@AUTUMN GALLOWAY & KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ walk in the front door, drop my keys, take my shoes off and go straight into your arms, keep me safe. (c) bastillesmiths&joutscn. 

Je n’ai pas envie qu’Autumn se réveille. Si on me pose la question quant au silence dont je fais preuve, assis sur cette chaise inconfortable depuis presque deux heures, je prétendrai qu’il s’agit d’altruisme à l’égard de ma femme qui a été incroyable, il y a quelques heures de ça, et qui mérite ce repos. Elle a mis au monde la petite merveille que je berce et qui a, elle-aussi, cédé aux bras de Morphée depuis qu’elle est dans les miens. La vérité, c’est que je suis égoïste. Je suis égoïste parce que je n’ai pas envie de partager ce moment, parce que j’ai envie de le faire durer un peu plus longtemps, juste un peu. Juste ma fille et moi sur cette chaise, sans que le reste du monde ne s’invite dans cette bulle qui est la nôtre, pas même sa mère et j’en ai honte. J’en ai honte parce que je sais qu’aucune excuse valable ne saura justifier mon ressenti à cet instant. Ce n’est pourtant pas de la jalousie, ni même une envie de m’assurer que ma fille me préférera, ni un caprice à l’idée de partager ce qui ne m’appartient même pas, ou que sais-je encore. Cette bulle, je la dois à Autumn et dans quelques instants, quand elle se réveillera, elle nous appartiendra à tous les trois. Mais pour l’heure, c’est encore ma fille et moi, dans les premières heures de sa vie, dans lesquelles je peux encore essayer de réaliser ce qui m’arrive. Ma fille. J’arrive toujours pas à y croire, et je répète silencieusement, dans mon esprit, ces deux mots depuis des heures en espérant enfin réaliser que tout ça est vrai ; et que cette impression qu’au moindre mouvement tout disparaitra va enfin se dissiper pour me permettre de profiter encore plus de cet instant. J’ai attendu neuf mois pour la rencontrer et maintenant que je la serre contre moi, je ne sais pas comment j’ai pu faire preuve d’autant de patience. Je découvre que ce n’est pas une légende, cet amour incommensurable qu’on peut ressentir pour autrui. Je l’ai déjà expérimenté pour Autumn, et maintenant il y a cet enfant qui est la consolidation de notre bonheur. J’ai jamais été aussi heureux. Et foutrement terrifié. Parce que maintenant, je ne peux plus me permettre de lire des livres ou de gratter des conseils à droite et à gauche, maintenant la théorie fait place à la pratique et j‘ai pas l’impression d’être prêt. J’ai jamais eu de modèle et c’est la raison pour laquelle j’ai repoussé trop longtemps la perspective qu’on crée notre propre famille, et maintenant que nous y sommes, je suis partagé entre le regret de ne pas l’avoir fait plus tôt et la peur de l’avoir fait trop tôt, justement. Je sais pas quel genre de père je vais être, et je sais qu’il n’y a aucun cours qui peut permettre d’avoir la réponse, mais je peux pas m’empêcher de craindre de ne pas être à la hauteur. Je connais ma fille depuis quelques heures seulement, mais je ressens déjà la pression d’être à la hauteur, et j'ai tant de choses à lui dire tant que nous sommes que tous les deux. « Hé, shhh, tout va bien. » Elle s’active dans mes bras, et le pouce de ma main qui soutient sa tête effleure doucement son crâne dans un rythme régulier pour tenter de la calmer. « C’est juste moi. » Que je murmure pour ne pas réveiller ma femme, avant d’ajouter, avec un sourire béat qui prend déjà place sur mes lèvres : « Ton papa. » Je suis papa. Je suis papa, et j’arrive pas à me dire que c’est vrai. J’ai passé ma vie à chercher ma place alors qu’elle est juste là, aux côtés des deux femmes de ma vie. « Je ferai pas toujours tout juste, mais je ferai au mieux. » Je l’informe, même si elle s’endort déjà à nouveau, son petit doigt enroulé autour du mien. Je vais faire des erreurs. Des dizaines, des centaines, probablement, mais jamais rien qui n’atteindra son bonheur. Si de ne pas avoir eu de modèle pour ce rôle à tenir me terrifie, dans un sens j’en ai eu quant aux erreurs à ne pas faire. Et les miennes ne seront jamais similaires à celles de mes propres parents – ils m’auront au moins appris ça. « Je vais apprendre avec toi, alors... m’en veux pas trop, deal ? » Et je fais doucement bouger nos doigts liés pour marquer le contrat. « Je suis ton papa. » Je le répète, pas parce que j’ai encore besoin de m’ancrer un peu plus dans la réalité, mais parce que je les aime, ces mots, et je les trouve beaux. Je crois que je m’en lasserai jamais, et à cet instant je me lasse pas de les dire à ma fille. Ceux-là, aussi, ils sont beaux, comme mots. Et je ne la quitte des yeux que lorsqu’un bruit se fait entendre et que je constate qu’Autumn sort de son sommeil. « Hey. » Que je l’accueille alors que je me lève doucement, mes pas qui se veulent sûrement trop lents quant à la distance à franchir jusqu’à venir me poser au bord de son lit avec notre enfant dans les bras, la peur surtout d’une quelconque maladresse qui pourrait lui faire du mal. Je suis terrifié à l’idée d’avoir une prédisposition à lui en faire, alors je me fiche bien d’avoir l’air trop craintif avec elle dans mes bras. « Quelqu’un veut te dire bonjour. » J’attends qu’elle se redresse pour lui glisser, avec délicatesse, la petite dans les bras, avant de l’embrasser sur le front. Je n’ai jamais précisé qui voulait lui dire bonjour, en réalité.

AUTUMN GALLOWAY & @KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ walk in the front door, drop my keys, take my shoes off and go straight into your arms, keep me safe. (c) bastillesmiths&joutscn. 

Les dernières vingt-quatre heures ont été complètement époustouflantes, épuisantes, grandioses, misérables, d’une douleur sans nom pour que tu en oublies absolument tout à la seconde même où ta fille a été déposé contre toi, que son petit corps si minuscule et parfait est venu chercher chaleur et confort contre toi. Tu en oublies le travail qui a duré plus de vingt heures, les contradictions qui t’ont fait maudire absolument tout autour de toi, a commencé par Kieran qui était dans le moment le seul et unique coupable puisqu’il était celui qui t’avait mis enceinte. Si tu n’étais pas en mesure d’en rire sur le moment, tu sais déjà que dans quelques mois, quelques semaines, peut-être même dans quelques jours qui sait, tu pourras rigoler de tes commentaires impulsifs et sans filtre, de tes gémissements de douleur et de tes plaintes pour que ça s’arrête. Parce que rien de tout ça ne se compare avec l’immense bonheur qui t’envahit quand les petits yeux de ta fille s’ouvrent pour mieux se refermer la seconde d’après, quand ses petits poings s’accrochent à toi et que tu ne veux plus rien faire d’autre que d’admirer son portrait. Le tourbillon d’émotions te rattrape toutefois, ainsi que la fatigue et alors que la petite fille quitte tes bras pour trouver ceux de son père qui la regarde comme si elle était la huitième merveille du monde, tu finis par trouver les bras de Morphée et plonger dans un sommeil léger, ton corps réclamant le repos.

La voix de Kieran se mélange à tes rêves et si tu n’entends pas exactement ce qu’il est en train de dire, c’est ce qui te tire de tes rêves et te ramène à la réalité. Une réalité qui est encore plus belle que toutes les choses dont tu as pu rêver par le passé. L’image de ton mari avec votre fille dans les bras est une vision que tu prends le temps d’assimiler pleinement, une image que tu veux instaurer dans chaque parcelle de ta mémoire pour ne jamais oublier le sentiment si particulier que tu ressens là, tout de suite. Cette impression d’être finalement pleine, d’être finalement à la bonne place, que pour une fois dans ta vie, rien ne te manque. Tu ne cherches pas plus, tu ne veux pas moins, tu as tout ce qu’il te faut et toi qui n’as jamais su te contenter de quoique ce soit, tu espères que cette sensation de plénitude ne te quittera jamais. « Quelqu’un veut te dire bonjour. » Tu te redresses légèrement dans le lit d’hôpital alors que Kieran s’approche lentement de toi et s’assoit à tes côtés, votre fille passant de ses bras aux tiens. « Bonjour toi. » que tu souffles alors que tu viens déposer un baiser sur le front de la petite merveille qui s’éveille à son tour, s’étirant contre toi. Tu lèves la tête et offres un sourire à Kieran. « Et bonjour toi. » que tu répètes en pinçant les lèvres, dans l’espoir que ton mari vienne y poser les siennes. Ton attention est inévitablement reporter sur la petite dans tes bras et tu réalises que dans la folie du moment qui a suivi sa naissance, vous ne vous êtes toujours pas décidé sur son prénom. Vous aviez évidemment eu de multiples discussions à ce sujet, une liste de ceux que vous aimiez particulièrement tous les deux, mais vous aviez décidé d’attendre de la voir avant de la nommer, comme si de poser les yeux sur elle vous imposerait une évidence pour son prénom, pour les plus belles syllabes du monde qui composeront la symphonie qui lui appartiendra pour toujours. « On lui a toujours pas donné de prénom. » que tu rappelles à Kieran, comme si c’est réellement quelque chose que vous pouviez oublier. Les noms de votre liste te reviennent, mais tu es soudainement incapable de faire le moindre choix, rôle qui revient normalement à ton amoureux. « T’as une préférence? » Lui qui vient de passer les dernières heures à l’admirer, peut-être en est-il venu à une évidence qui t’échappe encore, consciente que c’est un des choix les plus importants de vos vies.

Je n’ose pas bouger. J’ai peur de lui faire du mal et je crois que c’est une peur qui ne disparaîtra jamais ; qu’elle va nous poursuivre, ma fille et moi, jusqu’aux dernières secondes de mon existence. La peur qu’il lui arrive quelque chose, la peur du monde dans lequel elle va grandir, la peur qu’elle ne soit pas heureuse. Plus que jamais, j’ai l’impression que ce sentiment ne me quittera plus jamais. Mais pour la première fois, je lui trouve du beau. Parce que c’est une peur tangible, appréciable, qui m’aidera à être un bon père pour rattraper le mauvais fils que j’ai été à cause d’elle. Fonder notre famille n’a pas pour objectif de m’aider à corriger la mienne, mais je peux pas m’empêcher de vouloir rattraper les choses et tout faire pour que ma fille grandisse en se sachant aimée. Je n’arrive pas encore à savoir quel genre de père je vais être – sûrement trop laxiste – mais c’est la seule chose dont je suis certain. Au milieu de toutes les erreurs que je vais faire en apprenant ce rôle, mon intention sera toujours la même : qu’elle se sente chérie et entourée. Elle pourra bien me détester, à l’adolescence, quand je serai probablement trop étouffant pour ses désirs de liberté, mais au moins elle ne connaîtra pas la solitude. Je refuse qu’elle la connaisse, et même si elle est probablement trop jeune pour avoir conscience de toutes ces choses à cet instant, je peux pas envisager qu’elle quitte mes bras pour se retrouver seule dans son berceau. Et quand j’accepte de me séparer d’elle, c’est uniquement pour qu’elle soit choyée par sa mère, auprès de laquelle je m’approche délicatement. « Bonjour toi. » J’étire un instant mes bras désormais libres avant de reporter mon attention sur cette image que j’ai envie d’imprimer. Ma femme et ma fille, ma famille, et j’ai sûrement l’air d’un idiot à être incapable de diminuer le sourire béat collé sur mes lèvres, mais c’est tout ce que j’ai toujours voulu. « Et bonjour toi. » Je me penche doucement, faisant attention à notre petite merveille, pour déposer tendrement mes lèvres sur celles d’Autumn. Un baiser doux qui fait office de remerciement silencieux, avant qu’Autumn me rappelle à l’ordre quant au fait de manquer à tous nos devoirs. « On lui a toujours pas donné de prénom. » — « J’aime bien ma fille, on peut pas garder ça ? » Je demande avec un regard qui la supplie d’accepter ma proposition qui, une fois encore, est égoïste en plus d’être évidemment risible. De toute façon, je suis désolée pour la principale concernée, mais elle sera ma fille tant que je me lasserai pas de répéter ces mots (et encore plus désolée pour elle, ça ne risque pas d’arriver). « T’as une préférence? » — [color:edcf=#rosybrown]« Pas vraiment. » Si, j’en ai une, mais que je garde pour moi parce que je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée, ni même qu’Autumn appréciera la proposition. Et, dans un sens, compte tenu de l’effort qu’elle a fourni, du travail qui a été le sien, je la trouve plus légitime à avoir le dernier mot. « J’ai des idées, mais je suis pas sûr que ça vous convienne. » Je finis par avouer, mon regard qui passe de l’une à l’autre, en haussant les épaules pour paraître détaché alors qu’en réalité je suis inquiet. Inquiet à l’idée qu’elle pense que je ne suis déjà plus assez investi au point de n’avoir aucune idée quant au prénom de ma propre fille, inquiet qu’au moment de dévoiler mes propositions elles s’avèrent trop ridicules pour lui plaire. « Et toi ? Il y a pas une tradition qui veut qu’on donne le prénom d’une grand-mère ou ce genre de truc ? » J’oriente la conversation comme je peux, supposant qu’il s’agit-là d’une loi très réglementée au moment de la naissance d’un enfant, une loi dont je n’ai évidemment pas connaissance et qui lui permettra d’enchaîner avec des idées qui, j’en doute pas, seront meilleures que les miennes.

@Autumn Galloway   

Malgré la douleur et les courbatures, il y a pire comme réveil. Même que tu irais jusqu’à dire que tu n’as pas connu mieux jusqu’à aujourd’hui. Qu’il n’y a pas vision plus parfaite que de te réveiller et de voir ta fille parfaitement blottie dans les bras de son père et de savoir que cette vision n’est pas éphémère. Que ce sera une vision qui accueillera tes matins, et puis tes journées, tes nuits aussi sans aucun doute, pendant les mois et les années à venir. Que l’amour que tu ressens en ce moment, si grand et puissant ne fera que grandir avec le temps qui passe, te demandant comment c’est possible d’aimer plus que tu ne le fasses à ce moment bien précis. Quand ta fille se retrouve dans tes bras, tu es incapable de défaire ton regard de son petit visage. Tu explores chacun de ses traits, tentes difficilement de décider à qui elle ressemble quand elle te semble être le parfait mélange de Kieran et toi. Réaliser qu’elle n’a toujours pas de prénom ne te surprend pas le moins du monde, quand on vous connaît le moindrement, ton mari et toi, son incapacité à prendre des décisions et ton impulsivité à prendre les tiennes normalement. Le prénom de ta fille toutefois n’est pas quelque chose que tu voulais choisir sans y réfléchir en profondeur, et voilà qu’elle est là et que tu te retrouves incapable de t’arrêter sur un choix quelconque, tentant de trouver ce qui irait le mieux à ce petit minois. « J’aime bien ma fille, on peut pas garder ça? » Un léger rire t’échappe. Malgré tout le bonheur qui t’envahit à l’entendre prononcer ces mots, quelque chose te dit que de l’appeler ma fille ne serait pas le meilleur move de votre carrière de parents, et tu n’as pas envie de tout ruiner dès le commencement. « Pas vraiment. » Tu fronces légèrement les sourcils, plisses les yeux, tentes de savoir si Kieran te dit la vérité ou s’il retient encore son opinion pensant que tu ne veux entendre ou savoir ce qui lui vient réellement en tête lorsque son regard se pose sur votre merveille. Et il capitule finalement, le Halstead, son regard qui voyage constamment entre ton visage et celui de votre famille. « J’ai des idées, mais je suis pas sûr que ça vous convienne. » L’utilisation du vous vient élargir le sourire déjà bien trop grand sur tes lèvres. Ce ne sera plus jamais que Kieran et toi. Vous êtes trois maintenant. Ce petit bout de lui, ce petit bout de toi dans cette minuscule petite personne dont tu t’impatientes déjà de connaître la personnalité. « Je suis sûre qu’elle manquera pas de te faire savoir, si elle aime pas tes idées. » que tu commentes avec un rire, l’encourageant à ta façon à te dire ce à quoi il pense. « Sinon, je peux m’en charger pour deux, en attendant. » Elle est toute nouvelle, mais tu as déjà l’impression de la connaître. Quand elle grandissait encore au creux de ton ventre, tu savais qu’elle dormait une grande partie de la journée, quand tu passais ton temps à marcher entre les bureaux de tes élèves et puis elle se réveillait dès le moment où tu t’installes à ton bureau en fin de journée, pour corriger des copies. Elle aimait le son de la voix de Kieran, quand il lui racontait des histoires en fin de soirée et elle avait cette mauvaise manie de faire la rumba à toute heure de la nuit. Tu étais impatiente de voir si elle continuerait de t’en faire voir de toutes les couleurs entre 23h et 5h et tu étais impatiente de savoir si ton amour pour les salty snacks lui serait transmis, toi qui ne voulais que ça lorsque tu étais enceinte. « Et toi? Il y a pas une tradition qui veut qu’on donne le prénom d’une grand-mère ou ce genre de trucs? » Les mots de ton mari te sortent de tes pensées, et tu lui lances un regard dubitatif. « À moins que tu penses qu’elle a l’air d’une Pauline ou d’une Edna, je pense qu’on est mieux de commencer de nouvelles traditions. » que tu lances en secouant légèrement la tête. Non, la petite fille dans tes bras n'avait pas le profil d’une Pauline, ni d’une Edna, et tu étais loin d’être assez proches de tes grands-mères pour avoir envie de leur faire un tel honneur de toute façon. « Elle mérite quelque chose d’original. De complètement à elle. » que tu souffles, tes doigts venant doucement caresser sa joue alors que ses petits yeux se ferment sous le contact.

J’ai pas envie qu’on quitte cette chambre. J’ai pas envie qu’on affronter le monde, même si notre fille vient de l’égayer. J’ai pas envie que notre quotidien reprenne son cours, j’ai pas envie d’avoir à penser à mon boulot, à mes responsabilités, à tout le reste ; j’ai juste envie de rester là, mon regard qui oscille entre ma femme et ma fille à en avoir le tournis, le silence brisé uniquement par les gazouillis de notre bébé, un son hasardeux dont je ne me lasserai probablement jamais. J’ai envie de rester là pour imprimer chaque détail de cette scène dans mon esprit, pour toujours m’y raccrocher – parce que je me connais, parce que je doute, tout le temps, des autres autant que de moi et s’il y a bien quelque chose qui me ramènera à mes obligations, ce sera ce moment. Celui où je suis devenu père et, par conséquent, je suis supposé devenir un meilleur homme. J’ignore encore dans quelle mesure je vais réussir dans ce rôle, persuadé que les échecs m’accompagneront d’une façon ou d’une autre comme ils l’ont toujours fait. Je vais faire des erreurs, oui, mais je vais surtout lui montrer qu’elle peut compter sur moi ; j’ai des années de négligence à compenser pour lui rendre la vie plus belle qu’elle ne l’a été pour moi. Je sais pas si je serai un bon père, mais j’essayerai. J’essayerai toujours de lui faire comprendre que je l’aime, qu’elle peut compter sur moi, qu’elle est ma plus belle réussite et que le monde a besoin d’elle. Que j’ai besoin d’elle, et j’espère qu’elle aura besoin de moi aussi. Mais ma femme me rappelle à nos obligations et au fait que nous n’avons pas encore trouvé de prénom, quand bien même je me lasserai probablement jamais de l’appeler « ma fille », même si j’ai conscience qu’elle me détestera dans quelques années quand j’insisterai sur notre lien de parenté pour m’aider à réaliser que j’ai réussi à fonder ma propre famille ; parce que je doute de réussir à redescendre de ce petit nuage rendu possible par Autumn. La vérité, ce n’est pas que je n’ai pas vraiment d’idée, c’est que je n’ose pas vraiment les expliciter. J’ai peur qu’elles soient considérées comme ridicules, impossibles à porter ou tout simplement détestables. Je n’ai pas envie d’admettre que j’ai cette idée en tête depuis bien avant la naissance, bien avant même notre rencontre ; une idée qui ne m’a jamais quittée quand j’espérais, plus jeune, réussir à changer la donne pour moi et me créer ma propre famille à défaut d’avoir réellement eu l’impression d’appartenir à celle dans laquelle je suis né. « Je suis sûre qu’elle manquera pas de te faire savoir, si elle aime pas tes idées. » J’esquisse un léger rire. Si elle est le mélange de nous deux, elle saura me faire comprendre sa position tout en restant bienveillante – oui, je suis déjà persuadé que ma petite est doté d’autant de qualités alors qu’elle n’a que quelques heures. « Sinon, je peux m’en charger pour deux, en attendant. » C’est déjà plus probable, oui, car je sais qu’Autumn a un caractère bien plus affirmé que le mien et qu’elle saura me transmettre son opposition. Néanmoins, toujours craintif et considérant qu’elle est bien celle qui a le plus son mot à dire compte tenu du travail acharné qui a été le sien, je préfère l’interroger, indirectement, sur ses préférences personnelles. « À moins que tu penses qu’elle a l’air d’une Pauline ou d’une Edna, je pense qu’on est mieux de commencer de nouvelles traditions. » -  « Mais Edna c’est parfait, elle pourra se vanter d’un hommage aux Simpsons ! » J’annonce, convaincu, avant de me trahir en riant doucement. C’est un peu hypocrite de ma part puisque mon idée est aussi un hommage à un personnage de fiction, seulement il est bien moins connu et elle n’aura pas à assumer de comparaison difficile. « Elle mérite quelque chose d’original. De complètement à elle. » C’est certain. Je ne veux pas qu’elle soit une énième Olivia, Emily ou Mia, aussi beaux que puissent être ses prénoms. Le silence qui s’ensuit m’indique de me lancer, ce que je finis par faire nerveusement. « Quand j’étais plus jeune, j’ai lu un bouquin et je l’ai bien aimé. » Je débute, conscient qu’il s’agit d’un euphémisme. « Je veux dire... C’était la première fois où j’avais l’impression que mon histoire avait du sens, parce que je pouvais enfin m’identifier à quelqu’un. » Ce qui n’était pas le cas à l’école, alors que mes camarades se vantaient de leurs week-ends en famille, des moments privilégiés avec leur père ou leur mère, qu’ils avaient toujours quelqu’un pour venir les soutenir lors des activités organisées par l’école ou lors des remises de diplômes. Je suis resté seul la plupart du temps, naviguant entre le harcèlement et ma recherche d’identité, et si une fois ado j’ai compris que je n’étais pas le seul dans ce bateau-là, quand j’étais au collège, j’avais l’impression que mon histoire n’existait pas parce que personne ne la partageait. « C’était aussi la première fois que j’arrivais à lire un bouquin sans trop de difficultés, j’imagine que ça se fête. » J’essaie de plaisanter. J’ai eu du retard, à l’école, parce que mes parents n’avaient pas jugé utile de me scolariser de manière suivie et quand j’ai débarqué, avec mes difficultés d’apprentissage et de locution, ça n’a fait que donner des arguments aux autres pour faire de moi leur victime favorite. « Mais bref, c’est un bouquin pour enfants, mais j’aime bien le relire de temps en temps parce qu’il a été important pour moi, et que c’était bien la première fois où j’avais pas l’impression d’être tout seul. » J’ai trouvé de la compagnie en la personne d’un personnage de fiction, c’est peut-être pathétique, mais ça a dicté ma manière d’être, et mon intérêt pour tout ce qui relève de l’imaginaire. « Et donc, le personnage principal s’appelle Flora, et je sais pas... j’ai toujours aimé ce prénom, et je me suis dit que, peut-être, un jour si j’avais une fille, eh bien... » Je l’appellerais ainsi. Un hommage, en quelque sorte, et si ce bouquin n’a pas non plus changé ma vie du tout au tout, il m’a donné l’impression d’être légitime. « Je te force pas, bien sûr, surtout que c’est assez original, mais voilà, c’est l’idée que j’ai, de mon côté. » Je minimise en haussant les épaules, évitant soigneusement le regard d’une Autumn qui a appris à connaître mes blessures avec les années, même si je persiste à prétendre qu’elles sont pansées. Et je crois que je me suis trahi sur le fait que ce n’est peut-être pas tout à fait vrai ; même si je crois aussi qu’avec cette petite fille, je suis sur la bonne voie.

@Autumn Galloway

Ce moment-là, tu en as tant rêvé. Des années durant, tu t’es imaginée ce que ce serait, que de tenir ton enfant contre toi, de sentir son odeur, de caresser sa peau, d’analyser son visage pour en retenir chaque trait. Le rêve ne rend pas justice à la réalité. À l’amour que tu portes déjà à cette petite fille que tu ne connais pas, mais que tu connais par cœur à la fois. C’est exaltant, terrifiant, indescriptible comme sentiment et de savoir que Kieran est là, juste à côté de toi, à ressentir ce même mélange d’émotions te rassure. Il te suffit de voir le regard qu’il pose affectueusement sur votre fille pour que tu puisses y lire tout l’amour qu’il a déjà pour elle. Un amour qu’il n’a jamais reçu comme ça de la part de ses parents, un amour et un manque que tu ne sauras jamais réellement combler à toi seule, mais une plaie que tu espères pouvoir apaiser au fil du temps avec l’aide de la petite merveille qui gigote doucement dans tes bras. Petite merveille sans nom, petite merveille qui ne peut pas se faire simplement appeler ‘ma fille’, qu’importe à quel point ça sonne bien à tes oreilles et à celles de ton mari. « Mais Edna c’est parfait, elle pourra se vanter d’être un hommage aux Simpsons! » Il rigole Kieran et heureusement, parce que tu étais déjà prête à lui faire une longue liste en multiples exemplaires de raisons pour lesquelles le prénom Edna ne deviendrait pas celui de votre fille. Il n’en reste pas moins que tu souhaites avoir son avis, ses idées, sa première impression maintenant qu’il a posé ses yeux sur elle. « Quand j’étais plus jeune, j’ai lu un bouquin et je l’ai bien aimé. Je veux dire… C’était la première fois où j’avais l’impression que mon histoire avait du sens, parce que je pouvais enfin m’identifier à quelqu’un. » Tu te redresses légèrement dans ton lit d’hôpital, faisant attention de ne pas déranger ta fille dans tes mouvements, ton attention complètement adressé à ton mari. Si les anecdotes sur son passé se font moins rares avec les années, elles n’en demeurent pas moins précieuses à ton sens puisque tu sais que ce n’est pas quelque chose qui vient naturellement à Kieran. « C’était aussi la première fois que j’arrivais à lire un bouquin sans trop de difficultés, j’imagine que ça se fête. » Dans un geste tendre, ta main vient se glisser contre ta joue. Tu as compris avec le temps qu’il se protège avec l’humour, qu’il tente d’amoindrir la douleur des souvenirs avec une blague qui ne te fait pas rire, mais pour laquelle tu lui offres un sourire, l’invitant ainsi à poursuivre. « Mais bref, c’est un bouquin pour enfants, mais j’aime bien le relire de temps en temps parce qu’il a été important pour moi, et que c’était bien la première fois où j’avais pas l’impression d’être tout seul. » « On l’a à la maison, ce livre? » que tu demandes, pensant à la collection de livres pour enfants que vous étiez déjà en train d’amasser depuis que vous aviez appris que tu étais enceinte. Tu te demandes si aux travers de ces pages ne se trouvent pas l’idée de prénom que Kieran se tarde tant à te partager. « Et donc, le personnage principal s’appelle Flora, et je sais pas… j’ai toujours aimé ce prénom, et je me suis dit que, peut-être, un jour si j’avais une fille, eh bien… » Et il est là, ce jour. Il est enfin là. Ton regard passe de Kieran à votre fille et tu l’observes longuement alors que le prénom joue en boucle dans ta tête. « Je te force pas, bien sûr, surtout que c’est assez original, mais voilà, c’est l’idée que j’ai de mon côté. » « Flora. » que tu répètes finalement à voix haute, le prénom (ou bien le son de ta voix) faisant réagir votre fille légèrement, ses petites menottes s’agitant dans les airs. « Flora Halstead, c’est joli non? » que tu demandes à la principale intéressée, tes doigts venant caresser avec tendresse ses petites joues joufflues. « Tu m’as jamais parlé de ce livre avant aujourd’hui. » Probablement parce que ce n’était pas le genre de souvenirs qui s’évoquent aléatoirement. Peut-être même que le souvenir n’était pas aussi concret avant que votre fille ne vienne au monde, mais tu sais que c’est important et significatif pour Kieran et ça te suffit comme raison pour que ça en fasse le prénom parfait pour votre fille. « Je trouve que ce prénom lui va à merveille. » Et plus tu le penses, plus tu le laisses couler entre tes lèvres, plus il t’apparaît comme une évidence. « J’ai déjà hâte de suivre les aventures de Kieran et Flora, celles que je sais que tu vas dessiner avec la plus grande attention. » Et peut-être qu’à ce moment-là, il aura un nouveau livre auquel il pourra s’identifier, une nouvelle ancre d’attache à cette vie, votre vie, celle que vous bâtissez à deux depuis un moment, qui sera plus belle que jamais maintenant que vous êtes trois. « Est-ce que tu aimerais qu’on lui donne un deuxième prénom? »

Elle mérite un prénom à la hauteur de la personnalité qu’elle se forgera avec les années. Je ne veux pas qu’elle devienne l’énième détentrice d’un prénom du top dix australiens, au point de se noyer dans la foule, d’être considérée comme trop banale, trop invisible pour que l’on se retourne sur son passage. Je ne veux pas que ma fille connaisse le même sentiment que moi, celui d’être de trop, d’être un visage sitôt oublié parmi une foule, avec un prénom qui n’évoque pas grand-chose de plus. Je sais que c’est probablement ridicule d’être aussi pointilleux, de me faire des films sur la durée alors qu’il ne s’agit que d’un prénom. Mais justement, pour moi ce n’est pas qu’un prénom, c’est l’identité qui deviendra la sienne, celle qu’elle devra construire et s’approprier avec les années, et je veux qu’elle ait du sens. Je suis bien placé pour me permettre d’être prudent à ce point, alors que mon prénom et mon nom n’avaient finalement aucun sens jusqu’à ce qu’Autumn entre dans ma vie ; car le premier n’était jamais retenu par les gens, tandis que j’étais le seul à porter le second, me riant au nez quant au fait de rêver d’une famille alors que, pendant longtemps, j’ai été l’unique composant de celle-ci. Alors oui, à mes yeux la tâche n’est pas anodine et il ne s’agit pas seulement de donner un prénom que l’on trouve joli, mais qui n’aurait rien de plus à offrir. J’ai envie qu’il ait déjà une histoire, qu’il traduise de la fierté que je ressens à cet instant, du bonheur qui est le mien même si c’est sans doute égoïste de décider de toutes ces choses pour elle et, j’imagine, de lui coller une certaine pression sur les épaules alors qu’elle n’a que quelques heures. J’y ai longuement réfléchi avant même ce jour, même si jusqu’ici, je me suis toujours contenté de prétendre ne pas avoir de grande idée – j’imagine qu’Autumn me connait assez pour ne pas se vexer de mon manque d’affirmation. Flora. C’est ainsi que j’aimerais nommer notre enfant, mais justement, il s’agit de l’être qui nous représente tous les deux et je sais que je n’ai pas plus de poids qu’Autumn – bien au contraire, c’est elle qui l’a portée pendant neuf mois, c’est elle qui lui a donné la vie et elle serait tout à fait légitime de choisir un prénom qui lui plaît avant tout à elle. « On l’a à la maison, ce livre? » - Je secoue la tête ; évidemment qu’on l’a à la maison. « J’en ai un exemplaire, que je compte bien lui laisser. » Il est usé, elle mériterait sans doute un neuf, mais j’espère qu’il aura une autre valeur. « Forever, or a Long, Long Time. » Le titre, dans l’hypothèse où elle voudrait s’y intéresser. J’aimerais bien, pour être honnête, car ça lui permettrait de comprendre une partie de ma situation sans que je n’aie à le verbaliser – parce que j’ai toujours été doué pour ça, bien sûr. « Flora. » Et j’arrive pas à retenir l’énorme sourire qui prend possession de mes lèvres lorsque je l’entends de la bouche de ma femme ; et lorsque ma fille semble l’approuver. Je crois même que mes yeux brillent et qu’une larme – de bonheur – menace de couler à tout moment. « Flora Halstead, c’est joli non? » Et elle coule la larme, que j’essuie rapidement, bien qu’elle soit synonyme de joie. Flora Halstead. Ma fille, dans les bras de ma femme, pour ce nouveau chapitre de notre famille. J’ai l’impression d’avoir attendu ça toute ma vie ; et aujourd’hui que c’est là, j’arrive pas à prendre la pleine mesure de tout le bonheur que ça m’apporte. Je dois être ridicule, je dois être de ces gens détestables parce qu’ils se gargarisent d’amour et de joie, de ceux que j’ai longtemps détestés parce qu’ils me renvoyaient à tout ce qu’il me manquait. Mais plus rien ne me manque aujourd’hui et pour la première fois, je ne ressens plus ce vide dans mon cœur qui m’a accompagné toute ma vie. Je suis enfin entier, je crois. « Tu m’as jamais parlé de ce livre avant aujourd’hui. » -  « Ça la fout mal de dire que mon livre préféré est un livre pour enfants. » Adolescents, je pourrais dire pour m’accorder plus de mérite ; ça reste une lecture complexe pour certains âges, ça l’était pour moi à l’époque, du moins. « D’autant qu’il est pas particulièrement joyeux. » Enfin, ça dépend, il l’est autant qu’il peut être un crève-cœur, parce qu’il illustre à merveille le ressenti qu’on peut avoir, quand on est ballotté d’une famille à une autre, sans possibilité d’attaches. We come from the hidden corners. The dark spots in the lungs or closets where secrets get lodged, the kind of secrets that takes years to wiggle loose. « Je trouve que ce prénom lui va à merveille. » - « Moi aussi, en toute objectivité évidemment. » Je me vante, j’exagère, avant de rire, mon regard qui passe d’Autumn à Flora. We come from places where things get stuck and hidden and lost. But person, and people, love us anyway. Et Autumn m’aime. Et Flora m’aimera autant que je l’aimerai. « J’ai déjà hâte de suivre les aventures de Kieran et Flora, celles que je sais que tu vas dessiner avec la plus grande attention. » - « Kieran, Flora et Autumn. » Je corrige, avant de préciser : « Il n’y a pas de Flora ni de Kieran sans toi. » C’est la vérité, j’en serais pas là où j’en suis aujourd’hui si elle ne m’avait pas accompagnée toutes ces années, si elle ne m’avait pas prouvé que je pouvais, moi aussi, goûter à l’amour. Alors si je dois croquer les traits de notre quotidien, ce sera avec elle aussi. « Est-ce que tu aimerais qu’on lui donne un deuxième prénom? » - « On s’est pas décidé sur Edna ? » Je demande, sérieux, avant de rire. « J’ai fait ma part du boulot concernant les prénoms, à ton tour. » Je l’informe, car si elle a une idée, qu’elle n’hésite pas à l’affirmer – quelle ironie, me connaissant. Flora gigote un instant, poussant un petit cri strident, me provoquant une moue attendrie avant que je ne relève les yeux vers Autumn. « Bon courage pour me supporter, parce que je vais être le plus gaga des papas. » J’avoue, riant à nouveau avant d’ajouter : « le genre qui va sortir l’appareil photo pour absolument tout et qui va tenir un livre de tous ses exploits, et je te parle même pas du nombre de fois où tu m’entendras crier ton prénom et courir dans toute la maison pour que tu viennes voir ce qu’elle a fait, même si ça consiste à juste lever le bras. » Oui, bon courage à elle, mais elle ne pourra pas dire que je ne l’ai pas prévenue.

@Autumn Galloway

Elle est là et elle est belle, votre fille. Elle est parfaite, avec ses petites joues joufflues et ses petits doigts qui s’accrochent aux tiens, comme si elle savait déjà que tu serais toujours là pour la guider dans ce nouveau monde dans lequel elle vient d’entrer. Celui dont elle ne connaît pas grand-chose encore, mais où elle a déjà de fortes attaches. Toi, son père, dont elle reconnaît la voix, tu en es persuadée. Lui qui la regarde déjà comme si elle était la huitième merveille du monde, la plus belle chose sur laquelle il n’a jamais eu l’occasion de poser les yeux. Tu ne peux pas lui en vouloir après tout, tu es certaine que toi aussi, tu la regardes exactement de cette façon-là et tu ne vois pas le genre où cela va changer. Son prénom apparaît telle une évidence pour ton mari, et d’entendre l’histoire derrière son choix ne fait que confirmer un peu plus ce choix. « J’en ai un exemplaire, que je compte bien lui laisser. Forever, or a Long, Long Time. » Tu hoches doucement la tête, tentant de te souvenir si tu es en mesure de replacer le livre en question dans la petite bibliothèque déjà construite et remplie de livres en tout genre dans la chambre qui sera bientôt celle de votre fille. Là où Kieran a déjà laissé de multiples traces de sa plume sur les murs, les couleurs vibrantes et les animaux en tout genre prêts à accueillir la reine de la jungle. Il ne restera plus qu’à faire faire une plaque avec son nom, maintenant qu’elle en a un qui lui va à la perfection. Son nom glisse si aisément entre tes lèvres, tu n’as pas le moindre doute que c’est celui pour lequel elle était destinée. Flora. Tu n’es pas sans voir l’émotion qui gagne ton amoureux, alors qu’il vient rapidement effacer une larme que tu sais de joie coulant sur sa joue. Tu tends une main dans sa direction, tes doigts glissant contre sa joue légèrement humide, l’envie et le besoin de vous enfermer tous les trois dans une bulle de bonheur irrépressibles. « Ça le fout mal de dire que mon livre préféré est un livre pour enfants. D’autant qu’il est pas particulièrement joyeux. » Tu plonges ton regard dans le sien, ton pouce caressant doucement son menton, là où tu peux sentir sa barbe légèrement plus longue qu’à l’habitude dû aux derniers jours passés à l’hôpital. « Moi qui pensais que je savais tout de toi. » que tu commentes d’une voix douce, consciente qu’il y aurait toujours des petits détails comme ça à découvrir sur lui et que rien, absolument rien, ne pourrait diminuer l’amour que tu lui portes, bien au contraire. « Mais j’aime toujours autant découvrir des petites parcelles de toi comme ça, cachées et pourtant si belles, malgré ce que tu en penses. » Parce que c’est peut-être bizarre aux yeux de Kieran, mais tu le connais assez pour savoir que ce livre n’a pas une si grande signification pour lui sans raison, comme tu sais que chaque petit chose qui peut le déranger chez lui sont des choses qui te charment un peu plus sur sa personne. « Moi aussi, en toute objectivité évidemment. » Un rire t’échappe, et puis ton regard se pose une fois encore sur la petite fille entre tes bras. Tu peines encore à réaliser pleinement qu’elle est là, qu’elle est vôtre, que tout a changé désormais. « Kieran, Flora et Autumn. Il n’y a pas de Flora ni de Kieran sans toi. » Ta gorge se serre et tes yeux deviennent humides à l’entendre et voilà que c’est toi soudainement, qui es éprise d’une vague intense d’émotions. « Tu vas m’faire pleurer. » que tu minaudes alors que clairement, la fatigue et les hormones te rendent encore plus sensible que tu ne l’es normalement. Kieran, Flora et Autumn. Un trio dont chaque morceau s’ajuste à la perfection, toi qui as si longtemps eu peur d’être un morceau à part, qui ne trouverait jamais sa place, tu l’avais désormais, ta place, avec eux. « On s’est pas décidé sur Edna? » Tu fais des gros yeux à ton mari, refusant de donner à ta fille un deuxième prénom aussi vieux-jeu, qu’importe si c’est aussi le prénom de ta grand-mère préférée. « J’ai fait ma part du boulot concernant les prénoms, à ton tour. » Ça te semble être un argument assez juste, et tu fais mine de réfléchir quelques secondes, te remémorant les quelques prénoms que tu avais mis de côté pour ce moment bien précis. Tu sondes le visage de ta fille, tentant de voir lequel lui va le mieux, et surtout lequel sonnerait le mieux avec Flora. « Qu’est-ce que tu penses de Jade? Flora Jade Halstead? Jolie, forte et précieuse. » Tu viens déposer un léger baiser sur le front de la petite fille, qui lâche un petit cri strident pour vous rappeler sa présence, toute la vie qu’elle possède déjà, confortable et comblée entre tes bras sous le regard admiratif de son père. « Bon courage pour me supporter, parce que je vais être le plus gaga des papas. Le genre qui va sortir l’appareil photo pour absolument tout et qui va tenir un livre de tous ses exploits, et je te parle même pas du nombre de fois où tu m’entendras crier ton prénom et courir dans toute la maison pour que tu viennes voir ce qu’elle a fait, même si ça consiste à juste lever le bras. » « Je suis prête. Tu m’as bien préparé pour ton niveau de ‘papa gaga’ en étant à mes côtés constamment pendant la grossesse, je m’attends pas à ce que ça change. » que tu répliques avec un rire, déjà impatiente de voir ce côté de lui transparaître en force avec votre fille qui jamais n’aura le moindre doute quant à l’amour et l’attention que lui voue ses parents. « Tant que tu me promets d’apparaître sur les photos, toi aussi. » Pas question de se cacher constamment derrière l’appareil, tu veux immortaliser avec chaque étape importante sa présence, la manière dont il la regarde et la chérit. « Est-ce que c’est égoïste de vouloir la garder juste pour nous comme ça? » que tu lui demandes, soudainement soucieuse de votre décision de garder le secret sur l’arrivée de votre fille jusqu’à votre sortie de l’hôpital. Tu sais que tes parents, ton frère et plusieurs de vos proches attendent avec impatiente la nouvelle, et pourtant, tu as simplement envie de vivre ça avec Kieran, et seulement lui. Ta famille, ton tout.

J’observe ma fille en songeant à toutes les choses que je pourrai partager avec elle. Je ne peux pas me vanter d’exceller dans de nombreux domaines, mais je pense en maîtriser quelques-uns ; dans le cas contraire, ma curiosité saura me permettre de m’intéresser aux choses qui suscitent son intérêt. Peu importe que je ne les comprenne pas, ou que je sois nul dans les domaines où elle réussira. S’il y a une promesse que je peux déjà lui faire, c’est que rien qu’elle ne puisse faire n’attisera mon mépris ou mon indifférence ; je la soutiendrai quoiqu’elle puisse faire. Je me hâte déjà de passer du temps avec elle et que l’on apprenne l’un avec l’autre, et bien sûr qu’elle n’y échappera pas non plus. Ce livre est déjà dans sa bibliothèque et peu importe qu’elle ait un gout pour la lecture ou non, je ne cesserai sans doute jamais de lui en vanter les mérites, de même pour Autumn alors que je lui en donne le titre et que, dans un sens, je lui offre l’accès à quelque chose d’intime que je n’ai jamais partagé auparavant, pas même avec elle. Pourtant, ce n’est pas faute de lui faire confiance. J’ai confiance en elle, plus qu’en quiconque – plus qu’en moi-même – et je sais qu’elle n’aurait jamais pris à la légère cette confession. Mais je crois qu’il y a encore une part de moi qui a envie de lui vendre une version différente de celui que je suis, moins perturbée, moins hantée sans doute, et qui, pour la première fois, me paraît enfin accessible. Parce que je ne peux plus être ce genre de personne avec ma fille, et parce qu’elle est la preuve vivante qu’il est temps de s’intéresser à tout ce que le futur me réserve plutôt que de songe à ce que tout le passé m’a déjà fait traverser. Je ne peux pas m’empêcher de sourire quand sa main glisse sur ma joue, appréciant comme au premier jour chaque contact qu’elle initie en ma direction. Je ne pense pas qu’il soit possible de s’en lasser. « Moi qui pensais que je savais tout de toi. » Je hausse les épaules, un peu gêné que ce ne soit pas encore le cas, ne voulant pas lui donner l’impression d’avoir des secrets pour elle. S’ils existent, ils ne sont pas volontaires et certainement pas importants. « Mais j’aime toujours autant découvrir des petites parcelles de toi comme ça, cachées et pourtant si belles, malgré ce que tu en penses. » Pour seule réponse, je me relève pour mieux m’approcher d’elle et poser mes lèvres contre les siennes. « Je t’aime. » Qu’elle ne l’oublie jamais.

Flora, ce sera donc, et mon sourire ne pourrait être plus large, quand ce prénom est validé par ma femme, alors que je me sens toujours un peu égoïste d’en être à l’origine alors que je lui dois tout. Mais ma fille a validé cette idée et cela me suffit à m’apaiser un peu. Tous les protagonistes sont désormais prêts à se lancer dans ce nouveau chapitre. « Tu vas m’faire pleurer. » J’esquisse un bref rire, ma main glissant vers sa joue comme elle l’a fait avec moi quelques minutes auparavant. « Désolé. » Je ne suis pas si désolé, et mon sourire me trahit. Ce n’est pas que j’aime la voir pleurer, évidemment que ce n’est pas le cas, mais j’aime cet instant entre nous trois. Je reporte mon attention sur Flora quand il s’agit désormais de compléter son identité, et cette fois-ci c’est Autumn qui est la décisionnaire. « Qu’est-ce que tu penses de Jade? Flora Jade Halstead? Jolie, forte et précieuse. » - « Flora Jade Halstead. » Je statue, lui confirmant ainsi que ce sera son deuxième prénom, qui lui sied déjà à merveille. De la même manière, je peux lui confirmer ce qu’elle a déjà pu craindre pendant sa grossesse ; je serai omniprésent, sans doute un peu lourd, mais pas décidé à rater le moindre fait et geste de ma fille. « Je suis prête. Tu m’as bien préparé pour ton niveau de ‘papa gaga’ en étant à mes côtés constamment pendant la grossesse, je m’attends pas à ce que ça change. » - « Oups. » Je m’excuse, pas sincère pour un sou, en esquissant une petite moue. « Tant que tu me promets d’apparaître sur les photos, toi aussi. » - « Du chantage ? Vraiment ? » Je lui demande en fronçant les sourcils et en tentant de rester sérieux – c’est un échec. « Bien sûr que je serai sur les photos. » Et c’est le cas. Même si j’ai toujours préféré me cacher, il n’est pas question de manquer les grands moments de notre vie de famille. J’ai envie que ces souvenirs-là soient ceux de ma fille, mais aussi les miens. « Est-ce que c’est égoïste de vouloir la garder juste pour nous comme ça? » Je me penche, mon bras venant entourant la silhouette de ma fille pour ensuite venir caresser le crâne de ma fille. « Non, on s’en félicitera quand elle aura seize ans et qu’elle ne voudra plus être dans la même pièce que nous. » J’en ris, même si j’espère que nous n’en arriverons pas là et que sa crise d’adolescente saura nous épargner un minimum. Et même si c’est dans longtemps, je sais que le temps va filer à une vitesse folle à partir de maintenant ; et c’est bien pour ça que nous devons profiter de chaque instant.

@Autumn Galloway