Little boat ride

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Chelsea n’avait pas obtenu la réponse qu’elle attendait, le cadeau n’avait pas émerveillé la petite, qui en avait préféré l’emballage. Elle n’en était pas trop attristée, parce qu’elle avait une chance sur deux de réussir, elle qui ne connaissait pas trop les enfants. L’étudiante en photographie aurait peut-être dû demander une liste d’idées à sa meilleure amie, mais elle avait tenu à trouver l’idée d’elle-même, l’inverse n’aurait pas été digne de son âme créative. « Ta fille se prend pour un chat, à préférer l’emballage aux cadeaux. » La comparaison l’amusait, elle n’était peut-être juste pas assez grande pour apprécier le livre comme il se doit, elle pensait pourtant qu’Abby avait l’air de se reconnaître aux travers des miroirs. « Au moins elle n’a pas des goûts de luxe, elle ne doit pas te ruiner. » Dit-elle en rigolant, si ça se trouve elle était du genre à lui piquer des crises dans les magasins et elle ne le savait même pas. Chelsea s’était longtemps sentie à la marge à côté du statut de maman d’Amy, qu’elle n’avait pas su comment aborder au début. La rousse avait crainte qu’elles n’auraient plus rien en commun, que sa vie ne tournerait qu’autour de son enfant. Heureusement pour elle, les conversations de son amie ne tournaient pas qu’autour de sa progéniture, qu’elle avait finie par apprécier avec le temps. Elle devait admettre que la petite était devenue plus intéressante depuis qu’elle marchait et savait aligner quelques mots, elle prenait plus de plaisir à la voir maintenant qu’elle pouvait avoir des interactions avec elle.
 
La Cavanagh aimait prétendre que son sang était bleu, parce qu’il avait été transmis par une longue lignée de marins, qui avait failli être brisée. Sa mère ne lui avait pas apprit à conduire un bateau, parce qu’elle avait le mal de mer, tandis que son oncle préférait piloter un avion et que sa tante était trop occupée pour jouer les monitrices. Elle avait dû se débrouiller avec ses propres moyens pour apprendre, notamment en décrochant un premier travail et en se payant des cours. « C’est le rôle le plus agréable, non ? » Qu’elle lui dit avec un sourire en coin. Il était agréable de se laisser balader, du moins ça c’était ce qu’elle pensait lorsqu’elle était en voiture, elle ne tenait pas le même discours lorsqu’elle se trouvait sur le voilier qu’elle partageait avec Lucy. Chelsea n’attendra rien d’autre que de la voir profiter et surveiller Abby, ce qui était un job déjà bien assez prenant. Amy avait quelques difficultés pour se mettre à sa place et pour cause, elle ne savait pas en quoi consistait le quotidien d’une étudiante jonglant avec plusieurs boulots. « Tu le regrettes un peu, parfois ? » La question pouvait paraître délicate, puisque son interlocutrice n’avait pas eu l’embarras du choix. Cependant, cela ne l’empêchait pas de se demander ce qu’elle aurait fait, si elle avait pu l’avoir. Chelsea ne savait pas comment elle pouvait tenir à son centre d’appels, cela n’avait rien d’un travail de rêve, au contraire il lui semblait répétitif au possible en plus d’être stressant.
 
Le chapeau qu’elle avait acheté semblait avoir plus la cote avec la mère que la fille, mais il aura fait au moins une heureuse. Il ne sera peut-être pas porté très souvent, mais il pourrait lui rappeler un joyeux souvenir à l’avenir. Chelsea lança un regard attendri à la petite, avant de se recentrer sur Amy qui l’interpella avec une question. « À Green Island, c’est une des îles les plus proches et elle est restée plutôt naturelle, même si on y trouve un hôtel et quelques activités. » Entourée d’un récif corallien, elle était assez jolie pour valoir le coup d’être vue, même si la visite serait assez courte. « On a un trajet d’environ une heure, ce n’est pas trop long ? Au pire elle fera la sieste, enfin si elle la fait toujours. » Elle espérait pour elles que c’était bien le cas ou le temps allait lui paraître sacrément long. La Cavanagh vérifia une dernière fois le bon état des voiles et des écoutes, avant de défaire les liens du navire et de le démarrer. « Le voyage va commencer. » Dit-elle avant de rejoindre son gouvernail.

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Amy lui dépeignait sa vie de mère, un tableau qu’elle décrirait comme gris, car même si cela n’avait pas l’air catastrophique, cela n’avait pas l’air de tout repos non plus. Chelsea ne rangeait déjà pas son propre bazar, ça ne serait pas pour passer derrière un petit être, elle ne l’enviait donc pas le moins du monde, même si elle en parlait quand même avec une certaine tendresse. La mère de l’étudiante en photographie avait eu déraisonnablement peur qu’elle ne se mette à avoir un parcours similaire au sien, alors qu’Amy était au contraire un parfait rappel pour qu’elle n’oublie jamais de se protéger. Repenser à cette ancienne discorde lui donnait l’envie de rire jaune, si seulement Brianna savait à quel point elle avait pu rester ‘ innocente ’, elle ne se serait jamais fait un sang d’encre comme ça. « Tu as raison de ne pas en faire une enfant trop gâtée. » L’opératrice ne risquait probablement pas de la traiter comme une princesse avec son petit salaire, à moins qu’elle ne décide de vivre au-dessus de ses moyens. Chelsea espérait qu’elle saurait continuer de se montrer raisonnable, parce que la Cavanagh détesterait devoir faire la moralisatrice avec elle, alors que le jugement n’avait jamais eu sa place dans leur relation. « Tu n’es pas lassée de vivre avec tes parents ? » La rousse s’était soudainement rappelée qu’Amy n’avait pas encore une véritable indépendance. Elle n’aurait pas hésité à lui proposer la troisième place de sa colocation qui s’était libérée récemment, s’il n’y avait pas eu d’enfant dans l’équation. L’environnement n’aurait pas été adapté pour elle et Chelsea aurait rapidement son seuil de tolérance, qui n’était pas très élevé. Elle avait préféré laisser un collègue en galère aménager chez elle, un choix qu’elle ne regrettait pas pour le moment, parce qu’il était loin d’être quelqu’un d’encombrant.
 
La position de touriste d’Amy était plutôt agréable, mais elle croyait tout de même pouvoir faire des choses. Chelsea savait bien qu’il n’était pas possible qu’elle ne soit pas pleinement concentrée sur sa fille, elle ne lui avait pas proposé la plus sereine des sorties, un parc aurait été plus approprié pour cela. Cependant, la rousse avait régulièrement besoin de quitter la terre ferme et elle ne voulait pas le faire uniquement pour son grand-père, qui était actuellement sa seule raison de lever les voiles chaque semaine. Elle n’avait pas un emploi du temps assez flexible pour naviguer autant qu’elle ne le voudrait, sa vie était trop chargée. Amy était plus posée, tellement posée qu’elle n’envisageait pas de faire quoique ce soit pour changer de quotidien, du moins c’était ce qu’elle comprenait. Elles étaient diamétralement opposées à ce niveau, Chelsea ne pourrait jamais rester assise pendant des heures, ni faire une croix sur les études, parce qu’elle considérait important d’être instruite. « Ton travail est peut-être plus reposant que ta vie de mère ? Après tout tu dois passer ta vie à courir après Abby. » C’était déjà un boulot à temps plein d’élever une môme. Elle ne pourrait pas la soulager en lui proposant de la garder ponctuellement, elle était trop rarement chez elle et ne saurait même pas comment s’en occuper.
 
La jeune mère lui confirma qu’elle pouvait supporter ce trajet, Chelsea ne pouvait pas faire plus court que ça, sinon elle ne pourrait les amener nulle part. Ne voir que l’étendue de la mer serait un spectacle qui deviendrait vite ennuyant pour une fillette, l’étudiante en avait bien conscience. « Elle se mettra peut-être à faire la sieste quand on arrivera à destination. » Elle ne voulait pas leur porter malheur, mais de ce qu’elle entendait sur les enfants, ils avaient le chic pour s’endormir au pire moment. Amy lui posa une nouvelle question, une question banale mais pourtant douloureuse, qui lui rappelait que sa façon d’occuper son temps libre n’avait pas changé. Elle se souciait toujours autant de l’état de santé de son grand-père, elle continuait de traîner jusqu’à pas d’heure en ville quasiment tous les soirs, très souvent de façon solitaire. Chelsea était plus seule qu’il n’y paraissait, même si elle avait sa famille à proximité et deux colocataires. Elle n’arrivait pas à faire de la place pour autre chose ou plutôt pour quelqu’un d’autre que celui qui avait verrouillé son  cœur sans le savoir. Habituellement elle se serait cachée derrière sa fierté, elle aurait prôner qu’être célibataire lui allait comme un gant, mais la vérité était tout autre et Amy le savait bien, il était inutile de lui mentir. « Rien de nouveau sous le soleil, Desmond est toujours aussi aveugle. » Cette confidence ne devrait pas la surprendre, contrairement aux interrogations qu’elle se posait. « Tu crois que je suis bizarre ? De continuer de l’aimer après toutes ces années ? De n’aimer que lui ? » Elle ne se souciait pas de ce qu’on pensait d’elle en général, mais elle devait bien avouer qu’elle se rendait elle-même perplexe. « D’autres personnes sont déjà tombées amoureuses plusieurs fois, à  mon âge. Je crois que je commence à les envier, je préférais que mon cœur arrive à battre pour quelqu’un avec qui j’ai une chance ou mieux encore, qu’il ne s’entiche plus de personne. » C’était bien comme cela que l’on était le mieux protégé de la souffrance, non ?

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À quoi ressemblerait Abby si elle lui disait tout le temps oui ? Chelsea n’en savait rien non plus, parce qu’elle n’avait pas été une enfant couverte de oui, était-ce une des raisons pour lesquelles elle avait autant de ressentiments envers sa mère ? Probablement, ses jeunes années auraient sûrement été plus douces si elle avait été un peu plus gâtée, sans non plus l’être à outrance. « Je suppose qu’il faut trouver le juste milieu. » Qu’elle lui répondit malgré son novisme dans la matière, elle n’était peut-être pas la meilleure des conseillères, mais elle essayait de l’aider comme elle le pouvait. Elle déposa une main sur son épaule quand elle lui confia ses craintes. « Tu t’en sors bien et tu n’es pas seule. » Amy l’avait elle, elle avait aussi sa mère et certainement d’autres personnes qu’elle ne connaissait pas forcément. « Tu as une petite fille épanouie et qui t’aime, crois-moi c’est tout ce qui compte. » Le bonheur de son enfant comptait à ses yeux, elle faisait de son mieux pour être le souvent possible à ses côtés, elle était donc certaine qu’elle évoluerait dans le bon sens. La petite ne suivait pas un schéma traditionnel, elle n’avait pas de père pour l’élever, elle vivait chez sa grand-mère, mais cela ne voulait pas dire qu’elle tournerait mal, Chelsea en était le parfait exemple. Amy suivait les conseils de sa génitrice pour ne pas gaspiller son argent, parce que contrairement à elle, loger chez elle était quelque chose de vivable, même en présence d’un beau-père. « Tu as raison d’en profiter. » Dit-elle légèrement envieuse, elle aimerait aussi pouvoir dire qu’elle avait la meilleure mère de l’univers, mais elle était si désabusée qu’elle ne pensait pas pouvoir tenir de tels propos un jour.
 
Tout le monde n’est pas fait pour les études, il serait utopique de penser le contraire. C’était pour cela qu’elle n’avait jamais jugé le fait que son amie ait fait une croix dessus, elle était juste curieuse de savoir comment elle se sentait en tant que jeune mère, si elle n’avait pas cette impression d’être un peu trop à la marge. Elles sortaient toutes les deux des cases préconçues par la société, un point commun qui les avait considérablement rapprochées. Amy lui racontait que son travail serait beaucoup moins supportable si tous ses appels étaient difficiles, ce qu’elle pouvait aisément comprendre malgré que la rousse ne soit pas réputée pour être une grande empathique, ne recevoir que des appels de détresse absolue devait être absolument minant à force. « Si tu as envie d’autre chose, comme de travailler dans un environnement luxueux par exemple, je pourrais sûrement t’aider. » Chelsea lui fit un clin d’oeil, cela n’était pas trop compliqué de lui trouver un poste qui ne demandait pas trop d’expérience à l’Emerald Hotel, elle pourrait tout à fait la rejoindre dans les rangs des hôtesses de l’établissement.
 
La Cavanagh n’était pas quelqu’un qui pouvait s’ennuyer facilement, mais il lui manquait une chose qu’Amy avait déjà expérimenté : l’amour ou plutôt l’amour d’une personne en particulier. Chelsea était courageuse dans bien des domaines, mais elle se révélait être singulièrement lâche à ce niveau, elle ne faisait que de tourner autour du pot au lieu d’être aussi directe qu’à son habitude. « Tu ne m’apprends rien en me disant qu’il est con. » Le portable de l’étudiante en photographie en était le témoin, puisqu’il connaissait Desmond sous l’élégant nom de Favorite Dumbass, même si elle avait eu plus d’une fois l’envie de rayer la mention de favori. La jeune mère lui conseillait d’aller lui botter les fesses, cette suggestion était tentante, mais serait-elle vraiment capable de l’appliquer ? Elle ne voulait pas voir la rouquine baisser les bras, mais plus les années défilaient et plus elle voyait s’éloigner l’espoir qu’il ressente quelque chose pour elle. Chelsea secoua rapidement sa tête lorsqu’elle lui suggéra de lui avouer ses sentiments. « S’ils ne sont pas réciproques ça serait humiliant. » L’égo de la Cavanagh prendrait un coup phénoménal, mais ce n’était pas grand-chose en comparaison de son autre appréhension. « Mais surtout je ne supporterai pas de le perdre. » Elle était sûre qu’il ne la regarderait plus jamais de la même façon quand ce secret n’en sera plus un. L’optimisme à toute épreuve d’Amy ne suffira pas à la convaincre de le faire. « Je préfère laisser mes sentiments s’effacer d’eux-mêmes. » Prétendre qu’ils avaient une date de péremption, était ce qu’il y avait de plus facile, même si elle était loin de pouvoir la deviner... La capitaine du navire préféra se concentrer sur le grand large, leur destination n’était plus très éloignée.