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C’était fou comment une simple nouvelle pouvait vous faire changer d’avis et de façon de voir les choses. C’était impressionnant comment un simple facteur extérieur pouvait faire trembler toutes ces choses en lesquelles vous croyiez pourtant avec fermeté et sans une once d’hésitation. Ruben était connu pour ne céder à la panique dans aucune situation, pour être maitre de ses émotions et maitriser ses réactions comme pas deux. Il savait faire la part de choses, savait adapter son comportement au contexte qui lui faisait face - et c’était d’ailleurs en se basant sur cette façon de fonctionner qu’il était devenu meilleur chirurgien. Certains de ses collègues plus âgés le prenaient en exemple pour les génération futur, et il mettait un point d’honneur à redoubler d’efforts pour que leurs dires soient en adéquation avec sa façon qu’il avait de présenter. Ben était donc habitué à composer avec des variables imprévues, à ajuster sa façon de voir les choses et ses actions en découlant naturellement.

Alors pourquoi, lorsque Mavis lui avait annoncé avoir vu le nom de son frère apparaitre sur la liste des admissions aux urgences de l’hôpital, il avait commencé à perdre son sang-froid ? Pourquoi avait-il ressenti ce vent de panique l’envahir comme il ne connaissait que trop bien malheureusement, alors qu’il était parfaitement capable d’ordinaire de ne pas laisser ses émotions prendre le dessus ? Ce n’était pas la première fois que Rhett faisait un tour par les boxes d’en bas. Ce n’était également pas la première fois que Ruben était obligé de lever les yeux au ciel lorsqu’il apprenait ce genre de choses. Pas qu’il s’inquiétait pour son aîné, non; plutôt que de le savoir empiéter sur son territoire n’était jamais bon signe et ne faisait que lui apporter des misères par la suite. La dernière fois que Garrett avait été obligé d’effectuer un séjour prolongé entre les murs de l’hôpital, la carrière de son petit frère avait failli être avortée dans l’oeuf - et ce n’était pas quelque-chose que ce dernier était prêt à voir arriver de nouveau. Il travaillait trop dur, se démener bien trop de toutes ses forces pour voir son nom être trainé dans la boue par un autre que lui, par quelqu’un de sa propre famille qui n’avait comme centre d’intérêt que son propre nombril et ce qui naviguait autour. Non, bien sur, ce n’était pas parce-qu’il était inquiet pour Rhett qu’il accélérait les pas dans les couloirs, qu’il appuyait frénétiquement sur le bouton de l’ascenseur pour finalement dévaler les escaliers quatre à quatre parce-qu’il n’avait pas que ça à faire d’attendre que la machine daigne le récupérer à son étage. Ce n’était pas parce-qu’il était inquiet pour le frère qu’il lui restait qu’il marmonnait dans sa moustache de trois jours qu’il n’avait guère pris le temps de raser, qu’il l’avait déjà insulté de toutes les noms en silence dans son esprit et qu’il avait l’impression d’arriver à bout de souffler à l’étage des urgences du St Vincent. Ce n’était parce-qu’il s’inquiétait pour son homonyme qu’il sentait son sang faire un tour, et puis deux et trois trop rapidement lorsqu’il poussa les portes du service, le regard hagard et les pensées dans tous les sens - alors pourquoi tout dans son comportement portait effectivement à croire que c’était le cas ?

« Box D. Il va bien Ben. » Il savait parfaitement à qui appartenait cette voix puisqu’il connaissait toutes les personnes qui travaillaient au sein des urgences; s’il y avait bien une chose sur laquelle il avait toujours mis un point d’honneur c’était d’au moins être apte à reconnaître voix, visages et noms de ceux avec qui il partageait une bonne partie de ses journées. Mais ce n’était pas aujourd’hui qu’il avait malheureusement le temps de s’arrêter pour tailler une bavette avec cette personne - il n’avait de toutes façons sciemment que retenu l’endroit où il se trouvait, là où son inconscient avait tout de même enregistré quelque-part l’information que son frère allait bien. Il serait bien moins en forme une fois qu’il l’aurait retrouvé. « Si t’es déjà mort Garrett, je te préviens: je te réanime pour t’achever moi-même. » Ruben avait commencé sa phrase avant même d’avoir ouvert la porte du box dans lequel avait été admis son aîné - il n’avait qu’à écouter ce qu’il se passait en dehors de cette dernière pour faire en sorte de répondre correctement et avec le comportement adapté, en l’occurrence être tout à fait au clair avec le fait que son petit frère était bien remonté contre lui. « Ruben… » - « S’il te plait, Victoria. » L’infirmière qui était encore dans le box le fixait d’un regard noir, ayant bien compris que si le docteur Hartfield était descendu jusque là ce n’était pas pour leur partager son expertise. Il n’y avait qu’à laisser son regard se plonger un instant de plus dans celui de Ben pour comprendre qu’il était vraiment énervé et que pour une fois, il mettait de côté les formalités; ce n’était pas lui, c’était la partie irritée par l’autre idiot allongé sur le brancard à leurs côtés qui réagissait de façon primitive en cet instant. Après une hésitation et une soupire qui lui parut encore plus long, Victoria sortit de la pièce. « Si son rythme cardiaque devient plat, je saurais que c’est à cause de toi. » Il ne l’écoutait déjà plus, son regard désormais focalisé sur Garrett face à lui. Ben était à deux doigts de prendre l’oreiller pour l’étouffer afin de s’octroyer quelques minutes de paix - chose qu’il n’avait pas eu depuis que Rhett était revenu d’Europe et qu’il avait décidé de semer le trouble au sein de la famille Hartfield. « T’as fait quoi, cette fois, hein ? » Comme si c’était lui l’ainé et que le petit dernier méritait qu’on lui passe un savon; il croisait ses bras déjà sur sa poitrine, ne faisait même pas mine de vérifier la moindre constante ou quoi que ce soit qui pourrait lier sa présence en ces lieux à une excuse potable: il n’en avait rien à faire aujourd’hui si son patron le regardait avec des interrogations dans le fond des yeux, puisque Ruben avait plus à perdre à ne pas prendre les devants à confronter de suite son frère qu’à attendre sagement d’observer les conséquences de ses idioties.

Il est muet comme une tombe, Rhett. Moins conciliant que jamais, il ne fait même pas la moindre blague face à Victoria, sûrement parce qu’il a encore la bouche pâteuse et son corps qui lui fait mal, l’adrénaline ne faisant plus vraiment son effet et les anti-douleurs étant très largement proscrits dans son cas. « Si t’es déjà mort Garrett, je te préviens: je te réanime pour t’achever moi-même. » Il sourit un peu plus encore, ne sachant trop s’il imagine la voix de son frère ou s’il est bel et bien descendu de son piedéstal pour venir terminer de le tuer par lui-même. Le visage de son cadet dénotant soudainement du décor du lieu lui fait comprendre que la seconde hypothèse est véridique. De son côté, il ne pense pas un seul instant que cela ait quoi que ce soit d’une bonne nouvelle pour sa personne. « Ruben… » - « S’il te plait, Victoria. » Victoria n’a sûrement aucune envie de se retrouver au milieu d’une dispute fraternelle, et même dans sa condition Rhett ne peut lui en vouloir. Il connaît Ruben, il connaît son caractère ; même dans son état, il saura y faire face, elle n’a pas à s’en faire. Il échange un regard entendu avec elle, pour une fois bien plus doux que celui de son petit-frère. « Si son rythme cardiaque devient plat, je saurais que c’est à cause de toi. » Définitivement peu en contrôle de son corps, Rhett hoche gravement la tête tout en retrouvant pour la première fois le regard de son frère, un immense eh oui qui se veut un pied de nez au caractère impossible du second Hartfield. Il ne s’inquiète pas pour son frère, il vient seulement s’assurer que s’il meurt, ce soit uniquement de sa main, parce qu’il le supporte depuis plus de trente ans et qu’il devrait tout de même en avoir le droit.

« T’as fait quoi, cette fois, hein ? »
“J’ai frappé un de tes collègues.”

Ce n’est pas ce qu’il veut savoir, ce n’est pas non plus ce qui l’a conduit à l’hôpital. Mais c’est ce que Rhett dit quand même, un sourire en coin, les yeux brièvement fermés. Il se sent plus faible que jamais et n’arrive même pas à s’en rendre compte, lui qui parle avec un débit d’une lenteur absolue. La seule chose qui ne change pas, c’est son arrogance. “Et un autre gars. Et le garde du corps d’Evie, je crois.” Il compte sur ses doigts, comme s’il avait besoin d’un appui visuel pour se souvenir des dernières heures. Il subsiste de nombreux trous, mais la plupart le sont parce que Rhett ne veut simplement pas s’en souvenir. On le traite comme un enfant qui s’apprête à leur claquer entre les doigts à tout instant, et il est évident qu’il déteste ça. “Tu peux me dire tout ce que t’as sur le coeur, ils m’ont sédaté. Je t’en mettrai pas une.” Bien qu’il en crève déjà d’envie, lui et ses phalanges abîmées et ses points de suture fraîchement réalisés contre le flanc. Il n’a pas fier allure, il en est conscient, mais face à Ruben c’est bien le cadet de ses soucis. Il l’a observé au plus mal, cela ne peut pas être pire. Ce n’est qu’une virée à l’hôpital et d’ici demain, tout sera oublié.

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« J’ai frappé un de tes collègues. » Vous savez le pire dans toute cette affaire ? Il n’y avait pas la moindre trace d’étonnement accrochée sur le visage de Ruben à entendre ces mots sortir de la bouche de son frère. Pas même un léger haussement de sourcil qui aurait pu trahir le passage de cette émotion dans son corps. Rien. Parce-qu’il en soit venu à porter des coups à autrui n’était pas un comportement surprenant de la part de l’ainé Hartfield; déjà lorsqu’il était petit, il avait été difficile de canaliser toute cette énergie qui se manifestait dans un si petit corps. Ce n’était donc que de la résignation et de l’exaspération qui pouvaient être perçus dans la lueur du regard de Ben. Ca, en parallèle de la colère qui alimentait ses veines par cargaisons depuis qu’il avait appris que Garrett était encore aux urgences. « Et un autre gars. Et le garde du corps d’Evie, je crois. » Il se permit de carrément lever les yeux au ciel en cet instant. « Et je suis sur que t’es fier de toi en plus ? » Il n’était ni tenable, ni sortable. Pire que lorsqu’il était gamin, finalement. Quarante ans et pas capable de se tenir en société. Et après il s’étonnait encore de pourquoi Ruben était le préféré des parents ? Sérieusement ? « Tu peux me dire tout ce que t’as sur le coeur, ils m’ont sédaté. Je t’en mettrai pas une. » - « Pardon ? »

Il y avait mille et une phrase que Rhett aurait pu dire, qui n’aurait pas provoqué la moindre réaction chez son petit frère - à quelques unes près, allons nous dire. Il y avait bien des remarques dont il ne se souciait guère, cependant lorsque cela relevait de l’état de santé de son ainé il était on ne pouvait plus attentif aux informations transmises. Et apprendre que ses collègues avaient sédaté, comme il le disait, Rhett n’était pas quelque-chose qui avait vocation à le faire rire. « Ils ont fait quoi ? » Et s’il n’avait pas daigné jeter le moindre coup d’oeil à son dossier avant de se pointer comme une fleur dans le box où il avait été admis, il allait s’y pencher un brin davantage désormais. Parce-que quelle personne saine d’esprit, diplômée en sciences médicales comme se devaient de l’être les professionnels exerçant à ses côtés, serait assez idiote pour sédater un toxicomane accro aux anti-douleurs et tout ce qui pouvait s’y apparenter ? Attrapant la tablette qui avait été laissée de côté par Victoria, Ruben ne cessait de secouer sa tête de gauche à droite au fil des lignes qu’il pouvait déchiffrer. Oh les cons pouvait servir de sous-titre pour cette situation précise. « C’est pas possible. » Il grognait entre ses dents, désormais. « Ils savent pas lire un dossier ou… » Son regard se stabilisa sur un endroit de l’écran, quelques secondes, avant de se détourner lentement jusqu’au visage de Rhett, toujours allongé dans le lit.

Il allait lui refaire le portrait. « Dis moi, Rhett… » Ce n’était pas bon signe quand il l’appelait Garrett, mais dans cette situation là c’était encore moins satisfaisant qu’il ose le Rhett. « T’aurais pas oublié de leur mentionner un léger détail par hasard ? » Il posa la tablette sur la table, avant de poser ses mains un instant sur son visage. Il le pensait pas très malin, mais il s’avérait finalement peut-être être plus futé que prévu. « Comme, par exemple, de leur mentionner comment t’es addict aux antidouleurs ? Vraiment, par hasard. » Si la tournure des phrases de Ruben était portée sur l’humour et le sarcasme, lorsqu’il reposa son regard pourtant clair d’ordinaire sur le visage de son aîné, il semblait que ce dernier pouvait lancer des éclairs. Parce-que s’il avait effectivement oublié de leur mentionner ce détail, ils étaient en train de fournir un toxicomane d’une dose d’une substance qui lui ferait forcément que du bien. Oh, Ruben ne s’inquiétait pas pour son frère non: ce dernier savait apparemment parfaitement prendre soin de lui lorsque la situation pouvait tourner à son avantage, il irait bien trop loin dans la vie - et surtout, il arriverait à trouver les parades pour que cette dernière ne s’achève pas trop rapidement, apparemment, ou pas à cause de ce qu’il pouvait imposer à son corps en matière de composés chimiques.

« Et je suis sur que t’es fier de toi en plus ? »
“Pour le gars en question, ouais. Ton collègue, un peu moins. Et Avery, il s’en remettra.”

Ruben ne souhaitait pas réellement savoir tout ça (ni quoi que ce soit), mais Rhett lui déballe toute l’histoire sans même y penser à deux fois, ne serait-ce parce qu’il en a envie et qu’il n’a aucune intention de savoir ce dont son frère a envie, lui, en retour. Il s’empêche de travailler pour lui rendre visite, ce qui l’énerve sans doute bien plus que le fait que Rhett soit encore à l’hôpital. Il ne dit rien à ce propos, l’aîné, mais cela ne l’empêche pas de savoir. Il sait très bien ce qui se passe dans l’esprit étriqué de son petit frère ambitieux et malheureusement talentueux. « Pardon ? » Il le connaît, oui, mais il n’avait pas anticipé que le fait d’avoir été sédaté le rende soudainement furieux.

« Ils ont fait quoi ? » Tu as très bien entendu est ce que le silence de son aîné tente de lui dire, sans rajouter une touche de pression supplémentaire. Il a très bien entendu, et il n’y a rien à en dire de plus, parce que la raison derrière cette sédation ne fait aucun doute: il était parfaitement incontrôlable, voilà tout. Evie éloignée de lui, il n’avait plus aucune once de raison de se tenir et, effectivement, il ne l’a pas fait. « C’est pas possible. Ils savent pas lire un dossier ou… » Eux peut-être pas mais Ruben, lui, semble lui accorder une attention sans pareil, le genre dont toutes les filles de son université aurait tué pour avoir de sa part. Pourtant, adressé à Rhett, ce regard n’évoque certainement pas autant de passion, que ce soit d’un côté ou de l’autre. Au contraire, il y lit bien plus de l’exaspération plutôt que tout autre chose. « Dis moi, Rhett… T’aurais pas oublié de leur mentionner un léger détail par hasard ? Comme, par exemple, de leur mentionner comment t’es addict aux antidouleurs ? Vraiment, par hasard. » Le sourire de Rhett grandit alors qu’il s’enfonce un peu plus confortablement dans son oreiller, tout en fermant les yeux un instant. “Oh, ce détail là.” Et c’est sûrement la première fois de toute son existence qu’il ne s’insurge pas face à quelqu’un qui ose dire de lui qu’il est un addict ou un drogué - ce qui se veut synonyme, soyons honnêtes. “Ils ont pas demandé.” Et lui, il a eu besoin d’une dose de cheval pour se calmer, ce qui n’a pourtant pas attiré la curiosité ou le soupçon du personnel hospitalier outre mesure. Ruben triche: il est au courant de ces informations uniquement parce qu’il est de la famille. S’il ne l’avait pas été, alors il serait tombé dans le piège, comme tout le monde. Son aîné a beau le fusiller du regard, il lui en faudra bien plus pour flancher à sa vue.

“Détends toi petit frère, c’est pas grand chose.” Aucune drogue. Enfin, il pense. L’hôpital ne lui en donnerait pas volontairement, et il sait au moins que l’Oxycodone n’est pas délivré au premier venu, et qu’il ne risque donc pas de s’en voir administrer de trop. Ils lui ont fait une prise de sang, ou quelque chose, pour vérifier ce que contient son organisme. Il ne s’en souvient pas exactement, le sédatif marchant particulièrement bien dans les premières minutes, mais il sait que quelqu’un lui en a parlé. “Ils savent que si on me retrouve mort, ça sera juste parce que t’as pas su garder ton calme, et rien d’autre.” Il ose en sourire, il ose s’en vanter. Il n’a plus aucune sorte de barrière, maintenant ; encore moins qu’à son habitude. “Parce que t’es pas venu pour vérifier si j’allais bien, t’es venu pour me faire la morale et t’assurer que mon nom cesse d’être associé au tien, pas vrai ?” Dans le langage de Ruben, c’est sûrement la meilleure façon pour lui de montrer qu’il se soucie du sort des autres, mais force est de constater que Rhett refuse encore de le lire de cette façon.

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« Pour le gars en question, ouais. Ton collègue, un peu moins. Et Avery, il s’en remettra. » - « Bordel, Garrett. » Traduction: il était on ne pouvait plus fier de lui, et rien que pour cette information là Ruben avait envie de lui passer un savon. Il n’était pas supposé être prédisposé à ce type de comportement, et pourtant c’était celui qu’il appliquait le plus souvent auprès de son ainé il avait l’impression. Au moins, de son côté Jackson avait toujours su être responsable, pour lui et pour les autres. Rhett était l’exact opposé aux yeux de Ben.

Et cela se confirma par la suite des explications de son ainé quant à ce qu’il s’était passé. De tous  les Hartfield, finalement, c’était celui allongé sur ce brancard qui se montrait le moins adapté à la vie d’adulte - qui aurait pu le croire, lui qui savait parfaitement donner au change et dégainer son plus beau sourire lorsque ce dernier était nécessaire. « Oh, ce détail là. » Le mot détail n’avait décidément pas la même saveur prononcé par Garrett qu’il pouvait avoir en l’étant par Ruben. Ce dernier l’utilisait de façon sarcastique, là où son aîné l’utilisait au sens propre du terme. La mâchoire de Ben se resserra légèrement. « Ils ont pas demandé. » Si face à lui, il avait fermé les yeux pour s’enfoncer un brin davantage confortablement dans l’oreiller, le cadet imitait le geste pour se frotter les yeux et soupirer longuement. Oui, bien sur, qu'il était idiot: si ses collègues ne demandaient pas, bien sur qu’il n’allait pas dire de lui-même qu’il n’était pas l’homme dont tout le monde se faisait une image parfaite. « A croire que t’en as rien à faire de rester en vie c’est incroyable. » L’organisme de Rhett fonctionnait différemment, à être en permanence sous l’emprise de drogues qui n’étaient pas sur sa liste de consommable de l’hôpital. Ruben n’était pas tout à fait au courant de ce que prenait au long court son ainé, mais il savait que c’était assez dangereux pour être de notoriété publique.

« Détends toi petit frère, c’est pas grand chose. » Il écarquilla quelque peu les yeux. « Me détendre ? » Il eut un petit rire sarcastique, assez bas pour ne pas être entendu de l’autre côté de la porte du box - il était quasiment sur que des oreilles indiscrètes se trouvaient derrière cette dernière, prêtes à colporter n’importe quelle information qui pourrait être croustillante à apprendre. « Ils savent que si on me retrouve mort, ça sera juste parce que t’as pas su garder ton calme, et rien d’autre. » Secouant sa tête, son regard accrocha de nouveau celui de son frère. « Et ça te fait rire, toi ? » Bien sur que cela l’amusait: ce n’était pas là simplement l’effet des sédatifs qui lui avaient été administrés. Rhett était sincèrement amusé par cette situation et son comportement, là où Ruben avait l’impression de voir mille et un efforts de tous les côtés s’effondrer. « Parce que t’es pas venu pour vérifier si j’allais bien, t’es venu pour me faire la morale et t’assurer que mon nom cesse d’être associé au tien, pas vrai ? » Si le visage du cadet portait quelques traces d’amusement, ces dernières minutes - bien que ce dernier ne soit rien d’autre que faussé et forcé -, elles avaient foutu le camp plus rapidement qu’il ne fallait pour s’en rendre compte désormais. Il allait réellement finir par perdre son calme, et pourtant ce n’était pas dans ses habitudes. Rares étaient les fois où Ruben s’énervait en y mettant tout son coeur, sachant pertinemment que ce n’était ni bon pour la santé ni pour l’image, et toutes ces fois étaient surement à cause et face à Rhett.

Alors, posant avec des gestes exagérément lents la tablette sur la table de nuit du box, il croisa les bras sur son torse - au moins, il ne serait pas tenté de les allonger pour étrangler son frère. « Tu peux pas t’imaginer à quel point je rame moi derrière, à chaque fois que tu passes par ici. » Si Garrett ne niait pas être un toxicomane, qu’importe si c’était du aux médicaments ou à une volonté propre d’être pour une fois honnête avec son petit frère, alors Ruben jouerait les mêmes cartes que lui: la sincérité. « Toi, ça t’amuse et ça te fait de la publicité - j’ai jamais compris comment c’était possible, d’ailleurs, mais passons. » Les autres ne voyaient-ils pas à quel point il se comportait de façon novice pour sa santé ? « Alors oui, je viens m’assurer que tu vas pas m’enfoncer la tête sous l’eau davantage. Ca te pose problème ? Ou tu veux en discuter ? » Pas qu’il avait réellement que ça à faire, mais passons: c’était un détail présentement. « Ils vont finir par s’apercevoir que quelque-chose tourne pas rond chez toi, tu sais. Et à ce moment là, je vais être pointé du doigt et traité comme un paria parce-que j’aurais rien dit. Erreur professionnelle. » Il ne commettait pas d’erreurs, Ruben Hartfield. « Tu comptes les prévenir, Garrett, pour de vrai ou est-ce que tu vas t’installer encore plus confortablement dans déni ? » Il eut un petit rire, un peu malgré lui. « Parce-que t’as beau critiquer à tout bout de champ ma situation personnelle, faut croire que j’ai juste pris exemple sur mon ainé au final. »

« A croire que t’en as rien à faire de rester en vie c’est incroyable. » Le sourire de Rhett s’amoindrit, parce que ces mots prennent une signification différente dans son esprit qu’elles n’en ont dans celui de son frère. Il ne sait rien, Ruben, il est un enfant qui joue à l’adulte, mais tout ce qu’il sait faire, c’est étudier. Il n’a pas de vie personnelle, il gratte des instruments pour se donner bon genre, il se fiançaille parce que ça lui donne les airs d’un homme accompli. Mais il ne fait jamais plus. Il se contente d’accumuler les illusions, et il faut croire que le monde entier croit à sa mascarade. Mais pas Rhett. Certainement pas Rhett. “Tu vas me casser les couilles même sur un brancard ?” Rhett a beau être outré, cela n’en reste pas moins la vérité: oui, bien sûr que son frère lui tient une leçon de morale à l’hôpital, parce que c’est au moins un endroit d’où il sait que Rhett ne peut réchapper.

« Me détendre ? Et ça te fait rire, toi ? » Il faut bien qu’il trouve de quoi en rire de son côté, parce que son frère ne semble pas prêt de faire la moindre blague ce soir, de toute évidence. Rhett aurait haussé les épaules, s’il n’était pas allongé au fond d’un foutu lit. Pour l’heure encore, il se contente d’esquisser un sourire en coin, son recul sur la situation existant uniquement grâce aux anti-douleurs qui lui ont été donnés, même s’ils ont une bien moins forte portée que ce qu’ils devraient. Et de toute évidence, ce n’est pas dû à un défaut dans les mélanges chimiques, mais bien dans le petit corps abîmé de l’ancien sportif. « Tu peux pas t’imaginer à quel point je rame moi derrière, à chaque fois que tu passes par ici. » Pauvre, pauvre petit Ruben. « Toi, ça t’amuse et ça te fait de la publicité - j’ai jamais compris comment c’était possible, d’ailleurs, mais passons. » - “Tu crois que je demande à ce qu’on ajoute “allez lire ma biographie !” sur mon dossier dès que je me retrouve ici ou quoi ?” Cela ne lui apporte rien, absolument rien sauf une putain de perte de temps. Rhett ne se rend pas à l’hôpital par amour pour les odeurs nauséabondes de mort et d’antiseptique, il faut être sacrément fou (entendre: médecin) pour apprécier l’idée. Il se rend à l’hôpital parce qu’il n’a pas le choix, et souvent parce qu’on le traîne par la peau des fesses, mais jamais il ne pense à Ruben, jamais non plus il ne pense à l’image que cela pourrait donner de lui. Tout simplement parce que c’est toujours le cadet de ses préoccupations sur l’instant, et ce peu importe ce qu’en pense son paranoïaque de petit frère. « Alors oui, je viens m’assurer que tu vas pas m’enfoncer la tête sous l’eau davantage. Ca te pose problème ? Ou tu veux en discuter ? » Il devrait s’estimer chanceux que son aîné soit sous le coup des médicaments et rendu aussi docile qu’un chiot, au moins par les gestes, parce qu’il aurait été le dernier que l’idée de se battre avec un médecin au sein même de l’hôpital aurait dérangé - et ce même si le médecin est son propre frère. Là, au moins, Ruben aurait eu une raison de geindre. “Ca ne tourne pas autour de toi. Ma vie ne tourne pas autour de toi, et encore moins mes actions. Tu te fous la tête sous l’eau tout seul.” S’il ne courait pas d’un bout à l’autre de l’hôpital à chaque fois que Rhett y est admis, sans doute que ses collègues auraient mis le coup du Hartfield sur le fait que leur nom de famille ne soit pas vraiment insolite ou méconnu. « Ils vont finir par s’apercevoir que quelque-chose tourne pas rond chez toi, tu sais. Et à ce moment là, je vais être pointé du doigt et traité comme un paria parce-que j’aurais rien dit. Erreur professionnelle. » Et à nouveau, Rhett sourit, juste avant d’en rire. “Ils sont simplement stupides de pas s’en être rendus compte avant.” Les médecins, la police, Dieu sait qui encore. Il n’a rien d’un baron de la drogue, tout aussi peu de quoi que ce soit de discret. C’est un miracle qu’il n’ait pas encore été pris la main dans le sac, mais au moins, pour une fois, Ruben a raison: le moment venu, cela lui fera une bonne pub. Parce que le moment venu, ce sera celui de la sortie de sa biographie.

« Tu comptes les prévenir, Garrett, pour de vrai ou est-ce que tu vas t’installer encore plus confortablement dans déni ? Parce-que t’as beau critiquer à tout bout de champ ma situation personnelle, faut croire que j’ai juste pris exemple sur mon ainé au final. » Il est à peu près certain qu’une addiction due à un accident n’a rien de comparable au naufrage de son pseudo couple, mais passons. “Je leur dirai pas. Je me tirerai pas une balle dans le pied.” Parce que s’ils l’apprennent, le bruit va commencer à courir, et il va se propager à la vitesse de la lumière. Autrement dit, Rhett ne peut pas se le permettre, et Ruben n’a pas intérêt de dire que son avis vaut mieux que le sien. “Dis leur de me faire mes foutus points et je pourrai repartir.” Il n’a même pas cherché à savoir si son frère allait bien. Il s’est occupé de l’accuser pour la raison même de son arrivée à l’hôpital mais du reste, rien. Comme d’habitude. “J’ai croisé la route du gars qui avait agressé Evelyn. Et je lui ai fait regretté d’être venu au monde.” Il annonce enfin à son frère, plus sérieux que jamais, ses pupilles à la taille approximative rivées dans les siennes. Il ne regrette pas son geste, il regrette tout aussi peu de s’être pris un coup à son tour. Maintenant, cet homme souffre sûrement d’un comossion et de fractures, et il devrait s’estimer heureux que Avery s’est interposé pour que Rhett ne le tue pas.

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« Tu vas me casser les couilles même sur un brancard ? » - « Si c’est pas moi qui le fait, alors qui ? » Comme s’il y avait absolument besoin que quelqu’un le fasse, alors qu’il n’en était rien en réalité. Aux yeux de Ruben, Rhett avait besoin qu’on lui remonte les bretelles - ce n’était pas cette partie là qui n’était en rien justifiée à ses yeux. Simplement, peut-être qu’il aurait pu ne pas le faire alors que son frère était admis aux urgences et qu’il existait peut-être un autre problème que son addiction. Il ne voyait plus que ça, lorsqu’il posait son regard sur son aîné, dont les traits auraient du être bien plus tirés si ce n’était pas pour les traitements qui passaient dans ses veines. Il ne les méritait pas, il n’aurait pas du avoir accès à la moindre substance qui s’approchait, de près ou de loin, d’une de celles qui savait parfaitement lui faire tourner la tête. « T’aurais beau être à l’article de la mort que je continuerai de te casser les couilles, Garrett, qu’on soit clairs là dessus. » Il était venu passer une de ses mains sur sa nuque, soufflant un brin trop fort surement. Qu’importe les situations, si l’occasion se présentait, c’était exactement de cette sorte qu’il se comporterait Ben; qu’en déplaise à sa majesté coincé sur un brancard.

Parce-que au delà de l’état de santé de son frère, ce n’était pas que ça qui était en jeu, à chaque fois que Hartfield désormais premier de la descendance passait la porte des urgences. Mavis avait prévenu Ben: les journalistes étaient partout, tentant d’obtenir la moindre information au sujet de la superstar faisant un détour par son service préféré. Ce qui voulait dire qu’assez rapidement, au moins leur soeur serait au courant - ce type de nouvelle faisait vite le tour des réseaux sociaux. Et s’il y avait du grabuge aux urgences, cela voulait dire que les employés de l’hôpital allaient se montrer curieux, allaient vite apprendre que c’était de nouveau le frère de Ruben qui était admis et viendraient voir ce dernier en demandant s’il y était pour quelque-chose cette fois ci - non, ils n’avaient absolument aucune délicatesse étal plupart se contentaient de suivre le mouvement des plus anciens. Et c’était à partir de ce moment là que les frasques de Rhett devenaient bien plus larges que simplement sa petite personne. Et c’était ça dont il ne se rendait pas compte: s’il avait besoin de publicité pour sa propre personne, il existait mille et une façons de le faire sans faire chuter d’autres personnes dans sa lancée. « Tu crois que je demande à ce qu’on ajoute “allez lire ma biographie !” sur mon dossier dès que je me retrouve ici ou quoi ? » Un petit rire sarcastique siffla entre les dents de Ben. « Franchement ? Je serais même pas étonné. » Il avait toujours aimé ça, être adoré du public et se retrouver dans la lumière. « Ca ne tourne pas autour de toi. Ma vie ne tourne pas autour de toi, et encore moins mes actions. Tu te fous la tête sous l’eau tout seul. » Il secoua une fois la tête de gauche à droite, faisant quelques pas sur le coté du brancard pour se retrouver non plus face à Garrett, mais à côté de lui. « Elle ne tourne pas autour de la mienne mais si tu pouvais faire en sorte qu’elles n’interfèrent pas comme ça, ce serait vraiment gentil de ta part merci. » Parce-qu’il avait beau le nier, les conséquences existaient bien et derrière, Ruben ne mentait pas: ces dernières lui retombaient dessus alors qu’il n’avait rien demandé et n’avait en rien besoin de tout ça. Il avait travaillé dur et honnêtement pour sa carrière - qu’importe la façon dont il se comportait dans sa vie privée, cette partie là était au moins vraie. Il était hors de question que son frère soit celui qui viennent mettre le feu aux poudres qu’il avait lui-même dissimuler sous le nez des médecins au fil des années.

Surtout que cela le faisait rire, de surcroit - il allait peut-être finalement réellement l’étouffer avec son oreiller. « Ils sont simplement stupides de pas s’en être rendus compte avant. » Le cadet leva les yeux au ciel; il méritait des claques. « Je leur dirai pas. Je me tirerai pas une balle dans le pied. » Une partie de Ben était en réalité soulagée d’une telle réponse: cela voulait dire que les médecins ne chercheraient pas à mettre leur nez dans des affaires qui ne concernaient que les deux frères Hartfield et personne d’autre, à savoir la raison pour laquelle lui n’avait jamais rien dit à ses confrères sur les conditions de santé réelles de son ainé - mais ce n’était pas la partie qu’il écoutait, donc cela n’importait pas en cet instant. « Dis leur de me faire mes foutus points et je pourrai repartir. » - « Je leur dirai rien du tout, tu te débrouilles comme un grand si tu veux repartir plus vite. » Il haussa un sourcil dans la direction de Rhett, avec comme un air de défi sur le visage. Oserait-il faire de nouveau un scandale, afin de rentrer plus rapidement chez lui ? Ou allait-il prendre l’option sage et patienter dans ce box que l’équipe des urgences fasse son travail ?

« J’ai croisé la route du gars qui avait agressé Evelyn. Et je lui ai fait regretté d’être venu au monde. » Le ton qu’avait pris la voix de Rhett pour ces paroles là était bien plus sérieux, bien plus terre à terre malgré la dose de cheval de médicaments qu’il avait dans le sang. Si jusque là, il s’était contenté soit de se moquer de Ben, soit de râler, là il engageait une véritable conversation. Une trop grande partie du cadet avait envie de l’envoyer paitre pour tant de raisons qu’il n’osait même pas faire la liste dans son esprit. Il se contenta de lever les yeux au ciel. « Et tu pouvais pas te contenter d’appeler les flics pour qu’ils fassent leur boulot, plutôt que de faire justice par toi-même ? » Il défendait sa petite-amie, c’était un bon gars, il était bien brave; simplement il n’était pas dans l’un de ces comics où les gens faisaient leur propre justice, il existait un système en place à respecter. Ruben ne savait pas exactement à quoi il faisait référence en cet instant, en parlant de l’agression d’Evelyn - la seule image qu’il avait en tête, c’était de la première fois qu’il avait croisé la fille Pearson chez son frère et où elle avait prétendu être tombée; Ben avait fait lui semblant d’y croire, mais peut-être désormais que les deux événements étaient reliés sous ses yeux. « Ca partait peut-être d’une bonne intention, mais c’était complètement idiot de ta part. » Finalement, sortant sa petite lampe torche de sa poche et sans prévenir son ainé, Ben la passa devant ses yeux afin de tester la réactivité cérébrale et voir si les drogues faisaient effets autant qu’elles auraient du ou s’ils se tenaient tous dans la zone de sécurité. Il semblerait qu’ils soient sauvés pou le moment. « Ils t’ont dit qu’ils te faisaient que des points et qu’ils te laissaient repartir ? Les flics passent pas pour prendre ta déposition sur l’affaire ou je sais pas quoi encore ? Comme c’est suite à une agression, ils vont forcément compléter leur dossier. » Il ne savait pas comment cet incident avait été traité par Evelyn, et les forces de l’ordre par la suite, mais ils allaient forcément faire le lien entre les dossiers.

Cependant, étant donné que ce sera des choses gérer en externes par la suite de l’hôpital et que cela ne concernait pas Ben puisqu’il n’était pas policier, il se contenta d’aller à se concentrer sur ce que lui connaissait: la médecine. Il attrapa la tablette posée dans la chambre de Rhett pour accéder à son dossier - non, il ne lui demanderait pas l’autorisation, déjà que pour une fois il le faisait devant lui et pas dans son dos c’était déjà un pas en avant. Il ne mit malheureusement qu’un instant avant de froncer les sourcils et de reprendre son sérieux - le vrai sérieux, celui du médecin et du professionnel, pas celui qu’il réservait à Rhett lorsqu’il faisait des bêtises. « Euh, Rhett ? » Lentement, les yeux de Ruben remontèrent pour accrocher le visage de son frère. « T’es tellement défoncé que t’as oublié qu’ils te l’avaient dit, ou ils t’ont pas prévenu qu’ils avaient demandé un bilan toxicologique au labo ? » Et pour la première fois de sa vie, Ben espérait que c’était la première suggestion qui était la bonne.

Les visites de Ruben ne sont jamais plaisantes, reposantes, ni même sincères. Tout ce qu’il sait faire, c’est trouver le lit de Rhett pour lui faire une nouvelle leçon de morale, et ce peu importe la raison de son hospitalisation - il faut dire qu’il les a enchaînées, au cours des dernières années écoulées. Même lui ne peut le nier, quand bien même il est loin d’en être fier. Leur discussion commence toujours de la même façon, mais ce qu’il y a de bien entre les deux frères, c’est que même après trois décennies, ils trouvent encore le moyen de rivaliser d’ingéniosité pour ruiner la fin de leurs interminables débats sans fond. « Elle ne tourne pas autour de la mienne mais si tu pouvais faire en sorte qu’elles n’interfèrent pas comme ça, ce serait vraiment gentil de ta part merci. » Le sourire de l’aîné ne sait être autrement que terriblement amer, comme toujours en sa compagnie. J’irai crever dans un autre hôpital la prochaine fois, pas de problème.” Il sait qu’il est injuste de lui parler de cette façon alors qu’ils sont encore tous deux en train de faire le deuil de Jackson, et qu’il a lui-même failli y passer par deux fois, après son accident et au moment de son overdose, mais il faut dire que ses mots ne connaissent aucune limite ou censure en la compagnie de son frère. A lui, il arrive à tout dire, surtout le pire. S’il était en état de se lever, il lui aurait au moins offert une révérence. « Je leur dirai rien du tout, tu te débrouilles comme un grand si tu veux repartir plus vite. » C’est un va chier qu’il retient entre ses dents, trouvant son frère plus inutile que jamais. Il ne veut pas le savoir dans l’hôpital, et il ne fait rien non plus pour qu’il en sorte, alors son frère apparaît uniquement comme un boulet à sa cheville, doublée d’une sangsue, triplé d’un sacré emmerdeur. Tout ce qu’il sait faire, encore et encore, c’est se plaindre.

C’est sur une note infiniment plus sérieuse que Rhett finit par lui raconter les raisons de sa venue jusqu’à l’hôpital. Pour une fois, ce n’était pas volontaire. Du moins, pas dans le sens des autres fois. « Et tu pouvais pas te contenter d’appeler les flics pour qu’ils fassent leur boulot, plutôt que de faire justice par toi-même ? » - “Je voulais qu’il paye d’abord. Ensuite, il ira en taule.” Les flics sont venus de toute façon, n’est-ce pas là le plus important ? Un autre les a appelé, voilà tout. Ruben connaît assez son aîné pour savoir qu’il n’aurait jamais eu la patience de rester les bras croisés et de gérer la situation calmement. Il voulait participer, il voulait rendre les coups. Il voulait jouer au justicier avant que les tribunaux ne s’en mêlent, parce qu’il sait qu’il jugera la peine trop clémente quoiqu’il advienne. « Ça partait peut-être d’une bonne intention, mais c’était complètement idiot de ta part. » A nouveau, l’alité souffle. Il connaît la rengaine du grand frère idiot qui joue au rugby et petit génie de petit frère qui sauve des vies, oui. Ruben n’aurait pas agi de cette façon, Ruben aurait sauvé la demoiselle en détresse quand même, Ruben se serait fait mousser par tous les invités de la haute société. Bien sûr. Parce que Ruben a réponse à toutes les questions, même celles que personnes ne se pose, et parce qu’il le fait même avec son putain de sourire de mannequin pour dentifrice. Toutes ses plaintes sont étouffées par le grognement qu’il improvise lorsque son frère lui met la lumière dans les yeux, sans prévenir en rien bien sûr. « Ils t’ont dit qu’ils te faisaient que des points et qu’ils te laissaient repartir ? Les flics passent pas pour prendre ta déposition sur l’affaire ou je sais pas quoi encore ? Comme c’est suite à une agression, ils vont forcément compléter leur dossier. » D’une main, il balaie la lampe et ferme les yeux par la même occasion, n’ayant pas la moindre intention d’aider son frère à vérifier Dieu sait quoi: il respire encore, c’est tout ce qui devrait importer. “Les Pearson ont négocié pour que je m’occupe de la paperasse demain seulement.” Ce n’est pas la façon habituelle de faire, ça non, mais c’est au moins celle de ceux qui ont de l’influence et qui voulaient sans doute éviter que la situation dégénère encore alors qu’Evelyn insistait pour qu’il soit à ses côtés dans l’ambulance. Et puis de toute façon, ça ne le regarde pas.

D’un amusement à un autre, Ruben laisse tranquille les yeux de son frère uniquement pour se concentrer sur la tablette relatant tout un tas de faits et de chiffres qui n’ont rien de passionnant aux yeux du rugbyman. « Euh, Rhett ? » - “Quoi, je suis enceinte ?” Il répond une fois de plus, agacé et fatigué de l’omniprésence de son cadet ennuyant. Rapidement, il comprend pourtant que sa question a un fond bien plus sérieux, le faisant relever son regard dans le sien. « T’es tellement défoncé que t’as oublié qu’ils te l’avaient dit, ou ils t’ont pas prévenu qu’ils avaient demandé un bilan toxicologique au labo ? » Il ouvre sa bouche, la referme, sent le monde s’écrouler autour de lui. “Quoi ?” Il répète le premier mot uniquement. Oh, Rhett sait pertinemment quel serait le résultat d’un tel test, et il ne peut pas se le permettre. “Retire ça de mon dossier. J’ai pas besoin de cette merde. Annule l’ordre.” Tout est informatisé, pas vrai ? Il n’a qu’à cliquer sur la petite flèche rouge en haut à gauche, ou à droite, et le problème sera réglé. Fausse alerte, voilà ce qu’il peut dire à ses collègues du labo. “Je suis sérieux Ben, j’accepterai pas le moindre test. Ils ont pas le droit si j’en ai pas envie.” Et si personne ne va en son sens, il jure qu’il ira se les faire lui-même ses foutus points de suture, ou il demandera à Yasmine, parce que Ruben ne voudra sûrement pas entendre parler de lui. Peu importe. S’il soit fouiller son répertoire à la recherche de ses vieux amis de l’université qui passaient plus de temps à la bibliothèque qu’aux fêtes, alors il le fera, tant que cela lui évite de passer ce fichu test.

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@rhett hartfield

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« J’irai crever dans un autre hôpital la prochaine fois, pas de problème. » Il cracha un « Ouais, merci à toi. » acerbe et empli d’une vague de tristesse. Entre eux, les pincettes n’existaient pas; cependant cela se traduisait souvent en des échanges blessants, piquant exactement là où la plaie était à même de bruler le plus facilement lorsque le couteau y était planté. S’il pouvait aller crever dans un autre hôpital, comme il le disait, effectivement cela arrangerait Ruben et sur bien des niveaux: il ne serait plus obligé de supporter les allers et venues incessants de son aîné entre les murs de cet établissement, là où il trainait toujours davantage leur nom dans la boue; et puis, bien sur même s’il n’osait le dire à haute voix, il permettrait à son cadet de ne plus revoir les images en boucle de cette nuit là, bien plus marquée dans son esprit que bien d’autres. Surtout que pour cette fois-ci, d’après les dires de Rhett, il aurait pu éviter une visite aux urgences. Simplement, plutôt que de rester sagement à sa place et laisser les autorités compétentes évoluer dans leur domaine, il s’était chargé de faire sa loi. Bien sur que cela fit lever les yeux au ciel à Ben, bien sur que ses remarques comportaient des traces d’agacements - toujours moins présentes que quelques minutes auparavant, certes, mais n’ayant pas disparu pour autant. « Je voulais qu’il paye d’abord. Ensuite, il ira en taule. » - « T’en as fait qu’à te tête, en gros. » Comme d’habitude. Les paroles du jeune Hartfield ne comportaient pas un ton d’étonnement tant il était habitué à ce que Garrett agisse en fonction de ce que son coeur lui dictait plutôt que son cerveau. On s’y faisait, avec le temps; ce n’était pas pour autant que cela devenait plus agréable. Cependant cette fois-ci, si la police s’était effectivement déplacée sur les lieux ou si elle l’attendait au tournant pour remplir une déclaration, cela ne pourrait pas simplement être une échange de coups de poings sans suite données. Cette fois-ci, ce n’était pas pour la réputation de son frère que Rhett avait à s’en faire mais pour la sienne: il aurait beau être le meilleur joueur de rugby que cette planète ait pu porter, il n’en restait pas moins qu’un comportement impulsif de la sorte projeté de façon trop insistante et trop répétitive aux yeux des médias et des forces de l’ordre ne jouerait pas en sa faveur. Sortant sa lampe de poche sans prévenir le patient pour lui mettre le faisceau de lumière dans son champ de vision, Ruben s’interrogea de savoir si justement, les hommes en bleus allaient débarquer pour le voir ici. Rhett se concentra sur l’idée de retirer la lumière de son frère dans un premier temps de devant lui avant de répondre à sa question. « Les Pearson ont négocié pour que je m’occupe de la paperasse demain seulement. » S’il n’avait pas tant été énervé de base, peut-être qu’il aurait ajouté ici un petit rire amusé. Ben connaissait surement mieux les Pearson que Garrett lui-même alors qu’il s’agissait là de sa belle-famille, et il savait que là était une façon en rien étrange que d’agir de leur part. « Le contraire m’aurait étonné. »

Ce qui l’étonna en revanche, et très - trop - rapidement par la suite, c’était de voir les quelques petites lignes qu’il pouvait lire maintenant qu’il regardait de plus près et avec une attention toute particulière le dossier médical d’admission aux urgences de Rhett. Toute trace de colère à ce moment là s’effaça autant de son timbre de voix que des traits de son visage, car le moment n’était plus à jouer à la querelle d’adolescents qu’ils pouvaient mener depuis que Ben avait rejoint son frère dans le box du service. « Quoi, je suis enceinte ? » Oh, qu’il aurait préféré que ce soit effectivement le cas - presque, il aurait aimé voir la décomposition du visage de son ainé à cette nouvelle qui n’aurait en rien été bonne, pour sur. Seulement, celle qu’il avait à annoncer maintenant était encore pire car elle agissait en tant qu’arbre cachant la forêt. Un enfant non-désiré, Ruben était un expert en la matière: il était possible de s’en débarrasser. Les conséquences d’une consommation excessive de produits médicaments de façon plus ou moins légale qui était passée au peine fin: cela faisait écrouler votre réalité. « Quoi ? » Il prenait donc ça pour une réponse plutôt facile à comprendre: Rhett n’était pas au courant des examens qui avaient été demandés. Pourquoi lui en parler, hein, après tout ? Il était celui en tort surement dans son histoire et il était impératif pour les médecins et surement derrière la police de vérifier s’il avait agi de son plein gré ou sous l’emprise d’une quelconque substance. Bingo. « Ils ont demandé un bilan toxico au labo. » Il répéta la phrase; pas qu’il pensait que Rhett ne l’avait pas entendu, mais pour être sur qu’il intègre cette dernière plus rapidement surtout. Mavis avait utilisé la même technique sur lui une poignée de dizaines de minutes plus tôt, il ne faisait que recopier le comportement. « Retire ça de mon dossier. J’ai pas besoin de cette merde. Annule l’ordre. » Oh, la panique se lisait désormais aisément sur le visage de l’ainé Hartfield, là où la malice s’était faite une place pendant trop longtemps juste avant. « Je peux pas annuler l’ordre, c’est pas moi qui l’ai donné. » Ce n’était pas le point qu’il essayait de mettre en avant en premier lieu, bien sur, voyons. Simplement que ses paroles étaient on ne pouvait plus vraies, et lui permettait d’ancrer assez rapidement dans l’esprit de son ainé qu’il n’était en rien coupable de ce qui allait se passer. « Je suis sérieux Ben, j’accepterai pas le moindre test. Ils ont pas le droit si j’en ai pas envie. » - « Je peux rien faire Rhett. Je suis médecin, pas magicien. » Il secoua quelque peu la tête, comme si la nouvelle de ces analyses pas prévues au programme avait supprimé le peu de neurones qui restait à son frère. « Et bien sur que si, ils ont le droit de faire les tests qu’ils veulent même si t’es pas d’accord. Ce serait trop facile sinon. » Les médecins n'auraient jamais aucune réponse, s’ils attendaient en permanence après les patients - non seulement ces derniers ne comprenaient pas grand chose, mais en plus la plupart n’en avaient rien à faire de ce qui pouvait leur arriver. « Les tests sont déjà en cours, de toutes façons, c’est qu’une question de délai avant que les résultats soient disponibles… » Cette phrase là, Ruben l’avait prononcé sans la moindre amertume dans la voix. Car si jusque maintenant, remonter les bretelles de son frère avait presque été une partie de plaisir, il savait pertinemment que le problème allait trop rapidement devenir réel pour tout le monde et qu’aucun des deux n’auraient plus envie de rire, désormais. « T’avais anticipé que ça pourrait arriver un jour ou tu comptais sur ta chance éternelle ? » Qu’il pas tout de même demander, relevant ses yeux clairs vers ceux similaires de Rhett. Pour une fois, alors qu’il aurait pourtant pu avoir l’occasion, Ben ne mentionna pas le fait qu’il allait devoir justifier bien des choses derrière surement de son côté: ce n’était pas le moment.

« T’en as fait qu’à ta tête, en gros. »
“Et si c’était à refaire, je me contenterais de pas lâcher prise.”

Le regard de Rhett est sombre et grave. Il prend à la rigolade beaucoup de choses, il ne prend rien au sérieux, mais il ne peut pas tolérer l’idée de faire face à l’homme qui a fait du mal à Evelyn sans rien faire. Il l’a défendu comme il aurait défendu n’importe lequel de ses proches ; même Ruben, si l’occasion s’était présentée. Il n’est pas de ceux qui envoient de longs messages aux anniversaires, alors il démontre son affection d’une façon différente, qui n’est certainement pas la meilleure. Pour autant, sa colère fait rapidement place à la stupéfaction, pour ne pas dire la peur, à la seconde où Ruben lui annonce la décision médicale qui a été prise à son égard. « Ils ont demandé un bilan toxico au labo. » Il répète des mots que son aîné a pourtant malheureusement déjà entendu. Il comprend les tenants et aboutissants de cette histoire, surtout, et il anticipe déjà quel sera le résultat d’un tel test - tout comme il sait que les médecins s’en doutent aussi, parce qu’il n’imagine pas Mr Nobody avoir à son tour droit à un test toxicologique. “Fait chier.” C’est tout ce qu’il se contente finalement de grogner, ne pouvant entrevoir la moindre solution à ce problème. Il ne peut pas s’enfuir ; ça ne rimerait à rien. Sa seule chance reposait entre les mains de son frère, qui aurait peut-être pu retirer l’ordre de son dossier, mais là encore ce n’est finalement pas possible. « Je peux pas annuler l’ordre, c’est pas moi qui l’ai donné. » Des dizaines d’années à apprendre la médecine, et il ne peut même pas appuyer sur une foutue croix, Ruben. « Je peux rien faire Rhett. Je suis médecin, pas magicien. Et bien sur que si, ils ont le droit de faire les tests qu’ils veulent même si t’es pas d’accord. Ce serait trop facile sinon. » - “Ils en ont rien à foutre de savoir si je tourne aux boissons vitaminées ou aux cachets, putain.” Ils auraient pu demander à Rhett. Ils auraient pu demander à Rhett, il aurait répondu par la négative, et tout aurait été parfait ainsi, non ? Face à son frère, il ne cherche plus à cacher quoi que ce soit, de toute façon bien conscient que ce dernier connaît toute la situation. Ils en ont parlé, un peu, et il a deviné tout le reste, surtout. Le fait que les frères vivent ensemble depuis de longs mois maintenant n’a certainement rien arrangé à la pseudo-discrétion de la situation. « Les tests sont déjà en cours, de toutes façons, c’est qu’une question de délai avant que les résultats soient disponibles… » Il est fichu. Voilà tout ce qu’il y a à retenir de cette situation. Il est totalement fichu. Le secret médical n’existe plus lorsque vous êtes Rhett Hartfield et que les taux de Dieu-sait-quoi vont toucher le plafond comme les médecins l’auront rarement vu durant leur carrière.

« T’avais anticipé que ça pourrait arriver un jour ou tu comptais sur ta chance éternelle ? » C’est à peine s’il entend la question de son frère, finalement. Peu importe l’idée qu’il s’était fait de sa vie jusqu’alors, cela n’a plus aucune importance. La bouche pâteuse, il laisse son regard se poser au bout de son lit, sans avoir un endroit en particulier où se réfugier - certainement pas les yeux de Ruben, ça non. “Laisse moi, Ben.” Il se contente de souffler, sans même plus chercher à parler plus fort que son frère. Sa mâchoire trouve des positions tout sauf naturelles, chacune d’entre elles semblant être une bonne idée pour en venir à se mordre l’intérieur des joues. “T’as sûrement des choses à faire. Je vais attendre l’infirmier.” Il ne lui fera pas davantage perdre son temps, surtout maintenant qu’il sait quelle fin connaîtra toute cette foutue visite à l’hôpital. Même l’influence des Pearson ne pourra pas faire de miracle en cet instant. “Je reste sage.” Rhett finit par souffler et promettre, enfonçant par la même occasion sa tête dans l’oreiller, geste qui lui vaut de grimacer de douleur malgré la lenteur de ce dernier.

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@rhett hartfield

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« Et si c’était à refaire, je me contenterais de pas lâcher prise. » Et ce sera surement à refaire, puisqu’il s’agissait de Rhett Hartfield allongé sur ce brancard et qu’il avait les poings qui le démangeaient plus que de mesure, trop de soirs par semaine. Cependant, ce n’était plus sur ces détails là que l’intérêt de Ruben et son attention se portaient en cet instant, mais bien davantage sur les informations que son regard avait lu lorsqu’il avait parcouru le dossier du jour de son aîné. Aucune des informations qu’il avait sous les yeux n’était bonne pour personne; pas pour Rhett qui allait voir son empire s’écrouler en un claquement de doigts, pas pour Ruben qui allait surement être pointé quelque peu du doigt. « Fait chier. » - « Comme tu dis… » Et pour la première fois depuis bien longtemps, il n’était plus sur de ce qu’il devait dire, de ce qu’il devait faire. Ce n’était pas souvent que ce type de situations voyait le jour. C’était également rare qu’il soit d’accord avec son grand frère, alors les deux points étaient à noter et à garder en tête - plus tard, pour le moment ils avaient finalement plus urgent à traiter. Ce ne serait pas de la façon dont Rhett avait envie, puisque le cadet Hartfield avait beau être doué pour plein de choses, il n’était ni apte ni autorisé à interférer de la sorte avec les dossiers des patients qui n’étaient pas les siens. Surtout: s’il demandait à ce que les analyses soient arrêtées en cours de traitement, sans aucune raison valable, il serait regardé de travers et interrogé là où il aurait juste voulu aider son frère. Il n’y avait pas de version de cette réalité où les choses se passaient comme ça, même s’il compterait parfaitement qu’en refusant de lever le petit doigt, il laissait Rhett glisser seul vers un destin qui ne semblait pas très plaisant. « Ils en ont rien à foutre de savoir si je tourne aux boissons vitaminées ou aux cachets, putain. » L’entendre dire à haute voix, pour une fois, qu’il avait effectivement l’habitude de prendre certaines substances déstabilisa un instant le jeune Hartfield, qui détourna le regard - une poignée de secondes, quelques unes tout au plus, Rhett penserait surement que c’était pour retenir un juron ou un nouveau remontage de bretelles. Il n’en était rien: Ben était réellement touché d’entendre celui qu’il avait pris pendant longtemps en silence comme modèle qu’il avait une telle faiblesse - car qu’importe ce qu’il dirait, c’en était une. Il déglutit, reprit constance, reposa ses yeux sur son aîné. « T’as agressé plusieurs personnes, Rhett, bien sur qu’ils en ont quelque-chose à faire. » Il était presque désolé de lui rappeler qu’il n’était pas l’ange qu’il se voyait être, apparemment, dans cette histoire. Et cette image ne serait pas bien plus belle lorsqu’ils auraient sous les yeux les résultats des tests.

Mais Garrett avait du anticiper ça, à un moment donné, non ? Il n’avait pu s’enfoncer tête baissée dans l’addiction sans penser à une porte de sortie ? C’était déjà inconscient de sa part de se laisser aller à de telles habitudes, ça l’était d’autant plus de ne pas couvrir ses arrière. Lorsque le regard de son frère se détacha de sa direction et qu’il alla se perdre dans un coin de la chambre qu’il n’aurait pu deviner, Ruben ferma les yeux un instant. « T’as rien préparé en avance. » Il parlait comme s’il était avocat, le jeune Hartfield - l’avocat du diable, il fallait croire. « Laisse moi, Ben. » Il soupira, là où il ne désirait pas terminer cette conversation de cette sorte de son côté. Il aurait qu’à lui dire qu’il ne pouvait plus supporter ni son visage ni sa voix ici, il ne se débarrasserait pas aussi facilement de son cadet; pas cette fois. « T’as sûrement des choses à faire. Je vais attendre l’infirmier. » Et pour la première fois depuis bien trop longtemps surement, Ben resta muet et ne sut que dire à son frère; il n’avait même pas la moindre chose à lui reprocher en cet instant, le coeur ne lui disait même pas d’agir de la sorte. Effectivement, il avait d’autres choses à faire - une liste longue comme le bras, même, comme toujours. Mais pour une fois, ces dernières lui semblaient moins urgentes qu’à l’accoutumé. Il ne sacrifierait pas son image ici, ni ne ferait de faux pas qui nuirait à sa carrière, mais il n’arrivait pas à laisser son frère seul aussi facilement. « Je reste sage. » - « T’as jamais su rester sage. » Il avait toujours été celui avec le caractère bien plus trempé, au final; même si Ruben s’était relevé être bien plus obstiné que son ainé avec les années. Hésitant un instant, pesant le pour et le contre, ce dernier finit par souffler lourdement. « Tu m’emmerdes, Rhett, tu sais. » Parce-que s’il ne pouvait se permettre de sacrifier quoi que ce soit en cet instant, il pouvait en revanche utiliser la marge de manoeuvre qu’il avait - à savoir faire en sorte que les prochaines situations au sein de ce box d’urgences soient moins insupportables pour Garrett. « Lève ton bras au dessus de ta tête et relève ta blouse. » Il avait déjà reposé la tablette et s’était mis à naviguer dans l’espace restreint dont il disposait dans la maigre pièce, se dirigeant vers les placards qu’elle possédait. Et avant que Rhett ne pose la moindre question: « C’est au flanc, les points de suture, non ? Alors mets toi en place le temps que j’aille chercher ce qui manque là. » Il ne mit qu’une minute pour revenir dans la pièce, avec en plus du matériel pour les points de suture, une ampoule et une seringue à la main. Il s’approcha du lit de son frère, hésitant encore un instant, puis porta l’ampoule à son regard. « Je te donne une dose de Morphine sous prétexte que les points vont être douloureux - ce qui est vrai en soit. Une seule, Garrett. » Déjà, ses mains s’agitaient pour préparer la dose à injecter. « Je sais que ce sera pas miraculeux pour toi, mais profites-en: ce sera surement la dernière dose d’antidouleurs aussi puissants à laquelle t’auras le droit avant un bon bout de temps. »

« T’as agressé plusieurs personnes, Rhett, bien sur qu’ils en ont quelque-chose à faire. »
“C’est des conneries.”

Il s’est battu, il ne le niera pas, mais jamais il n’utilisera de lui-même le terme d’agression. C’est stupide, ce n’est pas adapté. Il n’a agressé personne, et jamais il n’aurait attaqué l’homme de lui-même s’il n’avait pas su qu’il avait agressé Evelyn, et qu’il était déjà en train de recommencer. Rhett souhaite simplement protéger ceux qu’il aime, il n’est pas un de ces dégénérés qui parcourt les rues la nuit, un couteau à la main, prêt à l’enfoncer dans le moindre bout de peau qui passerait. Il n’est pas dangereux, il n’est pas mauvais, et l’idée que son frère puisse le sous-entendre est une haute trahison à ses yeux. Il devrait en avoir l’habitude venant de lui, mais il se surprend encore à pouvoir en être choqué, et toujours plus déçu. « T’as rien préparé en avance. » Il est même étonné que son frère le soit à son tour, en réalité. “Bien sûr que non. J’ai l’air d’un génie du crime ou quoi ?” Il n’a rien préparé parce qu’il était assez sûr de lui pour penser que personne ne découvrirait jamais rien, et c’est la seule chose qui a réussi à lui donner des ailes tout au long des décennies écoulées. Maintenant, Rhett essaye simplement de se préparer autant que possible à l’impact, qu’il sait déjà être comparable à une déflagration. Tout ce qu’il se contente de faire, alors, c’est de demander à son frère de le laisser, pour ne pas avoir à observer la scène autant que pour lui permettre de retourner à son travail. Il n’a pas à veiller outre mesure sur son aîné. Il n’y a plus rien à faire, de toute façon.

Je reste sage qu’il promet dans un souffle désolé et résigné. « T’as jamais su rester sage. » Non, bien sûr que non. Il n’a jamais su se taire ou rester sage, c’est le contre-exemple parfait de la personnalité de Rhett, et son frère est particulièrement bien placé pour le savoir et s’en rendre compte. « Tu m’emmerdes, Rhett, tu sais. » Et à nouveau, l’aîné souffle longuement, ne comprenant pas la réaction de son frère. “C’est bon Ben, j’ai mon quota de morale pour aujourd’hui, là.” Il anticipe déjà les mots de son frère et lui demande de ne pas les prononcer, parce qu’il sait très bien à quoi ils ressembleront, tout comme il sait qu’il n’en écoutera rien. Son frère fait au mieux, à sa façon, mais il n’y a plus rien à tirer de la situation. « Lève ton bras au dessus de ta tête et relève ta blouse. » Il a repris sa voix de médecin, Ben, et ça a tout pour étonner son aîné, qui ne cherche même pas à cacher ses doutes quant à sa réaction. Il s’était bien sûr attendu à ce qu’il débute une nouvelle dispute, comme à son habitude, mais son frère semble voir les choses d’un tout autre point de vue. Sans même chercher à poser plus de questions, il s’exécute avec des gestes lents, son regard éternellement posé sur son frère et les gestes qu’il initie à son tour.

« C’est au flanc, les points de suture, non ? Alors mets toi en place le temps que j’aille chercher ce qui manque là. » Soudainement devenu un homme docile, ce qu’il est bien sûr loin d’être, Rhett se contente d’hocher la tête pour expliquer à Ruben que les points sont bel et bien sur son flanc. Ou tout du moins, qu’ils y seront, puisque la plaie est encore très récente mais non moins douloureuse pour autant. Chaque nouvelle réponse de la part de son frère amène avec elle bien plus de questions encore, sans que Rhett ne veuille l’interroger à ce sujet: il se montre enfin conciliant à son égard, et l’ancien rugbyman ne souhaite pas prendre le risque de changer la donne. Après quelques secondes aux airs d’heures interminables (durant lesquelles Rhett a bien cru que son frère ne reviendrait finalement pas), le jeune médecin (chirurgien) revient à ses côtés. « Je te donne une dose de Morphine sous prétexte que les points vont être douloureux - ce qui est vrai en soi. Une seule, Garrett. » Le regard de Rhett passe de l’ampoule aux iris de son frère à plusieurs reprises, pour s’assurer avoir bien entendu ce qu’il s’apprête à faire. Il serre les dents, se rendant parfaitement compte que son frère est en train de transgresser le protocole uniquement pour le bien de leur lien fraternel. « Je sais que ce sera pas miraculeux pour toi, mais profites-en: ce sera sûrement la dernière dose d’antidouleurs aussi puissants à laquelle t’auras le droit avant un bon bout de temps. » Il sait, oui. Pour ça, il n’a pas besoin qu’un médecin vienne lui délivrer ses vérités. “Merci.” qu’il se contente de dire, bien conscient de tout ce que son frère est en train de risquer uniquement pour lui venir en aide. “T’auras pas de problèmes ?” Il ose tout de même demander, sans trop vouloir en entendre la réponse. “Je peux toujours donner le nom du collègue que tu détestes le plus et dire que c’est lui qui m’a donné de la morphine.” Rhett finit par ajouter, ne rigolant qu’à moitié. Il n’est pas doué pour mentir, mais il pourrait au moins faire ça pour son frère, si jamais il venait à exister un problème.

“Je le pensais, quand je te disais que j’allais rester sage.” C’est une autre façon de lui dire qu’il lui est reconnaissant de ce qu’il fait pour lui. C’est une façon de lui dire, aussi, qu’il fait de son mieux pour que les choses tendent vers le bon sens, malgré ce que Ruben semble penser.

no i could never give you peace

@rhett hartfield

(c) ssoveia

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« C’est des conneries. » Blablabla. « Bien sûr que non. J’ai l’air d’un génie du crime ou quoi ? » Un petit rire amer s’extirpa d’entre les lèvres de Ben. « T’as pas l’air d’un génie tout court. » C’était petit et c’était gratuit, il l’admettrait une fois que la situation aurait repris un aspect à peu près normal. Mais en cet instant, il en voulait à Rhett d’avoir plongé tête baissée dans cette situation sans, à un seul instant, imaginer une issue de secours prête à être empruntée au moindre pépin. Il n’avait vu que les bons côtés et ne s’était pas embarrassé du reste; pourtant, c’était cette partie là la plus importante dans l’histoire. Car désormais, il se retrouvait dans ce lit d’hôpital à attendre que les résultats du laboratoire tombent dans les mains des médecins et que ces derniers comprennent ce qui se tramait sous leur nez depuis plusieurs heures, si ce n’était mois ou années pour certains. Garrett se retrouvait face à un destin qu’il n’avait en rien choisi, simplement parce-qu’il avait décidé de pratiquer la politique de l’autruche dès qu’il avait commencé à perdre le contrôle.

Et même s’il ne le verbalisait pas, une partie de Ruben était déchirée de voir son frère se résigner de la sorte. Bien sur, il l’avait vu venir et mérité dans les circonstances qui étaient celles de la situation; pour autant, et pour une fois, le brun ressentait un quelque-chose de différent à l’intérieur de lui. Il avait toutes les cartes en mains pour souligner de nouveau, avec preuve, que son frère agissait en imbécile et qu’il était temps de récupérer la monnaie de sa pièce. « C’est bon Ben, j’ai mon quota de morale pour aujourd’hui, là. » Il n’en fit rien, pourtant. Là où Rhett s’attendait surement à un nouveau sermon de la part de son cadet, c’était tout son contraire que ce dernier s’apprêtait à lui offrir. Pour une fois - peut-être pour la première ou pour une qui n’avait pas été vue depuis bien longtemps -, Ruben s’apprêtait à tendre une main vers son frère et à l’aider. Il ne pouvait faire grand chose, mais il pouvait faire quelque-chose. Alors, à la demande de Rhett si ce dernier s’en souvenait encore, il allait lui faire ses points de suture. Ce n’était pas grand chose et ce n’était pas réellement dans la liste des actes médicaux pratiqués par le chirurgien de façon quotidienne; mais la finalité n’était en réalité pas celle qui se voyait et se verrait en surface. S’il agissait de la sorte, c’était parce-qu’il avait une second idée qui lui trottait en tête et qu’il ne pouvait réaliser sans utiliser la première sans écran de fumée. Alors, après avoir donner quelques indications à Rhett et l’avoir prévenu qu’il s’apprêtait à lui faire les points de sutures dont il rêvait tant, le cadet Hartfield s’éclipsa du box avant d’y revenir une poignée de minutes plus tard; non, il ne s’était pas défilé, bien au contraire: il risquait de plonger tête baissée avec son ainé, à jouer avec le feu. Mais il pourrait toujours justifier, il pourrait toujours négocier, il pourrait - il laissait les interrogations secondaires de côté, alors qu’il levait l’ampoule de Morphine pour la tenir devant les yeux de Rhett.

Les yeux de l’ancien sportif passaient de l’ampoule au visage de son frère, faisaient une seconde fois le trajet inverse et semblaient avoir du mal à assimiler ce qui se passait devant eux. Ruben ne pouvait lui en vouloir, même lui ne pensait pas agir de la sorte en lui rendant cette petite visite de routine. « Merci. » Il pinça quelque peu les lèvres aux remerciements de son frère. « T’auras pas de problèmes ? Je peux toujours donner le nom du collègue que tu détestes le plus et dire que c’est lui qui m’a donné de la morphine. » un sourire triste étira les lippes de Ben. « C’est pas l’envie qui me manque. » Il aurait facilement un ou deux noms sous la main à glisser à Rhett, s’il le fallait. « Mais mon nom est déjà enregistré, j’ai besoin de m’identifier pour obtenir les doses de Morphine. » Ce n’était pas des produits comme les autres, ces ampoules là, et il n’aurait jamais pu sortir de la pharmacie une dose même semblant minime sans y entrer son nom. Il n’y aurait aucun doute sur qui aurait administré une telle médication à ce patient des urgences qui était addict à ce type de substance. Hésitant un instant, parce-qu’il savait que cela reviendrait à lui faire une leçon de morale, il reprit tout de même la parole - il ne pouvait continuer sur cette voie là sans mettre les choses totalement au clair. « Qu’on soit d’accord par contre Rhett: quand ils me poseront la question, parce-qu’ils le feront, je serais obligé de nier avoir jamais eu le moindre doute que tu usais encore de substances. » Là où le regard de Ruben était posé sur ses mains et l’ampoule qu’il manipulait entre ces dernières, il remonta à cet instant pour se planter dans celui de son frère. « Et je serais obligé de dire que je t’ai donné cette Morphine à ta demande parce-que tu étais trop douloureux pour des antalgiques moins forts. » Il soupira presque. « Et tu seras obligé d’appuyer ma version des faits. » Parce-que s’il s’amusait à dire à tort et à travers une autre version, Ruben plongerait avec lui. Un seul Hartfield à la Une des quotidiens du lendemain était amplement suffisant, normalement. Attrapant finalement le robinet proximal de la perfusion, Ben s’arrêta juste avant d’injecter le produit. « Je te l’injecte pure, sans la diluer, pour être sur que ça te fasse de l’effet. Tu me claques entre les doigts parce-que t’as pas supporté la dose, je te réanime et je te tue de mes propres mains. T’as compris ? » Oh, et il le ferait; Rhett n’avait surement d’ailleurs pas besoin de plonger ses yeux dans ceux de son cadet pour bien comprendre que c’était le cas. « Je le pensais, quand je te disais que j’allais rester sage. » Ben étira un sourire sans volonté. « Je le pensais, quand je te disais que tu m’emmerdais. » Il appuya sur le piston de la seringue pour injecter le liquide transparent qu’elle contenait.

« Tiens toi tranquille pendant que je fais tes points maintenant. » Contournant le lit pour se tenir de l’autre côté, Ruben tira le tabouret du coin de la pièce pour poser son postérieur dessus et commencer l’acte de soins. Des points de suture, il en faisait tous les jours, ce n’était pas quelque-chose qui l’impressionnait à réaliser. Cependant, les circonstances faisaient qu’une partie de lui était intimidée. Il n’avait jamais réellement utilisé ses compétences médicales pour son frère, et surtout il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’il aurait préféré que ce soit dans d’autres circonstances qu’ils en arrivent à une telle situation. Finalement, il avait posé le champ troué, avait désinfecté, avait enfilé sa paire de gants. « Ca va faire mal, malgré la Morphine. Tu bouges, j’enfonce l’aiguille encore plus. » Alors, Ben se mit à faire les points de suture.

Bien que reconnaissant du geste de son frère et de l’idée de ce dernier de lui donner de la morphine, Rhett continue pourtant d’agir en grand frère, aussi perfectible soit-il dans ce rôle. Il s’inquiète des retombées sur son travail, il s’inquiète de la possibilité de conséquences, il s’inquiète tout simplement de ce que pourrait amener de négatif ce simple geste dans sa vie. « C’est pas l’envie qui me manque. Mais mon nom est déjà enregistré, j’ai besoin de m’identifier pour obtenir les doses de Morphine. » Gravement, Rhett hoche la tête pour prouver qu’il a compris, et qu’il ne donnera malheureusement pas le nom d’un de ses collègues pour l’inculper à sa place. Tout ce sur quoi ils peuvent compter, alors, c’est que personne ne souligne cette partie du dossier et que cela passe sous tous les radars de toutes sortes. Dans un hôpital aussi immense, ce ne devrait pas être bien compliqué, pas vrai ? « Qu’on soit d’accord par contre Rhett: quand ils me poseront la question, parce-qu’ils le feront, je serais obligé de nier avoir jamais eu le moindre doute que tu usais encore de substances. » Ruben, de son côté, semble bien moins certain qu’ils passeront sous les radars, et sa réaction a le don de nouer la gorge de l’aîné. “Fais ce que tu dois faire.” Il se contente de répondre, ne voulant pas argumenter outre mesure dans le simple fait que son frère fera passer sa carrière avant l’avenir de son frère. Il ne veut pas en parler, il ne veut pas en discuter. Ruben lui fait des points, et chacun retourne à sa vie avant que la bombe n’explose. C’est le deal. Peu importe à quel point il est désagréable, il est ce qu’il est. Penser à l’avenir déprime Rhett, et il préfère encore s’ancrer démusérement dans le présent.

« Et je serais obligé de dire que je t’ai donné cette Morphine à ta demande parce-que tu étais trop douloureux pour des antalgiques moins forts. Et tu seras obligé d’appuyer ma version des faits. » - “Va te faire foutre Ben, tu peux pas te contenter de faire ton boulot qu’on en parle plus ?” Il remue le couteau dans la plaie, son petit frère. Il lui dicte une attitude à suivre, et il le fait d’une façon qui laisse sous-entendre qu’il n’a pas assez confiance en son frère pour penser qu’il l’aurait fait de lui-même. Il l’accule, et Rhett déteste cette idée. L’inverse n’est peut-être pas vrai, mais pour l’ancien rugbyman, il était évident qu’il protégerait son frère et lui donnerait le bon rôle dans toute cette histoire, à commencer parce que ce n’est pas bien éloigné de la vérité. Il le fera non parce qu’il y est obligé, mais bel et bien parce que c’est ce qu’il veut dire. Pour Ben. « Je te l’injecte pure, sans la diluer, pour être sur que ça te fasse de l’effet. Tu me claques entre les doigts parce-que t’as pas supporté la dose, je te réanime et je te tue de mes propres mains. T’as compris ? » Et quand il le menace de mort, paradoxalement, Rhett accepte bien plus aisément ses propos aux airs de menace. “Ça va à peine chatouiller.” Ce n’est sûrement pas ce qu’il aurait dû dire à son frère, mais c’est ce qu’il veut qu’il comprenne. Non seulement il ne lui claquera pas entre les doigts, mais aussi et surtout il a déjà fait face à des doses bien plus importantes pour savoir qu’il n’aura aucun mal à accepter celle qu’il s’apprête à lui injecter. Même pure. « Tiens toi tranquille pendant que je fais tes points maintenant. » Il annonce, après que Rhett l’ait observé appuyé sur la seringue pour lui injecter le produit - il aurait été capable de ne pas le faire et de lui faire croire le contraire, alors il se devait de vérifier. “Tu ressembles à maman.” Il se contente de dire en souriant, déjà presque certain de sentir les effets de la morphine - oh, bien sûr qu’ils craignent bien plus la colère de leur mère que de leur père, les garçons Hartfield.

Sans grande conviction, il observe son frère se préparer à lui faire des points, encore intimidé par l’idée de cette première - et dernière, il l’espère. Non parce qu’il manque de confiance en les capacités de son petit frère, mais bien parce qu’il ne compte pas se retrouver dans une telle situation à nouveau. « Ça va faire mal, malgré la Morphine. Tu bouges, j’enfonce l’aiguille encore plus. » - “Dépêche toi, qu’on en parle plus.” Et déjà, il serre les dents, anticipant une partie de la douleur.