@JO CARTER & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹'cause i swear i'm gonna take my time and i hope that you don't change your mind, i hope you stay around, stay around (c) dreamlonelywolf & hvkate.

(TOOWONG, LOGEMENTS). L’univers essaie de m’envoyer un message et je n’ai pas encore réussi à l’interpréter. J’imagine qu’il s’agit d’une punition divine qui se veut un peu tardive, mais non moins efficace. Une façon de me priver des bonnes choses qui m’arrivent dans la vie pour compenser tous les mauvais choix que j’ai fait par le passé ; ou une manière de me tester en me mettant face à des situations qui peuvent vite dégénérer si je ne suis pas assez vigilante. Jamais je n’aurais cru que le départ d’Angus serait vécu comme une punition et jamais je n’aurais cru que sa présence me manquerait. J’ai passé trop de temps à vouloir le détester pour réellement apprécier tout ce qu’il m’apportait et maintenant qu’il a disparu de la circulation, je réalise les conséquences de son absence. Je ne sais pas si c’est vraiment sa présence qui me faisait autant de bien, ou la colocation un peu bancale qu’on a mise en place, mais qui avait le mérite de m’apporter une certaine stabilité et, je dois l’avouer, une sécurité. Je me sentais bien avec Samuel et lui, je me sentais à ma place et maintenant qu’il est parti, je ne sais plus où est celle-ci. Je sais que je ne devrais pas dépendre d’une personne et c’est peut-être ce qui me rend aussi confuse ; je n’étais pas dépendante de lui. On était pas vraiment ensemble de toute façon et je n’étais pas amoureuse de lui, pas plus que j’envisageais cette possibilité et de réellement lier mon quotidien au sien ; mais je me rends bien compte que mon équilibre était lié à sa présence. Et à Samuel. Et à Llewyn, et à cette dynamique qu’on avait réussi à installer et qui me manque, bon sang. Elle me manque tous les jours et pourtant si Angus revenait frapper à ma porte, je n’aurais aucune hésitation à la lui claquer au nez. J’ai ma part de responsabilités de par mon silence qui a suivi l’arrestation de mon frère, mais lui est parti. Il est parti, sans un mot, sans un au revoir. Il est parti comme beaucoup trop d’autres avant lui, et cette part de responsabilité est compliquée à gérer. Parce qu’en réalité, il a pris la fuite. Et j’ai contribué à celle-ci.

Alors, j’imagine la punition et la phase de test sont liés. Ce n’est pas tant que Jo me fait peur ; c’est tout ce qu’elle représente. Parce qu’elle est Jo Carter, parce qu’elle est cette fille que ma génération est obligée de connaître même de loin, parce que je l’ai soutenue au travers de ma télévision malgré son image de petite arrogante imbuvable et maintenant que je me suis déjà retrouvée face à elle, j’ignore s’il s’agit réellement d’un personnage façonné pour le spectacle. Ce n’est pas plus l’inconnu qui entoure sa personnalité qui m’inquiète, c’est sa célébrité. Pas sa pseudo popularité, mais son statut. Le constat qu’elle a réussi à se réaliser – même si les rumeurs disent qu’elle n’en elle-même pas convaincue. Carl, Aiden, Rory et maintenant Jo, je gravite constamment autour de ceux qui appartiennent plus à la catégorie des mythes que des humains et ils ne cessent de me renvoyer tous mes échecs par le biais de leur réussite. Ce n’est pas leur faute ; et je ne suis pas une égoïste qui cherche à se mettre au centre de situation qui ne la concerne pas. Mais je me connais, et je connais mes défauts, à commencer par mon besoin de me comparer aux autres. Un besoin qui ne me pousse pas à construire ma propre réussite, mais à me flageller de ne pas y parvenir. J’ai perdu Angus et j’ai trouvé Jo : la punition est double, j’imagine.

On pourrait croire que j’ai une dent contre la jeune femme, mais ce n’est pas le cas. L’enthousiasme à l’idée d’emménager avec elle m’a en réalité poussé à faire mes cartons plus vite – aidée aussi, je dois l’admettre, par l’envie de quitter au plus vite l’appartement partagé avec Angus et les souvenirs qu’il abrite. Je n’avais pas saisi qu’elle serait derrière cette annonce, tout ce que j’y ai vu, c’est un loyer abordable et un cadre qui saurait accepter la présence de Llewyn quand ma mère n’est plus en mesure d’assumer ce rôle-là. La contrepartie visant à s’occuper d’Ava a peut-être été perçue comme un frein, j’avoue tout, avant que mes craintes ne soient balayées dès notre premier rencontre. Peut-être qu’elle perd la tête, oui. Peut-être qu’elle nécessite qu’on dégage quelques heures de sa journée pour elle. Peut-être qu’elle me causera des frayeurs. Mais je ne suis plus à une personne à ma charge près ; et j’ai bien conscience que je l’ai rencontrée dans un bon jour, mais son franc parler, son accueil et son acceptation vis-à-vis de ma situation m’ont convaincu de vouloir l’aider à gérer la sienne.  

Je n’ai pas beaucoup d’affaires, j’ai uniquement pris les affaires qui étaient dans ma chambre et j’ai laissé le reste chez Angus – peu importe s’il les récupère ou pas. Pour autant, Jo a tenu à m’aider dans mon installation et ça a le mérite de casser un peu l’image que je me fais d’elle qui, j’admets, penche plutôt du côté de la crainte que de la familiarité. C’est mon troisième déménagement en seulement une année, et être rodée à l’exercice ne veut pas dire qu’il est plus supportable. Je déteste ça, alors j’avoue honteusement que l’aide de Jo m’arrange bien. Les meubles sont posés, mais le reste de la chambre est cruellement vide, c’est peut-être la dernière étape, mais c’est aussi celle que je déteste le plus. « Bon... » Je juge la situation, et la pile de cartons qui, même sans être conséquente, nous demandera sûrement plusieurs jours pour en venir à bout. « Pour te remercier de ton aide, je te laisse choisir ceux dont tu veux t’occuper. » Elle n’aura besoin que d’un coup d’œil pour sélectionner les gagnants. Estampillés de mentions, allant de « vêtements » à « affaires personnelles » en passant par « DIY » et « musique » et d’autres, le choix est large. « Et à tout moment, t’as le droit de te rétracter et d’abandonner la tâche, je t’en voudrai pas. » Que je précise avec un sourire amusé, abusant déjà d’un loyer bien trop abordable pour le quartier et la maison sans, en plus de tout ça, exiger son aide.

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Maisie défaisait ses cartons, Jo faisait sa valise. C’était un contraste étrange, du genre à lui laisser le besoin de se poser trente petites secondes tandis qu’elle entendait encore la voix criarde de Cathy lui asséner en la pointant d’un doigt boudiné le strict minimum, Jo ! Ça la renvoyait à des images toutes singulières, de devoir passer par la case valise alors qu’elle savait qu’à Sydney, dans cette bulle qui se déploierait au-dessus d’elle, qui avait déjà commencé à être soufflée par la volonté de son entourage professionnel à la traiter comme une petite nana revenue d’entre les morts et enterrés de la scène musicale récente, elle redeviendrait une poupée qui n’aurait qu’à cligner des yeux pour qu’on la pare de ceci ou de cela. Et puisqu’elle n’avait pas beaucoup d’attaches en effet, elle n’apporterait que le strict minimum avec elle, laissant ce qu’elle avait de plus important ici, dans cette maison qu’elle avait ouverte à des inconnus le temps de décider vraiment si c’était une bonne idée.
Elle refusait d’y réfléchir davantage. Rectification : elle n’avait pas eu le temps d’y réfléchir davantage, elle avait juste fait ce qui lui semblait être bien — pour elle, mais surtout pour sa grand-mère. Nicholas était de l’autre côté de la rue, à veiller sur Ava comme s’il s’agissait là de sa propre grand-mère et Olive passerait de temps à autre, et maintenant, Maisie serait une plus-value qui adoucirait un peu les images dramatiques qui lui tournaient dans la tête quand elle se disait que c’était inconscient de laisser Ava livrée à elle-même étant donné les virées qu’elle avait déjà faites en pleine nuit, seule et désorientée. Elle ne le serait plus, seule. Ava vivrait entourée d’un peu de vie, et si elle n’avait pas fermée les candidatures à cette colocation avec la vieille dame suite à celle de Maisie, c’était parce qu’il restait une chambre à occuper et qu’elle céderait si elle tombait sur la bonne personne, celle qui s’associerait à sa jeune colocataire qu’elle entendait remuer de l’autre côté de la cloison de sa chambre.

Trop brusquement, Jo prit une grande inspiration, de celle qui fit trembler juste assez ses lèvres pour qu’elle réalise à quel point elle n’était pas prête dans le fond, alors qu’elle l’avait toujours cru ; prête à briller, prête à faire quelque chose de son talent, prête à savoir ce qui se passerait avec son concurrent direct, celui qui était la source de ses décisions récentes. Elle y avait tellement cru la première fois que, maintenant qu’elle y retournait, elle redoutait tant de choses à la seconde que ça la rendait fébrile, ce qu’elle n’était pas très souvent et qui la déstabilisait tant qu’elle dormait mal. L’idée que c’était comme le vélo, qu’on oubliait pas comment faire, c’était de la connerie pure et dure, ou alors était-ce parce qu’elle savait ce qu’elle avait à perdre qu’elle était aussi nerveuse ? Si elle se concentrait plutôt sur ce qu’elle avait à gagner, au lieu de se cantonner à son tempérament d’éternelle pessimiste qui anticipe le mauvais pour ne pas être déçue, ça lui ferait vraiment du mal ? Certainement pas, mais ce n’était pas aussi simple que ça. Elle rouvrit les yeux pour les poser sur le contenu de sa valise, toujours grande ouverte à ses pieds, et se leva de son lit pour ajouter la peluche que Midas lui avait ramené l’autre fois avant de la refermer le tout en se disant que s’il lui manquait un truc sur place, elle n’aurait qu’à claquer des doigts.

C’était une putain de bonne chose de faite, c’est ce qu’elle se dit quand elle se ramena à l’entrebâillement de la porte de Maisie qu’elle regarda d’un oeil blasé, ses bras croisés sur sa poitrine remontée par son bustier avec, sur le visage, l’air de ceux qui sont venus en touristes. Et c’était le cas malgré le fait qu’elle lui avait proposé son aide tout en sachant que, si elle le faisait, c’était avant toute pour mettre le nez dans ses affaires et se figurer plus sérieusement du genre de minette qu’elle était. Elle paraissait douce, elle paraissait aussi impressionnée par ce qu’elle dégageait quand elle faisait plus de dix centimètres qu’elle, et sans doute une dizaine de kilos de plus. Mais c’était comme ça, alors qu’elle avait probablement des Liliputiens dans son arbre généalogique, Jo comblait sa petite taille par son charisme, et ça faisait son effet. D’un façon un peu différente que d’ordinaire, elle se sentait respectée par la jeune femme vers qui elle finit par s’avancer, le pas assez traînant pour qu’elle remarque que ce n’était pas de gaité de coeur qu’elle était là "Laisse-moi accomplir ma dernière tache avant d’être trop célèbre pour faire le ménage moi-même." qu’elle lui dit en posant son regard sur le carton barré de la mention musique. Elle le pointa d’un long ongle — naturel, adieu l’acrylique depuis qu’on lui avait demandé d’être un peu plus soft. Comme quoi, elle réussissait à faire ce qu’on lui demandait parfois — peint de nacre, la réverbération du soleil de l’extérieur qui transperçait le rideau laissant son geste se suivre d’une aura de grâce "Je prends celui-là." Évidemment, connaître la discothèque de celui qu’on avait en face de soi, c’était le meilleur moyen de le connaître en dehors de l’action de fouiner dans son journal intime "Que je vérifie par moi-même si t’es pas une groupie d’Ariana. Je veux pas que t’imposes la médiocrité à ma grand-mère." Elle exagérait, ce n’était pas difficile à deviner. Pour autant, elle n’attendit pas. Jo s’inclina pour le faire glisser jusqu’à elle, ce foutu carton, puis elle se laissa tomber et rebondir doucement au bord du lit de Maisie.

Même si je suis tentée de l’être, je ne me laisserai pas intimider par Jo. Sur le long terme, du moins. Ce n’est même pas volontaire de sa part, c’est juste mon incapacité à me mettre à niveau avec les autres, à toujours les considérer supérieurs à moi, même s’il existe des dizaines de preuve que ce n’est pas le cas. Je n’ai pas encore su les trouver concernant Jo, dont le talent, le charisme ou encore la réussite m’empêchent de rivaliser avec elle. Alors oui, je suis intimidée. De toute évidence, je le suis toujours, par tout le monde, mais cette fois-ci je n’ai certainement pas le droit d’en faire une obsession, pas alors que ce logement représente une dernière chance avant de me résoudre à y retourner chez ma mère. Si la colocation ne réussit pas, si je me retrouve à devoir chercher un quatrième logement en l’espace d’un an, je crois que je n’aurai plus le choix que d’admettre que le problème vient de moi et qu’il serait temps de cesser mes efforts et d’accepter l’idée de finir chez ma mère jusqu’à ce que ma situation se stabilise. Car si jusqu’ici j’ai eu la chance de trouver des colocataires qui ont toujours accepté la présence plus que régulière de Lee, ça ne s’est pas fait sans efforts et je ne suis pas sûre d’avoir le droit à de telles exceptions encore longtemps. Surtout, je n’ai plus envie d’avoir à faire mes affaires tous les trois mois, me laissant croire qu’il n’existe pas une petite place pour moi quelque part. Je suis fatiguée, d’autant que mes déménagements ne se sont pas toujours faits dans les meilleurs termes. J’ai quitté ma mère parce que je ne pouvais plus la supporter, j’ai suivi Swann quand il est parti de chez Sofia parce que je n’étais pas à l’aise avec cette dernière et j’ai fui l’appartement d’Angus parce qu’il en a fait de même et ce, sans prendre le temps de m’avertir au préalable. Je distingue déjà les raisons pour lesquelles cela se passerait mal avec Jo, principalement à cause de ma prédisposition à me comparer à elle ou nos caractères qui semblent à l’opposé, mais j’ai espoir d’avoir suffisamment conscience de mes travers pour qu'ils ne deviennent pas des justifications à un nouvel échec.

Jo, donc, qui traîne le pas pour me rejoindre et me filer un coup de main, me faisant m’interroger sur des intentions que j’aurais mal interprétées – c’est souvent le cas. Je n’ai pas rêvé, n’est-ce pas ? Ou j’ai tellement envie d’apprendre à la connaître, elle, ma colocataire qui est encore une inconnue autant qu’une artiste de talent qui m’impressionne, que j’ai supposé que mon emménagement serait la bonne excuse pour que l’on se rapproche avant son départ ? Je reste muette, tandis qu’elle finit de me rejoindre. "Laisse-moi accomplir ma dernière tache avant d’être trop célèbre pour faire le ménage moi-même." J’esquisse un rire, pas certaine néanmoins qu’il s’agisse entièrement d’ironie, avant de hausser les épaules : « remarque, si tu paies quelqu’un pour ça, ça fera aussi mes affaires. » Pas aujourd’hui, c’est certain, mais dans un futur proche. « Alors deviens trop célèbre, s’il te plait. » Non, ne le deviens pas. Ou de façon modérée. Un juste milieu entre le fait d’avoir une carrière accomplie et de rester quelqu’un d’accessible. Et je sais que je n’ai pas de critères à donner, parce que je suis encore une inconnue en période d’essai à ses yeux et que je n’ai certainement pas à penser tout cela alors qu’on ne se connaît pas vraiment et que je peux disparaître de sa vie aussi vite que je ne suis arrivée. Probablement que ce serait le cas, s’il n’y avait pas Ava, d’ailleurs. Jo désigne le carton qui m’est le plus précieux avant même celui qui contient mes affaires personnelles, et je me fais violence pour ne pas lui demander de changer d’avis – je n’aurais pas dû lui proposer de faire son choix en premier lieu. "Je prends celui-là." Ce qui n’a rien d’étonnant, en soit, puisqu’il s’agit de notre principal point commun, celui qui est susceptible de nous rapprocher et de nous aider à nous connaître. "Que je vérifie par moi-même si t’es pas une groupie d’Ariana. Je veux pas que t’imposes la médiocrité à ma grand-mère." Je reste silencieuse un instant alors que j’entreprends d’installer ma pile de livres dans la bibliothèque, avant de sauter le pas et prendre le risque de perdre des points : « Spoiler alert, tu trouveras Ariana. » Oui, j’avoue tout. Même si je ne suis pas au point d’avoir toute sa discographie et de la suivre en tournée, le fait est que je plaide coupable quant au fait que certaines chansons sont bien assez catchy pour m’avoir motivée à acheter un album. « Mais tu me donnes un bon moyen de pression, ceci dit. » Que je souligne avec humour, bien consciente que le moyen de pression vient d’elle qui pourrait me foutre dehors si je détraque les goûts musicaux de sa grand-mère. « Tu trouveras de tout, là-dedans, j’ai bon espoir de trouver grâce à tes yeux d’une manière ou d’une autre. » Rejoindre Oxtorm – dont elle trouvera une compil’ – m’a obligée à ouvrir mes horizons ; et elle ne devra donc pas s’étonner de tomber autant sur du metal bien hurlant que sur du jazz plus calme. En réalité, tout ce qui peut me servir pour développer mon oreille musicale et mon répertoire à la basse est bon à prendre, même si l’instrument traîne dans le coin de la chambre et risque de ne pas être utilisé de sitôt ; la faute à un groupe dont le récent développement n’est pas forcément à mon goût. « T’es prête ? » Que je lui demande finalement en cessant mon rangement pour lui adresser un regard, précisant rapidement le fond de ma pensée : « Pour tout ce qui t’attend, j’veux dire. » Pour sa nouvelle exposition médiatique, pour cette nouvelle opportunité qui peut vite devenir une déconvenue, aussi.

@Jo Carter

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"OK, pas la peine de vider tes cartons." Et elle fit mine d’arrêter de trifouiller dans le carton qu’elle avait à côté d’elle, Jo, marquant une pause lourde de signification qui lui permit d’affirmer son regard à la ligne effilé par l’eye-liner dans celui de Maisie en direction de qui elle avait levé la tête. Une, deux, trois secondes pour lui laisser le temps de comprendre qu’elle plaisantait, et elle finit par se ranimer pour le lui confirmer, trop consciente d’être beaucoup trop frustre pour que son humour fasse toujours mouche. Elle n’était pas livrée avec le mode d’emploi, une certitude que devait regretter certains hommes de son entourage "Ça va, respire, je plaisante." Je sais plaisanter semblèrent dire et confirmer les gros yeux qu’elle fit en se concentrant de nouveau sur sa tache comme si de rien n’était, passant en revue, et du bout de ses doigts agiles, les rangées de CDs que Maisie avait classé dans ce carton qu’elle finit par poser sur ses genoux pour mieux regarder "On a une platine vinyle en bas, à côté du buffet où nana range ses albums-photos." Elle en avait une dans sa propre chambre, mais inutile de lui dire que c’était un territoire interdit , quelque chose lui disait qu’elle ne prendrait pas le risque de s’y faufiler "T’as l’air d’avoir que des CDs, mais si jamais tu veux écouter des trucs qui sont dans sa collection, je te filerais la clef." C’était gentil, elle s’en rendit compte, et même si ce n’était pas si exceptionnel que ça — d’accord, elle avait un caractère difficile et son langage laissé à désirer, mais elle avait ses moments de bonne volonté, qu’est-ce que vous croyez —, elle préféra ajouter sur le ton traînant qui était le sien et qui était gorgé de tellement de suffisance que ça ferait illusion sans aucun doute "Pour améliorer ta culture musicale parce que, sans vouloir te vexer, tu pars vraiment de loin. Katy Perry, t’es sérieuse ?" C’était pire qu’Ariana Grande. Jo ne l’aimait pas que pour une chose, la diva à la queue de cheval haute, et c’était parce qu’on avait voulu la modeler selon son cahier des charges. Autrement, elle réussissait à reconnaître qu’elle avait du coffre, comprenant aisément pourquoi on avait voulu qu’elle suive ses traces. Elles avaient la même silhouette, elles avaient la même tessiture, mais elles n’avaient pas la même vibe — là où Ariana jouait la parfaite petite idiote, Jo ne laissait aucun doute quant à l’idée qu’elle savait ce qu’elle faisait et ce qu’elle dégageait.

Continuant son inspection, elle s’arrêta sur un boîtier qu’elle sortit de la rangée qu’elle tenait du bout des doigts et qui lui fit froncer le nez tant la recherche dans son palais mental fut fastidieuse. Mais étant donné que la pochette n’était qu’un nom grossièrement écrit sur une étiquette vierge, et qu’elle avait enregistré assez de démo pour savoir en reconnaître une quand on en mettait une sous son nez, sans doute qu’il s’agissait là dans truc non-officiel qu’elle lut en grimaçant, ses yeux se déportant sur Maisie pour lui demander "Oxtorm ?" Un haussement d’épaules qui voulait clairement dire connait pas et elle repartit en quête d’elle ne savait trop quoi en vérité, ne sachant pas tellement si ça lui plaisait vraiment d’être assez curieuse pour vouloir faire le ménage en compagnie d’une fille qu’elle ne connaissait même pas.
Mais puisqu’elle resterait seule avec sa grand-mère, elle se devait de faire le service après-vente, de vraiment se figurer si elle avait du pif en lui faisant confiance, ou si c’était l’éminence de son futur qui l’avait fait prendre une décision à la hâte. En somme, elle était là pour se rassurer, tout simplement "Hmm ?" fit-elle lorsque Maisie l’interrogea et que, bien qu’elle savait exactement de quoi elle voulait parler, elle fit mine du contraire, haussant doucement les sourcils lorsqu’elle explicita, et qu’elle lui répondit sans même y réfléchir "Je l’ai déjà fait une fois, ça devrait pas être si différent aujourd’hui." J’ai attendu ça six ans, qu’est-ce que tu crois ? Je suis plus que prête aurait-elle pu lui répondre en mentant éhontement, la sensation dans son ventre grouillant de toute la tension qu’elle sentait peser sur son corps depuis qu’elle avait signé son contrat. Seulement, elles n’étaient pas amies, et la capacité de Jo à se confier, même dans ces cas-là, se révélait approcher du refus catégorique ; elle ne le faisait qu’avec Midas parce qu’il comprenait ce qu’elle vivait, ce qu’elle voulait dire, ce qu’elle ressentait… ce n’était pas le cas des gueux de son entourage dont Maisie faisait maintenant partie et dont elle quitta l’observation rapide de son visage pour se lever de sa place, emmenant avec elle quelques CDs qu’elle tenait dans sa main "Je les mets où ?" lui demanda-t-elle avant de marcher vers la pile de livres qu’elle avait installé sur une étagère "Comment il s’appelle ton petit-frère déjà ?" lui demanda-t-elle dans la foulée, son visage se levant pour que ses yeux se concentrent sur les titres de livres qu’elle effleura de sa main libre, ajoutant en même temps "Il arrive quand ? Ce serait bien que je fasse sa connaissance avant de m’en aller." Pas que l’idée de côtoyer un gamin de son âge la ravisse, loin de là, d’ailleurs. Mais là encore, elle tenait à vérifier qu’il ne soit pas du genre turbulent, et surtout, observer la réaction de sa grand-mère à son contact.

"OK, pas la peine de vider tes cartons." Je ris un instant avant de poser mon regard sur elle et de constater que de son côté, elle reste stoïque et a même cessé de s’activer pour m’aider à défaire mes affaires. Elle plaisante, n’est-ce pas ? Je l’observe (la fixe serait plus correct), cherchant désespérément le début d’un rictus qui m’aiderait à me détendre. Je ne suis pas du genre naïve, mais Jo est une presque inconnue à mes yeux et je ne suis pas encore habituée à son humour. Et pour être honnête, je suis même pas certaine qu’elle en possède, ce qui me fait douter de ses mots alors que je me suis moi-même arrêtée dans mon rangement. "Ça va, respire, je plaisante." Et ce n’est même pas pour lui obéir que mon souffle devient plus bruyant pendant une seconde, quelque peu rassurée à l’idée de ne pas plier bagage aussitôt arrivée – je pourrais au moins me vanter de battre des records, ma colocation devenant toujours plus rapide que la précédente. « Le contraire m’aurait pas étonnée, le sujet a l’air sensible. » Je me permets de souligner en me permettant un rire un peu plus détendu, me replongeant dans mes affaires avant de détourner à nouveau le regard en direction de Jo. "On a une platine vinyle en bas, à côté du buffet où nana range ses albums-photos." J’aimerais bien situer ladite platine, mais j’ai pas vraiment encore pris mes marques et je suis bien incapable de situer l’objet. "T’as l’air d’avoir que des CDs, mais si jamais tu veux écouter des trucs qui sont dans sa collection, je te filerais la clef." - « J’adorerais ! Mais ça va pas la déranger ? » Okay, je suis presque un peu trop enthousiaste pour mon propre bien, peut-être que je vais regretter ces paroles d’ici le lendemain, quand ma curiosité m’aura amenée à déjà fouiller le contenu de la collection et ne rien trouver qui me plaise. Mais pour être honnête, j’ai des goûts suffisamment éclectiques pour croire que je trouverai mon bonheur et j’ai l’impression que j’ai pas vraiment le choix, vu l’opinion que Jo semble avoir de ma culture musicale. "Pour améliorer ta culture musicale parce que, sans vouloir te vexer, tu pars vraiment de loin. Katy Perry, t’es sérieuse ?" - « Hé, j’ai grandi avec ça, alors si tu dois en vouloir à quelqu’un, c’est à l’industrie musicale d’avoir autorisé ça. » Ouais, je suis presque innocente, c’est la musique qui tournait en boucle durant mon adolescence, j’ai juste suivi la mode, shame on me. « Mais continue de déballer, j’suis sûre que tu vas finir par trouver quelque chose d’intéressant. » En d’autres termes, continue de faire ton travail. Même si en réalité, je suis persuadée que passer ma période auto tune et commercial d’il y a quelques années, elle verra aussi que mes horizons sont ouverts, et que Nina Simone se mélange à Black Sabbath. J’ai envie d’y croire, parce que j’ai envie de trouver grâce à ses yeux. Et je ne sais pas si on peut qualifier cela d’intéressant, toujours est-il que Jo finit par mettre la main sur un boîtier qui ne provoque pas d’autres commentaires que ce qu’elle peut lire. "Oxtorm ?" - « Oh, ça c’est mon groupe. » Je songe un instant avant de poursuivre : « ancien groupe. Enfin, c’est plus vraiment d’actualité. » J’ai pas encore eu le courage de dire à Jess que je suis pas prête pour la direction que notre bande de potes prend, avec un contrat signé et l’enregistrement d’un vrai EP. Ça devient trop pour moi. Trop prenant, trop sérieux, trop angoissant et si Jess n’a toujours rêvé que de ça, je me rends compte que ça me fait trop peur pour que je la suive. Je jette un coup d’œil à ce qu’elle tient dans la main, j’hésite un instant avant de statuer sur le sort de la démo : « Ça peut aller à la poubelle. » Le sac attend sagement dans un coin de la pièce d’être rempli de ses petites trouvailles que je déciderai de ne pas garder et à contrecœur, ça en fait partie. Je sais qu’Oxtorm va décoller, je sais qu’ils ont de grandes choses qui les attendent, mais j’ai pas envie de garder les preuves de mes échecs. J’ai pas envie de renoncer à la musique, mais je crois que je n’ai pas de place pour ça à l’heure actuelle.

Ce qui contraste avec le futur grand départ de Jo, des projets dont je n’ai pas osé demander tous les détails mais dont j’en dessine les contours. Elle, elle est prête à faire de la musique sa priorité et j’en suis admirative. "Hmm ?" Je précise le fond de ma pensée, ravie de reporter l’attention sur elle, même si sa réponse ne m’invite pas à poser d’autres questions. "Je l’ai déjà fait une fois, ça devrait pas être si différent aujourd’hui." - « Ouais, sûrement. » Ouais, j’en sais rien surtout, mais je me sens pas légitime de creuser dans mes interrogations quant Jo me donne l’impression que j’ai touché à un sujet dont j’aurais dû me tenir à l’écart. Jo se lève déjà et un instant, j’ai presque peur d’avoir dépassé des limites dont je n’ai pas conscience et qui l’amène à quitter la pièce. Si elle n’avait pas quelques disques en main, j’aurais pu m’inquiéter. "Je les mets où ?" - « À côté. » Que j’indique d’un signe de tête en montrant l’étagère qui contient déjà des bouquins et qui va abriter toute ma (pauvre) culture. J’ai pas encore commencé à déballer mes dvds, c’est bien le seul domaine où je me sais experte. "Comment il s’appelle ton petit-frère déjà ?" - « Llewyn. Lee. » Comme elle préfère, il ne s’offusquera pas de l’un ou de l’autre. "Il arrive quand ? Ce serait bien que je fasse sa connaissance avant de m’en aller." - « Je pense qu’il viendra quand je serai installée. » J’imagine qu’il ne me laissera pas plus longtemps en paix, sûrement trop curieux de découvrir mon nouveau logement. « Si ça peut te rassurer, il ne vit pas avec moi, il sera seulement là... souvent. » Je sais pas si ça la rassure, en fait. Mais Lee ne sera pas continuellement avec nous, j’ai bien conscience que je peux pas imposer mon frère à chaque colocation alors qu’il est quand même supposé avoir encore une mère et un appart dans lequel vivre. « Il est pas du genre chiant. » Ça dépend des jours, bon, mais ça elle n’a pas à le savoir. « Et je sais qu’Ava n’a pas l’air du genre mamie gâteau, mais j’crois que Lee va pas trop lui laisser le choix. » Il n’a pas de grands-parents, alors forcément qu’à ses yeux, côtoyer une personne âgée c’est synonyme d’après-midi en cuisine et de sous glissés dans la poche, c’est sûrement un point qu’il faudra que je reprenne avec lui car Ava m’a pas l’air du genre à passer deux heures en cuisine pour faire un cake avec Lee parce qu’il l’a demandé. « Il y a des règles que je dois absolument connaître avant que tu partes ? » C’est chez elle plus que chez moi et je m’adapterai. Je m’attaque à un second carton, des babioles en vrac que j’ai embarquées sans prendre le temps de trier et peut-être que j’aurais dû. La sangle customisée pour son appareil photo que je comptais offrir à Angus pour Noël trône au-dessus des affaires pendant un instant, avant que je la lance en direction de la poubelle. Ouais, elle va être vite remplie à ce rythme.

@Jo Carter

@MAISIE MORIARTY & JO CARTER ⊹⊹⊹ 'cause i swear i'm gonna take my time and i hope that you don't change your mind, i hope you stay around, stay around (c) dreamlonelywolf & hvkate.

"Nan, au contraire." répondit-elle à Maisie à propos du potentiel dérangement induit par la mise en marche de la platine du salon "Avec un peu de chance, t’auras droit d’assister à une représentation spéciale de ses meilleurs moves de valse." Ça la fit sourire sous cape d’imaginer Maisie et Ava se lier par ce biais. Elle n’était pas toujours lucide, la vieille dame, elle restait cependant une mine de récits de la grande époque et il y avait à parier que si elle elle finissait par trouver Maisie digne de son intérêt — ce qui ne tarderait pas puisque bien qu’elle partageait des caractéristiques avec sa petite-fille, toutes les deux assez caractérielles pour faire-valoir leur pouvoir, elle restait tout de même un peu plus accessible —, elle l’abreuverait de petites histoires qui lui feraient perdre pieds le temps d’un instant, floutant définitivement la ligne de ses souvenirs qu’elle peinait tant à conserver.
Si cette pensée en particulier lui fit se concentrer davantage sur le carton qu’elle avait sur les genoux, ce que Maisie lui apprit en revanche eut le don de lui faire lever la tête d’un coup "T’as un groupe ?" Ancien groupe, corrigea la jeune femme, mais elle en avait déjà trop dit pour que Jo estime que c’était une mauvaise chose de creuser, sa curiosité piquée au point qu’elle lui demanda dans la foulée "Quel genre de groupe ?" Elle ne serait même pas sarcastique si elle venait à lui dire que c’était un girls-band. Encore que, rien n’était moins sûr avec Josephine "On jette pas des démos, ça peut toujours servir." Elle, elle en avait gardé quelques-unes de l’époque post-X Factor, et celles que Nicholas avait dans son ordinateur recelaient de potentiels tubes dans lesquels elle s’autoriserait à piocher s’il la laisser faire ; parce qu’elle avait apporté sa contribution à son oeuvre, et parce qu’elle s’autorisait de plus en plus à songer à l’idée que c’était de nouveau à sa portée tout ça, et qu’il fallait qu’elle soit préparée "Je la laisse dedans. Je l’écouterais un de ces quatre." fit-elle, sérieuse avant de se lever pour aller ranger les disques à l’endroit indiqué par sa nouvelle colocataire. Elle serait davantage celle d’Ava en vérité, mais à défaut d’un autre terme à utiliser pour la désigner, c’était comme ça qu’elle la définissait déjà dans l’intimité de ses pensées.

"T’as plus tes parents ?" Il ne fallait pas compter sur Jo pour faire dans la dentelle. Elle restait assez pudique sur son propre historique familiale seulement parce que ça l’emmerdait profondément de chialer dessus, mais quand il s’agissait de ménager autrui, elle était étonnamment moins délicate — l’était-elle seulement avec elle-même, non, alors c’était probablement pour ça qu’elle ne s’encombrait pas de ce genre de choses, n’ayant pas fait de l’action de tourner autour du pot une valeur à respecter. Retenant sans le retenir le prénom du frère de Maisie, elle disposition les disques à côté, là où la jeune femme le lui indiqua et resta un court instant silencieuse avant de reprendre en se retournant vers elle, un petit sourire goguenard affiché sur son visage "Ça, laisse-moi l’occasion d’en décider. T’es sa soeur, t’es forcément par partiale quand il s’agit de vanter ses qualités." Si ça se trouvait, c’était un petit merdeux qu’elle aurait envie de tarter bien plus souvent qu’à son tour. A savoir que Jo et les enfants, c’était quelque chose à mettre au même niveau que les complotistes et le réchauffement climatique — en d’autres termes, c’était difficile à démêler pour savoir si oui ou non elle les appréciait, ou si dans les tréfonds de sa psyché, elle fomentait des coups fourrés pour s’en débarrasser le plus discrètement possible. A partir d’un certain âge, elle réussissait à les tolérer ; mais en-dessous d’une dizaine d’années, ça devenait un peu compliqué. Putain de mouflets "Tu te trompes, elle pourrait lui apprendre pas mal de trucs." Certes, Ava n’était pas du genre mamie-gâteau, elle restait une mamie tout de même ; qui à défaut d’avoir une mémoire d’enfer, savait se montrer affectueuse sous la couche d’honnêteté brute qui était la sienne, qui savait aussi réconforter par des étreintes et des caresses quand c’était nécessaire, qui n’avait pas son pareil pour rassurer et encourager ceux qui se trouvaient en face d’elle à être fier et à le rester. C’était l’image-même de la femme forte et indépendante, celle qui malgré la maladie s’évertuait à paraître à son avantage parce qu’elle ne voulait pas qu’on prenne pitié d’elle, qui avait parfois trop conscience de ce que sa petite-fille faisait pour elle, et qui aurait aimé pouvoir être davantage autonome pour qu’elle puisse enfin vivre son rêve tel quel méritait de le faire. Sans l’influence néfaste de sa maladie qui lui faisait perdre de vue les sacrifices de Jo, Ava la prendrait entre quatre yeux pour lui dire de bouger d’ici et vivre la grande vie.

Trouvant un angle de bureau sur lequel poser ses reins, Jo eut un léger rire en entendant Maisie lui demander s’il y avait des règles à respecter. Ce fût rapide à lister, ce qu’elle fit en comptant sur ses doigts "Pas de fête, pas de mecs — ou de meufs pour ce que j’en sais —, pas de substances illicites, pas d’alcool et je crois que ça pourra bien se passer." C’était clair et précis, pas de quoi fouetter en chat quand on envisageait de vivre en harmonie "Je te ferais pas un pamphlet sur l’hygiène et la propreté, mais compte tenu de l’état d’Ava, ce serait bien de faire le nécessaire à ce niveau-là et de rien laisser traîner en dehors de ta chambre. Ce qui t’y fais ça te regarde, je peux t'assurer qu'à l'exception d'aujourd'hui, j'y mettrai jamais les pieds." Passant ses doigts dans ses longs cheveux, Jo marqua un temps de réflexion pour poser un regard circulaire à la chambre de Maisie et revenir sur leur contrat tacite, ou du moins sur l’une des clauses qu’elle avait déclamé à la va-vite pour lui résumer ses exigences "Je t’interdis pas de faire venir qui que ce soit ici, juste pas n’importe qui, alors si t’es du genre à ramasser le premier ou la première qui passe, je te demanderais d’aller faire tes cochonneries là où on est immunisé contre l’herpès parce que c’est pas un baisodrome ici." Autrement, elle n’était pas bien exigeante Jo, c’est juré "Et personne dans ma chambre. J’ai rien à cacher, c’est seulement un principe de base ; si tu veux qu’on vive en harmonie, empiète pas sur mon territoire, et je ferais pareil." Ce qui serait siple étant donné qu’elle ne serait pas souvent présente, sinon ça allait s’en dire qu’elle aurait été la première à violer cette clause en particulier.

"Nan, au contraire. Avec un peu de chance, t’auras droit d’assister à une représentation spéciale de ses meilleurs moves de valse." - « Je croise les doigts, dans ce cas. » J’esquisse un sourire à cette idée, déjà amusée par la perspective d’apprécier les pas de danse d’Ava. Ce n’est pas pour rien que j’ai signé pour cette colocation, m’occuper des autres autant que d’appendre d’eux est un moyen comme un autre d’ignorer mes propres problèmes – et je ne doute pas qu’Ava saura m’aider à les tenir à distance. Elle m’a l’air d’avoir une histoire de vie bien assez riche pour que je ne m’ennuie jamais en sa compagnie, des récits à foison qui me permettront de m’évader et vivre une vie qui, de toute évidence, ne sera jamais la mienne. Alors je prendrai tout ce qu’Ava acceptera de me donner, que ce soit de vieux vinyls ou une représentation de valse. Peut-être même qu’elle pourra m’apprendre quelques pas, même si j’ignore dans quel contexte ça pourrait me servir, je suis sûre que c’est le genre de trucs qui fera une bonne anecdote en soirée.

Une sur laquelle je ne m’épanche pas, par contre, c’est celle qui entoure l’histoire de mon groupe. C’est anecdotique, oui, et ça doit le rester sans plus de détails, parce qu’il n’y a plus grand-chose à raconter. Oxtorm prend son envol, et moi je préfère rester à terre parce que ça me rassure, parce que je trouve ça plus sécurisant. "T’as un groupe ?" - « Ouais. » Au fond, je trouve même que dire que « j’ai » un groupe est erroné. J’ai plutôt « rejoint » un groupe, celui des jumeaux Oxtorm, qui l’ont lancé et qui ont eu besoin de musiciens pour les accompagner. Mais les compositions, la direction générale du groupe et la plupart des décisions viennent d’eux. Pas que ça me dérange, au contraire, si j’aime prendre des initiatives il y a encore des domaines dans lesquels je m’y sens illégitime et la musique en fait partie, malgré que ça fasse partie de ma vie depuis mon enfance. "Quel genre de groupe ?" - « Ça a commencé comme un groupe de potes, on faisait des covers sur youtube, on a pas vraiment de style défini, on touche un peu à tout. » C’est un peu le bordel, mais c’est notre bordel organisé. Pour combien de temps, ça, par contre, j’en sais rien. "On jette pas des démos, ça peut toujours servir." Je hausse les épaules, peu convaincue. Ça m’étonnerait que ça serve, parce que ça m’étonnerait que je fasse partie du groupe pendant encore longtemps. Elle n’a pas tort, ça peut toujours servir. Mais dans mon cas, j’en doute, parce que je ne compte pas ressasser le passé et mes occasions manquées. "Je la laisse dedans. Je l’écouterais un de ces quatre." Je fronce les sourcils un instant, pas vraiment à l’aise à cette idée. « Je pense que ça a rien à voir avec le band qui t’accompagnait sur x factor et tout ça. » Je précise, ajoutant rapidement. « Que tu saches, quoi. » Qu’elle ne soit pas déçue surtout. Cette démo date d’une autre époque, celle où on envisageait pas encore de se professionnaliser, celle où on s’éclatait, celle où on peut entendre quelques erreurs de notre part. C’est pas incroyable, faut juste que Jo le sache avant d’imaginer qu’elle va tomber sur une pépite – c’est pas le cas. Elle a dû avoir l’habitude de fréquenter des musiciens professionnels, et même si j’ai cru un instant que ça deviendrait aussi ma voie, le fait est que j’ai encore beaucoup à apprendre avant de rivaliser avec ceux qui l’ont accompagnée lors d’émissions ou d’enregistrements. 

"T’as plus tes parents ?" La question est directe, me fait rire un instant tant elle est abrupte. Pas choquée pour autant, je souligne sans entrer dans les détails : « si, mais ils sont là sans être là. » Je compte pas lui dire que j’ai presque plus aucun contact avec mon père ou que ma mère est démissionnaire, ça la regarde pas vraiment et ce sont pas des choses dont j’ai envie de me vanter. Je la connais à peine et en plus d’avoir mon frangin en partie à charge, j’ai pas envie qu’elle puisse aussi s’imaginer que je suis un nid à problèmes. C’est vrai que je gère pas grand-chose dans ma vie, mais je vais gérer le loyer, ça c’est certain et c’est tout ce qui importe. « Et les tiens ? Ils t'aident pas avec Ava ? » Si elle se permet, j'en fais de même, d'autant que je trouve quand même la situation surprenante. S’il y a une chose qu’elle doit savoir, c’est que mon frangin est tout à fait capable de s’adapter et qu’il n’est pas du genre à détruire la maison en notre absence. C’est pas toujours un ange, mais disons que ses mauvais coups se résument à échanger le sel par le sucre ou à glisser une araignée en plastique dans le canapé du salon. Rien d’insupportable, donc, puisqu’il préfère garder les vraies conneries pour l’école, comme casser la gueule d’un de ses camarades pour faire justice, bon. "Ça, laisse-moi l’occasion d’en décider. T’es sa soeur, t’es forcément par partiale quand il s’agit de vanter ses qualités." - « Comme tu veux. J’ai déjà hâte de t’entendre dire que j’avais raison et que t’es désolée d’avoir douté de moi. » Je souligne, avec un rire amusé parce que mon petit doigt me dit qu’il s’agit là de deux choses dont Jo n’est pas forcément capable. Pour autant, je suis à peu près sûre de moi – Lee met tout le monde d’accord et, souvent, il arrive à convaincre même les plus réfractaires à sa présence. Je doute qu’Ava le soit autant que sa petite-fille, même si je ne suis pas certaine qu’elle remplira à merveille le rôle de ma mamie gâteaux. "Tu te trompes, elle pourrait lui apprendre pas mal de trucs." Au temps pour moi, donc, et cette précision ne manque pas de me faire sourire. « Tant mieux, dans ce cas, parce que je sens qu’il va être demandeur. » Il aime les gens, Lee, plus que moi et je doute pas qu’il saura profiter du temps passé aux côtés d’Ava – dans la limite du raisonnable, comme je m’apprête à le préciser pour ne pas que Jo change d’avis : « Enfin, t’inquiète, il sait respecter les limites des autres, hein. » Je réalise que mes mots peuvent porter à confusion et je me sens obligée de les modérer. « Je suis pas venue pour épuiser deux fois plus Ava. » Au contraire, s’il y a une chose dont elle peut être certaine, c’est que je m’occuperai de sa grand-mère comme si c’était la mienne.

Pour autant, ça ne veut pas tout à fait dire que je suis chez moi, et je ne suis pas certaine que je puisse l’être un jour ou l’autre. Pour l’heure, je ne suis qu’une pièce rapportée, raison pour laquelle je demande à prendre connaissance des règles que je vais devoir respecter, outre que les traditionnelles qui visent le respect de chacun, tout ça, je commence à m’y connaître à force de changer de logement comme de chemise. "Pas de fête, pas de mecs — ou de meufs pour ce que j’en sais —, pas de substances illicites, pas d’alcool et je crois que ça pourra bien se passer." J’esquisse un rire au début de son annonce, avant de le réprimer ; je ne voudrais pas qu’elle pense que je me moque de ses critères. C’est juste qu’il est peu probable que je ramène qui que ce soit, même si je vais bien me garder de le préciser. Par contre, je suis quelque peu frustrée concernant mes joints, même si je réfléchis déjà à la meilleure façon de gérer ma consommation sans qu’Ava ou Jo en soient impactées (et Lee, mais de ce côté-là je gère déjà). "Je te ferais pas un pamphlet sur l’hygiène et la propreté, mais compte tenu de l’état d’Ava, ce serait bien de faire le nécessaire à ce niveau-là et de rien laisser traîner en dehors de ta chambre. Ce qui t’y fais ça te regarde, je peux t'assurer qu'à l'exception d'aujourd'hui, j'y mettrai jamais les pieds." - « T’inquiète, ça me paraît normal. » Bon, ok, je suis pas à l’abri de laisser traîner quelques trucs de temps à autre, mais promis, je ferai de mon mieux pour pas être trop bordélique vu que ça me semble quand même la base d’une bonne entente. "Je t’interdis pas de faire venir qui que ce soit ici, juste pas n’importe qui, alors si t’es du genre à ramasser le premier ou la première qui passe, je te demanderais d’aller faire tes cochonneries là où on est immunisé contre l’herpès parce que c’est pas un baisodrome ici." Ok, vraiment, faut que je prenne sur moi pour pas éclater de rire. Si Jo savait, elle saurait à quel point c’est pas une condition qui s’applique à moi. À la rigueur, si elle vient à trouver une culotte qui traîne, c’est parce que j’en fais mon commerce plus que parce que le premier venu me l’a arrachée. Mais c’est un peu trop tôt pour parler de mes activités annexes, bon. « C’est dommage, la maison me semblait super grande pour organiser de bonnes grosses orgies dignes de ce nom. » Que je souligne en haussant les épaules, pas vraiment sûre de ma plaisanterie et reprenant donc rapidement mon sérieux. « Je partage mon temps entre un cinéma de quartier et les activités de mon frangin, Jo. Les seuls trucs que je vais ramener c’est des pop-corn dans mes cheveux et une coupe de meilleur gardien au tournoi de l’école, t’en fais pas. » Il y a même plus d’Angus pour venir squatter ma chambre et faire de son mieux pour m’exaspérer. À la rigueur, il y a bien Carl, mais comme il y a rien à signaler entre lui et moi, nos rencontres ici seront parfaitement légales, même si je me sens obligée d’annoncer sa venue parce qu’il est pas du genre à savoir rester discret malgré toute sa bonne volonté. « À la rigueur, la seule personne que je peux inviter en dehors de mon frère, c’est mon meilleur pote. Je te le dis juste au cas où Ava te mentionnerait qu’il y a un mec qui traîne dans les parages, mais il prend pas beaucoup de place et fait pas beaucoup de bruit. » Par contre, il est super maladroit et risque de casser un truc ou deux, mais ça, ce sera à gérer en temps voulu. "Et personne dans ma chambre. J’ai rien à cacher, c’est seulement un principe de base ; si tu veux qu’on vive en harmonie, empiète pas sur mon territoire, et je ferais pareil." - « Ça me serait même pas venu à l’esprit. » Et je suis sincère. J’ai aucune envie qu’on foute son nez dans ma chambre, c’est pas pour le faire de mon côté. Les règles sont établies, mes cartons en bonne voie de disparaître et avant de continuer sur cette lancée, j’adresse un regard à Jo. « Ça va, j’ai passé la première étape malgré Ariana et Katy ? » J’interroge, avec un léger sourire même si je suis dans l’attente du verdict.

@Jo Carter