TW : question de l’avortement + addiction à la cocaïne
Mi-mars 2022
Depuis maintenant plus de trois mois, Lexie ne reconnait plus sa vie. Elle n’est pas cette femme enceinte qui n’arrive plus à fermer ses pantalons. Elle n’est pas cette femme qui passe ses soirées devant des films stupides en s’endormant sur le canapé, épuisée. Elle n’est pas non plus cette femme qui vit en couple avec un homme et prétend ne rien ressentir pour lui. Lexie est une jeune femme dynamique, qui profite de la vie, enchaîne les soirées et multiplie les excès. Enfin, elle l’était. En décembre 2021, la brunette a appris sa grossesse surprise, après un rapport non protégé. Et depuis, sa vie a changé du tout au tout. Elle ne fume plus, ne boit plus d’alcool, ne consomme certainement plus de drogues. Elle a coupé les ponts avec de nombreuses personnes, de celles qu’on pourrait qualifier de mauvaises fréquentations. Son frère Channing l’a épaulé dans cette épreuve, l’a aidé à traverser des premières semaines particulièrement difficiles, l’hébergeant chez lui pour pouvoir s’occuper d’elle -et la surveiller, malgré tout ce qu’il pourrait affirmer. Puis, après la réalisation de plusieurs tests de paternité -trois, un chiffre raisonnable aux goûts de la brunette, le verdict est tombé : Noah était le père de ce petit intrus qui grandissait à l’intérieur de son utérus et qui refusait qu’elle passe une journée sans rendre son petit-déjeuner.
Lexie n’avait jamais entretenu de bonnes relations avec sa mère. Elle estimait avoir globalement eu de très mauvais modèles parentaux, et n’avait aucune idée de comment élever un enfant. De plus, elle n’en avait réellement aucune envie. Pourquoi mettrait-elle au monde un petit être qui serait entièrement dépendant d’elle, et dont elle devrait s’occuper 24 heures sur 24 ? Pourquoi s’infligerait-elle cela ? Pourquoi remettrait-elle en cause tous ses choix de vie pour un enfant ? Pourquoi, également, infligerait-elle cela à un enfant ? Elle ne serait pas une bonne mère, elle en était convaincue. Elle n’était qu’une femme perdue, accroc à des substances illicites, qui passait son temps à faire la fête. Aucun enfant ne méritait un tel exemple comme mère. Ainsi, par correction, pour faire les choses bien, elle était allée voir Noah pour l’informer de la situation, et le prévenir d’un avortement prochain. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque Noah lui demanda de garder le bébé. Il rêvait de pouvoir élever un enfant et, s’il n’avait pas envisagé de fonder une famille avec une jeune femme dont il n’était pas amoureux, il souhaitait qu’ils tentent de s’entendre. Depuis fin janvier, Lexie avait donc emménagé chez l’homme d’affaires, à la demande de ce dernier, dans l’espoir de pouvoir former une « équipe », selon les propos de Noah, et de tenter de coopérer, dans l’intérêt d’un enfant. L’objectif de Noah était clair : prouver à Lexie qu’ils pouvaient vivre ensemble, prendre des décisions ensemble, passer de bons moments ensemble, et qu’ils seraient ainsi, à deux, capables d’élever un enfant. Et si la brunette commençait à développer des sentiments pour Noah, une chose qu’elle nierait très certainement si on l’interrogeait, même sous la torture, elle n’était toujours pas certaine de vouloir devenir mère. Cette seule pensée l’affolait toujours, et elle était encore persuadée qu’elle serait incapable d’élever un enfant.
Ne pouvant s’ôter cette idée de la tête, Lexie décida que le meilleur moyen d’obtenir des réponses à ses questions étaient d’interroger l’une de ses amies qui, elle l’espérait, était passée par des réflexions et des interrogations similaires. Après tout, Zoya aussi n’avait, à première vue, rien de la mère parfaite, si ? C’est avec la tête remplie d’incertitudes, le visage creusé et un petit ventre rebondi que la brunette se présente chez son amie, un peu avant l’heure du goûter. Sans s’interroger aucunement sur une éventuelle sieste de la petite Chloé, elle sonne. Lorsque Zoya vient finalement lui ouvrir la porte, elle caresse doucement son ventre arrondi et plonge ses yeux affolés dans ceux de son amie.
« Je crois que je suis presque autant dans la merde que toi. »
Presque, parce qu’elle n’a pas encore accouché, elle, et a toujours la possibilité de faire machine arrière. Elle a besoin de conseils, et peu importe qu’elle n’ait pas donné de nouvelles à Zoya depuis plus de trois mois, elle sait que son amie l’aidera -après les reproches, évidemment.
Mi-mars 2022. Peut-être que son invité a mal choisi son jour en se pointant à l’heure où, en plus, Chloe était effectivement en train de faire la sieste, alors que l’endormissement en cet après midi avait été compliqué. La sonnette était définitivement une mauvaise idée et quiconque se trouverait derrière la porte passerait forcément un mauvais quart d’heure – si ce n’est une porte claquée au nez. Parce qu’il était certain que le bambin allait se réveiller d’une minute à l’autre. Le certain énervement personnel de la jeune maman n’a sûrement pas aidé non plus à l’apaisement de Chloe, alors qu’elle a aussi joué les fantômes dans la vie d’un certain Ambrose pendant de nombreuses semaines, ne daignant même pas répondre à ses appels ou ses messages, ce dernier lui ayant réservé un accueil glacial la veille. Et ça, elle l’a toujours au travers de la gorge, Zoya. Elle sait qu’elle est en tort, au fond d’elle, mais il ne peut pas comprendre le Constantine pourquoi elle a agi de la sorte la photographe. Comment, quand lorsqu’il l’a rencontré, elle semblait être une simple nana célibataire, sans aucun tracas, qui avait juste envie de profiter de la vie ? Alors qu’au fond, elle avait le cœur meurtri, en miettes, ayant pris la pire décision qu’il soit le mois d’avant en abandonnant sa fille dans les bras du père du bambin ? Que ce dernier refusât de lui rendre la petite, parce qu’il jugeait qu’elle ne serait jamais à la hauteur de son rôle de mère ? Zoya a camouflé avec Ambrose, ne lui permettant pas de se douter une seule seconde toute la détresse dans laquelle elle se trouvait, au point que son silence radio a été brutal pour lui. Finalement, elle n’a rien à lui reprocher, si ce n’est de ne pas avoir le pouvoir de comprendre par lui-même. Elle en demande beaucoup, aimerait que les gens comprennent qu’elle ne va pas, qu’il soit instantanément là pour elle, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne dans la vie.
Même si désormais, elle a récupéré Chloe, que l’entente avec Freddy est plutôt bonne – du moins, ils tentent tous deux de faire des efforts pour s’entendre et surtout pour le bien de leur enfant – des zones d’ombres subsistent, des incertitudes aussi, la peur de ne pas y arriver toujours présente. « Je crois que je suis presque autant dans la merde que toi. » Zoya ouvre la porte brusquement, son regard plutôt glacial, surtout quand elle reconnait « Ah, tiens, t’es encore en vie ? ». L’hôpital qui se fout de la charité, voilà qu’elle réserve à Lexie le même accueil qu’elle a pu recevoir la veille par un certain Constantine. « TU es dans la merde » fait-t-elle en désignant sans ménagement son ventre de son index. Zoya tourne ensuite les talons, laissant la porte ouverte pour indiquer à Lexie qu’elle est autorisée à rentrer. Elle écoute d’une oreille distraite si sa fille s’est réveillée… non, aucun pleur ne semble émaner de la chambre et c’est un certain soulagement qu’elle ressent. « C’est à cause de ça que tu n’as pas daigné me donner des nouvelles depuis trois mois ? Et genre maintenant tu te rends compte que tu as besoin de moi, donc tu te pointes en te disant elle va avoir pitié de moi, donc elle va pas me laisser dans ma merde toute seule puis bon faut dire que la Zoya aussi elle a connu ça, elle aussi elle est bidon comme mère, blablabla. . elle attrape son verre d’eau, évidemment elle ne daigne même pas en proposer un à son amie, prend une gorgée puis ajoute je me trompe ? ». Comment ça, elle est hargneuse et rancunière ? Du tout.
Rien ne va. Depuis qu’elle a appris être enceinte, la vie de Lexie a pris une tournure parfaitement inattendue. Ce bébé n’était pas désiré. Mais ce n’est pas juste que la brunette ne se sent pas prête, trop jeune, ou qu’elle a encore envie de profiter de la vie. Elle ne veut pas d’enfant. Et elle n’en voudra jamais. Elle ne s’imagine pas mère. Pas alors que la sienne a été si défaillante. Elle n’a eu aucun modèle, aucun exemple à suivre. Comment pourrait-elle réussir à élever un enfant quand sa propre mère ne lui a jamais accordé d’affection, se contentant de laisser toute son éducation à des précepteurs privés qui venaient chez eux après l’école. Aucun doute pour la brunette : elle ne saurait pas comment s’y prendre. Rien ne va non plus quand Noah lui demande de réfléchir et de garder le bébé, parce que lui rêve de devenir père, même s’il espérait que ce soit avec une autre que Lexie. La jeune femme pensait qu’il la soutiendrait, opterait sans hésiter pour un avortement … elle se trompait grandement, et elle n’était pas certaine d’avoir fait le bon choix en lui parlant de cette grossesse. Peut-être aurait-elle dû prendre la décision seule, une décision facile, celle qui s’imposait, tout simplement. La date butoir pour décider de l’avenir cette grossesse approche à grand pas, et Lexie a besoin de conseils. C’est donc tout naturellement qu’elle se rend chez son amie Zoya. Elles ont beau ne pas s’être parlé depuis plusieurs mois, la brunette ne pense qu’à elle pour l’aider. Zoya a environ son âge, et un bébé conçu avec un gars avec qui elle ne vit pas. Elle y voit des similitudes avec sa situation, et même le fait qu’à première vue, on ne lui décernerait pas le prix de mère de l’année. En réalité, Lexie n’en sait rien. Elle ne vit pas avec Zoya et sa fille, et ne s’est jamais réellement intéressée à son bébé. Peut-être se débrouille-t-elle parfaitement bien aujourd’hui avec Chloé, et elle le leur souhaite, à l’enfant et à elle. De prime abord pourtant, Zoya ne ressemble pas à la jeune femme à laquelle on souhaiterait confier son enfant.
C’est un peu avant le goûter que la brunette débarque chez son amie qui lui lance un regard glacial.
« Ah, tiens, t’es encore en vie ? »
Ok, elle l’avait bien mérité. Elle aurait dû la tenir au courant, sans doute. Mais Lexie n’était pas réellement une bonne amie. Elle avait tendance à repousser les gens pour éviter de s’attacher et d’être déçue lorsqu’il s’en irait. Et puis, pour être honnête, cette grossesse ne devait dure que quelques semaines, le temps d’avertir Noah et d’avorter. A cet instant, ce ne devait être qu’un mauvais souvenir, un qu’on tente d’oublier et dont on ne se souvient que lorsqu’il faut prendre des capotes pour la prochaine soirée.
« TU es dans la merde. »
Lexie suit Zoya chez elle, haussant légèrement les épaules.
« Techniquement … tu l’es plus que moi. Moi, je peux encore arrêter ça. »
Elle lève les mains en signe d’apaisement pour ne pas énerver davantage son amie, même si elle a parfaitement conscience de pousser le bouchon.
« C’est à cause de ça que tu n’as pas daigné me donner des nouvelles depuis trois mois ? Et genre maintenant tu te rends compte que tu as besoin de moi, donc tu te pointes en te disant elle va avoir pitié de moi, donc elle va pas me laisser dans ma merde toute seule puis bon faut dire que la Zoya aussi elle a connu ça, elle aussi elle est bidon comme mère, blablabla … Je me trompe. »
Une nouvelle fois, Lexie hausse les épaules. Elle s’assied sans invitation, parce que ses jambes et son dos la font déjà souffrir, sans doute une conséquence désagréable de ce bébé qui pousse dans son utérus et qui lui fait perdre dangereusement du poids. Et puis, elle sait que son ami ne le lui proposera pas, trop énervée par son silence des derniers mois, trop fâchée pour desserrer les dents.
« A peu de choses près, c’est ça. »
Non, elle ne lui mentira pas. Ce n’est pas son genre.
« Je suis pas seule … Chan est là, et le père du bébé, et … »
Elle laisse échapper un soupire à fendre le cœur.
« Il veut le garder. Alors, je me demandais … pourquoi toi, tu l’as gardé ? Ca me semble si … insensé. »
Elle lève une nouvelle fois les mains en signe d’apaisement pour ne pas s’attirer une nouvelle fois les foudres de son amie.
Mi-mars 2022. Zoya est moyennement heureuse de revoir Lexie. Disons que s’il leur a fallu, dans un premier temps, plusieurs années avant de renouer. Et après ce miracle, celui les ayant amenés à se retrouver et donc à redevenir amies, voilà que la Walker a disparu de la circulation pendant trois mois. Surtout, au pire moment de sa vie à elle où elle aurait eu bien besoin d’un soutien supplémentaire – elle n’en a jamais assez, faut croire. Donc c’est moyennement – beaucoup – amer que Zoya accueille Lexie devant sa porte, et le fait que cette dernière se pointe enceinte, n’y change absolument rien. D’ailleurs, elle l’attaque directement en lui disant qu’elle est dans la merde « Techniquement … tu l’es plus que moi. Moi, je peux encore arrêter ça. » « Je ne regrette pas ma fille, sale garce ! » s’insurge-t-elle et à raison, quand elle tente désormais d’être une mère à la hauteur et qu’elle a bien retenu la leçon de l’erreur qu’elle a pu commettre quelques mois plus tôt. La remarque de Lexie est évidemment malvenue, mais peut-être ce serait-t-elle abstenue si elle avait été présente et donc au courant de ce que Zoya a traversé. « A peu de choses près, c’est ça. » Quel toupet ! Mais c’est pour cette raison aussi que les deux jeunes femmes s’entendent aussi bien qu’elles s’entendent aussi mal. Un caractère fort et surtout une manière de dire les choses… sans filtre. Au moins, elle peut au moins lui reconnaitre son honnêteté – ce n’est pas donné à tout le monde. « Démerdes-toi ! ». En attendant, Lexie a déjà pris place sur son canapé et Zoya fronce les sourcils en la voyant faire « Je suis pas seule … Chan est là, et le père du bébé, et … » le soupir qu’elle laisse échapper fait rouler Zoya des yeux. Plus mélodramatique, tu meurs « Il veut le garder. Alors, je me demandais … pourquoi toi, tu l’as gardé ? Ca me semble si … insensé. » La photographe s’apprête à répliquer, presque à foutre la Walker dehors mais… « Je veux dire pour moi, pas pour toi … » « Je préfère… » dit-t-elle sur un ton un peu plus apaisé. Elle fait le tour du comptoir, attrape son verre d’eau au passage et vient s’installer sur un fauteuil « J’ai pas avorté parce que ma grossesse relevée du miracle » on sent un peu de l’agacement quand elle répond, venant à s’installer plus confortablement, reposant son dos contre le dossier du fauteuil « J’ai appris en 2017 que je ne pourrais jamais avoir d’enfant. Donc tu imagines bien que lorsque je suis tombée enceinte de Chloe, qu’on m’a dit que ce serait sûrement la seule et unique chance pour moi d’avoir un gosse… j’y ai réfléchi à deux fois parce que bon, Zoya, on le sait, n’a en rien la tête pour l’emploi, surtout quand on connait son train de vie et … son caractère – et son manque de maturité. donc oui, c’est insensé aussi mais… je ne voulais pas le regretter… Alors j’ai pas avorté » voilà l’explication pure et simple. « C’est quoi tes rapports avec le père ? Parce qu’il ne faudrait pas qu’il te fasse garder l’enfant pour se barrer ensuite » Apaiser les peurs de Lexie ? Impossible pour Zoya « Bon en contrepartie, tu as ton frère… oh, Lexie savait que Zoya avait toujours eu un truc pour le deuxième des fils Walker – on ne parlera pas du premier, elle le regrette amèrement c’est pas négligeable… » La malice prend place sur ses traits quelques instants avant de redevenir sérieuse « Tu veux vraiment pas le garder ce gosse ? Parce que bon ça reste quand même ta décision. Il peut dire ce qu’il veut l’autre, mais si tu te sens pas prête… peut-être que l’avortement reste un choix judicieux ». Elle marque une pause, l’imite dans sa gestuelle d’un peu plus tôt, sourire en coin « Sans vouloir t’offenser ou émettre un quelconque jugement ». Tu parles.
Zoya s’emporte, peut-être à juste titre. Elle a raison d’en vouloir à Lexie d’avoir disparu de la surface de la terre pendant trois mois. Elle a raison de prendre la mouche parce que son amie débarque, enceinte, pour lui demander des conseils. Et elle a sans doute raison de s’agacer parce que Lexie met les pieds dans le plat et fait preuve d’une immense maladresse. Le caractère si doux et clément de Zoya n’aide cependant pas à la bonne entente, et la brunette en vient à se demander laquelle des deux est la pire : celle qui balance des horreurs ou celle qui s’en offusque outrageusement.
« Je ne regrette pas ma fille, sale garce ! »
Lexie fronce les sourcils, laissant échapper un soupire.
« Hé ! J’ai jamais dit ça ! Mais toi, tu as eu cet enfant, du coup, t’en as pris pour toute ta vie à devoir la gérer et t’inquiéter pour elle. Toute ta vie ! J’en suis pas là ! »
Et elle n’est pas certaine de vouloir en arriver là. Avoir un enfant, c’est une sacrée responsabilité, et une responsabilité qui ne cesse jamais. Et Lexie a déjà du mal à arriver au boulot à l’heure et sans la gueule de bois. Alors comment pourrait-elle assumer un petit être, entièrement dépendant d’elle, au quotidien ? Finalement, la brunette pose la question qui la taraude, afin d’entendre la réponse qu’elle est venue chercher : pourquoi Zoya avait-elle fait le choix de garder ce bébé ? Qu’est-ce qui l’avait décidé, alors qu’elle n’avait en apparence rien d’une mère modèle ? La photographe lui explique alors cette grossesse miracle, son impossibilité d’avoir des enfants, pour finalement tomber enceinte. Et son envie de saisir cette chance unique de devenir un jour mère. Lexie hoche la tête.
« Je vois … »
Elle l’a écouté attentivement, et son regard est maintenant perdu dans le vide, alors qu’elle réfléchit à ce que son amie vient de lui dire. Zoya avait eu une raison valable de garder ce bébé, sans aucun doute. Lexie ne pouvait dire si elle aurait fait le même choix ou pas, mais elle comprenait le motif pour hésiter de la photographe. Lexie, elle, n’avait rien pour ainsi faire pencher la balance. Et tant mieux, sans aucun doute. Pour autant, la réponse de Zoya ne l’aidait donc pas à y voir plus clair pour sa propre situation.
« C’est quoi tes rapports avec le père ? Parce qu’il ne faudrait pas qu’il te fasse garder l’enfant pour se barrer ensuite. »
Lexie secoue la tête : elle ne connaissait pas Noah depuis très longtemps, mais elle le savait droit et intègre : il ne ferait sans doute jamais ça.
« Non, pas Noah. Il veut garder l’enfant parce qu’il veut des enfants, qu’il s’approche de la quarantaine, et qu’il n’est pas certain d’avoir … d’autre chance. Je pense pas qu’il partirait. C’est pas lui le problème … »
La brunette laisse échapper un soupire en secouant la tête.
« C’est moi. »
Noah était prêt à devenir père, il le voulait, même s’il aurait préféré fonder une famille avec une femme dont il était amoureux, et une femme qui ne le rendait pas dingue, comme il le lui avait dit. Mais Lexie ne l’était pas, et elle ne savait pas si elle le serait un jour.
« Tu veux vraiment pas le garder ce gosse ? Parce que bon ça reste quand même ta décision. Il peut dire ce qu’il veut l’autre, mais si tu te sens pas prête … peut-être que l’avortement reste un choix judicieux. »
La brunette hausse les épaules alors que son amie poursuit avec un sourire en coin.
« Sans vouloir t’offenser ou émettre un quelconque jugement. »
Lexie lui adresse une grimace avant de reprendre son sérieux.
« Je ne sais pas si j’en veux. Je sais que je ne m’en sens pas capable. Tu vois ma mère ? Comment je pourrais y arriver avec le modèle que j’ai eu … »
La jeune femme était convaincue qu’elle ne pourrait pas réussir à élever un enfant convenablement avec la mère qu’elle avait eu. Et cette pensée la terrorisait, la figeait, l’empêchait d’avancer et de se décider.
Mi-mars 2022. « Hé ! J’ai jamais dit ça ! Mais toi, tu as eu cet enfant, du coup, t’en as pris pour toute ta vie à devoir la gérer et t’inquiéter pour elle. Toute ta vie ! J’en suis pas là ! » Ce n’est finalement pas plus mal que Lexie n’ait pas été présente dans sa vie ces trois derniers mois. Non, parce que niveau discours rassurant et réconfortant, on peut repasser. Elle pointe du doigt tout ce qui a pu l’effrayer et tout ce qui a pu la faire abandonner sa fille dans les bras d’un presque parfait inconnu. Elle lui rappelle tout ce que la parentalité implique, tout ce qu’elle n’est pas certaine encore de pouvoir et vouloir assumer toute sa vie, même si elle se veut être dans un meilleur état d’esprit qu’il y a encore quelques mois. Il n’empêche que cette énumération faite par celle qui se prétend être une amie – l’amertume, toujours – a quand même pour effet d’angoisser la Lewis qui ne peut s’empêcher de marmonner un « T’es vraiment nulle à chier comme amie ». Elle le prendra comme elle voudra. « Je vois … » La réaction de Lexie est sommaire et totalement détachée, au point que Zoya pourrait réitérer ses mots, ceux lui disant qu’elle est définitivement nulle comme amie. Bon, elle ne peut lui en vouloir totalement, la Walker est bien trop préoccupée par son propre cas pour réagir davantage face à la confession qu’elle vient de lui faire. Parce qu’elle se retrouve tout de même enceinte d’un mec qu’elle ne semble pas plus connaître que Zoya connaissait Freddy quand elle l’a rencontré – et elle n’est même pas sûre de pouvoir dire qu’elle le connaît mieux aujourd’hui – et qu’elle n’est pas plus faite pour être mère que Zoya ne peut l’être. « Non, pas Noah. Il veut garder l’enfant parce qu’il veut des enfants, qu’il s’approche de la quarantaine, et qu’il n’est pas certain d’avoir … d’autre chance. Je pense pas qu’il partirait. C’est pas lui le problème … » Bon au moins, Lexie a bien choisi le père de son gosse – sans le vouloir, certes – mais au moins, il semble être assez mature – l’âge aide – et prêt à assumer. C’est un bon début. « C’est moi. » Ah, ça « Oh, tiens ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu l’éternel "c’est pas toi, c’est moi" » Ça ne fait sourire qu’elle, c’est pour cette raison qu’elle se ressaisit et préfère dire à Lexie qu’elle seule peut choisir et surtout avoir le dernier mot sur cette décision. Si elle ne se sent pas à la hauteur d’assumer ce potentiel futur bébé, il est peut-être préférable d’en rester là. « Je ne sais pas si j’en veux. Je sais que je ne m’en sens pas capable. Tu vois ma mère ? Comment je pourrais y arriver avec le modèle que j’ai eu … » Les sourcils de Zoya s'affaissent face au constat de son amie. Elle a déjà rencontré la matriarche des Walker par le passé et elle ne s’est jamais mordue la langue pour dire ce qu’elle pensait sincèrement de celle-ci à sa fille. Elle était sûrement la pire qu’elle ait pu rencontrer, s’estimant heureuse d’avoir une mère comme la sienne. Et justement « Ca ne veut rien dire. Regarde la mienne. Elle a eu quatre enfants et elle a géré comme un chef. Elle est le modèle rêvé de la maman parfaite Elle l’aimait et l’admirait sa mère, c’est certain et pourtant, je suis incapable d’être comme elle. Pour preuve, j’ai rien trouvé de mieux que d’abandonner ma fille et fuir comme une lâche » Et comme elle n’a pas spécialement envie de s’attarder sur le sujet « Oui ça, évidemment, tu ne pouvais pas le savoir puisque tu étais aux abonnés absents. Mais c’est réglé depuis » Elle balaye l’air de sa main « Bref, tout ça pour dire que ta mère à beau être la pire connasse que cette planète puisse connaître, ça ne veut pas dire que tu seras la même et que tu vas répéter les mêmes erreurs qu’elle». Un sourire rassurant prend place au coin de ses lèvres alors qu’elle est désormais installée à côté de son amie sur le canapé.
Et elle assume totalement. Lexie n’est en effet pas une amie exemplaire. Elle n’est pas de celles qui écoutent. Elle n’est pas une bonne épaule pour pleurer. Elle ne sait pas trouver les mots pour réconforter. Et elle est incapable de donner un conseil. Sa vie est désordre sans nom, une suite de recommencements, un méli-mélo de peurs et d’incertitudes, avec un soupçon d’instabilité. Et Lexie est également égoïste, ne se souciant pas réellement des autres. L’on peut compter sur les doigts de la main ses proches, ceux qui peuvent compter sur elle et sur qui elle peut se reposer. Et si Zoya en fait partie, à l’heure actuelle, la jeune Walker n’est focalisée que sur son problème, sa grossesse et l’avenir de celle-ci, et peu importe les états d’âme de Zoya. Et alors que son amie l’interroge sur le père, Lexie avoue que le problème n’est pas Noah, mais elle.
« Oh, tiens ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu l’éternel « c’est pas toi, c’est moi ». »
Lexie laisse échapper un nouveau rire, et pourtant, elle ne pensait pas qu’elle rirait en venant chez Zoya Elle s’attendait à se prendre la foudre de la brune, à essuyer des remarques désobligeantes, à des conversations gênantes et désagréables sur la maternité … Mais pas à ça. Elle ne peut s’empêcher de réagir spontanément.
« Non, en fait, en l’occurrence, c’est clairement toi et moi. »
Si deux personnes étaient choisies pour représenter les cas désespérés, on pourrait opter pour Zoya et Lexie, sans aucun doute. Pourtant, le sourire de la brunette s’estompe et elle poursuit, plus sérieuse.
« Je ne suis pas fan de ce principe selon lequel ce serait à la femme de décider. Certes, le bébé est à l’intérieur de mon corps. Mais je ne l’élèverai pas seule, j’en suis incapable. Et lui, il veut s’en occuper, et j’ai l’impression qu’il en est capable. Alors … je sais pas ce que je dois faire. »
Elle se prend la tête entre ses mains, secouant celle-ci d’un air désespéré. Elle poursuit en avouant qu’elle ne sait pas si elle, elle en est capable, pas en ayant Mary Walker comme modèle.
« Ca ne veut rien dire. Regarde la mienne. Elle a eu quatre enfants et elle a géré comme un chef. Elle est le modèle rêvé de la maman parfaite et pourtant, je suis incapable d’être comme elle. »
Lexie penche un instant la tête sur le côté, réfléchissant aux propos de son amie, et ne peut que les confirmer d’un hochement de tête : c’est vrai que Zoya était loin d’être le modèle parfait.
« Pour preuve, j’ai rien trouvé de mieux que d’abandonner ma fille et fuir comme une lâche. »
Lexie ouvre la bouche sous le coup de la surprise, dévisageant son amie.
« Attends … quoi ? »
Elle a visiblement loupé un épisode.
« Oui ça, évidemment, tu ne pouvais pas le savoir puisque tu étais aux abonnés absents. Mais c’est réglé depuis. »
Lexie fronce les sourcils : Zoya ne s’en sortira pas avec une petite pirouette et un petit signe de la main. Si elle ne voulait pas intriguer son amie, elle n’avait qu’à pas mettre ce sujet sur le tapis.
« Zoya, il s’est passé quoi ? »
Et elle attend une réponse, une réelle explication.
« Bref, tout ça pour dire que ta mère a beau être la pire connasse que cette planète puisse connaître, ça ne veut pas dire que tu seras la même et que tu vas répéter les mêmes erreurs qu’elle. »
Lexie hausse les épaules. Elle n’est pas certaine que les propos de Zoya soient justes. Peut-être a-t-elle raison, peut-être que des mauvaises personnes peuvent en faire des bonnes, et inversement. Ce doit cependant être plus facile de devenir quelqu’un de mauvais, avec de bons parents, que l’inverse. Comment s’améliorer, sans modèle ? Comment savoir faire mieux ?
« Je ne sais pas, Zoya. Tu as eu un bon exemple, tu peux choisir de faire ce que ta mère faisait. Moi, je n’ai pas de repère. Comment je saurais ce qui est bien ou pas … »
Elle ne sait toujours pas si elle saura être une bonne mère, ni si elle doit garder ce bébé. Et si discuter avec son amie lui a fait du bien, leurs situations ne sont finalement pas si semblables que cela.
Mi-mars 2022. « J’ai jamais dit le contraire. » « Garce » murmure-t-elle entre ses dents, mais de manière suffisamment audible pour Lexie, l’amertume toujours présente pour son absence de ces derniers mois – et le fait qu’elle soit une mauvaise amie et l’assume pleinement au lieu de tenter de prétendre le contraire. « Non, en fait, en l’occurrence, c’est clairement toi et moi. » Zoya ne peut s’empêcher de rire, tout en adressant un regard réprobateur à l’égard de son amie du fait qu’elle la mette dans le même panier qu’elle. Cela dit, la Lewis ne peut pas nier le fait qu’elles soient, autant l’une que l’autre, LE problème dans leur histoire respective. De vraies plaies, des nanas qui, malgré l’atteinte de la trentaine, sont incapables d’agir avec un peu plus de maturité et préfère fuir devant les responsabilités qui leur incombent que de les assumer. « Je ne suis pas fan de ce principe selon lequel ce serait à la femme de décider. Certes, le bébé est à l’intérieur de mon corps. Mais je ne l’élèverai pas seule, j’en suis incapable. Et lui, il veut s’en occuper, et j’ai l’impression qu’il en est capable. Alors … je sais pas ce que je dois faire. » Zoya tique un peu et c’est pour cette raison qu’elle reste silencieuse quelques secondes, fixant son amie du regard. « Est-ce que tu lui as fait part de tes craintes ? Je veux dire, est-ce qu’il sait que tu ne te sens pas prête ? Et admettons que tu le gardes parce que lui est capable d’assumer. Mais toi, est-ce que, même avec son aide, tu arriveras à faire ta part ? » Oh, elle parle un peu en connaissance de cause, Zoya. C’est sûr que la présence de Freddy dans sa vie désormais aide beaucoup, ou du moins, lui permet de se sentir moins seule dans ce rôle qu’elle pensait pouvoir assumer sans l’aide de quiconque. Pour autant, l’exercice reste difficile au quotidien et si elle tient aujourd’hui, c’est uniquement parce qu’elle a commis la pire erreur de sa vie. Celle d’abandonner sa fille dans les bras de son père et jamais, bien qu’elle semble en parler avec légèreté et détachement, elle ne se le pardonnera. « Attends … quoi ? » Forcément qu’elle n’est pas au courant la Walker. Elle n’était pas là. Et Zoya ne se gêne pas pour lui en faire la remarque d’ailleurs « Zoya, il s’est passé quoi ? » Mais si elle pensait que la journaliste n’allait pas chercher plus loin – après tout, elle n’est pas du genre à s’intéresser plus que ça au cas Zoya, surtout aujourd’hui où elle se retrouve avec un marmot dans le ventre – elle se trompe car la voilà insistante sur le sujet. La Lewis soupire tout en levant les yeux au plafond et pourtant, son air s’attriste soudainement alors qu’elle passe aux aveux « J’ai paniqué, Lex. Je n’y arrivais plus, j’avais l’impression d’échouer lamentablement dans ce rôle. Alors, je me suis dit qu’elle serait toujours mieux avec son père qu’avec moi. J’ai décidé de lui laisser un soir, alors qu’il ignorait jusque là sa paternité. Je lui ai mis Chloe dans les bras, avec le strict nécessaire dans un sac et j’ai tourné les talons, sans un regard en arrière. Je suis partie pendant trois semaines, jusqu’à ce que je me rendes compte que j’avais fait la pire connerie de ma vie » Elle marque une pause, nécessaire alors qu’une certaine émotion l’envahie face à l’évocation de cette période de sa vie dont elle n’est pas fière. « A mon retour, il n’a pas voulu me la rendre, parce que je l’avais abandonné. Ça a été un long mois de bataille avant qu’il accepte de m’entendre et de me redonner la petite. Désormais, ça va mieux… mais jamais ce sentiment de culpabilité ne me quittera ». Elle parle à cœur ouvert Zoya, chose rare, elle qui camoufle toujours en usant d’indifférence ou de mots prononcés plus fort que d’autres. Elle ravale difficilement, peine à retrouver le regard de son amie alors qu’elle a attrapé le doudou préféré de sa fille qu’elle serre contre elle, inconsciemment. « Je ne sais pas, Zoya. Tu as eu un bon exemple, tu peux choisir de faire ce que ta mère faisait. Moi, je n’ai pas de repère. Comment je saurais ce qui est bien ou pas … » Elles en reviennent au sujet initial, celui concernant les craintes – justifiées – de Lexie quant au fait qu’elle n'a jamais eu de modèle pour l’aider à devenir une bonne mère et, peut-être pour aider à détendre l’atmosphère, Zoya use d’abord d’humour, alors qu’elle hausse les épaules et tente de garder un air légèrement innocent « On peut toujours tenter une adoption par mes parents, si tu veux ? Je suis d’accord pour te partager un peu ma mère ». Elle sourit, de manière bienveillante, avant que son bras vienne entourer ses épaules « Tu es bien entourée, par ailleurs. Et, je te promets de faire de mon mieux pour t’épauler, si tu décides de garder cet enfant ». Et elle est sincère dans sa proposition quand, elle aussi, a eu la chance d’être bien entourée – et l’est toujours, même si cela ne l’a pas empêchée de faire de mauvais choix – et sait à quel point cela est important.
Cette visite ne se déroulait pas comme prévu. Et cela n’a rien à voir avec l’accueil désagréable que lui réserve Zoya : celle-ci, Lexie s’y attendait. Zoya est rancunière, Zoya est une peste, et Zoya ne mâche pas ses mots … Ce sont d’ailleurs pour ces raisons, entre autres, que les deux jeunes femmes s’entendent si bien. Entre elles, pas de langue de bois, juste une honnêteté à toute épreuve, sans emballage ni fioriture. Si la visite ne se déroule pas comme prévu, c’est cependant parce que l’histoire de la photographe n’est pas comparable à la sienne. Certes, Zoya ne remportera pas le titre de mère de l’année, et personne ne s’attendait à ce qu’elle mette au monde un bébé. Mais la fille de Zoya était un bébé miracle, sa chance unique de devenir mère. Il était donc évident qu’elle y avait réfléchi à deux fois avant d’avorter. Lexie, elle, ne semblait pas avoir de problèmes de fertilité, outre ses nombreuses addictions, qui n’étaient pas là pour faciliter une grossesse. La discussion se poursuit, mais Lexie ne semble pas plus avancée : l’histoire de Zoya est différente. La Lewis avait une raison pour garder ce bébé, aussi discutable cette raison soit-elle aux yeux de la brunette.
« Est-ce que tu lui as fait part de tes craintes ? Je veux dire, est-ce qu’il sait que tu ne te sens pas prête ? Et admettons que tu le gardes parce que lui est capable d’assumer. Mais toi, est-ce que, même avec son aide, tu arriveras à faire ta part ? »
Lexie n’hésite pas un seul instant avant de répondre, avec la même franchise qui caractérise l’amitié qui la lie à Zoya.
« Il sait tout. Il connaît ma mère, il connaît mes sentiments. Je suis allée le voir en lui disant que je l’informais de la grossesse, pour faire les choses bien, et que j’irais me faire avorter. C’est là qu’il a dit que lui, il voulait de ce bébé. »
Elle fait une légère pause, faisant la moue.
« Je ne sais pas si j’arriverai à faire ma part. Mais est-ce que ce ne sera pas suffisant, si lui fait la sienne ? Est-ce que ce n’est pas mieux de ne pas avoir de mère qu’avoir une mère horrible ? »
Elle était persuadée qu’elle aurait eu une meilleure vie sans Mary. Sa mère était la raison de nombreuses de ses craintes et défaillances. Elle avait été brisée par les épreuves de la vie, par le départ de son frère, par la mort de son père, mais le manque d’amour de sa mère, depuis toujours, avait déterminé la personne qu’elle était devenue. Sans une mère aussi dure, exigeante, incapable de leur donner de l’affection, elle n’aurait pas un tel bagage débordant de nombreuses faiblesses et fragilités.
Zoya poursuit son argumentation, balançant au passage qu’elle a abandonné sa fille. Et cet événement, donc la Walker n’avait pas connaissance, attire son attention, la voilà qui questionne la photographe pour en savoir plus. Elle l’écoute avec insistance, pour laisse le silence s’installer un moment. Se mordillant la lèvre inférieure, hésitante, elle interroge à nouveau, d’une petite voix.
« Pourquoi ? Pourquoi c’était la pire connerie de ta vie ? »
Elle sait qu’elle va à nouveau s’attirer les foudres de la Lewis, et lève déjà les bras en signe d’apaisement, et pour que la photographe la laisse finir ce qu’elle veut dire. Après tout, Lexie ne venait-elle pas de dire qu’une vie sans mère était mieux qu’une vie avec une mère défaillante ? Elle essaie de poursuivre son propos, sans trop froisser son amie, l’une des rares qu’elle a.
« C’est pas une nouvelle attaque contre tes capacités, Zoya, mais … pourquoi t’as changé d’avis ? Pourquoi t’as fait demi-tour ? »
Suspendue aux lèvres de son amie, Lexie patiente, tentant de comprendre. Zoya avait paniqué, elle avait délaissé sa fille, mais elle était revenue et … cette dernière étape échappait totalement à la brunette. La photographe avait eu le courage de reprendre sa vie en mains … et s’était ravisée. Mais après tout, Zoya avait eu une bonne mère, un modèle presque parfait. Peut-être se rendait-elle compte de plus de choses que Lexie, à qui il devait manquer de nombreuses bases.
« On peut toujours tenter une adoption par mes parents, si tu veux ? Je suis d’accord pour te partager un peu ma mère. »
Lexie laisse échapper un rire à son tour, appréciant le fait que Zoya sache ainsi la dérider, même en de pareilles circonstances.
« Je veux bien partager ta mère, mais t’avoir comme sœur, je passe ! »
Elle rit maintenant ouvertement, tirant la langue à son amie.
« Tu es bien entourée, par ailleurs. Et, je te promets de faire de mon mieux pour t’épauler, si tu décides de garder cet enfant. »
Lexie hoche la tête : elle ne serait pas seule, en effet. Il y avait Noah, évidemment, qui voulait jouer son rôle à 100 %. Et il y avait Chan, et Elijah, et maintenant Zoya.
« Et quoi ? On ira au parc regarder nos enfants faire du toboggan ? »
Soudain, le visage de la brunette se décompose, alors que la réalité la rattrape. Et la réalité, c’est une vie entière bouleversée, une vie faite de nuits entrecoupées, de fatigue intense, de couches, de microbes, de rendez-vous chez le pédiatre, de balades au parc, … Et cette vie ne répond en rien à ses attentes. Cette vie n’est pas celle dont elle a envie. La revoilà qui panique, se lève et attrape son sac.
« C’est pas ce que je veux ! C’est pas du tout ce que je veux ! »
Mi-mars 2022. « Il sait tout. Il connaît ma mère, il connaît mes sentiments. Je suis allée le voir en lui disant que je l’informais de la grossesse, pour faire les choses bien, et que j’irais me faire avorter. C’est là qu’il a dit que lui, il voulait de ce bébé. » C’est là aussi que son amie, si déterminée qu’elle puisse être caractériellement parlant, tout autant qu’elle a pu l’être à l’égard de Noah en lui annonçant de but en blanc qu’elle allait avorter, a remis en doute ce qu’elle a affirmé. Cela l’étonne d’ailleurs à Zoya, connaissant le tempérament de Lexie qui est tout autant bornée qu’elle. C’est pour cette raison qu’elle fronce les sourcils, réfléchissant aux raisons qui ont poussé les doutes à s’immiscer dans l’esprit de la brune. « Je ne sais pas si j’arriverai à faire ma part. Mais est-ce que ce ne sera pas suffisant, si lui fait la sienne ? Est-ce que ce n’est pas mieux de ne pas avoir de mère qu’avoir une mère horrible ? » Une mère horrible, la sienne en l’occurrence et Zoya comprend parfaitement le parallèle « C’est ce que je croyais aussi Elle parle en connaissance de cause mais ne s’épanche pas davantage sur le sujet à ce moment-là Mais est-ce que tu arriveras à vivre avec l’idée que ton enfant grandisse sans que tu ne sois à ses côtés ? A continuer ta vie comme si de rien n’était ? ». Faire abstraction de cet enfant, elle sait de quoi elle parle Zoya. Elle est passée par là après avoir abandonné quelques mois plus tôt sa fille dans les bras de son père, l’ayant fait dans cette même optique : éviter à Chloe de grandir avec une mère incapable. Mais elle sait aussi les sentiments qui l’ont habité les jours qui ont suivi et qui lui ont fait perdre le contrôle de ses émotions, qui l’ont fait tourner en rond des heures durant dans sa chambre d’hôtel. Toute distraction n’a aidé en rien à apaiser la culpabilité grandissante, au manque de sa fille dans ses bras. Et lorsqu’elle conte cet épisode de sa vie à son amie, et notamment le fait que cela a été la pire connerie qu’elle ait pu faire, la réaction de Lexie ne se fait pas attendre. « Pourquoi ? Pourquoi c’était la pire connerie de ta vie ? » N’est-ce pas évident pour elle ? La question la fait bondir, son regard devenant mauvais quand pour elle, la réponse est une évidence, mais la Lewis n’a pas le temps de réagir que Lex’ reprend « C’est pas une nouvelle attaque contre tes capacités, Zoya, mais … pourquoi t’as changé d’avis ? Pourquoi t’as fait demi-tour ? » « Putain mais tu crois sérieusement qu’abandonner quelqu’un derrière soi, c’est une chose facile ? Que les regrets ne finissent pas par venir te ronger après ça ? Puis merde, c’est ma fille dont il était question ! Elle me manquait tout simplement. Et je pouvais pas lui infliger ça » Et Lexie sait très bien ce que c’est que d’être abandonnée, Zoya se mordant la langue pour ne pas balancer le nom d’Elijah en exemple à la brunette. « Je préfère faire tout mon possible pour être à la hauteur de mon rôle de mère plutôt que de lâchement baisser les bras ». Le ton de sa voix s’est apaisé au fur et à mesure des mots prononcés. Parler de cet épisode avec Lexie lui fait remonter tous les sentiments et toutes les émotions qu’elle a pu ressentir lors de cette période de sa vie, qu’elle préférerait pouvoir laisser derrière elle.
La discussion s’allège cependant, Zoya usant d’humour face à une Lexie désemparée, proposant à celle qui n’a jamais été proche de sa mère – véritable garce par ailleurs il faut le reconnaitre – de devenir une Lewis « Je veux bien partager ta mère, mais t’avoir comme sœur, je passe ! » « Connasse ! » sort-t-elle spontanément en lui tirant la langue à son tour. « Et quoi ? On ira au parc regarder nos enfants faire du toboggan ? » Zoya hausse les épaules, c’est vrai qu’il y a plus alléchante comme proposition, que cela dénote totalement avec leurs précédentes retrouvailles dans une boite de nuit, à enchaîner les verres et les beaux garçons. La photographe n’a cependant pas le temps de réagir, Lexie se levant soudainement, laissant une Zoya pantoise qui se contente de la regarder paniquer « C’est pas ce que je veux ! C’est pas du tout ce que je veux ! » « Lex, attends ». Mais cette dernière a déjà pris la poudre d’escampette, ne laissant pas le temps à Zoya de la rattraper, claquant la porte sur son passage, provoquant ainsi les cris de Chloe, désormais réveillée.