Le monde n’était qu’un vaste océan d’obligations, du moins sa petite vie d’occidentale en était remplie. Chelsea ne se pliait pas à chacune d'entre elles, loin de là, mais elle se serait bien passée de devoir passer par la case des stages qu’elle pourrait presque considérer comme une invention du diable. Parce que oui, il fallait bien être diabolique pour avoir réussi à contraindre des personnes à travailler gratuitement, tout en rendant cela « normal » et même pire encore, que cela soit perçu comme une véritable chance, puisque cela « permettait de mettre le pied à l’étrier ». L’étudiante était même considérée doublement chanceuse, car elle n’avait pas eu d’efforts conséquents à faire pour obtenir son stage, il lui avait suffit d’approcher une photographe qui s’était présentée à l’un de ses cours, pour en obtenir un. Elle avait vu en Zoya la possibilité de ne pas avoir à démultiplier les lettres de motivation, elle avait fait preuve d’un bagout qui avait étonné plus d’un de ses camarades de classe pour obtenir ce qu’elle voulait. La rousse arborait un insupportable sourire en coin depuis, à chaque fois qu’elle foulait le sol de l’université. Le temps où elle était moquée lui paraissait si loin à présent, elle ne pouvait que se réjouir de susciter l’envie, plusieurs étudiantes se seraient entretuer pour avoir sa place. Elles savaient que la Cavanagh allait se rendre plusieurs jours dans la célèbre maison de couture Weatherton et elles deviendraient probablement dingues, si quelqu’un les mettaient au courant que Chelsea ne connaissait pratiquement rien du travail du célèbre couturier. L’étudiante en photographie n’avait jamais compris l’intérêt de s’intéresser à des tenues qui n’étaient pas à sa portée financièrement, en plus de ne pas être des vêtements conçus pour être utilisés quotidiennement. Des pensées qui pouvaient paraître paradoxales, lorsqu’on la voyait coudre des tenues de cosplay qu’elle ne porterait qu’une poignée de jours dans l’année, mais elle avait au moins la fierté de les avoir fait elle-même, de ses petites mains bien plus habituées à manipuler son appareil photo ou le gouvernail de son voilier. Elle multiplia les recherches sur James Weatherton, une semaine avant le début de ce fameux stage, parce qu’elle ne supporterait que moyennement d’être perçue comme inculte, même si elle n’allait aucunement se forcer à prétendre que la mode faisait partie de ses centres d’intérêts.
Elle avait réussi à faire illusion, du moins c’est ce qu’elle pensait, les différentes conversations qu’elle avait eu avec les employés de la maison de couture et sa tutrice lui en avaient donné l’impression. Chelsea devait être vue comme une parfaite petite stagiaire, elle écoutait toujours attentivement et elle ne s’imposait pas, même si elle mourrait d’envie de suggérer à la photographe de se rendre dans les ateliers, afin de voir les conceptions de quelques robes. Elle se montrait patiente, pensant que ce moment viendrait tôt ou tard, Zoya n’avait pourtant jamais mentionné de rencontre avec les couturières. La Cavanagh ne suivait plus le compte du nombre de mannequins qu’elle avait vu passer devant l’objectif de la professionnelle, des filles qu’elle trouvait toutes aussi ennuyantes les unes que les autres. Elles arboraient toutes le même regard vide, des lèvres fermées, même si elles les ouvraient parfois pour paraître plus... séductrices ? C’était ce qu’elle supposait, même si elle trouvait ridicule de les voir entrouvrir leurs bouches ainsi, alors que les vêtements étaient destinés à un public féminin. Fort heureusement pour elles, aucune de ses réflexions ne fut partagée à voix haute, même s’il devenait de plus plus flagrant que la rousse s’ennuyait. Les bras croisés, elle se tenait derrière Zoya qui photographiait des femmes sur un fond uni. Est-ce qu’elles pourraient au moins se rendre dans un endroit plus original ou plus beau, pour effectuer toutes ces séances ? Cette question la démangeait au point qu’elle ne saissise le dernier temps mort pour s’exprimer. « Pourquoi nous ne faisons rien à l’extérieur ? » Elles étaient en été et ils n’en profitaient même pas, cela était un non sens à ses yeux, puisqu’elle ne pouvait même pas lui dire que la météo était défavorable. « Il est tellement dommage de toujours voir le même type de photo sur les campagnes publicitaires... » Chelsea s’était retenue de critiquer le choix des modèles, qu’elle trouvait bien trop lisses et similaires, mais elle savait pertinemment que demander de la variété à ce niveau serait trop demandé. Zoya se contentait probablement de cocher toutes les cases d’un cahier de charges, si le travail de photographe ne se résumait qu’à ça, elle ne risquait pas de vouloir en faire sa profession.
Avoir quelqu’un qui lui colle aux basques toute la journée, Zoya doit l’avouer, ça la gonfle. Elle a accepté cette stagiaire uniquement parce que James l’a suggéré. Une sorte de deal entre eux quand elle aussi à imposer une certaine condition et qu’il a eu besoin d’en trouver une à lui imposer pour compenser celle qu’il lui accordait. Il estimait qu’avoir une stagiaire photographe pourrait être là une belle opportunité pour elle de transmettre ses talents qui méritaient d’être partagé – vous imaginez bien que la Lewis a levé les yeux au ciel à ses dires et a limite baillée ostensiblement face aux commentaires pompeux de celui qui reste en quelque sorte son supérieur. Mais elle l’a fait tout de même, pour lui faire plaisir et il lui a suggéré de trouver sa fameuse stagiaire lorsqu’elle se rendrait à l’université pour parler de son métier aux futurs photographes en devenir. C’est donc à ce moment-là qu’elle a fait la connaissance de Chelsea Cavanaugh. Ça avait l’air d’être la moins pompeuse des étudiantes sur place, même si à son goût, elle s’était un peu trop pavanée. Mais son toupet et son côté lèche-bottes n’a pour autant pas répugné totalement la photographe qui a lui a offert la possibilité de devenir sa stagiaire le temps de quelques semaines. Désormais, chez Weatherton, vous verrez donc la Lewis suivit de très près par sa stagiaire rousse. Et si bon nombre d’étudiantes aurait été ravie de pouvoir faire ses premiers pas dans une maison de couture de renom comme celle de James, il semblerait que la Chelsea manque clairement d’enthousiasme. Elle l’a remarqué, manque parfois aussi d’enthousiasme à lui apporter le bon accessoire qu’elle lui demande mais, pour le moment, la Zoya a pris sur elle.
Manque de bol pour la Chelsea aujourd’hui, Zoya est particulièrement de mauvaise humeur, en cause un bambin qui s’appelle Chloe et qui n’a pas manqué de pleurer toute la nuit parce qu’elle était malade. De ce fait, la jeune maman n’est pas au meilleur de sa forme et cette campagne publicitaire qu’elle doit couvrir pour Weatherton, et ça depuis plusieurs jours déjà, est plus un supplice pour elle qu’un plaisir aujourd’hui. Elle s’efforce à ne rien laisser transparaitre, mais il manque un certain grain de folie. Peut-être est-ce dû aussi au fait que les mannequins défilent devant ce fond de couleur uni et qu’elle a l’impression de travailler plus à la chaîne que de faire de la photographie comme elle l’aime – plus spontanée et plus naturelle en somme. Un tout en tout cas qui ne fait pas bon ménage et qui explique l’air sceptique qu’elle adopte sur son visage lorsqu’elle entend les premiers sons de la bouche de sa stagiaire sortir et lui parvenir jusqu’aux oreilles. « Pourquoi nous ne faisons rien à l’extérieur ? » « Tu peux rehausser la lumière s’il te plait » Zoya a son nez dans son appareil photo, prête à prendre la mannequin de plus qui ne semble pas être dans un meilleur état qu’elle, et ne prête pas attention aux dires de Chelsea, ou du moins, préfère les ignorer. « Il est tellement dommage de toujours voir le même type de photo sur les campagnes publicitaires... » Et comme la rousse ne s’est pas exécutée et qu’elle entend les commentaires de celles-ci, lui faisant clairement comprendre que ce qu’elle est en train de faire ne lui plait pas, elle se recule et pivote sa tête de sorte à capter le regard de l’apprentie « Et si au lieu de faire tes commentaires, tu faisais ce que je te demande ? Tu servirais au moins à quelque chose ». Parce que là, elle brasse de l’air, semble remettre tout en question comme si elle avait la science infuse et voulait tout révolutionner « On te demande pas ton avis, Cavanaugh. » et comme elle l’a énervé, elle se recule, manque d’ailleurs de s’entraver parce que Chelsea est trop près d’elle, et règle elle-même la lumière.
Obéir au doigt et à l’œil, cela n’avait jamais été son truc, la docilité était pourtant l’une des premières « qualités » que sa mère attendait d’elle. Brianna ne voulait pas que Chelsea ne fasse de vagues, mais elle voulait aussi et surtout qu’elle puisse tirer le meilleur de sa propre personne, ce qui n’était possible qu’en adhérant à la subordination selon elle. La rouquine était bien évidemment en désaccord avec sa génitrice, elle n’apprendrait pas mieux en mettant ses pensées en mode off, elle était plutôt persuadée que les plus grands savants s’étaient d’abord fait confiance en eux-mêmes. Elle n’avait pas de doute concernant sa volonté de s’instruire, mais sa tutrice ne devait pas être du même avis, la brune pensait peut-être lui apprendre beaucoup de choses, mais l’étudiante restait sur sa faim. La Cavanagh avait l’impression de n’être que là pour trimballer ses accessoires, une sensation qui était encore plus renforcée aujourd’hui que les autres jours, où elle lui adressait encore moins la parole. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait pris une stagiaire, si cela l’embêtait tant de transmettre son savoir, cherchait-elle juste une assistante gratuite ? Elle se posait sérieusement la question. L’interrogation qu’elle lui avait lancée fut balayée par une requête, sur laquelle elle décida de faire l’impasse, pour aller jusqu’au bout de ses pensées. Elle finit par daigner croiser son regard, mais seulement pour souligner à quel point elle était inutile. Une remarque qui ne la touchera même pas, ses propres réflexions étant bien plus importantes pour elle. Zoya souligna que son avis n’avait pas été demandé, tout en écorchant son nom. « Cavanagh. » La corrigea-t-elle, la photographe n’était pas la première à se tromper sur son nom de famille, mais sa façon de le déformer lui prouvait à quel point elle s’intéressait peu à elle. Voyant qu’elle la gênait plutôt qu’autre chose, elle s’éloigna d’elle.
Chelsea ne comprenait pas pourquoi Zoya acceptait de faire un shooting aussi ennuyeux, cela ne ressemblait pas à ce qu’elle avait vu de son labeur. Ce genre de travail était peut-être plus représentatif de son quotidien, mais elle ne le mettait pas autant en avant sur ses réseaux sociaux, qui comportaient de nombreux posts. Elle n’en avait pas vu l’intégralité, mais elle avait été suffisamment admirative de ses portraits qu’elle avait fait pour se dire qu’elle devait effectuer un stage avec elle. « Si vous attendiez un caniche, vous avez sûrement fait le plus mauvais choix. » Elle n’allait pas accourir à chaque fois pour lui faire plaisir, ni s’efforcer de sourire alors qu’elle ne remplissait même pas sa part du contrat. L’étudiante se demandait si elle ne ferait pas mieux de claquer la porte, après tout elle ne servait ‘ à rien ’ et cette expérience n’était pas enrichissante, ni pour l’une ni pour l’autre. « Je suis là pour découvrir le métier de photographe, mais je n’en vois qu’une infime partie. » Ou plutôt elle en voyait ce qui l’intéressait le moins, le travail à la chaîne. « Autant aller sur Youtube. » Zoya n’était pas la seule à être capable de faire des répliques assassines, elle s’en croyait peut-être à l’abris parce qu’elle était censée être sa ‘ supérieure ’ mais ce n’était pas le cas. Chelsea s’était déjà bien assez abstenue de donner son avis les deux autres jours, pour continuer de se taire. Les bras de nouveau croisés, la jeune femme fit la moue. Elle ne craignait même pas d’être mise à la porte, au contraire elle n’attendait que ça. Après tout elle n’aurait qu’à demander à Jenna de rattraper le coup, en lui faisant les yeux doux pour obtenir un stage auprès de quelqu’un de plus compréhensif, elle était sûre qu’elle pouvait lui faire une telle fleur, après tous les services qu’elle lui rendait.
Elle n’a rien d’une pédagogue, Zoya. Elle n’a jamais eu cette fibre-là et même si elle a appris avec une formation à distance le métier qu’elle exerce aujourd’hui, c’est aussi beaucoup en autodidacte qu’elle s’est formée. C’est sur le terrain qu’elle a appris, en usant la pellicule de son argentique, celui qu’elle a hérité de son grand-père, après sa disparition. Celui-là même qui lui a transmis cette passion pour la photographie, qui lui avait lui-même déjà transmis beaucoup de savoir dans le domaine. Et il faut dire qu’avec un tempérament comme le sien – et d’ailleurs, nombreux sont ceux qui n’ont de cesse de lui dire qu’elle a hérité du tempérament de feu de son grand-père paternel – Zoya n’a jamais réellement attendu après personne pour apprendre comment manier son appareil photo et rendre ses prises de vues plus belles les unes que les autres. Elle n’est pas comme cette stagiaire qui lui colle aux basques toute la journée, à attendre que tout lui tombe du ciel, comme si elle allait s’enrichir de ses connaissances qui relèvent là que d’une pratique purement débutante aux yeux de Zoya. De la technique basique, de la poudre aux yeux quand les photoshoots se déroulent en intérieur et que tout le miracle de la technologie fera le reste. Pour l’heure, des jours que la Chelsea « Cavanagh. », peu importe, la suit et aujourd’hui, les nerfs de la Lewis n’ont pas la patience de la supporter plus longtemps, surtout quand elle se permet de faire des remarques au sujet de son travail, qu’elle semble trouver… ennuyeux. « Si vous attendiez un caniche, vous avez sûrement fait le plus mauvais choix. » « Je m’en suis rendue compte ! » rétorque Zoya sans ménagement, tentant de se replonger dans le photoshoot qu’elle est en train de mener, alors que la modèle semble s’impatienter un tant soit peu – en vooilà une autre qui l’agace d’ailleurs. « Je suis là pour découvrir le métier de photographe, mais je n’en vois qu’une infime partie. (…) Autant aller sur Youtube. » Zoya s’interrompt dans ses gestes, se tourne à nouveau vers l’apprenti stagiaire inutile et plante son regard dans celle de la gamine, pointant son index sur elle « Déjà, estimes-toi heureuse d’être ici car je n’ai pas besoin de toi mais comme on me l’a suggéré ET que je gagnais quelque chose en retour, j’ai juste accepté, par principe. Je me passerai largement de ta présence sinon, la rouquine » Rouquine insolente, qui ne semble pas avoir sa langue dans sa poche et comme le proverbe qui s’y frotte s’y pique est un qui s’applique à la perfection à Zoya, cette dernière ne reste pas sur cette dernière remarque pour fermer le clapet à la stagiaire « Et si ce que tu vois ne te plait pas, va donc pleurer dans les basques de quelqu’un d’autre. C’est pas mon problème. Tout comme tu peux aller voir tes vidéos YouTube si tu penses que c’est comme ça que tu vas apprendre le métier. T’iras juste pas plus loin qu’en restant avec moi aujourd’hui à me regarder prendre cette potiche en photo » Et de se retourner vers la fameuse potiche en question « No offense », nullement pensé, là encore prononcé juste par principe. La jeune femme retrouve le regard de Chelsea et lance « Je te montre la sortie ? Ou tu vas juste garder tes commentaires pour toi et me laisser terminer mon travail ? ».
L’étudiante en photographie n’avait pas montré son véritable visage dès ses premiers instants avec Zoya, durant lesquels elle avait joué de l’innocence qu’on lui prêtait naturellement grâce à son apparence. La plupart du temps elle détestait être perçue comme une gentille fille, bien plus jeune que son âge, elle gardait donc son visage le plus neutre possible pour casser cette image, mais elle avait su mettre cette facette de côté pour gagner ses bonnes grâces. La faveur qu’elle lui avait accordée en la choisissant, n’en était finalement pas une, puisqu’elle la considérait juste comme son ombre et rien d’autre. Chelsea détestait faire de la figuration, elle savait que son statut de stagiaire l’obligeait de garder cette position, mais c’était plus fort qu’elle, elle devait donner son opinion, quitte à froisser la photographe. La Cavanagh n’avait étonnamment jamais vexé sa patronne à la galerie d’art lorsqu’elle faisait des remarques, elle se disait donc presque naïvement que cela pourrait également passer ici, mais Zoya n’était pas Jenna, loin de là. La brune avait un égo démesuré par rapport à la rouquine, certainement parce qu’elle était une « artiste » alors que la Caldwell n’était qu’une exposante. Chelsea eut l’impression qu’elle devait presque lui baiser les pieds pour sa présence ici à ses côtés, elle apprit qu’elle avait quelque chose à gagner dans cette affaire. Pourquoi en était-elle étonnée ? Zoya n’avait rien d’une mère Teresa, même si elle passait son temps à photographier les autres, cela ne faisait pas d’elle une personne dénuée de la moindre misanthropie. La jeune femme ne lui avait pas laisser le temps de répliquer, préférant lui signifier à quel point un éventuel départ de sa part ne lui ferait rien, mis à part de la soulager. La mannequin en prit également pour son grade au passage, ce qui était loin de redorer l’image de la photographe, qui se croyait vraiment mieux que tout le monde.
Le silence momentané de la rouquine, laissa presque la brune penser qu’elle s’était résignée, mais Chelsea n’avait pas encore dit son dernier mot, elle essayait juste de réfléchir. Elle pesait le pour et le contre, la balance se pencha inexorablement du deuxième côté. L’étudiante en photographie se connaissait suffisamment, pour savoir qu’elle n’arriverait pas à supporter d’être traitée comme ça durant un stage tout entier. Elle se donnait déjà bien assez de mal pour ne pas insulter les clients de ses deux boulots et ses camarades de classe, si elle restait ici elle risquait juste l’ulcère. « Je ne vais pas me faire prier, je sais que je peux trouver un autre stage qui sera infiniment plus intéressant que celui-ci, mais surtout quelqu’un qui voudra bien m’enseigner quelque chose. Cette expérience aura au moins le mérite de m’avoir appris qu’il ne fallait pas choisir la facilité. » Se contenter de la première photographe qui passait à l’université, n’avait clairement pas été une idée de génie. Elle avait préféré préserver son énergie pour autre chose, une erreur qu’elle ne reproduirait pas de sitôt. « Au passage je travaille pour une galeriste qui reconnaît que j’ai de bonnes idées, donc je sais que je vaux quelque chose. » Zoya ne s’était probablement jamais penchée une seule minute sur son Instagram, pour voir de quoi elle était capable. Si elle croyait l’avoir atteint d’une quelconque façon avec ses remarques elle se trompait, sa confiance n’avait même pas été égratignée. Chelsea lança un regard compatissant à l’égard du modèle, avant de tourner talon. « Bye. » Elle aurait pu se contenter de partir sans ajouter un mot de plus, mais elle avait préféré l’insolence au doux mépris que l’ignorance dégageait.
Zoya a effectivement espoir que son discours a été suffisamment convaincant pour faire taire la rouquine. Et le silence qui s’ensuit lui confirme, lui permettant ainsi de se replonger dans son travail alors qu’à nouveau, les cliquetis de son appareil photo retentissent dans la pièce. « Je ne vais pas me faire prier, je sais que je peux trouver un autre stage qui sera infiniment plus intéressant que celui-ci, mais surtout quelqu’un qui voudra bien m’enseigner quelque chose. Cette expérience aura au moins le mérite de m’avoir appris qu’il ne fallait pas choisir la facilité. »raté Voilà que Chelsea reprend la parole et cela a le don d’exaspérer encore plus la photographe. Ne se taira-t-elle donc jamais ? « Bon courage pour ça ! » Ca, trouver un autre stage, quelqu’un qui accepte de l’avoir dans ses basques toute la journée. Elle sait ce qu’elle dit la Lewis, elle connait le milieu et sait aussi qu’il y a des personnes bien plus égocentrées qu’elle – bon et des personnes plus bienveillantes aussi, mais elle ne va pas s’auto-insulter. « Au passage je travaille pour une galeriste qui reconnaît que j’ai de bonnes idées, donc je sais que je vaux quelque chose. » « Elle doit seulement avoir pitié de toi ». Zoya et la maturité, Zoya et son incapacité à juste se taire - ou cesser avec sa mauvaise foi. Elle laisse la rouquine quitter la salle de shooting dans un « Bye. » presque théâtrale qui ne manque pas de faire pouffer de rire la Lewis avant qu’elle ne reprenne là où elle en était. Mais l’air désespéré de la mannequin, qui a assisté à la scène entre les deux photographes, n’échappe pas à Zoya qui ne manque pas de lui faire un commentaire, lui demandant si elle a une quelconque remarque à faire. Celle-ci tourne la tête de gauche à droite avant de reprendre la pose et le shooting peut se poursuivre dans une ambiance un peu plus sereine.
***
« James, je t’ai dit que je ne voulais personne avec moi » Il était averti mais le styliste n’en a que faire. Le comportement qu’a eu Zoya avec Chelsea est inacceptable. « Il l’est surtout parce que ça peut potentiellement TE faire de l’ombre ». Elle le sait, elle n’est pas stupide à ce point mais l’air accusateur et le regard noir du styliste la font taire aussitôt. Un soupir s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’elle écoute Weatherton lui faire la leçon de morale et, au bout du compte, il parvient à faire reconnaitre ses torts à la Lewis. Il est vrai que sa situation personnelle est venue interférer dans son travail et c’est une chose qu’il lui demande de ne plus faire à l’avenir. Tout comme il lui demande d’aller retrouver la rouquine, au moins pour s’excuser et au mieux, si elle l’accepte – Chelsea, pas Zoya, vous imaginez bien qu’il ne laisse pas le choix à cette dernière – de la reprendre en tant que stagiaire.
Quelques jours s’écoulent avant que Zoya ne tente de rentrer en contact avec la Cavanagh afin de prendre du recul et surtout de se rendre compte qu’elle a dépassé les bornes, surtout quand elle semble avoir oublier qu’elle aussi a été stagiaire et débutante comme Chelsea. Qu’elle aussi a connu des débuts loin d’être évident, où elle n’a pu laisser sa créativité pleinement s’exprimer et où elle a dû faire des choses qui ne lui ont pas toujours plus. Des expériences dont elle se souvient avec nostalgie, des expériences desquelles elle a aussi tiré des leçons. Et c’est peut-être cet aspect là de ses connaissances et de ses compétences que la Lewis devrait partager avec Chelsea. C’est peut-être cette bienveillance là qu’elle aurait dû utiliser avec elle lorsque la rouquine s’est permise les remarques qu’elle a pu faire durant le shooting, c’est peut-être ces arguments-là que Zoya aurait dû lui sortir au lieu de s’insurger contre elle. Alors, à défaut de parvenir à la contacter par téléphone – la Cavanagh l’a surement blacklisté – Zoya entreprend de se rendre dans la galerie d’art dans laquelle elle travaille. Elle l’a évoqué et cela lui a permis de la retrouver avec un peu plus de facilité. En pénétrant dans les lieux, la Lewis laisse son regard s’attarder sur quelques peintures et photographies qui sont exposées. L’atmosphère lui rappelle la galerie de sa mère et l’aide sûrement à se détendre davantage, quand c’est un milieu qu’elle affectionne tout particulièrement. Son regard s’attarde ensuite un peu plus longuement sur les personnes présentes, à la recherche d’une petite tête rouquine. Et lorsqu’elle a trouvé Charlie Chelsea, elle s’approche d’un pas lent vers elle, venant se poster à ses côtés alors que la jeune adulte semble en pleine admiration d’une photographie « C’est toi qui l’a prise ? » demande-t-elle alors doucement, un sourire au coin des lèvres. Zoya ne s’attend pas à un accueil chaleureux de la part de la rouquine et c’est pour cette raison qu’elle ajoute « Je ne suis pas venue pour remettre en question tes idées ou te dire que cette photo est nulle à chier Uhm, il y a meilleure entrée en la matière mais, passons Je suis venue pour m’excuser pour mon comportement de l’autre fois ». Et à l’air qu’elle adopte, Chelsea peut remarquer, si elle en fait l’effort, la sincérité de la photographe.
La photographe tirait à balles réelles et pourtant, celles-ci avaient tout l’air de balles à blanc puisqu’aucune d’entre elles n’atteignaient la rouquine, même pas la dernière. Chelsea inspirait généralement tout sauf de la pitié, elle ne croyait donc pas à un seul de ses mots. Elle savait qu’elle n’avait pas été la seule à postuler pour cette galerie d’art et que Jenna avait effectué un choix méticuleux, qui n’avait rien à voir avec leur couleur de cheveux commune, contrairement à ce que certains clients pouvaient sous-entendre. L’étudiante avait fait un départ presque sobre de la salle de shooting, puisqu’elle ne s’était pas retournée pour effectuer un vilain geste qu’elle aurait fait dans quasiment n’importe quel autre contexte. Avait-elle gagné en maturité ? Peut-être sensiblement, à moins qu’elle ne pensait qu’uniquement au fait qu’il ne faudrait pas partir dès le début avec une trop mauvaise réputation. Elle était presque persuadée que Zoya ne passerait pas à autre chose sans parler sur son dos, au moins quelques fois avant qu’elle ne sombre aux oubliettes dès que la brune aura de nouvelles contrariétés, ce qui ne tardera sans doute pas trop.
Elle avait été dans l’obligation de prévenir son professeur référent, qu’elle avait appelé peu de temps après avoir quitté les lieux, afin d’être la première à l’en informer. Chelsea voulait être celle qui délivrerait sa version le plus rapidement, mais il n’était pas dupe, il savait que la demoiselle n’était probablement pas blanche comme neige, sa personnalité abrasive ayant été remarquée plus d’une fois durant les cours. Il lui avait suggéré de retourner sur son lieu de stage et de faire la paix avec la photographe, ce qu’elle refusa instantanément en lui affirmant qu’elle trouverait autre chose sans problèmes. L’optimisme de la Cavanagh fut pourtant mis à rude épreuve, puisque personne ne pouvait la prendre comme stagiaire sur-le-champ, elle devait attendre au minimum une semaine ou deux, ce qui s’avérait plutôt embêtant. Chelsea se trouvait donc avec des journées globalement vides, qu’elle décida de combler en passant plus de temps que prévu à la galerie d’art. Elle profita d’une rotation des oeuvres exposées, pour demander à Jenna si une de ses photographies pouvait être mise en avant, un cliché plutôt personnel qui pouvait certainement se trouver une petite place sur l’un de ces grands murs. La demande de la jeune femme fut acceptée, un geste qui lui donna du baume au coeur.
Le jour J arriva rapidement, elle afficha sa photographie le lendemain. Elle resta plantée devant de longues minutes, savourant ce dernier moment de calme avant l’ouverture. Des inconnus allaient bientôt pouvoir déposer leurs yeux sur le visage de son grand-père Raghnall, qui avait tout l’air de se promener dans une forêt écossaise, parce qu’il portait un kilt. Elle était tombée sur cette tenue par le plus grand des hasards et lui avait demandé de la porter, pour la transporter ne serait-ce qu’un court instant sur sa terre d’origine. Chelsea l’avait suivi dans des bois proches de sa maison, avant de capturer le moment où il avait détourné son visage pour lui sourire tendrement. Elle s’éloigna ponctuellement de son oeuvre pour accueillir les premiers visiteurs et profita d’une accalmie pour s’arrêter de nouveau devant elle. Les lèvres de l’étudiante s’étirèrent, elle n’arrivait pas à croire qu’elle avait réussi à exposer l’homme le plus précieux de sa vie aussi jeune. Une expression qui s’effaça dès qu’elle entendit une voix féminine, dont elle reconnut aisément la propriétaire. Que faisait Zoya ici ? Chelsea se rappela qu’elle avait cherché plusieurs fois à la joindre, mais elle n’avait jamais daigné lui répondre une seule fois, sa rancune étant trop tenace pour qu’elle ne lui accorde ne serait-ce que cinq minutes de sa journée. Elle était à présent bien obligée de les lui concéder, maintenant qu’elle était passée de tutrice à potentielle cliente. Elle l’interrogea rapidement sur le cliché qu’elle examinait, avant de s’expliquer sur les raisons de sa venue.
La rousse était encore sceptique, jusqu’à ce qu’elle n’entende ses excuses. L’un de ses sourcils se haussa, quelqu’un lui avait-il mis le couteau sous la gorge pour qu’elle en arrive à là ? Elle se demanderait presque si sa tante Lucy n’était pas derrière tout cela. « On ne m’avait pas informé que les poules venaient d’avoir des dents ? » La demoiselle aurait pu se contenter d’accepter ses excuses, mais Chelsea ne serait plus Chelsea si elle allait directement au plus simple. « Elle est bien de moi sinon. » Si Zoya était suffisamment observatrice, elle pourrait voir que le bleu des yeux de cet homme étaient identiques à celui des prunelles de la rouquine. Essayer de la joindre en l’appelant était plutôt facile, elle s’était attendue à ce que son absence de réponse ne lui fasse baisser les bras. Cependant, la brune avait fait des efforts plus qu’inattendus, faire la démarche de la trouver et faire le déplacement jusqu’à son lieu de travail, tout ça pour une stagiaire démissionnaire démontraient une grande détermination et une véritable remise en question de sa part. « Je me suis peut-être trompée sur toi. » Qu’elle finit par admettre. « J’apprécie vraiment de recevoir tes excuses. » Elle était finalement capable d’avoir un comportement d’adulte, elle qui était son aînée de presque dix ans. « Surtout que je conçois que je n’ai pas un tempérament... facile à supporter. » On le lui avait suffisamment répété pour que cela ne rentre dans son crâne, mais elle n’avait pas apprit à s’excuser de façon plus directe pour autant, reconnaître qu’elle avait un mauvais caractère était déjà un exploit en soi.
Elles se ressemblent sûrement bien plus qu’elles ne voudraient le reconnaitre. Et c’est sûrement aussi pour cette raison qu’elles ne sont pas parvenues à s’entendre. Deux caractères similaires, surtout avec les leurs, ne peuvent faire que des étincelles. Mais au-delà du caractère, c’est leurs ambitions respectives qui s’entrechoquent. Celle d’une débutante qui veut faire ses preuves et pense avoir le droit de dire le fond de sa pensée face à une confirmée qui se pense au-dessus et ne veut rien entendre, car elle est bien loin d’être compréhensive alors qu’elle a connu ce même cas de figure. Bref, Chelsea et Zoya ont commis des erreurs, ont eu besoin d’un petit remontage de bretelles – en tout cas pour la Lewis – pour s’en rendre compte mais, quoi qu’il en soit, la brune et la rouquine se retrouvent aujourd’hui dans cette galerie d’art. Une rencontre initiée par la photographe qui a accepté de laisser sa fierté de côté et, surtout, qui a accepté de présenter ses excuses à la Cavanagh « On ne m’avait pas informé que les poules venaient d’avoir des dents ? » La remarque la fait pouffer légèrement, tant elle est méritée. Il est vrai que voir une Zoya qui insiste et vienne s’excuser en personne relève d’un miracle. Il est rare qu’elle reconnaisse ses torts aussi aisément, surtout quand il s’agit de quelqu’un pour qui elle n’a aucune attache en premier lieu. Après tout, Chelsea n’est qu’une stagiaire qu’elle a connu par le biais de son travail, loin d’être une quelconque amie ou membre de sa famille. Une preuve de maturité, dirons-nous… « Elle est bien de moi sinon. » Elle parle de la photographie qui se trouve devant elles et celle-ci attire tout particulièrement la curiosité de la Lewis. Un homme âgé, portant ce qui s’apparente à un kilt, dont le sourire est communicatif et réchauffe le cœur. Une visualisation qui la frappe alors que cet homme aux cheveux gris lui rappelle ce grand-père désormais disparu qui lui a communiqué cette passion pour la photographie. Celui à qui elle doit beaucoup, celui avec qui elle a passé une bonne partie de son enfance durant les weekends et jours fériés à arpenter les environs pour le regarder prendre des clichés plus beaux les uns que les autres. Cette nostalgie la gagne face à cette photographie qui dégage une émotion forte chez elle, une qu’elle n’avait pas ressenti depuis bien longtemps, observant avec un sourire similaire à l’homme photographié l’image dont ses yeux semblent incapable de se détacher « Je me suis peut-être trompée sur toi. » C’est Chelsea cependant qui la sort de sa rêverie, alors qu’un certain silence s’est immiscée entre elle face à la contemplation dans laquelle la photographe s’est laissée aller. « J’apprécie vraiment de recevoir tes excuses. » Zoya pivote son regard vers la rouquine, à qui elle offre un sourire reconnaissant. Elle est contente qu’elle accepte celles-ci et s’attendaient plutôt à devoir batailler ce qui ne fait que la réjouir davantage « Surtout que je conçois que je n’ai pas un tempérament... facile à supporter. » Et la remarque ne manque pas de la faire rire à nouveau alors que c’est son corps cette fois qu’elle pivote pour faire face à la Cavanagh « Je ne vais pas nier. Mais on ne peut pas dire que le mien soit mieux. Donc… » Donc, il faut reconnaitre qu’elles sont tout autant fautives l’une que l’autre. « J’ai été à ta place, tu sais. Je me sentais tout autant frustrée d’être utilisée uniquement en tant qu’assistante, bonne à installer et désinstaller le matériel. Bien des fois, j’ai dû collaborer avec des gens qui ne se souvenait même pas de mon nom et ne m’ont rien apporté. Mais, malgré ça… j’ai appris quand même ». Ou presque puisqu’elle réitère les erreurs de ces personnes qu’elle a haït profondément. Elle marque une pause avant de reprendre « J’ai eu tendance à oublier cette place que j’ai pu moi-même occupée. C’est pour cette raison que, si tu le veux, j’aimerai beaucoup que tu travailles à nouveau avec moi. Mais cette fois, je te promets de ne pas agir comme une vraie connasse » Appelons un chat, un chat, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres au même moment qu’elle use de ce qualificatif peu gratifiant pour elle-même. « Je te demanderai juste d’accepter aussi que tu ne feras pas toujours ce dont tu as envie. Que c’est ainsi mais que c’est aussi de la sorte que tu apprends ». Telles sont les conditions qu’elle souhaite lui rappeler si elle souhaite retravailler avec elle pour faire en sorte que les choses se déroulent mieux que la première fois. Zoya ne doute pas cependant que Chelsea aura certainement les siennes à poser mais elle est prête à les entendre aussi.
Lorsque la conversation à ce sujet est close, Zoya reporte son regard sur la photographie dont Chelsea est à l’origine « C’est ton grand-père ? ». Elle demande cela avec douceur et curiosité, souhaitant se pencher un peu plus sur le travail de la jeune femme, chose qu’elles n’ont jamais eu l’occasion de faire encore.
Un mois s’était écoulé depuis qu’elle avait commencé à travailler dans cette galerie d’art, un temps bien trop court pour que ses proches n’aient pu lui rendre visite dans celle-ci, ce qui rendait la présence de Zoya encore plus ironique. Qui aurait cru que la première personne à la voir dans ce rôle d’assistante serait quelqu’un qu’elle n’appréciait pas ? Certainement pas elle. L’étudiante en photographie était soulagée que son passage ce soit fait à un moment où Jenna était absente, parce qu’elle ne savait pas comment elle aurait réagi en la présence de sa tutrice déchue. Aurait-elle chercher à la surprotéger quitte à la mettre dans l’embarras ? Ou aurait-elle au contraire chercher à absolument les réconcilier ? Les deux options auraient été déplaisantes à ses yeux car elles étaient tout aussi infantilisantes l’une que l’autre. Chelsea aimait se débrouiller toute seule, elle allait donc faire face à la photographe, qui n’avait en fin compte pas de mauvaises intentions. Être perpétuellement en guerre contre elle ne lui servirait à rien, si ce n’était d’être déconseillée dans le milieu si la jeune femme tenait à cracher son venin sur elle. Elle avait plutôt bien réagi à ses premières paroles ou plutôt à son premier pic, qui serait peut-être unique si le reste de la conversation se passait sans encombres. L’étudiante en photographie ne s’attendait pas à ce qu’elle ne regarde son cliché avec autant d’attention, est-ce qu’elle l’appréciait ou est-ce qu’elle cherchait des éléments à critiquer dans celui-ci ? Elle n’allait certainement pas tarder à le découvrir, en attendant elles avaient une ardoise à remettre à zéro. La photographe était tout aussi lucide qu’elle sur son propre caractère, qu’elle ne jugeait pas mieux que le sien. Elle s’était remémorée qu’elle n’avait pas toujours été à la place qu’elle occupait actuellement, qu’elle avait aussi dû apprendre le métier. Zoya avait connu les mêmes désenchantements qu’elle et pourtant, cela ne l’avait pas empêché d’éviter de faire connaître les mêmes à la Cavanagh, la vie n’était-elle qu’un éternel recommencement ? Elle venait de lui confirmer ce proverbe en lui proposant de travailler de nouveau avec elle, à la différence que cette fois elle fera preuve de plus de délicatesse envers sa cadette.
La démarche de son ancienne tutrice paraissait sincère, mais elle eut tout de même un moment d’hésitation. Le côté rancunier de l’étudiante en photographie la poussait à en douter, tandis qu’une autre partie d’elle se disait qu’il s’agissait d’une deuxième chance. Zoya avait ajouté qu’elle ne ferait pas tout ce dont elle a envie malgré tout, Chelsea n’était pas rêveuse au point de le croire, mais elle avait tout de même des conditions à émettre, elle aussi. « Je pense que reprendre ce stage n’est pas une mauvaise idée, j’aimerais juste avoir l’assurance qu’il sera plus... un peu plus varié. » Elle ne voulait pas prendre le risque de s’ennuyer de nouveau. « J’ai des professeurs et des jurys à impressionner, je veux démontrer que j’ai appris des choses, que je me débrouille bien. » La concurrence était rude dans ce milieu, énormément de personnes rêvaient de pouvoir vivre de la photographie, mais seule une poignée parvenait à ce but. « Je me mets peut-être un peu trop de pression pour une stagiaire, mais j’ai vraiment envie de donner le meilleur de moi-même, même si cela ne s’est pas forcément vu. » Elle avait certes du mal à garder sa langue dans sa poche, mais si son expérience se rapprochait un peu plus de ce qu’elle attendait, elle serait prête à faire beaucoup plus d’efforts pour garder le fond de sa pensée pour elle. « Je te promettrais d’écouter sans sourciller si je vois autre chose que des mannequins sans âme, qui font toujours les mêmes poses devant un fond uni. » Chelsea n’avait jamais rêvé d’être photographe de mode, cela se ressentait dans ses propos. Elle n’avait rien contre James Weatherton, au contraire, elle avait même accepté de se retrouver dans sa maison de couture pour avoir un maximum d’expériences variées, hélas celle-ci lui avait confirmé qu’elle avait grandement besoin d’avoir un travail avec plus de sens.
La photographe se métamorphosa encore plus qu’à son arrivée, en la questionnant avec bienveillance sur la personne qui se trouvait sur sa photographie. « Oui, il s’appelle Raghnall. » Zoya allait certainement penser que ce prénom était tout aussi imprononçable que son nom de famille, mais elle jugeait que son prénom méritait d’être connu. « Je pensais qu’il serait le premier à me rendre visite ici. » Cette confession se fit tout naturellement, elle ne lui en voulait pas de lui avoir volé cette exclusivité. « Il est celui que j’ai le moins envie de décevoir. » L’étudiante en photographie savait qu’elle se serait faite sermonner, si elle lui avait raconté ce qu’il s’était passé avec sa tutrice, c’était bien pour cela qu’elle avait évité de lui parler de cette mésaventure. « J’aurais aimé qu’il soit exposé lui aussi, c’est lui qui m’a transmis sa passion pour la photographie. » Dit-elle avec un regard attendri. « Je pourrais peut-être faire honneur à ses clichés un jour, pour le moment je n’ai pas envie de trop en demander à ma patronne. » Elle avait déjà été bien gentille d’accéder à toutes ses demandes jusque-là, elle n’allait pas abuser de sa générosité.
CODAGE PAR AMATIS
Dernière édition par Chelsea Cavanagh le Mer 29 Mar 2023 - 14:47, édité 1 fois
« Je pense que reprendre ce stage n’est pas une mauvaise idée, j’aimerais juste avoir l’assurance qu’il sera plus... un peu plus varié. » Elle note la retenue Zoya et ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit gloussement, retenant un rire. Elle ne veut pas que Chelsea prenne ça pour une moquerie, une réaction négative à sa requête quand c’est tout le contraire en réalité « Ne t’en fais, ce sera un peu plus varié, promis ». Elle insiste sur certains mots volontairement, son sourire se voulant toutefois bienveillant pour la rouquine. Cela ne remet pas en cause son engagement, elle compte bien montrer à cette dernière un champ plus élargi des possibilités photographiques et ainsi la nourrir davantage en l’entraînant avec elle à d’autres photoshoots que ceux auxquels elle a assisté jusqu’à maintenant dans un simple studio photo « J’ai des professeurs et des jurys à impressionner, je veux démontrer que j’ai appris des choses, que je me débrouille bien. (…) Je me mets peut-être un peu trop de pression pour une stagiaire, mais j’ai vraiment envie de donner le meilleur de moi-même, même si cela ne s’est pas forcément vu. » Zoya ne peut s’empêcher de pencher la tête sur le côté, sûrement prête à acquiescer, mais elle se souvient qu’elle est là pour faire la paix avec Chelsea. Ca lui tient à cœur et d’autant plus en se retrouvant parfaitement dans la détermination dont la Cavanagh fait preuve « Crois-moi, c’est avec moi que tu fais équipe, ils vont être plus qu’impressionnés, je te le garantis ». Et si Chelsea aurait raison d’avoir des doutes du fait que, jusqu’alors, rien n’allait dans le bon sens, Zoya est pourtant plus que jamais déterminée à l’aider dans son projet. « Mais chill d’accord ? C’est pas en te mettant une pression monstre que tu vas y arriver ». Elle est plutôt zen, Zoya, bien sûr qu’elle a eu quelques crises d’angoisses en commençant, bien sûr qu’elle s’est – elle aussi – mise la pression à certains moments mais de manière raisonnée. Il faut dire que la photographe n’est pas connue pour son caractère stressé. « Je te promettrais d’écouter sans sourciller si je vois autre chose que des mannequins sans âme, qui font toujours les mêmes poses devant un fond uni. » Cette fois, Zoya ne retient pas son rire, celui-ci franc, résonnant au point que certaines personnes présentes dans la galerie se retournent vers elles – vous imaginez bien que la Lewis ne s’excuse nullement pour autant « Innover les pratiques de la maison est mon objectif » Et ça, James le sait déjà et bien qu’il lui fasse confiance, il est aussi en droit de craindre le meilleur… comme le pire.
L’instant suivant, l’échange devient plus sérieux. Zoya reporte son regard sur cette photographie réalisée par Chelsea, celle-ci reflétant le portrait d’un vieil homme, ravivant une certaine nostalgie pour Zoya « Oui, il s’appelle Raghnall. » Il s’agit bien du grand-père de la rouquine dont la brune en découvre l’identité. Elle acquiesce simplement d’un hochement de tête, sans quitter du regard le tableau. « Je pensais qu’il serait le premier à me rendre visite ici. » Zoya comprend que, contrairement à son grand-père, le sien est toujours vivant et elle l’envie. Elle aussi aimerait pouvoir montrer à son grand-père ce qu’elle a fait de cette passion qu’il lui a transmise, lui montrer tout ce qu’elle a accompli, tout comme elle souhaiterait pouvoir lui demander conseils quand les doutes s’immiscent dans son esprit « Il est celui que j’ai le moins envie de décevoir. » Zoya tourne doucement son regard vers elle, acquiesçant doucement « Je comprends. J’espère que le mien n’est pas déçu. Il m’a transmis cette passion pour la photo et je n’ai pas eu le temps de le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi ». Parce qu’ils en ont passé des heures et des heures à photographier tout ce que la Zoya capricieuse qu’elle était – et ok est toujours -, voulait. Son grand-père a surtout passé des heures à répondre à ses multiples questions et cela, toujours avec le sourire. L’émotion tend à la gagner face aux souvenirs qui remontent même si un sourire est flanqué sur ses lèvres. « J’aurais aimé qu’il soit exposé lui aussi, c’est lui qui m’a transmis sa passion pour la photographie. »Voilà qu’elles ont un point en commun de plus, non négligeable aux yeux de la Lewis « Je pourrais peut-être faire honneur à ses clichés un jour, pour le moment je n’ai pas envie de trop en demander à ma patronne. » « Tu devrais ! Le temps passe trop vite, on ne sait jamais de quoi demain est fait ». Là voilà philosophe tout à coup, elle se surprendrait presque elle-même. Pour autant, elle le pense sincèrement « Ce serait un bel hommage. Ma mère a aussi sa propre galerie en ville. Et pour l’inauguration, on avait exposé les clichés de mon grand-père. On aurait aimé qu’il voit ça. C’était une façon de lui rendre hommage ».
Entendre une promesse de la part de Zoya, était tout aussi inédit que de la voir totalement à l’écoute. L’environnement devait beaucoup jouer, ce qu’elle pouvait comprendre puisqu’elle avait elle-même une attitude assez différente lorsqu’elle se trouvait sur ses lieux de travail. Chelsea avait probablement oublié durant son stage qu’elle était loin d’être la seule chose à gérer pour la photographe, qu’elle n’aurait pas forcément réagi d’une meilleure façon à sa place. L’étudiante lui expliqua pour quelles raisons elle s’était comportée ainsi, des raisons qui n’avaient pas lieues d’être selon la Lewis, puisque le simple fait de collaborer avec elle devait déjà être impressionnant. La Cavanagh n’avait pourtant rien fait d’autre que d’être dans son ombre, qu’elle avait été lassée de suivre bêtement. Zoya lui demanda de se détendre, tout en lui tenant un discours bien différent de celui de sa mère, qui lui avait toujours inculqué que l’on travaillait mieux sous une certaine pression. Les disparités entre leurs trois générations devaient tenir une grande responsabilité, mais Chelsea voulait croire qu’elle pourrait mieux s’entendre avec une jeune femme comme elle qu’une tutrice qui était son aînée de vingt ou trente ans. « Il faut probablement que je me détache de ce que m’a appris ma mère. » Il n’était pas commun qu’elle admette que la façon de penser de Brianna avait déteint sur elle, mais elle était probablement aidée par le fait que Zoya ne lui transmettrait jamais cette information, puisqu’elle ne la connaissait pas et n’en verrait même pas l’intérêt. Chelsea décrocha involontairement un éclat de rire de la photographe, qui détourna l’attention des clients vers elles. Il était rare que le calme de cette galerie ne soit troublée, mais celle-ci n’ayant pas besoin d’avoir un silence de cathédrale en tous temps, elle préféra le voir de façon positive. Après tout elle venait d’admettre qu’elle était d’accord avec elle, cette maison de couture avait besoin de renouveau. « J’ai hâte de voir ça alors. » Commenta-t-elle, en croisant les bras dans son dos. Elle n’aurait jamais cru possible d’avoir hâte de travailler de nouveau avec elle, mais elle venait de lui prouver que tout n’était pas figé, pas même une relation qu’elle croyait destinée à rester tendue.
Le grand-père de Chelsea figurait parmi les personnes dont elle ne se lassait jamais de parler. Il était une figure de père, une source d’inspiration inépuisable. Elle était ravie qu’il soit le premier modèle qu’elle expose, il possédait un visage qui ne manquait pas de caractère, il était loin des physiques lisses que l’on voyait trop souvent partout. Il serait probablement étonné de se voir ici, parmi un amas d’oeuvres éclectique. Zoya lui confia que sa passion pour la photographie lui venait de son grand-père, Chelsea ne pensait pas partager un tel point commun avec elle. L’étudiante lui fit part l’un de ses désirs, qu’elle gardait pour elle pour le moment, ce qui n’était pas la plus sage des décisions à ses yeux. La Cavanagh n’avait pas vraiment conscience que le temps défilait à toute vitesse, elle avait souvent cette impression qu’elle avait toute la vie devant elle, ce qui était loin d’être le cas pour Raghnall. « En réalité je sais de quoi demain sera fait pour lui, mais... je préfère être dans le déni. » Elle préférait croire que sa mère arriverait à trouver le remède miracle, que toutes ces années passées à s’acharner dans son laboratoire et à la délaisser ne représenteront pas qu’un immense gâchis. Zoya avait souligné qu’il s’agirait d’un bel hommage pour lui, qu’elle avait manqué de montrer l’exposition qu’elle et sa mère avaient réussi à faire pour leur être cher. C’était ce qui allait lui arriver, si elle continuait de jouer la timide un peu trop longtemps avec Jenna. « Ça devait être une inauguration magnifique. » Zoya avait l’avantage d’avoir un lien de parenté avec la galeriste qui lui avait permis d’honorer son grand-père, mais elle devait s’empêcher de faire la comparaison pour ne pas se mettre en tête que cela serait une mission impossible pour elle. « Je vais essayer de lui rendre cet hommage l’année prochaine, pour son anniversaire. » Elle lui ferait probablement le plus beau des cadeaux si elle y parvenait, elle aurait de quoi être fière.