Channing & Caleb

as we fade in the dark

Il a tenté d'en finir et Channing n'a rien vu venir. Caleb est son meilleur ami, son confident, celui qui l'accompagne dans son quotidien depuis plusieurs années. Il est celui qu'il considère comme son frère, qu'il aime plus qu'il ne s'aime lui-même, et sûrement avait-il été naïf de penser le connaître. Plus idiot encore de se considérer assez proche de lui pour prendre conscience de son désespoir et de ses pensées noires, de penser être à même de l'aider. Il n'avait rien pu faire pour lui, et Caleb avait failli l'abandonner. et, peu importe que cela soit égoïste de sa part, Channing lui en avait brièvement voulu pour ça. L'espace de quelques misérables secondes, rien de trop profond ou sérieux, mais Channing lui en avait voulu. Richard l'avait déjà abandonné quelques années plus tôt, emporté par son cancer, laissant derrière lui trois enfants - ou deux, puisque Elijah l'avait déjà devancé en terme d'abandon, et le cadet avait senti ses jambes s'affaiblir sous son poids à l'annonce de la nouvelle. Il ne pouvait pas perdre les uns derrière les autres les piliers de sa vie. D'abord Elijah, ensuite Richard, et maintenant lui ? Caleb ne pouvait pas disparaître à son tour et attendre de lui qu'il se relève une nouvelle fois. Il avait besoin de lui, et Anderson allait devoir l'entendre. Il ne pouvait pas songer à partir sans l'entraîner avec lui dans sa chute, et utiliser cette carte ne poserait aucun soucis à l'héritier. S'ils devaient en arriver là, ainsi soit-il.

Il n'aime pas les hôpitaux et leur odeur d'antiseptique, les murs pâles qui les composent et le personnel en blouse blanche qui y circule. Il n'aime pas ces bâtiments dans lesquels la vie est donnée dans une pièce et reprise de l'autre, et ses derniers passages lui ont laissé bien assez de cicatrices sans qu'il ne soit particulièrement enjoué à l'idée d'y remettre les pieds. mais Caleb a besoin de lui. Il lui a demandé de passer, et sans grande surprise un psychologue aux cheveux gris et aux lunettes désabusement grandes l'a interpelé lorsqu'il s'est annoncé au bureau des entrées. L'homme l'a entraîné dans une pièce impersonnelle et l'a interrogé comme s'il était l'un de ses patients, exigeant de lui quelques renseignements - cherchant à savoir qui il était pour que son patient cherche à le rencontrer. et après, et seulement après qu'il ait visiblement réussi cet examen ridicule, il avait finalement pu rejoindre la chambre de celui dont il avait besoin de croiser les yeux. Ses phalanges l'avaient annoncé contre le bois de la porte et après une brève pause, il en avait poussé la paroi.

Il faisait froid à l'intérieur. Le soleil filtrait au travers de la fenêtre, donnant naissance à quelques reflets chauds sur les surfaces avec lesquelles il entrait en contact, et la température avoisinait les moyennes de l'hôpital. Mais il faisait terriblement froid, d'une manière qu'il ne savait décrire. L'atmosphère était tout à fait particulière, aussi étouffante que légère, et quelques secondes durant le grand brun garda le silence en refermant un peu davantage ses doigts sur l'extrémité du sachet cartonné qui trônait dans sa main libre. « Salut. » « Salut vieux. » Lui non plus ne souriait pas. Ils n'avaient aucune raison de le faire, et si Channing avait tendance à s'amuser de certaines situations pour les dédramatiser, celle-ci faisait clairement exception. Il referme la porte sur son passage et s'avance vers le lit après un regard autour de lui, non pas pour fuir celui de son ami mais pour mieux comprendre l'endroit dans lequel il passe le plus clair de son temps. « Merci d’être venu. » Ses yeux retrouvent les siens et ses lèvres se pincent entre elles. Il aurait préféré ne jamais avoir à venir, il aurait préféré que Caleb soit ailleurs que dans ce lit. Il aurait voulu qu'ils soient ailleurs, tous les deux. « Merci d'avoir dis à ton chien de garde me le laisser passer. » répond-t-il sur le même ton, attirant un tabouret à roulettes près du lit pour s'y asseoir. Son psy n'était pas un chien d'attaque trop impressionnant, certes, mais le genre de corniot bien assez hargneux avec de gros yeux globuleux dissuasifs. Distraitement, il dépose le sachet contenant quelques uns des cookies préférés du duo sur le lit, les ayant préparé en amont pour s'occuper l'esprit en songeant à cette visite. Ils en préparent ensemble, d'ordinaire. « J'ai pensé que ça te ferait plaisir - j'ai trop peur que tu prennes goût aux bouillies infâmes qu'ils te servent ici. » Il aimerait aborder le sujet, lui demander comment il va - ou à quel point il se sent misérable. Chan, il est prêt à entendre tout ce qu'il peut bien avoir à lui dire, il ne demande que ça, et pourtant il ignore comme le lui demander. Après tout, Caleb ne lui a rien dis avant de se retrouver là. et ça, venant de quelqu'un avec qui il partage ses plus grandes peines et ses secrets les plus profonds, c'est assez douloureux.

Il y a un silence à la suite de cela. Ses lèvres s'entrouvrent, mais rien n'en sort. C'est dur. C'est plus compliqué qu'il ne l'avait imaginé. Il ne veut pas l'attrister plus que de raison, pas non plus le faire se sentir coupable, mais pour autant Channing a besoin qu'il comprenne à quel point sa perte l'aurait dévasté. Il déglutit en refermant la bouche, se passant nerveusement la langue sur les lèvres, et inspire posément avant de planter ses billes brunes dans les siennes. Il aurait un milliard de choses à lui dire, et faire un choix n'a rien d'évident. « Dis moi quoi faire. » murmure-t-il d'une voix si basse que lui-même ne s'entend pas le demander. « Je ferais n'importe quoi pour toi Caleb, si seulement tu me disais quoi faire. » Nouvelle pause, et cette fois-ci son regard fuit une seconde le sien. et ce n'est plus pour regarder la chambre, mais bien parce qu'il est incapable de le regarder plus longtemps. « J'ai eu peur de te perdre, tellement peur. » Il le regarde à nouveau. « Tu n'as pas le droit de m'abandonner. et tant pis si c'est moche d'user de cette carte, mais tu n'as pas le droit de partir et de me laisser. Pas à ton tour. » alors laisse moi t'aider.

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« T’as vu mon psy ? » - « Tu n'as pas eu la moindre hésitation. » remarque-t-il avec un soupçon de malice face à la question qui n'en est pas vraiment une de son ami. La plaisanterie n'est pas amusante, mais Caleb a le mérite de comprendre immédiatement à qui il fait référence, et dans leur contexte cela est déjà une petite victoire. Pour chasser le moindre doute, le brun acquiesce toutefois, un bref sourire sur les lèvres - simplement représenté par un étirement sur le coin de sa bouche, puis attire un tabouret près du lit pour s'installer à ses côtés. « Il t’a dit quoi ? » Ses yeux croisent les siens et il parierait presque reconnaître de la curiosité dans son interrogation. Inconsciemment, l'héritier cherche à percevoir et interpréter les moindres signaux renvoyés par l'australien, préoccupé par son état et tenant à s'assurer que son séjour ici se déroule dans les meilleures conditions possibles - compte tenu des circonstances. Il veut être certain que le personnel soit compétent et ait la bonne approche. et, s'il venait à avoir le moindre doute, il n'hésiterait pas une seconde à faire part autour de lui. « Il m'a posé plusieurs questions, je pense qu'il voulait surtout s'assurer de ma bonne foi et ne pas laisser n'importe qui venir te rendre visite. » explique-t-il sur une note un peu plus sérieuse. Ils n'avaient pas tant parlé de Caleb à proprement parler mais davantage de leur lien, et c'était seulement après une batterie de questions que le médecin avait daigné lui parler de l'état de son patient. et c'était tout à son honneur en réalité, même si au premier abord le Walker avait surtout voulu en finir pour croiser le regard de son ami au plus vite. « C'est un bon chien de garde. » conclut-il sans se défaire de son sérieux même s'il est plus léger. Les cookies offerts en offrande sur le lit, il feint une inquiétude quant à ce que le chef étoilé se prenne d'affection pour les bouillies infâmes et les gelées fades qui lui sont servies, ce qui serait presque en mesure de l'inquiéter davantage que la raison première de sa présence ici. En deux gourmets qu'ils sont, Channing ne peut que compatir à la détresse des papilles de son ami, et a pensé qu'un peu de nourriture comestible lui mettrait du baume au coeur. « Merci. La nourriture est vraiment horrible ici, il faut pas t’étonner si tu entends que je mange pas beaucoup, c’est de leur faute pas la mienne. » Il se cherche des excuses mais l'héritier lui accorde celle-ci. Son regard dans le sien, il n'en demeure pas moins tout à fait spontané avec la proposition qui suit. « Ne me tente pas à jouer les UberEats Caleb, tu sais que j'en suis capable. » Il ne plaisante pas en disant être prêt à tout pour lui remonter le moral, et cuisiner une portion supplémentaire lorsqu'il prépare ses repas est loin de l'effrayer.

Il y a un silence à la suite de leurs légèretés, et à nouveau l'atmosphère de la pièce lui semble irrespirable. Il aurait pu le perdre, Caleb aurait pu les abandonner sa famille et lui, et ils n'auraient jamais pu reparler de cookies ou aborder ces sujets tous plus ordinaires les uns que les autres. Ils n'auraient jamais plus eu l'occasion de se retrouver autour des fourneaux, Channing n'aurait plus jamais senti ses bras s'enrouler autour de ses épaules, et les faits lui semblaient aussi inconcevables qu'irréalistes. et pourtant. Pourtant ils n'étaient pas passés loin, et le temps pour lui de percuter, son ami s'en serait allé en laissant un vide béant à la place qu'il occupait depuis si longtemps dans son quotidien. « Je suis désolé. » Il ne voulait pas qu'il le soit. Le faire culpabiliser était la dernière chose qu'il souhaitait. « Je voulais faire du mal à personne, tout ce que je voulais c’était arrêter de souffrir. » Sa gorge se noue à cela. « C'est moi qui suis désolé Caleb. » Il était courageux, plus courageux que lui ou que bon nombre de ses proches. Mais même les plus courageux avait des limites, et une fois celles-ci atteintes Caleb n'avait considéré aucune autre solution que celle d'en finir. et cette fatalité faisait saigner le coeur du brun. Il était celui désolé qu'il en soit arrivé là, seul, sans se considérer légitime de demander de l'aide. Sa mâchoire se contracte pour refouler l'humidité qui monte trop facilement à ses yeux, et Channing le laisse poursuivre. « Maintenant j’ai compris que c’était pas la chose à faire. Je ne sais pas combien de temps ça va me prendre mais j’ai vraiment envie d’aller mieux. » Ses paroles sont accueillies par un sourire, le plus transparent qu'il ait esquissé depuis son entrée dans la pièce, et il prend quelques secondes pour rassembler son courage et veiller à ce que sa voix soit sûre avant de reprendre la parole. « Je suis ravi de l'entendre. Tu iras mieux, peu importe le temps que ça va prendre, et je serais là à tes côtés si tu as besoin d'une épaule sur laquelle t'appuyer - si tu arrives à l'atteindre. » Le but n'est pas de les faire fondre en larmes l'un contre l'autre, c'est pourquoi il ponctue ses propos d'humour de ça et là, s'amusant de leur différence de taille entre autres excuses pour essayer de lui soutirer un pétillement dans le regard. Il n'est pas pressé et particulièrement patient Channing, et il patientera tout le temps nécessaire pour que Caleb aille mieux. « Si tu veux m’aider tu pourras venir me voir dès que tu en as envie, surtout si tu me ramènes de la nourriture. » - « L'Interlude n'a qu'à bien se tenir. » Son patron est probablement le seul dont l'héritier accepte les critiques quant à ses préparations - mais il est quasiment certain qu'il s'en abstiendra lorsque le Walker lui apportera de quoi se remplir l'estomac aussi souvent qu'il le lui demandera. « D'ailleurs ce cookie, meilleur que ta compote fade ? et tu sais que je suis sérieux quant à passer te déposer quelques cochonneries, aussi longtemps que tu voudras bien de moi ici. » Le St Vincent Hospital est sur sa route pour aller au quartier des affaires de Spring Hill, et cela ne lui prendrait que quelques minutes de déposer quelques gourmandises avant d'aller travailler au Walker Group. « À la longue, je suis certain que ton chien de garde me laissera passer sans en faire tout un cinéma. et ce serait bon pour ton moral. » et son estomac, mais le message est assez clair.

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« Oh je sais, oui. Mais tu feras attention aux quantités, je commence à peine à retrouver un peu d’appétit. » et à cela, son sourire s'égaye légèrement. Peu importe qu'il ait peu d'appétit - il en a. et c'est suffisant pour lui mettre du baume au coeur et lui prouver que les médecins disent vrai. Caleb est sur la bonne voie, et peu importe que cela prenne du temps, son meilleur ami ira. Channing est particulièrement patient, et est prêt à l'être autant qu'il le faudra pour le brun. Un signe de tête accentué d'un clin d'oeil, le pari est pris : il lui apportera des gourmandises en petites portions lors de ses visites, et la routine fera très certainement du bien à la paire. Au quotidien, Caleb est l'un des rares à pouvoir se vanter de le surpasser en cuisine, mais pour cette fois-ci le chef étoilé devra se contenter d'un rang un cran en dessous du sien - pas que Channing soit ridicule, mais presque en comparaison même si le Anderson l'assurerait du contraire. La gastronomie, les deux amis se sont souvent retrouvés autour, et l'idée de jouer de cette carte pour paver le chemin vers la guérison lui plaît plus qu'il n'y paraît. Les bons souvenirs, les points en commun et les habitudes ne peuvent qu'être d'une aide précieuse face à ce qui les attend. Ils continuent d'échanger à un rythme léger, allant à celui que l'émotion menace et à qui Channing laisse tout le temps du temps pour trouver les mots et ravaler ses larmes. Il pourrait fondre en sanglots qu'aucune honte ou malaise ne s'installerait, tout comme il respecte qu'il ne le souhaite pas. « Pourquoi est-ce que tout le monde se montre aussi gentil avec moi alors que tout est de ma faute ? » Sa gorge se noue à cela, même si son visage demeure courageusement impassible - si ce n'est bousculé par le bref émoi qui passe au travers de ses yeux. Il se sent coupable, évidemment, et illégitime de ce soutien - mais l'héritier ne peut le laisser se persuader de cela. « Tu es trop dur avec toi-même, Caleb. » murmure-t-il à voix basse, le ton réduit à un murmure. « et nous le savons. » Raison pour laquelle ses proches l'entourent et l'attendent, prêts à le soutenir dès lors qu'il sera prêt. Ce qui s'est passé est un accident, et qu'il soit considéré responsable selon le code de la route soit une chose. Mais sa conscience n'a pas à en souffrir autant, et Victoria serait la première à vouloir le voir aller. et s'il est trop tôt pour que Channing lui tienne ce discours, il n'en pense pas moins. « Tu pourrais aller donner des conseils aux cuisiniers de l’hôpital. Il y a quelques jours ils ont essayé de nous faire des cookies en dessert, une catastrophe. » Toutefois, un certain sourire reprend sur ses traits à la pensée de voir son ami face à une galette trop sèche et infecte pour porter le nom de cookie. Pour un gourmet, il n'y a sûrement pas pire punition que celle de devoir se contenter de la nourriture fade et industrielle proposée par les services d'un établissement tel qu'un hôpital. mais pour pouvoir se plaindre du goût de la pâte, Caleb l'avait goûtée - et c'est ce qui fait sourire l'héritier au-delà de la plainte en elle-même. « Là ton chien de garde va vouloir me mordre. » plaisante-t-il avec un air complice, pas certain que celui qui monte la garde là dehors soit trop enjoué à l'idée de lui indiquer la direction des cuisines - pas que Channing ne le serait davantage à l'idée d'aller se plaindre auprès d'employés faisant avec les moyens du bord et sûrement toute la bonne volonté du monde pour satisfaire les patients. « Tu seras toujours le bienvenu, je lui dirai. » et à la façon dont il débarrasse ses mains des miettes de chocolat, le Walker se moque de savoir s'il dit cela pour sa présence ou celle de son sachet cartonné - même s'il a une petite idée, et qu'il accueille ses paroles de l'air doux qui ne quitte pas ses traits.

« Si la prochaine fois tu pourras m’emmener un rasoir, parce que là ça devient vraiment ridicule. » Sa bouche se froisse en une moue et ses épaules se haussent un peu alors que ses yeux ondulent sur sa barbe et l'air qu'elle lui donne. « C'est pas ridicule. J'irais même jusqu'à dire que ça te va bien - même si ça mériterait un petit coup de taille. Mais je ferais mon nécessaire pour apporter de quoi t'alléger de tout ça, pas de souci. » Peut-être pas un rasoir, mais une tondeuse ne devrait pas poser de problème. et, contre toute attente alors que le brun est prêt à le relancer sur un sujet, une proposition inattendue résonne entre les murs pâles de la chambre. « Les infirmières me disaient qu’il y a un petit parc dans l’hôpital qui est sympa, apparemment. On peut sortir un peu prendre l’air si tu veux ? » Machinalement, ses sourcils se haussent un peu sous la surprise - certes très agréable. Il ne pensait pas qu'il se sentirait prêt à sortir d'ici, et est particulièrement flatté qu'il fasse cet effort et ait envie d'aller prendre un peu le soleil en sa compagnie. « Avec plaisir, viens. » Channing se lève dans un sourire authentique, réserve les cookies restants de côté, puis se reporte sur son ami avec un air un peu idiot en désignant la porte avec plus d'entrain qu'il n'en faut. Mais il est heureux, réellement, de le retrouver un peu. Quelques minutes plus tard, le duo sort tranquillement de la chambre et prend la direction du parc en question, naviguant dans les couloirs de l'hôpital. Ils s'arrêtent à une machine à café sur le chemin, puis atteignent finalement l'équivalent d'une cour intérieure d'une taille tout à fait correcte - même grande, et surtout insoupçonnée. Le soleil filtre à l'intérieur et l'ambiance change drastiquement avec un peu de verdure et de chaleur naturelle. « Oh d'ailleurs, j'ai bien failli adopter un chat il y a deux jours. » confie-t-il entre deux échanges, après une petite pause. Il prend une gorgée de son café, repensant à la boule de poils sans trop se l'expliquer, et poursuit d'un air léger. « Il dormait devant ma porte quand je suis rentré du boulot, seul et tout sale. J'ai réussi à l'attraper et même à le laver - avec une seule griffure, il a eu peur quand j'ai fais tomber la bouteille de shampoing. » Une erreur de débutant pour un félin pourtant particulièrement coopératif. « Je l'ai cajolé toute la nuit, j'étais prêt à mettre son nom sur le certificat de propriété de mon appart - et quand je l'ai emmené au vétérinaire le lendemain, la nana m'a annoncé qu'il était porté disparu depuis deux jours. et même si les gamins et les parents qui sont venus le chercher étaient fous de joie, j'ai jamais été aussi déçu de rendre des gens heureux. » D'un air ronchon, son regard retrouve le sien. « Un peu plus et tu devenais tonton. Je suis sûr que tu l’aurais adoré. » ajoute-t-il avec une moue déconfite, avant de sourire un peu. « et je suis même certain que j'aurais pu le glisser sous ma veste et venir te voir avec. »

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Channing & Caleb

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Il sait que sa bienveillance est difficile à entendre. Il se doute aussi que Caleb ne pense nullement en être légitime, et pourtant Channing veille à la lui faire entendre. Il y a toujours un responsable et une victime, quotidiennement, à chaque instant. À chaque décision, à chaque parole, à chaque réflexion. Un choix, qui départage le bien et le mal présumés. Il y a des erreurs, des réussites, des maladresses et des coups de chance. et parfois, de la chance, on en manque. Il a fallu une victime et un responsable de cet accident, et Caleb en endosse l'étiquette la plus difficile - parce qu'il est celui encore vivant, parce qu'il se serait volontiers sacrifié pour être le martyr plutôt que le bourreau. Mais personne ne lui a demandé son avis au brun en arrachant la vie à sa fiancée et en la lui laissant à lui alors qu'il n'en voulait plus sans elle. Malgré cela, l'héritier a bon espoir que le goût lui revienne, que son meilleur ami redresse progressivement la tête et aille de l'avant - peu importe ce qui le motivera à le faire. Peu importe qu'il le fasse pour Victoria, pour lui-même ou pour quelqu'un d'autre. Tout ce qui lui importe à Channing est de l'aider à avancer. « On s’en fiche de ce qu’il pense, non ? Et puis si je lui dis que c’est pour le bien de ses patients il sera sûrement ravi. » Ses lèvres se plissent en une moue appréciative, et il acquiesce avec un léger sourire. S'il est prêt à faire la sourde oreille aux protestations de son médecin, c'est déjà une bonne chose - dans ce cas de figure-ci en tout cas. et si Caleb refuse de le voir, ce petit moment constitue déjà une victoire - c'est bon signe de vouloir déroger à une règle pour s'accorder un petit moment de mieux. « On s'en fiche complètement. » répète-t-il avec un air complice, le même qu'il aurait affiché à ses belles années de fac en gratifiant un camarade d'un clin d'oeil entendu pour sécher les cours.

Il y a un petit moment de pause, un durant lequel Channing complimente assez platoniquement la barbe de son ami - il ne cherche pas à lui faire apprécier, ni à l'en dégoûter davantage. Il statue simplement sa préférence sans optique de débat, et accorde à celui qui la porte le désir de vouloir s'en séparer. « Je ne sais pas si ça lui aurait plu. » Son regard attrape le sien à la dérobée, et l'héritier s'interrompt brièvement. Est-ce que la jeune femme aurait apprécié ce look sur sa personne ? Il n'en sait rien, ils n'en savent rien. Pendant plusieurs secondes, son attention glisse sur ses traits, et il profite de le voir réfléchir pour en faire de même. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cela, Channing sait que Caleb n'en attend même pas une. Mais la seule certitude qu'à le Walker est celle dont il s'apprête à lui faire part, le ton inhabituellement bas et prudent. « Je ne la connaissais pas beaucoup - et je suis loin de comprendre les femmes, encore moins quand elles sont amoureuses. » précise-t-il, faisant un écho éphémère à une plaisanterie. Mais son ton conserve une résonnance sérieuse et douce. « Mais je pense qu'elle aurait aimé ce look si tu avais voulu l'essayer. » Pas l'inverse, cependant. Victoria, elle l'aimait beaucoup. Elle l'aimait, était bienveillante à son égard, et Channing aurait été prêt à parié qu'elle se serait plu à le voir sous cet angle - mais si, et seulement si, Caleb l'avait décidé. Ce qui n'était pas le cas présentement. Cette barbe, ce n'est pas Caleb qui se l'était approprié - mais l'inverse. C'est elle qui avait profité du laisser aller de son propriétaire pour prendre ses aises et rendre les traits de sa mâchoire moins nets, plus sauvages et irréguliers. et ça, cette négligence et cet abattement, le brun doute que la demoiselle se serait plu à le voir s'opérer. Mais ce n'était que son avis, une déduction que lui aussi partageait au delà du rendu visuel de la transformation physique - son ami est bel homme, et qu'il soit rasé de près ou non, Caleb n'en demeure pas moins beau garçon. Mais les perceptions sont différentes avec les mises en contexte. Finalement, la paire ne s'attarde pas davantage dans cette chambre et ils sortent quelques minutes plus tard, partant à la conquête d'un peu d'air frais. Un café dans la main, Channing brise gentiment le silence qui s'installe entre eux, et prend le pari de soutirer un sourire à celui qui l'accompagne en mentionnant sa rencontre féline de l'autre soir. Une pointe de regret et une plus grande de tendresse, il décrit les faits avec précision et termine l'histoire sur une note douce amère. « Tu devrais adopter un chat, je lui donnerais tout l’amour du monde. » Ses yeux trouvent les siens et il sourit. Il devrait, oui, sûrement. Mais Channing a trop peur de ne pas être assez présent pour l'animal, et redoute cette responsabilité de ne plus être là un beau jour et de laisser à son sort le félin - bien que Lexie le recueillerait sans doute, si Caleb ne le faisait pas avant. « J'aimerais beaucoup, j'avoue. » reconnait-il avec un air un peu rêveur. « Tu as pris une photo de lui ? » Il acquiesce plus vivement à cela, et sort son cellulaire pour montrer les quelques clichés réalisés cette nuit là. Un premier, de l'animal enroulé dans une serviette après son bain, le cliché centré sur la tête encore humide blottie dans la microfibre. Un second, du félin roulé en boule contre l'épaule de Channing alors qu'ils sont installés dans son lit, et un dernier un peu flou où un petit bout de langue rose lèche le nez d'un héritier hilare sous le contact aussi mignon qu'il est râpeux. « J'aurais été prêt à me rendre voleur pour ce bonhomme. » avoue-t-il avec un sourire coupable sur les lèvres en regardant les photos. « Ils devraient avoir un chat ici, je suis sûr que ça pourrait aider certains patients. » - « J'ai entendu parler de quelque chose de très sérieux à ce sujet - la ronronthérapie ? » mentionne-t-il avec un air aussi sérieux qu'agréable à l'idée. Pour avoir pu y goûter lors de cette séance câlins avec le chaton, l'héritier est facilement convaincu par ses bienfaits. Le téléphone glissé à contre coeur dans sa poche, le duo continue sa marche au moment où Caleb semble s'alléger d'un poids considérable à en juger par le soupir qu'il échappe. « Je peux te poser une question ? » Un frisson dégringole sur ses bras et il tourne la tête vers lui, l'encourageant d'un signe à s'exécuter. « Dis moi. » - « Il t’a fallu combien de temps après…le décès de ton père pour réussir à revivre normalement ? » Elle tombe sans prévenir cette question. et pourtant, elle fait sens, Channing doit bien le reconnaître. Une seconde durant, il sonde les yeux chocolat de son ami sans répondre, puis se reporte devant lui en continuant vaillamment d'aligner ses pas les uns devant les autres. Richard est un sujet sensible - par la peine qu'il fait renaître dans son coeur, par les souvenirs douloureux que sa simple mention fait se rejouer dans sa tête. Ils en ont rarement parlé avec Caleb, même si l'héritier n'a que peu de secrets pour son chef cuisinier préféré. Ce n'est pas qu'il ne veut pas en parler - quoique. mais la vulnérabilité que son père fait naître chez lui est tout à fait unique en son genre. « je ne sais pas si je vais réussir à vivre sans elle. » Il l'entend renifler et sa main effleure son bras, assez longtemps pour lui faire prendre conscience de sa présence mais pas assez pour l'émouvoir. Il ne veut pas le faire pleurer s'il ne le souhaite pas, tout comme il séchera ses larmes sans hésiter si Caleb venait à se laisser submerger. « Je me suis posé la même question. » Channing avait beau eu avoir conscience que Richard partirait avant lui, cela ne l'avait pas aidé à ménager sa peine. Un sourire sans fond étire ses lèvres, et il se focalise sur un point invisible au loin en continuant d'avancer. « Comme toi, j'étais pas prêt le jour où ça s'est produit. On ne peut pas se préparer à ça. » avoue-t-il, l'image de son père passant brièvement devant ses yeux - aussi nette qu'au premier jour. Posément, mais profondément, Channing fait se remplir ses poumons d'air. « Il y a un avant et un après, Caleb. Tu ne reprendras jamais ta vie d'avant - pas celle à laquelle tu penses. » confesse-t-il en retrouvant son regard, un air un peu désolé voilant chastement ses iris noisette. Caleb, il ne veut pas le bercer d'illusions - sa vie d'avant l'accident ne lui reviendra pas. Il va en reprendre une, mais elle sera différente, et il cauchemardera peut-être dans vingt ans de ce qui s'est passé ce soir là. « Ce n'est pas quelque chose qu'on oublie. C'est une pilule dure à avaler, un souvenir qui marque au fer rouge. Mais ce n'est pas la fin pour autant, et tu vas t'en rendre progressivement compte. » poursuit-il toujours sur un ton doux mais empreint d'une étrange vulnérabilité. « Tu n'es sûrement pas prêt à l'entendre, ou tu ne le crois pas et tu te dis que je suis simplement gentil de te dire ça. Mais tu iras, ça va aller, et tu vas remonter la pente même si c'est difficile à croire. » lui assure-t-il en serrant une seconde son bras, le laissant l'instant suivant retomber le long de son corps. « Je ne te laisserais pas baisser les bras. » murmure-t-il en détournant le regard, l'affirmation n'attendant pas de réponse.

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Channing & Caleb

as we fade in the dark

« On ne le saura jamais, de toute façon. » Ils n'en sauront jamais rien et devront se contenter de leur imaginaire. Mais Channing se refuse à croire que Victoria, amourachée de Caleb comme elle l'était, se serait déplu à voir ce changement s'opérer sur son mari. et il devrait en faire autant. Le brun ne s'attarde pas davantage sur le sujet, les laissant tout deux à leurs pensées, trop conscient que les questions se bousculent après la perte d'un proche. Lui le premier en nourrissait toujours à l'égard de son père, celui dont le cancer avait été caché à la fratrie et au monde entier, uniquement pour laisser un vide béant lors de son départ et des interrogations à en perdre la raison. Pourquoi ne leur avait-il pas dit, pourquoi - même s'il l'ignore présentement, avait-il forcé Elijah à garder le silence et avait-il trompé Mary en engendrant un fils illégitime - des pourquoi, il y en avait trop pour les compter. et malheureusement, son meilleur ami allait devoir vivre avec ceux que la perte de sa femme suscitait en lui, et ce sans que rien ni personne ne puisse apaiser ses maux. Si ce n'est le temps, si ce n'est quelques bières en trop grande quantité, si ce n'est la vie. La paire continue de marcher dans un silence solennel, leurs pensées bien assez bruyantes, et ce jusqu'à ce que quelques photos d'un chaton roulé en boule sur le torse de l'héritier refasse naître un semblant d'espoir. Un maigre sourire s'arrache sur les lippes de son ami, et ils s'attardent sur les clichés comme deux enfants devant un marchand de glaces. Leurs yeux brillent, ils ont un air brièvement idiot, et cela semble suffire l'espace d'une seconde à rendre le moment plus doux. « Il est adorable.» - « Je trouve aussi. » souffle-t-il assez pudiquement, comme s'il avouait un délit. La mention de la ronronthérapie poursuit leur échange, et Channing hausse les épaules dans une moue à la remarque de son meilleur ami. « Ça ne s’appelle pas vraiment comme ça, si ? » En réalité, il l'ignore. Il a déjà lu le terme, l'a vu passer sur les réseaux et l'a peut-être même déjà entendu, mais le Walker n'a pas poussé ses recherches jusqu'à connaître jusqu'à la présence du mot dans un quelconque dictionnaire. « Je ne sais pas, mais l'idée me plaît bien en tout cas. J'ai pas vraiment cherché à la contrer. » et là est sûrement toute la raison de son ignorance.

Cependant, la légèreté procurée par la vue de l'adorable boule de poils ne tarde pas à s'estomper au bénéfice d'une conversation plus sérieuse, et Channing se laisse absorber par le silence quelques instants. Il est plus doué pour soutenir les autres que pour parler de lui, mais comprend que la situation de Caleb fasse en quelque sorte écho à la sienne. Un être cher perdu tragiquement, sans aucune préparation, et une incertitude cruelle quant à la manière dont gérer la douleur. Malheureusement, Channing n'a pas de remède à lui partager, simplement des bribes de son passé et de sa propre peine qui la hante toujours dans ses mauvais jours. « Merci. Je sais que c’est pas facile pour toi de parler de tout ça… » Ses yeux trouvent les siens et sa bouche esquisse une légère courbe. Ce n'est pas facile, mais il est son meilleur ami. Il tient à lui plus qu'à beaucoup d'autres personnes, et Caleb réclame son aide - et jamais il ne la lui refusera, sous aucun prétexte. « Je ne sais pas si tu vas pouvoir comprendre ça ou pas mais… (...) j’ai l’impression qu’il y a une petite partie de moi qui est morte avec elle. Un peu comme si on me l’avait arrachée ce soir-là et qu’elle l’a gardé avec elle. Et je sais que je ne pourrais jamais la récupérer. » Son coeur se tord aux paroles du brun qui se passe nerveusement une main dans les cheveux. Ce sentiment, il le connaît - il l'a vécu. L'impression de vide, le coeur déchiré, l'incompréhension et la douleur. et il est sincèrement désolé de savoir qu'il hante à présent le chef cuisinier. « Si, je comprends - vraiment. » Il ne la retrouvera jamais et devra apprendre à continuer sans, et le savoir est déjà un point positif dans tous ceux plus sombres qui le tourmentent à l'heure actuelle. Le savoir ne signifie pas être prêt, mais c'est un début. « Merci vraiment d’être ici mec. Tu peux pas savoir à quel point c’est important pour moi. » Leurs yeux se retrouvent et son sourire se fait plus authentique face aux yeux chocolat de l'autre. Caleb est heureux qu'il soit à ses côtés, et Channing est heureux que lui soit là tout court. « Toujours. » murmure-t-il avec une douceur inhabituelle. « Et je suis vraiment désolé pour ce que j’ai fait. » Il secoue la tête à cela, son regard toujours dans le sien, l'envie d'une étreinte lui brûlant les bras mais les forçant à rester le long de son corps. « Tu n'as pas à l'être. » précise-t-il avec sérieux, l'invitant d'un signe de tête à reprendre leur marche par la suite, les deux bruns continuant de prendre le soleil un bon moment, discutant de choses et d'autres pour alléger leurs coeurs.

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