Quand tu t'es levée ce matin, il y avait cette douleur qui te tirait dans le bas du ventre. Tu as mal dormi. C'est sans doute pour cela. Quand tu as parlé facturation avec un client (idiot), tu avais encore ce tiraillement dans le bas ventre. C'est sa faute à lui, il te met sur les nerfs alors que tu dois faire semblant de comprendre son mécontentement. Quand tu t'es enfermée dans ton bureau n'en pouvant plus de ce brouhaha (que tu as pourtant l'habitude d'apprécier), la douleur était encore là. Tu as même eu l'impression qu'elle s'était amplifiée au fil de la journée. Rien qui ne va t'empêcher de terminer cette journée interminable. Tu tires le tiroir de ton bureau. Deux aspirines et dans quelques minutes cette douleur ne sera que souvenir du passé. Écouter ton corps ? Ce n'est certainement pas aujourd'hui que tu vas commencer ça. Le vrai problème est survenu en milieu d'après-midi, quand le tiraillement, l'inconfort, est plutôt devenu une crampe. Une crampe qui a rapidement monté en intensité. Le genre de crampe qui ne t'es pas inconnu, malheureusement. Ça ne peut pas être ça. Pourtant, un petit tour dans la salle de bain te confirme que oui. Du sang en quantité phénoménale. Ton pantalon est fichu. Encore heureux que personne ne l'ait remarqué. Merci la teinte foncée. Tu viens prendre ton portable. Tu défiles les contacts jusqu'au J. Tu appuies sur le prénom de ton époux, mais tu n'appuies jamais sur appeler. Tu hésites pendant une dizaine de secondes avant de changer d'avis et de resserrer ton portable. Ce n'est pas comme si tu pouvais vraiment attendre qu'il arrive pour te rendre à l'hôpital.

Tu as dressé une liste que tu as envoyée à Millie avant même d'arriver à l'hôpital. Des fringues non souillées et des serviettes hygiéniques. Vous savez ? Le genre qui pourrait absorber une rivière entière ? C'est ce genre là qu'on doit porter dans ta condition. Personne n'a besoin de t'expliquer la suite. Tu la connais déjà. Si tu peux prendre un peu d'avance sur certaines choses et t'en aller d'ici le plus rapidement possible, tu le feras. Heureusement, Millie ne met pas trop de temps à répondre. Sans doute que le mot hôpital à sonner une cloche d'urgence dans sa tête. Temps mieux pour elle. Peu importe ce qu'elle était en train de faire, c'est terminé. De toute façon, elle a l'habitude de James et ses caprices à pas d'heure. Ce n'est rien qui sort de l'ordinaire pour elle.

Tes vêtements ont rapidement trouver les ordures aussitôt qu'on t'a donné l'honneur de mettre cette charmante chemise d'hôpital. Tu détestes les urgences. On entend tout ce qui se passe dans le lit d'à côté et personne n'est ici par pure bonheur. Non, tout le monde vit ses drames. Certains plus intensément que d'autres. Ton voisin de lit n'entendra pas tes drames, ni de crise de larmes. Il n'entendra rien du tout, puisque tu comptes bien refouler ça dans un petit tiroir de ton cerveau. Un tiroir qui devient de plus en plus plein et qui finira par céder sous le poids de la pression. Tu te redresses dans ton lit lorsque le visage de Millie apparaît quelques minutes plus tard. Au moins, elle a fait vite. Peut-être un peu trop même. On ne peut pas vraiment dire que tu rayonnes de fierté en ce moment. Le dos de ta main vient se passer contre tes yeux, comme si tu craignais qu'une once de faiblesse puisse paraître sur ton visage, mais non, c'est bien sec. Mise à part les traits tirés de ton visage, elle ne peut rien voir d'autre. « Merci. » que tu marmonnes en tendant le bras pour qu'elle t'apporte le sac qu'elle a entre les mains. Un premier mot gentil. Qu'elle n'en prenne pas trop l'habitude quand même. Tu jettes un rapide regard à l'intérieur lorsque tu l'a entre les mains. Tout y est même si tu ne doutais pas vraiment de sa capacité à suivre une liste. « Tu peux partir. » Parce que tu n'as pas besoin de voir le regard de pitié qu'elle risque d'avoir sur toi. Tu n'as pas particulièrement envie de prolonger ce moment particulièrement humiliant. « Tu peux aussi faire comme si tu n'étais jamais venu ici. » Qu'elle garde cette information pour elle. Ce n'est sûrement pas nécessaire de le préciser, mais la suite l'est sûrement. « Même avec James. » Ce n'est pas à elle de lui dire ce qu'elle pense avoir vu. Et tu ne comptes pas lui en parler ce soir s'il rentre.

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Quand Millie avait entendu la sonnerie de son téléphone résonner sur la table du salon, elle avait eu un moment d’hésitation quant à savoir si elle désirait réellement savoir qui pouvait bien désirer la joindre aujourd’hui. Et puis, elle s’était rappelée que cela pouvait toujours être une urgence de la part de l’un de ses proches, ou du peu d’amis qu’elle avait, alors elle s’était penchée pour attraper l’appareil. Elle aurait été prête à parier que le nom qui allait s’afficher sur ce dernier était celui de James - mais elle se serait fourrée le doigt dans l’oeil jusqu’au coude si ça avait été le cas, car contre toute attente, ce n’était pas cette partie là du couple Weatherton qui réclamait son attention: son écran affichait clairement en toutes lettres le prénom de Cristina. Fronçant les sourcils deux fois plutôt qu’une seule, la jeune femme s’était concentrée un instant sur les mots qui s’affichaient sous ses yeux, avant que ces derniers ne s’écarquillent un instant au mot hôpital et qu’elle ne se lève du canapé en catastrophe. Pour une fois, promis elle ne broncherait pas et ne commenterait en rien le fait que Cristina, comme à son habitude, lui donnait des ordres là où elle aurait simplement pu lui demander une faveur - ce n’était pas le moment de chipoter de la sorte. Une dizaine de minutes plus tard, Millie était dans sa voiture en direction de chez les Weatherton avec la liste des affaires demandées par la brune en main, prête à la rejoindre à l’hôpital par la suite.

« Cristina Weatherton ? » Elle s’était faite le plus discrète possible auprès de la secrétaire de l’accueil des urgences, afin que le nom de la femme de son patron ne soit pas entendu à la ronde. Cette dernière avait fait un signe de tête vers l’un des rideaux tirés des admissions, et ce fut en prenant une dernière inspiration que Butcher s’avança en direction d’où devait donc se trouver Cristina. Ce fut avec un geste prudent qu’elle tira le rideau, non sans s’annoncer avant de le faire - histoire d’être sûre de ne pas déranger la visite d’un médecin, et quelconque situation quelque peu gênante ou compromettante. « Cristina ? » Cette dernière se trouvait bien là, dans le brancard, les traits de son visage bien plus tirés qu’à l’ordinaire. Elle avait beau ne pas être la plus tendre avec elle, Millie avait le coeur qui se serrait pour elle en cet instant. Parce-que même si Cristina ne lui avait pas explicitement dit ce qu’il s’était passé, la jeune femme avait compris rien qu’avec les demandes qu’elle avait formulé. Elle tendit d’ailleurs sa main vers le sac que l’assistante de son mari était allée chercher chez elle. « Merci. » Elle lui passa le sac, croisant par la suite ses mains dans son dos. Il y avait tellement de choses qu’elle aurait voulu dire en cet instant - tout autant parce-qu’elle connaissait la situation de Cristina et ce que cela pouvait signifier pour elle, que parce-qu’elle n’était pas un être sans coeur ni manquant de compassion et qu’elle aurait aimé pouvoir faire plus qu’un sac d’affaires de rechange pour la jeune femme face à elle. « Tu peux partir. Tu peux aussi faire comme si tu n'étais jamais venu ici. » Ouvrant la bouche un instant, Millie referma rapidement cette dernière. Elle ne voulait pas s’imposer; mais elle décelait une certaine détresse, même si cela semblait impossible pourtant, dans le comportement de Cristina en cet instant - et elle s’en voudrait de partir alors qu’elle pouvait clairement le voir. « Même avec James. » - « Vous savez très bien que je dirai rien. » Autant parce-qu’elle savait faire la part des choses, que parce-qu’elle était douée - très doutée - à garder les secrets.

Elle l’était cependant bien moins à laisser tomber les autres, alors elle tira l’une des chaises qui se tenait en bordure du rideau pour l’attirer derrière ce dernier, et s’asseoir aux côtés de Cristina. « Par contre hors de question que je vous laisse seule ici, Cristina. Appelez la sécurité si vous voulez, mais je suis trop inquiète pour vous pour repartir comme si de rien n’était. » Elle lui en voudrait, c’était sur - mais au moins, Millie savait qu’elle aurait fait tout son possible pour répondre de la meilleure des façons à cet appel de détresse. Posant son sac à côté  de la chaise, elle hésita encore un instant avant de remonter son regard sur le visage de la jeune femme. « Comment vous vous sentez ? » Question presque murmurée, prononcée du bout des lèvres au moins; elle voulait s’assurer de faire le maximum pour Cristina,  malgré son comportement habituel des moins agréables avec elle, mais savait que la moindre question de sa part serait mal interprétée de toutes façons. Alors peut-être qu’elle serait punching-ball aujourd’hui - et peut-être que ce serait tout ce dont la brune avait besoin, après l’épreuve qui était encore en train de s’imposer à elle, à eux, à cette situation de façon générale.

« Vous savez très bien que je dirai rien. » Est-ce que vraiment elle ne dira rien à James ? « Non, je n'en ai aucune idée. » Parce que sa loyauté est envers lui et non envers toi. Parce que tu ne doutes pas une seule seconde qu'elle saura garder vos secrets du reste du monde. Mais tu n'es pas convaincu qu'elle puisse garder tes secrets de James. Réalise-t-elle dans la colère qu'elle va le mettre le jour où il réalisera qu'elle a gardé cette information pour elle ? Parce qu'il saura un jour. Tu ne veux pas lui cacher cette information pour toujours. Tu as juste besoin de le garder pour toi jusqu'à ce que tu te sentes prête à le partager avec lui. « Par contre hors de question que je vous laisse seule ici, Cristina. Appelez la sécurité si vous voulez, mais je suis trop inquiète pour vous pour repartir comme si de rien n’était. » Sérieusement ? Si c'est elle que tu as contacté, c'est parce que tu ne voulais pas que personne n'assiste à ce gâchis. Parce que tu avais besoin de faire ce deuil pour une centième fois toute seule. Et puis, de quoi est-ce qu'elle peut bien s'inquiéter ? « Je ne suis pas à l'article de la mort Amélie. » Loin de là, c'est même sans doute le bon coup de pied au cul dont tu avais besoin pour reprendre ta vie en main. Parce que la culpabilité est bien présente. Et si tu n'avais pas vécu l'abandon aussi difficilement, si tu n'avais pas noyé ton chagrin dans l'alcool aussi souvent, peut-être que ce bébé serait encore bien au chaud dans ton ventre. Cette fois-ci, tu l'as perdu par ta faute. Tout comme la mère porteuse est sans doute partie par ta faute. Ça en fait, des fardeaux à porter. « Comment vous vous sentez ? » Elle le murmure si bas que tu es presque tenté de faire comme si tu n'avais pas entendu ses paroles. Tu n'as pas envie de répondre à cette question complètement idiote. Elle n'a pas besoin de t'entendre dire que tu vas mal pour le savoir. Millie ne connaît pas tous les détails de vos tentatives de conception, elle n'est pas là depuis le tout début, mais elle sait tout de même que vous en voulez, des enfants. Elle sait également que c'est compliqué. Elle peut donc aisément comprendre que chaque échec est comme un coup de poignard additionnel. Il y a longtemps que l'espoir de porter la vie est parti. Ça devrait sans doute être plus facile d'accepter ce nouvel échec alors que tu ignorais qu'une petite graine avait élu domicile dans ton ventre. Non, ce n'est pas plus facile. Tu ne saurais dire si c'est parce que l'événement est trop rapproché du dernier enfant envolée, mais c'est la goutte de trop. « Très bien, c'est comme monter à vélo. » Ce n'est pas la première fois. Tu as l'habitude de gérer ça. C'est ce que tu sous-entends. C'est bien loin d'être la première fois, mais tu peux également lui confirmer que c'est la dernière fois que tu perds un enfant. James avait raison. Il sera ravi que tu mettes officiellement cette option de côté - parce qu'on sait tous que tu n'avais pas besoin de son accord pour tenter de nouveau l'expérience. Tu n'as pas envie de t'étaler sur le sujet. À quoi bon ? Ça ne changera strictement rien à ce qui est en train de se passer.

Et puis, soudainement, tout va bien trop rapidement.

Le médecin revient dans la salle avec son équipement de torture aka son matériel pour vider ce qui reste dans ton utérus. Tu n'écoutes même pas ce qu'il raconte alors qu'il énumère une par une les étapes d'une intervention que tu connais par coeur et qui sera au centre de tes malaises nocturnes des prochains jours. « Est-ce qu'on attend votre mari ? » Surtout pas. Ton visage est tout blême alors que tu hoches la tête de gauche à droite. Qu'on en finisse et vite. Millie regrette sûrement d'être restée. Elle a sans doute même cherché une porte de sortie pour ne pas assister à quelque chose dont personne d'autre qu'un couple ne devrait être témoin. Sauf qu'elle est plutôt bousculée vers le fond de la salle pour ne déranger personne pendant l'intervention. Elle est là où James devrait être. Allongée sur la civière, tes yeux se referment par automatisme alors qu'une larme glisse le long de ta joue. Si James était là, il prendrait ta main dans la sienne. C'est purement par réflexe, bien sûr, que ta main vient serrer celle de Millie, cette personne dont tu te soucies pourtant très peu de son existence, elle est aujourd'hui ce contact sécurisant alors que tes rêves de fonder une famille s'évaporent une nouvelle fois. Complètement vulnérable, voilà comment tu te sens, et c'est bien loin de te plaire.

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« Non, je n'en ai aucune idée. » Pinçant les lèvres un instant, Millie se rappela que ce n’était pas le moment de prouver par A+B à Cristina qu’elle ne dirait rien, qu’importe ce que cette dernière pouvait en penser. Il y avait des moments pour être aveuglément fidèle à James, et se rallier à sa cause sans en demander les tenants et aboutissants. Et puis, il y avait des moments comme aujourd’hui: des moments de la vraie vie, qui prenaient le dessus sur le reste. « Alors je vous le confirme: je dirai rien, même pas à James. » A prendre, à laisser, elle en ferait bien ce qu’elle voulait des mots de la jeune femme, mais au moins elle lui avait clairement dit de quel côté elle se rangeait pour l’instant. De toutes façons, même si elle avait décidé qu’elle n’était pas digne de confiance, Millie ne comptait pas quitter le chevet de la brune alors que les choses étaient on ne pouvait plus importantes en cet instant. Il n’y avait pas eu besoin d’explications supplémentaires pour qu’elle comprenne où s’en allait cette situation, et à ses yeux il était impensable qu’elle reparte à sa journée comme si de rien n’était. « Je ne suis pas à l'article de la mort Amélie. » Non, certes, elle ne l’était pas. Son corps s’en remettrait, et malheureusement de ce qu’elle avait compris des discussions entendues et auxquelles elle avait pu assister ici et là, ce n’était pas la première fois que ce type de situation pointait le bout de son nez. Ce n’était pas pour autant que l’inquiétude de Butcher n’était pas justifiée: c’était le genre d’épreuve qui vous secouait de part et d’autre, qu’importe si votre corps savait guérir par la suite. Elle passerait également sur le fait qu’elle l’avait encore appelé Amelie - c’était un combat pour un autre jour, ça.

« Très bien, c'est comme monter à vélo. » - « Cristina… » La question de Millie pouvait paraitre idiote, et même plutôt mal tombée. En réalité, elle savait qu’elle avançait sur des plates bandes qu’elle aurait du laisser tranquilles, en agissant de la sorte. Simplement, elle voulait montrer à la brune que si elle avait besoin, elle pouvait parler. Elle l’avait promis et elle tiendrait sa promesse: elle ne dirait rien à personne. De plus, Millie n’était pas du genre à juger les personnes sur la douleur qu’ils pouvaient ressentir parce-qu’elle ne connaissait que trop bien ce que ça faisait, d’être brisée de l’intérieur. Elle voulait que Cristina puisse parler si le ressenti se faisait pressant, si elle avait besoin d’une épaule ou qu’importe, ce n’était pas l’important en réalité.

Elles n’eurent cependant pas l’occasion d’aller plus loin dans leur conversation - si l’échange qu’elles avaient pouvaient être appelé une conversation -, que déjà bien du monde en blouses blanches arrivaient pour pratiquer les actes médicaux pour lesquels ils avaient été appelés. Reculant de quelques pas pour se fondre dans le décor et ne gêner personne, Millie savait qu’elle pouvait être de trop en cet instant; elle n’était que peu à sa place, cette dernière aurait du être remplie par quelqu’un qu’elle côtoyait quotidiennement et qui n’avait absolument aucune idée de ce qu’il se passait dans son dos. Pourtant, autant que possible, elle maintenait la tête haute et se répétait qu’elle le faisait pour qu’une autre femme n’ait pas à se tenir seule face à une épreuve de cette envergure. Lorsque tout le matériel et les médecins furent enfin installés, elle fit quelque pas pour revenir aux côtés de Cristina, là où elle ne gênait plus personne. « Est-ce qu'on attend votre mari ? » Le regard de Millie ne lâchait pas le visage de Cristina. Elle n’avait qu’à faire le moindre geste et elle composerait le numéro de James - il était dans ses contacts favoris, de toutes façons, elle ne perdrait même pas de temps à le composer. La brune finit par secouer la tête cependant, et une partie de la jeune femme se brisa en voyant ce spectacle. Comment pouvions-nous arriver à préférer endurer ce genre d’épreuve seule, plutôt que d’appeler sa moitié pour être épaulée ? Si elle pensait que Cristina tenterait de la repousser une dernière fois pour ne pas qu’elle soit dans les parages dans la prochaine vingtaine de minutes, ce fut avec étonnement que Millie sentit la main de cette dernière se glisser dans la sienne, une poignée de secondes après qu’elle ait fermé les yeux. Elle s’y accrocha, et elle répondit par la pareille, entourant la paume de Cristina de ses deux mains désormais. Elle ne bougerait pas, elle resterait là le temps dont elle aurait besoin d’un soutien. Même si c’était pour se faire appeler Amelie ou que savait-elle par la suite - elle savait qu’elle avait pris la bonne décision en restant dans les parages. « Bien. Commençons alors. »

« J’ai pris une boisson de chaque type au distributeur, et les pires magazines qu’ils avaient en rayons. » De son pied, elle repoussa la porte de la pièce où se tenait toujours Cristina. Bien sur, avant de prendre le moindre magazine, elle avait fouillé toutes les pages pour être sure que le nom ou le visage de James ne pouvait pas être aperçu sur papier glacé. Disons qu’elle préférait éviter le moindre problème avant qu’il n’arrive. « Oh, ils avaient des pâtisseries au chocolat aussi, j’ai pas su résister je nous en ai pris une paire. » Posant le petit plateau sur la table à roulettes de la petite pièce, elle poussa cette dernière pour qu’elle arrive aux côtés du lit de Cristina. Elle marchait sur des oeufs, Millie, ne sachant trop ce que la brune souhaitait entendre ou non en cet instant. Elle se serait bien osée à lui demander comment elle se sentait, mais elle savait que formuler ses inquiétudes n’avaient déjà pas été bien reçu avant - alors maintenant.

La salle est loin d'être silencieuse entre le bruit des instruments et ceux des médecins dans la salle. Pourtant, tu n'entends absolument rien depuis plusieurs minutes. Tu ne veux rien entendre. La pauvre Millie doit avoir la main broyée à l'heure qu'il est. Sa main est la seule chose à laquelle tu te raccroches, la seule dans cette pièce te permet d'avoir un semblant de réconfort, alors que tout ton monde s'écroule une nouvelle fois. Puis, quand tout s'arrête, tu prends une énorme respiration qui se coupe d'un sanglot. L'air te brûle les poumons comme s'ils avaient été privés d'oxygène depuis bien trop longtemps. Quand tout le monde quitte la bien trop petite salle, tout ce que tu ressens, c'est le vide. Millie n'est parti qu'une poignée de minutes, mais ce fût suffisant pour faire éclater une dispute téléphonique avec James - sans qu'il n'y comprenne rien. Il doit penser que tu es ivre à quinze heures. Il n'est pas si loin du compte : la drogue de l'hôpital est pas mal même si elle n'enlève pas vraiment la douleur. Tu as également profiter de son absence pour mettre les pantalons qu'elle a apportés. Le haut sera pour plus tard puisque la perfusion t'empêche encore de porter autre chose qu'une chemise qui te donne l'air d'avoir un pied dans le cercueil. Ton teint livide n'est pas très beau à voir d'ailleurs. « J’ai pris une boisson de chaque type au distributeur, et les pires magazines qu’ils avaient en rayons. » qu'elle annonce à peine après avoir passé de nouveau les portes de la salle. Ses mains sont pleines comme si elle prévoyait passer la nuit ici…. vous n'allez pas passer la nuit ici, pas vrai ? Tristement, ce ne serait même pas difficile d'inventer quelque chose pour expliquer ton absence une nuit entière. Ce ne serait même pas impossible que James ne remarque même pas cette absence. Ce serait peut-être même mieux d'être ici plutôt que de devoir confronter ton époux ce soir. « Oh, ils avaient des pâtisseries au chocolat aussi, j’ai pas su résister je nous en ai pris une paire. » Elle pose toutes ses trouvailles sur la table à roulette qu'elle amène à proximité de la civière. « Si tu me dis qu'on en a pour plus de trente minutes, je vais faire une crise. » Une façon de parler, bien sûr. Mais il ne faudrait quand même pas sous-estimer tes capacités en la matière. Trente minutes, c'est le temps qu'on les médecins pour revenir te parler sans quoi tu arraches toi-même cette perfusion et tu quittes cet endroit macabre comme une grande. Tu te retournes tout de même pour regarder une à une les boissons apportées par Millie. Tu optes finalement pour une eau pétillante à saveur de citron. Tu lui laisses le plaisir de prendre les pâtisseries et les kilos qui viennent avec. Tu fais juste la regarder et tu as l'impression de ne plus être capable d'entrer dans ta robe pour la fashion week. Les robes sont très très ajustées que voulez-vous. « Il voulait pas qu'on réessaie. » Et tu lui as clairement fait comprendre que tu n'en avais rien à faire de ce qu'il voulait. Millie pourra facilement comprendre que cette grossesse n'était pas attendue - même si elle est toujours espérer en un sens - ou elle comprendra que tu as joué dans le dos de James. En même temps, qu'il garde sa queue dans ses pantalons s'il veut pas risquer une grossesse surprise. Il sait parfaitement que tu ne prends aucun contraceptif, comme il sait parfaitement que tu n'es jamais tombé enceinte naturellement auparavant. « Je vais lui dire, juste… pas maintenant. Il en a assez sur les épaules en ce moment. » que tu ajoutes pour ne pas qu'elle pense que tu caches des choses à ton mari. Et peut-être un peu pour la soulager sur le fait qu'elle ne devra pas garder pour elle ce secret éternellement. Si, vraiment, elle arrive à tenir sa langue comme elle le dit si bien. James a assez des derniers délais concernant la collection sans devoir ajouter une fausse couche surprise en plus.

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« Si tu me dis qu'on en a pour plus de trente minutes, je vais faire une crise. » Il était vrai que la quantité de nourriture et de boissons que Millie avait ramené du distributeur pouvait porter à confusion, et soulever des questions qui n’étaient pas à l’ordre du jour jusque maintenant. Ou plutôt: elle était presque persuadée que c’était là une question dissimulée que Cristina se posait déjà avant qu’elle ne revienne à son chevet, et que c’était simplement tune façon comme une autre d’exprimer ses inquiétudes. En réalité, aucune des deux femmes ne souhaitait rester là bien longtemps; pour bien des raisons différentes, mais la jeune femme espérait également qu’elles n’en aient pas pour bien longtemps encore. Elle resterait le temps qu’il était nécessaire de le faire aux côtés de la brune, mais disons que son planning de la journée avait été bien chamboulé - et si Cristina pourrait expliquer facilement son absence auprès de son mari, ce n’était pas tout à fait son cas. Elle trouverait, bien sur, elle était plus maligne que e qu’on pouvait lui accorder comme crédit. Finalement, Cristina opta pour l’une des boissons qu’elle avait posé devant elle, sans jeter le moindre coup d’oeil aux pâtisseries - tant pis, au moins elle avait retiré l’hostilité en partie de son comportement, en acceptant quelque-chose venant de la part de Millie.

« Il voulait pas qu'on réessaie. » Une ou deux minutes de silence s’étaient écoulées, lorsqu’elle reprit la parole. Millie s’était assise de nouveau sur la chaise au coin du lit, ayant gardé en main la bouteille de soda qu’elle s’octroyait - pour une fois qu’elle faisait un excès. Lentement, son regard se dirigea de nouveau vers Cristina, s’attardant un instant et un autre sur les traits de son visage. D’un coup, elle lui paraissait fragile et brisée, là où ça n’avait jamais été le cas auparavant. « Je vais lui dire, juste… pas maintenant. Il en a assez sur les épaules en ce moment. » Pinçant les lèvres, elle se mit à jouer avec l’étiquette de la bouteille plastique qu’elle tenait entre les mains. « Vous faites ce qui vous semble le plus juste, Cristina. » Qu’elle commença. Leurs affaires de couple ne la regardaient pas, et regardaient qu’eux en réalité. Elle avait beau être à leurs côtés une grande partie de leur quotidien, bien souvent dissimulée dans l’ombre pour ne pas marcher sur des plates bandes où elle n’était pas attendue, mais il était vrai qu’elle faisait partie des rares à avoir un aperçu que bien d’autres n’avaient pas. Pourtant, elle n’avait pas son mot à dire sur leur vie, sur leur façon de gérer leurs problèmes et celle avec laquelle ils partageaient leurs joies. Elle ne pouvait que se montrer présente si le besoin s’en faisait ressentir, comme aujourd’hui, mais elle n’avait pas son mot à dire sur l’affaire. « J’étais sincère, quand je vous ai dit que j’en toucherai pas un mot à James. » Qu’elle se permit de préciser, car elle savait que les paroles de la brune faisaient également référence à ça. « Ca ne regarde que vous deux, et vous n’avez pas de comptes à me rendre. » Lorsque Millie dirigea de nouveau son minois vers Cristina, c’était un sourire faible mais compatissant qu’elle lui offrit. Bien sur, elle ne pouvait pas comprendre tous les tenants et aboutissants de la situation dans laquelle elle se trouvait, mais elle pouvait au moins tenter de le faire.

« Ca faisait longtemps que vous aviez appris, pour la grossesse ? » Elle finit par rebondir sur le premier sujet qu’elle avait mis en avant. James ne voulait pas qu’ils réessaient d’avoir un enfant, ce qui voulait dire que si Cristina avait appris pour la grossesse, elle avait du porter cette nouvelle seule sur ses épaules. Si elle n’avait pas appelé son mari aujourd’hui, finalement, ce n’était peut-être pas pour ne pas lui annoncer une mauvaise nouvelle mais simplement parce-qu’elle était bonne à la base et qu’il n’en avait pas eu vent en première intention. Encore une fois, il n’était pas question de juger ou d’émettre le moindre avis sur la question, simplement de laisser une porte ouverte à une jeune femme qui pouvait avoir besoin de vider son sac. Elle ne dirait rien, Millie, et elle était très douée pour garder les secrets.

« Vous faites ce qui vous semble le plus juste, Cristina. » Elle ne pense sûrement pas un seul mot de ce qu'elle vient de te dire, mais elle n'oserait jamais dire l'inverse. Personne ne peut contredire une femme qui est littéralement en train de perdre une partie d'elle-même. Disons que ce n'est pas le moment d'exprimer sa façon de penser. « J’étais sincère, quand je vous ai dit que j’en toucherai pas un mot à James. » Ça aussi, tu as un peu de mal à le croire. Tu savais qu'en envoyant un message à Millie, c'était prendre cinquante pourcent de chance que l'événement remonte jusqu'aux oreilles de ton époux. C'est pile ou face. Pourtant, tu ne voyais personne d'autre à qui demander ce tout petit service - qui est finalement devenu un très gros service. C'est peut-être un peu triste de choisir l'assistante de ton époux pour une telle situation. Ç'aurait été bien trop sentimental que ce soit quelqu'un de plus proche qui soit présent. Ou peut-être que tu te trompes et ce que tu voulais éviter est exactement ce qui est en train de se produire. « Ca ne regarde que vous deux, et vous n’avez pas de comptes à me rendre. » Non, certainement pas. Elle n'est pas la troisième roue de votre couple même si on pourrait presque penser que oui tant elle est présente dans votre vie personnelle. « J'espère que tu es prête à vivre avec les conséquences de ce secret. » que tu la préviens tout de même. Elle ne réalise sûrement pas la colère dans laquelle James sera s'il venait à apprendre ce qui est en train de se produire en ce moment, quand il saura que sa fidèle alliée lui a caché une telle information. Enfin, ce n'est pas si, c'est bien quand. Parce que ce secret à une date de péremption que personne ne connaît encore. James saura la vérité un jour. Tu ne comptes pas préciser la présence de Millie, mais tu ne comptes pas le lui cacher non plus s'il pose la question. Est-ce qu'elle a vraiment réfléchi à tout ce que ça comprenait d'omettre certaines informations à James ? Sans doute pas. Mais la voilà désormais prévenu.

« Ca faisait longtemps que vous aviez appris, pour la grossesse ? » Dès que Millie pose un sourire bienveillant sur toi, tu évites directement son regard. Il s'abaisse plutôt sur la bouteille entre tes mains. « Non, je savais pas. » Il y a longtemps que tu avais abandonné l'espoir d'avoir un positif sur un test de grossesse sans un coup de pouce médical. C'est vrai qu'à force de vivre tous ces échecs, peut-être bien que vous avez oublié que, même si une grossesse était peu probable, c'était quand même pas impossible. « J'étais tellement enfermée dans ma colère que je m'en suis même pas rendu compte. » que tu ajoutes alors qu'un rire jaune résonne dans la pièce. Oh, c'est bien de toi que tu te moque, de toi et de ton incompétence à remarquer l'absence de quelque chose qui est pourtant là à chaque mois. Même là, tu n'arrives même pas à dire combien de jours de retard tu avais dans tes règles. Est-ce que c'était quelques jours ? Trois-quatre semaines ? Sûrement pas plus que ça. Tu n'as jamais été enceinte très longtemps par le passé. Les fausses couches sont toujours arrivées bien trop vite. « Si j'avais fait plus attention… » le bébé serait peut-être encore au chaud dans ton ventre. Mais non, tu n'as pas fait attention. Tu as abusé de l'alcool plus que de raison. Tu t'es concentré à gâcher la vie de James pour qu'il soit aussi malheureux que toi. Tu as négligé ta santé - autant physiquement que mentalement - et c'est le petit embryon qui en a payé le prix. Tu es la seule à blâmer pour ce malheur. « Peu importe. » que tu rajoutes tout simplement. Peu importe. Tous les regrets du monde ne changeront rien au résultat final.

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« J'espère que tu es prête à vivre avec les conséquences de ce secret. » Pinçant un instant les lèvres, Millie dut retenir un petit soupire. Cristina ne se rendait pas compte, en cet instant, que la question ne se posait même pas aux yeux de la jeune femme. Pour elle, il n’était pas question de choisir entre l’un ou l’autre, entre papa et maman - sans mauvais jeu de mots - dans cette situation; la jeune femme avait besoin de quelqu’un, elle avait appelé à l’aide et pour toutes les raisons qui concernaient cette situation, Millie n’aurait jamais tourné son dos là où était attendue une main tendue. Qu’importe face à qui elle aurait besoin de garder un visage sérieux par la suite, elle aurait dans tous les cas choisi Cristina. Elle ne pouvait cependant pas lui en vouloir, de ne pas voir qu’un tel choix s’imposait de lui-même, alors qu’elle était allongée sur un brancard après avoir été obligée de dire au revoir une énième fois à un rêve qui lui tenait pourtant énormément à coeur. « Je sais avec quelles conséquences je vais devoir vivre. Et ça ne me fait pas peur. » Tout simplement parce-qu’elle n’avait pas peur de James. Certes bien sur, elle était impressionnée par l’homme qu’il était et par tout ce qu’il pouvait représenter. En revanche, elle ne l’avait jamais craint et cela ne commencerait pas pour une histoire qui concernait sa vie personnelle à lui. Si cela s’était porté sur le boulot, les choses auraient été différentes; ce n’était pas le cas, les cartes étaient distribuées bien autrement, et c’était tant mieux pour tout le monde.

Le fait que le regard de Cristina évitait soigneusement de se poser sur Millie n’échappa pas à la vigilance de cette dernière. C’était peut-être presque subtil, mais en temps normal surtout la brune n’hésitait pas pour planter son regard - régulièrement assassin - dans celui de la jeune femme. Qu’elle l’évite aujourd’hui était une nouveauté. « Non, je savais pas. » Donc ce n’était pas que pour James que cela aurait été autant une bonne qu’une mauvaise nouvelle, ça l’avait été pour tous les deux. Car si elle souhaitait un enfant, ce dernier s’en était allé aussitôt et ne verrait jamais la lumière du jour. Bien sur que le coeur de Millie se brisa quelque peu à cette idée là. « J'étais tellement enfermée dans ma colère que je m'en suis même pas rendu compte. » Ce fut au tour de Butcher de détourner le regard, finalement bien moins à l’aise qu’elle ne l’aurait pensé dans cette discussion. Elle savait qu’elle n’était pas à sa place, d’accord, mais comme dit plus tôt elle avait eu l’habitude de voir les larmes couler sur les joues de sa mère lorsqu’elle était plus jeune quand cette dernière se retrouvait face à cette situation. « Si j'avais fait plus attention… Peu importe. » Millie secoua vivement la tête à entendre les paroles de Cristina. « Il aurait pu se passer exactement la même chose, comme tout aurait pu être différent. Vous pouvez pas vous blâmer de ne pas avoir su. » Et elle n’avait pas le droit de le faire pour ne pas y avoir cru, aussi, également. D’avoir perdu tout espoir après tant de temps où les choses n’avaient pas tourné comme elle s’y attendait, comme ils s’y attendaient aussi. Elle comprenait parfaitement qu’elle n’était pas la mieux placée pour affirmer ce genre de choses - voire même pas du tout bien placée, en réalité -, mais il n’y avait pas de raison pour que Cristina s’en veuille pour quelque-chose dont elle n’était en rien responsable. « Qu’importe qui vous dira le contraire aura tort. Vous y compris. » Ses noisettes avaient glissé jusqu’au visage de Cristina; tant pis si elle n’appréciait pas la précision ou même la mention. « Et s’il le faut, sur ce point de vue là aussi je prendrais votre parti et pas celui de votre mari. » Et pour sur que ça, à lui, ça ne lui plairait pas.