Novembre 2022 L’année se termine dans un peu plus d’un mois. Je sais qu’il est encore trop tôt pour faire de nouvelles résolutions, mais peut-être pas trop tard pour cocher toutes celles que je n’ai pas pu accomplir durant les onze derniers mois. Je n’ai jamais été doué pour aller jusqu’au bout des choses, peut-être par peur de l’échec ou bien à cause d'événements qui m’ont poussé à abandonner certaines lubies comme le rugby, par exemple. J’observe le bout de papier quadrillé avant de rayer au marqueur deux des résolutions : prendre soin de ma mère et obtenir une promotion à la MHI. La première me serre violemment le cœur tandis que la seconde m’arrache un rire amer. Deux pertes, l’une étant bien plus douloureuse que l’autre. Je coche la case qui se trouve juste à gauche de la résolution consacrée à Samuel. L’année a été rude, elle ne l’a pas ménagé, mais j’aime à penser que j’ai su un tant soit peu le protéger. Mes yeux se reportent sur la dernière ligne, celle que j’ai écrite un soir où je devais être plein d’espoir - ou bourré, ce qui ne m’arrive presque jamais -. "S'OUVRIR AUX AUTRES !!!" Oui, avec trois points d’exclamations et en lettres capitales. C’est que je peux me montrer autoritaire, même avec moi-même. Je n’ai pas été le meilleur des amis. J’ai longtemps reproché à Cameron de s’être renfermé sur lui même depuis l’accident alors qu’en réalité, je ne fais que repousser mes proches depuis des années. Y’en a pas mal que j’ai perdu en cours de route, des relations que je ne regrette pas forcément, mais qui auraient pu perdurer dans le temps si je ne les avais pas poussé à en faire autrement. Pourtant, il en reste une poignée qui mériterait que je sois, pour une fois, celui qui fait un pas en avant. J’ai pris certaines de mes amitiés pour acquis, parce qu’il faut dire que je les considère bien plus comme une seconde famille que comme de simples amis. C’est ce qu’il y a de bien avec la famille, non ? On nous donne l’impression que les liens sont tellement solides qu’on peut tirer sur la corde sans avoir peur de la voir se briser. C’est du moins ce qu’on croit jusqu’à ce que les mailles commencent à s'effriter avant de finir par lâcher. Pour en avoir fait les frais, je n’ai pas envie de perdre celles qui me relient à ceux qui, malgré mes silences, ont su s’accrocher. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à revenir sur Brisbane, sans quoi j’aurais certainement mis les voiles avec Samuel pour prendre un nouveau départ. Cameron est mon rocher, ce qui fait de moi une moule, pas très flatteur, je sais. Il est solide comme la pierre et a su résister à bon nombre d’intempéries. J'ai bien cru que l'accident serait la goutte de trop, celle qui le mettrait à terre et dont il ne pourrait jamais se relever. Pourtant, il est encore là, ce n'est plus tout à fait le meilleur ami que j'ai connu, mais je sais qu'il est toujours là, quelque part. Quant à moi, je suis trop longtemps resté caché dans ma coquille, mais je compte bien y remédier et tripler le nombre d'années qui composent notre amitié.
Je vérifie l’adresse que m’a envoyée sa mère par sms avant de m’extraire du véhicule. Mme Lewis est devenue une sorte de complice depuis le drame. Elle a toujours été là pour moi, mais l’évènement nous a encore plus rapproché alors qu’il aurait dû nous éloigner. Elle aurait pu m’en vouloir de ne pas avoir réussi à protéger son fils, pour autant ça n’a jamais été le cas ou du moins elle ne me l’a jamais fait ressentir. Au lieu de quoi, nous avons tout mis en œuvre pour essayer de sortir Cameron de chez lui, le pousser à reprendre goût à la vie. Y’a eu pas mal d’échecs, Cam est peut-être têtu, mais par chance, il s'avère que nous le sommes encore plus que lui. Alors, on a rien lâché et il faut croire que la ténacité de sa mère a fini par payer puisqu’il a recommencé à participer aux répétitions. Cela peut paraître anodin, mais c’est loin d’être le cas quand on sait qu’il n’y a pas si longtemps, il était impossible de le faire sortir de chez lui ni même de mentionner n’importe quel sujet se rapportant à la musique. La pudeur ne me le fera pas dire à haute voix, mais je suis fier de lui. Je pousse la porte qui mène à la salle de répétition et reste un moment dans l’ombre pour l’observer jouer. Je n’ai jamais été un grand fan de post-hardcore, il n’y a que pour the sand witches que je m’amuse à jouer les groupies. Le truc avec mon meilleur ami, c’est qu’il pourrait me jouer la pire des musiques que je finirais par la trouver jolie. J’applaudis une fois que la chanson est terminée et en profite pour sortir de ma cachette en souriant. “J’ai apporté les pastilles.” Je dis en secouant la boîte pour en faire une maracas. Un petit clin d'œil au passé, une inside joke. Je n’ai jamais compris comment il faisait pour ne pas perdre sa voix en gueulant comme il le fait par moment dans ses chansons. Alors certes, c’est pas du métal, oui j’ai bien fini par faire la différence à force de traîner avec lui, mais s’il y a hardcore dans post-hardcore, c’est pas pour rien. J'ai pas envie qu'il soit aphone alors que je viens juste de rentrer au bercail. On a des tas de trucs à se raconter en commençant par le fait que je lui ai peut-être -un peu- menti sur l'endroit où j'étais et que, j'étais loin d'être en train de vivre ma meilleure vie à Sydney. J’ôte ma veste pour montrer le t-shirt à l’effigie du groupe avant de passer mes mains dessus pour le dépoussiérer. “Un peu plus et j'en faisais un chiffon.” J’ajoute en saluant les autres membres du groupe. Edison manque à l’appel pour mon plus grand bonheur, je l’ai toujours méprisé. J'ai jamais pu voir sa gueule et y'a un truc dans son attitude qui m'a tout de suite dérangé. “C’est fou ce que t’es beau avec une gratte dans les mains.” Je lance à Cameron en faisant mine d’essuyer une larme imaginaire à l’aide de mon index. Le fait est que ça m’émeut vraiment de le voir reprendre la musique alors certes, je fais semblant de rien, j’en fais des caisses pour ne pas avoir à admettre que le temps m’a paru bien long depuis l’été 2021 et qu'il me tardait de le voir remonter sur scène.
Cette année encore, Cameron n’était pas pris de la frénésie des fêtes qui approchaient. Ça n’avait rien à voir avec son accident, du moins pas exactement, mais plutôt avec le fait qu’il avait accepté de donner un concert avec son groupe et qu’il regrettait aujourd’hui sa décision. Son orgueil l’empêchait de reculer maintenant que la salle avait été réservée pour le concert et que les billets étaient déjà presque tous vendus. Il savait à quel point ce spectacle était important pour ses amis, plus particulièrement Edison qui lui mettait la pression depuis des mois pour qu’il remonte sur scène, et le guitariste ne souhaitait pas les décevoir comme l’avait fait Tobias au début de leur carrière et qu’ils s’apprêtaient à partir sur la route pour leur première tournée à travers l’Australie. Tôt ou tard il fallait qu’il brise la glace et repousser le spectacle de quelques mois ne rendrait pas cette étape plus facile à franchir alors autant le faire le plus rapidement que possible afin de pouvoir passer à autre chose. Malgré le stress intense qu’engendrait chez lui la simple pensée de performer devant une foule, il devait avouer que les soirées interminables à pratiquer avec ses amis lui avaient bien manqué et retrouver un semblant de sa vie d’avant lui faisait du bien. Ça avait aussi l’avantage de le garder hors de la maison qu’il partageait avec sa sœur Zoya. Quelle idée… En tout cas, pour les quelques heures que duraient leurs pratiques, Cameron arrivait à oublier son accident ainsi que la jambe qu’il avait perdue tandis qu’il se laissait porter par les notes de leurs chanson. La réalité le frappait de plein fouet lorsqu’il apercevait dans son reflet sur sa voiture sa boiterie persistante. C’était le retour immédiat de la boule dans son ventre et de ses angoisses. Qu’est-ce que les gens allaient penser en le voyant pour la première fois depuis son accident? Il s’en faisait probablement pour rien, mais il était incapable de ne pas imaginer tous ces inconnus le dévisager en murmurant des choses à son sujet comme il le vivait parfois encore aujourd’hui lorsqu’il se rendait sur des lieux publics. Sa démarche attirait les regards et les questions, il était pour le moment incapable d’en faire abstraction considérant qu’il n’acceptait pas encore totalement sa condition même si sa proximité avec Charlie l’aidait à aller dans la bonne direction.
Même si Edison avait dû partir de la pratique un peu plus tôt pour d’autres engagements, le reste du groupe était resté pour continuer de travailler un peu plus longtemps sur une nouvelle chanson que Cameron avait écrite. Après des mois à souffrir du syndrome de la page blanche, il était plutôt fier des paroles qu’il avait présentées à ses amis. Une chanson qui parlait d’amour et d’espoir, de lumière au bout du tunnel après une période difficile comme l’avait vécu le guitariste, mais aussi son groupe à cause de son absence sur scène. La blonde avec qui il était en couple depuis quelques semaines déjà l’avait grandement inspiré pour cette chanson, mais une partie de lui savait qu’elle n’était pas la seule, un détail qu’il avait préféré garder pour lui. “J’ai apporté les pastilles.” Cameron jeta un regard furtif en direction de son meilleur ami tout en passant sa guitare par-dessus sa tête pour la mettre sur son support. « Comment t’as su que j’étais ici? » demanda-t-il en fronçant les sourcils avant de croiser les bras contre son torse en haussant les sourcils. « Ah, laisse-moi deviner… ma mère? » Qui d’autre? Angus était pour elle comme son propre fils et les deux étaient de mèche depuis des mois pour le forcer à sortir et à s’ouvrir. Semblait-il que ça ne fonctionnait que dans un sens, cependant, car Sutton avait été tout sauf honnête avec lui ces dernières semaines et il lui en voulait. “Un peu plus et j'en faisais un chiffon.” Cam ricana en prenant sa bouteille d’eau posée sur l’ampli à côté de lui. « Ça aurait été une connerie. Qui sait, peut-être que ça vaudrait cher. » S’il prenait la décision de ne pas remonter sur scène et que le groupe se séparait, car c’était bien à son absence qu’il faisait référence, non? “C’est fou ce que t’es beau avec une gratte dans les mains.” Les lèvres pincées, Cameron haussa les sourcils en fixant son ami. En temps normal, il aurait ri à ses conneries et il en aurait rajouté, mais il ne pouvait penser à autre chose qu’au mensonge d’Angus. Pourquoi lui avait-il fait croire qu’il était quelque part où il n’était pas? Lewis le savait car il connaissait l’endroit où Sutton avait prétendu être et qu’il s’y était rendu pour le surprendre parce qu’il avait envie de passer du temps avec lui, de le retrouver comme avant son accident, mais il avait brillé par son absence et il avait continué de mentir lorsque Cameron lui avait écrit sur place en faisant l’innocent sans lui dire qu’il était là-bas alors que lui n’y était pas. « Si tu continues, ma tête ne passera plus dans les cadres de portes, tu le sais bien. » Comme Angus, mais lui c’était à cause de son nez de Pinocchio qui ne cessait d’allonger. Sans le quitter des yeux, il porta sa bouteille d’eau à ses lèvres pour en prendre une gorgée, puis il s’assit sur le bord de la scène en l’invitant à faire de même, les jambes dans le vide. « Alors tes vacances? C’était bien? » La réponse du brun l’intéressait sincèrement, mais pas pour les raisons habituelles. Il le testait, désireux de savoir s’il le prendrait pour un imbécile une fois de plus. Angus croyait-il vraiment qu’il pouvait débarquer ici aujourd’hui la bouche en cœur et que Cameron l’accueillerait les bras ouverts? Probablement, considérant qu’il ignorait que son interlocuteur savait une partie de la vérité. « Tu sais ce qui me fait rire? Les doubles standards… Tu me rabats les oreilles que je dois m’ouvrir, mais t’es le premier à me prendre pour un con quand les rôles s’inversent. » dit-il après lui avoir laissé un peu de temps pour répondre. Il lui en disait juste assez pour lui faire comprendre son mécontentement, mais il se gardait de préciser tout ce qu’il savait. Du moins, pour le moment, ce n’était qu’une question de temps avant qu’il se vide le cœur.
Novembre 2022 J'observe mon meilleur pote jouer de la guitare, tout en restant tapis dans l'ombre de peur de le voir s'arrêter dès qu'il aura remarqué ma présence. Adolescent, j'étais celui qui ne se retrouvait jamais au beau milieu de ses disputes de groupe. Celui, à qui Cameron pouvait parler de sa passion ou raconter ses embrouilles de musicien sans que cela n'entache notre relation ou celle de ses potes de musique. Et j'aimais ça, aller le voir à ses concerts, gueuler son nom comme une groupie et courir le féliciter une seconde après qu'il ait quitté la scène. D'une certaine façon, j'ai toujours été fan de lui. Je me sentais chanceux de compter parmi ceux qui le connaissaient vraiment et pas seulement à travers les paroles de ses chansons. De deux ans mon ainé, je me suis toujours demandé pourquoi un type comme lui s'était pris d'affection pour un mec comme moi. Qu'est-ce qui faisait que, malgré le fait de ne pas suivre les même cours ou de ne pas trainer avec les mêmes personnes, nous avions quand même trouvé le moyen de nous lier d'amitié pendant nos années au lycée. Mieux encore, nous étions devenus inséparables. Et puis il y a eu l'accident, la musique est vite devenue source de conflit. Ma présence, aussi. Plus j'essayais de l'aider et moins j'avais l'impression de le faire. Je ne peux pas lui en vouloir. Je crois que moi, si j'étais à sa place, j'aurais bien du mal à voir le visage de celui qui aurait dû se faire percuter par le véhicule. Cameron m'a écarté de la trajectoire sans le vouloir et si je me tiens debout sur mes deux jambes aujourd'hui, c'est grâce à lui. Depuis ce jour, la dégradation de notre amitié semble être le prix à payer. J'applaudis lorsque la chanson prend fin tout en repensant aux paroles écrites par celui que je suis venu voir. Un nouveau titre que je ne connais pas et qui, si j'en ai bien compris le sens, parle d'amour. Cameron, serait-il tombé amoureux ? Si oui, peut-être que c'est pour la personne qui se cache derrière les paroles de son nouveau morceau qu'il a décidé de remonter sur scène. Peu importe la raison, je suis simplement heureux de le voir reprendre du poil de la bête.
« Comment t’as su que j’étais ici? » Je ne sais pas pourquoi je m'attendais à un accueil un peu plus chaleureux de sa part. Ça fait longtemps que mes visites ne lui arrachent plus, ne serait-ce que l'ébauche d'un sourire. « Ah, laisse-moi deviner… ma mère? » Je range ma boite de pastille dans la poche arrière de mon jean alors que les autres membres du groupe se dépêchent de regrouper leurs affaires pour quitter les lieux le plus vite possible. Je lance une vanne en montrant le vieux t-shirt à l'effigie de the sand witches que j'ai gardé dans l'espoir de pouvoir un jour le revêtir au même titre que mon ancien maillot de rugby. Cette attention lui arrache un rire que je devine amer. Néanmoins, essaye de ne pas laisser sa mauvaise humeur gâcher le plaisir de le retrouver après un mois passé en dehors de la ville. Je dois admettre qu'il est devenu doué pour me faire comprendre que je suis loin d'être le bienvenu. « Ça aurait été une connerie. Qui sait, peut-être que ça vaudrait cher. » J'ai beau avoir besoin d'argent, il ne me viendrait jamais à l'idée de mettre le t-shirt en vente sur ebay. J'ai déjà prévu de le léguer à Sam quand il sera assez grand pour pouvoir le porter. « Si tu continues, ma tête ne passera plus dans les cadres de portes, tu le sais bien. » J'esquisse un petit sourire en haussant les épaules. La porte est assez large pour mes chevilles alors elle le serait aussi pour son melon. Il m'invite à prendre place à côté de lui et je viens le rejoindre sur le rebord de la scène, comme à la bonne époque. « Alors tes vacances? C’était bien? » - "Justement en parlant de vacances..." Je commence à dire après m'être raclé la gorge. Je ne sais même pas par où commencer. Je suis doué pour mentir, beaucoup moins pour rectifier le tir. « Tu sais ce qui me fait rire? Les doubles standards… Tu me rabats les oreilles que je dois m’ouvrir, mais t’es le premier à me prendre pour un con quand les rôles s’inversent. » Ok, donc il m'invite à venir le rejoindre pour mieux m'en foutre plein la gueule, je vois. J'arque un sourcil, ouvre la bouche puis la referme dans un soupir. "La répétition est terminée, les mecs. " Je lance aux membres du groupe. Il ne leur faut pas longtemps pour quitter les lieux et tant mieux parce qu'il est hors de question qu'on se prenne la tête devant eux. "J'étais pas à Sydney." Voilà, c'est dit. Faute avouée, à moitié pardonnée, non ? Je n'ai pas séjourné à Sydney, mais dans un ranch à quelques kilomètres de la grande ville. Je n'étais pas en « vacances », non plus. Du moins, ce n'est pas l'idée que je m'en fais et j'aurais certainement choisi une autre destination si j'avais eu envie de me faire dorer la pilule au soleil. "J'ai pété les plombs." J'admets dans un rire nerveux. Assez pour avoir envie de prendre la fuite avant de dérailler complètement. "Je ne voulais pas t'emmerder avec mes problèmes." Et puis c'est pas comme si c'était facile de lui parler ? On se prend constamment la tête, lui et moi. Je ne sais plus comment faire pour communiquer avec lui sans qu'il ne se braque. Y'a qu'à voir sa tête quand il m'a vu arriver, ma présence suffit à le faire chier. J'ai pas mal pensé à notre amitié pendant le dernier mois et j'en suis venu à la conclusion qu'il serait peut-être préférable qu'on arrête de se parler pendant un temps. Et le voir reprendre les répétitions ne fait que confirmer le fait qu'il se porte bien mieux quand je ne suis pas dans les parages. " Je suis revenu hier." Cameron est la première personne que je voulais voir en revenant, car même si notre amitié a connu des jours meilleurs, il reste le mec qui compte le plus pour moi. "Depuis quand t'es amoureux ?" Je demande, non pas pour changer de sujet, mais pour rendre l'atmosphère un peu moins pesante.
Étant donné la façon dont Cameron agissait avec Angus depuis son accident, il méritait tout sauf que son meilleur ami soit encore à ses côtés aujourd’hui et il le savait. Malgré ça, il acceptait difficilement de s’être fait mentir. Peut-être que son attitude aujourd’hui donnait l’impression qu’il tentait de l’éloigner une fois de plus, mais la réalité était qu’il était surtout blessé de s’être fait servir son propre traitement quand il faisait enfin un pas en direction de celui qu’il avait le plus peur de perdre. Depuis que Charlie était dans sa vie, il reprenait peu à peu confiance en lui. Il voyait enfin la lumière au bout du tunnel et c’était grâce à elle qu’il avait repris la place qui lui revenait auprès de sa fille Hannah. Ces dernières semaines, il avait eu envie de retrouver Angus, mais il avait l’impression que le brun était en train de lui glisser entre les doigts et il ne pouvait que se blâmer pour ça. "Justement en parlant de vacances..." Peut-être que Cam aurait dû le laisser poursuivre sans rien dire, se retenir de passer un petit commentaire pour faire part de son mécontentement, mais ça avait été plus fort que lui. "La répétition est terminée, les mecs. " Même s’il n’avait pas attendu avant d’aborder le sujet qui fâchait, il n’était pas contre l’idée d’avoir cette discussion avec Angus sans public, il se mordilla donc l’intérieur de la joue pour ne rien ajouter en attendant que les autres membres du groupe quittent la salle. "J'étais pas à Sydney." avoua finalement le géant. Aurait-il été honnête si le musicien ne lui avait pas fait comprendre qu’il était au courant de quelque chose? Cameron ne le savait pas et c’était sans doute pour ça qu’il n’arrivait pas à se satisfaire complètement de sa réponse. « No shit. » En d’autres mots, je sais, grommela Cameron en baissant les yeux sur sa bouteille d’eau qu’il tenait entre ses cuisses. "J'ai pété les plombs." Pourquoi? Il n’en avait aucune idée, ce qui ne faisait qu’accroître le sentiment de culpabilité de Cameron qui n’avait pensé qu’à son nombril sans être présent pour lui. "Je ne voulais pas t'emmerder avec mes problèmes." Il ricana un coup en relevant la tête, le regard rempli de déception. « Mais tu veux que je t’emmerde avec les miens? » Comment Angus aurait pu avoir envie de se confier quand chaque fois qu’il lui tendait un bras il frappait un mur? Quelque chose s’était visiblement brisé entre eux. "Je suis revenu hier." Il n’était pas à Sydney, mais il revenait d’où? Il donnait si peu d’information…
"Depuis quand t'es amoureux ?" La question d’Angus prit Cameron par surprise, il ne s’attendait pas à ce changement si soudain de sujet. « Tu le saurais si tu ne m’avais pas raconté n’importe quoi… » Dès que ces mots franchirent les lèvres du Lewis, il le regretta, bien conscient qu’il devait faire des efforts pour que Sutton et lui se retrouvent quelque part à mi-chemin. D’un geste de la main, il lui fit signe d’ignorer ce qu’il venait de dire en soupirant. « Je suis avec Charlie depuis octobre. » Ils avaient appris à se connaître sur une base plus amicale pendant des mois, mais ce n’était que depuis octobre que leur relation avait pris un tournant différent. Elle lui faisait du bien et il avait envie de croire qu’elle était la bonne pour lui. Le courant passait bien entre Hannah et Charlie et il était hors de question qu’il présente plusieurs personnes à sa fille pour qu’elles sortent ensuite de sa vie. Sa décision était réfléchie, du moins c’est ce qu’il pensait. « Mais ce n’est pas important, on parlait de toi là. » Il porta sa bouteille d’eau à ses lèvres en le scrutant. « T’étais où merde? Sam était avec toi? » Évidemment que Sam était avec lui. « La photo que tu m’as envoyée, je connaissais l’endroit. Je m’y suis rendu comme un pauvre con… » Il voulait le faire culpabiliser un peu. « Je me suis rendu compte bien assez vite que t’étais pas là… Qu’est-ce qui se passe là? » demanda-t-il en tapotant la tempe d’Angus avec son index. « Tu vas me dire la vérité ou tu vas encore me sortir une histoire toute préparée? » Il était conscient que l’année avait été difficile avec la mort de sa mère et il espérait pouvoir l’épauler comme lui l’avait fait malgré sa mauvaise humeur perpétuelle.
Novembre 2022 Je ne ne me souviens plus très bien à partir de quel moment Jim a commencé à me raconter son histoire et celle de son épouse. Je crois qu’il s’est ouvert à moi dès le premier soir, sûrement dans l’espoir de me voir en faire de même ou dans le but de me mettre à l’aise. Ça n'a pas fonctionné, j’ai passé la soirée à l’écouter me raconter son enfance et toutes les choses importantes qui ont fait qu’il se soit retrouvé au beau milieu de la cambrousse plutôt que dans un somptueux appartement dans le centre de Sydney. Avocat de profession, il était pourtant voué à un avenir bien plus classe que celui de ramasser la merde de ses animaux tout en jouant à Bob le bricoleur. Un beau jour, il a fait le choix de tout plaquer pour se payer un vieux ranch qu’il a retapé avec l’aide de sa bien aimée et de ses nouveaux voisins. - Enfin voisin est un bien grand mot, il faudrait en inventer un pour les gens qui habitent à plus de 15 minutes en voiture de chez nous, mais qui restent quand même les personnes les plus proches de notre domicile - Il a jeté ses costumes trois pièces pour les remplacer par des chemises en flanelles et des chapeaux de cow-boys. Sans regret, c’est ce qu’il m’a dit avant d’aller se coucher et de me laisser seul sur le porche de sa bâtisse. C’est la première chose qu’il m’a confiée et qui m’a laissée sur le cul. Ce soir-là, je me suis demandé si j’étais celui qui attirait les gens dont l’ambition laissée à désirer ou si c’est eux qui, pour je ne sais quelle raison, avaient le don de m’intriguer. Maisie se complait dans un job de caissière alors qu’elle pourrait faire aspirait à mieux que ça et lui, il a décidé de s'asseoir sur un salaire que je n’aurais sans doute jamais pour se perdre dans une vieille maison en bois en compagnie de sa femme et de chevaux qui portent tous le noms des personnages de GOT.
Si je suis venu ici, c’est dans l’espoir de me montrer plus transparent avec Cameron. « No shit. » Je fronce les sourcils tandis que je tourne la tête pour le dévisager. Je m’attendais à tout sauf à la réaction d’un mec qui n’a pas l’air d’être étonné par la révélation que je viens de lui faire. Impossible qu’il soit déjà au courant, je ne vois pas comment ça pourrait être le cas puisque j’ai fuis les réseaux comme la peste et que j’ai désactivé le service de géolocalisation sur snapchat. Je n’essaye pas de me trouver d’excuse pour une fois. C’est une chose de penser qu’on est en train de couler, c’en est une autre de le dire à haute voix. « Mais tu veux que je t’emmerde avec les miens? » Il marque un point mais, pour ma défense, je ne crois pas que l'honnêteté aurait changé quoi que ce soit à la situation. Il y a un fossé qui s’est creusé entre nous depuis l’accident. Un fossé tellement immense que j’aurais beau prendre de l’élan pour essayer de sauter de l’autre côté que je n’arriverais à rien si ce n’est à tomber six pieds sous terre sans avoir réussi à le rejoindre. “C’est pas pareil. Je t’ai tendu des perches en veux-tu, en voilà pour essayer de savoir.” Je rétorque. Est-ce que Cameron peut en dire autant ? Je ne crois pas. Et je ne lui en veux pas de ne pas s'intéresser un peu plus à ce qui peut bien se passer dans ma vie, au contraire, ça me va très bien de ne pas avoir à en parler ouvertement. Néanmoins, il ne peut pas me reprocher de ne lui avoir rien dit quand ça fait un moment qu’il ne prend pas de mes nouvelles, si ce n’est quand je lui envoie un message ou que je débarque chez lui à l’improviste pour le forcer à passer du temps en ma compagnie. Et, dit comme ça, c’est horrible. C'est moche, d'’être obligé de se pointer chez son meilleur pote pour quémander un peu de sa présence sauf que j'ai pas la force de renoncer à lui et à tous les bons souvenirs qui peuvent nous lier. Y’a toujours un infime espoir à chaque fois que je le vois, le genre qui me pousse à vouloir retenter l’expérience en me disant que la prochaine sera la bonne et que je retrouverai celui que j’ai égaré dans l’accident. J’ai peut-être pas perdu une jambe ce jour là, mais je l’ai perdu, lui. Et c’est clair que c’est loin d’être comparable, mais ça ne veut pas pour autant dire que ça reste négligeable.
« Tu le saurais si tu ne m’avais pas raconté n’importe quoi… » Je voudrais lui répondre qu’en soit, la vérité se trouvait à quelques km en voiture et que j’aurais pu trouver pire comme mensonge. On ne fait pas un procès aux gens qui habitent à Yatala et qui disent venir de Brisbane. Pourtant, ça reste des menteurs. « Je suis avec Charlie depuis octobre. » - “Et il est sympa, ce Charlie ? C’est quand que tu me le présentes ?” Je demande en relevant la tête vers lui. “Tu sais qu’il va devoir passer par un interrogatoire que tu le veuilles ou non.” C’est la règle, maintenant encore plus qu’avant. Hors de question qu’il tombe sur un type qui se fout de sa gueule. Son amour propre a trop souffert pour que je laisse quiconque le réduire en miettes. Je dois toujours avoir la fausse insigne de policier caché quelque part au fond de mon armoire. Ladite plaque que je sors lorsque je veux passer le profil des relations de mon meilleur pote au peigne fin. « T’étais où merde? Sam était avec toi? » - “Non, je l’ai laissé seul à l’appart pendant un mois, c’est même lui qui a payé le loyer.” Je réponds en secouant la tête. Évidemment que Sam était avec moi. Trois jours, c’est le maximum de temps qu’on peut passer en étant séparé sans que je fasse une syncope. « La photo que tu m’as envoyée, je connaissais l’endroit. Je m’y suis rendu comme un pauvre con… » Je m’attends à ce qu’il se marre pour la blague qu’il vient de me sortir, mais il n’en fait rien. Cam a même l’air tout ce qu’il y a de plus sérieux. C'était pas malin de ma part de lui envoyer une photo trouvée sur le net, je sais. Je m'attendais pas à ce qu'il fasse des kms pour me retrouver, voilà tout. "A cloche pied ?” Je ne peux m’empêcher de demander en me mordant la lèvre pour révoquer un sourire. Non, parce que si c’est le cas, j’espère qu’il s’est filmé pour qu’on puisse envoyer la vidéo au Guinness des records. Je veux dire, se taper Brisbane - Sydney sur une jambe, c’est quand même quelque chose et faire le trajet pour retrouver son meilleur pote, encore plus. Je suis partagé entre l’envie de l’incendier et celle de l’enlacer. Et puis merde. Je me penche pour le prendre dans mes bras, trois secondes, pas plus, avant de le repousser. “C’est toi le pauvre con.” que je réponds tout en reprenant ma place à ses côtés. “Je compte plus les fois où j’ai dû te tirer par la peau des fesses pour que tu daignes sortir prendre l’air et toi, tu choisis le seul moment où je ne suis pas en ville avoir envie de me voir ?!” Deux gros bêtas, voilà ce qu’on est. Franchement, y'a mieux comme timing. « Je me suis rendu compte bien assez vite que t’étais pas là… Qu’est-ce qui se passe là? » Je balaye son index du revers de la main lorsqu’il tente de l’enfoncer une nouvelle fois dans ma tempe. « Tu vas me dire la vérité ou tu vas encore me sortir une histoire toute préparée? » Mes yeux viennent trouver la pointe de mes chaussures. La vérité est parfois trop difficile à dire et c’est bien pour cette raison que les gens se mettent à mentir. “Je te l’ai dit, j’ai pété les plombs.” Pour de bon cette fois. Enfin du moins, c’est ce que je dirais d’un type qui a démissionné d’un job avec un revenu pas trop dégueulasse et qui a pris la fuite du jour au lendemain avec son petit-frère sans prévenir personne si ce n’est une vieille dame. “J’ai l’impression d’avoir tout perdu. Et j’ai beau essayer d’être à la hauteur, c'est jamais suffisant.” J’ai des défauts à gogo et au fil des années, j’ai même développé un sacré talent qui se résume à être imbuvable 90% du temps, mais pas avec mes proches. Je crois que s’il y a bien un truc qu’on ne pourra jamais me reprocher, c’est de toujours avoir pris soin de les faire passer en priorité. Ce qui n’a pas empêché mon père de se barrer ou ma mère d’abuser sur les cachets. Ça n'a pas non plus pesé dans la balance quand Damon a dû faire le choix entre notre relation et le mariage forcé. Pareil pour Maisie qui a préféré se barrer de l’appartement sans même m’en parler. Et ce n'est certainement pas Cameron qui pourra me contredire sur le sujet. “Il n'y a plus que Sam et moi.”Je dis en levant la tête pour le regarder. Et il n’y a pas un jour qui passe sans que j’ai peur de le perdre, lui aussi. Je ne sais pas ce que je ferai si on venait à me l’enlever. “Je crois que je suis juste épuisé.” J’ajoute en haussant les épaules. En colère et triste, aussi. “Mon meilleur pote me manque.” J’admets dans un soupir sans arriver à le regarder. Je suis pas du style à faire dans les sentiments, je sais le montrer en répondant toujours présent, mais j’ai de plus en plus de mal à le démontrer par des mots.
“C’est pas pareil. Je t’ai tendu des perches en veux-tu, en voilà pour essayer de savoir.” Les mains enserrant toujours sa bouteille d’eau posée sur ses cuisses, il courba l’échine d’un air coupable. Cameron détestait se faire pointer du doigt, mais il devait concéder qu’il avait été un piètre ami depuis son accident deux ans plus tôt et il était plus que chanceux qu’Angus soit toujours dans son entourage après la façon dont il l’avait traité. Ce que Sutton ne savait pas, toutefois, c’était que le Lewis avait essayé de faire un pas dans sa direction en allant le rejoindre à Sydney, seulement pour se rendre compte une fois là-bas que son ami lui avait menti. Le constater l’avait peiné, mais quelque part, il avait mérité de se faire traiter ainsi. Après tout, il n’y était pas allé de main morte lorsqu’Angus s’était montré présent pour lui ces derniers mois. « Je sais… » se contenta-t-il de répondre à voix basse en détournant la tête. Il n’était pas fier et il espérait qu’il n’était pas trop tard pour rattraper le temps perdu, pour retrouver son meilleur ami avec qui il n’avait pas passé de temps de qualité depuis tellement longtemps par sa faute. Entre sa relation avec Charlie, Hannah et les pratiques des Sand Witches qui avaient repris, il était facile de ne pas voir le temps passer et de négliger d’autres choses importantes à ses yeux. Le temps, il fallait qu’il le prenne, qu’il fasse de nouveau une place à Gus dans son quotidien et qu’il s’investisse davantage dans leur relation s’il voulait au minimum la sauver. Il n’avait pas fait assez d’efforts ces derniers temps et il en était conscient. “Et il est sympa, ce Charlie ? C’est quand que tu me le présentes ?” La discussion plus légère qui suivit lui donna l’impression d’être de retour à l’époque où ils parlaient de tout et de rien sans se prendre la tête à la moindre petite chose. Cameron haussa les épaules, sourire en coin, se sentant un peu plus léger que quelques minutes auparavant. « Quand je serai certain que tu ne lui raconteras pas un tas d’histoires compromettantes à mon sujet, c’est-à-dire, JA-MAIS. » répondit-il le regard rieur. Plus sérieusement, il était persuadé que son amoureuse et son meilleur ami allaient s’entendre à merveille, ils les voyaient déjà se payer sa tête à propos de cette histoire de Barbie. “Tu sais qu’il va devoir passer par un interrogatoire que tu le veuilles ou non.” Il fronça les sourcils en tournant la tête vers lui pour le dévisager. « Déjà, c’est UNE Charlie. » précisa-t-il, conscient que le prénom unisexe de Charlie et le fait qu’il ait fréquenté autant de femmes que d’hommes puissent porter à confusion. « Et puis mon petit doigt me dit qu’elle va te voir arriver gros comme un camion avec ton interrogatoire, elle est inspectrice aux homicides. » Il se mit à hausser les sourcils de façon répétée. « Plus sérieusement, c’est vraiment une bonne personne. Hannah l’adore en plus. Elle me fait beaucoup de bien… » Une lueur espiègle dans le regard, il se pencha légèrement vers Angus comme pour lui dire un secret. « Et je ne parle pas que de cul hein. » Il ne put s’empêcher d’ajouter en riant comme un imbécile.
L’atmosphère détendue, il était plus facile d’entrer dans le vif du sujet, à savoir l’endroit où était parti Angus et la raison de son mensonge. “Non, je l’ai laissé seul à l’appart pendant un mois, c’est même lui qui a payé le loyer.” Cameron leva les yeux au ciel face au sarcasme de son ami. « Tu l’as bien dressé dis donc. Tu me donnes ton truc? Ça pourrait me servir pour Hannah. » demanda-t-il tout autant peu sérieux avant de lui avouer qu’il s’était rendu à Sydney pour le rejoindre. Et étant donné la réponse de Sutton, il avait presque l’air content que le Lewis ait eu l’air d’un con. Karma. "A cloche pied ?” Quelques mois plus tôt, il aurait été vexé par un tel commentaire, mais aujourd’hui, il ne put s’empêcher de sourire en lui donnant un coup de coude bien placé dans les côtes. « Enfoiré. » L’insulte était dite avec affection parce qu’il était bien plus facile de prononcer ce mot que de lui dire à quel point il l’aimait. Les gestes valent mille mots, de toute façon, et c’est donc en répondant à son étreinte qu’il lui témoigna ses sentiments. “C’est toi le pauvre con.” Il dodelina la tête, puis il finit par acquiescer en souriant. Angus pouvait bien gagner sur ce point-là. “Je compte plus les fois où j’ai dû te tirer par la peau des fesses pour que tu daignes sortir prendre l’air et toi, tu choisis le seul moment où je ne suis pas en ville avoir envie de me voir ?!” Les lèvres pincées, il hocha lentement la tête. « Timing de merde, je sais. Et c’est pas que j’avais pas envie de te voir… » Angus était son bro, mais il posait aussi beaucoup de questions et Cameron n’avait simplement pas envie d’aborder ces sujets qui fâchent. Pas tout de suite, pas tant qu’il ne se sentait pas prêt à aller de l’avant, à s’accepter, aussi stupide cela puisse être. “Je te l’ai dit, j’ai pété les plombs.” Mais encore? “J’ai l’impression d’avoir tout perdu. Et j’ai beau essayer d’être à la hauteur, c'est jamais suffisant. Il n'y a plus que Sam et moi.” Cameron fit une moue triste avant de baisser les yeux. Il culpabilisait parce qu’il avait été un ami lamentable depuis son accident. Noyé par ses propres problèmes, il ne s’était pas intéressé à ce qu’Angus vivait de son côté et il regrettait. Il aurait dû être là pour lui, faire tout en son pouvoir pour lui remonter le moral, pour lui décocher un sourire en faisant l’abruti s’il le fallait, mais il avait été aux abonnés absents. “Je crois que je suis juste épuisé. Mon meilleur pote me manque.” La gorge nouée, Cameron détourna la tête un instant. Les émotions le rendaient toujours mal à l’aise, mais cette discussion avec son meilleur ami s’avérait nécessaire. Toujours silencieux, il posa une main sur le genou d’Angus, daignant finalement poser sur lui son regard triste. « Tu me manques aussi… » Il se racla la gorge en portant rapidement sa bouteille d’eau à ses lèvres pour en boire le contenu d’une traite, espérant que le liquide ferait disparaître la boule qui était toujours logée dans sa gorge. Une fois vide, Cameron l’écrasa entre ses mains et la déposa à côté de lui. « Je sais que… j’ai pas été là pour toi. En fait j’ai pas été là pour personne… Je mérite la palme du pire ami sur Terre. » L’air désolé, il posa son regard sur son ami. « J’essaie de faire mieux… J’ai pas envie de perdre notre amitié. Parce que… » Il soupira, frustré contre lui-même d’avoir autant de difficulté à exprimer verbalement ce qu’il ressentait. Il ne pouvait pas toujours en faire des chansons… à moins que… « I love you, you love me, we're a happy family. With a great big hug and a kiss from me to you, won't you say you love me too? » chanta-t-il sur l’air de la célèbre chanson de Barney.
Novembre 2022 « Je sais… » Sa voix est à peine audible pourtant il n’y a plus aucun bruit dans la salle de répétition. Les membres ont quitté la pièce, nous laissant en tête à tête comme au tout début de notre amitié. À la différence que les discussions légères ont laissé place aux reproches et les rires, aux silences. On arrive plus à communiquer sans se tirer dans les pattes, c’est à celui qui videra la cartouche en premier. J’ai plus envie de jouer à la roulette russe avec lui parce que c’est mon meilleur ami, le plus ancien, aussi. L’entendre m’avouer ses torts me laisse à penser qu’il est peut-être enfin prêt à baisser les armes. « Quand je serai certain que tu ne lui raconteras pas un tas d’histoires compromettantes à mon sujet, c’est-à-dire, JA-MAIS. » Je fais mine de me poignarder le cœur et bascule en arrière pour m’échouer sur la scène, les bras étendus sur le sol. Malgré la distance qui s’est immiscée entre nous, je suis heureux de constater qu’il me connaît encore bien mieux que la plupart des gens. “Je te jure d’attendre jusqu’à la troisième rencontre pour commencer à lui déballer quelques dossiers.” Je réponds en posant une main solennelle sur mon torse. Les dossiers, ça se mérite et puis il faut que je garde en stock dans le cas où il lui viendrait l'idée de se marier. C’est un peu à ça que servent les meilleurs potes,non ? À être les gardiens des photos compromettantes et des souvenirs qui foutent la honte. « Déjà, c’est UNE Charlie. » - “Oh.” Je lâche en prenant appui sur mes coudes. Je sais pas pourquoi je fais le mec surpris alors que la dernière personne qu’il m’a présenté se trouve être la mère de ma filleule. Pour autant, je m’attendais à un garçon, d’une part parce que le prénom peut porter à confusion, mais aussi parce que ça ne m’aurait pas plus étonné de le savoir avec un mec. « Et puis mon petit doigt me dit qu’elle va te voir arriver gros comme un camion avec ton interrogatoire, elle est inspectrice aux homicides. » J’écarquille les yeux avant de rire nerveusement. “Attends, t’es sûr de ton coup? Non parce que tu risques de finir en taule si tu joues au con avec elle.” Ça ne doit vraiment pas être facile d’avoir des relations sentimentales quand on exerce ce genre de métier. C’est un peu comme pour les psychologues, qui voudrait être analysé à longueur de journée ? Surtout qu’on vit dans une société où les hommes veulent gagner plus et avoir un job bien plus prometteur que leur soi-disant 'moitié'. “Tu l’as rencontré comment ? En cellule de dégrisement ou lors d’une partie de Cluedo géante ?” Je demande en reposant ma tête contre le sol pour observer le plafond. « Plus sérieusement, c’est vraiment une bonne personne. Hannah l’adore en plus. Elle me fait beaucoup de bien… » Je me mords la lèvre pour retenir un rire. Je ne sais pas si c’est moi qui possède un esprit mal placé ou si c’est la fin de sa phrase qui laisse à désirer, mais tout d’un coup j’ai des images vraiment étranges qui tentent de s'immiscer dans mon esprit alors je m'empresse de secouer la tête pour les chasser. « Et je ne parle pas que de cul hein. » Il rigole et même si on a l’air de deux beaufs, je ne peux pas m’empêcher de mêler mon rire au sien. “OK. Finalement, y’a des trucs que je ne préfère pas savoir.” Je lâche en levant les mains au ciel. J’ai pas envie d’imaginer mon meilleur pote menotté à un lit même si je sais qu'il n'y a que son casier qui doit être encore vierge. “Si Hannah l’adore alors y’a de grandes chances pour que je l’apprécie aussi.” Sa fille a un flair pour détecter les bonnes personnes, c’est pas pour rien qu’on s’entend bien elle et moi. Il a l’air heureux et c’est le principal. Il ne m’en faut pas plus pour avoir envie de la rencontrer.
« Tu l’as bien dressé dis donc. Tu me donnes ton truc? Ça pourrait me servir pour Hannah.» - “Trafic de friandises, ça rapporte pas mal d’argent à la maison. Quant à l’autonomie, je crois qu’il est né en étant adulte. C'est un Button, plus qu'un Sutton.” Je réponds avant de me redresser. Sam est peut-être trop mature pour son âge, mais il ne me viendrait jamais à l’idée de le laisser sans surveillance. Je ne serai jamais en capacité de le faire. Je redoute le moment où il souhaitera avoir un peu plus d'indépendance. Plus le temps passe et plus il se rapproche où trainer avec son frère aîné sera démodé. J'ai espoir de trouver une machine à arrêter le temps avant que ce soit le cas. « Enfoiré. » Je suis soulagé de voir qu’il ne m’envoie pas chier. Les blagues sur sa jambe n'ont pas toujours fonctionné. Pour autant, ça reste ma manière de lui montrer que malgré son handicap, y’a certaines choses qui ne changeront jamais comme par exemple : le faire chier. « Timing de merde, je sais. Et c’est pas que j’avais pas envie de te voir… » J’ai du mal à être en adéquation avec toutes les choses qui ne font pas sens. Cette phrase en fait partie. Je l’ai déjà entendu, ma mère me l’a souvent répété après le départ de mon père. C’était sa façon de lui trouver des excuses, j’imagine. Ou peut-être que ça l’aidait à atténuer la douleur liée à son absence. C’était sans doute plus facile pour elle de se persuader que, s’il ne retrouvait pas le chemin de l’appartement, ce n’était pas par manque d’envie, mais parce que les choses étaient compliquées. De mon côté, j'étais persuadé que lorsqu'on avait vraiment envie de quelque chose, on se donnait le moyen d'y parvenir. Il m'était inconcevable d'imaginer le contraire jusqu'à ce que je me casse de Brisbane et que j'en fasse moi-même l'expérience. J'ai appris avec le temps qu'avoir envie de quelque chose n'était pas toujours suffisant. « Tu me manques aussi… » - “Fais gaffe, les étoiles ne sont pas hyper bien alignées en ce moment alors je suis un peu à fleur de peau.” Je dis en rigolant nerveusement pour le mettre en garde. Je pourrais très bien me mettre à chialer comme un gosse et utiliser son t-shirt pour m’essuyer le nez. « Je sais que… j’ai pas été là pour toi. En fait j’ai pas été là pour personne… Je mérite la palme du pire ami sur Terre. » - “Trop tard, elle m’a déjà été décernée.” Je réponds en souriant légèrement. L’amitié, comme toutes les relations, reste un travail d’équipe et en général si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas la faute d’une seule personne, mais bien des deux parties. « J’essaie de faire mieux… J’ai pas envie de perdre notre amitié. Parce que… » Il veut vraiment que j’étale ma morve sur son t-shirt ? Le corps humain est composé de 65% d’eau. Si on ajoute à cela toutes les fois où j’ai dû ravaler mes larmes pour ne pas perdre la face. On peut dire qu'il y a de grandes chances pour que je me transforme en chute du Niagara incessamment sous peu. « I love you, you love me, we're a happy family. With a great big hug and a kiss from me to you, won't you say you love me too? » Il commence à fredonner l’une des chansons qui me ramèneront toujours à lui alors que les paroles me reviennent rapidement en mémoire. “I love you,you love me. We're best friends like friends should be. With a great big hug and a kiss from me to you, won't you say you loooove meee toooooo?” Petite note dans les aiguës pour terminer la chanson et ma voix se met à dérailler sûrement à force d’avoir eu la gorge trop serrée ou peut-être parce que je ne sais tout simplement pas chanter. “C’est quand le prochain concert ?” J’ai des pancartes à préparer. Il faut aussi que je trouve le temps d’aller acheter un t-shirt à Samuel pour qu’il puisse le customiser. “Est-ce que ça te dirait qu’après ça, on se fasse un week-end dans un chalet avec Sam et Hannah ?” J’ai besoin de décompresser. Je suis revenu depuis peu, mais cette ville reste un endroit qui a le don de m'oppresser. Il faudrait que je demande à Jim si sa proposition tient toujours. Il a un vieil ami qui loue son chalet non loin de la ville, ça doit être cool d'avoir assez d'argent pour pouvoir se payer une maison secondaire et en faire un business. Y'a sûrement moyen qu'il me fasse un prix voir mieux s'il est aussi généreux que Jim et Mary. “Les +1 sont bien évidemment autorisés." J’ajoute en souriant bêtement.
“Je te jure d’attendre jusqu’à la troisième rencontre pour commencer à lui déballer quelques dossiers.” Dubitatif, Cameron chercha des yeux les mains d’Angus, persuadé qu’au moins l’une d’elle devait être cachée derrière son dos, les doigts croisés. Si ce n’était pas ça, clairement ses orteils l’étaient dans ses chaussures, le musicien était prêt à parier sa nouvelle maison là-dessus. « Que je te voie changer d’idée en plein milieu de la soirée en prétextant que de revenir d’aller pisser ça compte pour une autre rencontre. » Il le connaissait depuis tellement longtemps, il savait que son ami était capable de manigances et Charlie savait être persuasive lorsqu’elle voulait quelque chose. Les deux ensemble, ça n’augurait rien de bon pour le Lewis, mais il avait le sentiment qu’ils s’entendraient bien et il avait hâte de les présenter. Au grand dam de Cameron, Angus n’était pas le plus grand fan de certains de ses autres amis et il espérait donc qu’il approuverait au moins la personne qu’il fréquentait parce que son avis était important à ses yeux. Il ne restait plus que le géant rencontre quelqu’un à son tour pour qu’ils puissent faire des sorties à quatre, pour que lui aussi il puisse raconter des anecdotes gênantes. “Oh.” réagit Sutton en apprenant que Charlie était en fait une femme. « J’aurais dû me la fermer rien que pour voir ta tête le jour venu en réalisant qu’elle n’est pas aussi baraquée que tu l’avais imaginée. » Il rit rien qu’à imaginer la scène. La blonde était en forme avec le métier qu’elle pratiquait, mais si Angus s’attendait à rencontrer quelqu’un de la même carrure que Luke, bonjour la surprise. “Attends, t’es sûr de ton coup? Non parce que tu risques de finir en taule si tu joues au con avec elle.” Les sourcils haussés, Cam fit mine d’être vexé en tournant la tête vers le brun. « Ah parce que je vais assurément faire le con avec elle? Merci de ta confiance. » Il avait raison de le penser considérant la façon dont il avait mis un terme à sa relation avec Luke, puis à la relation tendue qu’il entretenait avec Lyla depuis leur séparation. Disons qu’il n’avait pas pour habitude de garder ses ex dans son cercle d’amis. “Tu l’as rencontré comment ? En cellule de dégrisement ou lors d’une partie de Cluedo géante ?” « Ahhhhh ça serait trop cool ça! » s’exclama l’amateur de jeux de société et d’énigmes en lui. « Mais non, on s’est rencontré au Death Before Decaf. J’essayais d’écrire et elle est venue me parler. On est devenu amis et tu connais la suite. » Ils avaient passé beaucoup de temps ensemble les mois suivant leur rencontre. Charlie l’avait aidé à prendre de l’assurance quant à son image corporelle, mais aussi quant à son rôle de père, c’était grâce à elle qu’il avait recommencé à s’occuper d’Hannah davantage. Il avait peut-être des doutes sur les sentiments qu’il éprouvait pour sa copine, mais il était certain que sa présence dans sa vie lui faisait beaucoup de bien. “OK. Finalement, y’a des trucs que je ne préfère pas savoir.” « Imagine, les menottes, l’uniforme… » dit-il avant de s’esclaffer, en ajoutant une coucher exprès rien que pour le rendre un peu plus mal à l’aise avant de lui faire signe qu’il blaguait et d’enchainer sur la relation que Charlie entretenait avec Hannah. “Si Hannah l’adore alors y’a de grandes chances pour que je l’apprécie aussi.” Il hocha la tête, un sourire aux lèvres. « Honnêtement, je suis confiant que le courant va bien passer entre vous deux. » Il le sentait.
“Trafic de friandises, ça rapporte pas mal d’argent à la maison. Quant à l’autonomie, je crois qu’il est né en étant adulte. C'est un Button, plus qu'un Sutton.” « Il a appris du meilleur, c’est pour ça. » Parce que du plus loin qu’il se souvenait, Angus avait toujours été très présent pour son petit-frère, comme une figure paternelle malgré le jeune âge qu’il avait lorsque Sam est né. Ce n’était pas pour rien que Cam l’avait choisi comme parrain pour Hannah, il était convaincu qu’elle serait entre bonnes mains si quelque chose arrivait à Lyla et lui. Malgré le mensonge à propos de l’endroit où il se situait un mois plus tôt, Angus demeurait la personne la plus fiable de son entourage, bien plus que sa sœur Zoya à qui il ne confierait même pas un poisson rouge. Depuis son accident, les deux hommes ne s’étaient pas vus aussi souvent qu’avant et Cameron prenait le blâme. Il ne s’était pas montré très aimable avec son meilleur ami depuis juillet 2021, il n’était même pas retourné vers lui après avoir commencé à reprendre sa vie en main quelques mois plus tôt. Pourquoi? Il n’en savait rien en fait, mais lorsqu’il avait appris qu’Angus lui avait menti en octobre, il avait compris qu’il risquait de le perdre si rien ne changeait. Il lui manquait et espérait pouvoir retrouver leur relation d’antan. Une fois la frustration du mensonge passée, bien entendu. “Fais gaffe, les étoiles ne sont pas hyper bien alignées en ce moment alors je suis un peu à fleur de peau.” Il ne put s’empêcher de sourire, prenant ces paroles comme une marque d’affection claire. « Je suis gentil, je te donnerai mon t-shirt si t’as la morve au nez, tu pourras ensuite en faire des torchons et garder celui des Sand Witches pour nos prochains concerts. » Il ne pouvait pas garantir que le parfum que sentirait Angus serait agréable pour ses narines considérant qu’il devait avoir sué comme un porc durant la pratique, le stress du prochain concert n’aidant certainement pas sa cause. “Trop tard, elle m’a déjà été décernée.” Il soupira bruyamment en secouant négativement la tête. « T’exagères. J’ai vraiment été insupportable et malgré ça, t’as continué de venir. Qu’est-ce que j’ai fait pour notre amitié de mon côté? Rien. Que dalle. Nada. T’étais probablement plus proche de ma mère que de moi depuis mon accident. » Ana Maria et Harrison avaient beaucoup d'amour à donner, ils avaient toujours considéré Freya et Angus comme leurs propres enfants. “I love you,you love me. We're best friends like friends should be. With a great big hug and a kiss from me to you, won't you say you loooove meee toooooo?” Cameron ne put s’empêcher de grimacer en riant. « C’est pour ça qu’entre nous deux ce n’est pas toi qui fais carrière en musique. » dit-il en pressant l’épaule de Beef d’une main. “C’est quand le prochain concert ?” « Mi-décembre. C’est bientôt. » Trop vite à son goût, mais il était trop tard pour reculer maintenant que les billets étaient en vente et que la salle était réservée. Il espérait que, d’ici là, il sentirait prêt à remonter sur scène. « Tu vas venir? » Il se doutait déjà de la réponse et il ne savait pas ce qu’il en pensait. Il avait toujours aimé que ses proches soient là pour l’encourager, mais cette fois-ci, il redoutait leur présence qui ne ferait que lui ajouter davantage de pression. “Est-ce que ça te dirait qu’après ça, on se fasse un week-end dans un chalet avec Sam et Hannah ? Les +1 sont bien évidemment autorisés." Rapidement, Cam posa son regard sur Angus en fronçant les sourcils d’un air inquisiteur. « Les +1? Est-ce que je dois comprendre quelque chose? » demanda-t-il en haussant rapidement les sourcils. « Plus sérieusement, oui c’est une super idée. Je suis certain que Hannah sera hyper contente de vous voir tous les deux. Je vais juste devoir m’assurer que ça ne sera pas la troisième fois que tu verras Charlie… » Ou alors il n’avait pas fini d’entendre parler de toutes les conneries qu’il avait faites depuis que Sutton et lui se connaissaient.
Novembre 2022 (Logan City) « Que je te voie changer d’idée en plein milieu de la soirée en prétextant que de revenir d’aller pisser ça compte pour une autre rencontre. » J'en ai des secrets, tout un tas. Néanmoins, Cameron me connait assez pour anticiper quelques une de mes réactions avant même qu'elles ne se produisent. Je garde l'idée qu'il vient, involontairement, de me souffler dans un coin de ma tête. "T'es sûr qu'on a pas été séparé à la naissance ?" Je demande en souriant légèrement. Anna Maria me considérant comme son fils adoptif, je suis en droit de me poser la question et si on se ressemblait rien qu'un tout peu - et qu'on avait le même âge-, ça ferait longtemps que j'aurais cassé ma tirelire pour acheter un kit ADN sur le net afin de mettre fin à ce suspens insoutenable. Il paraît que les jumeaux ont une connexion spéciale, qu'ils sont télépathes. Y'a des moments où j'ai l'impression que c'est le cas pour Cam et moi. Un avantage considérable quand on sait que je ne suis pas des plus bavards et qu'il en est de même pour mon meilleur ami lorsqu'il décide de se fermer comme une huître. « J’aurais dû me la fermer rien que pour voir ta tête le jour venu en réalisant qu’elle n’est pas aussi baraquée que tu l’avais imaginée. » Je me penche pour attraper un coussin qu'un des mecs a dû laisser sur la scène et le lui balance à la figure. J'avais 50% de chance de me tromper puisque je n'ai connu que Luke et Lyla. "En même temps, tu m'as toujours habitué à être avec des personnes dont le prénom commençait par la lettre L. Charlie, c'est nouveau, ça change." Et c'est pas plus mal. Je n'éprouve aucune rancune envers la mère d'Hannah, Lyla est restée fidèle à ses valeurs du début à la fin. Elle a fait tout ce qu'elle a pu pour sauver son couple après l'accident. Au fond de moi, je suis persuadé qu'ils seraient toujours ensemble si Cam n'avait pas perdu sa jambe. Luke, en revanche, était un sale con. La relation qu'il entretenait avec mon meilleur pote était toxique à souhait et je suis bien content qu'il ne fasse plus partie de sa vie. « Ah parce que je vais assurément faire le con avec elle? Merci de ta confiance. » C'est plus une histoire de confiance à ce stade là. J'ai vu Cameron saboter bon nombre de ses histoires, parfois de façon purement volontaire et d'autres fois par maladresse. Je dis pas qu'il le fera avec Charlie, mais je ne mettrais pas mes mains à couper. "C'est pas ma faute si t'aimes bien finir dans le Death Note de tes exs." Enfin là, c'est derrière les barreaux qu'il risque de terminer ses jours s'il s'amuse à bousiller le cœur d'une flic. D'ailleurs, je me demande comment il a fait pour la rencontrer. « Ahhhhh ça serait trop cool ça! » - "La cellule de dégrisement ou le Cluedo géant ?" Je demande en me pinçant les lèvres pour ravaler un sourire. En bon fan de jeux de sociétés, je connais déjà la réponse à ma question, mais sait-on jamais. Peut-être qu'à force d'être trop de fois tombé sur la case prison, il a fini par y prendre goût. « Mais non, on s’est rencontré au Death Before Decaf. J’essayais d’écrire et elle est venue me parler. On est devenu amis et tu connais la suite. » Une suite que je ne souhaite pas connaître dans les moindres détails. "T'en es où dans l'écriture ?" Après l'accident, je savais pas quoi faire pour l'aider et je me souviens en avoir touché un mot au pédopsychiatre de Samuel qui m'avait répondu que si ce n'est le temps, il serait judicieux pour lui, comme pour moi de tout poser à l'écrit. J'ai gardé cette conversation secrète de peur de me faire envoyer chier, mais j'imagine que s'il a su retrouver l'inspiration, c'est qu'il doit aller un peu mieux.« Imagine, les menottes, l’uniforme… » Il rit et je me mets à pouffer comme un gosse. Je sais pas pourquoi ce genre de sujet me met ultra mal à l'aise, mais je déteste parler de cul. Pour moi, ça reste du domaine de l'intime. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de coincé ? Sûrement, vu le désert qu'est ma vie sexuelle depuis plus de deux ans. La seule chose que j'envie à Seth, c'est sa facilité à passer d'un lit à un autre et d'aimer ça. J'aurais préféré être de ceux qui sont fait pour les plans culs, parce que c'est socialement cool pour un mec de pouvoir vanter le nombre de ses conquêtes. J'en ai inventé des tas à l'université, mais j'ai toujours détesté ça : coucher avec quelqu'un qu'on ne connaît pas ou que très peu. « Honnêtement, je suis confiant que le courant va bien passer entre vous deux. » Je suis pas difficile quand ça concerne les relations de mes proches. Tout ce que je veux, c'est qu'ils soient heureux. J'ai juste peur que Cam s'y attache trop et qu'elle lui brise le cœur même si, soyons honnête, y'a plus de chance pour que ce soit lui qui la plaque que l'inverse.
« Il a appris du meilleur, c’est pour ça. » Sa phrase m'arrache un sourire triste. Du meilleur, je sais pas. En ce moment, c'est pas la joie. Pour la première fois de ma vie, j'ai dû penser à moi avant de penser à lui. Un choix qu'il me reproche à peu près tous les jours depuis qu'on a quitté Brisbane, mais surtout depuis notre retour en ville. Les choses ont changé, Maisie a laissé une chambre vide, son amitié avec Lee n'est plus aussi forte qu'avant et il a pris un peu de retard à l'école même si la maitresse a gentiment accepté de nous envoyer les cours et les devoirs par mail pendant qu'on était au ranch. Sam est intelligent, plus que les gamins de son âge, il n'aura aucun mal à rattraper son retard. C'est plus pour le reste que je m'inquiète. Je pensais que cette virée me ferait le plus grand bien, mais le choc de la réalité est dur à encaisser. Maisie me manque, c'est un fait que je ne peux plus nier. « Je suis gentil, je te donnerai mon t-shirt si t’as la morve au nez, tu pourras ensuite en faire des torchons et garder celui des Sand Witches pour nos prochains concerts. » Je ris avant de tourner la tête pour le regarder. Ce n'est plus le fantôme de mon meilleur ami qui se trouve devant moi, mais bien celui que j'ai connu au lycée. "Tout ça pour te retrouver torse nu et pouvoir te la péter avec tes abdos." Je réponds non sans un sourire taquin. C'est un beau gosse, Cameron et plus il vieillit, plus il devient canon, j'appelle ça le syndrome de Georges Clooney. « T’exagères. J’ai vraiment été insupportable et malgré ça, t’as continué de venir. Qu’est-ce que j’ai fait pour notre amitié de mon côté? Rien. Que dalle. Nada. T’étais probablement plus proche de ma mère que de moi depuis mon accident. » J'adore sa mère, vraiment. Elle a été là dans les bons, mais surtout dans les mauvais moments. C'est la sagesse incarnée, aussi douce et puissante qu'un Ave Maria et pourtant je ne suis plus croyant depuis longtemps. Néanmoins, Cameron sera toujours mon Lewis préféré. "À la vie, à la mort." Je scande en posant une main sur mon cœur. J'ai beau en faire des caisses, je suis tout ce qu'il y a de plus sérieux. La même maison de retraite, ou rien. « C’est pour ça qu’entre nous deux ce n’est pas toi qui fais carrière en musique. » Je lui donne un petit coup de coude en rigolant. C'est clair, j'ai une voix à faire fuir le public, personne ne veut de moi lors des soirées karaoké. Je suis celui à qui on donne le micro qui ne fonctionne pas. « Mi-décembre. C’est bientôt. » Je sors mon téléphone portable pour bloquer la période sur mon calendrier qui, qu'on se le dise, n'est plus aussi chargé qu'avant. « Tu vas venir? » Je le dévisage en mode "duh". Evidemment que je vais venir et avec Samuel en prime. Il déteste les lieux bondés, mais il ne manquerait le concert de Cam pour rien au monde. J'aurais qu'à resté derrière la scène avec lui, pour lui éviter une crise de panique. "Euh, je te signale que j'étais là avant tes fans." Je réponds en croisant les bras. "Compte sur moi pour être là trois heures avant le début du concert." Si ce n'est plus. En attendant, j'ai bien envie de passer du temps avec lui avant d'avoir à le partager avec le reste du monde. « Les +1? Est-ce que je dois comprendre quelque chose? » À quelques mois près, j'aurais pu proposer à Maisie de m'y accompagner. Je soupire en mimant une négation de la tête. "Je peux toujours demander à Bonnie de venir avec nous, histoire de pas être celui qui tient la chandelle, tu vois." Je suis sûr qu'elle serait partante. Un week-end gratuit au chalet ? Je la vois déjà faire ses bagages. « Plus sérieusement, oui c’est une super idée. Je suis certain que Hannah sera hyper contente de vous voir tous les deux. Je vais juste devoir m’assurer que ça ne sera pas la troisième fois que tu verras Charlie… » Son humour m'avait manqué. "Bonnie risque de capoter en apprenant que c'est une flic et Sam va avoir dix milles questions à lui poser, c'est sûr." Quant à moi, je vais juste en profiter pour me changer les idées et rattraper le temps perdu aux cotés de mon meilleur pote.
"T'es sûr qu'on a pas été séparé à la naissance ?" Il suffisait de voir Angus de dos pour comprendre que Cameron et lui n’avaient absolument aucun lien de sang. La seule ressemblance? Leur couleur de cheveux, c’était si peu pour insinuer un doute dans leur esprit. « À moins qu’on soit deux jumeaux non-identiques avec des pères différents, ouais, pas mal. » Ce n’était pas un phénomène impossible, mais plutôt improbable. Ana Maria était une femme fidèle, son fils n’en avait jamais douté. « Parce qu’on va se le dire, t’as pas tellement la taille des Lewis… » Même Julian qui avait été adopté n’était pas particulièrement grand. Cameron, surtout, n’était pas difficile à battre, même Zoya le dépassait, alors imaginons Angus derrière qui il pouvait carrément disparaître. « Ton espagnol du dimanche ne suffira pas à me voler la place auprès de ma mère. » dit-il en battant des cils. Ana Maria aimait autant tous ses enfants, mais Cam aimait à penser qu’il était son préféré. Il était le dernier qu’elle avait bercé et cajolé avant que Julian ne vienne agrandir leurs rangs en allant et venant pendant plusieurs années selon l’état de sa mère biologique avant d’être officiellement adopté par les Lewis. "En même temps, tu m'as toujours habitué à être avec des personnes dont le prénom commençait par la lettre L. Charlie, c'est nouveau, ça change." Est-ce qu’un échantillon de deux personnes était vraiment représentatif? Cameron ne put s’empêcher de rire un peu. « Ouais, okay, c’est pas faux… en ce qui concerne mes relations sérieuses au moins. » Parce que les groupies avec qui il avait eu des rapprochements au fil du temps n’avaient certainement pas tous un nom commençant par L, il suffisait de penser à Meryl avec qui il avait trompé Luke en 2017… « Visiblement, fréquenter des gens avec des prénoms de quatre lettres commençant par L, ça ne me réussissait pas, j’avais envie de changement. Au moins si ça ne fonctionne pas plus avec Charlie, j’ai encore une marge avec le reste de l’alphabet… » Il espérait que cette fois-ci la conclusion serait plus positive pour lui, même s’il avait l’impression qu’il manquait un petit quelque chose entre son amoureux et lui. C’était une bonne personne qui le poussait à être quelqu’un de meilleur, c’était exactement ce dont il avait besoin dans sa vie. "C'est pas ma faute si t'aimes bien finir dans le Death Note de tes exs." - « Tu crois vraiment que c’est possible d’être ami avec quelqu’un avec qui t’as été intime à ce point? » Il ne parlait pas ici que de sexualité, mais de la connexion émotionnelle qu’il y avait entre les deux personnes. Comment tracer une ligne et s’y tenir après une rupture? Il était sceptique. "La cellule de dégrisement ou le Cluedo géant ?" Pendant un instant, il songea à lui dire qu’il ne le connaissait pas tant que ça finalement, mais il se retint considérant que c’était de sa faute si une distance s’était instaurée entre eux ces dernières années. « Le Cluedo géant, duh! » Sa consommation d’alcool avait déjà drastiquement diminuée depuis la naissance d’Hannah, ça avait continué dans cette direction à la suite de son accident. "T'en es où dans l'écriture ?" Le guitariste voulait se faire encourageant, mais il ne semblait pas le plus enthousiaste tandis qu’il hochait lentement la tête. « Je ne pense pas avoir écrit le prochain hit disons. » Il n’était jamais tout à fait satisfait de ce qu’il avait écrit et il passait donc plus de temps à remplir la poubelle de sa chambre de boules de papier que d’envoyer des chansons potentielles au reste du groupe. « Mais au moins j’arrive à aligner deux mots, c’est un début. » Il avait espoir que la facilité d’autrefois lui reviendrait avec un peu de temps.
"Tout ça pour te retrouver torse nu et pouvoir te la péter avec tes abdos." Il lâcha un iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii en grimaçant. « Ça fait longtemps que tu m’as pas vu torse nu je pense. » Il rit en se pinçant un peu le ventre pour montrer ses petites poignées d’amour, bien qu’il fût loin d’être en surpoids. « Ça fait deux ans que je fou rien, il ne reste plus grand-chose à montrer. » À part l’énorme tête de lion qu’il avait de tatouée sur un pectoraux, mais encore fallait-il qu’il se dénude un minimum quand il ne se mettait même pas en short depuis deux ans, il ne s’était pas baigné depuis si longtemps… "À la vie, à la mort." Un sourire reconnaissant au coin des lèvres, le Lewis posa une main à son tour sur sa poitrine. Cette expression décrivait si bien leur amitié quand Angus l’avait sans doute littéralement sauvé de la mort en prodiguant les premiers soins ce soir de juillet 2021. "Euh, je te signale que j'étais là avant tes fans." Il avait été témoin de leurs moins bonnes performances, de leurs vieilles chansons qui faisaient saigner les oreilles, particulièrement celles du voisin de ses parents. « Excusez monsieur. » Il leva les mains de part et d’autre de sa tête. "Compte sur moi pour être là trois heures avant le début du concert." Il leva une main pour lui faire un high five. « Ça c’est mon Beef. » Il était content et soulagé d’enfin retrouver son meilleur ami qui lui avait tant manqué. Il était impatient qu'ils puissent passer un peu plus de temps ensemble comme ils avaient l’habitude de le faire auparavant. "Je peux toujours demander à Bonnie de venir avec nous, histoire de pas être celui qui tient la chandelle, tu vois." - « Pourtant tu fais un si beau chandelier. T’as même la grandeur parfaite pour tenir du gui au-dessus de nos têtes. » Il n’aurait même pas à tendre les bras au-dessus de sa tête… "Bonnie risque de capoter en apprenant que c'est une flic et Sam va avoir dix milles questions à lui poser, c'est sûr." Connaissant Charlie, Cameron était persuadée qu’elle se ferait un plaisir de répondre à toutes les questions de Sam. « Bonnie peut respirer, Charlie va laisser son uniforme à la maison je suis sûr. Elle ne sera pas là pour le travail et puis de quoi elle a si peur? » Ce n’était pas comme si la babysitter de Sam était une grosse criminelle endurcie. « Mais oui, invite-la, ça pourrait être sympa je suis certain. » Elle savait mettre l’ambiance, Bonnie. « Je suis certain que Charlie va adorer Sam et que ça va être cool. J’amènerai Hannah si c’est possible, elle ne s’objectera pas à tenir la chandelle si c’est trop pour toi. » dit-il en lui donnant un petit coup de coude avant d’allumer l’écran de son téléphone pour regarder l’heure. « Je meurs de faim, t’as pas envie qu’on aille manger quelque part? » Il fallait bien les entretenir ces poignées d’amour. Il donna une tape dans le dos d’Angus avant de prendre appuie sur son épaule pour se relever. « C’est moi qui paie. Je connais un endroit sympa pas trop loin… » Il prit son sac, puis il ouvrit la marche en direction de la sortie sans donner la chance à son ami de refuser son invitation.