merry christmas
Midas Sterling & @Leto Sinclair

C’est une idée de Cassie, évidemment que c’est une idée de Cassie et, comme à chaque fois que sa petite tête de produit de la génération Z pense à un concept, tout le monde s’agenouille pour le mettre en oeuvre et en s’exclamant que ”c’est une excellente idée” et que ”vraiment ces jeunes ont de la ressource”. Et le pire dans toute cette histoire c’est que, la plupart du temps, je ne vois aucune faille aux plans de la jeune femme non plus : elle est née avec un smartphone dans les mains et parle couramment le language des réseaux sociaux, il n’y a donc rien de surprenant à ça.

En voyant que la ville organisait un père noël secret grandeur nature, elle a frappé dans ses mains et réclamé l’attention de tout le monde pour exposer son nouvel éclair de génie. Ajouter mon nom au tirage au sort et, une fois l’heureux ou l’heureuse gagnante identifiée, organiser l’échange de cadeau sous les yeux des caméras. L’idée derrière, c’est de me rendre accessible, de montrer à mes milliers de fan que je suis un monsieur tout le monde au fond ce dont je suis finalement déjà assez convaincu. Porté aux nues par le label et un public qui s’est rapidement épris de mon personnage, de ma voix et de mes titres, je suis parfois mal à l’aise avec la notoriété et reste au fond un garçon de la campagne, sous mes airs de pop star, de don juan que je ne suis pas. De plus et avant toute chose, j’étais surtout persuadé qu’il n’était pas nécessaire de me faire enfiler un pull coloré aux motifs rappelant les fêtes de noël pour me rendre accessible, surtout quand le dit pull est griffé et coûte plusieurs centaines de dollars.

Leto. Je n’ai eu que le prénom de la demoiselle à me mettre sous la dent pour trouver quoi lui offrir. Dans d’autres circonstances, nous aurions certainement eu accès au numéro de téléphone l’un de l’autre, mais mon statut à part ne me permet évidemment pas de le faire. A la place, c’est avec mon agence qu’elle a été mise en contact pour être informée qu’elle avait tiré le gros lot - la belle affaire - et surtout régler tous les détails concernant son droit à l’image puisqu’il est évident que le tout sera partagé par tous mes réseaux sociaux géré par la petite blonde qui me sert généralement d’assistante et, souvent, d’épine dans le pied. Je sais que Cassandra a déjà choisi un cadeau pour l’inconnue - un bracelet dont le prix à trois chiffres dépasse certainement le budget habituellement consacré à ce genre d’événement - mais j’ai tenu moi aussi à apporter ma touche personnelle et à respecter l’esprit de l’échange de cadeau organisé par la ville. Force est de constater que je ne suis pas le meilleur dans le domaine. Après m’être creusé les méninges pendant plusieurs jours, j’ai fini par demander conseil à Olive qui s’est fait un plaisir de m’emmener faire les boutiques. Puisque nous ne connaissons pas les goût de la jeune femme que je vais rencontrer pour l’occasion, ma cadette m’a conseillé de me tourner vers quelque chose qui passe partout et c’est ce qu’il me semble avoir fait, en m’étant décidé pour un ensemble de bougies aux odeurs des fêtes de la marque préférée de ma petite soeur.

Lorsque j’arrive aux abords du café - privatisé pour l’occasion pendant deux heures - un coup d’oeil à l’intérieur m’informe que la demoiselle est déjà là et assaillie de toute part par l’équipe de tournage - au nombre exagéré si on me demande mon avis - et je me dirige vers la porte d’entrée pour voler à son secours avant d’être arrêté par une Cassie visiblement montée sur ressorts. « Non ! L’objectif que c’est que tu la rencontres devant les caméras. » - « Je peux aller la saluer au moins, non ? » Mon assistante me lance un regard qui semble vouloir dire impossible de négocier, et je me résigne. Je n’entre dans le café qu’une fois les caméras allumées avec, sur le visage, un sourire qui se veut rassurant.

« Leto c’est ça ? » La petite brune qui me fait face m’a l’air tout à fait sympathique, mais assez impressionnée par les équipes de tournage qui nous entourent. « C’est toujours un peu impressionnant. Mais je te conseille de faire comme si elles n'étaient pas là. » Je lui adresse un clin d'œil, avant de lui désigner une table vide - elles le sont bien évidemment toutes - pour l’inviter à s’installer. Lui tirer sa chaise serait too much, je me contente donc d’attendre qu’elle soit installée pour m’asseoir face à elle. « Midas, je suis ravi de faire ta connaissance, et désolé pour le stress que mon assistante a dû te mettre. » Rentrant facilement dans le rôle du jeune homme charmant, je m’autorise même à adresser un clin d'œil à Cassie qui, derrière les caméras, lève les yeux au ciel. « Oui, elle est toujours comme ça, si tu te posais la question. Mais elle mord pas. » La blonde me tire la langue, et je lui souris avant d’accorder toute mon attention à la jeune inconnue. « Tu t’attendais pas à ça en t’inscrivant au Secret Santa, je me trompe ? » Un léger rire m’échappe, et je reprends. « Tu as déjà commandé quelque chose ? Qu’est ce que tu veux boire ? »

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La dénommée Leto a l’air d’une biche prise dans les phares d’une voiture et je pense que personne ne peux le lui reprocher : tout ça doit être bien loin de ce qu’elle imaginait lorsqu’elle s’est inscrite au Secret Santa de sa ville. Je suis à la fois désolée pour elle, et amusé par son désarroi, le premier sentiment prenant évidemment le dessus, et c’est la raison pour laquelle j’entreprends de la rassurer dès que la micro équipe de tournage m’autorise à rentrer à mon tour à l’intérieur du café. Sourire radieux - et digne d’une publicité pour dentifrice - sur les lèvres, pas assuré, je rentre avec aisance de la costume de la personnalité publique, m’exprimant chaleureusement pour mettre la jeune femme à l’aise. « Tout le monde a l'air gentil, c'est juste que je ne suis pas habituée à ce genre d'atmosphère. Mon cercle de travail est beaucoup plus petit, et plus simple. » - « Oui, je me doute. Je te dirais bien qu’on finit par oublier la présence des caméras, mais c’est pas tout à fait vrai, on s’habitue juste. » Et il faut bien plus d’un après-midi pour être à l’aise avec toute une équipe de tournage autour de soi. Moi, j’ai l’habitude que des instants anodins comme celui-ci ne deviennent de vraies mises en scène. Je tente de me concentrer sur la jeune femme en espérant que mon attitude l’aidera à en faire de même à son tour. Je la guide vers la table sélectionnée pour nous accueillir - et celle-ci a été décorée avec bien plus de soin que les autres ne l’ont été - et je dépose dans un coin les deux paquets cadeaux que j’ai emmenés avec moi. Avant d’entrer dans le vif du sujet, le but de tout ça est avant tout d’apprendre à se connaître, alors j’y met tout mon cœur.

« J'avoue que je ne m'attendais pas à une telle mise en scène. Tu recherchais quoi, toi, en t'inscrivant ? » A vrai dire, ce n’était évidemment pas mon idée. C’est Cassie, toujours et encore elle, qui a repéré l’événement sur les réseaux sociaux de la ville et qui l’a pitché à mon manager. Moi, je n’ai fait qu’accepter de me prêter au jeu parce qu’après tout, il n’a rien de désagréable. J’ai simplement été mal à l’aise à l’idée de devoir trouver un cadeau pour une parfaite inconnue. « Rencontrer du monde. » C’est le genre de réponse que tout le monde attend de moi. Ce qu’ils veulent, c’est que je me montre sur un jour de garçon accessible et modeste. « Depuis que je suis une personnalité publique, c’est ce qui me manque le plus, de rencontrer des gens dans des contextes… authentiques. » Et le dire, ce n’est pas faire preuve d’un manque d’humilité. Plus personne ne m’aborde simplement pour avoir une conversation et apprendre à me connaître. Devenir célèbre, c’est être déshumanisé. C’est devenir l'objet du reste du monde, une machine à toujours être d’humeur à signer des autographes et prendre des selfies. « Bien sûr, c’est mon assistante qui a tenu à filmer l’événement pour le diffuser. Si ça n’avait tenu qu’à moi, on se serait retrouvé dans un contexte bien plus simple. » Mais je sais que cela aurait été impossible. Je sais que, compte tenu de ma célébrité, il aurait fallu encadrer la rencontre pour que les choses ne dégénèrent pas. « Je veux bien un thé Earl Grey, s'il vous plaît. » Je laisse le serveur prendre la commande de la brune, avant de commander à mon tour un café long. Le jeune homme a du mérite : il parvient à rester parfaitement professionnel et ce malgré les circonstances inhabituelles. « Je suis désolée, je sais vaguement que tu fais de la musique, mais je ne te connais pas plus que ça. » J’esquisse un sourire, loin d’avoir assez la grosse tête pour mal accueillir la confession de la jeune femme. « Pourquoi tu es désolée ? Y’a pas de raison, pas besoin de me présenter tes excuses non plus. J’ai pas la prétention d’affirmer que tous les citoyens Australiens me connaissent. » Même s’ils sont rares à ne pas savoir au moins qui je suis. « Je rajouterai un album aux cadeaux que j’ai préparé pour toi. Enfin, si ça t’intéresse bien sûr. » Un coup d'œil à Cassie m’affirme qu’elle a évidemment ça sur elle. Je n’aurais qu’à le dédicacer à la jeune femme avant la fin de la vidéo. « En parlant de ça, tu veux qu’on les garde pour plus tard ? Ou qu’on commence par ça ? »

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« Je sais pas si ce genre de rencontres organisées par la ville est vraiment... Authentique, mais je peux comprendre l'envie de rencontrer des gens en dehors de son cercle professionnel. Et avoir une certaine notoriété ne doit pas aider à créer des relations saines. » Je suis ravi et soulagé que la jeune femme n’exprime pas à quel point ce point du vue sur la question est cliché, parce que ça l’est souvent aux yeux de ceux qui ne sont pas concernés. Jamais je ne songerais à me plaindre de ma carrière, de la notoriété et des formidables opportunités qu’elle m’apporte, mais il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit d’une chose complexe à gérer. Devenir une personnalité publique, c’est risquer d’être approché pour toutes les mauvaises raisons, c’est toujours craindre que l’on s’intéresse à vous par intérêt plus que par sincère envie d’apprendre à savoir qui vous être, au fond Alors, je renvoie un chaleureux sourire à la jeune femme. « C’est ça. Finalement, on est tous concernés par l’envie de faire des rencontres en dehors de son cercle, non ? C’est pour ça aussi que tu t’es inscrite ? » Ou par simple envie de faire plaisir à son prochain ? Certaines personnes sont certainement animées par l’envie d’offrir.

« J'ai surtout entendu mes collègues parler de toi, mais je ne suis pas sûre de connaître ta musique. Même si j'ai dû l'entendre à la radio ? » Amusé, je hoche la tête. Loin de moi l’idée de prétendre qu’il est aberrant que quelqu’un dans ce pays ignore mon existence, je suis toutefois amusé à l’idée de me trouver face à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de moi. Ce genre de circonstances se font rares, surtout dans la ville dans laquelle j’ai grandi. « Oui, t’as peut-être déjà entendu un ou deux titres à la radio. » Les singles de mes albums sont pour la plupart restés longtemps sur les charts et dans les top de sites de streaming. « J’entonnerais bien un ou deux des plus connus, mais j’ai pas envie de te sembler prétentieux. » Surtout quand je suis parfaitement à l’aise à l’idée de faire face à quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de moi. Evidemment, Cassandra en fait à sa tête, comme elle le fait tout le temps quand elle est persuadée d’avoir raison. Et elle est toujours persuadée d’avoir raison, cela va sans dire. Je l’observe se déplacer jusqu’à l’ordinateur portable posé sur le bar, et je sais déjà ce qui va se produire. « Mais pourquoi pas découvrir ce que tu fais ! Tu fais quel style de musique ? » J’ouvre la bouche pour lui répondre, mais ce sont les haut-parleurs du café qui diffusent ma voix - ainsi que le plus connu de mes singles. Je referme la bouche et lui adresse un sourire désolé : au moins, le volume sonore est assez bas pour que ce soit assimilable à une musique d’ambiance, et pas une horrible façon de me mettre en avant. « Désolé. J’avais pas prévu qu’ils fassent ça. » Je laisse échapper un rire gêné, avant de hausser les épaules. « De la pop principalement, mais maintenant, tu peux l’entendre, du coup. » Je me gratte l’arrière de la nuque en me promettant de remonter les bretelles à ma jeune assistante dès que je sortirai de là.

« J'ai pas de préférence, mais on peut commencer à les ouvrir ? » Les cadeaux offrent l’excuse parfaite pour me faire oublier l’épisode musique dans les hauts parleurs et je hoche la tête avec vigueur. Devant moi, deux paquets sont emballés, le pot d’une petite plante est lui aussi recouvert de papier cadeau. « J'espère que ça te plaira. » - « Je vais te confier un secret. » Qui n’en est pas réellement un. « Je suis comme tout le monde. J’adore les cadeaux. » Et j’ai surtout tout ce que j’ai pu un jour rêver d’avoir - tout ce qui est matériel ou s’achète, en tout cas. « Je commence du coup ? » Elle a déjà poussé les cadeaux dans ma direction et je prends ça pour un oui. J’ouvre le plus gros emballage, qui renferme un livre sur la mythologie grecque. Je lève d’abord un sourcil, avant de comprendre là où la jeune femme voulait en venir. « Midas, Leto, j’avais même pas fait le rapprochement. » Je souris, avant de retourner le livre pour parcourir la quatrième de couverture. « C’est vraiment bien vu. » J’ouvre le second cadeau, y découvrant un paquet de bonbons artisanaux. Je n’ai pas la dent sucrée. Je ne mange mon chocolat noir qu’à partir de 90%. En revanche, elle ne se doute certainement pas qu’elle vient de faire une heureuse : une petite fille de quatre ans dont je tais l’existence, mais qui aura les yeux brillants la prochaine fois que je la verrai, si j’apporte ça avec moi. « Merci beaucoup. » Elle a passé du temps à choisir, et ça se voit. « Mais je vais t’avouer un terrible secret. J’ai pas le moindre talent avec les plantes. » Je montre le petit pot qui n’était qu’à moitié emballé, avant de m’en saisir. « Alors j’espère que tu as choisi quelque chose pour les nuls. » J’éclate de rire, avant de sortir de ma sacoche mes deux emballages. « Celui-là, c’est celui que j’ai choisi. Enfin, ma sœur m’a aidé, elle est plus douée pour moi que ça. » Je tends le paquet contenant l’assortiment de bougies aux senteurs des fêtes. « Et celui-là… Disons que c’est un cadeau de la production. » Je désigne l’écrin contenant le bracelet hors de prix, encore emballé dans un papier particulièrement soigné. Je n’y connais rien en bijoux, mais je suppose que cette Tiffany parlera à la jeune femme, si j’en crois les yeux ronds que m’a présentés Olive en découvrant le logo sur l’écrin et le sac.

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« C'est difficile, une fois adulte, enfin dans la vie active, de rencontrer facilement de nouvelles personnes. Du coup j'ai pensé que c'était une bonne idée pour sortir de ma zone de confort. » Je ne sais pas réellement ce que c’est, que de vivre une vie d’adulte lambda. Ou plutôt, je ne m’en souviens plus. Depuis que je suis sorti de l’anonymat, je parcours le monde pour faire découvrir ma musique et je rencontre tout un tas de personnes. Toujours invité à tous les événements où se retrouve le gratin australien, il n’en reste pas moins vrai que je n’ai pas plus de vrais liens que je n’en avais autrefois, puisque tout ça n’est que de la poudre aux yeux. Je suis entouré toute la journée mais, lorsque je rentre chez moi, je suis seul. Seul, et persuadé que c’est ce qui m’attends pour le restant de mes jours, tant j’ai du mal à distinguer les personnes qui s’intéressent à moi pour ce que je suis réellement de celles qui ne sont là que pour la lumière. « Oh, je connais oui ! C'est entraînant, je dois même connaître le refrain, il reste en tête ! » C’est peut-être la raison pour laquelle il est quatorze fois disque de platine en Australie. Bien sûr, c’est frustrant de parler de son art avec quelqu’un qui n’a que peu entendu parler de vous. Ce n’est pas une question d’égo, mais de réussite et je suis fier de celle de mon titre phare. J’accueille toutefois sa remarque avec un sourire bienveillant. « Oui, c’est le genre de retour que j’ai souvent. » N’est-ce pas ce qui fait le succès d’un titre, la facilité qu’on a à le retenir sans pourtant chercher à l’apprendre par cœur ?

« Mes parents sont obsédés par la mythologie grecque, j'étais obligée de faire le rapprochement ! Ils m'en auraient trop voulu ! » - « Je pense que les miens aimaient simplement comme ça sonne. Mon frère et ma sœur n’ont pas eu le droit à ce genre d’originalité. » Le reste de la fratrie est nommé bien plus sobrement. « C’est un clin d’oeil très amusant. Merci beaucoup. » Elle a cherché quelque chose de personnel, la petite jeune femme. Sans connaître l’autre, c’est compliqué, mais il est évident qu’elle y a mis du cœur. « La plante est facile à vivre, ne t'inquiète pas. Il suffit de la mettre au soleil, et de la plonger dans l'eau une fois par mois ! » - « C’est noté. » Olive s’en occupera certainement bien plus souvent que moi, mais, pour la partie soleil, je ne devrais pas avoir trop de mal. Ma maison est gorgée de lumière, grâce aux immenses baies vitrées. «  Les sœurs ont toujours raison ! » - « Je le lui dirai. Elle s’appelle Olive, et ça lui fera certainement énormément plaisir. » Ma petite sœur a un temps été approchée par les paparazzis - parce que nous sommes liés et qu’elle est ravissante - mais ceux-ci l’ont tout aussi vite laissées tranquille. Elle n’aspire à aucune célébrité, ma cadette.

Lorsque les yeux de la demoiselle se posent sur le paquet cadeau suivant, ses yeux s’écarquillent et je me sens aussi mal à l’aise qu’elle. Sauf que j’ai appris à le dissimuler derrière un masque d’indifférence, depuis le temps. « Je peux pas accepter, c'est beaucoup trop !  » Elle n’a pas encore ouvert : j’en déduis donc que le nom de l’enseigne parle pour lui-même. Je ne suis pas un fin connaisseur, mais je suis moi-même persuadé d’avoir déjà vu ce genre de paquet bleu ciel quelque part. « C'est... Hors de prix, et pas très juste que tu aies dépensé autant. » - « C’est un cadeau. On ne révèle jamais le prix d’un cadeau, non ? » J’esquisse un sourire amusé, avant de secouer la tête. « Et tu peux le garder. » Je ne dirai pas que ce n’est rien, n’ayant aucune envie de passer pour quelqu’un n’ayant aucun sens des réalités. « C’est payé par le label, t’as pas à avoir le moindre remord. Un peu comme un jeu concours, t’es la gagnante sans avoir participé. Garde-le, tu peux en faire ce que tu veux, l’offrir si tu n’aimes pas ou le revendre. » Et puisque je l’ai tenu entre mes mains, il a assurément pris de la valeur. « Je peux pas te dire que je suis sûr que ça te plaira. On me l’a pas montré, et on ne se connait pas toi et moi. Mais je suis certain que tu trouveras quoi en faire. » Qu’elle le vende pour donner l’argent aux bonnes œuvres, si ça lui chante. « Mais on m’a dit qu’il était magnifique. Tu pourras le porter pour les fêtes. »

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« Tu es le seul à pas avoir un prénom classique ? Je suis fille unique, alors j'ai pas tellement de quoi juger, mais j'avais plus l'impression que dans les fratries, les parents essayaient d'avoir des prénoms assez ressemblant. » Je hoche la tête, songeant que mon frère me détestera d’avoir parlé de lui dans une connerie d’interview pour les réseaux sociaux, amusé par l’idée de le faire chier. « Oscar et Olive, mon frère et ma sœur. » Du reste, je ne me suis jamais réellement interrogé sur le pourquoi de mon prénom original. Je suppose que mes parents se sont simplement laissés porter par leurs goûts du moment, à chaque fois. « Faudra que je leur pose la question alors. » J’esquisse un sourire parfaitement joué. Ce n’est pas à cause d’elle que j’ai besoin de me glisser dans les chaussures de l’acteur, mais plus à cause des tensions familiales. Il va de soi que je ne m'interrogerai personne à ce sujet et que j’oublierai bien vite la question de la demoiselle.

Je sens sans mal que mon cadeau a mis la demoiselle mal à l’aise, et je le suis pour elle. J’aurais préféré que Cassie ne fasse pas de zèle et se contente de ma discographie entière et dédicacée : je serais peut-être passé pour un homme dévoré par son égo et son amour-propre, mais pas comme quelqu’un qui a perdu tout sens de la valeur de l’argent. Ce n’est pas le cas. J’ai beau être entouré de choses belles et chères, je suis toujours capable d’apprécier - et de préférer - la simplicité de la ferme de mes cousins, ou des plats préparés par ma tante ou ma mère. Je vis dans le luxe parce que j’en ai les moyens, mais je ne suis pas un amoureux du clinquant. « C'est même pas une question d'aimer ou pas. C'est juste que c'est clairement au minimum ce que je gagne en un mois.  » Je n’ai pas besoin de jeter un coup d’oeil à la grimace que Cassie tire pour savoir que le bijou vaut beaucoup plus que ce que la jeune femme gagne certainement en un mois. La petite blonde ne commets que très peu d’impair, je lui dois au moins d’avouer ça, mais celui-là me met rudement mal à l’aise et mon langage corporel le montre, c’est assez rare pour être souligné. « J'imagine que ce n'est pas grand chose pour toi, mais la somme d'argent que ça représente... Ça pourrait aider tellement de monde. » - « Alors tu peux le donner. Je suis certain que tu pourrais le mettre aux enchères pour une bonne cause. » Je ne souligne pas qu'au-delà de son prix initial, le fait que ce soit moi qui le lui ai offert ait fait augmenter sa valeur monétaire. J’aurais préféré tirer une fan, non pas pour redorer mon égo, mais parce qu’elle aurait poussé un hurlement et me serais tombée dans les bras en ouvrant le bracelet, et nous en serions restés là. « Ou prends le comme une récompense pour le boulot que t’as fourni toute l’année. » Je réalise que je ne lui ai pas encore posé de question à ce sujet. « Qu’est ce que tu fais dans la vie, d’ailleurs ? Je te l’ai pas encore demandé. » Mon intérêt pour autrui est réel, je n’ai pas besoin de forcer pour paraître accessible.

Elle ouvre finalement l’écrin du bracelet qui, au moins, a le mérite d’être discret et de bon goût. Il n’est pas tape à l'œil, et sans être un connaisseur, je suis capable de dire qu’il est sublime, et ça a l’air d’être également l’avis de Leto. « Il est magnifique. » - « Encore une fois, je peux pas m’en attribuer le mérite. Je suis entouré de femmes de goût. » La pilule a l’air d’être en train de passer, et j’aperçois du coin de l'œil les joues de mon assistante rosir. « Mais juste les bougies auraient amplement suffi. J'ai un peu l'impression de te voler, là. » - « Ne t’inquiète pas pour moi. » Inquiète-toi juste du rapport à l’argent de la petite blonde qui va conquérir le monde. Et Cassie, dont il est question, me fait depuis derrière les caméras signe de passer à un autre sujet. Je ne me fais pas de doute : tout ce qui ne me met pas en valeur sera coupé au montage. « Encore une fois, tu en fais ce que tu veux. Mais je trouve qu’il te va bien. » Je lui adresse un sourire, avant de m’installer plus confortablement dans mon fauteuil. « Ton boulot, c’est pas trop dur ? T’as fait combien d’années d’étude ? » Elle ne doit même pas avoir la trentaine, la petite brune. C’est impressionnant.

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« Ils sont jumeaux ? Ou tu es le seul à avoir échappé à l'initiale O ? T'es pas obligé de répondre à la question. J'imagine qu'ils n'ont pas forcément envie que leurs prénoms soient trop connus. » J’ignore si sa curiosité est le résultat de candeur ou de politesse. Je doute en tout cas que les prénoms du frère et de la soeur d’une personnalité publique qu’elle ne connaissait que vaguement avant aujourd’hui ne l’intéresse réellement, et son cerveau fera certainement le tri plus tard entre ce qu’il y a retirer de notre échange et ce qui n’a finalement que peu d’intérêt. Malgré tout, je me prête de bon gré au jeu de la discussion informelle. Je lui donne des réponses que n’importe quel fan assidu pourrait déjà trouver dans un magazine people, des réponses qui n’en disent pas trop sur Oscar et Olive, pour préserver leur vie privée. « Non, je suis l’enfant du milieu. » Je l’ai dit à plusieurs reprises en interview. « Ils sont plutôt discrets, c’est pour ça que j’évite de trop parler d’eux. » Elle l’a compris, la jeune femme. J’avais certes déjà donné leur prénom, mais elle m’a laissé une porte de sortie appréciable, que j’ai empruntée sans réfléchir, par habitude.

« Je suis chercheuse en neurosciences, je dépends de l'université du Queensland. Et je travaille aussi comme assistante au sein des services sociaux. » J’écarquille les yeux, surpris d’une part par le niveau d’étude de la jeune femme - à qui j’aurais à peine donné vingt-cinq ans - et par le fait qu’elle cumule deux emplois qui ne semblent pas réellement se compléter. J’ignore si les deux domaines d’activité ont le moindre rapport l’un avec l’autre et, par crainte de passer pour un idiot, je m’abstiens donc de toute remarque à ce sujet là. « Je viens d'avoir mon doctorat, donc dix ans d'étude pour avoir le droit de faire de la recherche. Il faut juste que j'apprenne à jongler entre mon travail aux services sociaux et l'université du Queensland, maintenant que je ne suis plus étudiante. » - « Oh. C’est impressionnant. Et quand est-ce que tu dors avec deux boulots comme ça ? » Des boulots que j’imaginais plutôt à plein temps. « Félicitations. Tout le monde le sait pas, mais je suis resté trois ans à la fac, avant de participer à X-Factor. J’ai une licence qui ne me sert à rien, mais c’était important pour mes parents. On est bien loin de tes dix ans d’études, ça force le respect. » Je ne m’imagine pas une seule seconde être resté si longtemps assis sur les bancs de l’université. Je n’ai poursuivi des études que pour que mes parents me foutent une paix royale, alors persuadé que je passerais ma vie à bosser chez le petit disquaire en centre-ville que j’ai quitté pour participer à l’émission.

« C'était comment de participer à X-Factor et de sentir le soutien des gens et de leurs votes pendant l'émission ? Pardon, ça doit être le genre de questions auxquelles tu réponds tout le temps. » C’est le cas. Ce qui me désole, c’est surtout qu’elle me résume à l’émission, et cela fait bien longtemps que ça n’était plus arrivé. Je fais partie des rares membres de l’industrie musicale à venir de télé-crochet et à avoir réussi à s’éloigner de cette image-là, et j’en tire une certaine fierté, je ne vais pas le nier. Toutefois, je réponds toujours avec la même sympathie, conscient que je suis filmé et que la jeune femme n’est certainement pas consciente de tout ça. « C’était surtout y’a longtemps. » Six ans, c’est court à l’échelle d’une vie mais, pour moi, j’ai l’impression que c’était il y a un centenaire. Ma vie a radicalement changé depuis. « C’était impressionnant, pour le gamin que j’étais. C’était survoltant aussi. Mais tant qu’on est dedans, on se rend pas rend pas compte de l’ampleur que ça prend. Je crois que j’ai réalisé ma popularité après ma victoire, et j’ai compris que ma vie allait changer. » Je bois une gorgée de ma boisson chaude, avant de la reposer et de sourire à la demoiselle. « Mais le soutien des fans, c’est le meilleur aspect de ce que je fais. Pendant l’émission, depuis, y’a rien que j’aime plus qu’être sur scène et rencontrer des gens du monde entier. » Et c’est à ça que j’aimerai que mon boulot et mon quotidien se résument, sans les à côté.

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« Je patauge encore entre les deux, honnêtement. Mais ça fait que quelques mois, c'est normal que ce soit encore compliqué. Je finirai bien par trouver une organisation qui me plaît. » Je suis le genre de garçon qui s’intéresse sincèrement à tout, et surtout lorsque c’est raconté par quelqu’un - par opposition, je ne passe pas réellement beaucoup de temps à apprendre des choses de par moi-même sur internet ou en regardant les informations. En revanche, je m’intéresse à autrui. Je suis capable de me passionner pour n’importe quel sujet, tant qu’il m’est présenté par quelqu’un qui l’est, passionné. « Mais tu comptes continuer à évoluer dans les deux domaines toute ta vie ? C’est pas le genre de cas où il faudra bien que tu finisses par faire un choix ? » J’ai du mal à imaginer qu’il soit possible de mener deux carrières à temps plein et de front sans finir par tomber d’épuisement. Est-ce parce que mon rythme est soutenu lorsque nous sommes en période de promotion ou de tournée ? J’ai toujours eu l’impression qu’Oscar et Olive - qui évoluent dans des filiales plus “classiques” - travaillent eux aussi d’arrache-pied.

« T'étais à la fac du Queensland ? Dans quelle filière ? » - « Tout à fait ! Licence de commerce, majeure commerce international, campus de Sainte Lucia. J’y étais entre 2010 et 2013, c’est possible qu’on se soit croisés ? » J’ignore sur quels campus se rendent les étudiants qui poursuivent des diplômes et choisissent des majeures plus scientifiques. Cette information là, je ne l’ai jamais donnée à la presse et, si ce n’est pas un secret, je n’en ai jamais parlé dans le cadre d’une interview. Les fans adorent avoir ce genre de petite info à se mettre sous les dents et nul doute que, dès la parution de la vidéo sur mes réseaux sociaux, cela fera sensation. « Les études, ça ne fait pas tout. Et c'est déjà très bien d'avoir eu une licence ! Ça ne t'empêche pas de t'en sortir parfaitement aujourd'hui ! » - « Ouais, je m’en sors. » Je fais plus que m’en sortir mais, par humilité, je me contente d’un clin d'œil et je ne relève rien. « Je bossais chez un disquaire quand j’ai été sélectionné pour l’émission. J’ai jamais eu l’intention de mettre la licence à profit, à vrai dire. » Ma passion, ça a toujours été la musique, mais il n’a jamais été question de poursuivre mes études dans ce domaine : mes parents m’auraient ri au visage si j’avais fait ne serait-ce que l’envisager à voix haute.

« Oh, ça doit être magique de sentir tout ce soutien, dans tout ce que tu fais. Et un peu vertigineux, aussi. » La jeune femme est de bonne compagnie, et je ris face à sa candeur. « C’est le bon mot. Surtout quand on se rend compte que ça vient avec son lot de responsabilités. » Je suis adulé par les midinettes : je ne peux me permettre de donner un mauvais exemple. De la même façon mes moindres faits et gestes sont scrutés, analysés, et je me dois de ne pas sortir du rang. Concernant mon travail, je dois toujours penser à ce qui plaira, ce qui marchera et plus forcément à ce qui me plaît à moi. « Tu vas bientôt sortir un nouvel album ? Ou c'est encore top secret et tu ne peux rien dire ? » - « Je peux pas parler de date. » Je lui adresse un clin d’oeil, laissant penser qu’il y a des choses sur le feu et que tout est secret quand, en réalité, je ne peux rien annoncer parce que je n’ai encore rien écrit et que mon prochain projet stagne. « Mais ce que je peux dire, c’est que j’ai pas l’intention de m’arrêter d’écrire de la musique. Je sais que ça fait longtemps, je sais que les fans sont dans l’attente de nouvelles musiques, mais j’ai à coeur de leur offrir quelque chose de parfait pour mon quatrième projet. » Quatrième album qui se fait attendre, donc.