Bien sûr qu’il l’a vu. Bien sûr qu’il a immédiatement reconnu Ruben, malgré les maigres années écoulées depuis leur dernière discussion. Il n’a pas changé, il n’a pas vieilli, il est comme ce foutu Dorian Gray. Il se balade tel un roi sur ses terres, lui dont la seule couronne se résume à un stéthoscope mais surtout une immense pile de bouquins de médecine dont les dessins ne sont pas si jolis que ça. Ambrose a eu le temps de les feuilleter, mais il n’y a jamais rien trouvé d’intéressant. Ils étaient ceux de Ruben et, à l’époque, cela lui suffisait parfaitement. Aujourd’hui, à la vue du jeune médecin, il regrette seulement de ne pas avoir brûlé ces livres. S’il l’avait fait, il aurait peut-être raté ses concours. S’il l’avait fait, il n’aurait eu aucune raison de se présenter à ce gala de charité. S’il l’avait fait, Ambrose aurait été le seul acclamé pour son ascension remarquable à en juger par son jeune âge. Ruben n’est pas le seul à être doué dans son domaine, mais sauver des vies donne toujours un meilleur genre que d’être un acteur en politique. Un seul des deux peut changer la face du pays, mais soit, admettons.

Le jeune vingtenaire prend un verre de champagne de plus à chaque fois qu’un serveur a la mauvaise idée de passer à ses côtés, désormais trop peu intéressé à l’idée de saisir aucune des opportunités que ce gala représente. Il pourrait se tisser un réseau, il pourrait faire connaître son nom, il pourrait faire une immensité de choses et il en a bien conscience, Ambrose, mais sa conscience politique s’est éteinte à la seconde où sa connaissance de la liste des invités est devenue assez étoffée pour reconnaître le nom du médecin. A la seconde où il a pris place au fond du salon haut standard de la péniche qui l’est tout autant, le piège s’est refermé sur lui et les amarres ont été délestées. Déjà, il prie pour le moment où il sera temps d’amarrer à nouveau, où tout le monde aura été assez faux pour considérer la soirée terminée. Quand le champagne aura été vidé et les petits fours mangés, tout le monde jugera bon qu’il est temps de rentrer, et Ambrose le premier, parce qu’il a déjà envie de vomir sans que ce ne soit la faute d’un mal de mer inexistant. Pour la première fois depuis longtemps, il ne se sent simplement pas à sa place, et ce n’est pas la faute de l’occasion mais bien du même et unique individu, comme toujours.

Il part plus fort que les autres convives, il rigole plus fort, il sourit plus fort et Ambrose jure qu’il le déteste. Une stupide petite voix dans sa tête lui dit d’aller le voir plutôt que de ruminer et une autre, plus stupide encore, veut qu’il lui dise qu’il a très bientôt vingt-quatre ans, maintenant, et qu’il est un homme sans que cela ne fasse plus le moindre doute auprès de personne. Autant de détails qui en seraient pour n’importe qui mais pas pour lui ; pas pour Ruben non plus, il ose l’imaginer. Et si le plan a au moins eu le mérite d’exister dans son esprit, il n’a pas celui d’exister dans la vie réelle, en démontre les mots qu’Ambrose tient à son égard à la seconde où le médecin ose passer dans son périmètre, sans doute à la recherche d’un nouveau groupe de convives à divertir. “Jolie bague.” Il ne l’a pas vu. Il est certain qu’il ne l’a même pas vu. Est-ce qu’il se souvient de lui, même ? Non, sans doute pas. De ça aussi, Ambrose en est certain. Il n’était rien sur son chemin, certainement pas quoi que ce soit qui aurait nécessité un moment avant de tourner la page et de déjà envisager de se marier. Ou de se fiancer, déjà, bien sûr. Un pas après l’autre, il ne faut pas précipiter le conte de fée. “Elle a rien entre les jambes et un avenir rayonnant devant elle, j’imagine ?” Il crève d’envie de tenir une cigarette entre ses doigts plutôt que son pathétique verre de champagne dont la main a déjà réchauffé le contenu, mais la vérité c’est qu’il n’y pense déjà plus maintenant que ses prunelles ont accroché les siennes et qu’il ne fait pas même le moindre effort pour essayer de lui sourire. Il a trop bu et on le lui fera sans doute bien vite remarquer, mais il est surtout profondément blessé, sans pour autant que le contexte ne lui permette normalement de le montrer, surtout alors que Ruben se contente d’exister sous ses yeux. Pendant plusieurs mois, il n’existait même plus. Ambrose en a perdu l’habitude. "Félicitations, bien sûr. J'allais oublier." Et le sourire vient enfin, plus faux que jamais, alors qu'il lève sa coupe en sa direction avant de la terminer d'une seule traite.

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Ce n’était même pas pour lui qu’il se trouvait sur ce bateau ce soir, Ruben - chose qui était plus rare, il fallait donc la souligner car d’ordinaire il ne s’embrassait pas à se montrer disponible si celant pouvait pas lui rapporter quelque-chose en échange. Il ne le formulait pas de cette façon là aux autres, bien sur, arrondissant les angles et trouvant les meilleures parades pour que l’idée qu’il bénéficie de quelque-chose en fin de course vienne de son interlocuteur et non de lui-même. Ce soir cependant, il était présent en tant que simple accompagnateur: Nina avait été invitée par son propre chef de service, et avec l’invitation venait le droit d’emmener un +1 à ses côtés. Hartfield n’aurait su dire si elle lui avait proposé de venir avec elle pour essayer de passer une douce soirée en compagnie de son fiancé, ou simplement parce-que cela donnait meilleure image de se présenter à ce type de soirée en tant que couple, bague brillante au doigt pour madame et beau sourire pour monsieur. Peu lui important la raison, en réalité: pour lui, cela représentait l’occasion à la fois de faire un pas dans la direction de la jeune femme, pour lui montrer que qu’import les réelles circonstances qui entouraient leur relation, il était présent pour elle et prêt à la soutenir - et puis tout autant était l’occasion de serrer quelques mains de personnes importantes, de glisser son nom à d’autres confrères. Il ne perdait jamais le nord, Ruben: si l’excuse d’y gagner quelque-chose in fine ne venait pas à lui, il irait la chercher. Cela avait toujours fonctionné jusque maintenant, il ne s’arrêterait pas en si bon chemin.

Et il aurait continué à se pavaner et à profiter des festivités si une voix n’était pas venue l’interrompre dans son avancée. « Jolie bague. » Sans savoir que c’était avec exactitude à lui que la personne s’adressait, la façon dont ces simples deux mots avaient été prononcés il n’avait pas de doute quant au fait qu’il était l’interlocuteur cherché pour cette discussion. Arrêtant donc ses pas dans son élan, il fronça quelque peu les sourcils avant d’entendre de nouveau la fois du jeune homme s’élever à son intention. « Elle a rien entre les jambes et un avenir rayonnant devant elle, j’imagine ? » S’il avait hésité un instant à continuer son chemin sans réellement prêter attention à la personne derrière les mots, ceux prononcés en cet instant ne sauraient le laisser véritablement de marbre. « Pardon ? » Il pivota lentement sur ses talons, jusqu’à temps que ses yeux puissent s’accrocher à la silhouette de celui qui l’importunait de la sorte. Ses prunelles ne mirent qu’un instant pour comprendre qui lui adressait la parole - il avait beaucoup de défauts Ruben, l’un d’eux étant de surement ne pas prêter assez attention aux personnes qui l’entouraient, mais il avait malheureusement bonne mémoire et rares étaient les souvenirs qui lui faisaient défaut. Ce fut donc par la suite un petit rire qui échappa d’entre ses lèvres, trop rapidement pour qu’il n’ait le temps d’y réfléchir réellement, qu’il se range à une réaction mois puérile. « J’aurais pu me douter que c’était toi. Ambrose, quelle surprise. » Peut-être que cela allait surprendre le jeune homme qu’il soit apte à ressortir son prénom avec une telle aisance. Ce n’était pas le seul souvenir qu’il était apte à ressortir avec facilité au sujet du brun désormais face à lui - si Ben avait échappé un rire, aucune trace d’amusement se trouvait sur le visage de Rose face à lui.

« Félicitations, bien sûr. J'allais oublier. » - « Très aimable de ta part, merci. » S’il comptait mettre du sarcasme dans ses paroles, le chirurgien ne se priverait pas de faire la même chose. Un donné pour un rendu semblait être un bon moyen de se lancer dans une conversation qu’il pensait sentir d’avance un brin musclée. Si Ambrose n’avait toujours pas muri entre temps, le ton allait rapidement monté entre eux - ou en tous cas, l’autre brun serait facile à faire perdre pied. « Elle a effectivement un avenir brillant devant elle. Et je vais pas comparer ce qu’elle a entre les jambes à ce que tu as toi à cette place là, ça pourrait être insultant pour vous deux. » Et même s’il savait que le faire sortir de ses gonds serait chose aisée, Ruben n’avait aucune envie d’attirer l’attention du public présent à proximité sur leurs personnes. Surtout qu’il n’était pas là pour ça - ni ce soir, ni jamais -; si les autres costumes présents portaient leur attention sur lui, il voulait que ce soit parce-qu’ils n’avaient que de belles choses à dire à son sujet, pas pour le regarder se donner en spectacle. « Ca fait longtemps, dis moi. Combien, cinq ans, six ans c’est ça ? » Il se souvenait parfaitement à quel moment leurs chemins s’étaient croisés, mais tâter le terrain de façon presque innocente de cette sorte suffirait amplement pour le moment. « T’es ici ce soir pour faire l’animation ? » Référence aucune subtile à la façon dont leurs chemins s’étaient croisés, presque sept ans en réalité plus tôt. « Même moi je suis prêt à admettre que ça manque de bonne musique depuis qu’on est partis du quai. »

« Pardon ? » C’est pour l’effet dramatique qu’Ambrose ne dit rien, sans doute. C’est pour l’effet dramatique qu’il observe Ruben se retourner, la gorge nouée à cause de leurs souvenirs communs. Il est toujours aussi imbu et a encore plus de raisons de l’être, maintenant, mais il est surtout le même homme qui n’a absolument pas changé. Le même regard, le même visage, la même attitude le caractérisent toujours. Et pour toutes ces raisons pour lesquelles il n’y est pour rien, Ambrose le déteste. « J’aurais pu me douter que c’était toi. Ambrose, quelle surprise. » Il n’avait pas entendu son prénom prononcé de sa bouche depuis des années et il mentirait s’il disait que cela ne lui faisait rien et le rendait parfaitement indifférent. Il aime compter pour quelqu’un, et c’est le genre de sentiment qu’il ne peut pas contrôler, même alors que le quelqu’un en question est sûrement le premier à l’avoir fait se sentir terriblement mal après l’avoir repoussé. “Tu ne l’aurais pas pu, non.” Il rétorque froidement. Après des années de silence et pas la moindre tentative de prendre de ses nouvelles, jamais Ruben n’aurait pu se douter de ce à quoi ressemble aujourd’hui la vie d’Ambrose, et surtout pas qu’il était voué à lui aussi monter sur cette péniche. Et s’il pense qu’il se retrouve ici uniquement pour retrouver Ruben, il fait une immense fausse route qui a tout pour énerver le plus jeune: il ne dépend pas de lui ; surtout pas alors que de nombreuses années se sont écoulées et qu’il jure avoir tourné la page, lui aussi.

Cristina jubilerait, si elle savait qu’il s’est encore une fois rapproché d’un homme marié. Ruben ne l’était peut-être pas à l’époque, mais c’est le genre de détail sur lequel elle ne voudrait pas s’attarder, n’est-ce pas ? « Très aimable de ta part, merci. Elle a effectivement un avenir brillant devant elle. Et je vais pas comparer ce qu’elle a entre les jambes à ce que tu as toi à cette place là, ça pourrait être insultant pour vous deux. » Il le déteste. Il le déteste, pour autant se prendre au jeu aussi facilement, il le déteste pour être capable de flatter sa fiancée à ce point, il le déteste pour oser faire allusion à ce qui a un jour pu exister, entre eux, ou tout du moins au fait que Ruben sait parfaitement à quoi ressemble le corps sans tatouages qu’il avait auparavant. “Ta bonté te perdra, vraiment.” Il répond alors dans un sifflement, son regard parcourant déjà la salle à la recherche de sa fiancée. Il ne sait pas quel genre de visage chercher si ce n’est une miss parfaite, et il est plutôt certain qu’il arriverait sans mal à retrouver le genre de femme dont Ruben pourrait oser tomber amoureux, ou tout du moins se lier avec. Ambrose ne voit rien, pourtant, et cela le frustre un peu plus encore, parce que cela signifie qu’il vient de plonger seul dans la gueule du loup et qu’il n’est plus capable d’en ressortir. « Ça fait longtemps, dis moi. Combien, cinq ans, six ans c’est ça ? » - “Tu veux que je te rappelle l’âge que j’avais à l’époque ? Et le tien avec ?” Puisque c’est le seul argument qu’il a osé avancer pour imposer une distance entre eux, Ambrose le garde toujours en travers de la gorge, certain qu’il n’a fait office que d’excuse. Il aurait pu lui reprocher n’importe quoi, il aurait tout simplement pu lui dire qu’ils ne voulaient pas la même chose, il aurait pu inventer n’importe quelle histoire et pourtant c’est bel et bien le fait qu’il se soit contenté d’évoquer des chiffres qui ont eu raison de la patience et de la retenue du Constantine. « T’es ici ce soir pour faire l’animation ? » Ambrose a un rire mauvais, mais un rire quand même. Lui et son costume sur mesure, un cadeau de Norman, ils emmerdent Ruben et sa foutue passion pour la musique. « Même moi je suis prêt à admettre que ça manque de bonne musique depuis qu’on est partis du quai. » Et il n’y a sûrement que la musique qui lui manque. Sur ce point, Ambrose n’a malheureusement aucun mal à le croire, parce qu’il n’imagine pas que leur histoire ait autant compté pour le médecin que ça a été le cas pour lui. “Si on me donne un micro, je risque pas de l’utiliser pour chanter, non.” Ni même pour décrier leur relation, parce que cela ne regarde qu’eux, peu importe à quel point la parfaite vie du parfait Ruben lui déplaît. “Elle n’est pas là ? Elle devrait. Je sais comment tu finis, quand on te propose de l’alcool et un panel de jeunes hommes et femmes qui pourraient possiblement être à ton goût.” Il n’a pas encore commencé à boire, vraisemblablement, mais il est toujours temps de rattraper le temps perdu. “Ou c’est ce qui explique pourquoi vous vous contentez d’être fiancés ? Ça fait bon genre, mais au moins tu brises pas des vœux faits sur l’autel quand tu vas voir ailleurs.” Il a la vie parfaite, mais ce ne sont que des apparences. Ambrose le sait ; il veut le savoir, il veut avoir raison, il veut croire que le rêve n’en est qu’un et qu’il suffit de peur pour le mettre à mal. “Un peu d’aide, peut-être ?” Et à son tour de jeter à nouveau un coup d'œil en direction de l’assemblée, très sérieusement à la recherche de la prochaine personne à lui présenter et qui pourrait assez lui plaire pour qu’il lui accorde son attention durant quelques semaines, quelques mois tout au plus. “Un homme, j’imagine ? Cela aura toujours davantage un goût d’interdit. Et c’est grisant, hm ?” Il est celui qui lui a fait comprendre qu’il aimait les hommes, il y a des années de ça, et sans doute qu’il le déteste pour ça, parce que ce n’est pas une chose dont sa carrière politique avait besoin.

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« Tu ne l’aurais pas pu, non. » Il secoua légèrement la tête. « Laisse moi au moins le bénéfice du doute. » En revanche, de croiser sa route ici était réellement une surprise; sur cette partie là il n’y avait pas de doute à avoir puisque la réaction de Ben était on ne pouvait plus naturelle. Peut-être qu’Ambrose avait oublié qu’il savait l’être, d’un naturel à faire peur, une fois qu’il faisait confiance un minimum à la personne qui était à ses côtés. C’était de cette façon là qu’il avait vu le jeune homme pendant quelques temps, alors que leur relation se développait et aurait pu en obtenir réellement le nom. Une fois qu’il avait compris en revanche que la confiance avait été brisée dès le premier soir de la part du brun à face à lui, il avait pris ses affaires, tourné le dos et n’avait pas cherché à attendre son reste. Depuis, les choses avaient bien changé - et Rose avait vu juste quand à la jeune femme qui allait de paire avec Ruben ce soir, et tous les autres jours du quotidien. Si Hartfield pouvait appeler ça du quotidien - les détails n’étaient pas nécessaires d’être connus à ce moment de la conversation. « Ta bonté te perdra, vraiment. » Il haussa les épaules, toujours un brin amusé de cette situation en réalité. « T’es pas le premier à me le dire mais t’es le premier qui y croit pas. » Parce-que d’ordinaire, lorsque quelqu’un faisait référence à la bonté de Ruben, c’état au sens premier du terme - le sarcasme dans les mots de Constantine était perceptible depuis l’autre bout de la pièce sans soucis surement.

Il savait aussi sans qu’il n’ait besoin de le mentionner qu’Ambrose ne l’avait pas abordé pour discuter tranquillement de la femme qui partageait désormais sa vie. Il n’arrivait pas encore à mettre le doigt sur la raison exacte, mais son instinct lui disait que ce n’étiat pas pour lui offrir un bouquet de compliments que la conversation était désormais engagée. Il mettait quand même une option sur l’idée que ce soit simplement pour passer le temps - la soirée pouvait d’avance avoir une impression de trainer en longueur alors qu’ils venaient à peine de quitter le port, pour toute personne n’étant pas dans son élément naturel. Alors, il osa se lancer sur le côté nostalgique finalement de cette rencontre, alors que leurs chemins ne s’étaient pas croisés depuis bien des années. Depuis que Ruben avait purement et simplement mis fin à leur histoire. « Tu veux que je te rappelle l’âge que j’avais à l’époque ? Et le tien avec ? » Et il fallait dire qu’il avait tendu la perche, avec sa question formulée ainsi; perche assez grande en tous cas pour qu’Ambrose décide de l’attraper sans hésiter un seul instant. Hartfield pinça les lèvres en une ligne fine. « J’ai toujours été bon en math, je devrais réussir à faire le calcul. » Parce-qu’il était vrai que là avait été la raison qui l’avait poussé à rompre toute forme d’engagement envers Rose: le jeune homme était encore mineur lorsqu’ils s’étaient rencontrés, et il n’avait pas jugé bon de souligner ce détail à Ruben; là où ce dernier avait son importance, le jeune homme ne désirant pas passer une partie de ses jeunes années derrière les barreaux. Il aurait perdu trop de temps pour sa carrière, et de toutes façons ça aurait fait tâche sur son CV, quelques années en détention.

« Si on me donne un micro, je risque pas de l’utiliser pour chanter, non. » Ben avait détourné la conversation sur un autre sujet, usant du small talk parce-que après tout, la situation s’y prêtait. Il était cependant étonné de la réponse du brun en première intention. « Ah ouais ? T’auras pas envie de faire un petit show pour éviter qu’on meurt d’ennui ? » - « Elle n’est pas là ? » Il passa de la surprise à l’étonnement, ses sourcils quelque peu haussés carrément froncés sur son visage désormais. Elle n’était pas là ? Mais qui ? « Elle devrait. Je sais comment tu finis, quand on te propose de l’alcool et un panel de jeunes hommes et femmes qui pourraient possiblement être à ton goût. » Le regard de Ruben alla tour à tour du verre encore plein qu’il tenait dans l’une de ses mains, à la foule autour d’eux, puis en levant les yeux au ciel se posa sur Ambrose. Il ne pouvait pas être sérieux - c’était là le comportement le plus enfantin qu’il ait eu l’occasion de voir de sa part à lui, et pourtant c’était par rapport à leur différence d’âge à l’époque qu’il avait éconduit le jeune homme. « Ou c’est ce qui explique pourquoi vous vous contentez d’être fiancés ? Ça fait bon genre, mais au moins tu brises pas des vœux faits sur l’autel quand tu vas voir ailleurs. » Aux dernières paroles prononcées, les mâchoires de Ben se serrèrent un instant - avant de se relâcher pour ne pas que ce réflexe soit perceptible. Il ne pouvait savoir ô combien il avait raison, Rose, en cet instant avec ce type de raisonnement: s’ils étaient fiancés, Nina et lui, c’était justement pour faire bon genre et donner du change aux apparences; parce-qu’il allait voir ailleurs, il était vrai, mais il n’était pas question que ce soit vers ce terrain qu’ils se mettent à… « Un peu d’aide, peut-être. Un homme, j’imagine ? Cela aura toujours davantage un goût d’interdit. Et c’est grisant, hm ? » - « A quoi tu joues, Ambrose ? » Les mots du chirurgien furent dits avec un calme qui détonnait face à  l’agacement clairement présent au sein du politicien. Si le regard de ce dernier s’était tourné vers la foule, celui de Ben n’avait pas lâché les traits du visage de Constantine. « J’ai pas besoin que tu joues aux conseillers matrimoniaux, je suis parfaitement heureux dans ma situation. Le mariage est prévu pour l’année prochaine, si tu t’intéresses tant que ça à mon couple. » Menteur. « Si tu arrêtais de jouer à l’enfant et que tu me disais vraiment ce que tu cherches à me dire ? J’ai horreur des gens qui tournent autour du pot. » Il aimait lorsque les situations étaient droites, franches et directes - si seulement il se forçait à agir en fonction de tels principes pour toutes les situations de sa vie -; c’était de cette façon qu’il était plus simple d’agir correctement et en pleine conscience. « Quelqu’un aurait encore le coeur brisé ou je rêve ? » Parce-que s’il se mettait à lire entre les lignes, c’était ce qu’il pouvait en ressortir: Rose n’avait en rien digéré le fait qu’il ait décrété seul que leur relation était vouée à l’échec et ne pourrait se poursuivre plus longtemps.

« T’es pas le premier à me le dire mais t’es le premier qui y croit pas. » Le voilà au moins premier pour quelque chose, alors. « J’ai toujours été bon en math, je devrais réussir à faire le calcul. » Il répond donc simplement face à Ambrose qui perd peu à peu son calme, son tempérament stable largement mis à mal par la simple rencontre avec Ruben. Ce dernier n’a en rien lancé les hostilités, Ambrose pourrait le dire lui-même: il s’en est chargé tout seul, comme un grand. Il a ramené les branches, allumé le feu, versé de l’huile dessus. Il fait les questions et les réponses, il se bat contre des moulins, et tout au fond de lui il a l’impression que cela l’aide à se sentir un peu mieux. « Ah ouais ? T’auras pas envie de faire un petit show pour éviter qu’on meurt d’ennui ? » Ruben passe d’un sujet à un autre alors qu’Ambrose joue à l’éternel rabat-joie à ne vouloir parler de rien et surtout, surtout à ne vouloir ressasser aucun souvenir du passé qui les comprenne eux deux. “Tu es un enfant ou un prodigieux médecin ?” Il tranche à nouveau, sans aucune once de joie sur le visage. Il ne veut pas faire le spectacle, pas ici, pas face à de telles personnes, et encore moins face à Ruben.

Pour tenter de reprendre la face, c’est lâchement sur sa fiancée qu’Ambrose amène le sujet de conversation, ne sachant pas vraiment s’il la déteste ou la trouve terriblement chanceuse. L’un n’empêche pas l’autre, et pourtant il refuse d’assimiler les deux idées et de lui donner autant d’importance, même si elle est la grande absente autant que le sujet principal de leur conversation, maintenant. Son discours est long, interminable, et le regard noisette qu’il pose sur l’assemblée mime de chercher un homme possible à son goût, là où il ne cherche en réalité rien ni personne, vouloir arranger la soirée du médecin étant bien la dernière chose qu’il puisse souhaiter. « A quoi tu joues, Ambrose ? » - “Moi ? Rien, je pense simplement à voix haute.” Non, bien sûr que non il ne joue pas, bien sûr que non il ne cherche pas à obtenir une réaction de sa part ; bien sûr que non, il n’est pas en train de faire perdurer sa propre agonie. « J’ai pas besoin que tu joues aux conseillers matrimoniaux, je suis parfaitement heureux dans ma situation. Le mariage est prévu pour l’année prochaine, si tu t’intéresses tant que ça à mon couple. » Il voudrait demander s’il sera invité, par simple esprit de contradiction, mais il n’en a ni le courage ni l’envie. Ruben serait capable de lui répondre par la positive; là où Ambrose ne sera certainement pas capable de se rendre audit mariage - s’il a bel et bien lieu. En un an, il peut se passer beaucoup de choses, et le jeune Constantine note simplement qu’il n’a pas été outré à l’idée qu’il puisse être adultère. Il ne l’est peut-être pas, mais il y a autant de chances qu’il puisse l’être. Les seules règles qui l’intéressent sont celles qu’il érige lui-même. « Si tu arrêtais de jouer à l’enfant et que tu me disais vraiment ce que tu cherches à me dire ? J’ai horreur des gens qui tournent autour du pot. » - “Et moi j’ai horreur des gens qui s’obstinent à me qualifier d’enfant.” C’est une vérité générale, mais ça l’est un peu plus encore face à Ruben, surtout alors que leur rupture était uniquement basée sur leur différence d’âge. Le grand médecin vaut sans doute bien mieux que de s’abaisser à partager la vie d’un homme de presque dix ans son cadet, voilà tout. Il a une vie d’adulte, il a la carrure d’un adulte, il a le mental d’un adulte, et il a la même rancune que n’importe quel adulte, aussi.

« Quelqu’un aurait encore le cœur brisé ou je rêve ? » La réaction du plus jeune est automatique, viscérale, sanguine. C’est un regard noir qu’il déporte en direction du médecin tout en remontant violemment sa main contre son torse, ne refermant le poing qu’au dernier moment, juste à temps avant de frapper quoi que ce soit. Et qui que ce soit, surtout. Sous sa chemise, les veines de son bras se dessinent sans que personne ne puisse le voir ; personne qui ne leur prête attention, du moins, parce que la colère d’Ambrose est évidente. Elle se lit dans son poing qu’il ne desserre pas, et elle se lit aussi contre la chair tendue de son cou. “Tu te prends pour qui, sérieusement ? Va te faire foutre.” Il voudrait lui crier dessus mais doit se contenter de le chuchoter, pour ne pas attirer l’attention de qui que ce soit. Non, bien sûr que non Rose n’a jamais eu le cœur brisé. C’est une idée à la con, c’est une idée qu’il déteste, et c’est une idée qu’il abhorre surtout entendre de sa bouche à lui, surtout avec l’amusement qu’il croit avoir décelé dans son timbre de voix. “T’es personne, Ben. Absolument personne.” Ni à ses yeux, ni à ceux du reste du monde.

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« Tu es un enfant ou un prodigieux médecin ? » - « Chirurgien, s’il te plait. » Il ne comprenait pas cette fâcheuse habitude qu’avaient les personnes, de façon générale, à ne pas savoir faire la différence entre les deux carrières. Certes, il était médecin puisqu’il avait acquis la médecine au cours de ses études et la maitrisait presque sur le bout des doigts; cependant ce n’était pas dans ce type de voie qu’il s’était spécialisé, et il comptait à chaque fois que l’occasion lui serait procurée faire en sorte de le répéter. Douze ans d’études, douze ans: il ne laisserait personne dénigrer cette partie là de ses efforts. Alors, pour appuyer ses paroles, il laissait un petit sourire un brin forcé se dessiner sur ses lèvres. Le pire dans tout ça ? Il n’était persuadé qu’Ambrose connaissait la précision mais n’avait guère envie de faire des efforts rattachés à sa personne.

Il n’y avait qu’à voir la façon dont il répondait face aux tentatives d’adoucir la situation de la part de Ruben - pour une fois qu’il ne jouait pas trop à l’idiot et avait compris que les circonstance dans lesquelles ils étaient aujourd’hui amenés à se recroiser ne donnaient pas l’occasion parfaite pour ce type de réaction. Constantine attaquait à la moindre occasion, cherchait la petite bête sur le moindre détail, et le fait qu’il s’en prenne à la fiancée de Ben ne le rendait ravi d’aucune manière. Toute trace de sourire, ne serait-ce qu’un minimum amusé, avait quitté ses lèvres alors que son regard s’accrochait au visage et aux noisettes de Rose. « Moi ? Rien, je pense simplement à voix haute. » Il ne croyait pas un mot des excuses qu’il pouvait lui sortir: il cherchait à attendre un but, il fallait juste un peu plus de temps à Hartfield pour trouver de quoi il en ressortait. Car, à part pointer du doigt des détails qui n’étaient pourtant pas visibles pour ses yeux, Ambrose ne faisait rien avancer en cet instant. Oh, que c’était beau d’être contrarié par une simple rencontre, surtout quand il n’était pas apte à gérer les émotions qui en découleraient et les attitudes associées à ces dernières. C’était peut-être et surement un point qui finirait par faire sortir le brun de ses gonds d’autant plus rapidement: là où il s’énervait seul sur place, Ruben gardait un calme et une maitrise de lui qui faisait peur à voir. Il avait l’habitude, en réalité, de se retrouver dans ce type de situation où il avait besoin de prendre sur lui; mais cela tranchait également avec ses paroles, quand il disait avoir de vrais ressentis et émotions par rapport aux personnes qu’il connaissait. Il aurait pu, aurait du être quelques peu perturbé de croiser Ambrose ici, aujourd’hui, après tout ce temps. Il n’en laissa cependant rien paraitre. « Et moi j’ai horreur des gens qui s’obstinent à me qualifier d’enfant. » - « Alors arrête d’agir comme si t’en étais un. Grandis, Ambrose. » Il savait que ce type d’enchère sur les mots n’allait pas plaire au jeune homme face à lui, mais il n’en avait que faire en cet instant. Si Constantine n’avait pas su murir pendant les années qui s’étaient écoulées entre deux de leurs rencontres, ce n’était pas le problème de Ruben. Les conséquences de ses actes, peut-être, mais plus son problème depuis longtemps.

Jusqu’au moment où Ambrose fut à deux doigts de s’emporter, et eut du mal à se contenir. Il avait parfaitement vu son regard virer au noir complet, ses muscles se tendent sous le moindre tissu, son poing se fermer pour s’arrêter à mi-hauteur et éviter ainsi un scandale au milieu du public. Ruben avait attrapé au vol les détails du moindre geste de Rose, mais n’avait pas bougé le petit doigt pour autant: il savait que ce dernier ne serait pas réellement capable de lui faire du mal. Et puis des deux, il était celui qui saurait maitrisé l’autre avec le plus de facilité. Les iris de Hartfield s’accrochèrent alors tour à tour à celles de l’autre homme, puis sur les muscles et les veines de son cou ressortant avec un détail touchant la perfection, avant de s’attarder sur son poing fermé, prêt à être asséné contre n’importe quelle surface de l’épiderme de Ben. « Tu te prends pour qui, sérieusement ? Va te faire foutre. » Il remonta en une fraction de seconde ses yeux dans les siens, les accrochant avec une ardeur à faire un peu peur. « Avec plaisir. Tu veux t’en occuper ? » Il provoquait, Ben, parce-qu’il comprenait malheureusement que ses mots comportaient désormais une part de vérité; même si Ambrose n’avait pas réellement eu le coeur brisé, une partie de lui avait sacrement été amochée au cours du processus. « T’es personne, Ben. Absolument personne. » A tel point qu’il en venait à attaquer le jeune chirurgien là où ça faisait le plus mal: dans son égo. Peut-être était-ce fait exprès, peut-être était-ce simplement une façon de s’alléger de tout ce que son coeur semblait porter. Il n’empêchait que c’était une bonne technique pour faire réagir Hartfield bien plus que ce qu’il avait pu dire jusque maintenant.

Alors, avant que Rose ne puisse se douter de quoi que ce soit et qu’il ait le temps de se débattre, Ruben attrapa fermement dans sa main le poignet du brun pour lui faire un clef de bras et le pousser en vitesse vers l’extérieur du bateau. Ils ne pouvaient se permettre de se laisser aller à des gestes et paroles de la sorte plus longtemps à l’intérieur, sinon des regards allaient finir par se poser sur eux, chargés de questions. Le pont serait donc parfait pour continuer cette scène - parce-que c’en était une, bien sur, autant de la part de l’un que l’autre désormais. Simplement, Ruben savait garder un ton de voix cordial et presque calme, alors qu’il poussait Rose avec une petite impulsion pour qu’ils soient séparés de quelques mètres. Sinon, le jeune homme serait capable de se retourner sans attendre son reste pour lui percuter la mâchoire d’un revers. « Je suis personne, d’accord je prends l’insulte. » Il posa ses poings sur ses hanches, haussant un sourcil. « Alors pourquoi tu t’énerves comme ça, si je suis personne pour toi aussi, hein ? » Le petit sourire était provocateur par la suite, et parfaitement volontaire. Il était agaçant, quand il était vexé. « Si je suis personne, t’es qui toi, dis moi Rose ? » Rectification: il était tout le temps énervant, mais particulièrement lorsqu’il était vexé, Ben.

« Chirurgien, s’il te plait. » Ta gueule.
S’il te plaît.

« Avec plaisir. Tu veux t’en occuper ? »
“Avec ou sans l’aide de ta femme ?”

Cette discussion ne mène nulle part, Ambrose le savait dès le premières secondes, mais il refuse d’être celui qui quittera le champ de bataille, parce que ça le fera passer pour le plus faible des deux. Il doit pourtant avouer qu’il n’avait certainement pas anticiper le fait que Ruben ose lui faire une clé de bras pour s’assurer que le ton ne monte pas davantage encore entre eux ; ou tout du moins pour s’assurer que cela n’arrive pas dans un lieu public. Il finit par tituber rapidement lorsque Ruben le pousse au loin, ce qui repousse d’une simple seconde son envie de lui en coller une pour avoir osé le traiter de cette manière, comme s’il n’était qu’un objet encombrant. “T’es sérieux ? T’en as honte à ce point ?” Ses mots s’élèvent avant même que son visage ait le temps de se retourner et de retrouver les yeux du chirurgien. Il est toujours plus blessé et toujours plus en colère, désormais. « Je suis personne, d’accord je prends l’insulte. » Il n’avait d’autre choix que de le faire, de toute façon. Ambrose ne compte pas reprendre ses mots, et encore moins s’excuser. « Alors pourquoi tu t’énerves comme ça, si je suis personne pour toi aussi, hein ? Si je suis personne, t’es qui toi, dis moi Rose ? » - “Tu veux être quelque chose, Ruben ? Très bien. T’es qu’un putain d’égocentrique aveuglé par ta pseudo réussite et pas foutu de comprendre que le monde ne se résume pas à toi.” Il ne dira pas ce qu’il est, lui, parce qu’il ne lui fera pas la joie d’y réfléchir davantage, ou même de donner du poids aux paroles de Ruben. Il cherche simplement à le blesser et oui, bien sûr qu’il y arrive. Pour ça, comme pour son métier, il est terriblement doué, et ça fait de lui une personne toujours plus abjecte. “J’espère vraiment que t’es doué de tes petites mains, parce que c’est tout ce que t’as.” Il perd ses amis, il perd sa famille. Il perd tous ceux qui s’intéressent un temps à lui, parce que tout le monde finit par comprendre qu’il ne fait pas le poids, en comparaison de son métier.

Toutes les autres insultes soigneusement rangées dans une partie de son esprit n’ont pas le temps d’en sortir, la faute à une voix particulièrement reconnaissable qui semble bien décidée à les arrêter. « Eh, Toi ! » Ambrose fronce aussitôt les sourcils en reconnaissant le timbre de son cousin, lequel est naturellement hurlant bien plus que toute autre chose. Il croise brièvement son regard, plus noir que jamais - et pendant une seconde, il se demande ce qu’il a pu faire pour récolter à ce point ses foudres. « Oui, c'est à toi que je parle espèce d'enfoiré. Il parait que t'aimes jouer les gros durs ? Tu vas regretter jusqu'à ta venue au monde, je te le garantis. » Tout en comprenant qu’il n’est pas celui à qui il dédie ses paroles, Ambrose souffle un instant, imposant devant son cousin sa main tendue sans se montrer convaincant pour autant. Ce n’est qu’un malentendu, James le comprendra rapidement. Il n’y a rien à dire de plus, il l’a sûrement vu lui faire cette clé de main et il s’emporte, comme toujours, à l’idée qu’on touche à son précieux petit cousin. Ambrose le connait assez pour savoir à quel point il souhaite toujours le protéger, mais il jure être un adulte capable de se débrouiller seul, désormais. “James, tout va bien. C’est bon.” Il se contente donc de souffler, sans pour autant s’imposer entre les deux hommes, et pour cause: il n’a aucune idée de la colère qui est celle du styliste.

Ambrose est donc plus que jamais surpris lorsque son aîné empoigne le col de Ruben sans plus de cérémonie, uniquement pour mieux le cogner avec force et précision ensuite. Il a le temps d’amocher sa mâchoire, juste après avoir visé son ventre, et déjà le jeune politicien perd le fil du cours des événements, aveuglé par la violence des gestes de son cousin qu’il idolâtre tant. Pour l’heure, ce dernier est purement et uniquement occupé à passer ses nerfs sur Ruben qui, pris de court, peine à lui rendre la pareille, ou à simplement se protéger et se défendre. « Tu vois, t'es pas le seul à avoir les poings qui le démangent. Et c'est rien à côté de ce que je te ferai si t'oses encore l'approcher, tu piges ? » Et sans pour autant comprendre la signification de tels mots, ils ont au moins le mérite de ramener Ambrose à lui qui, jusque-là, s’était figé de surprise. Il s’immisce finalement entre les deux hommes, ses mains levées pour parer le moindre coup qui pourrait encore venir de James. “Mais t’es pas bien ? Putain James à quoi tu joues ?” Il faisait encore à peu près semblant de garder son ton bas lorsqu’ils étaient à l’intérieur de la salle. Ce n’est plus le cas, désormais, et il hausse le ton sur son cousin sans s’en vouloir un seul instant, lui-même animé par une colère bien différente, laquelle est mêlée à beaucoup d’incompréhension. Il sait son aîné impulsif, mais il ne l’avait jusqu’alors jamais vu l’être au travers de ses poings. Pour autant, il n’a pas le temps d’y réfléchir plus amplement, ses priorités lui rappelant qu’il doit avant toutes choses vérifier l’état de Ruben.

Il abandonne la bataille de regard avec son cousin pour se retourner et se concentrer sur le médecin, ses mains posées de part et d’autre de son visage. “Ruben ? Tu m’entends ? T’es avec moi ?” Ses doigts effleurent à peine ses joues de crainte de lui faire mal, et il tente d’attirer son attention sans savoir si ça changerait quoi que ce soit à l’équation finale. Ambrose veut bien faire ; simplement il n’a aucune idée de la façon par laquelle il peut y parvenir. “Merde, il t’a pas raté.” Il constate, son regard naturellement sombre allant et venant sur les ecchymoses de son visage et le sang, déjà séché, qui le compose. “Et c’est pas un putain de compliment, tu m’entends ?” Sa tête se retourne vivement, cette fois-ci en direction de James. “Il faut qu’on débarque, tu dois être vu par un médecin.” Le brun finit par annoncer platement, anticipant déjà le fait que Ruben ne le veuille pas et que James en ait tout aussi peu envie, chacun pour leurs raisons. Personne n’a envie que l’altercation s’ébruite, mais il ne laissera pas Ruben dans cet état sans rien dire. Il pourrait y avoir plus de dégâts que ceux naturellement visibles.

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« Avec ou sans l’aide de ta femme ? » - « Sans, tu devrais réussir à t’en sortir tout seul comme un grand garçon. »

L’idée de Ruben était désormais bien simple: sortir de la salle de réception du bateau, retrouver le pont et mettre au clair toute cette histoire. Ils ne pouvaient se permettre de continuer à discuter de la sorte à la vue de tous: il détestait risquer d’être le centre d’intérêt d’une de ces scènes dignes des pires téléfilms, et en réalité l’intérêt allait également à Ambrose. Aucune de leur deux carrières ne méritait d’être salie de la sorte en public. « T’es sérieux ? T’en as honte à ce point ? » Il leva les yeux au ciel. Croiser le chemin de Ben avait apparemment fait griller les neurones du brun face à lui - ne pouvait-il pas voir qu’il agissait de la sorte pour son propre bien, mais pour le sien aussi ? « Tu me remercieras plus tard. » Il ne savait à quel point il avait raison, en cet instant. Ce n’était pas sur ce point là qu’il souhaitait insister pour l’instant, puisqu’au delà de sauver les apparences qui étaient on ne pouvait plus précieuses, c’était surtout pare-qu’il n’agit pas envie de laisser passer le fait que Rose l’avait attaqué là où ça faisait mal, c’est-à-dire en plein dans son égo. « Tu veux être quelque chose, Ruben ? Très bien. T’es qu’un putain d’égocentrique aveuglé par ta pseudo réussite et pas foutu de comprendre que le monde ne se résume pas à toi. J’espère vraiment que t’es doué de tes petites mains, parce que c’est tout ce que t’as. » Les poings sur les hanches, il souriait tout en serrant les dents. S’il n’était pas maitre de son tempérament, il y avait fort à parier que son poing serait déjà allé rejoindre la mâchoire du brun face à lui; fort heureusement, il connaissait mieux que ça - et puis, hors de question qu’il abime ses mains, ses petites précieuses, d’une quelconque manière en dehors du bloc opératoire. « Le suis extrêmement doué de mes mains. Et tu sais quoi ? Ca m’importe pas si c’est la seule qui me reste à la fin. » Il parlait trop vite, bien sur - il savait retenir ses coups, mais le pauvre petit garçon était tout de même blessé, ne l’oublions pas. « Au moins, moi, j’ai quelque-chose pour moi. »

Et il aurait pu continuer longtemps de la sorte - Ambrose face à lui également surement -, si cela n’avait pas été pour la voix dans son dos qui se fit d’un seul coup entendre. «  Eh, toi ! » Décrochant son regard du visage de Constantine, Ben pivota légèrement sur lui-même pour pouvoir observer qui s’interposer dans une conversation qui ne concernait personne d’autre que eux deux. « Oui, c'est à toi que je parle espèce d'enfoiré. Il parait que t'aimes jouer les gros durs ? Tu vas regretter jusqu'à ta venue au monde, je te le garantis. » Peut-être que Ruben avait du mal à comprendre ce qui était en train de se dérouler sous ses yeux parce-que son attention avait été entièrement focalisée sur Ambrose ces dernières minutes, mais les paroles de l’inconnu s’avançant vers lui ne faisaient absolument aucun sens à ses yeux. Fronçant les sourcils, il essayait de passer en revue le peu d’éléments dont il disposait pour analyser au mieux la situation - car, bien sur, il ne supportait pas ne pas comprendre et rester dans le flou -, quand la voix de Rose justement se fit entendre, et en rien pour s’adresser à lui. « James, tout va bien. C’est bon. » - « Attends, quo… » Il avait à peine eu le temps de tourner son regard sur Rose et d’exprimer ces maigres mots qu’il se trouvait soutenu par le col, agrippé avec une force qu’il n’avait su anticiper et qui, si ce n’était pour la poigne de l’inconnu qui le retenait, l’aurait fait basculer à la renverse pour sur.

Des garçons Hartfield, Ruben n’avait jamais été celui ayant le sang chaud. Là où son aîné avait toujours démarré au quart de tour et pour des raisons autant diverses que variées, le plus jeune d’eux avait toujours préféré les bonnes réparties et les actions amenant des résultats, plutôt que les solutions de facilité portées par des revers. C’était peut-être - surement, à ses yeux - l’une des dizaines de raisons pour lesquelles il était facile, pour les parents Hartfield, de vouer une adoration sans limite à leur benjamin. Il était travailleur, il était poli, il était intelligent et en plus il avait un comportement irréprochable avec son prochain. Que demander de plus ? Qu’il soit en voie de devenir éminent chirurgien ? C’était exactement ce qu’il avait ajouté, avec les années, à son palmarès. Alors oui, il avait de quoi être énervant, voire même horripilant. Peut-être qu’une partie des paroles qu’Ambrose lui avait craché à la figure, l’instant d’avant, était même vraie; mais peu lui important pour de vrai, du moment qu’il atteignait à la fin l’objectif qu’il s’était fixé. Ruben savait qu’il paraissait insupportable pour bien des personnes, souvent jalouses de lui - mais jamais, ô grand jamais, quelqu’un en était venu à le trouver sur le pont d’un bateau pour l’attraper par le col de la sorte; et surtout, personne n’en était venu à réellement abattre son poing contre son visage, contre sa mâchoire, contre son arcade. Cette dernière perlait déjà de sang avant même que le jeune homme ait eu le temps de comprendre quoi que ce soit à ce qui était en train de lui arriver. La seule chose dont il se rendit compte réellement, en première instance, fut que l’un des coups l’avait fait perdre un instant ou deux l’équilibre et ses repères dans le présent - si bien qu’une fois de plus, s’il n’avait pas été retenu par l’autre homme qui cherchait en même temps à lui refaire le portrait apparemment, il se serait retrouvé le postérieur sur le sol.

« Tu vois, t'es pas le seul à avoir les poings qui le démangent. Et c'est rien à côté de ce que je te ferai si t'oses encore l'approcher, tu piges ? » - « Mais t’es pas bien ? Putain James à quoi tu joues ? »

Les paroles des deux hommes lui parvenaient, bien sur - il n’était pas devenu sourd dans le processus, loin de là. Simplement, il n’arrivait pas à leur donner le moindre sens et peut-être par contre cette fois-ci que c’était à cause des coups qu’il venait de prendre. L’une des mains de Ben s’était portée par automatisme contre sa tempe, s’aplatissent sur son arcade un instant - très mauvaise idée. Cette dernière était douloureuse et il n’y avait qu’à voir le sang qu’il avait sur la main pour comprendre que cette dernière avait été amochée. Bordel. « Ruben ? Tu m’entends ? T’es avec moi ? » Relevant son regard autant énervé que confus vers Rose, il remarqua dans un premier temps le changement radical de comportement qu’il avait avec lui. Il ne désirait plus l’assommer à son tour, donc; peut-être était-ce là une victoire. « Oui oui, ça va. » La colère et l’énervement certain étaient audibles dans le ton que prenaient les mots de Ruben, alors qu’il chassa d’un revers de la main celles de Constantine qui s’affairaient autour de son visage. « Merde, il t’a pas raté. Et c’est pas un putain de compliment, tu m’entends ? » A quel moment il aurait pu prendre ça pour un compliment, sérieusement ? Si les yeux d’Ambrose s’éloignèrent un instant de ceux de Ben pour se poser sur ce fameux James, ceux de Hartfield en firent de même pour l’occasion - oh, vraiment, heureusement qu’il avait tapé assez fort pour lui donner mal au crâne, sinon peut-être que les principes comportementales de Ben seraient passés à la trappe finalement. « Il faut qu’on débarque, tu dois être vu par un médecin. » Il essaya de secouer la tête pour désapprouver les paroles du jeune homme, mais c’était là une très mauvaise idée. « J’ai pas besoin de voir un médecin, je suis médecin, je vais très bien m’en sortir tout seul. » Sa chemise désormais tâchée de sang racontait toute une autre histoire, mais soit.

Ce n’était pas sur cette partie là de la situation que Ruben avait envie d’explorer, maintenant que ses esprits s’étaient remis à leur place. Il n’était pas tout à fait vaillant, sentait déjà des hématomes et diverses oedèmes apparaitre sur son visage, mais il avait décrété qu’il s’attarderait sur cette partie là des événements dans un second temps. Pour le moment, il se contenta de lever un doigt pou désigner James, à quelques pas d’eux. « C’est toi qu’aurait besoin d’un médecin. T’es complètement taré ma parole ! » Et pour une fois, le volume de la voix de Ben était bien moins maitrisé que d’ordinaire. « Ca t’arrive souvent de passer tes nerfs sur des inconnus, abruti ? » Même en colère et défiguré, il restait poli, le gamin Hartfield. « Tu peux m’expliquer ce qui t’a pris, hein ? » Il se risqua même à faire un pas, et un second, en avant afin de s’approcher du troisième élément ajouté à cette conversation. « Une clef de bras ! Je lui ai fait une clef de bras pour le sortir de la salle de réception pour pas qu’il me fasse une scène au milieu de la foule. Y’a quoi dans ça qui justifie que tu t’interposes comme ça, dis moi ? » Les veine autant de son cou que de ses tempes, dont lui sacrément amochée, se gonflaient sous le coup de la colère; tout comme il serrait les mâchoires de manière exagérée là où il risquait de se casser une dent - après les coups qu’elles avaient reçu - plus qu’autre chose.

Tout s’est enchaîné bien trop rapidement pour qu’Ambrose n’ait le temps de comprendre ce que son frère avait derrière la tête avant qu’il ne soit déjà trop tard. A défaut, il a dû se contenter de l’observer abattre son poing contre le visage de Ruben, bien trop surpris par ce geste soudain pour avoir le réflexe de les éloigner l’un de l’autre avant qu’un drame n’arrive. Ce qu’il peut faire, au moins, c’est tenter de jauger les dégâts sur le visage de Ruben et surtout s’immiscer entre eux une bonne fois pour toutes pour que personne n’ait pour idée de relancer les hostilités. Il ne comprend pas pourquoi son frère a eu ce geste soudain, mais il n’est pas prêt à le lui demander pour l’heure, ses priorités étant encore ailleurs. « Quoi ? Tu vas pas en plus te sentir mal pour lui. Cette enflure le mérite pas. » Plus que la colère, c’est surtout la consternation qui se lit dans le regard du plus jeune qui n’a plus l’impression de reconnaître Jamres. Il ne sait pas de quoi il parle, il ne comprend pas la raison de sa colère et, surtout, il ne comprend pas comment tout a pu s’envenimer aussi rapidement. Il pourrait lui demander de quoi il parle et chercher à comprendre pleinement toute cette histoire mais Ambrose préfère se concentrer sur Ruben, près de qui il s’est déjà rapproché, le bout de ses empreintes tâtant doucement sa chair abîmée pour en jauger les dégâts. Son frère n’apprécie pas son geste, en témoigne le soupir qu’il lui impose à son tour, mais c’est bien le cadet des soucis du politicien. L’approbation de James est toujours importante pour lui, à l’exception de ce moment bien précis.

« Oui oui, ça va. » répond déjà l’australien, plus que jamais sonné. Le voir dans un tel état provoque un terrible pincement au cœur à Ambrose, qui n’a pas les pouvoirs de l’aider à la mesure de ce qu’il voudrait. « J’ai pas besoin de voir un médecin, je suis médecin, je vais très bien m’en sortir tout seul. » - “Je te demandais pas ton avis.” Il reprend avec fermeté, pour qu’il comprenne une bonne fois pour toutes que cette discussion n’en est pas une. Ambrose impose son avis, il réfléchit pour deux à défaut que l’ego de Ruben ne souhaite le laisser se faire examiner par un médecin. Il en a besoin, pourtant. Il n’y a sûrement rien d’urgent, son pronostic vital n’est pas engagé, mais Rose ne veut pas prendre le risque qu’une blessure guérisse mal ou qu’il se soit cogné la tête au mauvais endroit. Il ne veut prendre aucun risque, et c’est aussi simple que cela. « Comment ça, t'es médecin ? » Interroge Weatherton en arrière-plan. Et pour la première fois de sa vie, sans doute, Ambrose n’est pas heureux d’entendre la voix de son frère s’élever sans qu’il ne s’y soit attendu. “Neurochirurgien.” Il rectifie lui-même avant que Ruben le fasse, conscient qu’il tient à la nuance, quand bien même tout est du pareil au même pour le commun des mortels dont ils font tous partie. « Je croyais que c'était par ton boulot à la chambre des représentants que tu l'avais connu, ce mec. » Ambrose lui dédie enfin un regard, balançant sa tête en arrière pour croiser son regard. “Mais de quoi tu parles à la fin ?” - « Tu sais quoi ? On s'en fout. Perds pas ton temps avec lui. » La haine qu’il semble nourrire à l’égard du médecin est parfaitement infondée et c’est sûrement ce qui met le plus Ambrose en colère dans toute cette histoire, parce qu’il tient bien trop son frère en estime pour l’observer être aussi injuste sous ses yeux. Ce n’est pas le genre de modèle qu’il veut suivre et, il le sait, ce n’est pas non plus le genre d’homme qu’est James lui-même. Ce n’est pas lui, tout ça. Il est parfois dur et sanguin, mais jamais à ce niveau-là, jamais de cette façon non plus. “Je suis un grand garçon.” Un grand garçon qui continue de perdre son temps avec Ruben, peu importe à quel point on lui conseille du contraire. Ambrose est certain de ne même jamais avoir prononcé le prénom de celui qui était un jour son petit-ami et si son frère sait bel et bien qu’il a été en couple à cette période, il ignore tout de l’homme avec qui il partageait plus ou moins sa vie (à commencer par son âge), alors c’est simplement impossible qu’il ait pu faire le lien après toutes ces années. Et ça n’expliquerait toujours pas sa réaction, même s’il été aux premières pour observer le cadet tenter d’aller de l’avant tout en ayant le cœur brisé. Les morceaux du puzzle ne s’agencent tout simplement pas entre eux.

« C’est toi qu’aurait besoin d’un médecin. T’es complètement taré ma parole ! »
“Ruben, arrête.”
« Quand c'est toi qui te défoule, tout va bien, mais quand je te rends la monnaie de ta pièce je suis taré, c'est ça ? »
“James putain n’en rajoute pas.”

Il comprend toujours aussi peu ses mots mais peut-être a-t-il tout simplement arrêté d’essayer de comprendre, parce qu’ils ont l’air de parler de deux univers bien différents. « Ça t’arrive souvent de passer tes nerfs sur des inconnus, abruti ? » Et Ambrose de souffler à nouveau, vraisemblablement incapable de les contrôler l’un autant que l’autre. Il comprend la colère de Ruben, et il voudrait comprendre le geste de James, mais il aimerait surtout qu’ils comprennent tous les deux que ce ne serait bon pour personne si la presse venait à apprendre la façon dont cette petite croisière en est venue à tourner. « Tu peux m’expliquer ce qui t’a pris, hein ? Une clef de bras ! Je lui ai fait une clef de bras pour le sortir de la salle de réception pour pas qu’il me fasse une scène au milieu de la foule. Y’a quoi dans ça qui justifie que tu t’interposes comme ça, dis moi ? » Il se mord l’intérieur de la joue, le jeune adulte ramené au statut d’enfant qu’on bâillonne pour ne pas avoir à gérer un caprice au milieu de la foule. James aurait pu vouloir le protéger s’il avait vu le geste, c’est vrai, mais ce n’est pas la seule chose qui pourrait expliquer la violence de sa réaction. Il y a un autre élément sur lequel Ambrose n’arrive pas à mettre la main, et il se doute que Ruben n’y arrivera pas non plus, aveuglé par une colère malheureusement compréhensible. « Tu sais pertinemment que le problème c'est pas ta foutue clé de bras, connard, mais les hématomes que j'ai retrouvé sur son dos y'a quelques semaines. » Et, enfin, tout s’éclaire dans l’esprit de l’australien, dont les yeux s’ouvrent sous le coup de la surprise et la tête se retourne lentement en direction de son aîné. Il veut le traiter de génie autant que pire imbécile que cette Terre ait pu porter. “James, tais-toi.” Il supplie, ordonne, tente. Il ne faut pas qu’il en dise trop, il ne faut pas qu’il aille au bout de ses pensées. Il ne le faut pas, parce que Ruben ignore évidemment tout de cette histoire, mais aussi parce qu’il n’est pas l’homme que le styliste recherche et qu’il en est même très loin. Pourtant, James ne se tait pas, sans doute porté par son propre élan. « Je me doutais que tu serais du genre insoupçonnable, mais un médecin avec une tronche de premier de la classe, celle-là j'avoue que je l'avais pas vu venir. » Ambrose remonte ses mains contre son visage qu’il frotte un instant, pour évacuer la pression et sans doute aussi tenter de trouver une solution à un problème qui n’en connaît aucun.

Ce n’est que plus tard, après que le mal ait été fait et le couteau remué dans la plaie, que son aîné daigne enfin lui adresser un regard et quelques mots. « Ça va, maintenant au moins je comprends ce que tu lui trouvais. » Il en aurait ri, dans d’autres circonstances. Pour l’heure, il n’y pense pas un seul instant, comme en démontre son visage plus dépité que jamais et la cadence qu’il marque en bougeant sa tête de droite à gauche. “C’est pas lui. Sombre imbécile.” Il souffle enfin, n’ayant même plus la force de mettre autant de colère dans sa voix qu’au début de leur échange. “Il n’a rien à voir avec tout ça.” Mais maintenant, il sait qu’il y a un tout ça, sujet sur lequel Rose lui devra sans doute quelques explications, comme en témoigne le regard désolé qu’il dédie désormais à Ruben et sa gueule malmenée. “Va demander à un membre d’équipage de débarquer. Dis que Ruben est tombé ou j’en sais rien, débrouille toi, trouve quelque chose.” Il n’a sûrement jamais parlé à James de cette façon, jamais avec ce recul, jamais avec cette voix éteinte, et certainement jamais en lui ordonnant quoi que ce soit. Le respect de la hiérarchie est important pour Ambrose, surtout quand il s’agit de son aîné qu’il respecte, mais en cet instant il n’hésite pas à le mettre à mal pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être. “Tiens toi en à ça, s’il te plaît. T’en as déjà assez fait.” Et peu importe ce que pense Ruben de l’idée de débarquer, son avis n’entre pas en compte. “On en parlera plus tard.” Ils auront bel et bien la discussion adéquate, mais certainement pas ici ni maintenant, comme en démontre l’attention du plus jeune qui dévie déjà à nouveau en direction du médecin, sans doute plus perdu que jamais. “Je suis désolé. C’est un malentendu.” Il n’était pas la cible. Il n’aurait jamais dû l’être. “C’est… James est mon frère. Il pensait me protéger.” Il serre la mâchoire, désolé à la simple idée qu’il ait pu voir en Ruben une menace alors qu’il est celui qui l’a rendu heureux pendant un temps. Déjà, pourtant, Ambrose pense à l’avenir, à ce qu’ils diront à l’hôpital, à la plaine qu’il devra persuader Ruben de ne jamais déposer, à la discussion dont il est désormais redevable envers les deux hommes. S’il avait anticipé une once des conséquences de ce voyage sur la rivière, il n’aurait jamais posé le moindre pied sur cette péniche.

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« Je te demandais pas ton avis. » - « J’ai pas demandé le tien non plus. » Tout simplement parce-qu’Ambrose n’avait pas les compétences nécessaires pour savoir s’il était utile qu’il voit un médecin tout de suite. Qui les avait ? Lui-même, et il ne ferait pas débarquer le bateau parce-qu’il s’était pris quelques coups. Il n’était pas un habitué de l’exercice, mais il savait qu’il allait s’en sortir sans qu’il y ait des conséquences dramatiques. « Comment ça, t'es médecin ? » Le regard de Ben finit enfin par se focaliser sur la troisième personne présente sur la scène de crime: le criminel lui-même. « Neurochirurgien. » Si son nez ne le faisait pas autant souffrir en cet instant, Ruben aurait soufflé un petit rire par ce dernier. Depuis quand était-ce également important pour Ambrose de faire la différence et de souligner la nuance ? « Je croyais que c'était par ton boulot à la chambre des représentants que tu l'avais connu, ce mec. » - « Mais de quoi tu parles à la fin ? » - « Tu sais quoi ? On s'en fout. Perds pas ton temps avec lui. » - « Je suis un grand garçon. » Hartfield ne comprenait absolument rien à l’échange qui se passait sous ses yeux; pas qu’il n’était pas en capacité de le fair, ses fonctions cognitives n’avaient pas été atteintes dans le processus. Simplement, il lui manquait certaines références pour comprendre de quoi ils pouvaient parler. Effectivement, Ambrose était un grand garçon, il le savait pour l’avoir côtoyé quand ce n’était pas encore le cas; et qu’il soit un brin remonté contre lui et veuille lui tenir tête, il l’entendait.

Mais bordel, c’était qui l’autre fou qui l’avait agressé gratuitement et apparemment sans motif qui ne soit entendable même pas Rose ? « Ruben, arrête. » - « Non, t’as vu comment il s’est jeté sur moi ? » La colère était visible dans ses yeux, mais ses paroles étaient prononcées avec un calme qui faisait presque peur à voir. I connaissait plus stressant, comme situation, Ben: ce n’était pas un détraqué qui allait lui faire perdre son calme. « Quand c'est toi qui te défoule, tout va bien, mais quand je te rends la monnaie de ta pièce je suis taré, c'est ça ? » - « James putain n’en rajoute pas. » Ambrose faisait la navette entre les deux, tentant de calmer le jeu des deux côtés du plateau. Sauf que d’un côté, il avait un James apparemment remonté contre un Ruben qui ne lâcherait pas le morceau avant de comprendre pourquoi on venait celui refaire le portrait. Peut-être qu’il n’aurait pas du faire cette clef de bras au brun, d’accord, mais elle ne lui avait fait aucun mal et en avait surement évité bien d’autres par la suite. « Tu sais pertinemment que le problème c'est pas ta foutue clé de bras, connard, mais les hématomes que j'ai retrouvé sur son dos y'a quelques semaines. » Même si cela déclenchait des douleurs, il mit ces derniers de côté pour froncer les sourcils. « Quoi ? » Son regard s’attarda sur James, puis sur Ambrose qui avait lui reporté son regard sur le premier. « James, tais-toi. » Il comprenait de moins en moins malgré les questions posées et, apparement, répondues. « Je me doutais que tu serais du genre insoupçonnable, mais un médecin avec une tronche de premier de la classe, celle-là j'avoue que je l'avais pas vu venir. » C’était étrange comme sensation, d’être complimenté et insulté à la fois - parce-que dire à Ben qu’il avait une tête de premier de la classe, c’était un compliment pour lui. Simplement le ton employé était une insulte, il en était presque certain. « Ça va, maintenant au moins je comprends ce que tu lui trouvais. » Ca aussi, c’était un compliment. « Merci. Mais c’est pas ça que j’attends comme réponses. » Alors, son regard restait désormais sur Ambrose qui semblait détenir bien plus d’éléments à son actif.

Rien le fait qu’il s’empresse de reprendre la parole, que tout dans son attitude soit à l’opposé de ce que voulait le blond arrivé entre eux, indiquait que quelque-chose lui échappait et était pourtant au coeur de cette discussion. « C’est pas lui. Sombre imbécile. Il n’a rien à voir avec tout ça. » Ruben ouvrit la bouche, la referma dans la foulée. Donc, avec le peu d’éléments qu’il réunissait sous ses yeux, il comprenait que les actions de l’un et les mots de l’autre s’entrechoquaient et n’allaient pas ensemble. D’accord, il avait été victime du mauvais endroit, mauvais moment. Ca ne lui plaisait pas, il aurait mal au nez pendant des semaines à venir surement, et des hématomes qu’il n’allait pouvoir dissimuler: il s’en remettrait. En revanche, des éléments lui étaient parvenus dans cet échange qui méritaient d’être explicités. Ce fut lorsque Rose reprit la parole, daignant enfin lui accorder un regard, que Ben sentit que c’était plus sérieux que tout ce qu’il s’imaginait en silence surement. « Il se passe quoi, Ambrose ? Sérieusement ? » Il pardonnerait presque qu’on ait touché à son beau visage, mais pas de le laisser dans l’ombre. « Va demander à un membre d’équipage de débarquer. Dis que Ruben est tombé ou j’en sais rien, débrouille toi, trouve quelque chose. » Il s’adressait à James, mais il ne le laissa pas dire oui que ce soit d’autres pour le moment. « Non, non, on débarque pas, mes jours sont pas en danger ça peut attendre. » Son regard naviguait, tanguait peut-être un peu, mais il s’en remettrait; pour de vrai. « Tiens toi en à ça, s’il te plaît. T’en as déjà assez fait. On en parlera plus tard. » - « Non, toi tu bouges pas de là. » Son doigt était levé en direction de James, alors que son regard se posait sur Ambrose. Une pointe d’inquiétude dans ce dernier perçait là où elle n’avait pas été présente jusque maintenant. « Ambrose ? » -  « Je suis désolé. C’est un malentendu. C’est… James est mon frère. Il pensait me protéger. » Il serrait autant les mâchoires que possible aussi, Ben. Et là où il aurait pu répliquer au visage du brun, il décida plutôt de se tourner vers James. » C’est toi qui me doit une explication. Je ferai débarquer aucun bateau tant que j’aurais rien. » Bien sur que son avis ne serait pas pris en compte, mais qu’importe. « T’assumes tes actes et tu m’expliques en quoi tu t’es planté en me cassant le nez, ou tu le laisses s’en occuper ? » Laisserait-il son frère patauger dans la semoule ? Même Ruben ne ferait pas ça avec Rhett c’est pour dire.

« Ça crève pas les yeux. » Le moindre reproche de James est particulièrement difficile à encaisser, justement parce que James ne lui tient jamais de reproches. Non parce qu’il ménage son cadet, mais bien parce que ce dernier fait toujours tout ce qui est en son possible pour ne jamais ô grand jamais prendre le moindre risque de le décevoir. Et l’immense majorité du temps, il y arrive sans le moindre problème, ce qui rend l’instant présent encore plus difficile à encaisser alors qu’il se bat contre Ruben en même temps que James, sans que cela ne ressemble en rien au plan initial de la soirée. Ambrose tente pourtant de prendre sur lui autant que possible, bien conscient que la priorité n’est pas à faire parler son ego ni même son cœur, pas alors que le contour de l'œil de Ruben prend déjà des couleurs peu naturelles. « Qu'est-ce qui me dit que t'essaies pas simplement de lui épargner un autre coup de poing ? » Parce qu’il voudrait simplement qu’il le croit ; parce qu’il n’oserait jamais mentir de la sorte à son aîné. Chaque mot de sa part est un nouveau coup d’épée en plein cœur. “J’ai l’air de vouloir jouer au plus malin là ?” Il le fait souvent, ce jeu-là. La majeure partie du temps, il y joue sans même s’en rendre compte. En cet instant, il jure pourtant que cela n’a rien à voir, tout comme il jure que si James avait frappé le bon homme, alors il ne l’aurait jamais défendu, encore moins de la façon dont il le fait avec Ruben en cet instant. James a retourné le problème dans le mauvais sens, et son ego trouve encore le moyen de faire d’Ambrose le vilain d’une histoire qui n’en comporte pas vraiment - pas de présent, du moins.

« J'ai pas besoin que tu me sauves les fesses, Ambrose. »
“C’est pas tes fesses que je sauve, c’est les miennes.”

Oh, bien sûr qu’il a pensé à son aîné avant toutes choses, mais il n’est pas sans oublier que si un scandale éclatait, il l’éclabousserait au passage ; pas seulement pour leur lien du sang, mais aussi parce qu’il est le témoin principal de la scène et l’un des premiers concernés, bien malgré lui. Cette affaire ne doit pas être ébruitée, pour un bon millier de raisons différentes, et c’est pour le mieux de chacun d’entre eux - bel et bien au nombre de trois, pas seulement de deux. Ruben a une grande carrière devant lui, il ne mérite pas qu’un article relatant les faits sorte en priorité lorsque son nom est tapé dans une barre de recherches. « Non, non, on débarque pas, mes jours sont pas en danger ça peut attendre. » Ambrose serre des dents, mais il accepte bel et bien la réponse du brun. Ses jours ne sont pas en danger, l’urgence n’est pas de mise, mais cela ne l’empêche pas de s’en faire pour lui, évidemment. « Non, toi tu bouges pas de là. » - « Faites-moi signe quand vous aurez mis fin à votre querelle d'amoureux. » Le regard du benjamin lui envoie des éclairs, le sentiment de trahison allant bien au-delà d’une simple querelle fraternelle. Il ne s’éternise pas, il ne sera pas sujet à rancœur non plus, et pourtant Ambrose a l’impression qu’il vient d’ouvrir la porte Pandore, apparemment sans même le savoir lui-même à en juger par l’insouciance et la légèreté avec laquelle il amène ses propos. Les mots sont prononcés sans même y réfléchir à deux fois, il s’en rend bien compte avec un minimum de recul, mais cela ne l’empêche pas de stupidement se sentir mal à l’aise à la simple énoncée du terme amoureux - et dire pourtant que James n’a aucune idée de leur historique. “T’es pas vraiment en mesure de la ramener.” Il commente une nouvelle fois avec amertume, une portion de sa lèvre emprisonnée entre ses canines, sans doute pour le forcer à ne pas aller trop loin dans ses propos.

« C’est toi qui me doit une explication. Je ferai débarquer aucun bateau tant que j’aurais rien. T’assumes tes actes et tu m’expliques en quoi tu t’es planté en me cassant le nez, ou tu le laisses s’en occuper ? » Tout dans le regard réprobateur du jeune Constantine tend à faire comprendre à Ruben qu’il va trop loin et qu’il devrait apprendre à se la fermer pour une fois, mais rien ne semble assez convaincant pour qu’il oublie son idée et fasse machine arrière. Il est têtu dans son genre, évidemment, et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il l’apprend. Il a beau lui avoir promis entre deux sous-entendus qu’ils en parleraient plus tard, Ruben semble vouloir entendre la version de James avec ses mots à lui, pour une raison qui lui est sans doute propre mais qu’Ambrose soupçonne être une tentative pour lui prouver qu’il n’est pas bon qu’à prendre des coups. Qu’à sa façon, il sait aussi attaquer et blesser. « Il te dit la vérité. T'es pas le gars que je m'attendais à trouver parce que l'idiot à coté de toi a jamais consenti à me donner son nom et son adresse. » Silencieux, et profondément désolé, il observe James lui expliquer une version condensée de l’histoire, dans laquelle il est loin de tenir le bon rôle. Et rares sont les histoires dans le genre qu’Ambrose a entendues, peu importe de qui elles venaient: son aîné a toujours le bon rôle, malgré son caractère excentrique et provocateur. Il a beau en prendre pour son grade, il ne mord pas en retour. Pour autant, si l’histoire était à réécrire, jamais il ne lui donnerait la moindre information supplémentaire au sujet de Saül. Bien au contraire, il ferait sans doute son possible pour que James ignore même tout de cette histoire. Il croise les bras, ne serait-ce pour prouver qu’il ne se démonte pas, bien décidé à toujours taire le nom de l’homme d’affaire, même après aujourd’hui. « Tu vois où ça nous mène d'avoir des secrets l'un pour l'autre, Ambrose ? » - “Pas maintenant.” Il coupe court à tout reproche supplémentaire possible à son égard, autant parce qu’il ne veut pas que leur scène de famille ait lui sur ce bateau autant que sous le regard de Ruben, autant parce qu’il n’a tout simplement pas le coeur à avoir une telle discussion avec James aujourd’hui. Ils sont déjà passés par trop de sentiments différents pour qu’Ambrose puisse encore l’accepter. Il a du cran, il a les épaules solides ; mais quand il s’agit de la famille, tout est rapidement très différent, comme en témoigne son irrépressible envie de ne plus avoir à faire à l’un ni à l’autre en cet instant.

Mais il reste. Parce qu’il ne veut pas de bain de sang, il reste. « Putain. Je vais pas me mettre à genoux pour implorer ton pardon, que ce soit clair. Et je vais pas... » Il est désolé de voir le styliste lutter autant contre ses propres émotions, tout comme il est désolé de constater tout le mal qui le caractérise encore dès lors qu’il s’agit de se remettre en question sur le plan personnel. Il y arrive de façon professionnelle, il est bien plus critique envers lui-même que qui que ce soit d’autre, mais sur le plan personnel il peine à accepter la moindre remarque, et tout est pire encore lorsque les mots sont prononcés par un parfait inconnu, sans la moindre once de filtre. « Fait chier. Désolé de t'avoir refait le portrait alors que t'avais visiblement rien fait pour le mériter. » Il a beau ne pas les regarder, ni Ruben ni lui, le cadet hoche tout de même la tête, félicitant mentalement son aîné d’avoir été capable de tels mots. Ils semblent simples, mais il n’en est rien, et il est évident qu’il a longtemps lutté contre lui-même pour arriver à les prononcer. « Ambrose te le dira, je suis sanguin dans mon genre. » - “C’est vrai.” Il accourt aussitôt pour l’aider, n’ayant pas à mentir pour en arriver à un tel résultat. Il le connaît depuis toujours, et il a peut-être sa palette de défauts, mais la violence n’en fait pas partie. Verbe, parfois, oui. Mais jamais physique. Le jeune adulte tente de passer outre la rancœur qu’il ressent encore évidemment à l’égard de James et, s’il tente de capter son regard, ce n’est que pour le remercier d’avoir contribué à faire redescendre la pression entre eux.

“Si tu veux la version longue de l’histoire, faut que t’ailles voir un médecin. On débarque pas, ok, mais on y va quand même à l’hôpital à la fin de la soirée.” Il tente à son tour de négocier, son regard ayant retrouvé celui de Ruben. Il négocie parce qu’il s’inquiète réellement des conséquences que peuvent avoir de tels coups, tout comme il négocie parce qu’il ne veut pas imposer à James de revivre l’histoire au travers de ses mots. La première fois était déjà bien assez difficile, et il a fait autant de repentance qu’il le pouvait pour la soirée, sûrement. “James t’a dit tout ce qu’il pouvait.” Même aigri, même profondément blessé, il continuera de défendre son frère coûte que coûte. “Est-ce qu’on peut juste tous se séparer et tenter de gérer la situation comme des adultes ?” Son regard passe de l’un à l’autre, s’attendant autant à un “oui” grommelant qu’à un nouveau coup (probablement du côté de Ruben cette fois).

like a king losing his worth

@ambrose constantine et @james weatherton

(c)tumblr: love is the cure + joseph quinn source

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« Qu'est-ce qui me dit que t'essaies pas simplement de lui épargner un autre coup de poing ? » - « J’ai l’air de vouloir jouer au plus malin là ? » - « J'ai pas besoin que tu me sauves les fesses, Ambrose. » - « C’est pas tes fesses que je sauve, c’est les miennes. » Et s’il n’avait pas été aveuglé, autant par une rancoeur, une amertume que littéralement parce-que l’une de ses arcades avait du mal à rester bien en forme, Ruben aurait retenu cette partie là du discours d’Ambrose. Parce-que c’était ça peut-être qui pouvait lui importait, à Hartfield, à travers tout le reste: certes, c’était son frère qui venait de lui refaire le portrait, mais Rose n’avait pas à subir les retombées des conséquences. Sauf que Ben n’arrivait pas encore à se ranger du côté de la raison, et qu’initialement il n’avait pas prévu de clore cette discussion sans avoir eu des explications dignes de ce nom. Et surtout, même s’il était amoché, il ne ferait pas débarquer le bateau pour une raison aussi futile. « Faites-moi signe quand vous aurez mis fin à votre querelle d’amoureux. » Les deux regards d’Ambrose et de Ben se posèrent, noirs, sur James; il n’avait donc pas de fonction mute, même quand tout indiquait que ça l’était justement, indiqué ? « T’es pas vraiment en mesure de la ramener. »

Ou peut-être qu’il l’était, justement, mais sur un tout autre sujet que la façon dont les deux bruns  s’adressaient la parole. Alors, avec quelques pas un brin mal assurés, Ruben s’était posté devant James pour lui montrer qu’il attendait des explications de son côté et qu’il n’était pas prêt à débarrasser le plancher tant que ce ne serait pas le cas. Rose pourrait lui donner les détails qu’il voulait, en réalité c’était surtout des explications de type excuses qu’il désirait entendre de la part de son frère. « Il te dit la vérité. T'es pas le gars que je m'attendais à trouver parce que l'idiot à coté de toi a jamais consenti à me donner son nom et son adresse. » Même lui leva les yeux au ciel: comme si c’était le moment d’avoir des règlements de comptes entre frères alors qu’un tiers, lui en l’occurence, s’était fait refaire le portrait dans raison valable. « Tu vois où ça nous mène d'avoir des secrets l'un pour l'autre, Ambrose ? » - « Pas maintenant. » - « C’est avec moi que t’as des comptes à régler pour le moment, tu verras avec lui plus tard oui. » C’était rajouter de l’huile sur le feu, Rose allait lui en vouloir, mais le font de l’histoire était le bon: pour le moment, il discutait avec Ruben, pas avec le plus jeune du trio improbable. « Putain. Je vais pas me mettre à genoux pour implorer ton pardon, que ce soit clair. Et je vais pas... » Ben haussait un sourcil sur son visage, regretta son geste dans la seconde qui suivit, alors qu’une goutte de sang perlait de nouveau le long de son épiderme. Il allait avoir besoin de points, si ça continuait - il n’avait pas contemplé l’étendue des dégâts, mais ça devait pas être particulièrement sympa à voir. « Fait chier. Désolé de t'avoir refait le portrait alors que t'avais visiblement rien fait pour le mériter. » Il aurait bien ajouté un c’était pas si dur tu vois mais il retint les mots de s’échapper juste à temps. « Ambrose te le dira, je suis sanguin dans mon genre. » - « C’est vrai. » - « Oui oui, j’ai saisi l’idée c’est bon. » Il balaya les mots des deux d’un revers de la main. « La prochaine fois, quand tu seras sanguin dans ton genre, sois plus malin et vérifie que t’as le bon gars sous tes poings s’il te plait. » Ce n’était pas une acception totale des excuses qui’l lui présentait, mais c’était un début de traité de paix du côté de Ruben également - il ne saurait faire plus en cet instant, alors que plus les minutes s’écoulaient et plus il avait l’impression d’avoir un incendie sur le visage.

« Si tu veux la version longue de l’histoire, faut que t’ailles voir un médecin. On débarque pas, ok, mais on y va quand même à l’hôpital à la fin de la soirée. » Les yeux clairs de Ben se posèrent de nouveau sur le visage d’Ambrose. Il aurait bien répondu par un petit grognement, mais il s’évita une douleur supplémentaire inutile - parce-que c’était surement ce que ce type de réaction lui procurerait. Il osa tout de même un soupire. « Il faut que je passe un scanner de toutes façons. » Ses jours n’étaient pas en danger, mais il n’était pas non plus tout à fait irresponsable; surtout qu’il avait une journée chargée le lendemain et qu’il se devait de faire une évaluation des dégâts pour savoir s’il allait devoir adapter son emploi du temps ou non. « James t’a dit tout ce qu’il pouvait. Est-ce qu’on peut juste tous se séparer et tenter de gérer la situation comme des adultes ? » Ce ne fut qu’à partir de ce moment là que Ruben laissa complètement tomber les armes, n’arrivant de toutes façons plus à réunir assez de ses forces pour réellement montrer qu’il était blessé - autant physiquement que dans son égo - en cet instant. « Oui, oui, c’est bon. » Il n’avait initialement jamais eu envie de batailler contre Rose, qui plus était. « Je vais m’asseoir et attendre sagement que le temps passe. Je dis pas non à de la glace pour mettre sur mon nez et sur mon arcade, en revanche. » La demande était l’intention duquel des deux hommes serait assez sympathique à son égard pour réaliser son souhait - si James par exemple pouvait se charger de cette mission, cela permettrait de les séparer et de se rendre utile. « Et t’auras qu’à m’emmener aux urgences si ça te fait plaisir quand on retrouvera la terre ferme. J’ai ma voiture garée sur le port, t’auras qu’à conduire. » Et n’attendant pas une réponse supplémentaire de la part de qui que ce soit, il finit de faire les quelques pas qui le séparaient du banc le plus porche, sur lequel il se laissa choir dans un soupire long et profond. De tout ce qui aurait pu arriver aujourd’hui à bord de ce navire, jamais il n’aurait parié sur cette version là des faits - et honnêtement, il avait trop mal pour se laisser aller à un juron mais pour une fois, cela aurait pu être ajouté à son comportement de genre parfait en toutes circonstances.