you gotta live with the bad blood now
@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

Début décembre 2022.

Elle était décidée, Evie, et pas uniquement parce qu’elle avait la bougeotte, et que rester repliée sur elle-même dans cette chambre de l’aile psychiatrique de l’hôpital St-Vincent commençait à lui peser lourd sur le coeur. Quand on ne la sédatait pas pour la faire plier à la requête de sa mère de la laisser-là, sous la bulle aseptisée des locaux histoire de la protéger de la tempête extérieure, elle réussissait à peu près à se figurer à quoi elle échappait vraiment, et ça n’avait rien de réjouissant, on s’entend. Elle n’avait eu Rhett au téléphone qu’une seule fois, mais la sévérité de l’annonce induite par ses résultats d’analyses, elle lui était remontée aux oreilles bien assez tôt pour qu’elle s’incombe le blâme de toute cette histoire, et qu’elle veuille la comprendre davantage sans laisser aucun encart de côté, se savant assez bonne élève pour apprendre de ses erreurs. Ce n’était pas uniquement la culpabilité qui, depuis plusieurs jours déjà, lui faisait caresser l’idée d’aller trouver celui qui aurait une vision différente des choses et à qui elle pouvait s’en remettre pour lui parler — encore que rien n’était moins sûr, mais elle voulait essayer. Ruben, elle voulait discuter avec lui. Toutes leurs conversations s’étaient soumises à elle à intervalles réguliers et elle avait saisi quelque chose : il avait essayé de lui dire quelque chose, de lui faire passer un message qu’elle n’avait pas compris, elle le craignait. Pour lui, ça avait dû lui paraître clair et sans équivoque, faisant pleuvoir mises en garde et piques bien placées pour lui faire entendre que son frère n’était pas celui qu’elle croyait. Seulement, Evie ne parlait pas le Ruben Hartfield couramment, et de nouveau, cette impression de stupidité s’était insinuée dans sa perception de la situation au point que ça avait tourné à l’obsession, de s’octroyer un moment avec le jeune médecin.
Sauf qu’il était occupé, qu’on lui avait sans cesse répété. Alors en effet, en cette fin de matinée, elle était décidée à agir sans supervision, fatiguée d’être traitée comme une enfant. Même si sa blessure au mollet était douloureuse, même si le brouillard dans lequel elle évoluait était trop épais pour qu’elle ne se repère vraiment dans les étages, elle était sortie de sa chambre pour vadrouiller là où elle savait qu’elle le trouverait. Le service de neurologie, elle le connaissait pour y être allée lors de la mort de son père, mais aussi pour l’avoir évité à de nombreuses reprises quand il était mis en lumière par la cause de sa mère, aussi le parcours n’était pas aisé à faire, d’autant qu’elle savait qu’elle ne devait pas donner la bonne image en avançant à tâtons de cette manière. Cependant, elle restait digne, Evie, parce qu’elle avait une idée derrière la tête, et que son objectif, elle l’atteindrait avant qu’on vienne la récupérer pour la mettre au lit.

"Je cherche le docteur Hartfield." demanda-t-elle à une infirmière qui passait près d’elle et qui la regarda avec l’égard qu’avait le personnel de santé pour ceux qui venaient vers eux. Elle ne pouvait pas prétendre qu’on ne s’occupait pas bien d’elle, mais les hôpitaux étaient rarement le genre d’endroit où on se sent à l’aise. Elle faisait partie de ceux qui détestaient ça parce qu’on ne pouvait pas avoir de bons souvenirs dans ce genre d’endroits, pensait-elle en se laissant guider du bout du doigt par la jeune femme qui lui désigna une salle de pause non loin de là, et de laquelle elle s’approcha en appuyant sa main contre le mur ; pour mieux reprendre sa respiration d’abord, pour s’aider à avancer ensuite, l’élancement dans son mollet lui faisant réaliser que, malgré les soins qu’elle recevait quotidiennement, son entaille mettrait du temps à cicatriser, et que ça la marquerait à vie. Peu importait. Elle saurait prendre sur elle, et tandis qu’elle se redressait en même temps qu’elle fermait son gilet sur sa poitrine, elle se flanqua dans l’entrebâillement de la porte pour observer l’espace.
Les bras croisés sur sa poitrine, ses yeux tombèrent directement sur Ruben "Je pensais que les grands médecins comme toi avaient leur propre bureau." entama-t-elle sans faire plus de cérémonie, n’étant pas venue ici pour échanger des banalités et faire dans le small talk qu’elle maîtrisait à merveille pourtant. Les médicaments la rendaient plus directe, de même que son but qui la fit entrer dans la pièce sans demander l’autorisation "Tu me sers un café ? On ne m’autorise que du thé imbuvable avec mes repas." Qui n’étaient pas bien savoureux eux non plus, à dire vrai, mais loin d’elle l’idée de se plaindre. S’installant enfin devant lui, grimaçant en sourdine quand elle déplia sa jambe sous la table, elle tacha de se redresser ; et un ange passa pendant que ses yeux s’accrochèrent aux siens, et que  prenant le droit de sonner la fin d’un silence lourd et pesant, elle finit par lui demander "Pourquoi tu m’as rien dit ?" Cette question, elle aurait dû la poser à Rhett avant toute chose. Et elle le ferait, plus tard. Néanmoins, Ruben s’était d’emblée placé en oiseau de malheur à la seconde où ils s’étaient rencontrés, à la seconde où il avait été établi qu’elle était assez importante pour son frère aîné pour prendre sa défense comme elle l’avait toujours fait, comme elle le ferait sans doute toujours malgré la sensation qu’elle avait, même recluse loin de lui, que le monde entier en avait après lui ; pas elle, elle était de son côté. Et maintenant qu’elle avait saisi une partie des choses que son médecin de frère avait essayé de lui dire, elle attendait de lui qu’il soit vraiment honnête avec elle pour qu’elle reçoive toutes les meilleures cartes afin de l’aider, c'était aussi simple que ça.

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« Je pensais que les grands médecins comme toi avaient leur propre bureau. » Ce serait mentir que de dire qu’il ne s’était pas attendu à tout moment, ces derniers jours et semaines s’associant à ces derniers, à entendre cette voix résonner à ses côtés. Ce serait mentir également de clamer qu’il n’avait pas envie de le voir, car cela irait en contraction avec le fait qu’il s’était retenu de changer d’étage pour se rendre là où elle avait été admise, parce-que c’était elle-même qui lui avait demandé de rester loin d’elle; ils se contentait d’obéir. Mais ce serait toujours mentir que de réfréner ce petit soubresaut de surprise qu’il eut lorsqu’Evelyn s’adressa à lui, car Ruben ne s’était pas attendu à ce que leurs chemins se croisent dans la salle de pause d’un service autre auquel son hospitalisation était rattachée. Ce fut donc en écarquillant quelque peu les yeux qu’il releva son regard sur la brune, dans l’encadrement de la porte de la salle de pause, alors que d’une main rapide et professionnelle, il refermait devant lui le dossier dans lequel il était plongé jusque maintenant. « Les grands médecins comme moi ont leur propre bureau, mais il est à l’étage d’en dessous et j’avais des consultation à réaliser à cet étage-ci. » Il balaya des traits de son visage assez rapidement la surprise qu’il s’était permise de laisser percer pour froncer quelque-peu les sourcils. « Tu me sers un café ? On ne m’autorise que du thé imbuvable avec mes repas. » Restant un instant le regard posé sur elle à suivre ses mouvements, il abandonna l’idée de dire quelque-chose quant à son état physique - et quand au fait qu’elle n’aurait même pas du quitter son lit, et que la décision sage à prendre aurait été de l’appeler pour le faire venir directement en psychiatrie plutôt que de faire les efforts qu’elle faisait en cet instant. A la place, il se contenta d’échapper un fin soupire, se levant alors qu’elle s’asseyait face à sa place à lui pour lui servir une tasse de café. Dans la foulée, il alla fermer la porte de la salle de pause - il était à peu près sur qu’ils allaient de toutes façons être dérangés au moins une demi-douzaine de fois dans leur discussion, mais peut-être que cela permettrait de ralentir un peu le processus. Car si Evelyn était venue jusque lui aujourd’hui, le déranger dans sa journée de travail tout en compromettant son propre rétablissement physique juste parce-qu’elle trouvait le temps long. « T’as de la chance, ici on a le droit à du vrai café et pas celui qu’on vous sert en chambre. » La tasse qu’il glissa devant la brune était remplie d’un liquide noir et fumant, directement sorti de la cafetier et non d’un sachet lyophilisé comme ça pouvait être le cas pour le café servi aux patients. Elle aurait toujours gagné ça à venir le déranger.

Poser sa propre tasse de nouveau remplie de son côté de la table, Ruben finit par se remettre assis où il se trouvait avant qu’elle n’entre dans la pièce, ses yeux s’accrochant de nouveau au sien sans s’en détourner un seul instant. Il était persuadé qu’elle finirait par se manifester sur la raison qui la poussait à le retrouver ici aujourd’hui - il ne fallut pas plus d’une minute pour que cela arrive. « Pourquoi tu m’as rien dit ? » Ce fut à l’aide de sa tasse de café qu’il masqua son petit sourire en coin, celui qui voulait autant dire je t’avais prévenu que j’ai raison; qui n’était en rien le bienvenu dans tous les cas dans cette situation cr ce n’était pas une discussion pour comparaison les égos et l’importance qu’ils avaient aux yeux de Rhett que Evelyn engageait là. Il était têtu et borné, mais il n’était pas plus totalement idiot, Ruben. Il savait faire la différence lorsque la discussion restait ouverte à l’idée de camper sur ses positions ou lorsque mettre de l’eau dans son vin était nécessaire. En l’occurence, il pouvait allouer une certaine inquiétude au comportement de la jeune femme: cette dernière n’aurait pas déployé autant d’efforts pour voir cette conversation arriver si ce n’était pas un minimum important à ses yeux. « Peut-être parce-que tu m’as demandé de te laisser tranquille ? » D’accord, ses mots contenaient là un reproche qui n’était en rien dissimulé; mais ils contenaient surtout une vérité que même Evelyn ne pourrait nier: elle était celle des deux qui avait statué que la communication devait cesser entre eux, et Ruben n’avait pas fait en sorte de briser un tel souhait. Ils n’étaient pas faits pour s’entendre, et elle n’était pas prête à entendre ce qu’il avait à lui dire. Pour le coup, il avait simplement respecté sa volonté. « Et j’ai essayé de te le dire. » Il reposa sa tasse, entourant cette dernière de ses deux mains, décrochant son regard de ce lui de sa belle-soeur. « Mais il avait déjà réussi à te mettre en garde à propos de moi, je sais pas sur quoi mais ça devait être ça, puisque tu n’as pas voulu m’écouter. » Alors, presque lassement, il haussa les épaules. Parce-que la chute de Garrett Hartfield, Ben l’avait prédit et vu venir depuis des mois, des années. Il savait qu’un jour les vieux démons de son aîné ne pourraient être davantage maitrisés et qu’il les laisserait gagner la bataille. Ce n’était pas là une supposition qui s’était malheureusement trouvée être vraie, c’était une vérité que trop de personne avaient décidé d’ignorer en gardant bien en place les oeillères que Rhett avait soignent mises en place. A d’autres, pas à Ruben. « Je suppose que t’as des questions, si t’es venue jusqu’ici pour me voir ? Si t’es venue me voir tout court d’ailleurs. » Parce-qu’il n’existait pas d’autres versions de cette situation où Evelyn était face à lui pour d’autres raisons que celle d’assoiffer une certaine curiosité. Il ne la blâmait pas: sur ce coup là, il aurait surement réagi de la même manière.

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@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

"Je t’ai demandé de me laisser tranquille parce que t’as passé les six derniers mois à essayer de me convaincre que ton frère est avec moi uniquement pour les caméras, Ruben." lui rappela-t-elle tout en glissant ses mains autour de la tasse de café brûlant qu’il lui avait servi sous sa requête. Ses effluves étaient en effet plus engageantes que ce qu’on lui servait dans sa chambre depuis quelques semaines, mais elle ne porta même pas la tasse à ses lèvres. À la place, les yeux d’Evie trouvèrent ceux de Ruben et ses sourcils se froncèrent dans la manoeuvre. Elle aussi, elle avait des rapports compliqués avec les membres qui composaient sa famille, elle pouvait comprendre, seulement l’obstination de Ruben à la voir comme une ennemie sous le prétexte qu’il ne s’entendait pas avec son frère, s’amusant du rapport qu’elle entretenait avec ce dernier, le tournant en dérision surtout, ça avait eu tendance à, effectivement, lui faire la demande-express de rester à sa place.
Elle ne jouait pas, Evelyn, ce qui n’était pas souvent le cas de Ruben qui lui tapait déjà assez sur le système pour qu’elle s’entende soupirer après quelques secondes seulement. La situation était on ne peut plus sérieuse, si les médicaments devaient avoir un avantage à ce moment précis, c’était que ça l’empêchait de tourner autour du pot. Alors son débit de parole n’était pas le même qu’à l’accoutumé, son accent n’était pas aussi charmant qu’il l’était d’ordinaire, et sa respiration vacillait, la prenant chaque fois un peu plus profondément pour lui permettre de faire le point sur ce qu’elle tenait à lui dire, seulement elle était relativement digne pour ne pas se laisser impressionner par l’aplomb de l’homme qui lui faisait face et qui retournait ses doléances contre elle sans prendre pitié de l’état dans lequel elle était. Certes, elle n’attendait pas sa pitié, loin de là, ça laissait pourtant une piètre image de l’homme qu’il était, de tirer avantage d’une femme qui était là, si ce n’était pour faire amende honorable, au moins pour démêler quelque chose de trop noueux pour qu’elle réussisse à s’en sortir seule.

"C’est bien ça le problème, t’as essayé de me le dire en le faisant passer pour un arriviste." Elle ne toucherait pas au café qu’elle tenait entre les mains, il était là uniquement pour l’occuper et lui donner une bonne contenance parce qu’elle se sentait fragile, Evie. Ce n’était peut-être pas évident sur le moment, tenant tête à Ruben qu’elle fixait sans ciller pour lui faire comprendre qu’il avait plutôt intérêt à ne pas jouer au plus malin avec elle, mais à l’intérieur d’elle-même, à peu près tout s’affolait, rentrant en opposition aux molécules qui lui maintenaient la tête hors de l’eau. Elle aurait pu se mettre à pleurer si elle n’avait pas eu la volonté de ne pas le faire, surtout face à Ruben ; sa tête s’inclina juste assez quand elle reprit comme si elle ne s’était pas interrompue, ses yeux se plissant pour mettre l’emphase sur ce qu’elle lui dit "T’admettras qu’il y a de meilleure façon de prévenir quelqu’un de quelque chose d’aussi critique qu’une addiction." Au moins, elle pouvait poser les mots sans les enrober dans du beau papier d’argent, sa médication la rendant ouverte à toutes notions sans que ça ne la heurte d’être aussi crue. Elle haussa les épaules, se laissant baller en arrière pour que son dos vienne cogner contre le dossier de la chaise sur laquelle elle s’était assise de guingois "Mais qu’est-ce que j’en sais, hm ? C’est pas moi le médecin."
Et ce qu’il ajouta soudain, il fit brusquement lever un index à Evie pour l’arrêter dans sa démarche de faire passer Rhett pour le responsable de leur conflit "Il ne m’a jamais mise en garde contre toi, n’inverse pas les rôles." C’était entièrement vrai au demeurant : Rhett n’avait jamais dit quoi que ce soit de péjoratif à propos de son frère, pas même quand Evie lui avait dit qu’il la détestait sans s’appesantir sur les raisons de ce soupçon qu’elle avait partagé avec lui sur le ton de la conversation ; il avait laissé couler sans enfoncer le couteau dans la plaie, sans même lui dire qu’elle avait raison de se méfier quand il était évident que son opinion du jeune homme était alambiquée, façonnée par la manière qu’il avait eu de la prendre à partie à l’instant même où elle s’était rapprochée de son aîné. Il lui reprocherait peut-être un manque d’objectivité criant, prenant sa défense sans même hésiter, plutôt du genre à soutenir ceux qu’elle aimait quoi qu’il lui en coûterait, mais encore une fois, il s’agissait là d’une vérité : Rhett ne parlait pas autant de Ruben que Ruben parlait de Rhett en sa présence. Baissant son doigt, et se replaçant convenablement dans l’axe de sa chaise, Evie entendit ce que Ruben ajouta et lui répondit sans attendre "Je veux juste savoir ce que ça implique, depuis quand ça dure, et ce qu'il faut envisager pour l’aider." A croire qu’elle n’attendait que ça puisque ses questions se succédèrent, et qu’elle ajouta, repoussant sa tasse de café pour terminer dans la foulée, son regard retrouvant celui de Ruben en même temps "Et pas de codes, je veux que ce soit clair. Adresse-toi à moi comme tu le ferais si j’étais pas la copine de ton frère, on gagnera du temps."

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(c) harley

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« Je t’ai demandé de me laisser tranquille parce que t’as passé les six derniers mois à essayer de me convaincre que ton frère est avec moi uniquement pour les caméras, Ruben. » - « Et même s’il l’a pas encore prouvé, je maintiens mon idée. Désolé de continuer de décevoir sur ce point là. » Il était persuadé, et le resterait encore quelques temps, que les caméras et la lumière que ces dernières pouvaient braquer sur la personne qu’était Rhett Hartfield était la chose qu’il crevait le plus de recevoir. Il n’avait pas donné raison à son frère pour le moment, mais ce n’était qu’une question de temps - et d’avance, il était sincèrement désolée pour celle qui se tenait face à lui aujourd’hui.

Cependant, elle n’avait pas encore avancé la raison de sa présence aujourd’hui qu’il savait qu’elle n’était pas provoquée pour discuter qui d’eux deux aurait raison sur pourquoi Evelyn préférait que Ben la laisse tranquille. Leur sujet préféré de conversation avait encore fait des siennes dernièrement, et il savait que c’était ce dernier qui serait au centre de la table aujourd’hui encore. Pas que cela le dérangeait - mais il espérait que c’était pour faire avancer les choses, cette fois-ci, qu’ils parleraient de Rhett. « C’est bien ça le problème, t’as essayé de me le dire en le faisant passer pour un arriviste. » A cette première phrase, le brun se contenta d’hausser légèrement les épaules. Bien sur qu’il l’avait fait passer pour un arriviste: il persistait et signait que c’était exactement un trait appartenant à son frère et qu’un jour ou l’autre, c’était sous ce jour là que ce dernier se montrerait. « T’admettras qu’il y a de meilleure façon de prévenir quelqu’un de quelque chose d’aussi critique qu’une addiction. Mais qu’est-ce que j’en sais, hm ? C’est pas moi le médecin. » Ce fut un regard noir et blasé qu’il laissa s’en aller dans sa direction, en cet instant. Elle se fichait ouvertement de lui, en plus de ça. « C’est plus compliqué que ça. » Si la voix de Ruben comportait un fond d’agacement, ce dernier n’était pas à l’encontre d’Evie. Il allait, comme presque systématiquement, à l’encontre de son ainé car à cause de lui et de ses habitudes de toxicomane, Ben se retrouvait le cul entre deux chaises. Exposer les travers de Garrett n’était pas supposé être sur sa liste de choses à faire, ni sur celle de ses priorités.

« Il ne m’a jamais mise en garde contre toi, n’inverse pas les rôles. » - « Ah oui ? Vraiment ? » 

Se tirer dans les pattes aujourd’hui ne leur apporterait rien de bon, malheureusement, cependant. Pas que Ruben n’aimait pas ment des conversations à des débats, mais ils avaient surement tous les deux mieux à faire de la suite de leur journée; si ce n’était pas le cas d’Evelyn et qu’elle s’ennuyait fermement dans son lit d’hôpital, lui ne pourrait pas passer tout le restant des heures suivantes à discuter avec elle. Il avait du temps à lui accorder, mais si elle avait des questions c’était le moment ou jamais de les formuler à haute voix. « Je veux juste savoir ce que ça implique, depuis quand ça dure, et ce qu'il faut envisager pour l’aider. » Son regard accrocha celui de Ruben au moment où se dernier croisait les bras sur son torse, ne lâchant pas ses iris de celles de sa belle-soeur. « Et pas de codes, je veux que ce soit clair. Adresse-toi à moi comme tu le ferais si j’étais pas la copine de ton frère, on gagnera du temps. » Pinçant ses lèvres, le regard sérieux, Ben resta quelques instants silencieux. Elle le verrait surement dans son regard: il pesait le pour et le contre. Le pour, c’était de mettre fin à une partie de la mascarade qui existait entre toutes les personnes concernées par cette histoire, Rhett en premier plan. Ce dernier n’était cependant pas à leurs côtés pour approuver cette action de la part de son petite frère, et ce dernier savait que cela se retournerait contre lui assez rapidement. Le contre, c’était toute la partie où le moins de personnes au courant de cette histoire, le mieux il restait allié à son frère et à la version publique des faits qui était mise en avant. Le moins de personnes au courant, le mieux c’était - pour tout le monde. Car Ruben avait également en mémoire la façon dont lui avait été traité après le dernier séjour de Rhett à l’hôpital, alors que ce dernier avait abusé des cachets. Il n’avait pas envie que d’autres saches qu’il était au courant que cela continuait dans le dos des autorités compétentes, même s’il n’avait rien à voir avec l’accès aux médicaments que son frère prenait en douce. Sinon, les regards porteraient rapidement de nouveau sur lui - non merci.

Plus d’une minute de silence s’était écoulée lorsqu’il laissa échapper finalement un soupire. « Il a fait une overdose peu de temps après la mort de Jackson. Notre frère ainé. » Il avait finalement opté pour l’option où il levait le voile sur la vérité, au moins sur une partie. ll espérait simplement qu’Evelyn s’apercevrait que non seulement cela prouvait qu’il n’allait pas contre elle, mais également qu’il lui faisait confiance parce-que Rhett lui faisait confiance aussi de son côté. Il ne savait cependant pas combien de l’histoire des Hartfield elle connaissait réellement, alors peut-être qu’un détail ou deux serait de trop à ses explications car déjà connus de la brune - mais tant pis. « Je suis pas censé en parler, c’est pour ça que j’ai pas pu te prévenir en bonne et due forme. » Il préféra tout de même le glisser là, comme si de rien n’était. « Il a failli y passer, ce jour là. Heureusement, même ça il a pas réussi à le faire correctement. » La rancoeur était toujours bien présente, côté petit frère. « Mais son addiction remonte à bien plus longtemps que ça puisque ça date de quand il s’est blessé et que sa carrière professionnelle a été écourtée. » Il ne l’avait pas su de suite, Ben, mais il avait soupçonné assez rapidement que quelque-chose ne tournait pas rond chez son aîné. Cela s’était malheureusement confirmé. « C’est en grande partie pour ça que je suis dur avec lui, parce-qu’il est pas capable de prendre soin de lui correctement, qu’il met sa vie en danger, et que derrière il existe des personnes qui ont déjà trop souffert à cause d’un de leurs fils. » Pas deux fois, pas tant qu’il veillerait au grain.

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@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

Evelyn se remettrait sans aucun mal de l’immense déception qu’elle ressentait à ce moment-ci (ironie) lorsqu’elle se rendit compte que Ruben, occupé à vouloir lui imposer son avis, camperait dessus sans ciller, mettant en lumière les velléités dont il soupçonnait son frère, le rendant sévèrement coupable de s’être rapidement entichée d’elle que par intérêt. Elle n’était pas ici pour lui faire revoir sa copie et lui faire entrer de force dans la tête qu’il l’appréciait vraiment, quoi qu’il avait à dire sur ce sujet. Même si leur histoire n’en finissait plus d’être manipulée de droite et de gauche, elle n’appartenait pourtant qu’à eux, et jamais Evie ne ressentirait le besoin de se justifier de quoi que ce soit à propos de tout ça.
Elle avait ses certitudes, elles lui étaient propres et intimes, et ceux qui jugeaient bon se sentir concernés par tout ça avaient les leurs. Grand bien leur faisait. D’expérience, elle savait que c’était compliqué de faire entendre raison à ceux qui pensaient avoir la science infuse à propos de la vie privée d’autrui, de fait elle avait cessé de vouloir se battre inutilement pour obtenir le droit de défendre des arguments et des choix. Ruben pouvait bien penser ce qu’il voulait dans le fond, ça ne la concernait pas.

L’attitude du jeune médecin changea à partir du moment où elle lui demanda explicitement de la renseigner sur les tenants et les aboutissants de la situation de son aîné. Elle ne savait pas dans quelle mesure il lui ferait des confidences, mais elle était assez claire sur le sujet : elle ne voulait pas être ménagée. Elle ne pouvait pas exiger quoi que ce soit de Ruben et du rapport qu’il entretenait avec son frère, elle espérait cependant que sous sa requête, il comprendrait qu’elle était venue le voir dans l’espoir d’être éclairée pour mieux pouvoir se figurer de la suite des événements. Parce qu’une chose était certaine pour Evie : elle était cloîtrée ici de force depuis quelques semaines déjà, il n’était pas moins immuable à ses yeux qu’une fois qu’elle sortirait de l’hôpital, elle se placerait aux côtés de Rhett sans vaciller. Pour bien le faire, il était essentiel à ses yeux de connaître une partie de l’histoire. On lui reprocherait probablement de venir la quémander à celui qui s’était toujours opposé à son frère, mais dans le sens où Rhett n’était pas très bavard, elle faisait avec les armes qu’elle avait à sa disposition. Dans le pire des cas, elle improviserait une défense si jamais leur petite conversation remontait aux oreilles du principal concerné, elle n’était vraiment plus à ça prêt.
Lorsque Ruben entama son récit, Evie se rendit compte qu’elle retenait sa respiration ; qu’elle relâcha petit souffle par petit souffle quand le mot overdose fût lâché par le jeune homme qu’elle regarda fixement avant de trouver l’exercice un peu difficile et de détourner les yeux en clignant doucement des paupières. Le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il savait particulièrement bien soigner les apparences, Rhett, et si elle s’était rendu compte d’une chose au cours des derniers mois, ce n’était sûrement pas de ce secret qu’il gardait jalousement. Ce n’était pas simple à entendre, mais c’était nécessaire. Elle accusa le coup, opinant du chef lorsque Ruben ajouta qu’il n’était pas censé en parler et que c’était pour ça qu’il avait tourné autour du pot durant ces longs mois ; mais elle le stoppa lorsqu’il se montra sarcastique, et que d'un regard sévère auquel s’ajouta une voix calme malgré les paroles qu’elle lui adressa, elle lui dit "Non, t’amuses pas à faire ce genre de commentaires en face de moi. C’est des détails que je veux entendre, pas tes sarcasmes." Si elle parvenait à les comprendre, elle n’était cependant pas encline à les accepter.
"Il m’a parlé de ça, de la blessure qui a mis fin à sa carrière. Vaguement, j’ai pas cherché à en savoir davantage non plus. C’est pas un sujet qui me met très à l’aise, je déteste parler rugby." Elle ne se cherchait pas d’excuses pour expliquer son laxisme en la matière, loin d’être la dernière à ne pas assumer sa lâcheté, mais c’était une vérité. Ils parlaient peu de ce pan de la vie de Rhett et ce uniquement parce qu’Evie avait toujours été réfractaire à l’idée de s’intéresser à ce sujet-ci en particulier. Ruben comprendrait pourquoi, elle ne lui ferait pas l’affront d’expliciter maintenant, ses mains retrouvant le tour de sa tasse de café intouchée qu’elle serra entre ses paumes pour en sentir la chaleur qui lui rappela qu’elle était bien vivante et que le vide qu’elle sentit soudain au niveau de sa poitrine était un bien mauvais indicateur sur l’instant. Les yeux toujours posés partout ailleurs sauf sur le visage de Ruben, elle finit par s’y confronter pour l’observer un instant se justifier sur la dureté qu’il avait toujours démontré à l'égard de son frère. Ce n’était pas son rôle de lui dire qu’il avait choisi la mauvaise méthode. Elle ne serait pas le genre de pseudo-belle-soeur qui se placerait toujours du côté de son cher et tendre par convenance, quand bien même son parti était toujours plus ou moins pris ; elle savait faire la part des choses, elle avait ce genre de capacités en elle, Evie. Elle savait aussi reconnaître la détresse quand elle la voyait, et celle qui résonna dans le timbre de la voix du jeune homme, elle était assez évidente pour que ça la touche et qu’elle veuille lui demander, sa tête se penchant sur le côté "Ça a été quoi tes solutions jusqu’à présent pour l’aider à gérer tout ça ? Je suppose qu’il refuse l’utilisation du mot addiction ? Vous avez la tête dure, vous, les Hartfield."

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C’était de notoriété commune que la relation entre les deux frères Hartfield ne s’était pas forcément au beau fixe; ils ne s’en étaient jamais réellement cachés, faisant simplement le minimum nécessaire pour que les choses fonctionnent à peu près correctement de tous les côtés et que leur proches ne soient pas trop impactés. Ethel aurait un avis divergeant sur l’affaire, bien sur, éternel tampon être son ainé et son cadet, mais elle n’était pas présente aujourd’hui pour donner son avis. Il restait pourtant vrai qu’entre Rhett et Ruben, les choses n’étaient pas des plus jolies mais surtout n’étaient en rien faciles. Pourtant, à travers les années et le lot d’épreuves que ces dernières avaient pu leur apporter, ils étaient restés loyales l’un envers l’autre. A leur façon, chacun avec leur manière, mais c’était surement l’une des choses que personne ne pourrait retirer à leur relation. Même s’ils étaient tous deux très mauvais pour demander de l’aide à l’un, si une faille se présentait, l’autre savait s’y engouffrer pour se montrer présent - qu’importe la façon dont cela se faisait: Rhett prêtait le canapé de son appartement plus ou moins au long court pour Ruben parce-qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui comme il le souhaitait, alors que Ben gardait jalousement le secret des consommations excessives de son ainé sur certains produits. Depuis le premier jour, il avait tenu sa langue et s’étai bien gardé de donner des détails croustillants à qui se trouvait être de droit autour de lui. Depuis qu’il avait compris à quel point cela pouvait être bien plus sérieux que tout ce que Rhett laissa entrapercevoir, il avait fermé l’oeil sur la réalité de la situation. Officiellement, il agissait de la sorte pour se voiler la face et pour faire en sorte d’être le moins complice possible dans cette affaire; si les autorités médicales apprenaient un travers de ce type, ils pourraient lui reprendre son diplôme, le mettre à la porte de l’hôpital et le couvrir d’une certaine honte auprès de tous ses confrères jusqu’à la fin de ses jours. Officiellement, il prétendrait de toutes façons ne pas être au courant, parce-qu’il savait que les répercutions pouvaient être bien plus nombreuses et importantes qu’aucun d’eux ne pourrait imaginer.

Si seulement il le faisait vraiment que pour lui, cependant, cela ferait longtemps qu’il aurait poussé son frère sous le train pour ne pas avoir à garder ce secret. Ruben préférait le déni plutôt que d’admettre qu’il le faisait également en grande partie pour son frère, pour ne pas l’enfoncer davantage là où il avait déjà du mal à garder pieds. Sauf que cette fois-ci, il était parfaitement au courant qu’il ne pourrait s’en sortir seul, et qu’il allait avoir besoin d’un coup de main des autres proches de Garrett pour l’aider à le sortir de cette mauvaise passe dans laquelle il s’était de nouveau glissé. Ca lui mettait une de ses épines dans le pied, mais l’évidence était que si son grand frère faisait confiance à Evelyn pour bien d’autres choses, Ruben pouvait lui faire confiance pour entendre la version de l’histoire qu’il pouvait se permettre de lui donner. A voir la façon dont elle présentait aujourd’hui, la façon dont elle respirait lorsque Hartfield se mit à parler et les expressions de visage qui se formaient sur les traits de ce dernier au fil de ses paroles, elle n’était au courant que de trop peu de choses, malheureusement. Rhett lui faisait confiance, mais s’était bien gardé de lui montrer la part la plus sombre de lui-même. « Non, t’amuses pas à faire ce genre de commentaires en face de moi. C’est des détails que je veux entendre, pas tes sarcasmes. » Pinçant ses lèvres, le regard que lui lançait la brune fut imiter assez rapidement par Ben, qui se retenait avec toute la force dont il était capable pour ne pas faire le moindre commentaire. Après tout, c’était elle qui désirait entendre l’histoire de son propre petit-ami, Ruben la connaissait déjà; si elle n’était pas contente de la façon dont il la racontait, elle savait où se trouvait la porte. Ca, cependant, c’étaient là les commentaires qu’ils se retenaient de ne pas faire. Il se contenta alors de venir ajouter ici quelques précisions sur son récit « Sache juste qu’il s’est loupé, mais que ça fait aussi en grande partie suite à la mort de notre frère. Il était pas très stable avant, mais ça a marqué un tournant dans sa vie. » Parce-que la charge émotionnelle liée à cette événement avait du être trop importante, pour le jeune homme qu’il prétendait encore à l’époque - là où pourtant, des deux, c’était Ben qui avait vu Jackson rendre son dernier souffle; c’était lui qui était à ses côtés lorsque le point de non-retour avait été franchi. Ruben se portait bien, il n’avait pas eu besoin de mettre sa vie en danger et de menacer de pourrir celle de tous ses proches pour se remettre aussi bien que possible de cet événement - foutaises, comme s’il s’en était un seul jour remis.

« Il m’a parlé de ça, de la blessure qui a mis fin à sa carrière. Vaguement, j’ai pas cherché à en savoir davantage non plus. C’est pas un sujet qui me met très à l’aise, je déteste parler rugby. » Sur ce point là, il ne releva pas; il était insupportable, mais il n’était pas idiot - loin de là -, et connaissait parfaitement la raison qui poussait Evelyn à ne pas désirer parler rugby. Même avec Rhett. Dans n’importe quel autre contexte, il se serait permis de relever et d’ajouter ici et là son petit commentaire. Aujourd’hui, la discussion était différente. Aujourd’hui, s’ils mettaient leur différents de côté sur bien des sujets, c’était pour placer Rhett au centre de leur attention et réussir surement, in fine, à faire quelque-chose de correct à travers tout ça. « Ça a été quoi tes solutions jusqu’à présent pour l’aider à gérer tout ça ? Je suppose qu’il refuse l’utilisation du mot addiction ? Vous avez la tête dure, vous, les Hartfield. » Aux mots de la jeune femme, il esquissa un semblant de sourire en coin. Ils avaient effectivement la tête dure, eux, les Hartfield. Qu’importe l’ordre d’arrivée dans la famille, c’était là un trait de caractère qui se passait facilement sur la génération qu’ils formaient, apparemment. « Pour la première fois, quand je suis allé le voir aux urgences l’autre jour quand vous avez été admis, il m’a pas reproché de l’avoir traité d’addict. Je suppose que c’est un progrès dans le langage de Garrett ? » Avec une petite moue toujours accrochée à l’expression de son visage, Ruben laissa ses yeux dans ceux de la brune un instant de plus, haussant lassent les épaules. « Quand à mes solutions… » Pour cette partie là en revanche, il détourna le regard. Il savait qu’il avait été présent, à sa façon, et que cette dernière n’avait en réalité jamais porté ses fruits. Simplement, il n’avait jamais su faire autrement jusque maintenant, alors pouvait-on réellement lui en vouloir ? Il était là, il veillait au grain, c’était déjà ça non ? « Pour l’instant ça a été de lui remonter les bretelles dès qu’il s’approchait trop du bord du gouffre. » Il soupira. « Mais bon, on voit comment ça a bien fonctionné. » Au moins, il avait été présent; c’était ce qu’il tentait de se répéter en silence dans sa tête, car il savait que ce discours était là pour se rassurer lui et lui seul et que personne d’autre ne pourrait y croire. « Je compte l’envoyer en cure cette fois, en revanche. » Ce n’était pas une question - Evelyn s’en apercevrait bien assez rapidement, alors il ne soulignerait pas cette partie là de la situation. « Clairement, aucun de nous n’est à la hauteur pour faire quelque-chose qui puisse l’aider, autant faire appel à des professionnels. » Il réajusta sa phrase rapidement. « Des vrais professionnels de l’addiction. » Il était lui-même professionnel, mais il ne se trouvait pas dans le bon domaine pour être réellement d’une certaine utilité. Ruben releva son regard dans celui de Pearson. « Il est pas au courant, tu penses bien. » Il retint de justesse l’idée d’ajouter qu’il savait d’avance qu’elle n’allait pas approuver sa méthode mais n’en avait que peu de choses à faire, en réalité. Cette fois-ci, il ferait ce qui devait être fait pour que Rhett se remette sur pieds.

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@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

La seule fois où Rhett avait parlé de Jackson avec Evelyn, elle avait su que ce ne serait plus un sujet qu’ils aborderaient. Comme pour elle avec le rugby, ça réveillait trop de choses, et dans une certaine mesure, alors qu’elle-même avait vécu avec la perte d’un proche sur le coeur durant de très nombreuses années, ayant encore aujourd’hui le sentiment de n’avoir jamais réussi à faire son deuil comme il le fallait, elle avait pu se figurer les raisons qui le poussaient à se montrer réfractaire à l’idée de s’étendre à ce propos. En définitive, ce n’était pas une surprise que Ruben explicite celle que ça avait été un élément supplémentaire à sa déroute, et si elle ne répondit rien, c’était simplement parce qu’elle assimilait les choses un petit peu par un petit peu en se montrant assez ouverte pour ne pas prendre peur et brusquement décider que ce n’était pas fait pour elle, qu’elle avait déjà assez de problèmes pour s’en rajouter d’autres en prenant la guérison de quelqu’un qu’elle aimait indubitablement autant à coeur. Lâche, c’était une certitude, elle n’était pas moins loyale pour autant.
Peut-être que la culpabilité jouait un petit rôle aussi parce qu’elle n’était pas sans savoir que, si elle ne s’était pas obstinée à garder le secret de son agression intact, si elle avait fait en sorte d’empêcher l’homme qui s’en était pris à elle de recommencer, rien de tout ça ne se serait jamais passé. C’était une vérité, restait que ça n’aurait fait que mettre un mouchoir sur l’addiction de Rhett qui aurait continué à être ce qu’elle était, avec ou sans toute cette histoire. Si elle exposait les choses de cette manière à Ruben, elle était à peu près sûre de pouvoir anticiper sa réponse ; il lui dirait qu’elle n’avait pas à s’en vouloir — du moins, avec le petit ton pédant qui le caractérisait bien, et ce sans aucune intention de la rassurer, c’était évident —, et que sans cet événement en particulier, le monde serait encore resté longtemps dans l’ignorance et que ça n’aurait pas été rendre service à son frère que d’espérer que ça ne se sache jamais. Sur ce point-là, même si elle ne l’exprima pas, retirée dans l’intimité de ses pensées pour mieux accuser le coup de tout ce qu’elle apprenait, elle ne serait pas en désaccord avec lui. Sans être capable de se rendre véritablement compte d’à quel point Rhett était enfoncé dans ses travers, bien que le mot overdose était assez inquiétant pour lui faire entendre qu’il s’agissait plus d’un démon que d’un travers, elle sentait que tout devenait trop dangereux pour lui pour ne pas agir et lui faire entendre qu’il en allait de sa vie.

Elle prit une légère inspiration, positionnant ses mains sur ses genoux lorsqu’elle se rendit compte qu’en demandant à Ruben quelles avaient été ses solutions jusqu’alors, elle faisait peser une lourde responsabilité sur ses épaules. Elle ne doutait pas qu’ils les avaient assez solides, il suffisait de le regarder, mais tout de même : ce n’était pas juste. Alors qu’il lui répondait, elle laissa échapper en secouant la tête et en fermant si fort les yeux qu’elle vit des étoiles "Je suis désolée." Ça sortait tout rond, avec une sincérité palpable dans le son de sa voix. Ses yeux se rouvrirent et elle le regarda "Je te donne sans doute l’impression de faire peser des solutions sur tes épaules, mais c’est pas ce que je voulais faire. Je m’en remets à toi parce que t’es médecin, pas parce que je pense que c’est toi qui dois gérer tout ça." Il était son frère avant tout. Le temps d’un très court instant, elle l’avait oublié, et ça la mit dans une position où, sincèrement, elle se sentit désolée d’avoir choisi de venir le trouver pour lui parler. Forcément, il ne serait pas neutre, elle ne pouvait pas attendre ça de lui — elle, elle l’était rarement lorsque ses soeurs étaient impliquées, et elles avaient avec Evie le même genre de rapports que Ruben avait avec Rhett, alors dans la présente, elle avait sans doute laissé ses émotions parler avant toute chose. Elle voulait qu’il sache qu’elle en était navrée.
Elle baissa la tête un court moment, l’écoutant attentivement, avant de retrouver la force d’affronter son regard pour lui dire "J’ai une théorie sur son mode de fonctionnement par défaut ; plus on lui dit de ne pas faire quelque chose et plus il le fera." Ce qui au fond rendait caduc la méthode choisie par Ruben jusque-là. Elle inclina la tête, continua doucement "J’ignore si j’ai raison, mais j’ai eu le temps de l’observer, et je crois que je ne me trompe pas tout à fait." conclut-elle pendant qu’il finissait de lui exposer la ligne de conduite de sa solution principale jusqu’alors. Si elle lui adressa un sourire, il fut assez bref pour que la minute d’après, ses traits revêtent le sérieux de circonstance et qu’elle se tende à l’entente du reste "Tu lui en as parlé ?" De son projet de l’envoyer en cure ? Parce qu’il était le principal concerné, et qu’ayant elle-même été gardée de force dans cet hôpital, elle n’aimait pas l’idée de le piéger. Quand bien même ça semblait être le seul moyen fiable pour le faire adhérer à ce projet, de ça elle en avait assez conscience pour ajouter "Je suppose que c’est le dernier recours à envisager ?" Elle n’avait pas besoin qu’il lui réponde au fond. Et sans doute serait-il surpris de ce qu’elle ajouta, pragmatique "T’as pas besoin de me convaincre que c’est une bonne idée, et je sais que dans une certaine mesure, j’ai pas mon mot à dire de toute façon, mais laisse-lui au moins le temps de se faire à l’idée que c’est pour son bien." Il ne l’accepterait jamais, elle en était autant convaincue que ça serait admettre sa condition, ce qui lui était impossible.  Soudain, la réponse à sa question à propos de si oui ou non, il était au courant, elle l’obtint enfin ; elle sentit un certain agacement se soumettre à elle, peut-être parce qu’elle savait dans le fond que, même si ce n’était pas juste, tout autre moyen échouerait sans doute possible parce qu’effectivement, Garrett Hartfield était un homme  fier et têtu "C’est quoi ton plan exactement ? Tu vas le faire enlever de force et le faire emmener là où tu veux le faire soigner sans lui laisser voix au chapitre ?"

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« Je suis désolée. » Un instant, il fronça légèrement les sourcils aux mots de la jeune femme. « Désolée de ? » C’était lui qui exposait ses méthodes non-fonctionnelles de venir en aide à une personne de qui ils étaient tous deux proches, et ce sans remettre en question pour une fois le comportement d’Evelyn. Pourquoi ressentait-elle le besoin de s’excuser, en cet instant ? « Je te donne sans doute l’impression de faire peser des solutions sur tes épaules, mais c’est pas ce que je voulais faire. Je m’en remets à toi parce que t’es médecin, pas parce que je pense que c’est toi qui dois gérer tout ça. » Ce fut avec un léger soupire qu’il accueillit les mots de la brune, balayant assez rapidement ces derniers d’un revers de la main. « T’en fais pas. » Parce-que de toutes façons, il avait l’habitude que les personnes autour de lui adoptent ce comportement. Il avait l’habitude que ses proches tournent leur regard vers lui pour savoir que faire, savoir quoi dire, pour trouver le comportement idéal face à ce type de situation. C’était déjà ce que faisait ses parents et Ethel de temps à autres, alors cela ne l’aurait même pas étonné que ce soit une des façons de réagir d’Evelyn. Il ne lui en aurait même pas voulu, si sa réelle intention était celle qu’elle réfutait; pour une fois, il aurait accepté l’idée sans broncher. De toutes façons, il se sentait responsable de ce qui pouvait arriver à son ainé sans que personne n’ait besoin de lui souffler l’idée, donc elle n’avait pas tout à fait tort - il ne formulerait simplement pas de telles idées à haute voix, il ne fallait pas non plus exagérer. « Je vais forcément avoir ma part de responsabilités à assumer de toutes façons à un moment donné, alors. » Alors autant qu’ils soient tous deux d’accord dès maintenant qu’elle pouvait lui faire peser une telle responsabilité sur les épaules, ce n’était pas la mer à boire et Ruben s’en sortirait quand même. Il était bien plus solide qu’il n’en avait l’air, même si peu de personne étaient étrangères à l’idée que les responsabilités ne lui faisaient pas peur, au jeune Hartfield.

De toutes façons, des décisions, Ben en avait déjà prises et comptait les appliquer dès qu’il serait possible de le faire. Il savait qu’il ne porterait pas le beau rôle à agir de la sorte, mais c’était le cadet de ses soucis; il était évident que son frère avait besoin d’aide et s’il devait être le vilain de son histoire pour le sortir de cette impasse, il n’hésiterait pas un instant. Beaucoup - Rhett surtout - pourraient penser que le cadet de la fratrie ne pensait qu’à lui, qu’à sa carrière, en omettant le bien de ses proches; il y avait bien sur une part de vérité, mais il était tout de même indéniable qu’il se montrait présente et actif dans la vie de ces derniers, assez pour les aider et pour avoir un impact nécessaire sur leur quotidien. « J’ai une théorie sur son mode de fonctionnement par défaut ; plus on lui dit de ne pas faire quelque chose et plus il le fera. » Un fin sourire, un brin amusé, s’étira sur les lèvres de Hartfield. « Une vraie tête de mule. » - « J’ignore si j’ai raison, mais j’ai eu le temps de l’observer, et je crois que je ne me trompe pas tout à fait. » Ruben releva finalement son regard vers Evie. « Même si ça me fait mal de le dire, je pense que t’as raison oui. » Il plissa vaguement le bout de son nez, esquissa un semblant de moue sur son visage, pour finalement passer au sujet suivant - il n’était pas fanatique de l’idée où elle avait les cartes en mains malgré tout. « Tu lui en as parlé ? » De la cure de désintoxication. Sans retenir la moindre réaction, il grimaça quelque peu à la question de la brune. Ce n’était pas un piège, mais disons que son plan n’en était qu’un stade d’élaboration et qu’il n’était pas encore parfait, alors c’était pointer du doigt les défauts de ce dernier sans qu’il n’ait eu ni le temps ni le recul nécessaire pour anticiper ce moment. « Pas encore. » Qu’il se contenta de dire pour donner le change pour le moment. Rhett serait mis au courant, bien sur, cela allait de soi; il fallait juste trouver la méthode, le moment, les formes, et la cure en question aussi à un moment donné.

« Je suppose que c’est le dernier recours à envisager ? » Soupirant légèrement, il finit sa propre tasse de café d‘une gorgée, se levant pour aller la remplir de nouveau - la journée était déjà longue avant que la brune ne fasse interruption dans cette dernière, mais c’était l’annonce qu’elle le serait encore davantage par la suite qu’ils aient cette discussion. « Disons qu’il a déjà brulé tous les autres jokers, alors… » Ils lui avaient laissé l’espace et le temps, ils étaient allés à la confrontation, ils avaient même joué des larmes et du chantage affectif. Aucune de ces méthodes n’avait porté ses fruits, et les options ne s’entassaient pas dans un coin de la pièce; ce n’était peut-être pas le dernier recours, mais c’était celui qu’il était grand temps d’envisager. « T’as pas besoin de me convaincre que c’est une bonne idée, et je sais que dans une certaine mesure, j’ai pas mon mot à dire de toute façon, mais laisse-lui au moins le temps de se faire à l’idée que c’est pour son bien. » Il se laissa tomber de nouveau dans la chaise de l’autre coté de la table, soupirant sans même s’en cacher. « C’est quoi ton plan exactement ? Tu vas le faire enlever de force et le faire emmener là où tu veux le faire soigner sans lui laisser voix au chapitre ? » Secouant quelque peu son visage, il laissa son regard se déporter à travers la vitre de la salle e pause. « J’y ai pensé, tu sais. » De toutes façons, ils étaient là avoir une discussion ouverte et honnête, il pouvait se permettre de l’avouer; et puis elle ne serait pas réellement étonnée, surement. « Mais comme tu dis, plus on lui impose quelque-chose et plus il prend un malin plaisir à faire l’exact opposé. » Finalement, il laissa glisser son regard pour retrouver celui d’Evelyn; il attendit une seconde supplémentaire pour exprimer la suite de son plan, puisque ce n’était pas la partie dont il était le plus fier. « C’est pas moi qui vais le prévenir de la cure. » Et promis, ce n’était pas pour botter en touche ou parce-qu’il était lâche - ils savaient tous les deux parfaitement qu’il l’aurait fait sans hésiter un seul instant, si cela avait été nécessaire. « C’est Hassan qui va s’en charger. Parce-que si c’est moi, il pensera que c’est encore un coup pour me débarrasser de lui et parce-que je me crois meilleur médecin que tout le monde. » Ce n’était pas faux, soit-dit en passant, mais ce n’était pas le point qui était ni à prouver ni à débattre en cet instant. « Je sais d’avance que si c’est lui qui lui en parle et pas moi, il prendra en compte son avis. » Il pinça les lèvres. « Ca me fait mal de l’admettre crois moi, mais je pense que c’est la meilleure chance qu’on puisse lui donner. »

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@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

Pour l’heure, la part de responsabilité que Ruben disait devoir prendre à un moment donné, Evie ne voulait pas qu’elle lui soit incombée. Si elle réagit par un léger sourire au qualificatif de tête de mule qu’il finit par apposer sur le caractère de son aîné, elle retrouva vite son sérieux pour se rendre compte que les grands projets que Ruben avait pour Rhett étaient pour l’instant sous couvert d’un secret qu’elle garderait de son côté, et pas uniquement parce qu’elle avait un accès limité au téléphone. Elle avait peut-être tort d’estimer que ce n’était pas son rôle d’agir en conséquences pour convaincre Ruben de ne pas partir dans ce genre d’extrêmes, mais la vérité, c’était qu’elle ne se rendait pas compte que la situation était si grave jusqu’à ce qu’il lui parle d’overdose, et qu’elle réalise avec un gros temps de retard qu’elle avait été idiote en plus d’être ignorante.

Elle comprenait le besoin de Rhett de garder ses secrets pour lui, mais l’impression de ne pas vraiment le connaître la frappa soudain et lui fit se demander quel genre de choses elle apprendrait la prochaine fois. Elle était tolérante et patiente Evie, et elle se rendait compte qu’elle l’était certainement un peu trop, à ne pas vouloir brusquer qui que ce soit parce qu’elle connaissait assez bien le sentiment d’être acculée pour parler de soi. Elle s’en voulait de ne pas avoir été plus inquisitrice, d’avoir craint de dépasser des limites, et soudain, elle prit une profonde inspiration, se laissant incliner en arrière pour que son dos vienne buter contre le dossier de sa chaise. Ses yeux trouvèrent ceux de Ruben qu’elle écouta parler et lui dire qu’il avait pensé à le forcer à se rendre à la cure qu’il avait programmé pour lui. Elle ne pensa même pas à faire de l’humour ni à lui demander s’il avait laissé l’idée de côté parce que son frère, si diminué par sa vieille blessure, avait l’avantage d’avoir une force de rugbyman et que ça se terminerait en combat de coqs dont il ne serait pas sûr de sortir vainqueur, focalisée sur les paroles qu’il enjoignit au reste et sur lesquelles cette fois elle rebondit, les sourcils froncés "Pourquoi ? T’as peur de sa réaction ?" C’était une question idiote, mais elle se valait, et s’il y répondit quelques secondes après, l’informant au passage qu’il laissait la tache à Hassan parce qu’il craignait que Rhett l’accuse de vouloir se débarrasser de lui et de lui prouver qu'il était un meilleur médecin que tout le monde, ça ne soulagea en rien ce qu’elle ressentait sur le moment. Si elle avait toujours eu un sentiment mitigé à propos d’Hassan, ayant très vite senti qu’elle ne serait jamais dans ses bonnes grâces dès lors qu’elle avait rencontré Owen quand elle n’était encore qu'une adolescente, elle savait pourtant que le lien qui l’unissait à Rhett était assez fort pour qu’il le considère comme un frère. Alors, si elle ne dit rien sur l’instant, c’était parce qu’elle cherchait le meilleur moyen de trouver une jolie façon de faire entendre à Ruben que son idée était terrible, que mettre cette responsabilité sur les épaules de Hassan, même si c’était louable dans le fond, c’était en vérité creuser sa tombe parce que Rhett ne le lui pardonnerait jamais quand bien même il entendrait ses justifications : il ne les accepterait jamais de toute façon.
"Il prendra peut-être son avis en compte, mais il ne lui pardonnera jamais de le forcer à l’envisager. Si vous êtes prêts à vivre avec l’idée de lui briser le coeur, c’est ce qu’il faut faire en effet." Elle haussa les épaules, restant dans la position qu’elle avait prise tout à l’heure ; le dos  appuyé tout contre le dossier de sa chaise, la tête penchée sur le côté pour capter le regard de Ruben qu’elle observa un instant de trop sans aucun doute. Un moment après, la pause qu’elle prit pour rassembler ses idées s’était étiré sur quelques secondes de plus, elle reprit dans un nouveau profond soupir "Autrement, t’as conscience que t’es peut-être en train de briser une amitié qui dure depuis des années simplement parce que tu crains que ton frère t’accuses de vouloir te débarrasser de lui ?" En matière de lâcheté, elle y connaissait un rayon, alors elle savait la reconnaître quand elle pointait le bout de son nez. Et tant pis si Ruben se sentait attaqué par sa question, elle n’avait pas envie de tourner autour du pot comme il n’avait jamais tourné autour du pot pour lui faire entendre que son frère se servait d’elle pour revenir sur le devant de la scène. De nouveau, elle marqua un temps, ses lèvres se pinça pour rassembler sa force, et puis elle se ranima pour revenir appuyer ses coudes sur le rebord de la table. Ses mains trouvant son visage qu’elles soutinrent un moment, elle releva les yeux vers le docteur pour lui demander doucement "Qu’est-ce qu'il en dit Hassan, il est prêt à prendre le risque de le perdre ?"

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« Pourquoi ? T’as peur de sa réaction ? » Bien sur qu’il avait peur de sa réaction, il ne débattrait même pas sur le sujet. Il avait peur de sa réaction car ce n’était pas la première fois que Ben lui parlait d’aller en cure, de se soigner, de se rendre compte du mal qu’il se faisait seul à laisser une substance de la sorte contrôler ses décisions et son quotidien. Toutes les autres tentatives avaient échoué, et avaient dans leur sillage à chaque fois fait en sorte que l’entente entre les deux Hartfield aille de mal en pis. Alors bien sur qu’il avait peur de sa réaction car il la connaissait par coeur d’avance - mais ce n’était pas réellement pour cette raison là qu’il laissait le bon soin à Hassan d’annoncer la nouvelle à Rhett. S’ils en étaient venus à une telle conclusion, c’était simplement parce-que le rugbyman n’écouterait jamais si c’était son petit frère qui lui annonçait la nouvelle. Avec son meilleur ami derrière l’affaire, ils mettaient toutes les chances de leur côté pour qu’il daigne comprendre que les choses étaient assez graves pour qu’il se rende également à l’évidence que Rhett avait besoin d’aide. C’était ça, ou demander à Jackson de lui dire - mais Ruben ne pratiquait pas encore la sorcellerie pour ramener les mots à la vie, alors il misait sur Hassan sans hésiter un seul instant.

« Il prendra peut-être son avis en compte, mais il ne lui pardonnera jamais de le forcer à l’envisager. Si vous êtes prêts à vivre avec l’idée de lui briser le coeur, c’est ce qu’il faut faire en effet. » Il pensait ses lèvres aux mots d’Evelyn, mais ce ne fut pas pour autant qu’i une soutint pas les noisettes de la brune lorsqu’elle les logea dans son regard. Elle ne se rendait pas compte de ce que à quoi Ruben était prêt à faire, dans cette situation. « Autrement, t’as conscience que t’es peut-être en train de briser une amitié qui dure depuis des années simplement parce que tu crains que ton frère t’accuses de vouloir te débarrasser de lui ? » Soupirant longuement, lourdement, Ben resta un moment qui sembla s’éterniser les lèvres pincées avant de prendre la parole. Pas qu’il devait trouver une réponse à lui donner, simplement qu’elle n’était pas celle contre qui il se devait de rediriger toute la frustration qu’il pouvait ressentir à l’idée de ne pas réussir à garder complètement la situation sous contrôle. « Evelyn… » Il soupira encore une fois. « En étant tout à fait honnête avec toi, j’en ai rien à faire que ça puisse briser leur amitié. Parce-que si on fait pas quelque-chose, il risque de ne plus avoir aucune amitié à célébrer parce-que Rhett risque de plus être de ce monde. » Ses paroles étaient crues, et surement un brin cruelles aussi. Il le savait, mais il voulait que la brune comprenne sur quelle pente ils étaient tous en train de glisser, Garrett menant la danse. « Je prends pas ces décisions parce-que j’ai pas envie que Rhett m’accuse de je sais pas quoi encore. Je le fais parce-que pour sa propre survie, il est important qu’il comprenne qu’il a plus le choix, désormais. » Il pinça les lèvres un instant, soutenant toujours autant que possible le regard d’Evie. « Je vais te dire la même chose que j’ai dit à Hassan: j’enterrerai pas le seul frère qu’il me reste. Qu’importe ce que je dois faire pour tenir cette promesse. » Bien sur qu’il y avait toute une partie de la réalité existante où Ben en profitait pour souligner à Rhett, d’une façon ou d’une autre, que c’était lui qui avait encore eu raison; mais la première préoccupation du benjamin de la fratrie Hartfield était réellement de maintenir en vie son ainé, aussi dramatique que cela pouvait sonner dit de la sorte.

Qu’importe ce que la brune aurait à en dire aussi, d’ailleurs, il agirait selon ce qui lui semblait être le plus juste. La seule personne qui avait eu voix à l’histoire jusque maintenant, c’était Hassan, parce-qu’il était surement la clef pour débloquer la situation - aussi difficile cela pouvait être pour Ruben de l’admettre. « Qu’est-ce qu'il en dit Hassan, il est prêt à prendre le risque de le perdre ? » Esquissant une petite moue sans aucune véritable intention d’adoucir la situation, il haussa les épaules dans la foulée avant de formuler sa réponse. » Il va prendre le risque. » Même si ce n’était pas par gaité de coeur, et même s’il connaissait les risques qu’une telle action pouvait avoir sur son amitié avec Rhett. Mais s’ils étaient vraiment amis, de toutes façons, il n’aurait pas besoin de réfléchir pour le faire, s’il tenait à lui, même, il aurait du mettre son nez dans ces affaires là depuis longtemps - mais il ne fit pas de commentaire sur cette partie là, Hassan et lui étaient parfaitement l’un et l’autre au courant que les méthodes qu’ils avaient utilisé avaient été aussi peu efficaces l’une que l’autre et que ce n’était même plus la question à se poser à ce stade de l’aventure. Ce ne fut qu’au moment d’exprimer les paroles qui se firent entendre ensuite qu’il détourna son regard de celui de la brune, reportant ce dernier sur ses mains plutôt que là où il pourrait potentiellement voir la déception aux paroles qu’il s’apprêtait à dire. « Quand Rhett sera sobre de nouveau, qu’il aurait retrouvé ses capacités de jugement, il sera apte à voir qu’on a agi pour son bien. » C’était à cette vérité là, en laquelle il n’avait pourtant aucune preuve de l’existence, que Ben se raccrochait. Le jeu en valait la chandelle parce-qu’à partir du moment où son ainé reprendrait entièrement le contrôle de ses facultés et dont celles de raisonnement de paire avec, il serait à même de comprendre qu’ils avaient agi là de la meilleure des façons pour lui; il l’espérait avec toutes ses forces, en tous cas.

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@Ruben Hartfield (crédit gif/ssoveia)

Évidemment que ce n’était pas agréable à entendre, tout ce que Ruben lui dit pour défendre sa volonté farouche de prendre les choses en mains. Ça avait beau être un raisonnement égoïste d’un côté, lui qui ne cilla pas lorsqu’il lui répondit qu’il se fichait de mettre à mal l’amitié de son frère avec Hassan, mais de l’autre, elle lui reconnaissait un acharnement touchant sur laquelle elle préférait camper plutôt que sur le reste. Ça ne lui faisait pas apprécier Ruben de l’entendre prendre autant à coeur la survie de son frère, ça ne faisait au fond que complexifier un peu plus l’image qu’elle se faisait de la relation qu’ils entretenaient en tant que fratrie, mais ça lui faisait nourrir l’espoir qu’ils ne se haïssaient pas finalement, et c’était une conclusion qui la rassurait assez pour qu’elle décide en effet de se concentrer sur ce qui lui paraissait positif à ce moment-là — personne ne lui reprocherait de vouloir pencher vers l’optimisme, quand tout autour paraissait tellement alarmiste "C’est sa dernière carte, alors j’espère qu’Hassan trouvera les bon mots." C’était tout ce qu’elle pouvait dire, elle n’avait pas une marge de manoeuvre suffisamment large pour apposer un réel avis à tout ça, et elle le savait.
Ruben ne l’aimait pas, et c’était on ne peut plus réciproque à ce moment-là ; mais pour la survie de Rhett, ils pouvaient au moins essayer de se comprendre pour que ça fonctionne. Evie ne serait pas la dernière à faire des efforts, elle se savait encline à sortir de ses préjugés pour laisser le bénéfice du doute à ceux qui ne lui rendaient pas la pareille, aussi c’était au tour de Ruben de la considérer comme étant une alliée plutôt que l’inverse. En ce sens, elle lui dit, et ce après un froncement de sourcils brusque, mais rapide "Je sais que tu m’apprécies pas beaucoup, et je ferai rien pour te faire changer d’avis sur la question. Mais je tiens à ton frère autant que tu sembles tenir à lui, alors ne me laisse pas à l’écart pour la suite, ce sera ma seule requête." Et ce n’était franchement pas la mer à boire, songea-t-elle sans pour autant avoir une idée précise en tête, cherchant simplement à lui faire entendre qu’au besoin, elle pourrait être là et que les risques, elle était autant prête à les prendre qu’Hassan et lui "Merci, Ruben. De me dire la vérité, et de pas chercher à rendre les choses plus jolies pour me préserver." Elle vivrait avec l’idée que la tête de Rhett était sur le billot, mais au moins elle savait à quoi s’attendre maintenant, et elle le devait à Ruben qui n’avait pas tourné sept fois sa langue dans sa bouche pour le lui dire. Compte tenu des circonstances, c’était agréable, même si la portée de sa mise en garde ne l’était absolument pas.

Hochant la tête lorsqu’elle l’entendit lui dire qu’Hassan était prêt à prendre le risque, Evie n’eut rien à dire après ça. Elle resta juste un long instant silencieuse, se calant sur la pudeur qu’elle sentit émaner de Ruben assit de l’autre côté de la table dont le regard se déporta sur ses mains ; le sien fit de même, mais sur les siennes qu’elle avait baissé pour les joindre autour de la tasse de café, désormais froid, qu’elle n’avait pas touchée. A l’instant où il reprit la parole, elle retrouva son regard pour, dans un sourire sans joie, lui répondre "C’est pas son addiction qui le rend têtu, et tu le sais." Peu importait dans le fond que ses proches oeuvraient pour sa survie, si Rhett avait décidé de mal le prendre, il le prendrait mal. Evelyn avait sur l’instant le sentiment de ne pas aussi bien connaître Rhett qu’elle le pensait, restait qu’elle avait tout de même observé sa façon d’envisager les choses pour être capable de dire ce genre de vérité sans ciller, elle non plus. Elle prit une profonde inspiration, finissant par repousser sa tasse pour amorcer une levée de sa chaise, rendue difficile par le tiraillement de l’entaille profonde qu’elle avait au mollet, et par le nuage médicamenteux dans lequel elle évoluait depuis quelques jours maintenant "Mais ça aussi, je l’espère, qu’il réussira à accepter pourquoi vous insistez autant pour qu’il se soigne." Une main posée à plat contre la surface de la table pour se maintenir un peu plus droite, et sa tête se tourna vers Ruben qu’elle regarda une poignée de secondes avant de lui demander, sans doute trop doucement "Ça va aller ?" La question passerait probablement pour une généralité, un besoin pour elle d’être rassurée sur la suite des événements quand elle l’interrogeait sur son état d’esprit en vérité ; c’est pourquoi elle se corrigea, reprenant après une très courte pause "Toi, je veux dire. Est-ce que ça va aller ?" Il jugerait sa question idiote, il se retrancherait sûrement derrière sa fierté, aussi elle était prête à supporter qu’il la rabroue plutôt que de tourner les talons sans avoir la certitude qu'il tenait le choc de son côté parce que tout ça n’était pas sans conséquence sur l’entourage de Rhett, et que la folie médiatique ayant tout brassée sur son passage, personne ne s’inquiétait vraiment de gérer les retombées de révélations comme celles-ci sur ses proches, ou de projets comme ceux que Ruben avait pour que son frère soit enfin pris en charge.

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@evelyn pearson

(c) harley

***
« C’est sa dernière carte, alors j’espère qu’Hassan trouvera les bon mots. » Aux quelques mots d’Evelyn, Ruben dut retenir un petit soupire. « Il saura les trouver, t’en fais pas. » Peut-être que ses mots à lui étaient faits pour la rassurer elle, mais ils étaient également là pour se prouver seul que c’était effectivement le cas. Hassan saurait trouver quoi dire  Rhett, parce-qu’il n’avait pas le choix et que les choses se devaient d’aller de l’avant, et dans le bon sens. Il fallait que l’ainé Hartfield se rende en cure, sinon il y laisserait sa peau à un moment donné. Alors oui, Ben plaçait facilement tous ses espoirs en Hassan en cette période puisqu’il savait pertinemment qu’ils n’avaient, tous comme ils l’étaient, plus trop d’autres options. Si voir son ami l’implorer autant que lui imposer l’idée d’aller Suisse ne fonctionnait pas, il ne savait pas ce qui pourrait le faire alors. « Je sais que tu m’apprécies pas beaucoup, et je ferai rien pour te faire changer d’avis sur la question. » A ces mots là, il fronça un brin les sourcils, se retenant de secouer quelque peu son visage surtout pour voir où la brune voulait en venir. Car en réalité, elle n’avait pas vraiment raison, mais peut-être n’était-ce pas le moment d’ajouter une précision sur cette partie là de l’histoire. « Mais je tiens à ton frère autant que tu sembles tenir à lui, alors ne me laisse pas à l’écart pour la suite, ce sera ma seule requête. » Pendant un instant, son esprit considéra vraiment les tenants et aboutissants des paroles d’Evelyn. Car effectivement, cela semblait presque tomber sous le sens que de la tenir au courant de ce qu’il décidait à la place de son frère, même lorsque ce rôle ne lui était pas accordé. Après tout, elle n’était pas n’importe qui; elle ne l’était plus déjà depuis quelques temps aux yeux de Rhett en tous cas. Et si ce dernier lui faisait confiance comme cela semblait être le cas - de ce qu’il pouvait voir de sa place, en tous cas -, il semblait effectivement légitime que Ben y mette un peu plus du sien pour aller dans ce sens. Pinçant les lèvres un instant, terminant sa tasse de café qui virait froid au fil des minutes qui s’écoulaient, il finit par hocher doucement la tête. « D’accord. » Il ne savait pas si cela l’engageait vraiment à quelque-chose, ni dans quelle mesure cela serait également un problème pour la suite, mais aujourd’hui et face à la discussion qu’ils avaient, il pouvait se permettre de s’avancer sur ce point. « Je dis pas que je saurais être bon à ce jeu dès mon coup d’essai, mais justement je peux essayer. » Après tout, ils tâtonnaient tous dans une configuration qu’ils n’avaient su anticiper: essayer était le minimum attendu de la part de lui et d’autres. « Et je te garantis pas non plus que ça te fera m’apprécier plus, qu’il y ait pas de surprise. » Parce-que impliquer Evelyn dans les décisions qu’il prendrait ici et là, ne ferait que lui montrer que parfois, il n’en faisait qu’à sa tête afin d’agir comme cela lui semblait meilleur à lui - et pour lui. Il y avait fort à parier que certaines de leurs futures discussions pourraient ne pas être très agréables, à partir de ce postulat, mais au moins ils seraient tous eux sur la même longueur d’ondes.

« Merci, Ruben. De me dire la vérité, et de pas chercher à rendre les choses plus jolies pour me préserver. » - « Y’a pas de quoi. C’est ce que tu m’as demandé. »

Un silence s’installa pendant quelques instants entre eux, alors que la poussière de leur discussion bien que calme en apparence mais étant en réalité houleuse retombait doucement. « C’est pas son addiction qui le rend têtu, et tu le sais. » Sans relever son regard, il esquissa un petit sourire en coin. « Je sais. » Il le savait même plus que quiconque, lui qui l’avait connu littéralement toute sa vie. Cela aurait été bien trop simple, si ce trait de caractère n’avait été provoqué que par une substance qui pouvait être subtilisée à son quotidien. « Mais ça aussi, je l’espère, qu’il réussira à accepter pourquoi vous insistez autant pour qu’il se soigne. » C’était là tout ce que le brun espérait en silence, presque secrètement, en réalité. Que Rhett puisse voir au delà du voile de colère qui s’imposerait à son regard dès lors qu’il aurait vent de la suit des événements que ses proches avaient prévu pour lui. « Du moment qu’il se soigne. » Car en réalité, la seule véritable attente de la part de Ben était cette dernière: de voir son ainé aller mieux. Si Garrett n’arrivait pas à lui pardonner d’agir de la sorte, qu’il en soit ainsi; cela lui ferait mal au début, mais au moins il aurait la certitude d’avoir agi pour son bien et pour son avenir. « Ça va aller ? » Ce ne fut qu’à ces mots là qu’il releva son regard vers Evelyn, alors qu’elle posait ses prunelles sur lui en retour. Elle s’était relevée de sa chaise, et ce avec grand peine elle ne pouvait le cacher, ne semblait de toutes façons pas à le faire. Il eut le temps de froncer quelque peu les sourcils avant qu’elle ne reprenne finalement la parole. « Toi, je veux dire. Est-ce que ça va aller ? » Ce fut avec un fin sourire, un brin amusé, qu’il répondit dans un premier temps à la question de la brune. Il n’avait pas songé un seul instant qu’elle puisse s’inquiéter pour cette partie là de la situation; et bien sur que pendant un instant Ben eut envie de déballer les vrais ressentis qu’il pouvait avoir sur le coeur, parce-qu’une telle question ouvrait forcément le champ des possibilité de la vulnérabilité. Il resta cependant fidèle à lui même, sachant très bien que ce n’était ni le moment, ni la personne à qui il devait faire part de ses états d’âme. Il se contenta alors d’hausser les épaules et de se lever à son tour. « Moi ? J’ai connu pire, tu sais. » C’était malheureusement la pure vérité. « J’ai les épaules plus solides que ça. » Il était capable d’encaisser une nouvelle frasque de la part de son grand frère, pour sur. Il en faudrait plus pour le faire flancher; pas qu’il n’était pas affecté, simplement qu’il avait appris rapidement et depuis des années à mettre en place et à user de mécanismes afin de tenir bon. « Il faut bien que l’un de nous dans cette famille ait les épaules plus solides que ça. » Il finit par contourner la table autour de laquelle ils se faisaient face jusque maintenant, afin de tendre une main en direction de Evelyn - littéralement cette fois-ci. Ce geste n’avait rien à voir avec les paroles qu’il avait prononcé jusque maintenant, mais s’expliquaient par celles qui arrivèrent juste à la suite. « Laisse moi te raccompagner dans ta chambre au moins. Tu manques clairement de forces, Evelyn. » Et ce n’était en rien un reproche, mais une simple constatation des choses. « Dis toi que c’est un privilège de te pavaner au bras du docteur Hartfield, dans cet hôpital, si jamais mon aide te rebute d’avance. »