when i walk in the room i can
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Jo Carter & @Micah Tomlinson (crédit gif/alexadcmies)

"Et c’est comme ça qu’on fait une bonne balance." Salope, qu’elle aurait pu ajouter en passant à côté de Bethany en rendant son micro au régisseur. La blonde plantureuse était, par la force des choses, devenue une rivale sur laquelle elle aimait déporter sa propension à ne pas tourner sept fois sa langue dans sa bouche. C’est déjà ça, qu’elle pensait souvent quand elle se faisait gronder pour sa vulgarité par sa nounou, la même que lors de sa première saison. Jo avait la prétention de penser que son propre talent, il ne se se cantonnait pas qu’à porter des décolletés et battre des cils en prétendant savoir chanter, ce qui était, en dehors de la sphère The X Factor, plus ou moins le fonds de commerce de Bethany qui exposait son cul sur Twitch en faisant mine de ne pas y toucher. Chacun son délire, dirait certain, le sien avait été souligné par des négociations trop sérieuses pour qu’elle ne regrette pas un peu d’avoir loupé l’école plus souvent qu’à son tour pendant qu’elle portaient ses intérêts à la connaissance de ceux qui avaient son avenir entre les mains. Rien de bien folichon au demeurant, juste des clauses ludiques à ses yeux et qui marquaient officiellement son envie d’être autre chose qu’une version datée d’Ariana Grande.
Ainsi, elle avait gagné le privilège de pouvoir reprendre un classique par émission, et pour sa grande première, c’était sur du musical qu’elle avait porté son choix. Au-delà de ça, Jo avait conquis une majorité de l’équipe qui travaillait sur le plateau depuis belle lurette et pas uniquement parce qu’elle était professionnelle. On lui pardonnait son mauvais caractère parce qu’elle était douée ; elle le savait, elle en jouait, et ne prétendait pas être désolée de savoir attirer l’attention en faisant ce qu’elle savait faire le mieux. Et la balance qu’elle venait de faire sur Hopelessly Devoted to You durant laquelle son belting avait atteint les coeurs les plus durs, elle avait arraché une ou deux larmes, c’était une certitude qui l’emplissait d’une fierté non feinte, celle qui lui fit quitter le plateau des répétitions avec le sourire aux coins des lèvres.

Depuis novembre, le rythme était dense, ainsi ballottée entre Sydney et Brisbane, et l’imminence du premier live de la saison se faisait ressentir sur à peu près tout le monde. Cette semaine, le tout avait pris des allures de campagne électorale au centre de laquelle Jo se complaisait à évoluer parce qu’elle n’avait pas perdu la main malgré cette impression de tournis qui la rendait un peu fébrile à certains moments. Photoshoots, interviews, et autres apparitions ici où là, elle ne chômait pas tout comme le reste de la promotion d’ailleurs. C’était relativement étrange de se retrouver là, plus ou moins seule, à contempler un nouvel avenir sous le prétexte qu’elle s’était laissée tenter par cette pas si nouvelle expérience ; et les habitudes revenaient vite, sa tendance à se comporter comme Mariah Carey aussi.
Pourtant, si elle faisait des efforts pour être plus accessible, il y avait une partie d’elle qui savait qu’elle était là parce qu’elle le méritait. Tous autours d’elle le savaient aussi, et c’était grisant d’être appuyée de la sorte quand on savait qu’elle avait perdue la première fois. Bethany aimait le lui rappeler en utilisant Midas contre elle tout en lui tournant autour comme une putain de mouche autour d’un pot de miel. Pour l’heure, Jo parvenait à temporiser ses grand élans dramatiques à ce sujet-ci en particulier, mais c’était uniquement parce qu’elle avait appris de ses erreurs. Encore qu’elle avait craché dans son latte l’autre jour  — on ne perdait pas ses plus vilaines manies aussi rapidement. Aussi ce qu’elle ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal, non ?

"Tu dois retourner à l’atelier pour qu’on fasse tes retouches. T’as une dizaine de minutes en tout, il faut que tu cours." "Je vais pas courir." fit-elle en quittant la scène tout en ricanant bien qu’elle était très sérieuse sur le moment et pas seulement parce qu’elle portait des talons vertigineux. Sa main se tendit pour attraper celle de Cathy dans l’espoir que les pinces qu’elle avait dans le dos et qui retenaient le tissu de la Bottega Veneta verte qu’elle portait pendant sa balance, qu’elle porterait lors de la première, ne cèdent pas au risque de la rétrograder au rang de pouffiasse exhibitionniste comme Bethany. Ça ravirait peut-être la cantonade, mais plutôt crever, l’écume à la bouche, que de perdre sa crédibilité "C’est par où déjà ?" Cathy lui désigna un angle de coulisses du menton en la suivant de près, se mettant derrière elle au cas où un incident se produirait avec sa robe, et s’apprêta à se lancer dans un résumé des prochaines minutes pendant que le regard de Jo croisait celui d’un homme qu’elle fixa la tête inclinée, son corps changeant très légèrement de trajectoire alors qu’elle s’approchait de lui sans hésiter "Tu te trompes, c’est de l’autre côté." "Cinq minutes — j’ai pourtant demandé à la sécurité de pas laisser mes fans accéder au plateau. On peut vraiment avoir confiance en personne de nos jours." lança-t-elle en direction de Micah avec un toupet tel que, si elle elle-même ne savait pas qu’elle plaisantait pour lui arracher un sourire, elle aurait pu croire qu’elle était vraiment importante.
Toujours derrière elle, Cathy s’affola. N’osant pas regarder Micah, bien trop occupée à fixer Jo avec un faux désespoir, elle siffla entre ses dents serrées si fort qu’elles grincèrent "On a pas le temps, Jo." "Et bah on va le trouver, hein. Va les prévenir que j’arrive dans cinq minutes." Encore un peu et un oust lui aurait échappé comme elle la chassait du bout des doigts, la balayant négligemment d’un geste de la main. Enfin ça, ça aurait été si elle n’avait pas été trop occupé à sourire en demi-teinte à Micah, tentant de dissimuler une réelle surprise qui lui fit froncer très subtilement les sourcils quand elle lui demanda enfin "Qu’est-ce que tu fiches là ?"

En parfait homme d'affaires, Micah pianotait sur son téléphone installé à l'arrière d'une berline noire censée le conduire en toute discrétion dans les rues de Sydney. Il y avait bien longtemps que les véhicules supposés se fondre dans la masse et leurs vitres teintées ne remplissaient plus leur mission, et c'était bien le cadet des soucis de l'acteur à cet instant. Un petit oiseau lui avait dit que les répétitions du premier prime de X Factor se jouaient en ce moment même au sein des studios qui bordaient Centennial Park, non loin du lieu où il avait justement rendez-vous. Si ce n'était pas une coïncidence, avait-il pensé en esquissant un sourire mutin. « Est-ce que tu peux dire au photographe que je serai en retard pour le shoot d'Euphoria, j'ai des affaires à régler ? » Il envoya le message vocal à Donna, son agent, sachant pertinemment qu'elle le rappellerait dans la seconde en panique pour lui faire la morale. Il décrocha au bout de quelques sonneries, déposant son téléphone en haut parleur sur le siège comme si cette discussion ne méritait qu'un quart de son attention. « Pour l'amour du ciel Micah, tu as des affaires à régler ? C'est pas ce photoshoot tes affaires ? Comment je suis censée dire au photographe que tu as mieux à faire ? » avait-elle vociféré. Sa voix tremblait. « J'en sais rien Donna, c'est pas ton job d'inventer des excuses à ma place ? » avait-il questionné en retour, s'apprêtant à couper court à cet appel. « Et tu... » Son doigt s'écrasa sur l'icône rouge avant même de laisser à Donna le loisir de terminer sa phrase. Chaque seconde qu'elle passait au bout du fil était du temps qu'elle pouvait mettre à profit pour couvrir ses arrières. Micah appréciait Donna, elle avait fait beaucoup pour lui en près d'un an. Il profitait simplement de l'instabilité de sa vie de famille – qui se résumait à son père – pour lui en faire voir de toutes les couleurs, tel un adolescent en pleine crise. Elle avait bien trop d'empathie pour lui en vouloir d'avoir la tête ailleurs ces temps-ci, et se montrait extrêmement conciliante. Trop conciliante à vrai dire pour un étalon de sa trempe, que l'expérience de sa profession lui avait appris à tempérer.

Le chauffeur le déposa à l'angle des studios et de Driver Avenue. Avant de descendre de la voiture, Micah vissa une casquette sur sa tête. Avec sa banane AMI Paris en bandoulière, il avait véritablement l'air d'un touriste. Il demanda son chemin à un technicien, et troqua son entrée dans l'enceinte du tournage contre un selfie. Son déguisement de monsieur tout le monde ne trompait personne par ici. De ce qu'on lui avait dit, Jo était la suivante. Il s'était installé dans l'ombre des gradins du fond. D'autres candidats, du moins c'était ce qu'il avait supposé en apercevant la tête blonde brushinguée de Midas, étaient assis plusieurs rangs devant lui. Quelle surprise d'entendre les notes d'une ballade quand Jo se pointa sur scène dans sa robe de sirène. Micah lui reconnaissait l'air jazzy qui lui avait tapé dans l'œil des années plus tôt. Elle prenait un risque. Celui d'être elle-même pour une fois. Quand il était question de Jo, Micah ne lésinait jamais sur les compliments. Il n'y avait pas de fausse modestie entre eux, leur relation était bien trop ancienne et intime pour ces conneries. Et de fait, sa prestation laissait sans voix. Il se revoyait dans ce bar, assis au premier rang, à l'encourager comme s'ils étaient seuls au monde. Les dernières notes ne s'étaient pas envolées qu'il se faufila par l'arrière pour rejoindre les couloirs des coulisses, où il s'adossa nonchalamment contre un mur. Les protestations de Jo résonnaient à l'autre bout du couloir. Plus elle approchait et plus son assurance était palpable. Une assurance à la limite de l'arrogance qui l'amusait foncièrement. Elle donna congé à la pauvre femme qui la suivait comme son ombre, comme lui-même avait rabattu le caquet à Donna. Son petit côté Miranda Priestly n'avait pas mis bien longtemps à se déclarer. Micah aurait juré entendre un « c'est tout » ponctuer sa phrase avant que son interlocutrice ne se résigne à lui accorder quelques minutes de retard. « Je suis impressionné, tu as déjà tout d'une diva. Mais ça c'est pas nouveau. » Il la toisa de haut en bas. Jo savait se mettre en valeur. Micah avait toujours eu un faible pour les femmes de bon goût. « Sublime cette robe, c'est pas celle que Margot Robbie a portée aux Governors Awards il y a genre 3 semaines ? » Ce n'était évidemment pas la même, son œil était assez affuté pour faire la différence, mais le besoin de l'agacer était irrépressible. Jo avait toujours l'air agacée. Toujours sur la défensive. Toujours grinçante. C'était un mécanisme de défense évident que Micah avait su contourner il y avait bien longtemps. « J'ai un rendez-vous dans le coin et j'ai pas pu m'empêcher de passer t'écouter en avant-première. Comme au bon vieux temps. Je suis ton premier fan après tout. » avait-il rétorqué en écho à la pique qu'elle lui avait envoyée un peu plus tôt. Ce qui, à défaut de ne pas être insolent, n'était pas tout à fait faux. Il était de façon tout à fait factuelle un de ses premiers fans, car il réservait ce titre à sa grand-mère. « Tu m'accordes cinq minutes, c'est ça ? »

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Jo Carter & @Micah Tomlinson (crédit gif/alexadcmies)

C’était drôle, cette manie qu’avait son passé de lui revenir à la gueule, ces derniers temps. A croire que sa décision de participer à cette version du télé-crochet qui l’avait révélée pour mieux la faire retomber dans l’oubli quelques mois après, elle venait avec des options qu’elle n’avait pu ni choisir ni anticiper.
Laurie, Micah, Midas. Ils étaient tous les trois venus dans le désordre pour lui rappeler quel genre de personne elle était supposée être, chacun ayant vus et côtoyés une version d’elle qu’ils étaient les seuls à connaître, et c’était déroutant sur bien des facteurs. Si elle avait réussi à couper les ponts avec au moins deux d’entre eux, et ce pour mieux se protéger et avancer avec un sentiment de trahison qui lui collait au train, celui qui se tenait devant elle, il avait le privilège de valoir l’attention qu’elle lui portait sans qu’il ne soit le fruit d’autre chose que de l’intérêt pur dont elle n’avait jamais rien attendu. Micah, il était aussi inoffensif qu’en plus de ça, elle n’avait que de bons souvenirs de lui, de ce qu’ils avaient vécu. Et promis, ça n’avait rien à voir avec les folles nuits qu’ils avaient passées dans leur jeunesse.
Encore que, rien n’était moins sûr "J’ai pas beaucoup changé. Toi non plus, d’ailleurs." Elle opina pour appuyer son observation de son visage qu’elle fit à distance, n’ayant jamais été du genre à distribuer les accolades pour dire bonjour "Je croyais que t’utilisais des filtres à outrance sur tes photos, mais je me suis gourée." lui fit-elle pour terminer, flattée qu’il la désigne comme une diva rien qu’en un clin d’oeil, et lui faisant papillonner des yeux comme la pin-up de dessin-animé qu’elle aurait tant rêvé d’être ; et s’il la doucha juste après avec son commentaire sur sa sublime robe, Jo n’était jamais en reste pour se défendre. Quand bien même elle était particulièrement heureuse de le voir, il fallait le remettre rapidement à sa place, et c’est ce qu’elle fit en levant un index à l’ongle affuté devant son nez, son petit minois démaquillé se crispant lorsqu’elle alla contre son observation par simple esprit de contradiction, sa fierté pointant sans crier gare "Margot Robbie a porté la même robe que moi, pas le contraire." C’était la force de Jo : son arrogance. Prétendre qu’elle était précurseuse de choses qui avaient déjà été faites avant juste parce qu’elle avait la fraîcheur de la jeunesse et l’attrait de la nouveauté — et la beauté, il y avait de ça aussi. Elle ne craignait pas grand-chose, notamment qu’on la désigne comme une pâle copine d’une autre, alors même que ça avait précipité sa chute il y avait six ans de ça. A défaut d’avoir été tourné, la page était blanche désormais, aussi elle pouvait se permettre de se faire mousser, surtout devant Micah qui savait reconnaître ses élans de mauvaise foi sans avoir besoin de la sonder.

Toujours devant lui, elle lui accorda le genre de regard scrutateur qui en intimidait plus d’un. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois où ils s’étaient vus, seulement elle savait que ça remontait bien avant qu’elle ne décide de participer au casting de The X Factor auquel il l’avait poussé à s’inscrire avant de lui-même s’envoler suivre une voie qu’elle lui savait tout destinée. Ça avait été ça, le moteur de leur amourette ; l’ambition qu’ils démontraient à devenir quelqu’un les avait fait devenir proches, et si Jo avait toujours su qu’elle avait ressenti pour lui davantage de l'affection que de l’amour pur et dur, n’en restait que ça avait été sincère et important pour elle. Elle l’avait suivi de loin jusqu’à aujourd’hui, heureuse d’avoir cru en lui au point de ne ressentir que de la fierté quand elle posait ses yeux sur lui, la star montante du cinéma qui prenait le temps de venir l’écouter en avant-première alors que son emploi du temps devait être chargé, et que si elle devait être tout à fait sincère, sortant un instant du cadre de sa propension à se prendre pour le nombril du monde, elle n’était pas grand-chose comparée au poids qu’il pesait dans l’industrie qui l’avait porté en idole reconnue et adulée. De nouveau, et en secret cette fois-là, elle se sentit flattée.
Mais avec l’air de ne pas y toucher, elle lui rétorqua, d’emblée, se redressant sur ses hauts talons pour donner le change au géant qu’avait toujours été Micah "Tu penseras à le faire savoir à tes millions de followers histoire qu'ils se sentent obligés de voter pour moi à chaque prime." Et se mouvant naturellement à ses côtés, elle lui attrapa le bras pour glisser le sien jusqu’à son coude, crochetant sa main à hauteur de son poignet comme elle prenait sa marche vers l’endroit que Cathy lui avait désigné quelques minutes plus tôt ; et la tête penchée, un sourire retenu faisant saillir ses pommettes dépourvues de maquillage en raison des répétitions, elle lui dit d’une voix neutre, mais sûre "Je peux même t’en accorder dix si t’es vraiment sage — à quel point je t’ai manqué ?" lui demanda-t-elle, narquoise, parce que si elle ne faisait pas ce genre de commentaires, elle ne serait pas vraiment elle-même, Josephine. Cependant, elle ne le laissa pas vraiment répondre, ajoutant juste à la suite "C’est quoi ce rendez-vous, un nouveau projet ?"

L'entendre dire qu'il n'avait pas changé avait quelque chose de rassurant. C'était précisément le genre de banalité pour lesquelles il avait décidé de rattraper son passé. Au fond, Micah savait que c'était faux. Depuis toutes ces années où Jo avait pu le suivre d'un œil tendre dans les médias, jamais elle n'avait pu le voir aussi vulnérable et authentique qu'auparavant. Jamais elle n'avait pu être témoin des failles, des troubles et des combats qui ne cessaient de le faire grandir chaque jour, et de le rendre plus critique sur les décisions irréversibles qu'il avait prises. S'il n'avait pas changé, pourquoi demeurait-il si attiré par les rares souvenirs heureux de sa vie ? « La célébrité ça conserve. Et encore, paraît que le pic d'attractivité des hommes est à 50 ans. » avait-il rétorqué avec une fausse insolence. Il était encore bien trop tôt pour donner tort à Jo, ou s'enfoncer dans les détails de ce qui le rendait si différent d'autrefois. Ses sentiments pour la jeune femme étaient néanmoins constants. Une forme d'admiration et de possessivité. Elle avait longtemps exercé sur lui des sentiments contradictoires. Micah avait à la fois déployé beaucoup d'efforts pour la propulser sur le devant de la scène tout en désirant, tout au fond de lui, qu'elle reste un joyau confiné à son propre plaisir. Le monde ne la méritait pas comme il l'avait méritée. Il avait assez côtoyé le show business pour savoir qu'une fois célèbre, elle n'aurait eu d'autre choix que de se travestir pour le public. Jo était trop jeune à l'époque pour prendre les décisions éclairées qu'elle semblait prendre aujourd'hui. Trop malléable sous ses airs cyniques. La quête de succès avait ce pouvoir sur les gens. « Mais j'espère quand même avoir mûri un peu, comme en atteste ma réputation dans les tabloïds. » avait-il ajouté, bien trop fier de pouvoir se vanter d'avoir été exemplaire ces derniers mois grâce à l'influence de Lena. Piquée dans son orgueil, elle fit mine de s'emporter, même si Micah la soupçonnait de trouver ses connaissances en matière de mode foncièrement charmantes. Sa remarque lui esquissa un sourire amusé. « Evidemment. Et est-ce que ce serait aussi exagéré de ma part de dire que tu la portes mieux ? » Micah savait encore comment tempérer les ardeurs de Jo. Sur ce point, ils étaient plutôt similaires. Il suffisait de quelques compliments pour lui faire oublier ses humeurs.

« Tu sais que normalement il y a une contrepartie à mes placements sur les réseaux sociaux ? Mais je ferai une exception pour toi. Comme je te l'ai toujours répété, un diamant est fait pour briller. » L'état de leur relation importait peu – si tant est qu'ils en entretenaient une – Micah n'était pas du genre à se brider. Il n'était pas de ceux qui comptaient leurs attentions ou mesuraient leurs propos. Une manie qui lui avait d'ailleurs valu de nombreuses disputes avec Penny à l'époque. Le trentenaire était entier et beaucoup trop généreux avec les personnes qui comptaient à ses yeux. Une manière inconsciente d'acheter leur affection comme son père avait acheté la sienne avec des contrats et des promesses de récompenses. Comme pour achever leur voyage dans le temps, Jo crocheta son bras. N'importe qui d'un peu soucieux aurait inspecté les alentours avant de se montrer si amical en sa compagnie. On lui avait prêté des amourettes pour moins que ça. Preuve que Jo, en plus d'éprouver la même sympathie à son égard, gardait un soupçon de naïveté – ou de je-m'en-foutisme, ce qui lui semblait plus probable. Une qualité que Micah lui souhaitait de conserver malgré les résultats de la compétition. « Wouah, j'en attendais pas tant. » s'était-il exclamé alors qu'ils se dirigeaient vers l'atelier. « C'est juste un photoshoot pour illustrer une interview dans un magazine. Rien de très personnel, ça reste le discours habituel. Mais tu sais ce que c'est. » Ou du moins elle n'allait pas tarder à s'en rappeler, lorsque la diffusion du premier prime la relèguerait au rang d'idole. La gloire c'était comme le vélo, et rares étaient les personnes qui s'efforçaient de ne pas se laisser enivrer. « Comment ça se passe pour toi ? J'ai l'impression que tu as vite repris goût aux petites attentions. » Hormis quelques bribes sur Instagram, Micah n'avait pas eu l'opportunité de suivre l'évolution de Jo. Après son échec aux portes du sacre, elle était tombée dans l'oubli, et avait certainement traversé la dépression inévitable de tous ceux qui avait goûté à la popularité un jour dans leur vie. Pour lui qui avait épuisé le filon, cette perspective lui semblait de plus en plus ravissante, mais Micah n'avait vécu que pour le cinéma. Sans lui, il ne lui restait que la déception d'une relation père-fils étouffée par l'ambition, et abrogée par la maladie. « Pourquoi avoir choisi cette chanson pour ta première prestation ? Tu sais que c'est un gros risque ? »

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"Ah oui, c’est vrai. Comment elle s’appelle déjà ?" Un petit air de fouine sur le visage et Jo affronta celui de Micah avec l’air qui faisait sa réputation — le nez en l’air, les joues creusées et le sourcil en accent circonflexe. Si ce n’était que de la politesse, elle ne le cachait pas, passant vite à autre chose après avoir vaguement remonté sa mémoire pour statuer sur le prénom de la dulcinée de son ex-petit ami : Lana. Ou un truc du genre. Pas étonnant qu’elle ne s’en souvienne pas, c’était assez basique pour ne pas casser trois pattes à un canard "Non, c’est jamais exagéré quand c’est la vérité." Un clin d’oeil plus tard et leur dynamique reprit sa place sans qu’elle ne se sente gênée de se pavaner à son bras. Parce que si elle avait son lot de rumeurs en matière de vie sentimentale, ça se situait à un niveau de son intérêt qui ne dépassait pas l’action d’en avoir quelque chose à foutre, tant qu’on ne l’acoquinait pas à un porc type Armie Hammer ou à un vieux croulant type Michael Douglas. Micah n’était rien de tout ça, il était le genre de présence qui faisait du bien au moral, et parce qu’ils s’étaient apprivoisés assez longtemps pour ne pas avoir besoin de faire semblant, c’était rassurant de le retrouver presque inchangé par le temps qu’ils avaient passé chacun de leur côté.
Un léger rire s’échappa de ses lèvres quand il argua à propos de la contrepartie qu’il demandait pour faire des placements sur son compte Instagram "Je te donne de mon temps et de mon attention, ça vaut bien un petit mot à mon sujet. Si t’as besoin de photos pour illustrer ta légende qui passera en revue toutes mes qualités, tu sais où me trouver." A croire qu’elle avait besoin qu’on lui fasse de la publicité, ce qui n’était pas le cas ; c’était du sarcasme, comme à peu près tout ce qui sortait de sa bouche sur une base régulière, inutile de le préciser à Micah dont le compliment la laissa le gratifier d’un léger coup de hanche pendant qu’elle le tenait par le bras pour vaquer au chemin qui se présentait à eux et qui les menaient jusqu’à l’endroit où Jo devait se rendre "Tu sais comment me parler, c’est pas fair-play." ajouta-t-elle lorsqu’il la désigna comme étant un diamant. Elle ne voyait pas de fausse flatterie dans son ton, elle savait qu’il pensait ce qu’il disait — c’était un peu le drame de Josephine, d’avoir dans son entourage des gens qui croyaient en son talent au point que ça lui faisait parfois oublier qu’elle devait travailler pour en faire quelque chose, elle qui avait eu l’habitude de briller dans les yeux de ceux qui les posaient sur elle. Ça aussi, ça avait précipité sa chute : sa fâcheuse manie de croire que tout lui tomberait cuit dans le bec parce qu’elle était douée. Elle l’était, personne n’avait jamais prétendu le contraire. Mais la vérité, c’était que ça ne suffisait pas, la preuve en était.

"Ecoutez-le, monsieur le blasé. T’en es à quoi, à peine une dizaine d’années de carrière ? Et tu parles déjà comme si c’était une corvée de faire ce pourquoi t’as autant travaillé." Elle secoua la tête, ne lâchant pas son bras même si elle détourna les yeux pour le poser sur la route qu’elle empruntait avec lui à ses côtés, sa main marquant toujours l’emphase sur son poignée et sur l’idée qu’elle ne le lâcherait pas de sitôt maintenant qu’il était là.
"Plutôt bien. C’est pas si différent de la première fois. J’ai retrouvé une partie de l’équipe qui travaillait déjà à la production, ça me donne l’impression d'être remontée dans le temps." fit-elle lorsqu’il lui demanda ses premières impressions sur son retour dans le game. Jo arqua un sourcil, la tête penchée sur le côté lorsqu’elle ajouta "Et puis Midas est là. Ça rend tout de suite les choses plus faciles, je suis pas entourée que de bouffons incapables au moins — j’aurais pas supporté que la victoire me soit apportée sur un plateau. Tu me connais, j’aime me battre." Et avec Midas dans la compétition, ça rendait les choses un peu plus intéressantes à envisager du point de vue de la compétitrice qu’elle était. Les autres étaient bons, mais sans plus, et ils ne jouissaient pas de la notoriété du jeune homme qui forcément se répercutait sur sa concurrente direct comme on leur prêtait tout un tas de choses qu’ils n’avaient pas pris le temps de démentir.
Elle eut un sourire "Je remarque que t’as pas rebondi sur ma question au sujet de combien je t’ai manqué. Je prends donc ça pour un aveu que ça a dû être vraiment terrible." Elle gagnait du temps sur la suite des questions qu’il lui posa, Jo, faisant dans l’ironie jusqu’à ce qu’elle ne put plus éviter le sujet et qu’elle lui répondit  enfin "J’aime le risque. J’ai accepté de participer sous la condition qu’on me laisse explorer le répertoire que j’ai envie, et tu sais à quel point j’aime le musical." Un battement de cils théâtral, digne des meilleurs scènettes de musical justement, et elle reprit "C’est un classique, même les gamins de moins de 15 ans doivent la connaître. Je veux dire Grease ?" Allô voulait dire l’expression qu’elle avait sur le visage à ce moment-là "Je peux pas croire qu’on les laisse se faire bouffer le cerveau par des Tik Tok songs. Ou alors je suis trop vieille pour ça — ferme-la." lui fit-elle, un doigt levé vers lui avant qu’il n’affirme ses soupçons pour l’asticoter un peu. Enfin, Jo prit une autre posture, moins rigide, et vint appuyer sa joue contre son biceps pendant qu’ils marchaient toujours, bras dessus, bras dessous, et qu’elle lui demanda "Sans mentir : tu trouves que c’est un bon choix, ou je vais me vautrer pour mon grand retour sur les écrans ?"

La curiosité de Jo était aussi exagérée que fausse, lorsqu'elle prétendait ne pas connaître le prénom de Lena, avec qui Micah avait partagé plusieurs encarts dans les magazines. Non pas que les tribulations de son couple étaient forcées de l'obséder, mais connaissant son attrait pour les potins elle n'y avait pas échappé. En réalité, Micah avait décelé une pointe de mépris dans sa réaction, voire un jugement sur le contraste de leurs personnalités. Une preuve qu'il avait réussi sa mission de passer pour un homme nouveau. « Lena. Mais t'es pas obligée de faire semblant de t'intéresser à ma vie sentimentale. » avait-il tranché sans la moindre animosité. Il n'était pas venu pour parler de Lena, et quelque chose lui disait que ce n'était pas non plus dans les projets de Jo. Son absence totale de modestie l'amusait, car Micah savait bien qu'au fond la jeune femme n'était pas toujours si confiante qu'elle ne le faisait miroiter. L'orgueil rendait souvent les gens convaincants. « Je pensais que tu le faisais juste par bonté d'âme. Et aussi parce que tu m'apprécies un peu. Juste comme ça. » avait-il plaisanté en jaugeant la hauteur de son estime entre son pouce et son index. Un tout petit écart qu'il savait bien loin de la réalité, mais trop grand pour ne pas éveiller l'esprit de contradiction de Jo. Il adorait toujours autant la fraicheur de Jo. Cette capacité qu'elle avait à se foutre de tout en apparence et d'être à la fois si critique envers elle-même. Dans un décor plus champêtre, on aurait pu les entendre siffler en gambadant bras dessus bras dessous comme deux enfants.

« C'est vrai que je suis doué pour ça. Mais je le pense Jo. Je dis déjà bien assez de choses que je pense pas devant les caméras pour ne pas me faire chier à mentir dans ma vie privée. » Jo n'en doutait pas, mais Micah tenait à le rappeler au cas où elle aurait oublié ce sentiment qui les avait guidés à l'aube de leurs carrières. Du moins la sienne, dont l'ambition ne pouvait se limiter aux frontières d'un pays. A ses yeux, cela faisait une éternité. Une éternité que sa naïveté, déjà très éprouvée par le caractère implacable de son père, n'était plus que le souvenir d'une époque révolue. « Dix ans de carrière c'est un putain de marathon. Tu te rends pas compte de tous les sacrifices que ça implique, de toutes les stratégies qu'il faut mettre en œuvre pour rester dans le coup. » Le ton impérieux de sa voix sonnait comme un aveu. Celui qu'il était peut-être arrivé au bout de ce dont il était capable pour intéresser un public toujours plus exigeant, fatigué des parvenus dans son genre qui devaient une grande partie de leur condition à leurs parents plutôt qu'à leur talent. « C'est bien plus facile de briller fort un temps que de briller longtemps. » conclut-il pour filer la métaphore jusqu'au bout. Beaucoup avant lui s'étaient brûlés les ailes. Sans son père, Micah aurait été un enfant star comme les autres, dilapidant sa fortune dans la drogue et les plaisirs éphémères. « Tu as regardé mes films au moins ? » C'était à son tour de se faire mousser un coup.

Jo s'accrochait à lui comme à une bouée de sauvetage. Même après toutes ces années elle gardait une certaine reconnaissance. Elle avait l'air sincèrement enthousiaste en lui expliquant son expérience jusque là. « J'ai le droit de dire que je comprends pas trop l'engouement autour de Midas ? Puis il a déjà du succès, est-ce que c'est vraiment fair play ? » avait-il demandé pas très innocemment. Contrairement à lui, Midas revenait de loin. Il ne cessait d'ailleurs de jouer de la modestie des ses origines, monsieur-tout-le-monde, qui parlait bien plus à Jo et au reste du pays que les privilèges d'un homme comme Micah, élevé pour la gloire. Mais Jo tenait à ses repères, et l'avoir près d'elle était certainement plus rassurant que ce n'était dommageable pour ses chances. Micah ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas lui suffire. Quoique sa considération était perpétuelle, ses visites demeuraient ponctuelles. « Terrible comme tu dis, heureusement que j'ai toujours une photo de toi sur ma table de chevet. » avait-il ironisé à son tour. Une photo sur sa table de chevet, c'était peut-être exagéré, mais il devait bien avouer avoir parcouru son compte Instagram plus d'une fois depuis que leurs chemins s'étaient séparés. En confessant avoir posé ses conditions, Jo n'aurait pas pu rendre Micah plus fier. « C'est à la mode les chansons vintage, demande à Kate Bush. Et oui désolé, les années 80 c'est vintage. » Même pour lui, enfant des années 90, le siècle dernier était une chimère. « Tu vas pas te vautrer Jo. C'est un choix audacieux qui prouve avant tout que tu es une artiste qui sait ce qu'elle veut et ce qu'elle vaut. Si les gens comprennent pas c'est des idiots. » Malheureusement, ces idiots faisaient la pluie et le beau temps des gens comme elle et lui. Tout le monde n'avait pas le luxe de pouvoir affirmer ses choix dans une industrie en constante effervescence. Le talent ne suffisait plus, il fallait ce facteur X. « Ce serait facile de gagner en chantant des chansons tiktok comme tu dis, mais ce serait surtout te tirer une balle dans le pied. Tu peux pas faire miroiter aux fans que t'es une artiste mainstream comme les autres pour faire volte-face une fois le trophée en main. Tu perdrais tout le monde en route. » Jo avait déjà fait ses preuves. Les gens qui l'avaient suivie avaient grandi en même temps qu'elle et ne s'attendaient pas à voir l'enfant d'autrefois fouler cette scène. Elle pouvait les surprendre en se montrant fière, mature, forte. « Reste toi-même. Avec tes conditions. Jusqu'au bout. »

when i walk in the room i can
still make the whole place shimmer
Jo Carter & @Micah Tomlinson (crédit gif/alexadcmies)

Un très gros soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres charnues "Pendant deux secondes, j’ai cru que j’allais devoir te demander comment ça se passe entre vous." Pas qu’elle en avait quelque chose à foutre au demeurant, elle avait déjà assez des récits sentimentaux de Megan pour vouloir jouer au Docteur Love plus souvent qu’à son tour. Elle ne prêcherait rien pour connaître les tenants et les aboutissants de la relation qu’entretenait le jeune homme en ce moment-même, étant passée au travers de la phase de l’ex qui sait pertinemment qu’il ne trouvera jamais mieux qu’elle-même dans tous les cas. C’était une réalité sur laquelle elle n’avait pas besoin de méditer, comme elle était persuadée que, de son côté, il devait être certain qu’il resterait le prototype du bon parti qu’elle ne trouverait plus jamais de toute façon. Ce n’était pas de la possessivité, comme ce n’était pas de la jalousie, c’était juste qu’ils étaient à l’aise avec la valeur qu’ils s’accordaient, et ça aussi, ça avait fait joué un rôle dans la manière qu’ils avaient eu de vivre leur relation à l’époque. Ils avaient une aura de Power Couple, elle n’en démordrait jamais qu’en plus d’être beaux, ils étaient charismatiques, et ce n’était pas les tabloïds qui diraient le contraire.
Elle lui sourit lorsqu’il illustra la quantité d’affection qu’elle lui réservait située entre l’espace de son pouce et de son index. Elle n’infirma ni de confirma quoi que ce soit, détournant la tête avec toute la suffisance qu’elle avait en boutique pour le faire douter sur l’idée qu’elle ressentait quoi que ce soit à son égard. C’était le cas évidemment. Micah n’était pas n 'importe qui pour elle, et bien qu’elle pouvait affirmer sans aucune hésitation que toute espèce de sentiments amoureux à son égard avaient disparu depuis longtemps, elle le comptait parmi la courte liste de ceux qu’elle adorait sans équivoque. Dans une autre vie, il aurait été son âme-soeur, mais dans celle-ci, il était ce qui se rapprochait plus d’un ami si cher que malgré les années passées à évoluer l’un indépendamment de l’autre, le temps ne semblait pas avoir d’emprise sur ce qu’ils partageaient.

C’était naturel "Je sais que tu m’adores, je fais même pas semblant d’y croire, c’est juré." Ils avaient aussi ce point en commun, de ne pas savoir mentir alors qu’ils savaient très bien jouer avec les apparences. C’était d’une subtilité qui les plaçaient dans le rôle des plus malins de la pièce, elle n’en douterait jamais d’autant qu’elle savait que, tout compliment sortant de la bouche de Micah était un sceau d’exception à chérir et non à remettre en cause. Elle tourna la tête vers lui, son menton rentrant pour mieux émettre une certaine surprise à l’entendre parler de cette manière "Si je savais pas que t’avais toujours rêvé de mener cette vie là, j’aurais l’impression que tu regrettes l’attention qu’on te porte. C’est quoi le problème ?" Elle observa attentivement son profil juste le temps d’un instant, ses paupières se plissant en même temps que ses doigts se serrèrent davantage autour de son bras comme un geste instinctif de réconfort "Tu sais que tu peux tout me dire ? Si t’as des stratégies dont tu veux te libérer l’esprit, je serais ravie d’être celle qui garde tous tes secrets." C’était déjà un peu le cas, de toute façon. A l’entendre parler, elle décelait une pénitence qui le rendait cynique — et autant elle, elle l’était de naissance, petit condensé d’insolence qui voyait en noir par convenance, autant l’idée que l’industrie puisse le rendre tributaire de l’idée qu'il fallait passer des pactes avec le Diable pour mieux briller, ça la contrariait. Mais pas assez pour ne pas s’offusquer de la question qu’il lui posa, et qui lui fit ouvrir la bouche en grand pour préparer une défense inutile, celle qui était assez théâtrale pour que quiconque sache, qu'elle aussi, elle avait des dons pour la comédie "Tu m'insultes quand tu remets ma dévotion en doute. J’ai même zoomé sur l’écran quand tu faisais de la figuration. Je suis capable de te reconnaître, même quand t’es de dos — surtout quand t’es de dos." Et un clin d’oeil tendancieux plus tard, et elle rit doucement. Elle avait peut-être raté ou une deux de ses tribulations cinématographiques, mais elle avait vu trois fois The Secret History.

"Hm-hm, fais pas ça." Le sourire était très fugace, une éclaircie pendant l’orage, mais il était sincère — autant que l’éclat dans son regard était assez flamboyant pour qu’il sache que remettre en doute l’intérêt qu’on portait à Midas en sa présence, c’était jouer avec quelque chose qu’elle tentait d’atténuer juste parce qu’il avait le privilège d’être lui, et qu’elle n’avait pas envie de faire ce qu’elle faisait chaque fois que le chanteur était mentionné : suréagir et le défendre, quoi qu’il en coûtait "Sois pas jaloux, ça te rend hideux." lui fit-elle seulement, se retenant d’ajouter quelque chose comme t’inquiète pas Micky, ce sera toujours toi mon préféré, tout en sachant au plus profond d’elle que ce n’était peut-être pas aussi vrai que ça. La vérité, et rien que la vérité avec Micah "C’est pour ça que ça a pas fonctionné la première fois tu sais. J’ai pas su faire entendre ce que je voulais quand ils ont commencé à me saper comme Ariana Grande. Quand ça a été terminé, j’ai voulu reprendre les choses en mains, mais c'était trop tard." On l’avait dépeinte comme une ingrate qui crachait dans la soupe si tôt qu’elle avait souhaité se démarquer de l’émission de laquelle elle sortait tout juste. Avec du recul, elle savait qu’elle avait mal joué ses cartes. Si elle n’avait pas été aussi impatiente, ses chances auraient été meilleures, mais Jo était impétueuse partout, pour tout. La chute avait été rude, ça lui faisait encore beaucoup de mal aujourd’hui, creusant des craintes dont elle ne prenait pas encore toute la mesure parce que tout allait vite, beaucoup trop vite "Je savais que les gens voulaient m’entendre chanter de la pop, mais j’ai fait autre chose. J’ai voulu jouer et j’ai perdu." Le haussement d’épaules qu’elle laissa filer, il était de trop tant ce n’était pas sans importance pour elle dans le fond.
Pour l’heure, se projeter sur l’après était un exercice périlleux quand on avait connu la défaite qu’elle avait essuyé. Elle n’en donnait pas l’air, trop orgueilleuse pour vouloir montrer ses failles, mais rien n’était simple dans l’action de se plier à tout ce qui lui pendait au nez. Elle disait vrai, quand elle parlait d’impression de retour dans le passé, et avec ça venait son désir de ne pas commettre les mêmes erreurs, celles mêmes qui l’avaient menée à sa déroute et que Micah atténuaient pas sa seule volonté de lui faire entendre qu’il était fière d’elle, même s’il ne le disait pas comme ça. Elle fronça le nez à ses dernières paroles, et affirma la pression de sa joue posée contre son biceps en lui avouant en même temps "Tu m’as manqué. T’as bien fait de venir, ça va me donner de la force pour le premier prime. Ce fût fugace, mais ça comptait comme annonce, et même si elle reprit une stature plus digne d’elle et de sa classe, elle ne put repousser l’idée que ça lui faisait du bien d’entendre ce genre de choses quand elle avait l’impression qu’on lui reprochait bien trop souvent d’être qui elle était.

Citer Lena n'était pas bien risqué tant le désintérêt de Jo sur leur relation était prévisible. Pour deux jeunes gens qui n'avaient jamais pris la peine de mettre des termes sur ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, Micah et Jo avaient des opinions bien tranchées en ce qui concernait la valeur de leurs vies amoureuses. Nul doute qu'au fond, la chanteuse prodige avait estimé, du peu qu'elle avait entendu, que Lena était trop fade et basique pour lui. C'était tout le paradoxe de leur relation, autrefois étouffée par le poids inestimable des sentiments que Micah éprouvait pour Penny, autant que par leur écart d'âge et de maturité. Dans une autre vie, Jo aurait pu profiter de leur intimité partagée pour nuire à sa carrière et s'acheter une notoriété au passage. Y avait-elle même songé un seul instant ? « Si ça t'intéresse t'as juste à lire les potins sur internet. C'est toujours aussi incroyable comme la presse est mieux au courant de ma vie que moi. Apparemment Lena et moi avons été fiancés à plusieurs reprises. » avait-il répondu entre amusement et dépit. Micah n'avait jamais vécu une relation assez sérieuse et réciproque pour s'affoler de la façon dont on la dépeignait dans la presse. Jusqu'ici, il avait autant profité de sa réputation sulfureuse que les journalistes. C'était gagnant-gagnant.

La surprise de Jo n'était pas invraisemblable. Lui-même s'étonnait du discours qu'il osait tenir face à elle. Un discours aussi spontané que longtemps réprimé. La maladie de son père avait rebattu les cartes de ses priorités. Sans lui, Micah avait l'impression d'être plus seul que jamais avec ses succès. Les trophées et l'argent ne remplaçaient pas tous les moments de partage que les souvenirs perdus de son père ne permettraient plus. Définitivement, il ne lui restait plus rien que l'amertume d'avoir sacrifié ses proches comme une cure de jouvence pour sa carrière. Cinq ans de plus contre un rapport quelconque avec sa mère. Quelques années de plus contre un amour potentiel. « Je regrette pas, c'est toute ma vie. Mais c'est bien ça le problème. Qu'est-ce qu'il me reste après ? Tu te demandes pas parfois si la normalité te manquera pas un peu une fois que ta carrière aura l'attention qu'elle mérite ? Y'a pas de retour en arrière. » demanda-t-il un peu naïvement. Jo n'avait pas le luxe d'avoir eu cette carrière méritée pour se poser ce genre de questions. Bien-sûr qu'à sa place lui aussi serait prêt à tout pour réaliser son rêve. La seule différence était qu'il n'avait eu personne pour le mettre en garde, si ce n'était une mère qu'il avait décidé de considérer comme une manifestation de sa peur de l'échec. En se débarrassant d'elle, les limites étaient devenu infinies. « Pas vraiment, tu sais que j'ai peu d'état d'âme dans le métier. Je m'en cache pas, et ça m'empêche pas de dormir la nuit. On reste pas dans la lumière sans écorcher les autres au passage. » Il rit de bon cœur quand elle affirma connaître sa filmographie sur le bout des doigts. Pour une raison qu'il ignorait, il la croyait sur parole. « Quand je suis de dos dans une scène de douche gratuite ? »

Jo se transforma, cerbère défendant l'intégrité des gens qu'elle appréciait, quand il osa remettre en question la légitimité – et le talent – de Midas. La flamme dans ses yeux était fugace mais sans équivoque. Elle le tenait en haute estime, et Micah serait bien mal avisé de le critiquer en sa présence. « Jaloux ? Pourquoi je serais jaloux ? » avait-il balayé en hochant la tête avec une crédulité affectée. « Lui non plus n'est certainement pas tout blanc. Ce que je veux dire, c'est que tu mérites bien plus que lui. » Et c'était bien ce qu'il avait voulu dire par là. Comme il l'avait répété, il était bien plus facile d'atteindre les sommets en marchant sur quelques têtes. A ses yeux, la carrière de Midas n'était pas compatible avec la sienne. Ils étaient antagonistes, et personne ne soutiendrait l'un sans haïr l'autre. Le ton empli de regrets de Jo semblait vouloir réécrire l'histoire. Mais elle n'avait pourtant rien à se reprocher à ses yeux. Si elle était dans ce studio aujourd'hui, c'était pour une raison. Parce qu'on lui avait volé la victoire la première fois, et qu'il était temps pour elle de prendre sa revanche. Entre temps elle avait grandi, sa voix et ses choix artistiques avaient mûri. Tous les critères étaient réunis pour que justice soit rétablie. « T'as rien fait de travers Jo. C'est pas comme si t'avais le choix à l'époque. Si j'avais pu je t'aurais mieux soutenue, mais il fallait que je parte. J'ai laissé beaucoup de gens derrière moi pour poursuivre mon rêve hollywoodien... » Il ne regrettait rien, c'était simplement un constat. Lui non plus ne serait pas aussi libre de ses choix s'il n'avait pas fait quelques sacrifices au passage. « Toi aussi tu m'as manqué. » avait-il répondu en soutenant son regard. Un regard attendri.