L’effet papillon, je ne m’y étais jamais réellement intéressé avant cette année. Le fait qu’une action, aussi infime soit-elle, puisse en entraîner une autre et ainsi de suite. Je ne crois pas au destin, ni en Dieu. Pour autant, je suis forcé de constater que la vie n’est rien d’autre qu’une partie d’un jeu vidéo narratif à choix multiples avec un nombre incertains de fins alternatives. Le problème avec la vie, c’est qu’on ne peut ne pas recommencer à zéro, ni même retourner à la sauvegarde précédente pour réparer les erreurs du protagoniste. Je serais déjà riche si je pouvais utiliser des cheat codes pour ajouter quelques zéros à mon compte en banque et j'aurais profité du système pour distribuer des points de vie à l’infini aux personnes qui me sont chères afin de ne pas avoir à leur dire au revoir. C’est sûrement pour ça que certaines personnes préfèrent se terrer dans le monde virtuel, je ferais probablement la même chose si je n’étais pas obligé de garder les pieds bien ancrés dans la réalité. Le retour à Brisbane a été compliqué, c’est un sentiment bizarre que de se sentir étranger à une ville qui m’a vu grandir. J’en connais le moindre recoin, pourtant je n’ai plus l’impression d’être chez moi, ici. Mon mode de vie a changé du tout au tout. Je n’ai plus la même niaque qu’avant, plus personne à rendre fier, non plus. Samuel est très heureux de me savoir barista, je pourrais vendre des beignets sur South Bank qu’il trouverait ça stylé. Il préfère les horaires du café à ceux que j’avais lorsque je bossais encore à la MHI, moi aussi, même si la différence de salaire est importante et qu’il n’y a rien de gratifiant à la confection de boissons chaudes ou de thés glacés. Je m’emmerde au point de pouvoir sentir mes neurones s’engourdir sous le poids de l’ennui. Ca va bientôt faire deux mois que je bosse ici et j'ai déjà été désigné membre du mois, sans rien faire de plus que ce qui m'était demandé. C'est d'un pathétique et pourtant je suis là à trouver la moindre excuse pour ne pas avoir à aller déposer mes C.V. Ma collègue me donne un coup de coude lorsqu’un nouveau client pousse la porte de l'expresso patronum, tandis que je reste affalé sur le comptoir à dessiner l'ébauche de futurs stickers.“Bienvenue à l’expresso patronum. La maison vous offre 10% de réduction sur toutes les boissons si vous arrivez à deviner le sortilège du jour.” Je répète machinalement la phrase d’accroche de l’établissement, celle qui avait le don de me faire rire lors de mes premiers jours, mais qui a fini par perdre de son originalité à force d’avoir été prononcée. Je dégaine mon marqueur indélébile de la poche de mon tablier aux couleurs de Serdaigle avant de lever la tête pour découvrir l’énième client de la matinée. Ce n’est pas n’importe quel moldu qui se tient devant moi, je connais ce visage, même si je ne l’ai pas vu depuis plus d’un mois. Il aurait pu être de dos, que je l’aurais reconnu à son style vestimentaire, du made in Hurley. Pris au piège derrière le comptoir, je n’ai pas d’autres choix que de le saluer d’un signe de la tête. “Obliviate” Je chuchote dans sa direction tout en faisant mine de lui montrer les différentes tailles de gobelets. “C’est le sortilège du jour.” J’ajoute à voix basse, c’est assez ironique quand on sait qu’il a décidé de prendre ses distances du jour au lendemain. Et même si j’ai pas trop compris le pourquoi du comment, j’ai fini par respecter sa décision. C’est Samuel qui a eu du mal à changer ses habitudes, puisqu’il avait commencé à prendre goût aux mercredi après-midi et aux moments passés en compagnie d’Esmée et lui. Moi, j'ai fini par conclure que les cours devaient lui demander trop de temps et d'énergie. “T’as fait ton choix ?” Je demande sans daigner le regarder. Je suis pas très à l’aise à l’idée qu’il me voit endosser le rôle de barista, alors j’espère qu’il ne mettra pas longtemps à se décider.
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Tu cherches l'inspiration ailleurs aujourd'hui, c'est principalement pour cela que tu es sorti et que tu as dit à Vance de te retrouver dans ce café. Pas parce que tu es un ces adultes pressés qui a besoin de café justement, c'est tout l'opposé quand on te connaît vraiment, mais tout simplement parce que les mots ont commencé à manquer entre les quatre murs de ta chambre, et c'est l'idée d'Esmée. Un peu d'air frais te fera du bien et te permettra de finir ce morceau. Tu regorges d'idées pour nicky & the saints depuis qu'on vous a demandé de participer à un concert de fin d'année et que tu sais que vous avez quarante minutes rien que pour vous, parce qu'il n'est pas question de reprendre les textes de qui que ce soit. Non, ce sera vous et rien que vous et en tant que parolier et chanteur principal du groupe, tu ressens une légère pression. Pas le type de pression qui te donne envie d'enfiler un pull supplémentaire et de tourner les talons, non vraiment... Tu as envie de faire tes preuves, envie de trouver un son particulier pour ce nouveau groupe, différent de l'ancien, différent de tout de que tu as pu faire ou écrire avant et qui te représenterait bien. Vance est juste là parce qu'il aime jouer et qu'il n'y a aucune prise de tête entre vous, il t'a même demandé de lui donner des cours de guitare il y a peu. Le batteur veut étoffer son répertoire, ce que tu peux comprendre et respecter, et comme il le sait déjà, tu adores partager ce que tu sais. Le blond t'a même demandé comment tu faisais pour écrire une chanson et ça, malheureusement, ce n'est pas quelque chose que tu peux expliquer avec des mots ou même le transmettre. Cela commence soit avec des paroles ou une mélodie, ou même les notes qui te trottent dans la tête au moment où tu écris en réalité. Enfin pas aujourd'hui, ton regard bleuté est toujours posé sur ce bout de phrase, avant que tu ne réalises que la queue a avancé et que tu devrais avancer aussi. C'est ton tour de commander et tu te figes véritablement, alors que ton regard azur fait la focale sur Angus. "Je..." Tu ne l'as pas revu depuis un bon moment, que ce soit lui ou Samuel, depuis quand est-ce qu'il bosse dans un café ? Ou qu'il est de nouveau sur Brisbane ? Il te manque des informations en fait, tu as envie de sourire parce que c'est Angus mais votre dernière vraie conversation remonte à quelques semaines, non quelques mois maintenant. Tu n'as jamais été bon pour trouver quoi dire sur le moment, et oui, c'est le parolier qui dit ça. Cependant, les gens ne réalisent pas qu'il y a des heures passées derrière chaque phrase, tu peux prendre ton temps. Dans la réalité où tout avance vite et parfois beaucoup trop vite ? Ce n'est pas vraiment le cas, que tu ne peux t'empêcher de penser amèrement. "Oui ?" Tu es prêt à commander, oui, Angus doit faire son boulot et tu devrais arrêter de le fixer comme si tu venais de voir un fantôme. "Il me faut un mocha et un chocolat chaud, merci." Tu marmonnes ta commande, ne le quittant pas du regard pour le coup, oui, il a toute ton attention. C'est plus fort que toi, tu laisses échapper un : "T'es la dernière personne que je pensais croiser ici." Vraiment, la dernière, est-ce que Samuel est caché derrière le comptoir ? Tu te le demandes, cela t'étonnerait, est-ce qu'il a continué de s'exercer avec un piano ? Comment tu pourrais le savoir et en fait, est-ce que cela te regarde vraiment ? Tu n'en sais rien. "Je n'ai pas répondu à ton dernier message d'ailleurs, désolé, j'étais occupé et..." Et tu es juste un idiot, un idiot qui a été aveuglé par l'accident d'Esmée. Tu t'es placé comme seul responsable et évidemment, tu as voulu tout résoudre tout seul, mettant de côté le reste, les amis, les contacts, et même toi d'une certaine façon. Cela t'a pris des semaines pour sortir de ces mauvaises habitudes-là, et même maintenant, tu dois te retenir de l'appeler quand tu es loin parce qu'elle est en sécurité et qu'un incident de ce genre ne risque pas de se reproduire. Mais tout ça, Angus ne peut pas le savoir, tout ce que tu lui as offert, c'est du silence. "Tu t'en fiches très certainement, hmm, tiens, tu peux garder la monnaie." Tu dis cela en sortant un billet de la poche de ton pantalon, pour payer, mais aussi pour lui laisser un pourboire, c'est la moindre des choses que tu peux faire après tout.
Fin décembre 2022 Je n'étais qu'un simple moldu avant d'être embauché à l'expresso patronum. Je faisais partie de ces rares personnes à n'avoir jamais vu, ni lu, la saga à grand succès. Une honte, c'est ce que ne s'est pas gênée de me balancer Georgie, mon binôme attitré, lorsqu'elle a eu la lourde tâche de me former. C'est à elle que je dois mon initiation au monde des sorciers. C'est simple, elle boit, mange, dort Harry Potter. J'ai beau lui répéter qu'il y a d'autres choses dans la vie et qu'il va falloir qu'elle commence à décrocher car la saga est aussi vieille que moi, littéralement. Le premier tome est sorti en 1997 soit deux mois après ma naissance. Elle ne veut rien entendre, je suis même pratiquement sûr qu'elle nommera ses futurs enfants en l'honneur de ses personnages préférés. Molly, passe encore, mais Nymphadora ? Aucun gosse ne voudra être ami avec une fille qui se nomme comme ça, sauf peut-être le petit Xenophilius. Ça aussi, je le lui ai dit avant de me prendre un "qu'est-ce qu'il y connait le né moldu ?" . Pas grand chose, mais un peu plus qu'il y a un mois. À présent, je sais que je suis un serdaigle. J'ai pas choisi, c'est le test trouvé sur internet qui s'en est chargé pour moi. Mon patronus est un chat comme celui du professeur McGonagall, si ça c'est pas la classe. Quant à ma baguette, elle est faite en bois de tremble et possède un noyau de licorne. Je sais pas trop que ça signifie et je m'en moque un peu puisque dans le monde réel, il n'y a pas de place pour la magie. Je trouve ça assez frustrant de me dire qu'il existe un monde fictif dans lequel il est possible d'utiliser un sort d'attraction pour faire venir les objets jusqu'à nous sans avoir besoin de se lever pour aller les chercher; ou qu'on peut extraire des pensées inutiles de notre esprit à l'aide d'une baguette magique pour les foutre dans une bassine. Je sais pas comme fait Georgie pour accepter l'idée de vivre parmi les moldus quand elle connait le moindre secret sur le monde des sorciers.
Elle me donne un coup de coude alors que je suis occupé à dessiner et je m'offusque quand je vois la mine du crayon dévier de sa trajectoire. Je fouille les poches de mon pantalon à la recherche d'une gomme tout en souhaitant la bienvenue au client de façon un peu trop monotone. "Je..." Je reconnais son visage avant de mettre un nom sur le son de sa voix. Nicholas semble avoir perdu les mots et moi, j'aurais aimé qu'il puisse perdre la vue le temps d'un instant; juste assez pour courir me cacher dans l'arrière boutique. Je peux voir Georgie froncer les sourcils du coin de l'œil puis sourire fasse au malaise qui se dessine devant elle. "Tu ?" Je le relance tout en me tournant pour attraper le plus grand des gobelets. Tu quoi, Nicholas ? Y'a pas mal de mots qui pourraient combler le début de sa phrase. Il pourrait commencer par s'excuser de ne pas avoir répondu à mes messages ou d'avoir mis fin aux cours de piano de Samuel sans me donner le temps de lui trouver une autre activité extrascolaire pour occuper ses mercredi après-midi. Néanmoins, je suis content de voir qu'il a l'air d'aller bien et j'espère qu'il en est de même pour sa grand-mère. "Oui ?" Je vois, c'est comme ça que nous allons communiquer maintenant ? À coup de monosyllabes ? Pourquoi des onomatopées tant qu'on y est. "Il me faut un mocha et un chocolat chaud, merci." Ah bah voilà, il sait faire une phrase quand il veut. J'acquiesce de la tête avant d'attraper un deuxième gobelet et de sortir mon marqueur indélébile. "Un prénom ?" C'est petit, je suis d'accord et je regrette la question avant même de l'avoir posé, mais l'impulsivité est un défaut qui n'est pas facile à dompter. Sans attendre sa réponse, j'écris son patronyme en me retenant de l'écorcher. "T'es la dernière personne que je pensais croiser ici." J'évite de le regarder, la situation est assez embarrassante comme ça. Je fais passer les gobelets vides à ma collègue pour la pousser à travailler au lieu de jubiler en voyant mon air mi-honteux, mi-exaspéré. "La dernière personne que tu pensais ou que tu voulais croiser ici ?" Je demande lorsque Georgie est assez éloignée pour ne pas entendre notre conversation. "Je n'ai pas répondu à ton dernier message d'ailleurs, désolé, j'étais occupé et..." Même lui n'a pas l'air de croire aux conneries qu'il est en train de me sortir. Il a le droit de ne plus avoir envie de me parler par contre s'il pouvait garder ses excuses toutes prêtes pour quelqu'un d'autre, ça m'arrangerait."Je comprends, laisse tomber." Et c'est vrai, je comprends. Samuel peut être difficile à gérer quand on y est pas préparé. Il m'a fallu du temps, à moi aussi, pour m'accommoder et faire le deuil du petit frère rêvé. Y'a des moments où j'aurais préféré être fils unique pour ne pas avoir à renoncer à certains projets. Pour autant, aujourd'hui je ne l'échangerais pour rien au monde parce que c'est mon frère, que je l'aime et qu'il me fait voir le monde sous un autre angle. Cependant, ça ne veut pas dire que les autres doivent obligatoirement arriver à le supporter. Alors, oui, je comprends pourquoi Nicholas a voulu cesser les cours de piano même s'il n'a jamais eu les couilles de me le dire en face. C'est la façon de faire que je n'ai pas apprécié; la forme plus que le fond. Je sélectionne les deux boissons sur l'écran tactile de la caisse enregistreuse avant de lui donner le montant de sa commande. "Tu t'en fiches très certainement, hmm, tiens, tu peux garder la monnaie." Je serre la mâchoire et dépose ladite monnaie sur le comptoir pour qu'il puisse la récupérer. Ouais, je me sens insulté même si le connais assez pour savoir qu'il n'y avait probablement pas une once de pitié dans sa proposition, mais juste un élan de générosité. Je m'en branle, j'ai pas besoin de son argent. Je m'éloigne du comptoir sans lui adresser un mot de plus et file dans l'arrière boutique, non pas pour me cacher, mais pour récupérer de quoi remplir le distributeur de serviettes en papier. Le manager vient rapidement me trouver pour me dire de partir en pause ce que je fais sans me faire prier. "T'as 5 minutes ?" Je demande à Nicholas en le rattrapant devant la porte du café. "Je m'en fiche pas." J'ajoute en jetant un coup d'œil aux deux gobelets. Il est certainement attendu quelque part, mais je me suis fait du soucis pour lui et sa grand-mère alors je peux pas le laisser repartir s'en m'assurer qu'elle aille bien et qu'il en est de même pour lui. "Comment va Esmée ?" Je demande en lui montrant la table la plus éloignée du comptoir.
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"Désolé." Tu n'as jamais été doué quand il s'agit des confrontations ou de regarder ses problèmes en face. Jamais, cela ne date pas vraiment d'hier et ce n'est pas la faute de ton barista du jour, que tu connais pour le coup, absolument pas. Tu es le plus âgé de vous deux, tu devrais être celui qui a les bons mots, qui sait orienter la conversation dans le bon sens, lui expliquer la situation et lui dire que oui, pour le coup, tu es content de le revoir et de le savoir sur Brisbane. Et en un seul morceau. Tout ça se perd, se mêle et finit par mourir quelque part entre ta gorge et ton cœur et tu n'arrives pas à formuler de véritable discours, perdant tes mots, n'arrivant même pas à les attraper ou à même les effleurer pour le coup. Alors tu contentes de parler de ce que tu connais, et même le début d'explication que tu commences à donner à Angus, elle finit par s'éteindre aussi, sous le coup de son laisse tomber qui fait plus office d'ordre qu'autre chose. Alors tu le fais, tu finis par te taire, par hocher la tête comme tu sais si bien le faire et par laisser tomber, alors que tu ne voudrais pas le faire, mais en te disant qu'Angus mérite au moins que tu lui accordes la paix qu'il t'a demandé. Il ne prend pas la monnaie, c'est à toi de la récupérer avec le reste des boissons chaudes et tu as même l'impression que les deux gobelets en plastique te brûlent les mains. C'est dans ta tête cependant, absolument aucun doute à avoir, tu as toujours eu une imagination active, encore plus quand tu es confronté à ce que tu cherches à tout prix à éviter. Des moments comme celui-ci et tu t'éloignes du comptoir après un dernier regard pour Angus, alors que tu as dix mille questions pour lui. Tu fais un arrêt à une table pour envoyer un message à Vance, peut-être qu'il vaudrait mieux avoir votre petit aparté ailleurs, ça rendrait les choses un peu trop bizarres ici, tu le sais maintenant. Tu appuies sur envoyer avant de ranger ton smartphone dans la poche de ton pantalon et tu t'apprêtes à quitter l'endroit, pour de bon, vraiment, quand Angus t'aborde encore. Cinq minutes, ça semble raisonnable et encore une fois tu hoches la tête. "Moi non plus." Tu marmonnes cela face à son ajout et tu le suis facilement, trop facilement, et au moment où le grand brun reprend la parole, tu lui demandes à ton tour : "Comment va Samuel ?" Si bien que vous parlez en même temps. Angus a le droit à un début de sourire, parce que cela te rassure et te met le baume au cœur de voir qu'il s'est attaché à Esmée, presque autant que toi. Tu t'installes et tu lui donnes des réponses, vu qu'il a techniquement posé la question en premier. "Elle va bien, son opération s'est bien passée, elle est de retour à la maison et vu qu'elle a une aide à domicile, elle n'est pas confinée aux murs de la maison, elle a presque repris sa vie normale." Tu avais envoyé un message à Angus quand Esmée avait été admise au St Vincent en août dernier, pour lui dire que le baby-sitting et les leçons de piano ne seraient plus possible, mais aussi et avant tout pour le prévenir. Et tu le sais, que tes messages ont manqué de tout, d'information cruciale, de mots rassurants et même tu n'as pas répondu tout simplement. Pourquoi ? Pas parce que tu voulais être cruel, non, parce que tu passais tout ton temps libre auprès d'Esmée, à l'hôpital, à t'inquiéter, à te voir comme coupable, et à ne penser à rien d'autre que cela. Une petite routine qui n'a pas été saine, du tout, et il t'a fallu du temps, de l'aide, et qu'Esmée aille mieux pour en sortir. Les choses auraient été bien différentes si Angus avait été là, tu le sais, mais tu ne lui en veux pas pour autant, d'ailleurs, tu ne lui en as jamais voulu. Les hauts et les bas de la vie arrivent à tout le monde et malheureusement, tu es parti te réfugier dans la pire partie de ton esprit, celle que tu ne montres généralement pas aux gens. "Elle s'est demandée où vous étiez d'ailleurs autant toi que Samuel et..." Et ça n'a pas d'importance, en fait, il faut que tu lui dises autre chose avant de perdre ton courage et avoir envie de vraiment partir. "Ecoute, je suis un idiot fini, okay ? Le silence ce n'est pas parce que je t'en veux ou quoi que ce soit, oui, je me suis demandé pourquoi tu étais parti mais... voir Esmée à l'hôpital ça m'a..." Trop affecté, trop touché et ton monde tout entier a été chamboulé, assez pour que plus rien ne compte en fait. Tu ne peux pas dire tout ça, c'est trop difficile, à la place tu t'éclaircis la gorge, le sujet étant encore un peu trop sensible. "J'ai mis tout le monde de côté, okay ? C'était nul et pas vraiment logique, je suis désolé."
Je le regarde une dernière fois avant de me rendre dans l'arrière boutique. Sa dernière parole résonne en moi et me donne envie de faire machine arrière. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un me présente ses excuses, mais ça fait bien longtemps que ça n'était pas arrivé. C'est pas facile d'admettre qu'on a fauté et en l'occurrence, je ne suis pas certain que ce soit le cas de Nicholas. Il a eu l'honnêteté de mettre fin à des cours de piano qui devaient lui coûter beaucoup trop d'efforts pour la modeste somme qu'il me demandait en retour. C'était peut-être pas rentable pour lui et je me dis que les leçons de Samuel devaient certainement prendre le double du temps requis pour celles de ses autres élèves. Je sais qu'il ne roule pas sur l'or et qu'il a besoin de gagner son pain, mais aussi de moments libres pour s'occuper de sa grand-mère. Il nous aurait évincé de sa vie à un autre moment que je ne lui en aurais pas tenu rigueur. Son message est arrivé à une période où j'additionnais les pertes et devoir les ajouter à la liste, lui et sa grand mère, n'a fait que remuer le couteau dans la plaie, voilà tout. Je comprends désormais pourquoi Samuel déteste les changements et je crois qu'une partie de moi en a horreur aussi. C'est flippant et éreintant d'avoir à s'adapter aux conséquences de variations qui ne dépendent pas de moi et contre lesquelles je ne peux rien faire si ce n'est accepter le fait de ne pas pouvoir tout contrôler. Je déteste ça, sûrement parce que j'ai toujours pris les devants que ce soit en tant qu'ancien capitaine de l'équipe de rugby ou en tant qu'homme de la maison. Mon grand père était le seul de la famille à croire au destin, il disait que rien n'arrivait par hasard et que ce que la vie prenait, elle finissait toujours par nous le rendre et puis un beau jour il s'est mit à perdre la mémoire et devinez quoi ? La vie ne lui a jamais rendu ses souvenirs. C'est comme cette expression qui dit "un de perdu, dix de retrouvés", j'en ai jamais compris le sens. Quand on perd quelque chose ou quelqu'un, on le perd et puis c'est tout.
En attendant, même si je ne suis pas du genre à croire à une quelconque puissance supérieure. Je veux bien admettre que la présence de Nicholas tombe à pic et que ça signifie qu'il est grand temps de crever l'abcès. J'aurais préféré le faire ailleurs plutôt qu'ici et dans une autre tenue que celle d'un apprenti sorcier, mais si y'a bien quelqu'un qui ne pourra pas juger mon ootd du jour c'est Nicky. Non pas que je n'aime pas son style, j'en suis même secrètement fan, mais sa dégaine reste atypique. J'ôte mon tablier que je m'empresse de déposer sur le comptoir avant de commander un caramel machiato à Georgie. Oui, je sais. Je pourrais le faire moi même et c'est d'ailleurs ce qu'elle ne se gêne pas de me balancer au visage, mais ma pause a commencé depuis déjà trois minutes et y'a de grandes chances pour que mon courage s'envole si je commence à trouver le moindre prétexte pour retarder le moment fatidique. Tandis que là, je suis lancé et bien décidé à aller lui parler. Je le rattrape de justesse avant qu'il ne franchisse la porte de l'établissement que sa silhouette ne disparaisse parmi la foule de piéton ambulant. "Moi non plus." Mes épaules s'affaissent lorsque sa réponse chasse toute once d'appréhension. Je lui fais signe d'aller s'installer à une table et en profite même pour lui ouvrir la marche. "Comment va Samuel ?" Il me demande au même moment où je m'empresse de prendre des nouvelles de sa grand mère. Un léger rire s'échappe d'entre mes lèvres, y'a même pas cinq minutes on arrivait pratiquement pas à se décrocher plus de deux mots et à présent on se retrouve à devoir marquer des silences pour laisser l'autre parler en premier. "Elle va bien, son opération s'est bien passée, elle est de retour à la maison et vu qu'elle a une aide à domicile, elle n'est pas confinée aux murs de la maison, elle a presque repris sa vie normale." - "Son opération ??" Je n'entends pas le reste de sa phrase, du moins pas tout de suite. Les sourcils désormais froncés, j'imagine Esmée à l'hôpital et ça me fait mal au cœur rien que d'y penser. "Rien de grave ? Qu'est-ce qui s'est passé ?!" Je me dépêche d'ajouter avant de remercier rapidement Georgie qui m'apporte le café et qui repart aussi tôt vaquer à ses occupations."Elle s'est demandée où vous étiez d'ailleurs autant toi que Samuel et..." Je ne comprends pas tout. Je pensais, au contraire, qu'elle était au courant pour la fin des baby-sitting et des leçons de Samuel et, avec le temps, j'en étais même venu à penser que la décision avait été prise pour son bien et d'un commun accord afin qu'elle puisse se reposer.
"Attends, c'était ça le "souci" ?" Parce que oui, Nicholas m'a bien parlé d'un souci avant de mettre un terme aux habitudes du mercredi, mais j'aurais jamais pensé que ledit souci soit aussi grave sinon j'aurais fait des pieds et des mains pour me montrer présent quitte à devoir camper devant chez eux. "Ecoute, je suis un idiot fini, okay ? Le silence ce n'est pas parce que je t'en veux ou quoi que ce soit, oui, je me suis demandé pourquoi tu étais parti mais... voir Esmée à l'hôpital ça m'a..." Je viens déposer ma main sur son avant bras pour le rassurer. De toute évidence, il est encore chamboulé et je me déteste un peu plus de ne pas avoir pu l'aider. " T'es pas un idiot fini. J'en savais rien, je pensais qu'on était de trop. Enfin, tu sais, Sam a beau être mignon, il peut être difficile à gérer. Et, je sais pas, je me suis dit que c'était peut-être trop fatiguant pour toi, comme pour Esmée." Je dis tout en passant mes mains autour de ma tasse de café. Je me suis monté la tête tout seul et j'ai tiré des conclusions hâtives sans chercher à en savoir plus. Non pas parce que je m'en foutais, mais pour ne pas avoir affaire à un nouveau rejet ou entendre une vérité que je n'aurais pas était en état d'accueillir. "Je suis désolé. J'aurais dû essayer de creuser davantage parce que je te jure que je n'aurais jamais quitté la ville si j'avais su pour Esmée." C'est à moi de m'excuser cette fois-ci. Je peux pas imaginer ce qu'il a dû vivre et la peur qu'il a dû ressentir en apprenant la nouvelle."J'ai mis tout le monde de côté, okay ? C'était nul et pas vraiment logique, je suis désolé." Non, c'est ni nul, ni illogique. Je le comprends bien plus qu'il ne le pense et j'aurais sans doute fait la même chose à sa place. Bon nombre de mes proches ne sont toujours pas au courant pour le décès de ma mère alors oui, je saisis son cheminement de pensées. Il n'empêche que même si je respecte son choix, ça me mine de savoir qu'il s'est retrouvé seul pour y faire face. "Tu parles à un mec qui a passé un mois entier à préférer nettoyer du crottin de cheval plutôt que d'affronter ses propres problèmes. " J'esquisse un petit sourire réconfortant avant de boire une gorgée de ma boisson chaude."J'aurais aimé être là pour toi." Je finis par dire parce que c'est vrai et que même si, sur le moment, ce n'était pas forcément ce qu'il désirait. J'ai envie qu'il sache que dans le cas inverse, je n'aurais pas hésité une seule seconde avant de lui apporter mon aide d'une quelconque manière. "Comment tu te sens ?" Je demande en le regardant dans les yeux. De ce qu'il vient de me dire, Esmée semble aller beaucoup mieux, mais quand est-il de lui ?
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Tes mains se resserrent sur une des tasses chaudes que tu as payées un peu plus tôt, ton regard bleuté toujours posé sur Angus. Il a des questions plus que valides et tu as l’impression de ne pas lui avoir parlé depuis une éternité, ou deux même, il s’est passé beaucoup de choses en l’espace de quelques mois et en réalité, tu ne lui en veux même pas. Tu es incapable d’être véritablement rancunier, même les personnes que tu es censées détester, tu pourrais les accueillir avec un sourire aux lèvres et une boisson chaude. Juste parce que c’est plus facile à gérer que la rancœur, juste parce que la vie continue de suivre son cours et de ton expérience, garder tout cela pour soit ne fait qu’aigrir et alourdir et tu n’as pas besoin de ce genre de bagage en plus. Tu dois déjà te déplacer avec beaucoup au quotidien, cela t’a déjà fait passer à côté de plusieurs opportunités, sur tous les plans d’ailleurs et peu de gens réalisent que tu fais en réalité beaucoup d’efforts et que tu aurais toutes les raisons du monde de te braquer. Et de ne pas aller vers les autres. Angus peut le comprendre cela, tu le sais, sur bien des points, vous êtes similaires et tu n’as pas envie que ton amitié avec lui se finisse sur un malentendu. Un malentendu complètement idiot maintenant que tu y penses et qui n’en vaut clairement pas le coup. Tu as une légère grimace avant de lui donner plus de détails sur l’hospitalisation d’Esmée, il a des questions l’autre brun et c’est plus que compréhensible. “Une très mauvaise chute, cela n’a laissé auquel séquelle au niveau mental, mais elle a dû se faire opérer à la hanche, ça va mieux maintenant, la rééducation se passe bien, c’est juste à l’âge d’Esmée, tout accident n’est pas si anodin que cela.” Pas anodin du tout, tu es surpris de constater que tu as réussi à garder le timbre de ta voix neutre au possible en disant tout cela. Cela ne résume absolument pas la boule que tu as eue au ventre pendant des semaines, comment tu as détesté devoir la laisser seule au St Vincent une fois les heures de visites terminée et à quel point votre maisonnée était vide sans la présence rassurante d’Esmée. À quoi bon remuer tout ceci ? Tout ceci est derrière toi maintenant, derrière vous et c’est tant mieux. “Non vraiment, cela n’avait rien à voir avec toi ou même Samuel, et s’il te plaît, ne t’excuse vraiment pas, j’aurais dû mieux gérer c’est juste que j’ai tendance à penser, à tort d’ailleurs, que Esmée est invincible alors...” Alors que tu devrais y être préparé en réalité, c’est ce que le médecin t’a soutenu, quand il t’a pris à part après l’opération d’Esmée, un succès, une procédure de routine, mais tout de même, ta grand-mère n’est plus aussi jeune que toi. D’ailleurs, tu as beau fouiller dans ta mémoire, Esmée a toujours eu les cheveux blanc et toujours eu besoin de se servir de sa canne, tu pensais naïvement que le temps ne la rattraperait jamais. Et qu’elle serait toujours là, comme un phare dans une nuit trop noire, incapable de s’éteindre et ce peu importe les circonstances. Peut-être que la métaphore n’est pas du tout adéquate, et peut-être que tu devrais être mieux préparé, autant Esmée que toi... Mais si face à ce médecin tu n’as pas su répondre autre chose qu’un haussement de tes épaules avant de retrouver ta place auprès de ta grand-mère, y penser maintenant n’aidera pas. Tout comme le fait qu’Angus aurait voulu être là, tu hoches la tête à ces mots-là avec un maigre sourire sur le visage, oui, cela aurait très certainement rendu les choses un peu plus faciles à vivre, tu ne peux pas le nier. “Tu es sur Brisbane maintenant, c’est le plus important en fait.” Tu le dis sur un ton assuré, avant de légèrement froncer les sourcils face à ce qu’il avance, il est bien parti et revenu pour une raison. Tu espères que tous les problèmes d’Angus ont pu trouver une résolution positive et ce même si tu ne sais pas de quoi il en retourne pour la grande majorité. “Je pourrais te retourner la question vu ce que tu viens de me dire, mais tu as demandé en premier je suppose.” Et tu serais totalement hypocrite d’exiger un semblant de confession du jeune homme, surtout si tu es incapable d’en faire de même. Aussi, tu laisses échapper un soupir avant de te montrer un minimum honnête. “Franchement, je ne suis pas tout à fait à l’aise avec l'idée de ne pas être avec elle constamment, mais elle m’en voudrait et elle a sa propre vie, et il faut que je vive la mienne... Enfin il parait.” Les mots d’Esmée et certains de tes proches, absolument pas les tiens, toi, tu as juste eu envie de répliquer que tu n’aurais pas vraiment eu de vie sans Esmée et que ça te semble normal de s’occuper d’elle maintenant. Non, elle ne te l’a jamais demandé, jamais explicitement en tout cas et elle ne le fera certainement pas, mais tu lui dois tout, alors c’est normal que tu te raccroches à cette notion-là, non ? Oui, à tes yeux, c’est normal. “Elle a une aide à domicile un peu plus permanente maintenant, donc ça aide avec mes propres angoisses. Enfin, juste un tout petit peu.” Tu hausses les épaules, tu n’as pas vraiment envie d’en dire plus à ce sujet, Angus a eu le droit à une réponse plus honnête et moins mesurée que certains, une chance dans un sens. “Donc ça c’est moi, et toi ?” Lui, Samuel, son boulot, enfin ancien et le nouveau. “Tu sais que tu peux repasser à la maison quand tu veux, avec ou sans Samuel d’ailleurs.”
Fin décembre 2022 Je ne crois pas au destin parce que cela voudrait dire que tout arrive pour une raison. Ça reviendrait à admettre que nous n'avons aucun contrôle sur l'avenir et je déteste ça. Je préfère penser que chaque action peut avoir une conséquence, bonne ou mauvaise, et qu'il nous est toujours possible d'arranger les choses et de mieux faire. Qu'il n'y a pas un chemin tout tracé, mais plusieurs petits sentiers menant à des fins qui diffèrent. Un peu comme un labyrinthe géant avec plusieurs portes de sortie et dans lequel on passerait notre temps à tomber sur une impasse, tourner en rond, rebrousser chemin jusqu'à en voir le bout du tunnel. J'ai pas envie de croire que Sam est prédestiné à un futur spécifique, sinon à quoi bon lui dire qu'il faut apprendre de ses erreurs si c'est pour qu'il le fasse et que la fin reste inchangée ? J'aime à penser que c'est juste parce que Nicholas a décidé de venir s'acheter deux cafés et que j'ai eu la motivation de me lever pour aller bosser qu'on se retrouve à discuter. Certes, c'est une aubaine, car je n'aurais jamais eu le courage d'aller toquer à sa porte de peur de le déranger, lui et Esmée. Pour autant, je ne crois pas que c'était écrit. “Une très mauvaise chute, cela n’a laissé auquel séquelle au niveau mental, mais elle a dû se faire opérer à la hanche, ça va mieux maintenant, la rééducation se passe bien, c’est juste à l’âge d’Esmée, tout accident n’est pas si anodin que cela.” La pauvre. Rien que de l'imaginer coincée dans une chambre d'hôpital me fait mal au coeur. Je suis heureux de savoir que sa tête a été préservée, toutefois ça n'a pas dû être facile pour elle de devoir remettre son autonomie entre les mains d'étrangers. Esmée n'est plus toute jeune pour ne pas dire, assez âgée. Néanmoins, elle a toujours démontré une énergie à toute épreuve. Je ne compte plus les fois où je l'ai vu s'agiter avec sa canne dans la cuisine pour confectionner de bons petits plats à Samuel. Je relève les yeux pour les planter dans ceux de Nicholas avant de boire une gorgée de mon café. Pour lui aussi, ça n'a pas dû être facile. Je ne sais pas combien de temps sa grand-mère est restée à l'hôpital ou en maison de repos, mais la maison a dû lui sembler bien vide. Si j'avais su, je lui aurais certainement proposé de sortir un peu ou de venir diner à l'appartement pour lui changer un peu les idées. Sauf que je ne savais pas et, au lieu d'être là pour lui, j'ai préféré quitter la ville. J'ai beau lui dire que je suis désolé, ça ne change rien au fait que je n'ai pas du tout assuré dans le rôle d'ami, car je crois que c'est ce que nous sommes devenus au cours de l'année dernière, des amis ?
“Non vraiment, cela n’avait rien à voir avec toi ou même Samuel, et s’il te plaît, ne t’excuse vraiment pas, j’aurais dû mieux gérer c’est juste que j’ai tendance à penser, à tort d’ailleurs, que Esmée est invincible alors...” Alors qu'elle ne l'est pas. Si la pierre philosophale existait vraiment, ça se saurait. Personne n'est immortel, c'est aussi ce qui rend la vie si précieuse. C'est ce que je trouve le plus difficile dans le fait de vieillir. Les rides, la calvitie, tout ça, c'est superflu, mais devoir dire au revoir à ceux qu'on aime, c'est ce qui me donne envie d'arrêter le temps ou de rajeunir. “Tu es sur Brisbane maintenant, c’est le plus important en fait.” C'est tout lui. Si sa grand-mère a le cœur sur la main, son petit-fils l'a aussi. Il est foncièrement bon. Oui, ça existe toujours et Nicholas en est la preuve vivante. Il ne fait pas semblant d'être gentil ou ne l'est pas par intérêt. Je ne suis même pas sûr qu'il soit possible de se prendre la tête avec un garçon comme lui ? Surtout que des embrouilles, j'en ai à revendre surtout quand ça concerne les amitiés. Je suis pourtant facile à énerver et inversement.“Je pourrais te retourner la question vu ce que tu viens de me dire, mais tu as demandé en premier je suppose.” Il soupire tandis que je passe mes mains autour de la tasse encore chaude. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. C'est dur, de mettre des mots sur des émotions et encore plus compliqué de les partager. J'ai toujours préféré les "comment tu te sens ?" aux "ça va ?". Parce qu'un ça va, c'est trop vaste. Combien de fois, j'ai répondu que ça allait en omettant d'ajouter un « mais ». Du genre, "ça va, mais ça pourrait aller mieux". “Franchement, je ne suis pas tout à fait à l’aise avec l'idée de ne pas être avec elle constamment, mais elle m’en voudrait et elle a sa propre vie, et il faut que je vive la mienne... Enfin il parait.” Des paroles qui n'ont pas l'air de venir de lui, mais d'Esmée. S'il se fait du souci, elle doit sans doute s'en faire pour lui, aussi. "Et tu en es où dans ta vie ?" Je demande avant de porter la tasse à mes lèvres pour boire une gorgée. Même si sa vie semble avoir été mise sur pause depuis l'accident de sa grand-mère, y'a peut-être des choses que j'ai raté en trois mois. Je sais qu'il veut prendre soin d'elle et c'est tout à son mérite de le faire. Toutefois, j'aimerais aussi qu'il pense un peu plus à lui. Ça ne veut pas pour autant dire de penser moins à Esmée, mais juste de ne pas mettre sa vie de côté. “Elle a une aide à domicile un peu plus permanente maintenant, donc ça aide avec mes propres angoisses. Enfin, juste un tout petit peu.” Ses angoisses, au pluriel. J'en devine une, mais je me demande ce qu'il en est du reste. Je pourrais très bien essayer de lui tirer les vers du nez, mais on vient à peine de se retrouver et je n'ai pas envie de tout gâcher. J'ai beau le connaître un peu plus qu'il y a un an, je suis pas encore assez à l'aise pour me montrer trop curieux. "Tu sais que tu peux compter sur moi si t'as besoin de quoi que ce soit, hein ?" Je veux qu'il sache que c'est et que ce sera certainement toujours le cas. “Donc ça c’est moi, et toi ?” C'est à mon tour de me livrer. Je hausse les épaules tout en trempant une nouvelle fois mes lèvres dans le café. Une gorgée, pour me faire gagner du temps, car je ne sais même pas par où commencer. "J'ai quitté mon ancien job." Je finis par dire sans entrer dans les détails. La vérité, c'est que Saül aurait fini par me renvoyer à un moment ou à un autre et que je ne voulais pas lui donner la satisfaction de me licencier pour faute grave. L'autre vérité, c'est que ce job m'aurait sans doute coûté ma santé mentale et s'il y a bien une chose que je redoute presque plus que le fait d'un jour perdre la mémoire, c'est de finir comme ma mère ou à boire à outrance, comme mon père. "J'ai quitté Brisbane, aussi." J'ajoute en baissant les yeux. Cette ville aussi aurait fini par avoir ma peau. "On est allé dans un ranch près de Sydney. Sam a eu du mal à s'acclimater à ce changement de dernière minute, mais il a fini par y prendre goût. C'est devenu un vrai cow-boy. Il m'en veut toujours de l'avoir forcé à partir, c'est un peu compliqué en ce moment, mais ça va passer." On a connu pire et on a toujours trouvé le moyen de se relever. Je joue avec ma tasse avant de lâcher un rire triste. "Tu sais ce qui est drôle ? C'est que j'ai passé toute ma vie ici et que maintenant, j'ai l'impression de n'être qu'un étranger." Ma vie n'a plus rien à voir avec celle que je menais encore l'année dernière. Je ne suis plus un employé de la MHI, ni le faux petit-copain de Maisie, ni même le fils-infirmier-aidant de ma mère. Mon quotidien se résume à me lever pour venir servir des cafés et à prendre soin de Samuel. Si mon frère était une figure géométrique, il serait une droite. Une ligne qui ne connait pas de limite et qui représente ma constante. “Tu sais que tu peux repasser à la maison quand tu veux, avec ou sans Samuel d’ailleurs.” Un petit sourire vient étirer mes lèvres alors que je jette un coup d'oeil à ma montre pour être certain de ne pas dépasser mon temps de pause. "ça me ferait plaisir et c'est pareil pour toi. Mon appartement est grand ouvert, si jamais t'as besoin de te changer les idées." J'ajoute alors que mes yeux s'attardent sur le deuxième gobelet, celui que Nicky a commandé, mais qu'il n'a pas touché. Je note dans un coin de ma tête de remplacer la boisson qui a dû refroidir par une nouvelle lorsque nous aurons fini de discuter. "Les gens de l'association vont bien ?" Cela fait un moment que je n'y ai pas remis les pieds. D'abord par manque de temps et puis parce que je n'étais pas en ville pour le faire. L'avantage d'avoir un job comme celui-ci, c'est que ça me donne un peu plus de temps pour moi. Du temps que j'essaye de tuer pour ne pas avoir à me perdre dans mes pensées.
≈ ≈ ≈ {Coffee, because adulting is hard} crédit/(lexiresources/tumblr) ✰ w/ @Angus Sutton
Oui, Angus en a manqué des choses en s'éloignant de Brisbane pendant tout ce temps. Des choses positives, des choses négatives... autant dire que tu ne vas pas oublier le séjour d'Esmée à l'hôpital de sitôt, et ça, c'est sûrement lisible sur ton visage, tu n'as pas besoin de le dire à voix haute, il doit déjà le savoir Angus. Il t'a vu avec ta garde baissée, dans ton élément, à savoir chez toi, dans Toowong, entouré d'Esmée, d'instruments de musique et sans avoir aucune raison d'être timide. C'est cela ton équilibre, la chose à laquelle tu reviens toujours pour être rassuré, et tant pis si cela est un peu banale et démontre un manque d'ambition certain de ta part. Tu t'en fiches, le but n'a jamais été de conquérir le monde, jamais, tu as toujours cherché à faire ton petit bout de chemin, sans déranger qui que ce soit. Et mine de rien, ce n'est pas une tâche facile à accomplir, du tout, il y a toujours des gens qui vont s'opposer à cela, toujours des personnes que tu risques un peu de froisser, de gêner et ce même si cela n'a jamais été ton but, tu ne l'expliques tout simplement pas... Angus n'est pas sur cette liste, non du tout, c'est un ami, un allié précieux et quand on sait à quel point tu as dû mal à aller vers les autres, l'écarter de ta vie serait bien une décision idiote, aucun doute là-dessus. "Je sais." Que tu lui assures avec l'ombre d'un sourire, prenant une autre gorgée de ta boisson chaude quand il te rappelle que tu peux compter sur lui. Tu ne l'as certainement pas oublié, c'est quelque chose de réciproque, il doit bien le savoir dans le fond et quand il est clair que c'est ton tour d'écouter, tu le fais avec une diligence certaine. Véritablement curieux de savoir de quoi a été fait le quotidien du jeune homme ces dernières semaines, pourquoi il a choisi de s'éloigner de Brisbane et pourquoi cela a été nécessaire. Il a quitté son boulot, Brisbane aussi et tu ne peux t'empêcher de grimacer légèrement quand il dit que Samuel a eu dû mal avec les changements. Cela ne t'étonne pas, le petit garçon est comme toi sur ce point, il aime ses petites habitudes et la sempiternelle routine, en fait, cela en dit très certainement plus sur toi que sur le jeune garçon mais autant ne pas concentrer sur cela, n'est-ce pas ? "Un peu compliqué ?" Les mots d'Angus, pas les tiens, et tu te demandes vraiment ce qui a poussé ce départ, ce qui l'a même précipité, car tu le connais assez pour savoir qu'il n'envisagerait pas de tout chambouler dans la vie de Samuel à moins que cela soit important... Tu n'auras pas la réponse tout de suite et tu ne sais pas si ce qu'il dit est vraiment drôle, le sentiment qu'il d'écrit t'est complètement étranger. Brisbane c'est ta maison, ton refuge depuis que tu as 7 ans et l'idée de partir n'est acceptable que si c'est temporaire, seulement si tu peux venir te réfugier ici et y refaire ton petit nid, sinon 'est tout le contraire. Angus te retourne ta propre invitation et tu hoches la tête, les mains toujours sur ton gobelet et ta boisson que tu as partiellement consommée. "Tu dis ça et après je vais débarquer avec douze instruments de musique et tu risques de le regretter." Tu as un léger rire à la fin de ta phrase, parce que c'est la vérité et qu'il faudrait bien que tu acceptes l'offre d'Angus à un moment donné. Et puis, chose que tu ne vas pas nier, Samuel t'a manqué, le petit garçon a une perspective unique de son environnement et de tout ce qui vient déranger ce dernier, et il est doué devant un piano. Le nier serait un peu idiot et tu te dis que les instruments le rassurent dans une certaine mesure, sans doute comme c'était le cas quand tu avais son âge. Peu le réalisent mais le monde des adultes est terrifiant, tu as beau le naviguer depuis des années, même toi, tu dois admettre que tu ne t'y fais pas, c'est bruyant à souhait et fait de règles trop compliquées... n'importe quel accord musical parait beaucoup plus simple à côté en fait. Tu hoches la tête à la prochaine question d'Angus et avant de lui donner des nouvelles des bénévoles et de Casey, tu tiens à clarifier quelque chose. "Je sens qu'il y a plus de choses à ton récit, mais je ne vais pas te pousser, si tu veux en parler, je peux écouter, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, le silence, c'est un peu mon domaine de prédilection alors..." Alors qu'il n'hésite pas, que ce soit aujourd'hui ou un autre jour, qu'il n'hésite vraiment pas. Tu prends une autre inspiration avant d'enfin lui donner des nouvelles de ton quotidien. "Ouais, les gens de l'association vont bien, on essaye de mettre sur pied une comédie musicale, tout le monde est plus ou moins motivé, on m'a laissé en charge de tout ça..." Haussement des sourcils car cela t'a étonné aussi, que Casey te fasse confiance à ce point-là, à tes yeux, ça ne fait pas vraiment de sens mais hein... "Il va y avoir des vraies auditions, avec le drame qui arrive avec et tout, moi j'avais décidé de laisser tout le monde participer, mais on m'a dit que ça faisait partie de la tradition aussi donc, bon !" Et si cela fait plaisir aux autres, qui es-tu pour dire non ? "Tu devrais repasser dans le coin, même si tu ne veux pas pousser la chansonnette, on aura toujours besoin d'aide."
Fin décembre 2022 Je tente de reprendre mes marques petit à petit dans un quotidien qui n’est plus du tout le même que celui que j’avais quand j’ai quitté la ville. Les choses changent, les gens aussi et je trouve ça parfois difficile de devoir s’adapter à certaines variations. Y’a des changements qui font du bien, mais c’est lorsque ça ne fait qu’empirer la situation que c’est compliqué à encaisser. J’ai l’impression d’avoir régressé, en fait ce n’est pas qu’une simple impression, mais bien la réalité. Tout a diminué, mon salaire, l’estime que j’avais pour moi-même et l’envie qui m’animait. Je n’ai plus le goût à rien, j’enchaîne les journées en me disant que ça ira mieux demain. Je crois sincèrement que c’est ce qui me fait tenir, un peu comme quand on continue à jouer à un jeu qu’on apprécie pas forcément juste parce qu’on a envie de croire qu’on est pas si nul et qu’on fera forcément mieux à la partie d’après. Et parfois, ça paye, d’être tenace. Personne n’aime la bière dès la première gorgée, il faut en boire beaucoup pour finalement arriver à en apprécier le goût. Alors, je bois chaque jour, jusqu’à ce que le fameux demain arrive enfin. "Un peu compliqué ?" Beaucoup, en fait. C’est toujours plus facile de minimiser la casse, y’a que quand on arrache les pétales d’une marguerite qu’on fait tout pour ne pas avoir à tomber sur le ‘un peu’ ou le ‘pas du tout’. Personne n’est passionné par les problèmes et aucun ne les aime à la folie, non plus. “Pas plus que ce par quoi t’as dû passer avec Esmée.” Je dis pour ne pas avoir à l'inquiéter. Il a déjà bien trop de soucis à gérer pour que j’ajoute les miens à la longue liste des choses qu’il doit porter sur ses épaules. "Tu dis ça et après je vais débarquer avec douze instruments de musique et tu risques de le regretter." Le son de son rire me fait sourire et ajoute un peu de légèreté à nos retrouvailles. J’aimerais lui dire qu’il me rendrait une fière chandelle en venant combler les silences de mon appartement avec son talent pour la musique, mais je veux pas passer pour un mec qui a touché le fond. Je pense pas être en train de me noyer, mais ça fait un moment que je me tiens sur la pointe des pieds pour garder la tête hors de l’eau. “Sam adorerait ça, vraiment.” Et moi aussi. Je ne sais pas quand est-ce que j’ai commencé à me cacher derrière mon petit-frère pour dire les choses que je ne saurais pas dire à voix haute. Ce n’est jamais moi, qui aime quelque chose ou apprécie quelqu’un, mais mon frangin et ce n’est pas moi non plus qui essaye d’être attentionné, mais toujours lui. Pareil, pour les personnes que nous avons perdu en cours de route, elles manquent à Samuel, mais jamais à son grand-frère. “Je t’attends à la maison avec tes douze instruments.” J’ajoute. L’idée est trop tentante pour risquer de passer à côté d’une soirée en sa compagnie. Nicholas n’est jamais venu chez moi, alors que je suis plusieurs fois allé chez lui. Toute personne aurait trouvé ça louche ou mal poli, mais pas lui. Il n’a jamais essayé de se faire inviter et n’a jamais utilisé mon frangin comme excuse pour venir frapper à notre porte. C’est ce que j’apprécie chez lui, il prend ce que j’ai à donner sans chercher à en vouloir davantage.
"Je sens qu'il y a plus de choses à ton récit, mais je ne vais pas te pousser, si tu veux en parler, je peux écouter, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, le silence, c'est un peu mon domaine de prédilection alors..." J’hoche la tête en souriant faiblement. “On pourra peut-être se faire une soirée confession au milieu de douze instruments, de la bonne bouffe et quelques silences.T’en penses quoi ?” Je ne suis pas sûr d’être capable de m’ouvrir s’il ne fait pas la même chose en retour. Il y a des tas de questions que j’aimerais lui poser pour apprendre à le connaître un peu plus, mais Nicky fait partie de ces gens que j’ai peur de brusquer avec ma curiosité.. Le genre de personnes qui ont l’air si timide, qu’un rien pourrait les faire disparaître sous leur coquille. Je prends des nouvelles de l’association car je sais que c’est un sujet que je peux aborder avec une certaine liberté, mais aussi parce que ça fait un moment que je n’y ai pas mis les pieds. "Ouais, les gens de l'association vont bien, on essaye de mettre sur pied une comédie musicale, tout le monde est plus ou moins motivé, on m'a laissé en charge de tout ça..." Il a l’air surpris alors que je le vois parfaitement à la tête d’un tel projet. Il est peut-être silencieux, mais il n’a pas besoin d’en dire trop pour forcer le respect. Aucun doute que les gens seront ravis de bosser avec lui sur la comédie musicale. “T’as déjà l’histoire en tête ou pas du tout ?” Est-ce que je demande à être spoilé ? Absolument. Je suis trop curieux pour attendre jusqu’à la représentation parce que j’y serai et s’il faut que je campe devant l’association pour nous avoir deux places au premier rang, alors je le ferai. "Il va y avoir des vraies auditions, avec le drame qui arrive avec et tout, moi j'avais décidé de laisser tout le monde participer, mais on m'a dit que ça faisait partie de la tradition aussi donc, bon !” Je donnerais pour assister aux auditions. J’ai toujours adoré en regarder que ce soit celles des émissions TV ou celles de certains acteurs qu’on peut retrouver sur youtube. Pour les artistes, c’est par là que tout commence, finalement. "Tu devrais repasser dans le coin, même si tu ne veux pas pousser la chansonnette, on aura toujours besoin d'aide." Je ne sais absolument pas chanter et ce n'est pas mon frangin qui dira le contraire. J’adore ça et c’est même mon activité préféré quand je suis sous la douche, mais c’est pas parce qu’on aime quelque chose qu’on est forcément doué pour autant. La comédie, par contre, ça me connait. “Je serais heureux de vous aider. Tu comptes faire une apparition dans la comédie musicale ?” Je demande avant de boire la dernière gorgée de mon café. Ce serait cool de le voir dans un rôle.
≈ ≈ ≈ {Coffee, because adulting is hard} crédit/(lexiresources/tumblr) ✰ w/ @Angus Sutton
Tu ne sais honnêtement pas si ce qui ne tue pas rend plus fort, mais en tout cas, tu peux voir venir tout autre accident futur. Tu as un système en place maintenant et tu sais qu’Esmée ne sera plus jamais toute seule au besoin et qu’il y aura quelqu’un avec elle pour gérer les urgences. Et oui, cela t’enlève un poids énorme de tes épaules et il est plus facile d’appréhender tes journées et ton quotidien en sachant cela. Tu sais que l’autre Hurley n’est pas invincible et pourtant, à tes yeux, c’est presque comme si elle l’était, c’est une constante dans ta vie depuis tellement longtemps, celle qui t’a fait sortir d’un véritable cauchemar et calvaire quotidien, pour non seulement mettre un toit au-dessus de ta tête, mais pour donner un véritable sens au mot famille... alors non, tu ne supporterais pas que quoi que ce soit d’autre lui arrive, tu es bien content que tout ceci soit derrière toi. Et peu importe ce qui accable Angus, tu espères que lui aussi pourra tout mettre de côté un jour. Il est là au moins, il ne se tient pas aussi droit que d’habitude, mais ça, c'est un truc que vous partagez tous les deux. Il a l’air emballé à l’idée de te revoir et de continuer la conversation et les confessions, et si ça te fait rire pendant quelques secondes, tu reprends facilement. “Eh bien parfait, on trouvera le moyen de s’organiser cela, je n’ai pas changé de numéro et je sais que toi non plus alors...” Alors plus aucune raison de s’éviter, ou même d’avoir ce semblant de tension entre vous deux, vraiment pas. Et tu ne sais pas comment la conversation a dérivé sur la comédie musicale, mais vous y êtes, là encore, tu réponds avec le sourire : “Oh, je ne vais rien créer hein, je pensais qu’on pourrait partir sur Hairspray ou Chicago, en fonction de ce qui motive les gens, dans les deux cas, je serais derrière le piano la plupart du temps.” Et ce n’est pas vraiment à propos de toi. C’est pour les membres du refuge, pour les bénévoles, et pour créer quelque chose et occuper le temps. Montrer les aspects les plus positifs de la communauté queer, celui communautaire justement, pour avoir des gens sur lesquels on peut se reposer et faire quelque chose qui change du quotidien. Un quotidien qui n’est pas toujours facile pour certains. “Tu me connais, je n’aime pas prendre de la place.” Tu as un hochement de tête en disant cela, plus que véridique, si tu pouvais passer ta vie dans les coulisses, tu t’en porterais très bien en réalité, et tu veux surtout aider ces jeunes-là et les bénévoles plus qu’autre chose. Tu as de la chance de pouvoir le faire avec la musique et le peu de talent qu’on t’a donné, si ça peut aider quelqu’un alors tant mieux. Tu t’apprêtes à suggérer à Angus de se joindre à vous, encore une fois, quand ton téléphone portable se manifeste, tu le sors de ta poche, seulement pour réaliser que tu as deux appels manqués et un sms de Vance, le batteur est en train de te chercher, et visiblement depuis quelques minutes. Avec tout ceci, tu en serais presque venu à l’oublier, mais vous avez une répétition à avoir et il ne faudrait pas vraiment l’oublier. “Vance est là, il faut que j’y aille, mais on s’organisera tout ça dès que possible, et tu passes avec Sam à la maison quand tu veux hein.” Tu dis cela en te levant, tu appelleras le batteur quand tu auras quitté le petit café, pour lui confirmer que tu ne l’as pas oublié et que tu es bien là également. “Je suis content que tu sois de retour dans tous les cas...” Tu ne sais vraiment pas ce que valent tes mots dans un contexte pareil, cependant, il est important que Vance le sache dans tous les cas. Tu as un autre sourire pour lui, si tu étais un peu plus tactile, peut-être que l’autre brun aurait le droit à une étreinte, mais pour l’heure, c’est un simple hochement de tête avant que tu ne tournes les talons.