@PENELOPEIA HARRISON & KIERAN HALSTEAD ⊹⊹⊹ Isn't it fun losing your mind, Bending underneath that pressure. Here what it's like pieces of life, Pieces of mind. (c) fuckyeahadele&harley. 

(FLASHBACK). Parce qu’il avait eu le malheur de prononcer le prénom d’Autumn dans une conversation avec Fiona, son amie s’était aussitôt mise en alerte à l’idée que l’ancien couple puisse avoir initié un rapprochement. Et dans tout ça, l’erreur qu’identifie Kieran est bien d’avoir admis, par inadvertance, qu’il voit à nouveau son ex-fiancée et non pas le fait de justement se rapprocher d’elle alors que leur relation s’est terminée dans les cris et la violence. Fiona, elle, se veut bien plus raisonnable concernant la situation, et passé une habituelle morale qui entre par une oreille pour ressortir par l’autre, elle a vite compris qu’elle ne pourrait pas résonner Kieran de cette façon. Elle avait été aux premières loges pour ramasser le dessinateur à la petite cuillère quand il était revenu à Brisbane après avoir largué Autumn par lettre – ce qui n’est pas son plus beau fait d’arme, il en convient – et s’il lui avait fallu du temps, Fiona avait finalement compris les raisons de leur rupture, et le comportement toujours plus toxique d’Autumn qui avait poussé Kieran jusqu’à ses retranchements. Il s’était sorti de cette relation non sans difficultés et après plus d’un an à tenter de réapprendre à vivre par lui-même et à retrouver une place qu’il avait perdu auprès de ses proches, le voilà qui commet les mêmes erreurs en retombant sous le charme de celle qui a la première femme qu’il a aimée, et celle auprès de laquelle il pensait finir sa vie. Et malgré des faits évidents, autant de l’impact de la jeune femme sur son bonheur et sa confiance en lui que toutes les choses qu’il s’est interdit sur la fin de cette relation, Kieran ne semble pas prendre la pleine mesure de l’ascendant que son ex-fiancée a toujours sur lui et semble reprendre, peu importe si Fiona lui fait la liste de toutes les raisons pour lesquelles il a décidé de sortir de cette relation il y a deux ans.

Alors puisque ses leçons ne servent à rien, Fiona s’est décidée à employer la manière forte. Autant consciente que la raison principale derrière sa faiblesse s’explique par sa volonté de se sentir aimé que son incapacité à oublier son ex, elle ne lui a guère laissé le choix quand elle a débarqué chez lui pour lui annoncer son plan. Un plan qui n’est pas particulièrement élaboré, mais qui, selon elle, devrait néanmoins marcher. Kieran a manqué d’attention quand son amie a expliqué le cheminement jusqu’à cette finalité qui, elle, a bien été enregistrée de sa part tant elle est terrifiante : il va devoir se rendre à un blind date. Et si l’on pourrait croire que sa volonté a néanmoins son mot à dire dans toute cette histoire, c’est mal connaître Kieran que de croire qu’il pourrait s’opposer à sa meilleure amie et prendre ainsi le risque de la décevoir. Les envies des autres ont toujours primées sur les siennes et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle. Ce que veut Fiona, Fiona l’obtiendra, peu importe comment lui se sent face à tout ceci. Qu’on se le dise ; Kieran s’est déjà essayé aux rencontres hasardeuses, qu’elles soient arrangées par ses amis ou dues à une application et dans les deux cas, on ne peut pas dire que la situation lui ait réellement été favorable. Il y a une raison pour laquelle Autumn a été sa première copine et ce, à l’âge déjà avancé de vingt-cinq ans : ses capacités en matière de drague sont inexistantes – ou terrifiantes, ça dépend du point de vue. Autant dire qu’il n’a que très peu d’espoir quant à l’idée de se rendre à ce rendez-vous, sur lequel plane aussi l’ombre d’un objectif qui n’est pas anodin : celui de tenter d’oublier son ex en faisant de nouvelles rencontres. Si Fiona se veut optimiste quant à la perspective que son plan fonctionne (que ce soit avec cette Pene ou avec une autre puisqu’elle l’a déjà avertie qu’elle ne s’arrêterait pas à cet échec s’il devait avoir lieu), Kieran lui, présage déjà une longue soirée d’humiliation.

Et il ne pensait pas si bien dire. Vêtu d’un jeans sombre et d’une chemise bleue pétrole, arrivé en avance – c’est suffisamment rare pour être signalé – devant le bar où Fiona a organisé la rencontre, son regard recherche n’importe quelle fille qui pourrait coller à la description physique fournie par son amie. Blonde, les yeux bleus, souvent maquillée d’un trait d’eyeliner, une légère fossette au menton. Autant dire que la description peut coller à un nombre incalculable de filles qu’il croise dans la rue ; mais il a bon espoir que la clientèle dans ce bar soit suffisamment diversifiée pour que l’une d’entre elle l’interpelle. Et c’est le cas. Mais ce n’est pas pour son beauté – il tuerait plutôt que d’admettre qu’elle a du charme – mais pour l’air familier qu’il lui reconnaît quand elle s’approche. Pene. Penelopeia. Un rire nerveux s’échappe d’entre ses lèvres, quand il prend conscience qu’il y a une certaine poisse qui ne cesse de le suivre ; et évidemment que son rencard à l’aveugle ne pouvait pas se dérouler en toute quiétude. Et s’il n’a d’ordinaire pas l’esprit revanchard, le fait est qu’il se doute bien qu’une reine des abeilles comme elle n’a probablement aucun souvenir du roi des blaireaux qu’il était ; il pourrait presque vouloir s’en amuser. « Hé ! Pene, c’est ça ? » Qu’il prétend s’hasarder avec un sourire maîtrisé – et dans le fond, il a envie de lui faire comprendre qu’elle n’a pas eu suffisamment d’importance pour qu’il se souvienne d’elle, quand bien même c’est un mensonge.

Un instant, il est tenté de faire demi-tour. De prétendre auprès de Fiona qu’il s’est trompé d’endroit, ou alors pour s’assurer d’éviter la moindre question, mettre la faute à un mal de ventre carabiné qui l’a empêché de quitter son appartement. Il jouera à l’innocent, à celui qui s’en veut d’avoir loupé une telle opportunité, se fera pardonner en quémandant le numéro de téléphone de ladite Pene pour lui envoyer un message d’excuse et lui proposer un nouvel essai. Il l’obtiendra et se fera violence pour ne pas lui adresser un texto assassin qui vaudra pour toutes les fois où il n’a pas osé réagir, avant de jeter son numéro aux oubliettes et de convaincre Fiona que c’est bien son amie qui n’a jamais répondu à ses sollicitations. Il n’est pas fourbe de nature, Kieran, mais il l’est devenu avec les années, alors qu’il a pris conscience que c’est une façon de survivre comme une autre. Il ne peut plus se cacher derrière sa jeunesse et son innocence pour échapper aux situations qui le dépassent, pas plus qu’il n’a trouvé le courage nécessaire de le dire lorsque les choses ne vont pas comme il le souhaiterait ; alors il fait avec ce qu’il a et il a un talent certain pour le mensonge. Il peut, en partie, remercier Penelopeia et ses amis pour ceci, alors qu’il fallait bien trouver des subterfuges pour ne jamais croiser leurs routes ou faire attention à chaque parole qui pourrait être retournée contre lui. Puis il y a eu les autres, ceux qui étaient pires, ceux qui rendaient sa scolarité véritablement infernale et face auxquels les mensonges sont devenus une deuxième nature pour tenir le coup et s’inventer une vie plus agréable qu’elle ne l’était réellement. Le temps est passé et Kieran ne s’est pas raisonné pour autant, alors que ses impostures sont devenues de plus en plus nombreuses. À la tête de son propre commerce, marié avec un enfant en route, un prix pour sa dévotion aux plus démunis, les versions changent en fonction de son interlocuteur du moment qu’elles peuvent mettre une lumière sur lui qu’il n’a jamais en temps normal.

À quelques pas de Penelopeia, il s’interroge un instant sur la version qui lui ferait regretter son comportement ou, du moins, saurait lui donner l’impression qu’il a évolué alors que ce n’est pas vraiment le cas. Pour ceci, il faudrait encore qu’elle se souvienne de lui et il se doute bien qu’il ne lui a pas laissé un souvenir aussi impérissable qu’elle ne l’a fait de son côté. Pour toutes ces raisons, Kieran finit par abandonner l’idée de lui fausser compagnie et finit par aller à sa rencontre, sans réellement savoir quel  est le plan ; à vrai dire il est parfaitement convaincu qu’il peut lui faire passer la pire soirée de sa vie sans qu’elle ne puisse mettre une identité sur ce ridicule bonhomme qu’elle va détester durant quelques heures. Pas croyable. Mais comme bien souvent avec Kieran, ses intuitions sont erronées et ses bonnes idées se transforment en désastre. Salut ! Oui, c’est bien ça. Pene. Kieran ? Putain, je suis vraiment étonnée pour le coup. Je m’attendais à un paquet de monde, mais tu es bien la dernière personne à laquelle… Merde. Réfléchis, réfléchis, réfléchis. Il n’a pas imaginé ce cas de figure alors qu’il lui paraissait évident qu’elle ne pourrait se souvenir de lui ; après tout, Penelopeia ne doit même pas se souvenir de ses amis du collège compte tenu du nombre de personnes qui gravitaient autour d’elle. Alors, les types comme lui... Attends, c’est bien toi ? Pour le … Il force un sourire face à son geste, tentant de gagner du temps. enfin tu vois… Oui, malheureusement. « Le blind date, oui. Ou le piège organisé, ça dépend du point de vue. » Son rire nerveux trahit le malaise qui est désormais le sien. Je suis impolie. Assis-toi, je t'en prie. Il a surtout envie de fuir en courant, mais puisque le barman semble prêt à prendre sa commande, il prend place en demandant une bière – qui sera bue suffisamment vite pour traduire de son véritable état d’esprit. Réfléchis, réfléchis, réfléchis. Il panique de plus en plus à mesure qu’il ne sait comment appréhender cette rencontre. Et comme trop souvent avec Kieran, l’idée qui lui passe par la tête est certainement la plus foireuse de toutes. « Pour le reste, je t’avoue que si tu as vu juste sur mon identité, j’ai plus de peine à te situer... Désolé. » Qu’il avoue, mimant un certain malaise pour mieux faire passer son mensonge. « Tu aurais préféré quelqu’un d’autre ? » Il demande, remerciant en passant le barman qui dépose une bière devant lui avant qu’il ne reporte son attention sur Penelopeia. « J’espère que tu es pas trop déçue. » Oh si elle ne l’est pas encore, il compte bien faire en sorte qu’elle le devienne.

@Penelopeia Harrison

Le mensonge n’est pas assez valorisé dans notre société. Du moins, c’est l’avis – discutable – de Kieran, alors qu’il excelle dans le domaine à force de prétendre vivre une vie qui est très éloignée de la réalité. Au-delà de ça, c’est par instinct de survie qu’il a fait de la supercherie un art de vivre ; domaine qui lui a néanmoins été imposé par Penelopeia et d’autres camarades comme elle, alors que Kieran n’avait pas vraiment le choix que de trouver des stratagèmes pour espérer qu’ils l’oublient. Ça n’a pas toujours fonctionné, mais à quelques rares occasions il savait se montrer suffisamment convaincant pour qu’on lui laisse le bénéfice du doute quant au fait que « j’te jure mon grand-frère va venir te péter la gueule » avant que l’on comprenne qu’il n’en avait pas. Mais il a usé de toutes les options possibles, frère, cousin, oncle, parrain, toutes les occasions étaient bonnes pour se cacher derrière ses ambitions de vie rêvée. Une fois que ses scénarios étaient percés à jour et considérés comme peu convaincants, il continuait de mentir, Kieran, en présentant le second acte de sa comédie ; et les mensonges visaient alors à prétendre que les attaques ne l’atteignaient pas, alors même qu’elles ont façonné celui qu’il est devenu. Il pourrait accorder le bénéfice du doute à Penelopeia. Il pourrait l’excuser par une immaturité qui est omniprésente à l’adolescence et qui s’estompe à l’âge adulte – il a eu vent de ses succès qui attestent de cette hypothèse. Il pourrait se souvenir des quelques rares moments de camaraderie où il découvrait une fille qu’il aurait pu apprécier, si elle lui avait laissé l’occasion de le faire. Il pourrait s’accrocher au fait qu’elle n’a jamais été dans les pires bourreaux qu’il ait connu, que ses moqueries restaient dans la limite de l’acceptable. Il pourrait la comprendre, alors que sa différence aurait pu faire d’elle une proie facile et qu’il était préférable de détourner l’attention sur encore plus vulnérable qu’elle. Il pourrait oui, mais il a la rancune tenace Kieran et les désirs de vengeance qui l’animaient à l’adolescence n’ont jamais pu être comblés, ce qui les a empêchés de disparaître ou, du moins, de s’estomper suffisamment pour qu’il ne les juge plus nécessaires. À cet instant, c’est le mensonge qui l’est, et Kieran ne s’excusera pas d’en faire usage alors qu’il s’agit d’une manière de faire qui lui permet de garder contenance autant que de lui laisser quelques minutes qui sont les bienvenues pour déterminer de l’attitude qu’il souhaite avoir à l’égard de Pene.

Il n’a aucune peine à se montrer convaincant quand il prétend ne pas se souvenir d’elle. La gêne dans sa voix est maîtrisée, autant que le rictus désolé qui s’affiche sur ses lèvres. Il est curieux de découvrir la manière dont elle se rappellera à son bon souvenir ; et lorsque c’est le cas, il doit se faire violence pour ne pas esquisser un rire mesquin. Ah oui ? Penelopeia Harrison. On était au même collège à Brisbane. On avait quelques cours en commun je crois. Son regard quitte le sien un instant pour bifurquer vers la droite, sa tête se penchant légèrement comme s’il était à la recherche d’un quelconque souvenir pour lui accorder du crédit, alors même qu’il en possède de trop nombreux la concernant. Il lui laisse une seconde chance de se rattraper alors qu’il met en avant l’éventuelle déception que sa présence peut lui causer et une fois encore, la réponse n’est pas vraiment celle qu’il espérait. Je n’en suis même pas sûre… Ce ne sont pas des manières, ça, Penelopeia, parce que Kieran l’interprète comme le fait qu’elle se contentera de ce qui se présente à elle. « Je vais le prendre comme un compliment. » Le rictus qu’il affiche sur ses lèvres s’essaie à être amusé. Il ne sait pas exactement comment il doit le prendre, tout ce dont il se souvient est qu’il n’a jamais été le choix de quiconque, pas même le second, le troisième et ainsi de suite ; Kieran ne faisait pas plus de vagues à l’époque qu’il n’en fait maintenant, se fondant dans la masse autant par un physique quelconque qu’un caractère mollasson. Non, je suis pas déçue. Pas du tout même. Même si l'occasion est un peu... Réfléchis bien, Pene. embarrassantes, ça me fait plaisir de prendre des nouvelles d’un ancien camarade de classe. Quelle ironie. Maintenant, Kieran peut se vanter d’être à l’origine d’un certain « plaisir » là où à l’époque il semblait provoquer son agacement. Peut-être qu’en réalité il lui en apportait déjà à l’époque, mais il préfère ne pas considérer l’option selon laquelle elle appréciait l’attitude qu’elle avait envers lui. « À nos retrouvailles, dans ce cas. » Il annonce en levant sa bière pour faire tinter le goulot contre le verre de vin de la jeune femme, avant de se permettre une gorgée visant, aussi, à réduire son angoisse. Le problème, avec Kieran, c’est qu’il ne sait jamais vraiment où il va, mais il y va. Et souvent, c’est bien en direction des ennuis. « J’ai pas vraiment de souvenirs du collège, alors si ça peut te rassurer, ça a rien de personnel. » Si. Mais puisqu’il termine sa phrase avec un rire amusé, on pourrait le croire sincère. « Le désavantage, c’est que je vais te poser toutes les questions bateau pour savoir comment t’étais à cette époque-là. » Il n’a pas souvent des rencards, Kieran, alors autant dire qu’il n’est pas particulièrement à l’aise avec les grands sujets de conversation qui animent ceux-ci ; mais celui-ci est cliché et, par conséquent, parfaitement adapté à ses yeux. « L’avantage, c’est que tu peux dresser ton meilleur portrait sans que je me rende compte de ce qui est vrai ou de ce qui est faux. » Il conclut avec un haussement d’épaules détaché, portant à nouveau sa bière à ses lèvres durant un instant, avant de soutenir son regard ; la question n’est pas explicite, toujours est-il qu’il l’invite à l’aiguiller, ou plutôt à lui indiquer, si ses souvenirs sont aussi persistants que les siens.

@Penelopeia Harrison  

A nos retrouvailles. Qui aurait cru que nous nous retrouverions un jour ici à partager un verre ? Il fausse un rire amusé. Certainement pas lui, et il ne sait toujours pas comment interpréter la situation. Il a envie de la fuir, mal à l’aise d’être ainsi confronté à un fantôme du passé qu’il n’associe pas avec de bons souvenirs, tout en étant curieux de se faire une opinion de Penelopeia plus ancrée dans la réalité. Kieran peut se montrer de mauvaise foi, il l’est probablement en n’ayant malgré tout aucune envie de lui accorder le bénéfice du doute. Pour autant, au fond de lui, il sait aussi que de nombreuses années sont passées depuis leur dernière rencontre et qu’il serait incorrect de sa part de considérer que Pene n’a pas changé. À distance, il a bien vu que la plupart de ses camarades ont évolué, ont gagné la maturité qui leur manquait à l’époque pour le traiter comme leur égal, et qu’en fin de compte, ce sont bien eux qui avaient raison quand ils supposaient que le Halstead « ne changerait jamais ». C’est bien le même garçon timide, peu sûr de lui et marqué par ses souvenirs de collège qui fait face à Pene aujourd’hui, là où la jeune femme semble s’être posée et avoir acquis une bienveillance qu’il ne lui reconnait pas. On était tellement différents à l’époque. - « J’étais différent de beaucoup de monde. » Ce qui ne lui avait pas toujours réussi. Peut-être qu’il se trahit à reconnaitre ce détail, toujours est-il que, différent, Kieran a souvent eu l’impression de l’être et que ce mot a dicté une grande partie de sa scolarité. Soit parce qu’il le ressentait, soit parce qu’on lui l’imposait. Si aujourd’hui on tend à prôner la différence, à l’époque c’était une tare pour laquelle Kieran n’a jamais su se faire pardonner de ses camarades de classe. Je me souviens... Le rire de Pene provoque son malaise, trop habitué à ce qu’on se moque de lui pour ne pas réussir à ne pas craindre la suite de ses propos. Pardon... de cette fois où on avait décidé de jouer aux détectives pour résoudre le mystère derrière la disparition du chat de la directrice. T'étais persuadé d'être sur le point de démasquer un voleur de chats professionnel ! Kieran pourrait rire, songer avec nostalgie à ce souvenir. Il pourrait y ajouter quelques petits commentaires pour authentifier un peu plus le moment, mais il se contente d’étirer ses lèvres en un sourire maîtrisé pour ne pas laisser percevoir son ambivalence. Le souvenir est amer, alors qu’il date d’une époque où il était encore plus naïf aujourd’hui, et ne s’attendait sûrement pas à ce que sa scolarité soit aussi compliquée. Bref, pardon, ça m'a marqué. Son sourire se veut néanmoins légèrement plus sincère, un peu surpris aussi, à l’idée d’avoir marqué quelqu’un comme Penelopeia Harrison. De manière positive, du moins, alors qu’il s’attendait plutôt à ce qu’elle lui rappelle les nombreuses fois où il fuyait et se prenait les pieds en la voyant, elle et sa bande. « J’imagine que c’est ce jour-là que j’ai compris qu’une carrière comme enquêteur resterait à tout jamais un rêve. » Il ajoute en haussant les épaules d’un air détaché, avant de rire doucement.

Oh, les questions bateau sur le passé, un classique. Je ne suis pas sûre que tu sois prêt à découvrir qui j'étais réellement à cette époque-là. Tu risquerais d'être surpris, Kieran. Première fois qu’elle semble se montrer honnête, piquant sa curiosité alors qu’il s’interroge quant à savoir si elle se souvient réellement de lui, ou si elle ne s’est pas inventé de faux souvenirs. À moins qu’elle le fasse volontairement et Kieran se retrouve pris au piège alors qu’il ne sait plus que croire. « Pourquoi ça ? » Il l’interroge, sur le même ton mystérieux, se penchant légèrement pour l’inviter à la confidence, un rictus au coin des lèvres alors qu’il plante ses yeux bleus dans les siens. Vas y je t’écoute, je suis prête à jouer le jeu. Pose-moi tes questions bateau, et je te répondrai avec la plus grande franchise possible. - « Très bien. » Marquant une pause pour se donner le temps de la réflexion, Kieran réalise qu’il a des milliers de questions à lui poser, mais que la même revient inlassablement dans son esprit, celle qui lui permettra d’enfin se faire une idée sur la Penelopeia qui lui fait face. « Comment tu te décrirais ? » Comment elle résumerait sa moi d’autrefois ? Est-ce qu’elle est la même que celle qui s’impose dans les souvenirs de Kieran ? « Hm... si tu devais changer une chose de cette époque-là ? » Il poursuit, avant d’en arriver à la plus importante, celle qu’il annonce avec un sourire presque complice. « Est-ce qu’on s’entendait bien ? » Et tandis qu’il se réduit au silence, prenant une gorgée de son verre, son regard retrouve celui de Pene, terriblement curieux des réponses qui seront les siennes.

@Penelopeia Harrison

Longtemps, Kieran a rêvé de retrouver le chemin d’anciens camarades de classe pour leur poser les questions qu’il n’avait jamais osé verbaliser par le passé. Est-ce qu’ils se rendaient compte de ce qu’ils lui faisaient subir ? Pourquoi avaient-ils fait ça ? Est-ce qu’ils le regrettaient ? Est-ce qu’ils changeraient les choses, s’ils avaient le pouvoir de retourner dans le temps ? Autant de questions qui sont, pendant des années, restées sans réponses. Au-delà de ça, Kieran espérait leur donner tort, s’affirmant comme il n’avait pas su le faire par le passé, dans une vaine tentative d’obtenir une revanche tardive. Force est de constater qu’aujourd’hui, face à cette opportunité, il se dégonfle aisément, alors qu’il préfère tourner autour du pot plutôt que de réellement dire à Penelopeia ce que sa présence lui inspire. Ce n’est pas tant qu’elle est détestable, mais elle n’est certainement pas aussi agréable qu’elle devrait l’être dans le cadre d’un vrai rendez-vous à l’aveugle. Quand j'étais petite, j'avais des moments difficiles. La période du collège, tu sais... L'époque où la confiance en soi n'est pas au rendez-vous. Où on se bat contre des boutons, où notre corps ne correspond pas à ce qu’on voudrait, où l'acceptation est une bataille quotidienne. Il sait très bien quelle période elle évoque ; l’adolescence n’avait pas été une partie de plaisir pour lui et on ne peut pas dire qu’il ait mis du temps à accepter compte tenu du fait qu’il n’a jamais réussi. Ce n’était pas tant son corps qui posait problème – même si la puberté l’a frappé tard et qu’il est resté un petit gringalet pendant trop longtemps – c’est sa place qu’il ne trouvait pas qui était la cause de tous ses soucis. Les mots de la blonde résonnent toutefois en lui ; l’acceptation est une bataille quotidienne. Il n’aurait pas mieux résumé la chose et il est pris au dépourvu d’avoir à lui donner raison. C'était un peu une période "visa malentendante-campagnarde". Des choses que j'avais du mal à accepter à l'époque. C’était peut-être la raison pour laquelle il dépréciait moins la jeune femme que d’autres camarades qui avaient un comportement désagréable à son encontre. Parce qu’elle avait des difficultés, à défaut d’avoir des justifications. « T’arrivais bien à donner le change. » Il commente, car dans ses souvenirs Penelopeia parvenait à se faire respecter malgré les cases cochées qui pouvaient faire d’elle une victime. J'avais cette habitude de chercher souvent des ennuis, pour dissuader les autres de se moquer de moi. Ils savaient que s'ils franchissaient cette limite, ils en paieraient le prix trois fois plus fort. C'était ma manière de me protéger et de construire ma propre carapace par peur de recevoir des remarques ou jugements des autres. Nous y voilà. À cette réflexion, Kieran ne peut s’empêcher de souligner : « c’était le même traitement pour tout le monde ou t’avais un... processus de sélection ? » Il interroge, avec un léger rire pour mieux poser sa question sans être trop accusateur. Il réalise que les réponses de Penelopeia sont susceptibles de lui offrir un autre point de vue et, surtout, d’amener à une compréhension de sa part qu’il n’aurait jamais voulu lui offrir. Il n’avait pas imaginé qu’elle puisse être dotée d’introspection, dans sa version de leurs retrouvailles. J'aurais aimé avoir plus de confiance en moi, croire en ma valeur et ne pas laisser les opinions des autres m'affecter autant. - « On a tous été là. » Il se surprend à préciser, comme s’il tentait de la rassurer alors qu’il n’y a aucune raison pour que ce soit le cas. « C’est la manière dont on réagit à ça qui nous rend différents. » Certains en font une force, d’autres se vengent sur les autres. Elle a choisi son camp à l’époque, et même à cette pensée il n’est plus aussi amer qu’au moment où son regard s’est posé sur elle en arrivant ici. Son regard accroché à celui de Pene, Kieran attend sa réponse avec impatience. À notre manière, oui. On ne se comprenait pas toujours, et il y avait des moments de friction, comme tout le monde j’imagine. C’est un euphémisme, mais il ne lui en veut même pas d’avoir arrangé les choses. Car elle lui a rappelé qu’ils avaient eu de bons moments, aussi, même s’ils étaient plus rares. Je t’avoue que j’ai pas énormément de souvenirs, ça remonte à il y a longtemps, tu sais. Mais je crois qu'on s'appréciait bien, du moins je pense. Enfin, moi, je t'appréciais bien. Je me souviens que je te trouvais assez différent de moi, mais c'était une différence intéressante, tu sais, du genre cool. Cette fois-ci, ceci dit, la bienveillance de Kieran est heurtée par de telles affabulations. Ce n’est pas cohérent avec ses souvenirs, et surtout, c’est une manière de se dédouaner qui ne lui plaît pas. Je me demande si le Kieran d'aujourd'hui a autant évolué que tu le penses, ou si certaines facettes de ce garçon que j'ai connu sont toujours présentes. - « Il est beaucoup plus rancunier qu’à l’époque. » À l’époque, il tentait de se faire apprécier qui qu’il advienne. Aujourd’hui, il a toujours ce désir, mais cela ne l’empêche pas d’être plus réaliste. « Ok, attends, je reformule. » Il reprend et déjà le ton de sa voix se veut bien moins chaleureux, tout comme son regard. « Est-ce que tu préfères que je continue à jouer à l’ignorant, ou est-ce que tu préfères que je me souvienne de toi comme la fille qui se foutait de ma gueule ? » Le sourire forcé et parfaitement hypocrite qui lui offre par la suite lui laisse deviner l’option qu’il a choisie malgré son attitude. Ce n’est pas souvent que Kieran s’affirme de la sorte, elle est bien placée pour le savoir, mais bien conscient que l’occasion ne risque pas de se représenter puisqu’il y a toutes les chances du monde qu’elle le bloque dès la fin de cette soirée avortée, il se découvre un courage dont il ne se savait pas capable. « Je sais que c’était dur pour toi aussi, et t’as certainement pas été la pire de tous avec moi, mais me faire croire que tu m’appréciais, t’admettras que c’est un peu fort. » Il est un peu moins virulent, car son assurance se brise un peu quand il réalise que Pene n’aurait sans doute pas plus de difficultés à le faire taire aujourd’hui que par le passé. « T’as bien joué le jeu, ceci dit, j’y ai presque cru. » Il a presque envisagé, le temps d’un échange, qu’ils étaient peut-être réellement amis, à l’époque. Il l’avait voulu, en tout cas. « Même si... je suis désolé pour toi que tu te sois sentie obligée d’agir comme ça pour te protéger. » Et cette fois-ci, il est sincère.

@Penelopeia Harrison (désolée pour la teigne qu'est Kieran  )

Si au moment où il a reconnu Penelopeia il ne savait pas de quelle façon agir – se décidant finalement à feinter l’ignorance – il est cette fois-ci d’autant plus pris au dépourvu face à ses réactions. Il lui en veut d’invoquer les souvenirs comme cela l’arrange autant qu’il compatit avec les bribes d’explications qu’elle lui donne et qu’il a attendu durant tant d’années. Le handicap de Pene n’était pas secret quand ils étaient à l’école ; et il aurait vite pu devenir une arme à utiliser contre sa personne. Elle a choisi de se défendre avant même qu’on puisse l’attaquer et il peut le comprendre, à défaut de réellement l’excuser. Mais la vérité est que ça lui fait mal, de l’entendre s’expliquer, alors qu’il aurait préféré qu’elle conserve ce mauvais rôle qu’il lui a donné tout au long de ces années et qui, à ses yeux, était mérité. Aujourd’hui, elle parvient à l’en faire douter alors même qu’il se rappelle avec exactitude des moqueries qui ont été les siennes et qui, à ses yeux, ne sont pas excusables. Elle a été moins pire que les autres, mais s’il se base sur ce seul fait, alors il devrait pardonner à tous car, finalement, quelqu’un a toujours fait pire. Et bien que le pardon soit vraisemblablement une vertu prônée par certains, Kieran a toujours préféré la rancœur, celle-là même qui s’estompe alors qu’il ne le voudrait pas. L’excuser reviendrait à nier tout ce qu’il s’est passé par le passé ; et tout l’impact que cela a encore dans le présent. uhm… Elle n’arrive pas à expliquer son processus de sélection et il ne sait pas s’il doit s’en satisfaire ou non. Le concernant, il se doute bien que sa fragilité était un très bon argument à utiliser contre lui, mais qu’elle reste silencieuse est aussi la preuve que c’était anodin de s’attaquer à lui, parce qu’il était insignifiant et qu’il l’est toujours. Sans doute qu’il interprète un peu trop les choses, Kieran, biaisé par ses propres ressentiments et désirant lui prêter des intentions qui ne sont visiblement plus les siennes. Malgré tout ce silence en dit long et ne l’aide pas à se calmer quant à la situation.

Car elle aurait pu être différente. Si Penelopeia l’avait vraiment voulu, oui, les choses auraient pu être différentes pour elle et surtout pour lui. Peut-être que ses classes auraient été plus faciles à traverser s’il avait pu compter sur des alliés pour contrer les brimades qu’il subissait. Peut-être qu’elle aurait pu être une accalmie dans un ciel nuageux comme elle aurait pu l’être, comme il l’a aperçu à quelques rares occasions. Elle aurait pu réagir différemment plutôt que d’ajouter son prénom à la liste de ceux ayant fait de sa scolarité un vrai enfer, sans exagération. Elle était jeune, oui, mais ce n’est pas une raison pour la dédouaner des décisions qui ont été les siennes. Et parce qu’elle semble vouloir poursuivre dans un silence visant à l’innocenter, Kieran finit par céder et cesser de jouer à ce jeu qui a duré déjà bien trop longtemps. La politesse n’est plus de mise même s’il ne se montre pas aussi insultant qu’il aurait pu l’être s’il avait plus de caractère, foutrement prudent même quand l’interlocutrice ne le mérite pas. Et après un instant de silence durant lequel il se surprend à s’inquiéter de sa réaction, elle reprend la parole : Je suis confuse… Je suis pas sûre de te suivre… À ses paroles, un rire nerveux s’échappe d’entre ses lèvres, alors qu’il précise : « Ça m’a l’air très clair, pourtant. » Il ne peut pas faire plus explicite, en réalité. L’embarras dont elle semble faire preuve est étonnement satisfaisant, même si cela implique une certaine cruauté de sa part. Ah mais je n'ai joué à aucun jeu. Crois moi, ce n'est pas mon genre de faire semblant. Cette fois-ci, c’est un soupir qui s’échappe d’entre ses narines, preuve en est qu’il n’y croit pas un traître mot ; mais malgré son désir d’affirmation, il n’arrive pas vraiment à le verbaliser. Peu importe si sa voix peut paraître sincère, il n’y croit pas. Il n’a pas envie d’y croire. Est-ce que je t’ai dit des choses blessantes à l'époque ? Cette fois-ci, c’est à lui de froncer les sourcils. « Tu t’en souviens pas ? » C’est encore pire, en fin de compte. Elle a eu la possibilité d’agir de la sorte sans se soucier des conséquences, alors que lui a dû y faire face. Il aurait préféré entendre qu’elle s’en voulait, qu’elle l’a regretté régulièrement et a souvent espéré pouvoir s’excuser de vive voix. Oui... c’est totalement possible que je t’ai dit des choses horribles en fait… - « Ça l’est, oui. » Il tranche d’une voix froide, ne lui permettant pas d’en douter. Si j’ai été vache avec toi, tu peux me le dire. J’étais pas fâché contre toi, sache que ça n'a jamais été personnel. Kieran secoue la tête, dans une vaine tentative d’interrompre ses propos. « C’est gentil de m’en informer maintenant, alors que j’ai passé des jours entiers à l'époque, à me demander ce que je t’avais fait et pourquoi moi. » Et pourquoi elle agissait ainsi de manière générale. Sache que si c’est le cas, je suis sincèrement désolée. Je te présente mes excuses pour toute peine que j'ai pu te causer, et de toutes les années ensuite où tu as dû t'en traîner des séquelles. Et s’il reste silencieux un instant pour mieux sonder son regard, s’agaçant d’y voir une sincérité qu’il n’aurait pas voulu croiser, Kieran secoue à nouveau la tête, cette fois-ci pour s’interdire d’avoir de la peine pour elle. Elle n’en a jamais eu pour lui. « C’est trop facile. » Il dit, s’agitant sur sa chaise alors qu’il est déjà en train de songer à son départ. « Les gens comme toi, vous… vous agissez ainsi et après vous débarquez la bouche en cœur avec quelques mots d’excuse en pensant que ça va effacer le mal que vous avez fait. » Exaspéré, Kieran l’est pour plusieurs raisons et pas uniquement contre Penelopeia. « Je suis pas assez con pour croire que c’est maintenant que tu peux changer les choses, le mal est fait, et toutes ces conneries qu’on dit pour que la pilule soit plus facile à avaler. » Oui, il sait qu’il n’est pas le droit en exiger quoi que ce soit de Pene, surtout maintenant. C’est trop tard ; elle ne peut rien changer et elle n’a pas non plus à supplier son pardon. « Et ouais, peut-être que j’apprécie de t’entendre dire ça, mais je te pardonne pas, parce que c’est pas suffisant, parce que même si c’était il y a longtemps, ça marque, ce genre de choses. Et que j’en ai marre que les gens comme toi aient la vie facile. Vous piétinez les autres, vous réussissez votre vie et on arrive encore à vous pardonner par-dessus le marché. » Le rire qui s’échappe cette fois-ci d’entre ses lèvres est moqueur, alors que Kieran finit par quitter sa chaise pour se lever, fouillant son porte-monnaie pour payer sa consommation – et seulement la sienne, la galanterie à ses limites qui s’arrêtent aux traumatismes passés. « Mais j’imagine que toi, tu dormiras tout aussi bien ce soir, tant mieux pour toi. » Parce qu’elle ne s’en souvenait pas, parce qu’elle s’est excusée, parce que ça ne la touche pas, finalement. Et lui, il devra gérer les souvenirs ravivés autant que l’ambiguïté amenée par une réaction qui est sans doute trop exagérée, mais qu’il n’arrive pas à contenir pour autant.

@Penelopeia Harrison