Ses dossiers ont été tantôt bouclés le plus rapidement possible et tantôt repoussés à plus tard, uniquement pour qu’il puisse se rendre au concert, comme il l’avait promis à Zoya. Non seulement il lui tardait de découvrir le retour sur scène du groupe de son frère, mais surtout il lui tardait de la retrouver elle, pour une soirée où rien ne peut mal se passer. « Bonsoir, Rose. » Elle dépose un baiser contre sa joue et il fait passer son bras contre son dos, dans le seul but de la serrer un peu plus près de lui en guise d’accolade et de salutation. “Hey.” Il souffle à son tour tout en esquissant un sourire, son visage près du sien. « Viens. » Zoya annonce déjà tout en le traînant dans un autre endroit, ne laissant pas le choix à Ambrose que de la suivre sans savoir le plan qu’elle a en tête. Par curiosité, il le fait sans paradoxalement poser de questions, leurs silhouettes fondant à travers la foule. « L’avantage de connaître les membres du groupe. » Pour peu, les gens s’écarteraient sur leur passage, et c’est une idée qui fait sourire Ambrose. Il referme un peu mieux sa main autour de celle de la brune et vient trouver ses doigts avec plus de tendresse. “Alors on utilise des passe-droits maintenant ?” Il commente avec ironie et l’éternel même amusement, loin d’avoir la moindre envie de véritablement lui faire des reproches. Utiliser des passe-droit pour un concert, c’est encore quelque chose que sa morale le laisse faire sans y réfléchir à deux fois.

« Merci d’avoir accepté de m’accompagner, ça me fait plaisir que tu sois là avec moi, ce soir. Comme je te disais, c’est leur premier concert depuis longtemps… Et ça me tenait à cœur d’y être. » Bien qu’ils soient face à la scène et face à toute la foule par extension, Ambrose n’a aucun mal à passer outre, sa main libre venant naturellement trouver la joue de la jeune femme alors qu’il lui sourit avec tendresse. “Je sais. Je comprends. Ça m'a fait plaisir que tu me proposes de venir, tu sais.” Il aurait voulu assister au concert dans tous les cas, mais il est d’autant plus heureux de le faire en compagnie de Zoya, pour des raisons évidentes qu’il ne prend pas la peine de citer. “Tu le détestes pas autant que tu l’aimerais, ton frère, si je comprends bien.” Il reprend dans un sourire bien plus amusé cette fois. De lui-même, il n’aurait pas eu l’audace de penser que se rendre à son concert lui aurait tenu à coeur mais il est heureux d’avoir eu un mauvais jugement sur la situation, parce que cela veut au moins dire que leurs liens familiaux sont préservés. La famille Lewis n’est pas la sienne, mais cela reste toujours son cheval de bataille, qu’il s’en rende compte ou non. “Tu attends quelqu’un ?” Il finit par demander, intrigué par l’attitude de la jeune femme. Dans l’attente de sa réponse, il laisse sa main retomber le long de son corps.

« Comment tu vas sinon ? » Ambrose soutient son regard un instant, silencieux, avant de tenter de trouver les mots justes, à la frontière entre le mensonge et la vérité. “J’ai connu mieux.” Il ne veut pas lui mentir, parce qu’il a l’audace de croire qu’ils arrivent à créer quelque chose, le genre de chose qui ne peut pas aller de pair avec le moindre mensonge. Pour autant, il ne peut décemment pas lui expliquer non plus toutes les raisons derrière un tel état d’esprit, ni même la laisse s’inquiéter pour si peu. “Mais j’ai connu pire aussi. C’est juste la période de fin d’année, sûrement.” Ce que beaucoup appellent fêtes n’en sont jamais pour lui, et il tente de cacher le tout derrière un sourire à son encontre, simplement heureux pour l’heure de passer un peu de temps avec elle. “Et toi ? Tu as l’air inquiète.” Tout ce qu’il espère, égoïstement, c’est qu’il n’en est pas la cause.

« Ne lui dit pas, s’il te plait. » Il sourit plus que jamais et mime de zipper ses lèvres entre elles, ce secret pouvant être aisément gardé par le Constantine sans que cela ne lui pose le moindre problème moral. Après tout, il sait ce que c’est que de devoir jongler entre ce qu’on ressent et ce qu’on dit, dès lors qu’il s’agit des liens fraternels. Il sait aussi ce à quoi cela ressemble pour tous les autres liens qui existent, mais celui-ci a tout de particulier, il en convient aisément. « Personne. » Ses doutes chassés aussi rapidement qu’ils avaient pu apparaître, il tend un sourire sincère à la jeune femme, se sentant pourtant bête et naïf de pouvoir être calmé uniquement grâce à la main qu’elle pose contre son avant-bras. Elle n’attend personne d’autre, et il trouve que c’est une bonne chose, mais pour autant il faut trouver une nouvelle explication au regard fuyant qu’elle avance parfois, sans doute sans même s’en rendre compte.

A défaut d’obtenir la réponse à sa question, il répond plutôt à la sienne, décidant de la jouer franc-jeu alors qu’il ne se contente pas d’un ça va jeté à la volée. Il ne va pas bien, non, mais il ne veut pas l’inquiéter outre mesure alors qu’il sait simplement que le temps arrangera les choses, comme il le fait toujours. Zoya sait que la période des fêtes est difficile pour lui et que cela n’a rien à voir avec un oncle qui a mal joué son rôle de Père Noël. Pour autant, la proposition qu’elle esquisse rapidement touche sincèrement Ambrose, qui ne s’attendait pas à une telle réponse de sa part. “J’aimerais passer Noël avec mes frères et ma soeur mais… si la fête n’est pas finie le soir venu, je passerai avec plaisir.” Il n’aime pas les fêtes de fin d’année, mais ce n’est pas pour autant qu’il peut se permettre de passer outre, pas alors qu’il s’agit d’un des très rares moments qui peuvent permettre de réunir toute la famille et où chacun tente un tant soit peu de faire des efforts pour que les choses se passent au mieux et que les décibels ne montent pas de trop.

Lorsque la main de Zoya quitte son bras et qu’elle parle à son tour de ce qui prend tant de place dans son esprit, Ambrose l’écoute avec attention. Une fois son explication terminée, il enroule sa main autour de son poignet et la fait tourner délicatement pour que le dos de Zoya se retrouve plaqué contre son ventre et qu’il entoure le torse de la jeune femme de ses bras. Il la tient délicatement contre lui, comme si cela allait l’aider à calmer ses craintes à propos de son frère. “C’est un travail à part entière, chanteur, mais tu ne montes pas sur scène comme tu prends le métro pour aller travailler chaque matin.” Il explique à son tour et tente de lui faire comprendre une partie de cette vie qu’il vit, lui aussi, à un niveau bien moins important cependant. “Et… c’est pas parce qu’on adore tous être sur scène que c’est pas stressant ou anxiogène pour autant.” Pour certains plus que d’autres, sans nul doute. Tout comme certains arrivent mieux à le cacher et d’autres se paralysent complètement. Il y a autant de réactions différentes que de performeurs en ce monde, sans doute. “Ton frère n’a pas connu ça depuis un moment, il doit tout réapprendre.” Et il ne le connaît pas pour dire si sa réaction est exagérée ou non, mais il espère pour lui comme pour elle que c’est le cas et qu’il n’a pas à s’en faire outre mesure. “Fais lui confiance.” Et avec un peu de chance, tout se passera bien. Ambrose décale légèrement sa tête pour embrasser son crâne, trouvant guère son chemin entre les mèches brunes de la jeune femme.

Ses bras toujours posés sur les épaules de la jeune femme, il tourne cependant autour d’elle pour lui faire face à nouveau et lui offrir un sourire rassurant. “Tu allais le voir en concert, avant ? Ou tu le fais maintenant parce que tu te fais du souci pour lui ?” Et de toute évidence, ça aussi, il ne risque pas de le faire entendre à Cameron, ni aujourd’hui ni jamais.

Les fêtes de fin d’année sont un moment particuliuer, même sa famille arrive généralement à trouver le moyen de faire une trêve pour faire en sorte que tout ne se passe pas trop mal, à défaut que cela se passe sincèrement bien. Ils font au mieux, chacun à leur niveau, et c’est pour cette raison qu’Ambrose tient à participer à l’effort de guerre, en faisant acte de présence mais surtout en agitant le drapeau blanc aussi longtemps et souvent que nécessaire. « Ce sera sûrement le cas. Mais libre à toi de choisir. » Il sourit, simplement heureux et touché qu’elle arrive à rester raisonnable et qu’elle ne tombe dans aucun excès, tel que celui de rapidement prendre la mouche alors qu’il n’a pas sauté sur l’occasion pour aussitôt accéder à sa demande. “Je me débrouillerai pour venir.” qu’Ambrose finit donc par annoncer, certain qu’il sera capable de jongler entre sa famille et la sienne sans trop de problème, surtout maintenant qu’il lui a dit qu’il ne viendra que le soir venu. Après tout, il sera aussi heureux de passer une partie des fêtes en sa compagnie, même s’il ne sera pas le plus joyeux et avenant qui soit.

« Cet accident l’a beaucoup atteint…autant physiquement que moralement… ça a été dur de le voir perdre tout confiance en lui. Elle lui confie sûrement des choses que Cameron ne voudrait pas voir répétées, mais Ambrose ne le fera de toute façon pas. Il accueille les confessions de Zoya avec bienveillance, conscient qu’elle est une sœur inquiète comme il en existe beaucoup. Il l’aurait aussi été, à sa place. je sais qu’il en est capable. J’espère juste que lui le sait aussi. » - “S’il ne le sait pas déjà, il comprendra après ce soir.” Il assure et rassure, Ambrose, alors qu’au fond de lui il espère simplement que Cameron et lui ont une façon de penser semblable et qu’il est lui aussi du genre à tirer toute son énergie de la foule. C’est pour ça que les artistes montent sur scène, non ? A quoi bon, sinon ? Tout en comprenant les sentiments que sont ceux de Zoya, il caresse son flanc sans en faire le moindre commentaire, tentant à sa façon de la rassurer. Il ne peut pas lui promettre que tout se passera bien, mais il l’espère.

Pour tenter de la calmer et la rassurer, Ambrose emmène le sujet un peu plus loin, lui qui cherche à comprendre un peu mieux la relation entretenue entre les différents membres de la fratrie Lewis. « J’étais une véritable groupie Il éclate de rire, ne s’étant pas le moins du monde attendu à ce qu’elle lui offre une réponse de la sorte. Au contraire, il l’imaginait déjà user d’euphémisme pour avoir à le cacher à tout prix. je l’ai souvent rejoint sur ses tournées, à les suivre sur plusieurs jours. Et qu’importe à quel endroit il se trouvait sur la planète, dès que je le pouvais, j’y allais. Et si elle n’est pas plus impliquée dans son groupe à titre personnel, Ambrose comprend pourtant qu’elle n’en partage pas moins la passion pour la musique avec son frère ; ou qu’elle est une soeur particulièrement aimante à vouloir le suivre de partout. Les tournées font rêver, mais il n’y a que peu de place au tourisme et chaque seconde est généralement réutilisée pour se reposer, alors il comprend déjà qu’elle faisait tout ça pour être avec son frère, et non pour de quelconques avantages. “Je fais face à une globe trotteuse, alors.” Il reprend dans un sourire, heureux pour elle à l’idée qu’elle ait pu découvrir le monde. non pas parce que j’étais spécialement fan de leur groupe. Juste parce que j’avais le droit de profiter de tous les avantages qui allaient avec :  voyager et manger gratuitement, profiter des meilleures chambres d’hôtel et j’ai sûrement passé mes meilleures soirées aussi post-concert. » Il sourit toujours contre ses cheveux, dos à Zoya. Ses bras l’enserrent doucement, comme s’ils étaient partout sauf au beau milieu de la foule d’un concert. “Mademoiselle Lewis, vous êtes une sacré menteuse.” Il murmure contre son oreille, plus amusé que jamais, ne la croyant pas un seul instant lorsqu’elle statue qu’elle n’était pas spécialement fan. Elle était sûrement leur plus grande fan, le genre à dévisager n’importe qui se prétendant lui-même leur plus grand fan. Il commence à la connaître, maintenant.

« Comment ça se passe avec ton groupe d’ailleurs ? Ça fait longtemps que je ne t’ai pas vu sur scène » Le sourire d’Ambrose est revu à la baisse, il prend désormais un air infiniment plus sérieux, ne sachant pas réellement quoi dire. “C’est un peu en stand-by. Les gars finissent leurs études, deux ont prévu de déménager… Alors j’en sais trop rien.” Alors il consacre le temps autrefois aloué à son groupe pour plutôt se concentrer sur son travail et continuer à tenter de faire pardonner son voyage impromptu au Canada. “T’es pas spécialement fan et t’attends la tournée mondiale pour profiter des hôtels et des soirées post-concerts, là aussi ?” Il change de sujet et il change surtout de ton, Ambrose, pour toujours préférer un peu de légérète face aux questions qui fâchent un minimum, bien qu’elles ne le devraient pas. “Je crois que pour l’heure, tu vas devoir te contenter de regarder sur scène ton frère que tu détestes.” L’ironie s’ajoute, encore et encore. “Pourquoi tu le regardes pas depuis les backstages, d’ailleurs ?” Oh, déjà il se doute de la réponse: il ne veut pas qu’elle pense qu’elle s’y intéresse, à lui, ou à ce qu’il fait.

« Trouve des remplaçants et des gens qui en valent la peine. » Trouver des remplaçants semble être le plus logique et normal à faire s’il veut voir son groupe subsister et, au-delà de ça, s’améliorer, et pour autant ce n’est plus l’option qu’Ambrose continue d’envisager. “Ça fait des années que je fais ça, je crois que j’ai plus le temps d’être le seul à me battre pour ce groupe.” Plus le temps et, surtout, plus l’envie. Son travail auprès de Camil lui demande toujours autant de temps, toujours plus à chaque jour qui passe, et il ne peut pas se permettre de rater une réunion ou une autre sous couvert qu’il doit répéter. Et il ne peut pas se produire sur scène s’il ne répète pas non plus. Il est dans une impasse, et cela l’attriste bien plus qu’il ne souhaite le montrer. « Ou trouve un autre groupe. » Ses mots restent en suspens. Il n’en dit rien de plus, il n’en pense pas davantage non plus. Il pourrait trouver un autre groupe, oui. Il sait chanter, évidemment, et il sait même composer. Il serait un bon atout pour n’importe qui, mais il n’a simplement pas envie de recommencer en bas de l’échelle, pas alors que les Leftovers dévorent tout son temps et son énergie depuis des années. « Et pas que de ça. » Zoya sous-entend sans le moindre mal qu’elle attend beaucoup de chose d’une possible tournée et il n’a pas à lui poser davantage de questions pour savoir ce dont il en retourne. En réalité, un autre sourire naît même sur le visage d’Ambrose, qui ne répond pourtant rien. Ils avancent pas à pas.

Il s’amuse de beaucoup de choses, finalement, et surtout du lien pseudo-inexistant entre le frère et sa soeur, alors que cette dernière n’a d’yeux que pour lui. « Parce qu’il pense sûrement que je ne suis pas là finalement, vu que je lui ai dit d’aller se faire foutre lui et son groupe ? C’est sûrement la meilleure explication qui puisse exister et elle a au moins le mérite de grandement amuser l’australien. Oui, bien sûr que si elle lui a demandé d’aller se faire foutre, son ego lui interdit de se montrer en backstage. Cameron finira tout de même par apprendre qu’elle était présente, et finalement il estime que c’est le plus important: il sait qu’il sera toujours soutenu, quoiqu’elle puisse lui dire. Et l’inverse est sans doute véridique. “Okay, c’est une bonne excuse.” Il utilise le terme d’excuse en sachant très bien ce qu’il dit, un sourire au coin des lèvres.

« Ils annulent. Le chanteur ne peut pas venir…
“Quoi ?”

Il demande à son tour, choqué et déjà prêt à entendre à tout instant qu’elle lui dise que non, finalement ce n’était qu’une mauvaise blague. Il l’aurait préféré, surtout alors qu’il se sent maintenant terriblement stupide, front row d’un concert qui n’existera jamais. « Remplace-le ! Pris de court, le politicien fronce les sourcils, déjà bien trop conscient que cela n’a cette fois-ci rien d’une blague. Tu sais chanter et tu éviterais en plus que le concert soit annulé. S’il te plaiiit ? » - “Zoya, ça serait fou, je connais pas les paroles.” Il ne connaît pas les chansons, ni les paroles, ni le rythme. Il ne connaît rien, et il ne peut pas prétendre que tel est le cas, parce que tous les yeux de la foule seront rivés sur lui, le possible-futur-chanteur. “Je… Merde.” Il passe une main dans ses cheveux et analyse la situation, ses chances, ses conséquences. C’est l’opportunité d’une vie, sa seule chance de chanter devant autant de personnes et auprès d’un groupe déjà reconnu. C’est l’opportunité de sa vie, surtout, qu’on lui soit redevable. Il peut chanter avec les paroles sur une feuille, il peut demander à avoir une demie-heure pour être briefé sur le sujet. Il peut, surtout, rendre Zoya fière et heureuse, et ça aussi, c’est l’occasion d’une vie. “Propose le à ton frère. On va passer en backstage.” Il parle à Zoya, il parle aussi à l’agent de sécurité qui lui barre d’abord la route, avant de se reprendre en reconnaissant la jeune femme à ses côtés. “Lui vend pas du rêve, d’accord ? Je vais avoir besoin de notes sur la scène.” Et outre les notes, il sait que sa performance ne sera pas la meilleure qu’il ait pu donner. Cela coule déjà de source. “C’est une terrible idée, qu’on soit claires.” Il murmure contre son oreille, à moitié excité, à moitié tetanisé, comme si les deux pouvaient réellement s’allier.