Depuis ma sortie à l'hôpital, c'était un bordel monstrueux, je suis recherché par plusieurs personnes, dont des personnes malhonnêtes et malsaines. Je devais encore fuir tout le monde, la vie finalement. J'ai pas mal de choses à avouer à Phoebe me concernant, elle sait déjà quelques petites choses d'ailleurs, mais ce n'est pas évident de se confier. Je ne le fais jamais, mais j'avance, doucement. Et toujours à mon rythme me voilà soudainement en face d'un lieu que j'ai repéré depuis pas mal de temps maintenant, mais il me fallait du temps pour observer toute la bâtisse et surveiller le nombre de personnes errant auprès de ce bâtiment. Un théâtre, je suis content de cette trouvaille.
Il est tard et je ne peux encore passer la nuit dehors, il fait beaucoup trop froid et la pluie s'empresse de venir. Et surtout, j'ai trop mal aux côtes et au genou pour rester au sol. Je regrette tellement ce qui m'est arrivé l'autre soir, sauf cette merveilleuse rencontre. Quoiqu'il en soit, il était hors de question de dormir à l'extérieur pour cette nuit, demain est un autre jour.
Toujours ma fidèle capuche sous mes cheveux, mon sac à dos vide aux épaules. J'avance doucement vers l'arrière du Théâtre, la porte est plutôt fragile. J'ai toutes les chances de mon côté, pour une fois. Je saute sur l'occasion, je me dirige tant bien que mal vers les portes. Mes côtes et ma jambe me freinent, je risque d'être repéré à tout moment maintenant. Ce n'est qu'une question de temps.
Voilà que je passe à l'action, tout ne se passe pas comme je l'avais imaginé. Il fait noir et je ne vois pas trop ce que je fais sur le moment. Il fait noir et je ne vois pas trop ce que je fais sur le moment. Pourquoi je n'y arrive pas ? Je commence sérieusement à angoisser, putain ; ils l'ont certainement renforcé ?
- Putain ! c'est pas vrai. Je commence à perdre patience. Je fais un sacré boucan en secouant la porte n'importe comment, c'est mort. Quelqu'un va me choper, tu vas me choper. Flagrant délit.
Bellamy avait passé la soirée au théâtre ; une fois les spectateurs installés, ses collègues et lui s’étaient silencieusement accaparés les sièges restés libres pour assister au spectacle depuis les balcons. Le danseur l’avait déjà vu plusieurs fois depuis l’arrière de la salle, mais ce soir, les places assises ne faisaient pas défaut et la soirée était bien plus appréciable sur les fauteuils rouges et quand ses collègues et lui ne passaient pas l'entièreté du spectacle à plaisanter.
Finalement, après avoir évacué la salle et salué les derniers spectateurs, les portes du théâtre furent fermées et Bellamy suivit ses collègues à la recherche de leurs affaires respectives. Une fois son sac récupéré, il repartit en sens inverse, jacassant avec enthousiasme de la performance des comédiens sur scène avec les autres placeurs. Ils avaient atteint la sortie des artistes lorsque Bellamy tâta ses poches à la recherche de son téléphone : il trouva ses clés de maison et un mouchoir.
“Fuck,” commenta-t-il avant de prévenir les autres. C’était bien connu qu’il oublierait sa tête si elle n’était pas attachée à ses épaules (paroles de sa grand-mère), aussi avait-il suffisamment l’habitude pour ne même pas souffler face au détour qu'il allait devoir faire. Il traversa les loges plongées dans le noir, sursauta en croisant un technicien sur le départ et ricana tout le reste du chemin qui le mena à repasser par tous les endroits où il s’était trouvé dans la soirée, puisqu’il n’avait aucune idée d’où il avait laissé son téléphone.
Il le trouva sous son siège - rebroussa chemin pour enfin quitter les lieux. C’est là qu’il entendit un grand bruit ; il se figea, alluma son flash pour en chercher la provenance - une porte dérobée dans les loges, une porte qui tremblait sur ses gonds.
Bellamy la regarda avec une certaine appréhension, imaginant déjà un voleur ou pire, une horde de zombies venus envahir le théâtre. Puis il entendit la voix qui jurait de l’autre côté et fut grandement rassuré de savoir que l’épidémie de morts-vivants n’avait pas encore commencé - wait ! Quelqu’un essayait de forcer la porte du théâtre à minuit passée.
“Arrêtez parce que j’vais appeler la police - hasarda-t-il, montant la voix pour se faire entendre de l’autre côté de la porte. On va fermer vous pouvez pas rentrer, et puis jserais vous j’essayerais pas parce que j’ai fait du karaté (un an, quand il avait sept ans) - mais jvais appeler la police, on fait plus rentrer personne !” c’était plus sûr pour tout le monde, ou du moins, c’était le bluff qui aurait sans doute le plus d’effet. Bellamy n’avait même pas déverrouillé son téléphone, se contentant de braquer le flash sur la porte au cas où quelqu’un la fasse soudainement exploser.
- J'ai froid, je veux rentrer dans ce théâtre et je suis terriblement borné. Quand j'ai une idée derrière la tête, il en était hors de question d'agir autrement. Je prends toujours beaucoup de risque, c'est ma vie et c'est ainsi que je la vis. Alors que je tente tant bien que mal d'ouvrir ces fichus portent, elles se balancent dans tous les sens et je fais entendre un brouhaha pas possible pourtant, personne ne semble s'en soucier. Tant mieux pour moi, je gronde encore et encore lorsque je t'entends me dire que tu allais prévenir les flics ; t'es juste derrière la porte. T'es vraiment un petit con toi, tu vas vraiment agir ainsi ? Je dois trouver une excuse et vite.
- T'es sérieux toi ? Je ne reconnais pas ta voix pour le moment. J'ose te hurler dessus, je suis énervé, épuisé et je n'arrive plus à tenir debout. Je ne suis pas méchant, je cherche juste un endroit ou dormir; au moins cette nuit.
- Ouvres ! Je vais pas te bouffer ! dis-je derrière la porte. Sérieusement, je suis pas un mauvais gars mais là; tu me fou en rogne. Tu viens de détruire mon plan. Tu fais du karaté, merde. Comment vais-je pouvoir me défendre ?
- Et moi de la natation ! C'est tellement pathétique. Je frappe une fois sur la porte. La pluie présente.
- Aller quoi, juste deux secondes; je suis blessé! Comme si c'était important pour toi, tu as le droit de t'en fiche. Je ne veux pas faire demi-tour. Alors, je ne sais pas si tu as toute la soirée mais moi, cher inconnu; j'ai tout mon temps. Alors karaté-man, t'es toujours derrière la porte ?
Bellamy n’était pas le roi des meilleures décisions mais il avait juste assez de bon sens pour ne pas ouvrir la porte d’un théâtre à quelqu’un qui essayait d’y entrer de force. Il était évident que l’idée était mauvaise : il n’y avait probablement pas grand chose à voler mais un intrus pouvait causer des dégâts inestimables dans la machinerie, les loges ou les costumes et Bellamy ne voulait pas qu’on dégrade des lieux aussi privilégiés que ceux qui accueillaient des spectacles.
“T’es sérieux toi ?”
Extrêmement sérieux, plus qu’il ne l’avait jamais été. Ce soir, il faisait les choses bien et ce n’était pas en lui criant dessus qu’il allait changer d’avis, au contraire, cela le conforta dans l’idée qu’il faisait bien.
“Ben ouais t’as cru qu’on rentrait comme ça dans un théâtre ??” que nenni, et puis, ce n’était même pas l’entrée principale, et les horaires d’ouverture étaient largement dépassés. Qui que soit le wannabe intru, ses intentions ne pouvaient pas être louables. Bellamy, en Gandalf des temps modernes, décréta you shall not pass.
“Ouvres ! Je vais pas te bouffer !” Bellamy en doutait sérieusement : à entendre l’individu de l'autre côté, il comptait plutôt arracher la porte de ses gonds puis arracher les yeux du danseur une fois celle-ci hors de son chemin. Bellamy ne répondit rien, s’adossant plutôt au mur près de la porte pour composer le numéro des secours ; il n’appelait pas encore, attendant de voir si l’autre finirait par partir tout seul.
“Et moi de la natation !”
Pas la meilleure blague de la soirée ; Bellamy se tendit quand la porte trembla encore, il ouvrit la bouche pour protester -
“Aller quoi, juste deux secondes; je suis blessé!”
“Mais c’est pas un hôpital ici qu’est-ce que tu veux y faire !? Bellamy n’y croyait pas une seconde, l’autre devait forcément se payer sa tête pour arriver à ses fins, et peut-être même qu’il l’assommerait à la seconde où il aurait ouvert la porte, ce qui ne serait pas un problème puisque Bellamy n’ouvrirait pas la porte. Pourquoi t'es blessé même ?" Et puis on s'en fichait, l'important était pourquoi le théâtre ?
- C'est pénible, tu es pénible et je suis chiant, mais c'est comme ça. Je veux rentrer à l'intérieur pour me reposer et surtout rester au chaud. Ce n'est pas comme-ci j'allais y rester pendant, je ne sais combien de jours. J'alterne toujours avec différents endroits. Mais ce soir, je crois que j'allais finalement dormir à la rue par ta faute. Tu as peur certainement, tu ne sais pas qui je suis ni mes intentions, mais crois-moi que je ne suis pas ce genre de voyou malsain. Mais tu t'en moques de toutes mes paroles et demandes, c'est mort ; tu es catégorique et tu refuses d'ouvrir cette porte à la con.
- Ok... Dis-je démotivé, bravo. Tu as gagné. Voilà pourquoi je déteste demander de l'aide aux autres et que je reste seul, c'est pour éviter ce genre de comportements atroce que tu me fais vivre. Tu es méchant, ce n'est pas cool. Mais je comprends, c'est ok. Je ne dis plus rien et de toute façon, je ne forcerais pas la porte davantage, tu ne vas pas l'ouvrir. Tu me demandes pourquoi je suis blessé, comme si cela t'intéressait alors que finalement, je suis certain que tu t'en foutais royalement la preuve, tu me laisses dehors sous la pluie. Tu as gagné. Et pis c'est quoi la suite, tu resteras derrière cette porte jusqu'à ce que je dégage, c'est ça ?
- Très bien, je m'en vais.... Tu as raisons de toute façon.
Je quitte l'endroit pour venir me réfugier plus loin sous un toit d'un petit magasin. Tu ne seras certainement pas mon ami, c'est certain et je suis certain que tu me détestes déjà. Ce n'est pas grave, je ne suis pas sur cette maudite planète pour être aimé. Mes parents me manquent dans ce genre de moment, c'est dingue. Je suis là, en face de la bâtisse assis par terre. La pluie ne cesse d'évoluer et je suis trempée, c'est trop tard pour m'abriter maintenant, mes écouteurs aux oreilles ; plus rien n'est important maintenant. Les larmes coulent elles aussi d'ailleurs, je ne suis qu'un minable déchet. Mais au moins, j'ai ma musique ; elle est fidèle.
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