait partie de l’ancienne version de qui il était, pas de l’actuelle. « Et s’il apprend des détails que j’ai oublié de partager, et bien écoute, tant pis pour moi. » Haussant les épaules, il remonta son regard vers Vittorio. « Même si je sais que t’as du mal à le croire, j’assume d’avoir été dépendant comme d’autres le sont maintenant de l’asso et de ses services. Ca m’a permis de me remettre sur pieds, ou au moins de pas continuer à sombrer plus bas. » Au moins, avantage: il avait pleinement conscience de ce que ce type d’établissement pouvait représenter pour les autres.

Vittorio Giovinazzo & @Malone Constantine

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La demi-proposition avait été un coup d’épée dans l’eau, et Vittorio en était à peu près aussi surpris qu’il était déçu : moyennement. L’espace d’un instant il avait cru déceler chez son interlocuteur la volonté de tenir tête et de ne pas s’écraser pour céder à la facilité, mais au moment de saisir la perche qui lui était tendue il avait préféré passer son tour. Passant donc là-dessus sans commentaire supplémentaire, l’italien avait préféré s’en tenir au sujet qui avait mené Malone jusqu’à lui – ou disons jusqu’à l’association – et qui leur vaudrait peut-être bientôt à tous une paire de bras supplémentaire, ce qui par les temps qui couraient et les fêtes de fin d’année qui approchaient ne serait jamais de trop. Le jeune âge du frère avait toutefois suffisamment interpelé l’italien pour qu’il en fasse mention, plus habitué à voir passer des retraités que des étudiants parmi les bénévoles, mais secouant aussitôt la tête Malone avait répondu « Il est trop sérieux pour ça. Il bosse en politique, il a autres choses à faire que de subir des gueules de bois à longueur de temps. » et l’attention de l’italien, bien sûr, n’en avait été que plus titillée. Car s’il y avait bien une qualité que Vitto plaçait au-dessus de toutes les autres, c’était l’ambition, et se lamentant au passage et un peu par habitude de ne pas pouvoir en dire autant de son propre frangin, ponctuant d’un rire amer le « Tout peut arriver. » avancé par Malone, tant le manque d’ambition était le principal défaut de Nino juste derrière son côté influençable, le boxeur avait eu l’air suffisamment convaincu pour laisser sa chance à « Ambrose. » … Le tout sans trouver au nom quelque chose d’à peu près aussi pompeux que le nom de famille que Malone et lui partageaient déjà. « Je tâcherai de m’en rappeler. » s’était-il néanmoins contenté de répondre, conscient que même son sarcasme n’avait de sens que lorsqu’il n’en abusait pas, et se foutant par ailleurs pas mal de savoir si les parents de “Malone et Ambrose” étaient vieux jeu ou s'ils étaient simplement des originaux.

Cette affaire-là semblait réglée, et Vitto laissait la seconde à Betty avec grand-plaisir, peu intéressé qu’il était par le côté festif et mercantile des fêtes de Noël. Sa mère avait bien tenté de faire un effort les premières années, mais incapable qu’elle était de rester sobre même le temps d’une soirée elle avait fini par convaincre ses fils que le mieux était encore de ne pas considérer ce jour comme spécial pour autre chose que le passage à l’église auquel se pliait encore Vitto, par principe. « Je verrai ça avec elle alors. » avait indiqué Malone pour en revenir à Betty, avant de botter en touche la proposition concernant le réveillon d’un « Je garde l’info dans un coin de ma tête, mais pour le moment je crois que je suis bloqué en famille ce soir-là. » absent. Rien qui ne surprenne vraiment l’italien, qui avait proposé par principe mais avec la certitude raisonnable que les bénévoles présents ce soir-là se compteraient, comme les années précédentes, sur les doigts d’une seule main. « Pas de chance. » Un peu pour eux, mais surtout pour lui, estimait Vitto : il préférait mille fois sa place à celle de quelqu’un qui considérait les réunions de famille comme une contrainte mais se forçait tout de même à y participer. Mais que sa propre famille se résume désormais à un frère qui n’était pas plus assidu sur le sujet rendait la chose facile à dire pour lui. Gérer la présence des uns et des autres et en retirer un planning global n'était par ailleurs pas son rôle, il avait bien assez de devoir le faire au dojo et laissait volontiers la tâche à Betty entre ces murs, se contentant de rassurer sur le fait que tout le monde se débrouillerait ; C'était le propre des associations, elles faisaient ce qu'elles pouvaient avec le nombre de bras à leur disposition. « Je vais faire de mon mieux pour être présent autant que d’habitude, mais ouais, des horaires en plus ça risque d’être compliqué. Je la tiendrai au courant. » Et Betty s'en contenterait avec le sourire parce qu'elle avait Malone à la bonne. Un goût pour les causes désespérées, peut-être.

Et si aux yeux de l'italien Malone en était probablement une, pas parce qu'il le lui souhaitait mais parce que l'expérience lui avait appris à être plus fataliste qu'optimiste à ce sujet, cela ne l'avait pas empêché de s'assurer du bout des lèvres que le bonhomme savait à quels commérages il s'exposait en acceptant que son frère vienne traîner ses guêtres dans le coin. Il y avait des choses chez Vittorio dont Betty était au courant et qu'ignoraient totalement Nino où Gaïa ; Parce que le lieu était propice aux confidences, et parce que la retraitée en avait suffisamment vu et entendu ici pour ne plus se choquer de rien. Envisageait-il pour autant de prendre le risque que sa route croise celle des deux personnes pour qui il préférait garder certains sujets secrets ? Bien sûr que non. « Nah, t’en fais pas, personne à briefer de ce côté-là. Il sait que c’est pas par hasard que j’ai connu l’asso. » avait pour sa part indiqué Malone, visiblement en paix avec la possibilité. « Et s’il apprend des détails que j’ai oublié de partager, et bien écoute, tant pis pour moi. » Au fond de lui, Vitto se sentait désormais intrigué. D'abord relativement indifférent à la possibilité qu'un second Constantine ne vienne mettre son nez dans l'association, chaque détail ajouté au portrait qu'en faisait son frère titillait désormais sa curiosité. Et tandis qu'il se laissait silencieusement allé à cette réflexion, son interlocuteur avait (peut-être) interprété autrement son absence de commentaire, et avait ajouté encore « Même si je sais que t’as du mal à le croire, j’assume d’avoir été dépendant comme d’autres le sont maintenant de l’asso et de ses services. Ça m'a permis de me remettre sur pieds, ou au moins de pas continuer à sombrer plus bas. » d'un ton visiblement sûr de lui et de ce qu'il avançait. « C'est pas le souci. » avait alors répondu l'italien, après avoir laissé glisser une seconde ou deux de silence, et en imposant quelques unes de plus le temps de prendre une gorgée appliquée de café. « Personne est là de façon totalement désintéressée, soit c’est une dette à payer avec sa conscience, soit c’est une tentative désespérée pour améliorer son karma. On en est tous là. » Vitto ne croyait pas à la possibilité que certaines personnes soient altruistes par nature ; Il y avait toujours quelque chose de plus lorsque l’on grattait un peu la surface. « Mais les gens viennent aussi ici pour chercher un peu de la stabilité qu’ils n’ont pas ailleurs. La confiance ça se tisse sur le long terme, et je doute pas que t’es de bonne volonté mais … » Un soupir lui échappant, il avait secoué la tête « L’expérience a prouvé que la bonne volonté c’était pas suffisant. » Son expérience personnelle, du moins, avec tout ce qu’elle comportait de subjectivité et de manque de recul évident. Croisant les bras, l’italien avait affiché une grimace hésitante « Après, c’est le genre de trucs sur lequel je ne demande qu’à me tromper. » Autrement dit il n’était pas du genre à vouloir pousser Malone sous le bus – il avait seulement peu d’espoir dans le fait qu’il ne finirait pas par s’y jeter tout seul, comme d’autres avant lui.

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Bien sur qu’il était bien plus facile d’attirer l’attention de Vittorio en parlant d’Ambrose qu’en parlant de lui même; son cadet était plus intéressant et surtout plus adapté à n’importe quelle situation que Malone ne pourrait jamais l’être lui. Et puis surtout, l’italien face à lui n’avait jamais caché que la misérable vie de l’ainé Constantine lui faisait lever les yeux au ciel plutôt qu’autre chose, ce n’était donc pas bien difficile de faire mieux. « Je tâcherai de m’en rappeler. » Il esquissa un petit sourire sans réelle volonté. Ambrose était assez grand pour lui remonter les bretelles s’il ne se rappelait pas de ce détail, de toutes façons - il avait meilleur et plus fort caractère que lui, encore une fois. De toutes façons, Vittorio n’aurait pas besoin de se rappeler de grand chose d’autre pour le moment, puisque tous les autres détails dont Malone voulait discuter à la base en venant ici ne seraient pas vus avec lui, mais Betty quand il croiserait de nouveau le chemin de cette dernière. Il était évident que l’italien ne participerait pas à mettre en place la décoration sur le camion de service, même si apparemment il serait disponible le soir du réveillon pour distribuer les repas. Pour le moment, l’information comme quoi il manquerait de mains et de bras pour cette dite-soirée n’était pas importante pour Constantine, qui serait surement en famille ce soir là - mais si la soirée s’éternisait ou tournait mal, il aurait au moins une issue de secours avec une vraie excuse pour s’en sortir sans se forcer à rester. Ce n’était pas la meilleure façon de penser, il en convenait, mais il n’avait jamais été un adepte de ces réunions de famille - pas depuis bien des années, en tous cas.

De fil en aiguille, la conversation finit par dériver vers un sujet que Malone ne pensait pas aborder aujourd’hui, ne pensait pas aborder tout cours d’ailleurs avec Vittorio un jour. Mais en réalité, la question qu’il soulevait n’était pas idiote et c’était une réflexion qu’il n’avait pas pris le temps d’avoir jusque maintenant. En effet, il était possible que certains détails n’aient pas été révélés à Ambrose jusque maintenant, tout simplement parce-que les vies privées des deux frères n’étaient pas tant amenées que ça à se croiser malgré un patronyme partagé. Cependant, la descente aux enfers de Malone n’était pas un terrain totalement inconnu pour son cadet - pour ses cadets en réalité, parce-qu’ils étaient malheureusement au pluriel à être bien au fait - et si ce dernier apprenait quelques détails en trop pendant ses allers et venues ici, c’était tant pis. Il savait pertinent qu’il n’avait pas été l’exemple à suivre sur une partie de sa vie, et il n’avait pas honte d’avoir eu recours à d’autres solutions pour s’en sortir. Disons qu’il n’en parlait pas, mais qu’il savait que c’était ce genre de détails qui lui avait permis de maintenir la tête hors de l’eau - c’était un peu excentré de la honte, mais ça s’y raccrochait que sur une partie. « C'est pas le souci. » Il fronça légèrement les sourcils. « Ah oui ? » N’était-ce pas vers ce type de réflexion là qu’il tentait de l’amener ?

« Personne est là de façon totalement désintéressée, soit c’est une dette à payer avec sa conscience, soit c’est une tentative désespérée pour améliorer son karma. On en est tous là. » Les premiers mots de l’italien firent plisser un brin les yeux à Constantine, et bien sur le firent réfléchir. Effectivement oui, personne n’était altruiste au point de ne pas avoir quelque-chose à compenser en à-côté. Ca n’existait pas, les personnes totalement désintéressées. Mais ce n’était pas si grave, après tout, non ? Du moment que cela pouvait tourner et que cela fonctionnait; du moment que ceux qui avait des choses à se reprocher, des envies de se racheter, participaient à l’effort commun et dans le but d’aider les autres ? Malone était tout à fait au clair qu’il appartenait à la première catégorie de personnes: il avait une dette à payer. Il avait été au plus bas pendant un long moment, et une main s’était retrouvée tendue  vers lui ici. Il rendait ce qui lui avait été prêté, et ça lui allait très bien comme ça - comme cela semblait convenir à bien des personnes aussi. Alors, pourquoi cela posait problème à Vittorio maintenant ?  Il allait ajouter un commentaire, mais se retint en décidant d’attendre la fin de la réflexion de l’homme face à lui. « Mais les gens viennent aussi ici pour chercher un peu de la stabilité qu’ils n’ont pas ailleurs. La confiance ça se tisse sur le long terme, et je doute pas que t’es de bonne volonté mais … » - « Mais ? » Il n’avait su se retenir plus, laissant la pointe d’amertume se faire entendre dans ce simple mot prononcé. « L’expérience a prouvé que la bonne volonté c’était pas suffisant. » Le sourire qui s’étirait sur les lèvres de Constantine était amer. Il avait donc toujours quelque-chose à pointer du doigt sur sa façon d’être et sur ce qu’il avait pu faire par le passé, alors. « Après, c’est le genre de trucs sur lequel je ne demande qu’à me tromper. » Ce fut au tour du blond d’attraper son gobelet de café pour en prendre une gorgée - même en refroidissant, il était toujours aussi fort et amer, comme le caractère de Vittorio face à lui en réalité. « J’ai une dette à payer. Avec ma conscience, oui, mais aussi envers les personnes qui m’ont aidé par le passé. » Sa langue jouait avec ses canines alors qu’il cherchait ses mots pour tenter de ne pas être le plus désagréable qu’il savait être. « Je suis tout à fait au courant que je suis un addict, tu sais. C’est pas une surprise. » Il avait mis longtemps à réussir à poser les mots sur la situation, mais cela faisait plusieurs années qu’il savait être tout à fait honnête avec les autres mais surtout avec lui-même. « C’est pas pour autant qu’entre ces murs, ou quand je suis dehors avec l’asso, je suis pas un élément de stabilité pour les autres. » Il secoua quelque peu la tête, détournant son regard un instant, l’accrochant aux éléments qui pouvaient se trouver à portée de main. « Et justement, ça donne confiance à ceux qui sont en galère. Parce-qu’ils voient qu’on peut s’en sortir et espérer trouver mieux. Et qu’avec de la volonté - » Le regard clair de Constantine plongea de nouveau dans celui de l’italien. « - parce-que c’est l’élément principal de tout ça, on peut être plus qu’un addict. Alors oui, tu as tort. Le fait qu’on ait cette discussion aujourd’hui le prouve déjà. » Parce-que plusieurs années auparavant, lorsque leurs chemins s’étaient croisés, il n’aurait pas été apte à tenir de tels propos et à tenir cette conversation de façon bien plus large; il serait déjà parti, attrapant une ration de bouffe et la main tremblante déjà dans ses poches à la recherche de la prochaine dose.

Vittorio Giovinazzo & @Malone Constantine

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La bonne volonté de Malone n’était pas le problème, pas plus que sa bonne foi n’était remise en question, et arguant sans avoir besoin de mentir que le problème ne se situait pas là à ses yeux, l’italien venait de provoquer chez son interlocuteur un brin de curiosité l’obligeant à développer un peu mieux son propos. Vittorio ne croyait pas à l’altruisme désintéressé, aux bonnes actions faites sans autre motivation que celle de rendre le sourire ou l’espoir à autrui … L’humain était égoïste, et même ce qu’il faisait pour les autres l’était toujours en le faisant aussi pour soi-même. Pour compenser de mauvaises actions, pour racheter une faute ou payer une dette, ou même simplement pour soigner son ego – il ne jetait pas la pierre, lui-même était là pour tenter de rééquilibrer sa balance. Mais la volonté, aussi bonne était-elle, ne faisait pas tout et c’était bien là que le bas blessait. « J’ai une dette à payer. Avec ma conscience, oui, mais aussi envers les personnes qui m’ont aidé par le passé. » s’était en tout cas contenté de confirmer Malone sans sourciller, avant de marquer une pause pour mieux appréhender la direction qu’il souhaitait donner à la suite de sa phrase. « Je suis tout à fait au courant que je suis un addict, tu sais. C’est pas une surprise. » Mais ce n’était pas non plus un détail insignifiant – plutôt une grosse tâche d’huile, que Vittorio ne savait pas s’empêcher de regarder avec dégoût, et un brin de jugement (ou était-ce l’inverse ?). « C’est pas pour autant qu’entre ces murs, ou quand je suis dehors avec l’asso, je suis pas un élément de stabilité pour les autres. » Le gobelet de café l’empêchant de croiser les bras, l’italien avait adopté la posture de celui qui ne renchérissait pas uniquement pour laisser son interlocuteur finir, mais qui en aurait eu (jugeait-il) toutes les raisons. « Et justement, ça donne confiance à ceux qui sont en galère. Parce qu’ils voient qu’on peut s’en sortir et espérer trouver mieux. Et qu’avec de la volonté – parce-que c’est l’élément principal de tout ça, on peut être plus qu’un addict. Alors oui, tu as tort. Le fait qu’on ait cette discussion aujourd’hui le prouve déjà. » Il avait l’air sûr de lui, on ne pouvait pas lui retirer cela, mais comme Vittorio l’était aussi, et d’un ton plus las que véritablement accusateur il avait répondu « Et il se passe quoi, pour ceux qui ont fait confiance, le jour où le modèle de résilience se prend les pieds dans le tapis ? » en soutenant un instant le regard que l’ancien militaire était venu planter sur lui.

Terminant d’une traite ce qu’il restait de son café, l’italien avait visé la corbeille à papier et eu un rictus de satisfaction lorsque son gobelet vide y était entré sans même toucher le cercle. Les bras désormais croisés comme ils auraient dû l’être dès le départ, il avait reporté toute son attention sur Malone et repris d’une voix calme « J’dis pas ça juste pour jouer les oiseaux de mauvais augure, si tu te posais la question. » Il lui souhaitait de lui prouver tort, il l’avait déjà dit – et il le pensait sincèrement. Mais pour l’heure Vitto en était toujours à douter, buté qu’il était à s’en tenir à ce qu’il connaissait déjà. « Mais toi et moi on n’a pas vécu du même côté de la barrière. Les promesses sur fond de bonne volonté j’y crois plus parce que je les ai trop entendues. » L’australien n’était qu’une victime collatérale de son cynisme, voilà la vérité, et si Vitto n’avait pas l’intention de s’en excuser au moins pensait-il pouvoir le dire pour que le concerné n’y voit pas quoi que ce soit de personnel. Ils ne se connaissaient pas assez pour cela. « Et je sais aussi ce qu’il en coûte de les prendre au pied de la lettre. Surtout quand tout le reste va déjà de travers. » Il s’y prenait mal, l’italien, comme souvent lorsqu’il était question de manier les mots, et pas seulement parce que l’anglais lui venait encore avec ses lacunes et son accent déplorable. « Ce que j’essaye de dire, c’est que si t’as l’intention d’utiliser ton … passif pour créer du lien ici, parce que t’as l’impression que ça te permet de donner de l’espoir à ceux qui sont à la place que t’occupais avant, faut que tu sois sûr d’avoir les épaules pour supporter la responsabilité que ça te donne. » Marquant une pause, une seconde à peine, il avait précisé enfin « Parce que si un de ces jours, tu décides d’avoir un moment de faiblesse … c’est aussi ça, l’exemple que tu leur donneras. Le fait que ça sert à rien qu’ils se démènent parce que celui qu’ils prennaient en exemple leur a prouvé que c’était peine perdue. » Ma nessuna pressione, comme on disait chez lui.

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C’était là une des choses les plus compliquées, depuis qu’il était sorti de centre de désintoxication et qu’il avait repris son bout de chemin dans la société, à ses yeux: faire comprendre aux autres qu’il était tout à fait au courant de quel type de personne il était devenu. Malone l’avait compris dès le premier jour de sa cure, et c’était de cette façon là qu’il s’identifierait surement jusqu’à temps qu’il ait du souffle dans ses poumons. Il ne niait pas être un toxicomane, il savait parfaitement qu’il avait des défauts gros comme le monde et que ces derniers avaient eu des répercutions sur son entourage. Croyez le, il s’en était aperçu - le simple fait qu’il ne puisse pas partager le quotidien de son fils était là un rappel assez douloureux des idioties et des mauvais choix qu’il avait pu faire. Cependant, il existait certaines situations où il pouvait faire de ces erreurs de parcours une force, et où il pouvait prouver à d’autres que ce n’était pas parce-qu’ils trébuchaient un jour qu’ils tomberaient le restant de leur vie. Non, il était possible de se sortir de la galère, et il n’y avait aucune honte à demander un coup de main pour réussir à faire en sorte que ce soit le cas. « Et il se passe quoi, pour ceux qui ont fait confiance, le jour où le modèle de résilience se prend les pieds dans le tapis ? » Mais bien sur qu’il existait autour de tout ça des personnes qui doutaient, qui pointaient du doigt, qui appuyaient sur la partie de l’hématome qui faisait encore mal. Déglutissant doucement, fronçant le bout du nez un instant mais se reprenant celle d’après, Malone croisa les bras sur son torse. « Ca donne une bonne raison supplémentaire de pas le faire. » Et c’était vrai, il n’y avait aucun mensonge à travers ces quelques mots; ce n’était juste pas aussi simple que cela, et si Constantine était bien sur au courant sans que cela soit une surprise, apparemment c’était le cas de Vittorio aussi.

« J’dis pas ça juste pour jouer les oiseaux de mauvais augure, si tu te posais la question. » Vraiment ? « Mais toi et moi on n’a pas vécu du même côté de la barrière. Les promesses sur fond de bonne volonté j’y crois plus parce que je les ai trop entendues. » Haussant légèrement un sourcil, Malone ne se laissa pour autant pas démonter par le cynisme et le pessimisme de celui qui lui faisait face, gardant son regard rivé sur ce dernier. « Y’en a qui les tiennent. » Il tenait les siennes depuis presque cinq ans désormais, Malone; ce n’était en rien facile tous les jours, et les traces du passé restaient encore trop ancrées dans certaines mémoires mais il tenait les promesses qu’il avait mis des années à formuler pourtant. » Et je sais aussi ce qu’il en coûte de les prendre au pied de la lettre. Surtout quand tout le reste va déjà de travers. » Un petit rire amer soufflé par les narines échappa au blond, alors qu’il secouait quelque peu sans même s’en apercevoir la tête de gauche à droite. Il avait vu les dégâts que cela pouvait faire de croire aux paroles d’un addict, il comprenait parfaitement ce que lui disait l’italien en réalité. « Crois moi, je sais de quoi tu parles. On est pas du même côté de la barrière, c’est vrai, mais j’ai vu les dégâts que ça fait. Crois moi, je sais. » Il se souvenait encore du regard d’effroi accroché au visage de sa petite soeur lorsqu’elle l’avait retrouvé déjà à moitié mort sur le sol de son appartement. Il se souvenait de toutes les fois où, à travers son regard, il s’était aperçut que c’étaient encore les souvenirs qui primaient plutôt que la nouvelle version de sa propre personne qu’il pouvait présenter. Sans s’en apercevoir, Malone s’était mis à jouer du bout des doigts en grattant document le plastique de l’accoudoir de la chaise sur laquelle il s’était assis en arrivant dans la pièce. Il parlerait à haute voix dès qu’on aborderait le sujet de son addiction, il s’était promis de ne pas se cacher; ce n’était simplement pas toujours aussi simple de le faire.

« Ce que j’essaye de dire, c’est que si t’as l’intention d’utiliser ton … passif pour créer du lien ici, parce que t’as l’impression que ça te permet de donner de l’espoir à ceux qui sont à la place que t’occupais avant, faut que tu sois sûr d’avoir les épaules pour supporter la responsabilité que ça te donne. » Il retint un soupire. « Parce que si un de ces jours, tu décides d’avoir un moment de faiblesse … c’est aussi ça, l’exemple que tu leur donneras. Le fait que ça sert à rien qu’ils se démènent parce que celui qu’ils prenaient en exemple leur a prouvé que c’était peine perdue. » Etirant un sourire sans aucune vitalité dans ce dernier, Malone accrocha son regard dans celui de l’italien un instant. « Si j’ai besoin d’un discours d’encouragement un jour, je t’appellerais hein. » S’il était arrivé ici avec plein de bonnes volontés et une dose de bonne humeur qui était plutôt presque étonnant chez lui, cette discussion avec Vittorio lui avait retiré le peu de joie de vivre dont il faisait preuve en passant le seuil de porte. « Si je tombe une nouvelle fois, ça montrera simplement que tout le monde est humain. » Il avait haussé les épaules, cherchant une manière polie et surtout calme de répondre à la discussion; il avait beau être posé une bonne partie du temps, Malone n’était pas non plus le plus calme des hommes - et la façon dont le sujet était abordé aujourd’hui ne l’aidait pas à rester de marbre face à l’italien. Il ne perdrait pas le contrôle, parce-qu’il était plus avisé que ça. Mais les difficultés étaient présentes, pour sur. Surtout qu’à lui, initialement, il ne devait rien. « Je sais que pour certains, ça représente l’espoir ultime de réussir à faire autre chose que de se droguer à longueur de journées. J’ai été à leur place. Je sais aussi que s’ils me voient tomber, ça saperait une partie de leur motivation, je suis pas idiot au point de l’ignorer. » Jetant à son tour son gobelet dans la poubelle, il ne réussit pas à atteindre cette dernière du premier coup - il dut se lever de sa chaise pour aller ramasser ce dernier, avant de le mettre devant sur le deuxième coup. « Mais c’est pas parce-que tu tombes une fois que t’arriveras jamais à te relever. » Qu’il ait manqué son lancer de gobelet l’instant d’avant appuyait finalement parfaitement ses paroles. « Et au pire, ils auront eu un exemple pour réussir à tenir quelques années: c’est plus que l’espérance de vie qu’on donne à trois quarts des droguées et des sans-abris, tu sais. » Il avait connu l’un, s’était retrouvé au bord d’être le second. Il parlait en connaissance de cause. « Vaut mieux pour toi que je leur donne aucun exemple à suivre, et qu’une partie des personnes qu’on voit tous les jours disparaisse parce-qu’ils auront perdu tout espoir ? »

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So shame on me now. ☆☆

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Cela ressemblait à une pièce de théâtre expérimental, où Malone et Vittorio auraient respectivement tenu les rôles du verre à moitié plein, et du verre à moitié vide. Aucun des deux n'avait entièrement tort, pas plus qu'ils n'avaient raison, et la réponse la plus sage à donner à leur problème résidait probablement dans une nuance dont ni l'un ni l'autre ne paraissaient capables. L'optimisme de l'australien faisait à Vitto l'effet de n'être que de la poudre aux yeux, et que ses bras se soient croisés en opposant « Ça donne une bonne raison supplémentaire de pas le faire. » comme pour de donner l'air sûr de lui n'y changeait pas grand-chose. « C'est ça qu'on vous raconte en désintox, pour vous déculpabiliser ? » Et pourquoi faire, d'ailleurs ? L'addiction sous toutes ses formes était déjà profondément égoïste, mais il fallait encore faire croire que dans la (supposée) rédemption aussi leurs actions ne concernaient personne d'autre qu'eux-mêmes ? À d'autres, on ne pouvait pas être à la fois le bourreau et la victime, et le dernier rôle revenait de droit à l'entourage qui subissait les mensonges et les fausses promesses. « Y’en a qui les tiennent. » Soit. Il existait toujours une exception pour confirmer la règle, mais sans une once d'objectivité l'italien préférait se baser sur son expérience personnelle comme s'il s'agissait là de la représentation fidèle des quatre-vingt-dix-neuf autres pour cent. « Crois-moi, je sais de quoi tu parles. On est pas du même côté de la barrière, c’est vrai, mais j’ai vu les dégâts que ça fait. Crois-moi, je sais. » Croisant les bras à son tour, Vitto avait eu le même rictus amer que celui arboré par Malone quelques instants plus tôt « T’as vu, j’ai subi. Alors que j’étais qu’un gosse et que j’avais rien demandé, compare pas ce qui est pas comparable. » La mine renfrognée, il estimait déjà en avoir trop dit – ou pas suffisamment, allez savoir. Assez en tout cas pour décider de changer son fusil d’épaule et tenter de recentrer son propos sur (miracle) autre chose que lui-même.

Malone n’était pas une petite chose fragile. C’était un grand gaillard, un ancien militaire, une figure facile à idéaliser pour ceux qui avaient à la fois besoin de savoir que même les plus forts pouvaient un jour mettre genou à terre, et besoin d’une carrure plus importante que la leur pour ouvrir la voie vers le mieux auquel ils aspiraient. Et plus Malone se faisait le modèle d’autres qui se retrouvaient en lui, plus il se cultivait des déceptions sur le dos de celui qui, un jour, flancherait peut-être. « Si j’ai besoin d’un discours d’encouragement un jour, je t’appellerai hein. » L’australien semblait presque impossible à froisser ; C’en était presque agaçant pour l’italien, bien plus habitué à trouver sur quels boutons appuyer pour faire perdre patience à ses interlocuteurs. « Si je tombe une nouvelle fois, ça montrera simplement que tout le monde est humain. Je sais que pour certains, ça représente l’espoir ultime de réussir à faire autre chose que de se droguer à longueur de journées. J’ai été à leur place. Je sais aussi que s’ils me voient tomber, ça saperait une partie de leur motivation, je suis pas idiot au point de l’ignorer. » Manquant de peu le panier en jetant son gobelet vers la corbeille, l’ancien militaire s’était interrompu pour aller le ramasser et avait attendu de reposer les yeux sur Vitto pour reprendre « Mais c’est pas parce-que tu tombes une fois que t’arriveras jamais à te relever. Et au pire, ils auront eu un exemple pour réussir à tenir quelques années : c’est plus que l’espérance de vie qu’on donne à trois quarts des droguées et des sans-abris, tu sais. » Oh, il savait, oui. Mieux que Malone ne se l’imaginait, au moins pour la partie sans-abri … Mais il avait cette fois-ci préféré tenir sa langue, se contentant de scruter l’homme en silence, et poussant ce dernier à questionner enfin « Vaut mieux pour toi que je leur donne aucun exemple à suivre, et qu’une partie des personnes qu’on voit tous les jours disparaisse parce qu’ils auront perdu tout espoir ? » d’un ton qui semblait pourtant ne pas vraiment attendre de réponse. « Vaut mieux pour toi que t’aies les appuis solides si t’as envie de servir d’exemple, c’est tout ce que je dis. Et je parle pas de ton jeu de jambes. »  Rassemblant sa paperasse en un paquet de feuilles qu’il avait tassé afin que plus aucune ne dépasse du groupe, le boxeur avait marqué une pause et eu l’air de vouloir ajouter quelque chose … avant de se raviser. « Betty ne va pas tarder à rentrer avec les invendus du jour, si t’as envie de l’attendre pour aider ou pour discuter décoration avec elle. Sinon on descend maintenant pour que je te file le formulaire pour ton frère … Moi je peux pas rester, je suis déjà en retard. » En retard pour rien d’autre que rentrer chez lui, cela étant dit, mais continuer de maintenir Gaïa dans l’ignorance du temps qu’il passait ici sous-entendait de se tenir aux horaires qu’il prétendait dédier entièrement au Dojo.