I feel like God playin' tricks on me, got a fix on me, feel the weight of the world like I got a brick on me. Had a dance with the devil and he got a grip on me. where's my Superman? I need you faster than a bullet or a speedin' train. And when you find your way to me then I can't wait until the day that we can meet again
Un être dépourvu d’amour-propre fait les cent pas devant les bureaux du Walker Group depuis une bonne vingtaine de minutes, attendant d’en voir sortir un père qui n’a toujours pas accepté le moindre dialogue avec lui. Quand il ne passe pas plusieurs fois devant sa maison c’est à son travail que Carl tente de l’apercevoir mais jusqu’ici il n’a que très rarement eu cette chance, alors il faut croire que Neil est passé maitre dans l’art de l’esquive. Ce qu’il voudrait c’est souhaiter une bonne année à son père, ça ne mange pas de pain et c’est aussi ce que font les familles normales, du moins c’est ce qu’il suppose car la sienne n’entre pas vraiment dans cette catégorie. Carl sait que c’est à lui d’en prendre une fois de plus l’initiative parce qu’il a plus de chance de trouver un trésor dans le jardin de Talia que d'avoir droit aux vœux de Neil le premier. C’était aussi son anniversaire il y a trois jours, et est-ce que son père s’est fendu d’un malheureux message pour ses vingt-deux ans ? Non, bien sûr. Il ne s’attendait pas à grand-chose Carl mais il était quand même déçu à l’arrivée, c’est un jour particulier où son père aurait pu lui donner l’impression d’exister juste un peu à ses yeux mais les quelques illusions qu’il avait se sont vite évaporées. Il semble évident que Neil ne veut pas s’encombrer d’un fils en ce moment et pourtant il s’accroche Carl, renoncer aux gens de toute façon il ne sait pas trop faire. Revenir en rampant est même la spécialité du garçon et une chose est sûre, il ne risque pas de mourir d’un excès de dignité. Il fait pitié et il le sait, ce n’est qu’une tentative désespérée de plus de sa part d’exister aux yeux des autres et aujourd’hui encore Carl tente sa chance en sachant pertinemment qu’il se fera rembarrer si son père finit par apparaitre. Neil a pourtant été clair la dernière fois, il ne veut pas discuter avec lui ni le voir dans les parages mais comme toujours ses mots entrent par une oreille et ressortent par une autre, Carl étant décidément bien incapable de se faire une raison. Son père est la seule personne dans ce monde qui peut le décevoir à l’infini alors partant de ce principe, le bonhomme est susceptible de se prendre encore une multitude de murs avant que ces deux-là n’arrivent à se parler.
Ce n’est pas en fixant cet immeuble que son père en sortira plus vite mais il ne peut pas prendre le risque de le rater, pas alors qu’il met une fois de plus sa vie sur pause pour lui. C’est encore du temps qu’il va perdre, du temps qu’il pourrait investir ailleurs au lieu de foncer vers son propre désenchantement mais Carl est ce qu’il est, un garçon borné qui n’arrêtera jamais de courir après l’attention d’un homme auquel il fait honte. Son palmarès est chaque jour un peu plus minable mais il peut certainement faire pire, car c'est quand on pense qu'il a touché le fond que Carl se met à creuser davantage. Le garçon est aujourd'hui si concentré sur son objectif qu’il ne remarque pas cet homme planté à quelques mètres de là, dont le regard se trouve braqué avec insistance vers lui. Carl est dans son monde, noyé dans des pensées où seul son père semble vraiment exister et quand il réalise finalement qu'on l'observe, l'individu amorce aussitôt un déplacement vers lui. Il devine alors à l'expression de son visage et à sa démarche déterminée que ses intentions ne sont pas bonnes, mais cette confrontation paraît s'imposer sans qu'il ne puisse y échapper. « Le taré de la télé en chair et en os, je savais bien que ta tronche me disait quelque chose. » Bingo. Ce type n’est pas venu à sa rencontre pour lui parler de la météo du jour, c’est désormais certain. Sa voix est aussi agressive que ce regard qu’il lui jette et Carl comprend qu’il vient de récolter un détracteur de plus, comme s'il n'en avait pas déjà assez. Ces haters de la vraie vie ne semblent pas décidés à l'oublier et ça le surprend toujours qu'on le reconnaisse un an et demi après sa sortie de l’émission, autant que ça peut le navrer. « Ils t’ont toujours pas enfermé ? Les cinglés comme toi c’est à l’asile qu’est leur place. » Ce discours, Carl le connait par cœur. Ce n'est même pas un peu original et à force le bonhomme est fatigué d'entendre les mêmes choses, sur le même ton perpétuel. Alors il ignore Carl, il fait mine que ça ne l'atteint pas même s'il pourrait difficilement être moins serein qu'à cet instant. « Hey tu m’écoutes ? T’attends qui là, une nana que tu vas pouvoir traquer ? Tu t’arrêtes jamais en fait. » Le type le bouscule et Carl manque déjà de perdre son équilibre avec sa faible résistance, de quoi l'inquiéter de ne pas ressortir sur ses deux jambes de cet échange forcé. « Arrêtez s’il vous plaît. » il souffle en prenant soin de fuir son regard alors que cette proximité engagée le met très mal à l’aise. « Les vermines dans ton genre je les écrase moi, t’entends ? » Et l'homme insiste, le bousculant à nouveau – en voilà un autre qui a manifestement beaucoup de temps à perdre aujourd’hui. Carl a de plus en plus de mal à rester concentré sur cette porte face à lui d’où son père pourrait surgir d'un instant à l'autre et ce type menace de tout gâcher en s'imposant de cette façon, un acharnement qui finit par avoir raison de son mutisme. « Bon euh stop, vous.. vous m'étouffez là ! » Il râle une première fois et cette réaction tardive ne décourage pas son détracteur, bien au contraire puisque celui-ci le saisit au niveau des bretelles de son sac à dos pour s’assurer qu’il ne s’échappe pas. « Mais lâchez-moi, j’vous ai rien fait ! » Il en a connu des lourdingues qui n’avaient rien de mieux à faire que de s’en prendre à lui mais il craint soudainement que celui-ci puisse devenir violent, au pire moment qui soit. Carl ne tient pas à ce que son père le voit dans cette posture, ça ne ferait qu’ajouter une couche de plus à l’immense honte qu’il traine déjà alors il se prend à espérer que quelqu’un ressentira sa détresse parmi les passants autour. Il peut toujours rêver mais les héros qui débarquent pour sauver les âmes en peine existent surtout dans les films ou dans ses jeux vidéo, Carl devrait le savoir.
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Si les plafonds étaient assez fins, Chelsea entendrait probablement ses voisins du dessous pestiférer. Pourquoi faisait elle les cents pas dans son appartement et pourquoi avait-elle l’air de faire tomber tous les objets bruyants sur son passage ? Peut-être bien parce que c’était effectivement le cas, la rousse n’arrivait pas à trouver ce qu’elle recherchait et c’était entièrement de sa faute, même si elle râlait parce qu’elle était certaine d’avoir laissé sa paperasse par-ci ou par là. Entamer sa deuxième année d’études ne l’avait pas rendu plus organisée, elle en avait fait rire plus d’un lorsqu’elle avait annoncé que devenir moins bordélique était l’une de ses plus grandes résolutions. S’améliorer sur ce point était plus qu’urgent et elle le voyait bien, elle risquait de rendre son travail en retard alors que celui-ci était terminé depuis plusieurs jours. Le téléphone de l’étudiante sonna, l’apparition du nom de son grand-père la poussa à répondre de façon quasi instantanée. Typical Chelsea, c’est ce que dirait son meilleur ami s’il la voyait, elle trouvait toujours le temps de s’occuper de Raghnall quand elle n’en avait bizarrement jamais assez pour ranger. Elle n’arrêtera pas ses recherches pour autant, persuadée que son cerveau était suffisamment multitâches pour gérer deux actions. Il était un vrai moulin à paroles, mais elle ne s’en plaignait jamais, même s’il se faisait de plus en plus redondant. Elle cria de joie quand elle retrouva enfin son compte rendu, qui était sous une pile de vêtements. Chelsea le remercia de lui avoir porté chance, sa gratitude envers lui n’étant absolument pas exagérée et dégoulinante. La rousse s’accorda le droit de gagner son canapé et de continuer tranquillement cette conversation, après avoir jeté un oeil à son horloge, elle disposait encore de plusieurs heures avant de devoir quitter son logement. Elle raccrocha au bout d’une heure, elle avait du mal à croire qu’elle avait passé autant de temps au téléphone, son grand-père était le meilleur des exemples pour prouver que les femmes n’étaient pas forcément les plus bavardes. Si seulement il pouvait faire la conversation à sa place aux clients de l’hôtel Emerald, elle serait la plus heureuse des employés. Cette pensée lui rappela qu’elle ferait bien de regarder son emploi du temps, ses horaires ayant du mal à trouver une véritable place dans son cerveau encombré. Elle hocha de la tête après les avoir répétés plusieurs fois à voix haute, il était temps qu’elle se prépare, son école n’étant pas à la porte d’à côté.
Un gros casque visé sur les oreilles, elle déambula avec décontraction dans ces rues qu’elle connaissait sur le bout des doigts. Elle se demandait parfois s’il existait un seul lieu qui ne figurait pas dans ses souvenirs, elle aurait pu devenir guide de Brisbane si elle l’avait souhaité, mais cette ville était-elle assez intéressante pour attirer une grosse manne de touristes ? Certainement pas, elle manquait d’endroits historiques et d’originalité, mais elle restait infiniment meilleure que sa ville d’origine. Elle n’était cependant pas exemptée d’idiots, comme ceux qu’elle avait repérés en face d’un immense immeuble, devant lequel elle aurait préféré passer à toute vitesse, parce qu’il lui semblait qu’il s’agissait de celui où sa belle-soeur travaillait. Deux hommes prenaient toute la place sur le trottoir, elle aurait pu chercher à les contourner si l’un d’entre eux n’avait pas commencé à bousculer le second. La scène n’était peut-être pas si anodine que cela, elle décida d’en avoir le coeur net en éteignant sa musique et en retirant son appareil. Le plus jeune d’entre eux était visiblement celui qui se faisait agresser, puisqu’il lui demandait d’arrêter, elle n’était pas vraiment surprise que le plus fort d’entre eux soit celui qui soit à l’origine de ce conflit. Les sourcils de la rousse se froncèrent lorsqu’elle entendit une menace, qui paraissait plus que sérieuse. Elle continua d’analyser la situation, l’agresseur était peut-être doté d’une grande taille, mais sa musculature n’avait rien d’impressionnant. Le beau-père de Chelsea lui avait enseigné qu’il était inutile de craindre une taille, parce qu’elle n’était pas un gage qu’une personne savait se battre, même lorsqu’il s’agissait d’un homme, qu’en réalité seul un tiers de la population devait savoir se défendre et attaquer convenablement. Elle décida donc de se rapprocher d’eux et de tapoter sur l’épaule de l’assaillant. « Hé t’as pas honte de t’en prendre à plus faible que toi ? » Question purement rhétorique, elle avait suffisamment de vécu pour en connaître la réponse, elle était toujours négative pour ce genre d’énergumène. « Laisse-le tranquille, tu m’entends ? » Dit-elle d’un air autoritaire lorsqu’elle croisa son regard. Elle allait être moquée d’ici peu, elle le sentait venir, mais elle n’en avait rien à faire, parce qu’elle savait bien qui d’eux deux rira en dernier et spoiler : il ne s’agira pas de lui. La rousse détourna sa tête vers la victime, qui n’avait pas la moindre trace de blessure pour le moment. Il avait l’air si inoffensif, elle pourrait aisément le comparer à un petit chiot.
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Foutu pour foutu, Carl aurait presque tendance à laisser cet homme se défouler sur lui s'il y tient vraiment car ce n'est pas avec sa frêle carrure qu'il pourra de toute façon repousser celui-ci. Le garçon n'a rien dans les bras et ce n'est peut-être pas la seule chose dont il se trouve être dépourvu, si l'on en juge son incapacité à regarder son détracteur dans les yeux comme à répondre à ce dernier avec un minimum de fermeté. Il voudrait juste qu'on le laisse attendre son père sur ce trottoir comme le fils honteux qu'il est, ce n'est déjà pas simple de l'approcher entre son travail et sa nouvelle vie de famille alors Carl n'a vraiment pas besoin que ce type lui rajoute un obstacle de plus, qu'il n'est pas en mesure de contourner. Ce n'est pas comme s'il pouvait se contenter de l'ignorer, cette méthode marche peut-être avec d'autres mais il semble être tombé sur un individu particulièrement déterminé à pourrir sa journée. Carl regarde autour de lui comme si la solution à son problème était susceptible d'apparaitre comme par magie, et c'est peut-être bien le ciel qui lui envoie cette jeune femme dont la voix se heurte bientôt à celle de son agresseur. Son répondant a au moins le mérite de détourner l'attention jusque là concentrée sur lui et le bonhomme n'en revient pas qu'une passante se soit finalement décidée à intervenir, au lieu de le laisser comme tous les autres en proie à ses ennuis sans lui venir en aide. Peut-être aussi qu'il ne le mérite pas la plupart du temps, c'est ce que Carl s'est beaucoup répété à force d'être proprement ignoré mais il faut croire qu'aujourd'hui, il pourra compter sur le renfort d'une jeune inconnue.
Les premiers mots de celle-ci parviennent tout de même à le faire grimacer car faible, il ne fait aucun doute que Carl l'est et cette évidence ne manque évidemment pas de faire rire son détracteur. Honte, lui ? Il n'en donne vraiment pas l'impression et semble même prendre un malin plaisir à l'intimider, comme à répondre à la rousse s'étant interposée. « Et toi t'as pas mieux à faire que de défendre un taré dans son genre ? » Oh, Carl est lui-même certain qu'elle a bien plus important à faire ailleurs que de s'intéresser à son cas mais il n'ira pas s'en plaindre, pour une fois qu'on ne détourne pas les yeux en le voyant en difficulté. Il ne sait pas s'il lui a fait pitié ou si c'est à ce type qu'elle souhaitait surtout se confronter, mais il la trouve en tout cas très courageuse de s'y frotter. « Je l'approcherai pas de trop si j'étais toi, il a un sérieux problème avec les nanas. Remarque, les stalkers doivent bien en exciter certaines. » Il n'en faut pas plus à Carl pour baisser honteusement la tête car bien sûr, il n'est pas fier de voir son petit palmarès ainsi épinglé. Et encore, ce type aurait pu l'appeler le monstre ou le détraqué comme la plupart des gens alors les étiquettes qu'il reçoit jusqu'à présent ne sont finalement pas si pires, quand il y pense. « T'es peut-être même aussi tarée que lui pour t'en mêler comme ça. T'as quel âge au juste, douze ans ? » Elle fait jeune c'est vrai, Carl aussi l'a pensé en posant les yeux sur elle mais ce gars est dans l'exagération, aussi bien incapable d'estimer l'âge de quelqu'un que de tracer son chemin sans embêter les autres. « Elle a pas l'air d'avoir.. » douze ans, non, mais Carl n'aura de toute évidence pas l'occasion de le dire. « Ferme-la toi. » C'est sans grande surprise qu'il se fait rembarrer car il n'a apparemment plus droit à la parole, en plus du reste. Il s'abstient donc de tout autre commentaire, se contentant d'observer la jeune femme tout en espérant qu'elle ne tentera rien d'inconscient. La vérité c'est que Carl n'estime pas mériter que quiconque prenne des risques pour lui, sa personne n'est pas assez importante pour être ainsi défendue et sa vie ne vaut finalement pas grand-chose, elle non plus. « Bon écoute poil de carotte, va voir ailleurs si j'y suis okay ? » Le type fait un pas en avant avec l'intention probable d'intimider la rousse comme il l'a fait avec lui, et Carl se met à redouter que les choses puissent s'envenimer sous ses yeux. Ce n'est évidemment pas ce qu'il veut, sa dernière envie est d'assister à une scène plus virulente que celle-là alors il s'avance à son tour, d'un pas nettement plus hésitant. « C'est bon merci.. je.. tout va bien, oui. » il balbutie en baissant la tête, préférant éviter d'attirer des problèmes à une jeune inconnue alors qu'il n'a en réalité aucune envie que celle-ci les laisse seuls. Sa présence tend même à rassurer Carl même si ni son regard, ni sa posture ne le font vraiment sentir. Ce dernier lui crie même tout l'inverse de ce que ses mots laissent entendre, il ferait n'importe quoi pour que ce type s'en aille mais il ne prendra pas la fuite pour autant, pas sans savoir ce que cette fille risquerait s'il s'en allait comme ça. « Tu l'as entendu ? Retourne jouer à la poupée gamine. » C'est probablement ce qu'elle fera après ça car pourquoi s'encombrerait-elle d'un cas comme le sien ? Elle a forcément des choses à faire quelque part, quelqu'un à retrouver ou une mission à accomplir qui ne le concerne en rien alors Carl s'attend à la voir s'envoler, comme l'héroïne qu'il se plait malgré tout à voir encore en elle. Car bien évidemment, tout ne va pas bien comme il a pu le dire et ses yeux paraissent à présent l'implorer en lui disant : ne me laisse pas seul avec lui.
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Des bagarres elle en avait vu et ce plus d’une fois. Le monde était régi par une violence sur laquelle elle ne s’attardait pas, du moins la plupart du temps. Les sorties de la demoiselle étant majoritairement nocturnes, il n’était pas rare qu’elle ne tombe sur des ivrognes, qui cherchaient bien souvent à savoir qui était le plus fort, elle ne voyait donc pas l’intérêt d’intervenir, elle préférait continuer sa vie comme si de rien était puisqu’il ne s’agissait que d’inconnus complètement imbéciles. Aujourd’hui ce n’était pas le cas, la scène n’était pas banale, enfin elle l’était dans le sens où le harcèlement avait toujours existé, mais il se produisait plus souvent dans un cadre scolaire ou professionnel. Chelsea ne savait pas ce qui était à l’origine de cette altercation et elle s’en fichait, parce qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de se voir à travers ce jeune homme sans défense. Impuissante elle l’avait été elle aussi, une dizaine d’années plutôt, elle était prise pour cible parce qu’elle n’était pas comme les autres, elle était donc prête à mettre sa main à couper que s’il avait des problèmes, c’était pour la même raison. L’écoulement du temps n’y changeait rien ou pratiquement rien, la société n’évoluait pas ou du moins pas assez vite pour que cela ne se reproduise plus. L’assaillant lui donna rapidement raison, en le qualifiant de taré qui ne méritait pas d’être défendu. Il n’avait pas tort de se demander si elle n’avait pas mieux à faire, même si le terme le plus approprié serait plus urgent, mais une vie humaine était plus importante que des paperasses à rendre après tout. Cependant, la rouquine jugeait qu’elle n’avait aucunement à lui justifier sa présence, alors elle préféra l’ignorer plutôt que de lui dire qu’il avait plus ou moins marqué un point. Une absence de réponse qui ne l’empêchera pas de s’exprimer de nouveau, pour la mettre en garde sur la nature de la victime. Les yeux de la Cavanagh se plissèrent, elle ne voyait qu’un bonhomme inoffensif, pas quelqu’un de capable de faire du mal à qui que ce soit, mais le fait qu’il baisse la tête confirma qu’il avait des choses à se reprocher. Il n’en était pas fier, elle pouvait au moins retenir ça. L’agresseur se questionna sur son état mental ainsi que sur son âge, qu’il avait largement sous-estimé dans le but de la piquer, mais cela ne l’atteignait pas. « Je suis peut-être une véritable psychopathe du haut de mes douze ans, tu ferais mieux de te méfier. » Le ton de l’étudiante était sérieux et son regard avait changé pour se rapprocher de celui de la tarée qu’il voulait voir.
Elle ne l’impressionnait probablement pas de cette façon, mais elle au moins elle lui tenait véritablement tête, pas comme celui qu’elle essayait de sauver même s’il avait tenté de le contredire. Il lui laissait le droit de lui dicter sa conduite puisqu’il devint soudainement muet. L’abruti de service décida de l’attaquer sur son aspect physique, manque de bol pour lui il manquait grandement d’originalité. Chelsea aimait se dire que sa couleur de cheveux la rapprochait plus d’une Fifi Brindacier que d’une carotte, il n’allait d’ailleurs plus trop tarder à savoir qu’elle se chauffait du même bois que celui de cette héroïne. Alors qu’elle s’apprêtait à lui répondre, le jeune homme sortit de son mutisme pour lui dire qu’il allait bien. Les sourcils de la rousse se froncèrent, elle n’en pouvait plus de le voir aussi pathétique, elle pourrait l’abandonner sur ce trottoir, mais ses paroles renforcèrent son envie de le protéger. « Je n’irai nulle part. » Elle détourna brièvement sa tête vers le gratte-ciel, sa sœur pouvait elle de la voir de l’étage où elle travaillait ? Peut-être bien, mais si c’était le cas elle lui aurait sûrement déjà envoyé un message pour lui demander ce qu’elle trafiquait ici. L’avis de Selina n’avait pas d’importance de toute façon. « Bouge de là. » Qu’elle ordonna à la victime, elle obéissait bien à son agresseur alors pourquoi pas à celle qui allait le sortir de son pétrin ? « Des crétins dans ton genre j’en connais plein et tout ce dont ils ont besoin, c’est d’être remis à leur place. » Elle vit à travers les yeux du jeune homme qu’il était rassuré de voir qu’elle ne décampait pas et il n’avait pas encore tout vu. La Cavanagh plaça une de ses jambes en arrière, leva ses bras qu’elle plia avant de fermer ses poings. Elle décocha une droite dans la figure de l’assaillant, avant d’enchaîner avec un mouvement de jambe, elle plaça son pied derrière sa cheville pour le faire tomber. Il était à présent au sol pour sa plus grande satisfaction. « C’est quand même plus drôle de mettre des abrutis au tapis que de jouer à la poupée. » Dit-elle en étirant ses lèvres. Elle déposa son pied sur son torse pour l’humilier encore plus et l’empêcher de se relever. « Tu ferais mieux de t’excuser auprès de lui, si tu ne veux pas te prendre une seconde raclée. » Si elle était vue dans cette position, elle aurait peut-être des problèmes, mais elle était plutôt confiante sur la suite des événements.
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Ça va mal finir, voilà ce qui traverse l'esprit du garçon dans son éternel optimisme alors que la demoiselle intervenue entre son agresseur et lui se plait à tenir tête au premier. Elle ne semble pas décidée à lui laisser l'avantage et les commentaires sur son âge paraissent eux aussi glisser sur elle comme de l'eau sur du verre, une impassibilité que Carl lui envierait fortement s'il ne craignait pas dans l'immédiat qu'une telle attitude se retourne contre elle. Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un démontre un tant soit peu d'intérêt pour les ennuis qu'il peut avoir dans ce monde alors il ne sait pas comment les choses sont vouées à tourner, mais il redoute déjà que ce type revienne à la charge pour s'occuper personnellement de leur compte comme il semblait de toute façon parti pour le faire avec lui, avant que la rousse ne s'ajoute à l'équation. Carl préfère encore trinquer seul que de l'entrainer avec lui, il n'en voudrait d'ailleurs pas à cette jeune femme de rebrousser chemin maintenant que son agresseur a ouvertement mentionné ses vilaines tendances car qui aurait sérieusement envie de défendre un garçon comme lui, avec tout ce qu'on peut lui reprocher ? Peut-être que si elle connaissait son passé et sa sombre réputation cette demoiselle changerait de camp elle aussi, peut-être même qu'elle lui associerait ces mêmes étiquettes que celles auxquelles il est tristement abonné et qu'il doit sans doute mériter. Il n'est pas fier Carl quand son problème le rattrape de cette façon et que sa véritable nature est exposée au grand jour, il donnerait même tout pour s'enterrer quelque part et pour refaire surface dans cinq ou dix ans, lorsque les gens auront oublié sa participation à un célèbre jeu et tout ce qui en a découlé. C'est l'espoir qu'il continue malgré tout de nourrir, celui de retrouver un jour son anonymat et la paix allant avec celui-ci même si près de deux ans après sa sortie, beaucoup ne semblent toujours pas passés à autre chose. Ce n'est pas faute de se faire discret et de mener aujourd'hui la vie la plus effacée possible mais il faut croire que c'est encore trop, de quoi l'amener à penser parfois qu'il aurait mieux fait de quitter ce pays et tous les espoirs qu'il a pu y fonder. Des espoirs écorchés par le rejet perpétuel d'un père auquel il fait honte, un père risquant d'ailleurs de quitter ces bureaux d'une minute à l'autre et aux yeux duquel Carl craint d'aggraver son image s'il venait à le voir dans cette posture. Pour cette raison et pour d'autres, notamment pour s'assurer que la jeune femme ne prendra aucun risque inconsidéré pour lui, Carl préfère mentir que de demander de l'aide car c'est après tout son problème s'il ne peut pas faire un pas dans cette ville sans s'attirer les foudres de quelqu'un. Son fardeau, celui qu'il ne veut refiler à personne et encore moins à une jeune inconnue.
La rousse se montre pourtant claire sur son intention de rester et le garçon s'exécute sans broncher quand elle lui ordonne de se déplacer, bien incapable à cet instant d'empêcher quoi que ce soit. Il se contente alors d'observer la suite, son regard apeuré se posant avec appréhension sur chaque protagoniste sans imaginer toutefois à quel point les choses évolueront sous peu de façon surprenante car dans son esprit les jeux sont faits : Carl ne voit pas dans quel monde une si jeune femme aurait la moindre chance de s'imposer face à un grand gaillard. Mais la rousse le contredit aussitôt en portant un coup à son agresseur, juste avant que son corps ne s'active de façon à mettre ce dernier au tapis sous le regard absolument médusé de l'irlandais. C'est probablement la chose la plus cool qui lui sera donnée de voir aujourd'hui et derrière la surprise animant ses traits, Carl est aussi bien content que les choses connaissent pour une fois ce genre d'évolution car trop souvent l'univers préfère accorder la victoire aux méchants. Le type n'en revient pas lui non plus et à en juger son regard noir, il n'a pas beaucoup apprécié l'humiliation qui vient d'être la sienne. « Espèce de petite.. » Il ne va pas au bout de sa pensée mais Carl n'a pas trop de mal à imaginer ce qui aurait pu la compléter, parmi la ribambelle de noms d'oiseau dont il aurait certainement pu affubler la rousse. « T'as bien caché ton jeu, depuis quand les gosses savent faire ça ? » Carl a bien intégré pour sa part qu'elle n'est pas aussi jeune qu'elle y paraît mais ce lourdaud ici présent ne veut visiblement pas l'entendre, pas plus qu'il ne veut d'ailleurs satisfaire la requête de sa sauveuse du jour. « Présenter des excuses à ce dégénéré ? Dans tes rêves, ouais ! » Et parce que l'humiliation a apparemment assez duré, le type parvient à se défaire de l'emprise de la jeune femme avant de se relever pour lui faire face. À cet instant Carl craint plus que jamais qu'une riposte ait lieu mais il n'en est rien, le fait d'avoir été remis à sa place ayant de toute évidence calmé pour de bon son agresseur dont la dignité ne semble plus tout à fait intacte après ça. « Je vous laisse entre cinglés, vous vous êtes apparemment bien trouvés tous les deux. » Pas de contre-attaque donc, la rousse n'aura simplement pas réussi à lui arracher les excuses demandées mais Carl ne risque pas de s'en offusquer car dans l'état actuel des choses, c'est un bonus dont il peut très largement se passer. « Mais tu viendras pas te plaindre la rouquemoute quand t'arriveras plus à te débarrasser de lui, hein. » Cet avertissement lui fait une nouvelle fois baisser la tête car c'est une preuve de plus que sa réputation lui colle à la peau, au point où une demoiselle ne peut pas le sortir d'un pétrin sans être considérée comme une proie éventuelle. Carl reste alors silencieux, tout du moins tant que ce type n'a pas disparu de son champ de vision car il n'a pour sa part aucun mal à lui accorder le dernier mot par manque total de courage.
Et ce n'est qu'une fois son agresseur volatilisé qu'il s'autorise de nouveau à respirer, son regard balayant les alentours pour s'assurer qu'il ne l'attend pas dans un coin avant de revenir se poser sur la jeune femme à l'origine de sa délivrance. Sans elle Carl ne sait pas ce qu'il aurait fait, sans doute pas grand-chose et c'est bien le problème puisqu'il n'a jamais été capable de se défendre face à qui que ce soit comme les premières années de sa vie l'ont hélas bien montré. « Il est vraiment parti on dirait. » il remarque en peinant lui-même à le croire car d'ordinaire les choses ne connaissent pas ce genre de fin, il n'est même jamais celui qui s'en tire bien alors cet échange de rôles suffit à le perturber grandement. L'embarras qui l'habite saute quant à lui aux yeux, Carl cherche ses mots tout en ne sachant pas vraiment quelle posture adopter car malgré tous les scénarios qu'il avait pu se figurer, ce tête-à-tête final ne faisait étrangement pas partie de ses petites prédictions. Seul avec sa sauveuse, sans plus personne pour faire la connexion entre eux ni derrière qui se cacher. Il n'avait jusqu'ici pas vraiment la parole et qu'on se le dise, ça l'arrangeait plutôt bien. « Je sais pas trop quoi dire, je.. merci ? C'est vraiment stylé ce que t'as fait juste avant, on aurait dit une super-héroïne de films ! » Pour ne pas dire qu'il pense surtout à l'aventurière bien connue de ses jeux vidéo, sa référence ultime en la matière même si cette demoiselle n'en a physiquement pas du tout les traits. Qu'importe, il n'avait jamais vu personne donner une correction avec autant d'aisance dans la vraie vie et même si Carl répudie la violence plus que tout au monde pour l'avoir lui-même trop longtemps subie, il doit reconnaître que c'était sans doute ici la seule façon de se débarrasser du vilain type dont le caquet aura été dignement bien rabattu. « Mais t'étais pas obligée de faire ça pour moi, je veux dire.. j'ai un peu l'habitude des types comme lui à force. » Il hausse brièvement les épaules puis soupire, l'habitude s'entendant à elle seule dans sa voix. « J'espère que ça t'apportera pas des problèmes surtout, s'il revient. » C'est sa seule crainte à présent, que son agresseur nourrisse des envies de vengeance et s'arrange pour les retrouver – il n'aura pas trop de mal avec Carl puisqu'il fait fréquemment le pied de grue devant ces bureaux, mais au moins son père n'aura pas à le voir dans la pire position qui soit cette fois. Ses yeux se portent justement vers l'imposant bâtiment derrière eux avec l'espoir d'en voir toujours sortir Neil, quand bien même ce dernier se sera sûrement arrangé pour le quitter en douce. « Je devrais pas être ici mais j'attends quelqu'un qui travaille dans ces bureaux juste derrière, désolé de t'avoir fait perdre ton temps en tout cas. » Une perte de temps, c'est bien ce qu'il estime être constamment pour les autres et tout particulièrement pour cette jeune femme qui n'avait initialement pas prévu de s'attarder sur une cause comme la sienne, il en est sûr. C'est peut-être même toute sa fin de journée que Carl est parvenu à gâcher avec ses problèmes, c'est en tout cas ce qu'il se met en tête avant de réaliser que cet échange à peine initié ne fait que la retenir plus longuement auprès de lui. Et si une présentation s'imposait, au moins, après tout ça ? « Hum.. je suis Carl, au fait. Le taré c'est juste mon surnom. » il précise dans un maigre sourire, ce qu'elle était sûrement parvenue à déduire par elle-même mais c'est plus fort que lui, il faut toujours qu'il se perde dans des explications ô combien futiles.
looking for a hero in my corner @Carl Flanagan & Chelsea Cavanagh
L’inaction pouvait faire tellement de dégâts, elle pouvait aller jusqu’à tuer. Chelsea avait survécu à l’indifférence à plusieurs reprises, lorsque personne ne cherchait à lui en venir en aide face à ses harceleurs, lorsqu’on faisait semblant de n’avoir rien vu. La rousse savait donc un peu trop bien ce que le jeune homme pouvait ressentir, dans cette rue fréquentée où des passants avaient forcément dû faire comme si de rien n’était. Cette absence de réactions tuait à petit feu, presque tout autant si ce n’était plus que d’être la cible de personnes malveillantes. Elle ne voulait pas faire partie de la première catégorie, cela lui était tout bonnement impossible. Alors non, elle ne partirait pas, même si c’était la victime qui le lui demandait, elle ne croyait probablement pas en elle, en sa capacité de le vaincre, mais elle s’en fichait. Elle lui avait prouvé qu’il avait tort, qu’ils avaient tort de toujours croire que les mâles étaient les plus forts. Il n’y avait rien de plus jouissif à ses yeux que de démonter ce genre de clichés. L’agresseur ne savait même plus comment la qualifier, il cherchait tout de même à la rabaisser en se servant de sa petite taille, mais cela ne faisait que de mettre encore plus en évidence l’humiliation. La petite lui avait fait mordre la poussière, il se demandait comment cela était possible. Elle pourrait lui dire de demander cela à son beau-père, mais malgré la gratitude dont elle devait faire preuve envers lui, elle préférait ne pas le mentionner. Chelsea n’avait pas à lui dévoiler l’un de ses secrets, mais elle décida de lever le voile sur un mystère. « J’ai vingt ans, tocard. » Elle était peut-être tombée dans la fontaine de jouvence, mais ne pas faire son âge et donc être sous-estimée, avait au moins le mérite de rendre ses exploits plus éclatants. Il refusait de présenter ses excuses, cela ne l’étonnait guère, mais elle ne pouvait pas faire plus, elle ne pouvait pas prendre le risque de vraiment s’attirer des ennuis si elle allait trop loin. Il se libéra de son emprise, elle n’effectuera pas le moindre mouvement de recul, parce qu’elle était prête à encaisser une riposte. Les sourcils froncés, elle lui jeta un regard noir. Il annonça sa défaite à sa façon, en acceptant de les laisser tous les deux. Il lui adressa une dernière mise en garde avant de partir, non pas pour la menacer de se venger si jamais leurs chemins était amenés à se recroiser, mais qu’elle n’aura pas à se plaindre si celui qu’elle avait sauvé deviendrait un pot de colle. « Je me débarrasse de toi, c’est tout ce qui compte. »Dit-elle comme derniers mots à son égard, avant de lui tourner le dos. Elle n’avait pas envie de le prendre au sérieux et même si ce qu’il disait s’avérait vrai, elle n’en avait pas peur car personne ne collait trop ses baskets si elle n’en avait pas envie.
Il avait tenu sa parole en les laissant en tête-à-tête, le jeune homme n’arrivait pas à y croire, mais ils pouvaient désormais discuter en toute quiétude. Elle en profita pour l’observer, afin de vérifier qu’il n’était pas blessé. Chelsea ne verra pas une seule goutte de sang ou de bleu, ce qui la rassura, elle était venue juste à temps. « Bon débarras. » Commenta-t-elle. Elle ne savait pas ce qu’elle faisait encore là, alors qu’elle ferait mieux de rattraper le retard qu’elle venait de prendre, elle attendait peut-être une confirmation verbale qu’il n’était pas trop secoué. Il se montra finalement un peu plus bavard, il la remercia tout en la flattant. L’étudiante aimait être comparée à une super-héroïne, pour autre chose qu’une quelconque ressemblance physique ou un costume réussi, parce qu’elle n’aurait jamais pensé susciter autant d’admiration chez quelqu’un auparavant. La personnalité de la rousse était plus souvent décriée qu’encensée, sa mère n’aurait pas hésité à la traiter de tête brûlée si elle l’avait vue dans cette situation. « Il n’est pas prêt de s’en remettre, je dirais même qu’il s’en souviendra toute sa vie. » Elle afficha un sourire railleur, ravie d’imaginer qu’elle pourrait laisser un souvenir indélébile à cet abruti. Il lui fit rapidement changer d’expression lorsqu’il lui dit qu’elle n’avait pas à faire de tels actes pour lui, qu’il avait l’habitude d’être confronté à ce genre de sale type. L’agacement de la rousse était visible à des kilomètres. « Ce n’est pas parce que tu y es habitué que tu dois te laisser faire bordel, tu veux finir à l’hôpital la prochaine fois ? Parce que des nanas comme moi qui sauveront ton cul, t’en croiseras pas à tous les coins de rue. » Ni des hommes d’ailleurs, ils n’étaient pas inévitablement plus courageux que les demoiselles et ils étaient certainement moins empathiques face à la détresse d’un garçon. Elle ne lui apprenait sûrement rien, mais elle n’avait pas pu s’empêcher de le lui rappeler. « Il peut revenir, je m’en fiche. » Il ne représentait pas un problème pour elle, si elle avait pu le maîtriser une fois, elle pouvait le faire une seconde fois. L’interlocuteur de la Cavanagh lui expliqua qu’il ne devrait pas se trouver ici, elle se mit à fixer l’immeuble de longues secondes avant de répliquer. « Moi non plus je ne devrais pas être ici, pour la même raison, je n’ai pas franchement envie de tomber sur la personne que je connais. » Elle risquait de lui tenir la jambe et pire encore, croire qu’elle était venue spécialement pour la voir elle. Il se mit soudainement à lui donner son prénom, en apportant une précision tout aussi stupide qu’inutile. « Ne te vante pas d’avoir ce surnom Carl. » Elle se jouerait d’une telle appellation, comme elle avait pu le faire de la supposition de l’agresseur sur son état de santé mentale, mais elle devinait sans mal que lui ne faisait que de le subir. « Il faut que j’y aille. »Chelsea n’avait pas le temps d’être polie en se présentant à son tour, elle en prit juste assez pour lui adresser d’autres mots avant de tourner talon. « Ne te laisse plus faire, la vie est trop courte pour la subir. »
I feel like God playin' tricks on me, got a fix on me, feel the weight of the world like I got a brick on me. Had a dance with the devil and he got a grip on me. where's my Superman? I need you faster than a bullet or a speedin' train. And when you find your way to me then I can't wait until the day that we can meet again
Vingt ans, soit juste un peu plus jeune que lui. Carl enregistre l'information dans un coin de sa tête sans même savoir si elle lui servira un jour, car rien ne dit qu'il sera amené à revoir cette inconnue lorsqu'elle se sera évaporée dans la nature – ce qu'il aurait sûrement déjà fait à sa place, mais il sous-estime de toute évidence le côté justicier de cette jeune femme dont la détermination et le courage contrairement aux siens ne font ici aucun doute. Elle n'a pas une once d'hésitation au moment de s'en prendre à son agresseur, battant ce dernier à plate couture devant un Carl laissé spectateur des évènements et qu'un tel retournement de situation ne peut qu'ébahir. Il est surtout impressionné par la force dont un si petit bout de femme peut faire preuve, d'autant plus face à un gaillard devant avoir plus d'un combat à son actif et contre lequel Carl n'aurait pas résisté une seule seconde, il le sait bien. Si cette fille n'était pas intervenue tout porte à croire qu'il aurait fini en charpie sur ce bout de trottoir mais il n'aura pour une fois pas à essuyer la moindre humiliation, contrairement à ce type qui n'aurait pas pu se faire plus joliment remettre à sa place. Carl le trouve même ridicule, ce genre de pensées ne parcourent habituellement pas son esprit quand il s'agit des autres mais à présent il peut le dire : il n'est pas le grand perdant de l'histoire, et la honte vient officiellement de changer de camp. Sa satisfaction est pourtant toute relative une fois le type disparu car se retrouver seul avec sa bienfaitrice aurait presque quelque chose d'embarrassant, même si Carl se sent avant tout reconnaissant. Elle lui a sauvé la mise alors que rien ne l'y obligeait, la plupart des gens ont après tout l'habitude de continuer leur chemin quand ils comprennent qu'un peu d'aide ne serait pas de refus alors pourquoi s'être donnée cette peine aujourd'hui, surtout pour lui, il aimerait bien comprendre. Qu'est-ce qui peut motiver une inconnue à réagir dans un tel cas, l'a-t-elle d'ailleurs fait par pitié ? C'est ce qu'il ne tarde pas à s'imaginer même s'il doute que la rousse soit aussi sensible à sa détresse, l'envie de botter les fesses d'un enquiquineur l'ayant très certainement emporté sur le reste. Ce dernier n'est pas près de s'en remettre d'après elle et Carl a aussi tendance à le penser, car sa dignité ne se serait personnellement jamais remise d'une telle correction. « J'espère qu'il s'en prendra plus jamais à personne. » Il n'ose tout de même pas trop y croire en le disant mais si au moins ce type pouvait se calmer quelques temps, ce serait déjà ça de gagné. Il n'en demande à vrai dire pas beaucoup plus, espérant pouvoir compter sur un semblant de paix en admettant que d'autres ne prendront pas le relai puisque ses détracteurs sont nombreux dans cette ville, Carl ne risque pas de l'ignorer.
Et c'est précisément ce qu'il ne tarde pas à avouer à l'inconnue, sans préciser toutefois ce qui lui vaut d'avoir autant d’ennuis car sa vilaine réputation n'est pas le genre de chose que le garçon se plait à détailler. Il n'est pas fier des étiquettes qu'on peut lui coller et des agissements qui lui sont associés, il retournerait même en arrière sans l'ombre d'un doute s'il le pouvait afin d'empêcher sa propre venue dans l'émission où tout a commencé. Par chance cette fille ne semble pas le reconnaître, il présume qu'elle ne doit pas être très friande de télé-réalité et à son âge c'est assez inespéré, même s'il n'ira clairement pas s'en plaindre. Elle n'aime toutefois pas entendre que ce type d'agression s'est installé avec le temps comme quelque chose de récurrent pour lui, déplorant son manque de réaction et la résignation avec laquelle il se laisse faire comme si Carl ne se détestait pas déjà lui-même pour ça. Ce n'est pas par plaisir qu'il ne bouge pas le petit doigt et se contente le plus souvent de baisser la tête en attendant que les choses se passent, le garçon ne sait simplement pas quoi faire d'autre puisqu'il ne s'imagine pas insulter ou bousculer en retour. La vérité est que Carl n'a jamais appris à se défendre, sa position consiste depuis toujours à recevoir cette violence à laquelle il semble de toute façon destiné et contre laquelle il ne peut sans doute rien. Ce n'est pas avec sa frêle carrure qu'il parviendra à s'imposer, ce type tout à l'heure aurait pu le ratatiner sans problème parce qu'il ne pèse pas plus lourd qu'une plume et que sa résistance ne tient aussi à rien. « Mais moi je.. je sais pas me battre comme toi. » il se contente de soupirer, se sachant bien incapable d'asséner le moindre coup à quelqu'un. Il ne vise pas assez bien pour ça, n'a pas non plus assez de force et ses réflexes sont aussi bien trop mauvais pour qu'il parvienne tout simplement à frapper le premier. Carl ne se bat pas et il n'y tient pas non plus, alors tant pis s'il doit finir à l'hôpital la prochaine fois comme cette fille semble le dire. Il est le premier à penser qu'il n'aura pas ce genre de chance deux fois mais il est apparemment le seul à craindre que le type puisse revenir, sa sauveuse se contentant pour sa part de prendre cette éventualité à la légère. « Désolé de t'avoir mêlée à ça, vraiment. » il souffle malgré tout car si la rousse doit avoir ensuite des ennuis par sa faute, Carl ne pourra pas se le pardonner. Il n'a rien demandé c'est vrai et a encore moins appelé au secours, mais le désastre de sa vie ne devrait pas pouvoir déborder sur les autres. Cette fille connait apparemment elle aussi quelqu'un travaillant au Walker Group mais il n'aura pas l'occasion d'en apprendre tellement plus, ou juste qu'elle ne tient pas à tomber sur cette personne contrairement à lui qui serait prêt à attendre son père pendant des heures s'il le fallait. Ces confessions n'arrangent d’ailleurs pas sa conscience car il s'en voudrait de la placer dans une situation qu'elle ne désire aucunement, il ne serait alors pas étonné que la rousse lui fausse rapidement compagnie et dans l'hypothèse où ils ne se reverraient pas, Carl se dit qu'il peut au moins lui glisser son nom. La réciproque n'est toutefois pas vraie puisque le nom de cette jeune fille ne lui parvient pas en retour, celle-ci préférant le reprendre sur ce surnom dont il ne devrait selon elle pas se vanter. « J'en ai d'autres, si jamais. » C'est ce qu'il rétorque bêtement, sans saisir que cette fille pourrait justement en profiter pour le piquer là-dessus. Le monstre et le wacko ne lui échappent heureusement pas, sous peine d'être pour de bon catalogué. Sa sauveuse lui annonce qu'elle a désormais mieux à faire que de s'occuper plus longtemps d'un cas comme le sien et Carl le comprend, comme le léger hochement de sa tête se charge de le signifier. « Pas de problème. » Il ne risque pas de la retenir, pas après ce précieux service rendu car tout bon samaritain a une vie à mener quelque part, et il veut bien entendre que ses problèmes ne sont désormais plus les siens. « Est-ce que je peux quand même avoir ton.. » nom mais c'est trop tard, car le garçon n'a pas le temps de formuler l'entièreté de ses mots que la jeune femme est déjà partie. Il ne sait donc pas qui il pourra remercier dans ses rêves ce soir et même si rester dans son ignorance a quelque chose de frustrant, Carl préfère méditer sur les dernières paroles de sa sauveuse. La vie est trop courte pour être subie, c'est vrai, mais la sienne n'a jamais consisté à autre chose alors il ne serait pas surpris que les choses s'alignent éternellement dans ce sens. Son destin là encore, il faut croire.