≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
2018/Quand ton père freine devant l'immeuble, c'est plus fort que toi, tu retiens ta respiration et tu fermes les yeux pendant quelques secondes. Tu sais que c'est un peu ridicule, que ton géniteur maîtrise parfaitement le véhicule dans lequel vous vous trouvez et que rien ne peut arriver mais tout de même... remonter dans une voiture après avoir perdu Ana, c'est juste... trop. Trop d'un coup, trop à chaque fois et pourtant, tu sais que cela reste le moyen le plus efficace de se déplacer dans Brisbane et que tout le monde fait des efforts autour de toi. Peut-être que c'est cela le problème, que tu penses, un peu amer, te forçant à prendre une profonde inspiration, pour calmer ton cœur et pour calmer tes nerfs. Ana est partie, toi tu es là, Althea est là, tes parents aussi, le monde ne s'est pas arrêté de tourner, la personne responsable est toujours dans la nature et le monde tourne toujours. Et on est délicat avec toi, comme si tu étais celui qui avait subi l'accident, comme si tu étais celui qui avait été concerné. Cela te touche autant que ça t'énerve, tu as autant envie d'hurler que de rester silencieux pour qu'on te laisse tranquille, tout cela grouille et bouillonne en toi de la pire façon qui soit... Tu es même étonné de ne pas avoir imploser, mais, une chose est certaine, ça tu le sais en ouvrant les yeux, tu n'as pas envie d'être là. "Je reviens te chercher dans deux heures okay?" La voix de ton père se veut rassurante, de même que la main qui se pose sur ton épaule et tu accueilles tout ceci avec un hochement de tête, tu arrives même à forcer ton sourire habituel sur ton visage anguleux. Cela semble convaincant, plus que convaincant vu que tu finis par sortir du véhicule, rassuré par la sensation de tes deux pieds sur la terre ferme, véritablement, et tu regardes ton père partir avec un petit hochement de tête. Avant d'enfoncer les mains dans les poches du jogging que tu portes, tu évites sciemment de te tourner vers le bâtiment. Tu n'as pas envie de passer les portes, pas envie de t'asseoir sur une chaise en plastique et de faire partie de ce groupe de paroles, tu n'as tout simplement pas envie. Tout ça, c'est l'idée de tes parents, pour que tu ailles mieux, pour pouvoir t'occuper d'Althea et ses soudaines crises de colère ou même pleurs. Tu n'as jamais vu la petite ainsi, mais, comme tu l'as fait remarquer à tout le monde, comment pourrais-tu la raisonner ? Toi, tu as peut-être perdu une précieuse alliée, mais elle, elle a perdu sa mère. Tu n'aimes pas la pensée et tu la repousses loin avec une autre profonde inspiration, parler de tout ça ne changera pas les faits, ça ne ramènera pas Ana, et ça ne va pas te donner de solution miracles pour t'occuper d'une petite fille et de son cœur brisé. Oui, parler aide, mais peut-être que tu ne veux pas d'aide, peut-être que tu veux qu'on arrête d'essayer de t'aider, pour que tu te remettes petit à petit. La blessure est profonde, la plaie est béante, ça ne va pas guérir du jour au lendemain. Tu en es là dans tes pensées, tiraillé par ton propre débat philosophique et la semelle de tes chaussures, quand enfin, tu distingues un visage familier. "Hey." Caleb, c'est le prénom qu'il t'a donné, quand tu lui as fait remarquer qu'il était aussi avare en confessions que toi. Pas de quoi se faire bien voir par les bénévoles et autres professionnels du groupe, assez pour te faire sourire, et comprendre que lui aussi, dans une certaine mesure on le force. Tu as un petit signe de tête vers l'immeuble avant de hausser les épaules. "C'est un de ces jours où je n'ai même pas envie de faire semblant, on a fait l'arrêt obligatoire dans le café la dernière fois..." Ce n'est pas sérieux, et ce que tu proposes ne te ressemble pas, en général, tu adores écouter les histoires des autres, partager les tiennes, écouter, apprendre, réaliser que ta perspective n'est pas la seule et que tu as encore beaucoup de choses à apprendre. Pas quand le deuil est concerné visiblement, c'est trop frais, c'est trop lourd et tu n'as pas le courage de te lancer dans tout ça. "Peut-être qu'on peut essayer un vrai restaurant cette fois-ci, ou juste se laisser tenter par de la malbouffe." Tu fais la proposition tout simplement, tu proposes une fuite, parce que pourquoi pas après tout. "Il parait que ça aide pour ce qu'on a."
Partagé entre la possibilité d’ouvrir la porte ou non à ma mère je brasse dans mon appartement depuis bientôt une minute. Je l’entends s’impatienter dans le couloir, elle soupire et tambourine sans relâche sur la porte. « Caleb je sais que tu es là, je t’entends bouger. » C’est à mon tour de soupirer. Je sais pourquoi elle est là, je sais veut m’emmener à ce groupe de parole. Comme depuis plusieurs mois c’est elle qui m’y emmène, c’est elle qui me pousse à sortir de chez moi et je sais qu’elle veut bien faire. Je pense même qu’elle est persuadée de bien faire mais ce n’est pas forcément le cas parce que ce groupe de parole est bien plus important pour elle que pour moi. J’y vais parce qu’elle m’y oblige plus que parce que ça me fait du bien ou parce que ça me plaît et le regard que je lui lance quand je lui ouvre enfin la porte parle pour moi-même. Elle le sait, elle s’en excuse mais je sais que ma mère s’inquiète pour moi alors que je ne dis rien. Je ne lutte même pas, choisissant de céder assez rapidement et c’est toujours sans avoir décroché un mot que je monte dans sa voiture. Si je ne suis pas le plus bavard aujourd’hui ce n’est pas le cas de ma mère qui parle encore, encore et encore. Je l’écoute à moitié et réponds même brièvement à ses bien trop nombreuses questions pour moi. Affalé sur le siège passager comme un adolescent traîné de force par ses parents à un repas familial où il n’a pas envie de se rendre, je me contente de quelques oui, non ou ça va. Après de très longs mois d’arrêt maladie à cause de mon accident de voiture et aussi d’une dépression, j’ai repris le chemin du travail il y a quelques jours alors elle est curieuse, ma mère, et me bombarde de questions afin de savoir comment la reprise s’est passée. Ça la fout mal, un patron et chef de cuisine absent pendant des mois et des mois mais ces dernières semaines j’ai commencé par reprendre une petite partie du travail administratif à distance. Retourner travailler n’a pas été facile, les débuts ont même été très difficiles mais aujourd’hui je me rends compte que j’en avais besoin plus que tout et je passe le plus clair de mon temps dans les cuisines de mon restaurant. Les deux extrêmes, sûrement. J’ai été dans l’incapacité psychologique de me lever pour me rendre au travail durant des mois et aujourd’hui j’arrive à sept heures trente au restaurant pour le quitter à une ou deux heures du matin sans aucune pause. J’ai besoin de m’occuper l’esprit pour ne pas penser à elle. À Victoria qui me manque terriblement et qui a laissé un énorme vide dans ma vie mon esprit et mon cœur.
« Tu m’appelles quand c’est fini ? » J’hoche simplement la tête pour lui répondre et sors de la voiture en claquant la porte derrière moi. Je ne joue plus la comédie avec mes proches, cette période où je leur assure aller bien est terminée ils connaissent ma tristesse bien que je me sente mieux qu’il y a quelques mois encore. Ces idées noires que j’ai pu avoir sont maintenant derrière moi et ça c’est une grande avancée. Heureusement pour moi ma mère n’attend plus que j’entre dans ce bâtiment pour partir et quand je vois sa voiture s’éloigner c’est un long soupir qui ressort d’entre mes lippes. Plusieurs personnes passent à côté de moi en poussant la porte. Elles doivent avoir envie d’être là, elles. Ce qui expliquerait pourquoi tous ces gens entrent sans la moindre hésitation alors que moi, je ne fais que repousser l’échéance et me plongeant dans mon portable, j’y vérifie mon agenda pour la semaine à venir et les rendez-vous pro que je vais avoir jusqu’à ce que quelqu’un ne s’adresse à moi. "Hey." il a au moins le mérite de me faire lever la tête de mon portable. « Salut. » Abel a même droit à un sourire de ma part. À peine visible mais qui a tout de même le mérite d’être souligné. Je ne parle avec personne ici, personne ou presque mais j’ai vite compris qu’il avait envie d’être ici tout autant que moi. "C'est un de ces jours où je n'ai même pas envie de faire semblant, on a fait l'arrêt obligatoire dans le café la dernière fois..." Faire semblant demande beaucoup de force, aussi incroyable que cela puisse paraître et je dois avouer ne pas en avoir aujourd’hui. Pas assez pour ça du moins. "Peut-être qu'on peut essayer un vrai restaurant cette fois-ci, ou juste se laisser tenter par de la malbouffe. Il parait que ça aide pour ce qu'on a." Je souffle en venant glisser mon portable dans la poche de mon pantalon et avant de lui répondre je balaie du regard les environs pour vérifier que ma mère ne soit pas en train de rôder dans les parages pour vérifier que je rentre bien dans le bâtiment. « Je dirais pas non à un fast food. » Wait, what ? Caleb Anderson le chef de l’Interlude qui dit détester les fast food en demande un ? Je suppose que ça prouve à quel point tu te fiches pas mal de ce que tu manges en ce moment. « J’ai passé ma journée au boulot et j’ai pas eu le temps de manger, dire que je n’ai pas pris le temps de manger serait plus approprié donc j’ai super faim. » Bon, et bien j’ai comme l’impression que nous voilà parti en direction d’un fast food, un endroit dans lequel je n’ai pas mis les pieds depuis des années. « Je te laisse le choisir, je m’y connais pas vraiment. Tant qu’on s’éloigne de cet endroit. » que je dis en montrant d’un bref signe de tête le bâtiment. Chaque excuse est bonne pour ne pas se rendre à une session de groupe.
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
Tu lui proposes une fuite à Caleb, purement et simplement. Parce que c'est plus facile que de faire la focale sur tout ce qui t'est arrivé, parce que c'est plus facile que de tenter d'attraper les morceaux de ton cœur et de les recoller un par un. Et oui, tu sais que c'est qu'on pourrait faire dans un de ces lieux-là, et tu ne doutes pas de l'intention de tous les bénévoles et de ceux qui viennent partager leurs histoires qui en ont même besoin, vraiment, c'est quelque chose que tu peux respecter, et même admirer dans un sens. Ce n'est pas pour toi malheureusement, tu es assez lâche pour être à la fois honnête et réaliste avec toi-même. Et surtout, tu ne veux pas imposer ta peine aux autres, pourquoi est-ce que tu devrais l'afficher ? La parader, pour quoi au juste ? Prouver à tout le monde que tu es fort et que tu peux t'en remettre ? Le problème pour le moment, c'est que tu n'es même pas certain de cela, alors autant fuir, autant penser à autre chose. Le souvenir d'Ana est encore trop frais, te dire que tous les moments partagés avec elle, tous les rires et tous les projets pour le futur et pour votre fille, considérer que tout cela appartient au passé ? Ce serait vraiment une tragédie et un coup de plus, alors oui, dans un sens, tu te serres un peu de Caleb. Oui, Caleb est une excuse, pour justifier le fait que tu préfères avoir la tête dans le sable. Une distraction pour quelques moments de plus, avant l'inévitable et dans un sens, tu te raccroches un peu à son sourire, tentant de mimer son expression. Tu es un bon acteur après tout, un très bon élève également et tu peux y arriver, vraiment. Tu attends sa réponse alors que son regard se perd aux alentours, est-ce que lui aussi, il se sent épié et constamment surveillé ? Tu pourrais lui poser la question, quoi que, cela paraît être une question un peu trop sérieuse pour être dite à voix haute, alors tu décides du contraire, écoutant simplement la réponse de l'autre brun. Il est partant, plus que partant et tu es soulagé, parce que tu seras loin d'ici, mais tu ne seras pas seul, deux aspects positifs selon toi, plus que positif. "Je ne dirais pas non à des frites et un burger bien gras, donc le fast-food, cela me va complètement." Et puis tu as toujours été arrangeant, Caleb ne le sait pas encore, si vous vous étiez rencontrés dans d'autres circonstances, c'est une des premières choses qu'il aurait apprise à propos de toi. Oui, d'autres circonstances, un peu plus légères. Tu hoches la tête, ravalant un soupir et une autre expression, un peu plus sérieuse, beaucoup moins mesurée, mais tu n'as pas besoin de ruiner l'ambiance pour la moment, pas vrai ? Oui, pas besoin du tout. "Ouais, partons de cet endroit de malheurs, on est d'accord sur cela au moins..." Tu croises le regard de Caleb tandis que tu hoches de nouveau la tête, vous n'aurez qu'à revenir ici après votre repas, ton père viendra te chercher et tu lui mentiras. Tu lui diras que tu as enfin choisi cette séance pour parler un peu de ta propre expérience et pour parler d'Ana. Et non, vraiment, tu détestes mentir à ton père, ou même mentir en général, ce n'est pas ce que tu fais par défaut, tu as toujours été très ouvert et honnête avec tes parents et ils t'ont toujours encouragé à le faire. Tu as plus changé depuis la mort d'Ana qu'en presque trente ans d'existence, tu supposes que dans un sens, c'est normal. Cependant, tu n'as pas envie d'y penser, vraiment pas, et à la place, tu fais un signe de tête à Caleb pour qu'il te suive. "Je connais un peu le quartier, j'ai vécu à Brisbane toute ma vie, il y a un truc pas loin, bon, il faut marcher une quinzaine de minutes, mais c'est mieux que..." Que de prendre la voiture, tu vas presque le dire, presque, mais tu sens ta gorge se serrer alors, tu ne le fais tout simplement pas. "Bref, c'est mieux." Beaucoup mieux, tout simplement, sans aucune attache particulière et vous vous éloignez de l'immeuble l'instant suivant, car tu as déjà un restaurant en tête, pas une simple chaîne, mais un endroit où vous pourrez commander des burgers, des frites et tout ce qui va avec. La dernière fois que tu t'y es rendu, c'était avec un groupe d'amis, tous de l'université, et oui, Ana était dans le lot. Cependant, ça non plus, tu ne vas y penser, c'est mieux pour toi, c'est mieux pour Caleb que tu te dis la seconde suivante en hochant la tête. Vous tournez à l'angle d'une rue et tu tournes vers lui, les gens normaux feraient la conversation, tu es curieux et pourtant, vous avez été silencieux la plupart du temps, autant rectifier le tir. "Au fait, je réalise que je ne t'ai jamais demandé ce que tu faisais. Comme boulot, je veux dire, tu viens de dire que tu étais super fatigué."
On dit souvent qu’on finit par s’y faire et qu’il faut du temps pour se relever après un deuil et si tout ça est partiellement vrai, ce qu’on ne nous dit pas c’est que pour certaine personne deux mois vont suffire à reprendre le cours normal de notre vie et pour d’autres un an après le drame l’apaisement semble encore bien loin. Malheureusement pour moi je fais partie de la deuxième catégorie de personnes. Bientôt un an après l’accident. Un an après la perte de Victoria. Un an qu’une partie de moi m’a été arrachée pour mourir avec celle qui allait devenir ma femme et je n’ai toujours pas l’impression d’être redevenu celui que j’étais avant le drame. Mais le truc c’est que peut-être que je ne serai plus jamais le même. Comment est-ce qu’on peut réellement se relever après avoir frôlé la mort deux fois en un an ? Ça me semble difficile, compliqué voire même impossible et c’est aussi pour ça que ma mère me force presque à me rendre à ce groupe de parole qui ne m’intéresse pas plus que ça. Elle veut que je sorte pour retrouver un semblant de vie sociale. En dehors des cuisines de l’Interlude que j’ai retrouvé il y a peu et dans lesquelles je passe un nombre d’heures effroyable par jour. Mais ce que ma mère ne sait pas c’est que je n’ai jamais vraiment pris la parole lors de ce groupe. Je n’ai partagé mon histoire à personne. C’est personnel. C’est privé. C’est sûrement aussi encore trop douloureux et quand bien même j’aurais voulu me livrer un jour comment est-ce que je suis censé prendre la parole pour expliquer ma situation ? Bonjour à tous, je m’appelle Caleb et l’année dernière j’ai eu un grave accident de voiture qui a coûté la vie de ma fiancée. C’était moi au volant. J’ai donc tué la femme de ma vie. Difficile à entendre, et difficile à expliquer mais c’est pourtant la réalité. Alors oui, quand Abel me propose une fuite je saute sur l’occasion et n’hésite pas une seule seconde pour accepter. "Je ne dirais pas non à des frites et un burger bien gras, donc le fast-food, cela me va complètement." Chacun de mes proches auraient du mal à y croire en me voyant acquiescer ainsi. Je n’ai jamais été un grand admirateur de la restauration rapide, trouvant les plats trop gras et les ingrédients de bien trop mauvaise qualité. Mais pourtant c’est bien moi qui suis en train d’hocher la tête ainsi. Toute excuse est bonne à prendre pour s’éloigner de cet endroit que je déteste et qu’Abel semble porter dans son cœur tout autant que moi – c’est-à-dire pas du tout. "Ouais, partons de cet endroit de malheurs, on est d'accord sur cela au moins..." Je pourrais lui demander pourquoi est-ce qu’il se rend à ces groupes s’il ne les apprécie pas mais cette question me semble bien trop personnelle et je ne le connais pas assez pour ça. Ou bien c’est l’impression que j’ai. Pourtant la réponse m’intrigue. Je sais que si moi je suis présent à quasiment toutes les séances c’est seulement parce que ma mère m’y oblige mais est-il dans la même situation que moi ? "Je connais un peu le quartier, j'ai vécu à Brisbane toute ma vie, il y a un truc pas loin, bon, il faut marcher une quinzaine de minutes, mais c'est mieux que..." Mieux que prendre la voiture ? Je me pince les lèvres tout en fronçant légèrement les sourcils. "Bref, c'est mieux." C’est mieux oui, encore un point sur lequel nous sommes d’accord et nous ne perdons pas une minute pour tourner les talons et nous éloigner le plus possible de cet immeuble qui m’angoisse terriblement. "Au fait, je réalise que je ne t'ai jamais demandé ce que tu faisais. Comme boulot, je veux dire, tu viens de dire que tu étais super fatigué." Je me tourne vers lui et j’ai besoin de quelques secondes de latence pour redescendre sur terre après m’être perdu dans mes pensées. Les mains dans les poches de ma veste je secoue légèrement la tête avant de lui répondre. « Oh euh… je suis chef cuisinier. J’ai ouvert mon restaurant il y a quelques années. L’Interlude à Spring Hill je sais pas si tu connais. » Ce restaurant est réellement la prunelle de mes yeux et la raison qui me donne encore envie de me lever tous les matins. « Et je travaille beaucoup en ce moment, j’ai même pas pris le temps de manger ce midi. » Cette tendance à sauter des repas est toute nouvelle. Enfin elle date d’il y a un an. Ironique pour un chef cuisinier, pas vrai ? « Et toi, qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » Si Abel ne s’était jamais intéressé à ma carrière professionnelle je peux en dire de même de mon côté. On ne peut pas dire qu’on parle très souvent, il faut dire. Il fait simplement partie des rares personnes de ce groupe avec qui j’ai déjà échangé plus que deux ou trois mots. « Je vais te laisser me guider une fois arrivé là-bas. Enfin je veux dire, je suis pas un habitué des fast food alors je compte sur toi pour me dire lequel est le meilleur burger. » J’ajoute avec une pointe d’humour mais pas pour autant un rire qui accompagne cette réflexion mais j’aperçois une enseigne d’hamburger au loin alors sans savoir s’il s’agit de l’endroit où Abel compte m’emmener je prends les devants.
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Il y a définitivement quelque chose qui cloche si tu n’as pas encore posé un million de questions à Caleb, définitivement. Dans d’autres circonstances, tu te seras assuré de le cerner un minimum, de connaître ses goûts et ce qu’il déteste, en seulement quinze minutes, notant tout cela dans un coin de ta tête, au cas où. Parce que c’est la personne que tu es dans le fond, tu as toujours été curieux, toujours plus intéressé par les autres qu’autre chose, sachant que les personnes en face de toi ont toujours les meilleures histoires à raconter, toujours. Il suffit juste de se taire et d’écouter, et c’est encore plus véridique avec les adultes, tout le monde a du vécu, tout le monde a traversé quelque chose et tout le monde a été façonné par des expériences plus fortes que d’autres. Mais voilà, tu ne souhaites vraiment pas te plonger dans les souvenirs tout de suite avec Caleb, oui, c’est purement égoïste et tu t’excuseras très certainement quand ton coeur aura guéri mais pour le moment... oui, pour le moment, tu vas continuer d’être égoïste et vous allez éviter le sujet du passé et des questions un peu trop absolues et trop existentielles. L’interroger sur son boulot, c’est assez neutre pour ne pas faire de vagues, voilà ce que tu te dis et face au métier de Caleb, oui, tu es plus qu’impressionné. Tu te considères comme un bon cuisinier, mais tu n’as jamais emprunté la voie professionnelle, tu sais que c’est un chemin qui n’est pas pour les plus faibles et en plus Caleb est à la tête de sa propre affaire ? Vraiment, il joue bien le rôle de l’adulte accompli, c’est à se demander ce qu’il fabrique ici avec toi. “Oh si je vois, je suis déjà passé devant et on me l’a déjà recommandé comme restaurant et...” Et tu te coupes au milieu de ta phrase, réalisant où tu es en train d’emmener Caleb, peut-être que ce n’est pas une si bonne idée que cela. “Attends, tu es sûr que le fast food va t’aller, parce qu’on peut aller ailleurs si tu préfères. Je m’en voudrais vraiment de ternir ta réputation, et je suis totalement sérieux pour le coup.” L’ombre d’un sourire passe sur ton visage alors que tu dis cela, parce que tu as toujours été drôle, toujours, et cela t’aurait arraché un vrai rire à un autre moment. Tu as dû mal à véritablement le faire depuis la disparition d’Ana, juste sourire, juste rire, une part de toi ne peut s’empêcher de te demander si tu le mérites vraiment. Si ce n’est pas trop tôt, trop déplacé justement, ou même si tu pourras le faire en réalité. “Tu me dis.” Que tu conclus dans un hochement de tête et tu n’es pas vraiment surpris quand Caleb te demande ce que tu fais à ton tour. “Je suis doubleur. Dans l’animation et pour quelques jeux-vidéo, je prête ma voix à beaucoup de personnages, en ce moment, je fais de la motion capture pour un jeu-vidéo, il y a plus de mouvements et d’enregistrement que ce que je pensais mais ouais...” Tu n’ajoutes pas que tu es techniquement en congé, le studio a espacé les séances d’enregistrement et tu n’as pu les récupérer parce que tu as insisté. On voudrait te laisser du temps pour te remettre et ne pas te bousculer, mais rester dans ton appartement tout le temps, à attendre que ta fille finisse sa journée d’école pour aller la chercher elle... ce n’est définitivement pas sain. Tu n’es peut-être pas un expert de la psychologie humaine mais ça, même toi tu peux le voir et le comprendre, tu n’as vraiment pas besoin d’un tête-à-tête avec toi-même, tes souvenirs ou même ta culpabilité, vraiment pas. Tu préfères largement cet aparté avec Caleb par exemple, qui te dit que tu vas devoir prendre les devants et tu le fais sans problème. Tu as un sourire pour un des serveurs et un signe de la tête en direction de la personne derrière le comptoir du bar, c’est un endroit à mi-chemin entre le fast food et un véritable restaurant, on y mange bien, enfin on se goinfre pas et l’addition n’est jamais trop salée. “On n’a qu’à commander deux gros burgers bien gras et on fait moitié moitié, comme ça personne n’est déçu, okay ?” Tu dis cela en attrapant le menu qui n’a pas vraiment changé depuis ton dernier passage et tu commandes rapidement pour toi et pour Caleb, tu le laisses choisir sa boisson, toi, tu optes pour du thé glacé, une fois que c’est fait, tu trouves une table un peu à l’écart, juste à côté de jukebox et éloigné de l’entrée. “C’est la meilleure table, enfin je trouve.” Tu dis cela en abandonnant ta veste sur le dossier de la chaise. Tu réalises l’instant suivant que oui, vous êtes vraiment tous les deux et il ne faudrait pas se retrouver avec un silence gênant, vraiment pas. “On a parlé de nos boulots, la logique voudrait qu’on parle de nos statuts matrimoniaux, mais on n’est pas obligés hein...” C’est juste la suite logique de votre conversation et c’est comme cela qu’on fait pour apprendre à se connaître, pas vrai ?
“Oh si je vois, je suis déjà passé devant et on me l’a déjà recommandé comme restaurant et...” et ? Abel s’arrête en plein milieu de sa phrase sans la terminer alors c’est en fronçant légèrement les sourcils que je me retourne vers lui attendant la suite de sa réflexion. On discutait de mon métier, enfin surtout de l’Interlude, mon restaurant. Je viens même à me demander si ce n’est pas le restaurant qui le fait hésiter ainsi. Peut-être qu’en fait il n’a pas toujours eu de bons échos de l’Interlude, j’aime mon restaurant mais j’avoue l’avoir un peu laissé de côté l’année dernière après l’accident. “Attends, tu es sûr que le fast food va t’aller, parce qu’on peut aller ailleurs si tu préfères. Je m’en voudrais vraiment de ternir ta réputation, et je suis totalement sérieux pour le coup.” Oh. C’est dans un premier temps avec un petit rire et un léger sourire que je lui réponds. Un rire sans joie, et de même pour le sourire. Quand est-ce que je vais enfin réussir à rire et sourire comme je le faisais avant ? Quand ton deuil sera fini, idiot. Quand tu auras enfin trouvé le parfait équilibre dans ta nouvelle vie. Si d’extérieur je semble aller mieux ce n’est pas exactement vrai. La joie et l’envie de vivre et d’avancer sont encore bien loin, pour le moment je ne fais qu’illusion. Passer un nombre d’heures effroyables à travailler, nettoyer de fond en comble la cuisine, je me perds dans le travail pour occuper assez mon esprit. Pas envie de penser, pas envie de me laisser la possibilité d’ouvrir les yeux sur l’état plutôt pitoyable de ma vie actuelle. Sans Victoria, je n’imagine pas ma vie autrement. Se réveiller, se doucher, manger, partir au travail pour rentrer vers deux ou trois heures du matin, essayer de dormir un peu et répéter encore et encore ce même schéma tous les jours. C’est triste. Ce n’est pas vraiment une vie pour être honnête. C’est plutôt tirer sur la corde et essayer de s’accrocher à la seule chose qui me semble encore importante à mes yeux aujourd’hui : le restaurant. “Tu me dis.” Bah oui faudrait peut-être répondre, Caleb. et c’est après avoir secoué la tête que je me lance. « Non c’est très bien, t’inquiètes pas. J’ai envie de changer un peu mes habitudes. » ce qui semble presque dingue pour toutes les personnes qui me connaissent tant je n’ai jamais apprécié les fast food. Mais ça prouve aussi sûrement que j’ai même presque perdu cet amour que j’ai toujours eu pour la nourriture et pour la déguster. “Je suis doubleur. Dans l’animation et pour quelques jeux-vidéo, je prête ma voix à beaucoup de personnages, en ce moment, je fais de la motion capture pour un jeu-vidéo, il y a plus de mouvements et d’enregistrement que ce que je pensais mais ouais...” Impressionné par le métier d’Abel mes yeux s’agrandissent légèrement alors que ma main passe dans mes cheveux. « Wow ça doit pas être facile, non ? T’as quelques exemples de film d’animation où tu as prêté ta voix ? » Victoria était une grande admiratrice de Disney ou de tout genre de film d’animation, elle aurait sûrement beaucoup aimé rencontrer Abel et elle aurait sans aucun doute tout un tas de questions à lui poser. Pensée qui me pince toujours un peu le cœur, mais l’amélioration c’est que maintenant je peux penser à elle sans pleurer ou sans me sentir complètement dévaster. Ça peut paraître comme n’étant pas grand-chose mais croyez-moi que c’est clairement un grand pas.
C’est un tout nouveau fast-food que je découvre ce soir et qui ne ressemble en rien à ceux que je connais. Il paraît plus clean, plus sérieux et peut-être même un peu moins industriel. “On n’a qu’à commander deux gros burgers bien gras et on fait moitié moitié, comme ça personne n’est déçu, okay ?” J’hoche d’un signe de la tête en prenant le menu pour y jeter un coup d’œil, espérant intérieurement que les frites soient au moins meilleures que celles de McDo qui sont pour moi une vraie catastrophe. Après la commande passée je suis sans un mot Abel vers une table éloignée des autres. “C’est la meilleure table, enfin je trouve.” Je tourne la tête vers le jukebox en prenant place. « Ils vont venir nous servir à table ? » que je lui demande mi- confus mi- émerveillé, Abel va sûrement avoir l’impression d’être en compagne d’un alien et c’est peut-être le cas finalement. « Je vis à Brisbane depuis dix ans et j’ai parfois encore l’impression de découvrir la ville. » que je lui avoue dans un petit rire. Peut-être parce que je ne suis pas de ceux qui aiment vraiment sortir de chez eux. J’ai toujours été très casanier, bien mieux chez moi qu’à l’extérieur. “On a parlé de nos boulots, la logique voudrait qu’on parle de nos statuts matrimoniaux, mais on n’est pas obligés hein...” Heureusement qu’Abel est bien plus doué que moi pour introduire la discussion mais sa question n’est pas anodine pour moi. Si je suis obligé de me rendre dans ce groupe de parole que je déteste c’est justement parce que j’ai perdu ma fiancée. Je suis encore une fois sûrement bien trop long à répondre à sa question hésitant entre la possibilité de simplement lui dire que je suis célibataire ou bien d’en dire un peu plus. Allez. Je me lance. « Je suis veuf depuis quelques mois. » Veuf, oui, nous n’étions pas encore mariés mais le mariage était prévu deux mois après l’accident alors c’est tout comme, non ? « Désolé, je viens de plomber l’ambiance. On peut faire comme si j’avais rien dit c’est mieux comme ça. » Oui c’est mieux comme ça, oui. « On peut passer au moment où tu me dis où tu en es toi, ou bien même parler carrément d’autre chose si tu préfères. » Où tu en es, sous-entendu ; parler de ton statut matrimonial, Abel. Mais il faut croire que je suis bien plus perturbé par sa question que je ne le pensais.
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
Changer un peu ses habitudes que dit Caleb, en temps normal, tu aurais été plus que d’accord avec lui, tu aurais sûrement commencé à lui faire une liste de tes dix restaurant préférés dans Brisbane. Avant de terminer par la cuisine de tes parents, qui, même si elle n’est pas un restaurant, reste un endroit où on cuisine très bien et où les portions sont toujours extrêmement généreuses, toujours. Et puis tu lui aurais expliqué que dans ta famille, savoir cuisiner est important et ce peu importe le genre, c’est quelque chose que tes parents t’ont transmis tous les deux, quelque chose que tu comptes bien partager avec Althea dans quelques années quand elle sera un peu moins tête en l’air et que tu pourras envisager d’aller derrière les fourneaux avec elle... Oui, si tout avait été aligné correctement, dans d’autres circonstances, tu aurais sûrement raconté tout cela à Caleb, pour le moment, tu te dis que tu aurais voulu les garder tes petites habitudes. Le semblant de routine que vous aviez établi avec Ana, en vous partageant la garde d’Althea, les devoirs, mais aussi les vacances et toutes les petites choses qui régissent la vie de la petite. Avoir un enfant est compliqué, avoir l’enfant de sa meilleure amie ? Cela rend les choses tout de suite beaucoup plus faciles, tu l’as toujours dit. Tu sors de tes pensées après avoir expliqué ton métier à Caleb, t’ancrant de nouveau dans la réalité, il vaut mieux cela plutôt que ton esprit ne dérive et que tu te retrouves perdu dans ta propre tête, oui, il vaut mieux. “Pas de films pour le moment, juste quelques personnages de séries qui passent sur ABC Kids... quelque chose me dit que ce n’est pas une chaine que tu fréquentes souvent, non ?” Là encore, tu peux te tromper sur toute la ligne, tu n’en es qu’au tout début de ta carrière de doubleur maintenant que tu y réfléchis bien. Tu n’as rien de concret à part ce contrat chez ABC kids où la chaîne t’appelle en fonction de ses besoins, car tu restes quelqu’un de très flexible, et changer ta voix et les intonations de cette dernière te vient beaucoup plus facilement qu’il n’y paraît. Et en général, tu te déplaces pour interpréter toute une série de personnages dans la même série ou dans le même programme, il est rare que tu n’enregistres qu’une seule chose à la fois. “Et là, je prête ma voix à un personnage de jeu vidéo, c’est encore en début de développement mais c’est assez intéressant.” Pas que ta voix, ton faciès aussi, on t’a montré les croquis du personnage à qui tu prêtes ta voix, Desmond, et visiblement l’équipe graphique a décidé de lui donner les mêmes pommettes que toi, un truc qui est bien cent pour cent toi et qui a été assez pour te faire sourire. C’est un procédé bien différent de la création d’une série animée, toute aussi compliqué et fascinant à observer en tant que doubleur, mais bien différent. “Ouais, tu commandes direct et après on te laisse tranquille, c’est assez détendu.” Tu réponds à la question de Caleb et l’autre homme a une légère pause avant de répondre à ta question suivante. Tu as touché un sujet sensible, tu le sais, tu le sais avant même qu’il ne reprenne la parole et le vocalise. Tu t’en veux déjà, encore plus en apprenant la nouvelle, de manière officielle, même si quelque part, tu t’en doutais déjà, après tout, le deuil est une des choses que vous avez en commun, non ? Malheureusement, oui. “Tu n’as pas besoin de t’excuser Caleb.” Tu dis cela sur un ton qui se veut léger, hochant la tête à tes propres mots. Les excuses semblent superflues, tu as posé une question, il t’a donné une réponse honnête, il aurait pu mentir, changer de sujet de conversation, car après tout, vous ne vous connaissez pas vraiment. Vous êtes juste deux types remués par le même genre de peine. Tu prends une profonde inspiration avant de parler d’Ana, tu ne le fais généralement pas avec les gens qui ne la connaissaient pas, c’est plus difficile et franchement ? Tu n’as pas l’impression de lui rendre justice. “Moi, c’est la mère de ma fille qui est morte, Ana, il y a quelques mois... on était pas en couple ou quoi que ce soit du genre, juste co-parents et ça fonctionnait bien.” Cela fonctionnait très bien, tellement bien qu’on vous a pris pour un couple plus d’une fois, qu’on vous a souvent demandé pourquoi vous n’avez jamais sauté le pas... Tout simplement parce que ça n’a jamais été comme ça entre Ana et toi, des amis oui, des amis qui ont été stupides au point de faire des erreurs et une plus grosse que les autres, mais c’est difficile de penser en ces termes en voyant Althea. La petite est définitivement le meilleur de vous deux et il est difficile de se dire que vous avez pris une mauvaise décision. Cela fonctionnait bien, maintenant l’équilibre est rompu, tu ne sais pas quoi faire pour que tout te semble moins gris, pour reprendre ta vie d’avant, sans Ana à tes côtés, ça te semble tout simplement impossible. “Je n’ai rien d’intelligent ou de drôle à ajouter, juste ça craint... le groupe de paroles est censé aider mais... le fait qu’on soit tous là pour la même raison...” Cela ne t’aide pas, bien au contraire, tu as déjà la fâcheuse impression de devoir traîner ta peine et tes doutes depuis la disparition d’Ana, l’afficher devant tout le monde en plus ? Laisser tout le monde voir de quelle façon ton cœur a été brisé ? Cela paraît être l’instance de trop, tu es d’ordinaire si ouvert et si souriant et... pourquoi est-ce que tu laisserais qui que ce soit te voir ainsi ? Non, ça ne te paraît pas être bénéfique. “Je sais pas pour toi mais moi ça me bloque.” Tu ajoutes cela à mi-voix, tes coudes venant se poser sur la table tandis que tu te recroquevilles un peu sur toi-même, le poids sur tes épaules ne te semble pas juste métaphorique face à Caleb mais bien réel. Comme quoi, il suffit d’un rien. “Et ouais, on peut tout à fait parler d’autre chose.” Tu as un petit rire nerveux à la fin de ta phrase alors que tu cesses de fixer tes mains, ton regard se reportant sur Caleb.
S’intéresser aux autres, leur poser des questions pour éviter que l’on puisse s’intéresser à toi. Tu t’es promis de t’essayer à cette méthode. Pas que tu n’aies pas réellement envie d’apprendre à connaître Abel, non. Mais de toute façon ça fait de longs mois que tu n’as pas eu réellement envie de quelque chose, soyons honnête. Tu réapprends à sourire à rire et à avancer sans ta future femme mais retrouver le goût à la vie et aux petites envies du quotidien, c’est peut-être un peu trop te demander pour le moment. “Pas de films pour le moment, juste quelques personnages de séries qui passent sur ABC Kids... quelque chose me dit que ce n’est pas une chaine que tu fréquentes souvent, non ?” Tu secoues la tête signifiant que non, ce n’est clairement pas une chaîne que tu fréquentes. Tu aimerais bien. Tu aurais pu. Si Victoria était encore là. C’était dans vos plans. Juste après le mariage, elle voulait arrêter la pilule pour que vous essayiez tous les deux d’avoir un premier enfant. Mais la vie en a décidé autrement pour vous. La vie vous a séparé avant que vous ne puissiez réaliser votre rêve de fonder une famille. Tu te détestes pour ça plus que tu ne maudis la vie de vous avoir séparés. Parce que tout ça c’est ta faute. Tu étais au volant de cette voiture qui a tué Victoria. Tout est de ta faute, Caleb. On ne récolte que ce que l’on sème, pas vrai ? “Et là, je prête ma voix à un personnage de jeu vidéo, c’est encore en début de développement mais c’est assez intéressant.” Encore quelque chose que tu ne fais pas vraiment ; jouer aux jeux vidéo. Mais en même temps ces derniers temps à part travailler tu ne fais pas grand-chose d’autre de tes journées. Triste vérité. « Être doubleur ça doit être encore plus dur qu’acteur, non ? Dans ton cas tu dois faire passer toutes les émotions simplement par le biais de ta voix et ton intonation. » Les acteurs peuvent aussi jouer sur le non verbal, mais pas lui.
C’est peut-être un peu pitoyable de te voir émerveillé par le fait qu’on vienne vous servir à table. Tu es restaurateur pourtant mais tu ne savais pas que certains fast food pouvaient eux aussi se mettre au service à table. Mais ce n’est pas là-dessus que tu te concentres. Ce n’est pas la qualité du service qui te fait hésiter autant. Non. Une question. Une simple question. Et de bien trop longues secondes plus tard, tu parviens à lui répondre. “Tu n’as pas besoin de t’excuser Caleb.” Abel a raison, Caleb. Tu n’as pas à t’excuser et tu as tout à fait le droit d’être si triste à l’idée d’évoquer ta défunte fiancée. Mais pourtant tu hausses les épaules tout en balayant ses paroles d’un signe de la main. “Moi, c’est la mère de ma fille qui est morte, Ana, il y a quelques mois... on était pas en couple ou quoi que ce soit du genre, juste co-parents et ça fonctionnait bien.” Ton regard rempli de tristesse se lève sur le jeune homme quand il évoque son passé. C’est la mère de sa fille qu’il a perdue. Une petite-fille a perdu sa maman et cette pensée te brise le cœur. “Je n’ai rien d’intelligent ou de drôle à ajouter, juste ça craint... le groupe de paroles est censé aider mais... le fait qu’on soit tous là pour la même raison...” tu n’aimes pas ça. Tu n’aimes pas que vous soyez tous réunis pour la même raison. Tu n’aimes pas être assis dans cette pièce à entendre les autres déballer et parler de leur histoire, de leur deuil. C’est censé t’aider mais tu as l’impression que c’est tout le contraire. “Je sais pas pour toi mais moi ça me bloque.” Tu l’écoutes parler sans un mot alors que pourtant, ce qu’Abel dit tu le comprends complètement. C’est peut-être ça, oui. Ça te bloque également et en plus, il faut bien avouer que tu n’as jamais aimé prendre la parole devant un groupe de personne. Introverti et timide dans l’âme. “Et ouais, on peut tout à fait parler d’autre chose.” Vos regards se croisent et ce contact visuel alors que vous parlez d’un sujet si sensible est suffisant pour te faire baisser les yeux. Tu te redresses sur ta chaise et après un bien trop long moment de silence de ta part, tu te décides enfin à reprendre la parole. « Si pour certains ce genre de groupe ça aide, je suis pas sûr que ce soit mon cas. Au contraire même. » Tu as même l’impression que ça te retient dans le passé alors que tu essaies désespérément d’en sortir. « C’est ma mère qui me force à y aller. Elle pense bien faire, vraiment, mais… tu grimaces. elle ne peut pas comprendre. » Et c’est tant mieux pour elle, même tu te dis. Tu ne souhaites à personne ce que tu vis depuis bientôt un an. Un perpétuel cauchemar dans lequel tu te sens prisonnier. Tu parles déjà de tout ce que tu ressens une fois par semaine à ton psychologue et une fois tous les mois avec ton psychiatre et ça te semble largement suffisant. Les yeux toujours en train de fixer tes doigts avec lesquels tu joues nerveusement sous la table, mais tu prends ton courage à deux mains pour les relever vers Abel. « Elle a quel âge, ta fille ? » Il se retrouve maintenant père célibataire et tu n’oses pas à imaginer à quel point ça doit être compliqué, en plus de parvenir à gérer son deuil convenablement.
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
"Je ne dirais pas que c'est plus difficile, tu es juste un autre type d'acteur, enfin, c'est comme ça que je vois les choses, comme ça que j'ai toujours vu les choses." Tu hoches la tête à tes propres mots, tu adores véritablement parler de ton métier et c'est ironique quand on sait que tu es tombé dessus un peu par hasard. Plus désespéré qu'autre chose et en ayant clairement assez des excuses des directeurs de casting et autres personnes de cette élite-là, qui ont déclaré que tu n'étais pas assez ou pas ce que l'on recherchait. Oui, tu aurais clairement voulu que quelqu'un te mette en garde du temps de l'université, quand tu étais encore naïf et à tenter d'avoir un diplôme d'art de la scène, persuadé que c'était la seule chose qui te manquait à l'époque. Tu peux en rire maintenant, te trouver complètement idiot et être content d'avoir assez de travail pour payer tes factures et t'occuper de ton seul et unique enfant, mais cela n'a pas toujours été le cas. Et même, tu ne sais pas si tout ne va pas disparaître d'un claquement de doigts, ABC kids pourrait te dire qu'ils n'ont plus besoin de toi, les développeurs du jeu vidéo pourraient soudainement changer d'avis et partir dans une autre direction... Tu n'as pas choisi une carrière des plus sûre, une carrière qui te plaît et qui te motive assez pour sortir de ton lit le matin oui, mais pas une carrière où tu as un futur qui est garanti. La conversation dérive sur vos pertes respectives, et face à Caleb, tu réalises que c'est la première fois que tu en dis autant à propos d'Ana depuis... Depuis son enterrement en fait, beaucoup ont tenté de te faire parler sur le sujet, mais tu ne l'as pas fait, tu as activement refusé de le faire, te cachant derrière des excuses et en déclamant que tu n'étais pas prêt en fait. Comme quoi, il te suffisait juste d'être dans un restaurant avec un demi-inconnu et la perspective de manger du gras pour pouvoir en parler. Tu ne peux pas dire que cela t'allège spécialement le cœur ou que tu te sens un peu mieux pour le coup, c'est juste là, ton trauma et ta vie déballés sur un pan de la table, à la vue de tous et de toutes dans le restaurant. Ce n'est pas une sensation plaisante quand tu y penses bien, du tout même. Ton regard croise celui de Caleb pendant un bref instant et tu es content de retourner à tes mains la seconde suivante, écoutant l'autre brun partager son expérience face à tout ceci. "Et moi c'est mon père qui a trouvé le groupe de paroles et qui me conduit à chacun des meetings. Je crois et je sais qu'ils essayent de bien faire..." Tu peux le comprendre et le voir dans une certaine mesure, et tu n'as jamais rien caché à tes parents, tu es du genre à tout partager et même trop partager selon certains. Dans ton petit groupe d'amis, tu es sûrement celui qui en dit le plus à ses géniteurs et cela, tu l'as toujours su. Tu as grandi dans un environnement où tu pouvais tout dire à tes parents, sans craindre de punition, sans craindre des réprimandes, sans craindre des leçons de morale... Tes parents t'ont toujours encouragé à être simplement toi, ils savaient déjà qu'ils ne pouvaient pas influencer tes choix ou quoi que ce soit du style, et pour cela, tu leur en es extrêmement reconnaissants, ce sont des choses que tu essayes de transmettre et d'appliquer à ta propre vie de parent. "Je me dis que cela ne doit pas être facile de voir son enfant dans un état pareil." Et c'est vrai que si jamais en grandissant, Althea se retrouvait au bout du rouleau comme tu l'es, tu ferais absolument tout pour l'aider, pour soulever ciel et terre et l'aider du mieux que tu puisses le faire. Après tout, c'est ton rôle de père. "Elle a cinq ans... attend tu veux la voir ?" Tu n'attends même pas de réponse de la part de Caleb, tu trouves rapidement ton téléphone et tu cherches une bonne photo dans ta gallérie, tu tournes l'écran vers lui pour montrer la petite brune, dans son uniforme, affichant très fièrement son cartable avec un sourire sur le visage. Elle te ressemble beaucoup physiquement Althea, des cheveux à son nez au sourire, c'est toi, le reste ? Son envie de refaire le monde et son énergie constante ? Cela vient définitivement d'Ana, ça ne fait aucun doute à tes yeux. "C'est Althea, ma princesse." Qui a perdu sa mère, qui ne sourit plus comme ça depuis quelques mois, qui a plus tendance à s'énerver et à refuser de faire quoi que ce soit qu'autre chose. Visiblement, c'est normal et sa façon de gérer une perte et la tragédie, toi, tu trouves juste cela injuste. "C'est principalement pour elle que je ne peux pas juste... Lâcher prise comme ça, elle a besoin de moi, elle a déjà perdu un parent alors... " Alors tu ne veux pas lui en imposer plus, plus que cela, tu refuses de le faire, tu ne seras pas égoïste à ce point-là, vraiment pas. Tu ne peux pas en réalité et tu finis par pousser un léger soupir, reposant ton téléphone sur la table, juste au moment où tu le fais, vos plats arrivent, tu peux voir le serveur du coin de l'œil se diriger vers vous, parfait, vous avez assez parlé, il te semble. "Oh, parfait la nourriture est là... Jte file une moitié de mon burger et pareil pour toi ?"
"Je ne dirais pas que c'est plus difficile, tu es juste un autre type d'acteur, enfin, c'est comme ça que je vois les choses, comme ça que j'ai toujours vu les choses." Après tout tu n’y connais pas grand-chose. Voire même rien du tout pour être un peu plus précis. Alors tu te contentes de simplement hocher doucement la tête. Tu te dis aussi que l’avantage d’être doubleur, c’est qu’on est moins embêté par la célébrité et tous les désavantages de celle-ci. Ou du moins tu le supposes et pour toi qui n’aimes pas être le centre de l’attention et que tous les regards soient tournés sur toi, il faut dire que cela te semble comme étant un point plutôt positif. Tu te demandes si Abel est pareil. S’il préfère lui aussi être plus effacé. C’est aussi pour ça que tu es si bien dans ta cuisine. Tu te caches derrière les fourneaux et à ton sens c’est très bien ainsi et pour rien au monde tu ne changerais la moindre chose à propos de ton métier.
Plutôt naturellement, le ton de la conversation change entre vous et vous voilà en train d’aborder un sujet sans aucun doute très compliqué pour vous deux. Tu en apprends un peu plus sur lui et tu acceptes de te confier en lui racontant la une partie de ton passé. La raison pour laquelle tu te retrouves forcé à participer à ce stupide groupe. Le décès de ta femme, ta moitié, la personne que tu aimais plus que n’importe quoi, celle pour qui tu ressentais un amour inconditionnel. C’est comme si on t’avait arraché une partie de toi pour qu’elle l’emmène avec elle. Cette partie est morte et enterrée avec Victoria. Tu le sais. Tu sais que jamais tu ne pourras la récupérer. L’histoire d’Abel n’est pas la même mais sa douleur semble tout aussi forte. "Et moi c'est mon père qui a trouvé le groupe de paroles et qui me conduit à chacun des meetings. Je crois et je sais qu'ils essayent de bien faire..." Lui aussi, on le force à venir ici. Dans d’autres circonstances ça aurait pu être amusant. Vraiment. Mais pas ce soir. Pas alors que vous êtes tous les deux en plein deuil. Ton regard croise le sien quelques secondes, assez longtemps pour que tu aies rapidement l’envie de tourner les yeux alors qu’une légère grimace s’étire sur ton visage. Toi non plus tu ne doutes pas une seule seconde de la bonne volonté de vos deux parents. Ta mère a sincèrement peur pour toi, elle est cruellement inquiète et ça doit être la même chose pour le père d’Abel. "Je me dis que cela ne doit pas être facile de voir son enfant dans un état pareil." C’est d’autant plus vrai dans ton cas quand on sait que c’est ta mère qui t’a trouvé après avoir ingurgité une grosse quantité de médicaments dans le seul et unique but d’en finir avec cette douleur insoutenable. Depuis ta mère est encore plus flippée à l’idée de te perdre et de te laisser seul. Tu ne peux pas lui en vouloir. Doucement, tu hoches la tête tout en venant frotter ton menton. « Même si elle ne s’y prend pas bien je ne peux pas lui en vouloir. » Ça n’a pas toujours été le cas. Tu lui en as voulu il fut un temps, mais durant cette période tu étais en colère contre le monde entier. "Elle a cinq ans... attend tu veux la voir ?" Sans la moindre hésitation tu acquiesces. Vous n’avez malheureusement pas eu le temps de fonder notre famille Victoria et toi. C’était le plan pourtant. Le mariage et un premier bébé juste après. À cette pensée tu sens à nouveau ton cœur se déchirer encore un peu. Ou du moins, ce qu’il en reste. Tu te penches légèrement au-dessus de la table pour regarder la photo montrée fièrement par le père de la petite. Son sourire et la joie de vivre de l’enfant sur le cliché te fais esquisser un petit sourire à toi aussi. "C'est Althea, ma princesse." « Althea, c’est un très beau prénom. » que tu lui réponds tout en t’enfonçant de nouveau dans ton siège. « Elle te ressemble beaucoup, elle est très mignonne. » Tu lui dis le plus sincèrement du monde. "C'est principalement pour elle que je ne peux pas juste... Lâcher prise comme ça, elle a besoin de moi, elle a déjà perdu un parent alors... " Tu n’as pas ça, toi. Quelqu’un pour qui t’accrocher à la vie, c’est la raison pour laquelle tu as essayé de rejoindre Victoria quelques mois après sa disparition. Tu ne peux pas comprendre l’amour qu’un père ressent pour sa fille, malheureusement pour toi. Et tu es persuadé que tu n’auras jamais la chance de le comprendre. Le serveur arrive à ce moment-là et avant qu’il ne quitte votre table tu prends soin de le remercier poliment. "Oh, parfait la nourriture est là... Jte file une moitié de mon burger et pareil pour toi ?" Tu souffles et te redresse tout en lui répondant. « Ouais carrément. Faisons ça. » tu acceptes tout en essayant de couper de la façon la plus propre et égale possible ton burger lui donnant une belle moitié. Tes premières impressions sont assez positives. Les burgers ne ressemblent toujours pas à ceux qu’on peut voir en photos sur le menu mais ils n’ont pas non plus l’air complètement dégoûtants. Après avoir croqué une première fois dedans le verdict tombe. « C’est vraiment pas mauvais. » que tu avoues avant de croquer dans la moitié donnée par Abel. « Largement meilleur que McDo en tout cas. » Oui, parce que ton expérience fast food s’arrête à cette grande enseigne. Jusqu’à ce soir en tout cas. « Les frites sont pas mauvaises non plus, mais ça reste clairement du surgelé. C’est dommage. » Ce n’est pourtant pas compliqué de faire des frites fraiches. Mais tu te rends compte qu’Abel ne t’a jamais demandé ton avis critique de chef sur les plats que vous êtes en train de manger ce soir. « Désolé. J’ai tendance à être toujours un peu trop critique quand il est question de nourriture. Mais c’est pas mauvais. » que tu avoues dans un léger rire venant de nouveau croquer dans ton hamburger.
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
Avant, vous étiez un trio, Althea, Abel et Ana. Et oui, les prénoms qui commencent avec la même initiale, c’est totalement voulu, c’est la seule chose qu’Ana a voulu honorer à l’époque, se moquant bien de savoir de qui la petite allait hériter son nom de famille. Elle a pris le tient parce que c’est la convenance et c’est plus facile que d’expliquer votre situation, le fait que oui, toi et Ana vous vous entendez très bien, il n’y a pas eu d’affreux divorce, pas de relation qui s’est terminée par des larmes et des cris, non, juste deux bons amis et deux très bon coparents. Voilà, mais vous avez choisi l’option la plus simple et vous aviez arrêté de vous perdre en explication avec Ana, et de préciser que non, vraiment, vous n’êtes pas mariés. Il n’y a pas qu’un seul type de famille, c’est ainsi que vous l’avez toujours expliqué à Althea et la petite l’a très bien compris et votre équilibre était parfait. Et oui, cela te broie le cœur dans un sens de devoir parler de tout ça, d’Ana, de votre vie de parents, au passé, ce n’est pas facile à faire du tout, mais tu épargnes l’explication à Caleb, il a juste le droit à des photos et des souvenirs heureux. Tu fais glisser les clichés sur ton téléphone avec un fin sourire sur le visage, parce que c’est bien Althea ta seule raison de continuer tout ce cirque et de ne pas laisser tomber. C’est sûrement égoïste de penser de cette façon et pourtant, c’est la stricte vérité. “Merci… et fais gaffe, parce que j’en ai des tas des photos de ma princesse, et plein d’anecdotes, donc ne me lance même pas sur le sujet, sinon, on va être là pendant des heures.” Vraiment, tu n’exagères pas, avant d’être père toi-même, tu ne comprenais pas vraiment l’attrait ou le besoin d’avoir une famille, maintenant ? Tu ne peux pas imaginer une autre vie, du tout même, et ce même si techniquement Althea était un accident. Elle a cessé de l’être au moment où tu t’es retroussé les manches et que tu as assumé tout cela. Sans absolument aucun regret, mais, là encore, tu ne vas pas ennuyer Caleb avec tous les détails, pour le moment, tu es distrait par la nourriture et vu qu’il est d’accord avec ton idée, tu t’occupes de couper ton burger l’instant suivant. Vous échangez vos moitiés comme vous le pouvez et ça au moins le mérite de te faire sourire avant que tu ne puisses porter tout ça à ta bouche. Si tous les problèmes pouvaient être résolus avec un estomac plein, cela serait un fait bien populaire, mais c’est un très bon moyen de compenser, voilà ce que tu te dis en mâchant, une expression satisfaite sur le visage. Caleb donne un avis plutôt honnête et après deux autres bouchées, il a une réponse de ta part. “Tu es capable de sentir la différence ? Okay, j’avoue, c’est impressionnant, pas moi, je me contente de m’empiffrer et c’est tout.” Si tu te concentrais, peut-être que tu pourrais sentir la différence entre les frites ici et celles que tu fais chez toi, mais à quoi bon ? Cela ne fait pas de différence à tes yeux, ce n’est pas qu’une question de repas, tu aimes bien l’ambiance, tu aimes bien les employés et c’est aussi simple que cela pour toi. Si tu voulais un repas en grandes pompes et étoilé, tu irais ailleurs, c’est certain. “Ma mère aime bien dire que je suis un puits sans fond, si tu me donnes de la nourriture je vais manger sans même le réaliser, juste parce que c’est devant moi. Je n’y peux rien, moi, je dis juste que je suis gourmand.” Vraiment, et puis, c’est une tradition de famille de passer du temps dans la cuisine et de savoir reproduire toutes les recettes d’une de tes arrières grand-mère, assez pour pouvoir briller lors des repas de famille et de passer du temps autant dans la cuisine que dans la salle à manger. Heureusement que tu ne fais pas attention à ta ligne en réalité… “Et tu n’as pas besoin de t’excuser… hey au moins, tu te changes les idées, je crois que c’était le but de tout ça, et regarde, on a réussi à le faire sans que je verse une seule larme et franchement, c’est un exploit.” Le ton est léger et pourtant, le sujet est plus que sérieux, ce n’est pas rien à tes yeux. Pouvoir sortir de ta propre tête est difficile ces derniers temps, alors non, tu ne le prends pas du tout à la légère, et tu sais que c’est grâce à Caleb aujourd’hui. “Bref, je me tais, je ne veux vraiment pas plomber l’ambiance.” Du tout et tu te concentres sur ton burger et tes frites pendant les prochaines minutes, pour te remplir l’estomac plutôt qu’autre chose. Enfin,cela, c’était sans compter sur le fait que le silence ? Ce n’est pas vraiment fait pour toi, tu es bavard et curieux par nature, même maintenant, même malgré tout ce qui te pèse sur les épaules.“Okay, juste une autre question, pourquoi la restauration en fait ? C’est ce que tu as toujours voulu faire, ou pas du tout ?”
Vous auriez dû avoir des enfants, Victoria et toi. C’était prévu. Tout était clair dans vos esprits et c’était juste après votre mariage que la belle française avait prévu d’arrêter la pilule pour que vous puissiez construire votre famille. Sauf que tu ne seras jamais papa. Tu en pourras jamais voir à quoi ressemblerait le mélange de ton ADN à celle de Victoria et cette simple pensée te brise complètement le cœur. Tout est encore frais et pourtant cela fait bientôt un an que tu essaies de faire ton deuil, mais tu as comme l’impression que c’est bien plus compliqué qu’on ne le dit. Ou peut-être c’est parce que tu as trop longtemps vécu dans le passé. Tu as récemment changé d’appartement, laissant enfin derrière toi cet endroit dans lequel tu as longtemps vécu avec Victoria. Prendre cette décision n’a pas été simple, c’est con, mais t’avais la sensation de l’abandonner en quittant l’appartement que vous aviez tous les deux choisi. Mais il était temps, Caleb. Il était temps que tu ne vives plus dans cet endroit. Il était temps que tu te débarrasses des meubles que vous aviez choisi ensemble et qui te renvoyaient à tout un tas de souvenirs douloureusement heureux. Quand tout était plus simple. Quand tu étais heureux et amoureux alors qu’aujourd’hui tu n’es qu’un homme qui vit sous antidépresseur somnifère et anxiolytique pour essayer de te sortir la tête de l’eau. Il y a tout de même ces photos qu’Abel te montre, fièrement. Et il peut l’être. Sa fille est adorable sur chacun des clichés et ses sourires parviennent même à t’en faire esquisser un. Il est léger ce sourire, mais il est devenu de plus en plus rare. “Merci… et fais gaffe, parce que j’en ai des tas des photos de ma princesse, et plein d’anecdotes, donc ne me lance même pas sur le sujet, sinon, on va être là pendant des heures.” C’est un papa fier, et si tu ne peux pas comprendre la difficulté dans laquelle il se trouve actuellement tu peux en revanche essayer de l’imaginer. Perdre la maman de son enfant et se retrouver du jour au lendemain seul pour élever sa fille doit être extrêmement compliqué. « Oh, ça ne me dérangerait pas. À cinq and tu dois avoir tout un tas d’anecdotes à raconter. » En prononçant ces mots tu l’invites presque à t’en donner quelques-unes. Plus Abel parle, moins ça t’oblige à devoir le faire et c’est sans aucun doute quelque chose que tu apprécies. T’as jamais été un grand bavard et tu n’as jamais aimé devoir parler encore et encore. Sûrement pour ça que ta fiancée était un vrai moulin à paroles, elle parlait pour vous deux.
Étonnement surpris par le bon goût du burger tu ne tardes pas à faire part de tes impressions à Abel. “Tu es capable de sentir la différence ? Okay, j’avoue, c’est impressionnant, pas moi, je me contente de m’empiffrer et c’est tout.” Sa réponse t’arrache un rire. Pas un rire forcé mais bien loin d‘être le rire le plus joyeux du monde pour être honnête. La joie est bien loin de toi à présent. Tu hoches la tête et avant de répondre la serviette passe sur tes lèvres doucement. « Même au visuel je pourrais te dire si les frites sont congelées ou faites maison. » C’est loin d’être un exercice compliqué. Mais au moins la qualité du surgelé de ce fast food est bien meilleure que celle du McDo. “Ma mère aime bien dire que je suis un puits sans fond, si tu me donnes de la nourriture je vais manger sans même le réaliser, juste parce que c’est devant moi. Je n’y peux rien, moi, je dis juste que je suis gourmand.” En temps normal il te ferait franchement rire, Abel mais entendre un tel son venant de ta part reste encore assez rare. Tu manges, sans forcément répondre venant goûter cette fois sa moitié de burger. “Et tu n’as pas besoin de t’excuser… hey au moins, tu te changes les idées, je crois que c’était le but de tout ça, et regarde, on a réussi à le faire sans que je verse une seule larme et franchement, c’est un exploit.” Il ne croit pas si bien dire, je pense pouvoir affirmer pour toi que tu n’as jamais autant pleuré en une année de ta vie. Le seul changement c’est que depuis peu, tu commences à réussir à parler de Victoria sans fondre en larmes instantanément. “Bref, je me tais, je ne veux vraiment pas plomber l’ambiance.” Tu relèves la tête vers lui en la secouant. « Non non non, t’en fais pas. » tu lui assures. « Pour moi aussi ça relève du miracle. » que tu n’aies pas pleuré. Mais il n’est pas encore trop tard ceci dit. “Okay, juste une autre question, pourquoi la restauration en fait ? C’est ce que tu as toujours voulu faire, ou pas du tout ?” Avant de lui répondre tu attends d’avoir avalé le morceau de burger. « J’ai toujours adoré cuisiner. Quand j’étais plus jeune je passais mon temps à cuisiner pleins de choses pour toute ma famille et je refaisais en boucle les mêmes recettes jusqu’à ce qu’elles soient parfaites. J’y ai jamais vraiment réfléchi en fait, ça a toujours été un peu comme une évidence. » Que ce soit cuisiner ou même manger, c’est sûrement ce que tu préfères faire dans la vie – peut-être un peu triste mais c’est réel. « Tu as déjà été en France ? Si tu aimes tant manger, tu adorerais. Je n’ai jamais aussi bien mangé que quand j’étais là-bas. » Raison pour laquelle tu as voulu te diriger vers la gastronomie française pour ton restaurant.
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
À la remarque de Caleb, tu hoches vigoureusement la tête, bien entendu, tu en as des tas d’anecdotes à raconter à propos d’Althea. Quel genre de père serais-tu si tu n’étais pas un minimum impliqué dans la vie de la petite ? Tu l’as toujours été, il n’a jamais été question d’être distant pour toi, il faut dire que tu as eu un très bon modèle en grandissant, tu es proche de tes deux parents et tu sais que tu peux tout dire à l’un comme l’autre sans craindre le jugement. Si ta mère est du genre à te pousser à te dépasser et à te battre pour tes rêves, ton père lui, il offre un autre type de perspective, il te rappelle bien souvent que les gens ont tous leur poid, certes invisible, sur les épaules, et qu’ils font tout simplement de leur mieux. Une leçon très importante et tes parents ont su élever un jeune homme équilibré. Et c’est bien ce type de leçon que tu veux transmettre à ta petite fille, aucun doute à ce sujet. Tu reprends donc sur un ton enjoué, ton vrai sourire revenant sur ton visage sans que tu ne puisses l’arrêter. Caleb ne se rend sûrement pas compte à quel point il a de la chance, l’expression qui perce ton visage en ce moment est rare, elle est gardée avec une précaution certaine depuis la mort d’Ana et elle n’est vraiment pas facile à conjurer. Du tout même. “Oui, des tas, elle adore les animaux et sa couleur préférée en ce moment, c'est le violet. Donc évidemment, tout est violet dans sa chambre, ça, c'est la couleur du moment, dans six mois, je vais devoir repeindre les murs et avoir une autre charmante conversation avec mon propriétaire... autant dire que je n’ai vraiment pas hâte d’en arriver là.” Mais tu t’y fais, dès que la petite a besoin d’un changement de couleur et qu’elle change de couleur préférée, vous faites un petit passage vers la boutique la plus proche pour acheter pots de peintures et des nouveaux pinceaux. Un autre parent te dirait sûrement que tu devrais refuser ce genre de caprice, ce que tu ne feras jamais, si la couleur de ses murs aident Althea à se sentir plus à l’aise dans son espace et nourrit son imagination, alors tu ne diras jamais non. Bien sûr que non. Caleb répond à tes propres questions et tu n’en restes pas moins impressionné, il dit tout cela avec une humilité certaine, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde en fait. “J’adore cuisiner aussi, mais je n’ai jamais songé à en faire une carrière pour te dire, et puis je crois que ma grand-mère prendrait le premier avion pour me tirer par la peau du cou si elle apprenait que je divulgue des secrets de famille pour me remplir les poches.” Un léger rire t’échappe avant que tu ne mordes dans ton burger, et tu comprends tout à fait ce que le brun veut dire quand il parle d’évidence. C’est comme toi avec ta carrière, okay, tu as fait un léger détour, cependant, tu passes tout de même ton temps à jouer d’autres personnages, à te glisser dans leur peau, à les faire vivre... tu n’aurais pas pu faire autre chose pour gagner ta vie, tu le sais avec certitude. Et quand Caleb te demande si tu t’es déjà perdu du côté de la France, tu as un hochement de tête négatif, le notant dans un coin de ta tête. “Non, jamais, je le note, j’ai déjà un peu voyagé, mais surtout en restant proche de l’Australie, je suis né au Philippines mais je vis à Brisbane depuis très, très longtemps.” D’aussi loin que tu t’en souviennes, la vie à Manila a été brève et tu n’en as que des échos au final, tes premiers souvenirs de la ville sont beaucoup plus récents et moins flous. “Je peux donc te conseiller ça aussi si tu aimes bien manger, bon, il ne faut vraiment pas que tu demandes l’apport calorique de chaque plat... à côté ce qu’on mange maintenant... ouais les burgers, ça parait presque diététique pour te dire.” Et décidément pas gastronomique, on pense surtout à se remplir l’estomac pour une journée de boulot, ça ne veut pas dire que les plats sont beaucoup moins travaillés ou quelque chose comme ça, mais tu ne rangerais certainement pas cela dans la catégorie de la gastronomie. “Merci au fait…” Cela aussi, ça t’échappe avant que tu ne puisses véritablement l’arrêter, histoire de, et parce que c’est la vérité. Caleb aurait pu choisir d’aller passer son heure ailleurs et en paix, il n’était pas obligé de te suivre. “Merci... De m’avoir suivi aujourd’hui et ne pas trop insister pour les questions.”
“Oui, des tas, elle adore les animaux et sa couleur préférée en ce moment, c'est le violet. Donc évidemment, tout est violet dans sa chambre, ça, c'est la couleur du moment, dans six mois, je vais devoir repeindre les murs et avoir une autre charmante conversation avec mon propriétaire... autant dire que je n’ai vraiment pas hâte d’en arriver là.” Tu en viens à le jalouser un peu, Abel, mais à l’instant même où tu te mets à ressentir cela la culpabilité vient te frapper. Il est seul pour élever sa fille alors clairement rien qui ne donne envie. Il a perdu la mère de son enfant, alors pourquoi est-ce que tu ressens presque une pointe de jalousie quand il te fait part de plusieurs anecdotes concernant sa princesse ? C’est ridicule parce qu’en plus tu as demandé à ce qu’il te parle d’elle. Ce qui l’est d’autant plus c’est que la situation dans laquelle se trouve le Reyes n’a sans aucun doute rien à se faire envier. Être seul pour élever un enfant, ça n’a rien d’attrayant et tu le sais. Au fond de toi. Mais il n’est pas seul. Plus jamais il ne sera seul et ça c’est justement parce qu’il a sa fille avec lui. Il a un enfant. Il a cette chance, dans son malheur actuel. Toi, la future mère de tes enfants est morte et à l’heure d’aujourd’hui tu es persuadé que jamais tu ne pourras connaître le bonheur d’être papa. Tu n’auras jamais d’enfant. Cette chance tu l’as perdue à la seconde même où Victoria a donné son dernier souffle. Cette pensée te brise le cœur et te donne à nouveau envie de fondre en larmes. Tu vas être seul à vie, tu le sais parce que jamais tu ne retrouveras l’amour. C’est ce dont tu es persuadé en tout cas mais tu es loin d’imaginer que tout cela est faux et que si, tu vas de nouveau ressentir ce sentiment qui te fait te sentir vivant. Tu es loin d’imaginer que tu auras le bonheur d’entendre non pas un mais plusieurs enfants t’appeler papa. T’es dans une mauvaise passe, Caleb, en témoignent les médicaments que tu prends tous les jours depuis presque un an et sans lesquels tu serais sans aucun doute encore dans une profonde dépression, perdu dans les pensées les plus sombres que tu n’as jamais eues de ta vie. Une vie dont tu ne voulais plus, d’ailleurs. Mais heureusement qu’aujourd’hui tout cela est différent. Plus ou moins. Tu apprends à vivre sans Victoria malgré à quel point c’est toujours aussi difficile mais la différence entre l’année dernière et aujourd’hui c’est que maintenant tu veux t’en sortir. Même si tu as beaucoup de difficulté à trouver un sens à ta vie à présent. Mais ça viendra, je ne me fais pas trop de souci pour toi. “J’adore cuisiner aussi, mais je n’ai jamais songé à en faire une carrière pour te dire, et puis je crois que ma grand-mère prendrait le premier avion pour me tirer par la peau du cou si elle apprenait que je divulgue des secrets de famille pour me remplir les poches.” Un tout léger rire ressort de tes lippes pour venir se mélanger au sien tandis que tu baisses les yeux sur ton burger. « Je prends juste des recettes françaises que je revisite, c’est pas très original et rien de bien compliqué. » bien entendu que tu dénigres ton travail et ta carrière. Te connaissant ça n’a absolument rien d’étonnant.
“Non, jamais, je le note, j’ai déjà un peu voyagé, mais surtout en restant proche de l’Australie, je suis né au Philippines mais je vis à Brisbane depuis très, très longtemps.” Tes lèvres s’étirent doucement. Certes tu souris, mais cela fait bien longtemps que l’on n’a pas vu un sourire réellement joyeux sur tes lippes parce qu’encore ce soir, si tu souris un peu la joie de vivre est bien loin. « Je n’ai jamais été aux Philippines, mais ça m’a l’air d’être le genre d’endroit où on va pour se ressourcer. J’aimerais bien y aller un jour. » Tu ne sais pas si on se rend réellement en Philippines pour ces raisons mais ce sont les représentations que tu en as. « La nourriture est comment là-bas ? » que tu lui demandes tout en arquant un sourcil, toujours curieux d’en apprendre plus sur des gastronomies que tu ne connais pas vraiment. Ou pas du tout. “Je peux donc te conseiller ça aussi si tu aimes bien manger, bon, il ne faut vraiment pas que tu demandes l’apport calorique de chaque plat... à côté ce qu’on mange maintenant... ouais les burgers, ça parait presque diététique pour te dire.” Sa remarque t’amuse un peu et c’est en levant un peu ton burger que tu lui réponds. « Ce truc qui dégouline presque de gras, diététique ? Tu m’intrigues vraiment. » de toute façon tu ne fais pas vraiment attention aux apports caloriques la cuisine française loin d’être la plus saine. Entre les plats en sauce principalement cuits au beurre ou à l’huile d’olive selon la région, le gras est bel et bien présent. “Merci au fait… Merci... De m’avoir suivi aujourd’hui et ne pas trop insister pour les questions.” Tu relèves les yeux vers lui, posant le petit morceau de burger qu’il te reste sur son emballage et avant de lui répondre tu passes une serviette sur tes lèvres. « Merci de m’avoir proposé de t’accompagner. » parce qu’après tout vous n’êtes que des inconnus l’un pour l’autre. « Et merci à toi aussi de ne pas me bombarder des questions. » tout le monde n’a pas cette présence d’esprit, mais puisqu’il traverse la même chose que toi, il comprend. « On devrait faire ça plus souvent. »
≈ ≈ ≈ {it's me, hi, I'm the problem, it's me} crédit/(edif-crackship/tumblr) ✰ w/ @Caleb Anderson
À vous y voir, on pourrait croire que vous êtes amis de longue date, Caleb et toi. Vraiment, et que vous vous retrouvez juste après une longue journée de boulot pour un repas bien mérité et pour décompresser tout simplement. Oh, tu aimerais tellement que ce soit le cas... si un génie apparaissait devant toi et que tu pouvais faire trois vœux, le premier serait de ramener Ana. Tu ne changerais rien d'autre, tu la ramènerais juste elle pour pouvoir partager ce genre de moment, aucun doute à tes yeux, elle aurait trouvé l'autre brun sympa et intriguant. Elle serait déjà sur son téléphone en train de chercher le restaurant de Caleb et en train de faire une réservation, histoire d'aller tester tout cela par elle-même et de se faire une vraie idée de son talent. Si tu n'es pas timide, Ana ne l'a jamais été non plus et à vous deux, vous êtes, enfin, vous étiez, capable de mettre n'importe qui a son aise, et ce, après seulement cinq minutes de conversation. Il te manque une précieuse alliée à l'heure actuelle, mais, tu peux toujours froncer les sourcils en entendant la façon dont Caleb parle de lui-même. "Hey, si tu es à la tête de ton propre restaurant, c'est que ça marche, donc interdiction de se descendre en flèche Monsieur Caleb." Et puis, de ce que tu sais, il s'agit d'un domaine difficile et qui ne pardonne pas, si Caleb n'était pas un minimum doué, il aurait très sûrement mis la clef sous la porte depuis longtemps. Ce n'est pas le cas, et tu es, enfin en temps normal, un optimiste plus que déterminé. Oui, cela s'est un peu ternie et estompé avec le décès d'Ana mais tu as toujours été de ceux qui voient le bon côté des choses et qui se concentrent sur ce qui marche. Certes, récemment, ton monde penche du mauvais côté, et tu es obligé de constater que les choses ne sont pas toujours juste, malheureusement. Cependant, tu le sais en ton for intérieur, que c'est une leçon importante à apprendre, oui, le prix à payer est plus que fort, oui, c'est injuste, tu es toujours là et pas elle. Et tu ne peux que faire face au jour suivant et au jour suivant, et là, tout ce que tu as à faire, c'est satisfaire la curiosité de Caleb concernant tes traditions familiales. C'est simple, c'est quelque chose que tu peux faire et qui ne nécessite pas tant de réflexions que cela en fait. "Varié, on aime bien le sucre et le sel, et surtout la combinaison des deux, il faut avoir les papilles bien accrochées, et être toujours affamé... non vraiment, ma grand-mère le prend personnellement quand on refuse un de ces plats ou même de prendre une seconde assiette." Tu adorerais dire que tu exagères, mais ce n'est pas le cas, tu te fais une petite note mentale de ramener quelque chose pour Caleb la prochaine fois. Tu pourras toujours dire que c'est pour le groupe de paroles et dans un sens, ça ne sera pas un vrai mensonge en fait. Non, ce n'est pas ton genre de faire des cachoteries, mais parfois, cela peut être utile, comme aujourd'hui. Caleb a raison que tu penses, vous devriez faire ça plus souvent, tu ne penses pas mériter les remerciements de l'autre homme, mais tu hoches tout de même la tête, histoire de. "Je vote pour, on s'éclipsera dès qu'on pourra et on dira qu'on va mieux à ceux qui veulent l'entendre." C'est un tout petit mensonge pour avoir quelques heures pour respirer, sans qu'on te demande à tout bout de champ comment tu vis cette perte. Sans qu'on s'excuse en mentionnant Ana, sans qu'on tente de te faire parler d'elle ou qu'on te donne des outils pour gérer ton deuil, ta dépression et toutes les émotions négatives qui t'ont envahi depuis en fait... Juste une toute petite heure où tu peux avoir l'impression de redevenir un être humain, sans aucune conséquence. Tu prends une autre bouchée de ton hamburger, dans la moitié que tu as échangé avec Caleb, et tu jettes ensuite un coup d'œil à l'horloge qui se trouve sur le mur du restaurant. Avec tout ça, tu n'as presque pas vu le temps passer au final. "D'ailleurs, on ne devrait pas trop tarder, mon père a dit qu'il passerait me prendre, je veux qu'il continue de croire que ça fonctionne ce groupe donc bon.." Tu n'as pas envie de le décevoir, c'est un peu triste à dire, mais cela reste la vérité. "Cela restera notre petit secret." Caleb a même le droit à un de tes fameux clin d'œil, et ça te donne presque l'impression que tout un pan de ta vie ne s'est pas écroulé, presque. Et rien que pour cela, lui adresser la parole était une bonne idée.