the hope is we have so much to feel good about
Megan Williams & @Jo Carter

Il y a des choses auxquelles l’être humain s’habitue plus facilement qu’à d’autres. Voyager en première classe en fait clairement partie et, alors que je quitte l’aéroport en direction de la zone réservée aux taxis après mon vol - certes court, à peine plus d’une heure sépare Sydney de Brisbane avec ce mode de transport - j’ai l’air aussi reposée qu’après une nuit de sommeil suivie d’un sauna facial. Le fait de partir en vacances sur une île paradisiaque a ce genre d’effet, je dois l’avouer et si je suis rentrée depuis presque deux semaines, j’ai l’impression d’être sur un petit nuage depuis ces quelques jours hors du temps. Nul doute que s’il y a bien une personne capable de m’en faire retomber aussi vite que si le sol se dérobait sous mes pieds, il s’agit de Joséphine Carter, mais je suis prête à prendre le risque. Je ne jurerais pas que ma bulle n’éclatera pas un jour ou l’autre, mais je crois en sa solidité à l’instant t.

Jo est la seule personne à qui je peux tout raconter de Bali - en gardant pour moi ce qui m’appartient, évidemment - la seule qui sait que jusque-là, mon jeune mari ne m’avait jamais touchée. La seule à qui je peux parler de comment je me sens depuis notre retour, et après la discussion que nous avons eue Damon et moi au sommet du mont Batur. Quant à moi, je considère que j’ai le droit à un résumé détaillé de son premier prime et de ses premières impressions concernant l’émission et son grand retour. J’espère avoir le droit à quelques exclusivités croustillantes à me mettre sous la dent et, promis, je les garderai pour moi : j’ai raccroché les gants en tant que paparazzi. Je n’ai même pas pris d’appareil photo avec moi, je n’en ai plus tenu un entre les mains depuis la mort de ma mère. Les secrets de Jo sont en sécurité avec moi, c’est promis.

Dans le taxi, j’informe la brune que je suis en route et vers son hôtel, dont j’ai donné au préalable l’adresse au conducteur. Les candidats ne sont pas logés dans un palace, mais la production ne semble toutefois pas s’être moquée d’eux, si j’en crois le nom de l’établissement, chaîne connue et de haut standing. Je ne suis pas la dernière lorsqu’il est question de me tenir au courant des rumeurs et racontars. Le nom de Jo a longtemps été associé à celui d’une star de la pop australienne et, si la brune n’a rien de palpitant à me raconter, je l’accuserai alors de n’avoir fait aucun effort en ce sens. Une fois arrivée, je m’annonce à la réception et, après un appel - je suppose à destination de Jo - la standardiste m’indique l’étage et le numéro de chambre de la chanteuse. Quelques minutes après, je tape à la porte de la brune, les doigts de ma main libre enroulés autour de la poignée de ma valise format week-end. Dès qu’elle ouvre la porte - et parce que je n’ai pas répondu à son message calomnieux m’accusant de ne lui rendre visite que pour lui raconter ma vie sexuelle - je mets les pendules à l’heure avec humour et un sourire sur les lèvres. « Que ce soit clair : je suis là parce que je suis la meilleure copine qui soit, que j’ai hâte que tu me racontes tes débuts dans l’émission - y’a des gars mignons ? - et parce que je suis tellement géniale que je me suis dit que tu devais te sentir seule à l’autre bout du pays. » Je dépose un baiser sur sa joue et j’entre à l’intérieur de la chambre sans attendre d’y avoir été invitée. « Mon vol retour est que demain soir, tu m’as à toi pour toute la soirée et toute la journée de demain. » Et ce qu’elle le veuille ou non, à vrai dire. « J’ai pas pris de chambre à moi. Tu veux que je prenne une chambre à moi ? » Si je ne pouvais pas agir de façon si spontanée autrefois, j’ai à présent les moyens de le faire. Une parole de la brune - du genre ”j’ai un lit king size mais je suis une égoïste qui ne veut pas de toi dans ma chambre” - et je sors ma carte bleue pour m’enregistrer dans le même hôtel qu’elle sans regarder le montant de la nuitée.

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Jo Carter & @Megan Williams (crédit gif/falwcll)

Le coup de fil qu’elle avait reçu de la réception, alors qu’elle sortait à peine de la salle de bain dans un peignoir en soie, toute gommée et hydratée qu’elle était, les cheveux maintenus dans une serviette éponge qui tenait par sorcellerie, évidemment, il la fit sourire parce qu’elle savait ce que ça voulait dire. Cependant, elle ne sourit pas suffisamment longtemps pour que, lorsqu’elle ouvrit la porte sous les coups ténus d’une main féminine, elle ne fasse l’effort de paraître ravie d’avoir de la visite. Pourtant, elle l’était, c’est juré "Nan. Ils sont tous beaucoup trop vieux et hideux, y en a même un qui pourrait être mon père." Le roulement d’yeux qu’offrit Jo à Megan, il était tellement surjoué qu’elle sentit la migraine poindre juste derrière ses globes oculaires. Pour autant, elle la laissa rentrer sans demander son reste, prête à l’accueillir comme il se devait. Il fallait bien le dire, elle n’avait rien de mieux à faire.
Passée l’effervescence de la promotion en grandes pompes qui avait précédé les premiers primes du Revival, ses longues — très longues — journées à Sydney se révélaient d’être un ennui mortel, et puisqu’elle n’était pas du genre à faire dans la nostalgie de comptoir, même si elle avait passé une bonne partie de sa vie de jeune adulte ici, elle préférait rester dans sa chambre d’hôtel payée aux frais de la production plutôt que d’aller tâter le terrain auprès de ceux qu’elle avait côtoyé à l’époque pour se souvenir ce que ça faisait, de vivre ici. Résultaient de ses heures en solo des lignes de paroles de sa création rédigées dans un carnet offert par sa grand-mère avant son départ, des notes vocales de mélodies murmurées près du haut-parleur de son téléphone, et des dizaines de suites de notes composées sur son vieux synthétiseur qu’elle avait emmené avec elle de Brisbane, et qui trônait au beau milieu de la suite qu’elle occupait depuis quelques semaines maintenant. En somme, rien de bien folichon.
La vie de star, c’était plus ce que c’était. De temps à autres, on venait lui rappeler qu’elle avait une notoriété à alimenter, et elle se retrouvait à poser devant un appareil-photo, ou à tourner des segments de trente secondes pour les réseaux sociaux, et qui finissaient par tourner en boucle grâce à l’algorithme magique d’Instagram. Les temps avaient changé, définitivement, et tout devait aller vite, très vite. Il n’y avait pas que ça qui avait changé, d’ailleurs : sa relation avec Midas aussi, et son expérience, bien qu’elle en profitait autant qu’elle le pouvait, elle était très différente de la première fois. Tant pis, tant mieux. Elle n’était là pour rien d’autre que la musique, après tout.

"Ça veut dire que j’ai une chance de voir tes seins au moins une fois avant que tu partes ?" lui fit-elle en se laissant lourdement tomber sur son lit moelleux. Défaisant sa serviette de ses cheveux, elle les laissa retomber, tout humides, sur ses épaules couvertes ; et puis elle s’y installa à l’envers, sur son lit. Pieds vers la tête de lit, tête vers l’avant, allongée sur le ventre, elle avait l’air des adolescentes qu’on voit dans les films du genre, avec ses mules aux pieds et son air facétieux qui la rendait plus jeune que d’ordinaire, puisque démaquillée. Dans l’impulsion, et pour ne pas être tentée de battre des jambes, ce qui aurait été un signe trop évident de sa joie à l’idée que Blondie soit là, elle croisa les chevilles en la regardant pépier telle l’oiseau de bonheur qu’elle semblait être, suivant ses mouvements avec un dédain brusque et manifeste ; alors que dans le fond, elle était très heureuse de la voir en meilleure forme que la dernière fois qu’elles s’étaient vues "Tu me dégoûtes, t’as l’air super heureuse." Roulant de nouveau des yeux, elle se demanda soudain à quel point le récit des petites vacances de Barbie et Ken allait être croustillant. Il fallait dire qu’elle avait préparé ses meilleures répliques, et qu’à défaut de vouloir connaître tous les détails — parce que ew, non merci —, elle voulait au moins avoir la confirmation que l’autre glandu avait tenu parole en prenant soin de la blondinette "Je sais que tu rêves de partager le même lit que moi depuis toujours, pas la peine de faire semblant d’être polie. Je prends le côté droit par contre, et c’est pas négociable." Rien ne l’était jamais vraiment avec Jo, après tout.

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Je suis excitée comme une puce à l’idée de revoir Jo, je suis excitée comme une puce à l’idée de tout lui raconter de mon séjour à Bali et je ne sais même pas lequel de ces deux sentiments l’emporte sur le premier. Quand elle m’ouvre la porte, je force sa nature peu tactile et en apparence froide en enroulant un bras autour de ses épaules pour la tenir contre moi quelques secondes avant de la laisser s’échapper. Enroulée dans son peignoir, les cheveux maintenus dans une serviette, elle me donne l’impression d’être si confortablement installée ici qu’elle n’a pas l’intention de sortir. Dommage pour elle, je n’ai pas fait le trajet jusqu’à Sydney pour que nous nous fassions les ongles dans sa suite, aussi cosy soit-elle. « Nan. Ils sont tous beaucoup trop vieux et hideux, y en a même un qui pourrait être mon père. » - « J’ai la télé maintenant tu sais dans mon appartement de riche, tu peux pas me raconter des conneries. » Comme la majorité des candidats de télé-crochets qui font un minimum parler d’eux, la quasi-totalité des candidats sont jeunes et séduisants. Personne ne vote pour quelqu’un qui a l’âge de ses parents.

La brune s’installe sur le lit et je jurerais qu’elle a hâte d’entendre mon récit. J’abandonne ma valise et mes baskets confortables à l’entrée, avant de me diriger vers un fauteuil duquel il doit être bien difficile d’avoir envie de se lever. « Ça veut dire que j’ai une chance de voir tes seins au moins une fois avant que tu partes ? » - « C’est pour ça que j'ai le droit à un accueil en peignoir de bain ? Parce que tu t’es dit que c’était le soir où t’arriverais à me mettre le grappin dessus ? » Ce qui se joue entre nous n’est rien de la séduction, cela fait bien longtemps que ce genre de remarque appartient pour nous au registre des private jokes, du comique de répétition. « Tu me dégoûtes, t’as l’air super heureuse. » Je lève les yeux au ciel, papillonne des yeux, et je croise mes jambes pour m’enfoncer un peu plus dans mon siège. « Je peux prétendre que c’est pas le cas si tu veux. » Je le suis. Je sais que derrière les apparences, Joséphine et dans mon équipe de façon presque farouche, prête à me protéger contre quiconque me faisant du mal. Au travers de ces quelques mots, je lui signifie qu’elle n’a pas besoin de monter au créneau pour moi. « Ou alors on peut parler du pourquoi ta chambre donne l’impression que tu y passes la plus clair de ton temps, de pourquoi t’as l’air à moitié blasée dans tes interviews - » peut-être pas aux yeux du public, mais je la connais assez bien pour voir derrière les apparences. « - alors que c’est toi qui devrais être en train de vivre ta meilleure vie. » Elle est sur la bonne voie pour relancer sa carrière et sa popularité remonte. Joséphine a quitté l’ombre, n’est-ce pas ce qu’elle a toujours voulu au fond ? Le regret qu’elle a toujours nourri ? Je n’en sais rien, mais n’aurait-elle pas refusé de participer à l’édition revival du célèbre télé-crochet si ce n’était pas le cas ?

« Je sais que tu rêves de partager le même lit que moi depuis toujours, pas la peine de faire semblant d’être polie. Je prends le côté droit par contre, et c’est pas négociable. » Les conditions sont acceptées sans que je ne fasse la moins remarque, et pour prouver que j’ai déjà pris mes aises, je quitte le fauteuil sur lequel j’étais installée comme une reine pour m’asseoir en tailleur et de façon bien moins princière sur le lit, à côté d’elle. « J’ai pas l’intention de rester enfermée là ce soir. J’espère que t’étais en train de te préparer pour enfiler une robe de pétasse et m’emmener dans une soirée sélect, pas pour te foutre en pyjama. » J’aime les paillettes et les endroits huppés, mais j’ai surtout à cœur de comprendre si quelque chose cloche chez Jo et, le cas échéant, de lui faire prendre l’air.

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"Je suis même passée par la case épilation intégrale, quand tu veux je te montre." Non. Mais c’était facile de noyer le poisson de cette façon là sur le moment pour éviter que la jeune femme ne s’égare vers un autre pan de leurs petites retrouvailles, celle où elle lui demandait pourquoi elle semblait recluse dans sa chambre d’hôtel alors que le monde était à ça d’être à ses pieds. Aussi curieux que c’était, Jo n’aimait pas parler d’elle. Rectification, elle n’aimait pas parler d’elle quand il s’agissait d’être un minimum vulnérable, autrement il fallait bien le dire, elle restait son sujet préféré, celui duquel elle avait toujours tant de choses à dire qu’à un moment donné de sa naissante carrière, elle serait tentée d’écrire ses mémoires qu’elle insisterait pour être adaptées à l’écran moins d’un an après sa sortie ; et tant que la Grande restait loin du premier rôle, elle ne serait même pas si exigeante que ça sur le casting.
Comme elle soupçonnait Megan de n’être venue que pour fanfaronner et se décharger de la fierté qu’elle ressentait d’avoir enfin réussi à passer sous — ou sur — Damon, ce ne serait guère compliqué de, de son côté, passer outre le fait qu’elle-même ne se sentait pas bien ici, et que si elle rentrait à Brisbane plus souvent que nécessaire, ce n’était pas uniquement parce qu’elle s’inquiétait pour sa grand-mère et les répercussions de son absence à ses côtés pendant qu’elle se la jouait diva des grands soirs. Il y avait des choses à ne pas dire, elle réussissait à peu près à se figurer quoi, et comme on l’avait déjà assez qualifiée d’ingrate ces derniers temps pour qu’elle ose avouer qu’elle regrettait amèrement d’avoir retenté l’expérience, et ce malgré les propositions qu’elle recevait, le feedback à son sujet qui était excellent et l’essor fulgurant de sa créativité qui s’étalait partout dans sa suite, elle préférait minimiser l’impact de ce qu’elle partagerait, ou pas, avec qui que ce soit.

"T’embêtes pas pour moi, je saurais ignorer ton air de débile profonde. Continue à être heureuse, ça te va bien." Et à la voir papillonner de bonheur comme elle le faisait maintenant, Jo se dit que ce serait facile de se concentrer sur elle et sur ce qu’elle avait à lui raconter. Megan, elle était au moins autant obsédée par sa propre personne que Jo l’était d’elle-même, alors forcément — ou bien elle se trompait lourdement, considérant la suite des paroles de la jeune femme, quelque chose était en train de tourner au désavantage de Jo, et si elle resta dans la même position à ce moment-là, allongée sur le ventre sur son lit pendant que ses petits yeux bruns étaient posés sur la frimousse lumineuse de Barbie, le ton de sa voix se révéla moins cinglant quand elle lui répondit, désignant d’un grand geste de la main les murs qui les entouraient, ses chevilles se croisant plus fort lorsqu’elle se défendit mollement "Je vis ma meilleure vie." Elle était payée pour ça, en plus de ça "Pour la majorité des gens, être forcé de vivre dans une suite comme celle-ci sans avoir à débourser un centime, c’est le comble du luxe tu sais." Pas pour elle, à dire vrai. Jo, elle n’était pas intéressée par ce genre de privilège, le seul qu’elle estimait le plus intéressant, c’était de participer à des soirées de lancement pour récupérer le sac-cadeau à la fin, du reste elle s’en cognait royalement de dormir dehors ou dedans "Et toi aussi tu serais blasée si on te posait vingt-cinq fois la même question en moins d’une heure. C’est épuisant de parler de soi-même tout le temps, je te jure." qu’elle avança sans en avoir l’air, repoussant une longue mèche de cheveux humide du bout de ses doigts tout en papillonnant simplement des yeux comme la jeune femme un peu plus tôt ; cette dernière bougea de sa place pour venir s’asseoir à côté d’elle.
"Quoi, tu veux dire que t’as besoin de moi pour entrer dans les soirées sélects ? Elle est passée où la grande égérie aux dizaines de milliers de followers ?" Après la mort de sa mère, Megan avait remisé son appareil-photo au placard pour se concentrer sur l’autre versant de sa carrière. Jo ne lui souhaitait que de la réussite au contraire de ce qu’elle laissait sous-entendre en pointant du doigt la mort prématurée de ses privilèges, grimaçant juste un peu en s’imaginant sortir, contrainte et forcée, du lit confortable sur lequel elle était installée avec la ferme intention de ne pas bouger, non : même si dans le tiroir de table de chevet, elle avait quelques invitations à écluser, elle préférait se la raconter devant les caméras plutôt qu’à un gala de charité. Se soulevant doucement du lit pour s’asseoir à côté de Megan, c’est de trois-quart qu’elle le fit, une jambe repliée sous ses fesses, l’autre tendue du côté de la tête de lit comme sa voix prenait des accents de faux-enthousiasme, mais de vraie curiosité pour lui dire "Et puis, t’es pas venue là pour me raconter tes décadentes vacances avec ton époux ?" A cette évocation — de ses vacances ou de l’époux en question, allez savoir —, elle fit mine de se fourrer deux doigts dans la gorge et de dégobiller en conséquence au pied du lit avant de reprendre une stature normale. Dégageant ses cheveux de son visage avec un sourire en biais, elle lui demanda en roulant des sourcils, plutôt fière d’avoir cette porte de sortie pour détourner son attention et la faire camper sur l’idée qu’elles seraient bien mieux ici "Alors ? Je suis sûre qu’il est du genre à chialer juste après." Même dans sa morosité, Jo resterait qui elle choisissait d’être par commodité : une insupportable taquine qui prenait tout à la légère jusqu’à ce que ça la touche, elle.

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« T’embêtes pas pour moi, je saurais ignorer ton air de débile profonde. Continue à être heureuse, ça te va bien. » Si mes lèvres esquissent un sourire authentique et sincère, si mes joues prennent même une légère teinte rosée - la brune me prend en flagrant délit d’être sur mon petit nuage après tout - elle n’endort pas mes questions pour autant. Je suis centrée sur ma petite personne certes, mais je ne suis pas tout à fait aveugle et il faudrait l’être pour ne pas réaliser que Jo fait tout pour éviter le sujet Jo. Cette opportunité n’était-elle pas supposée être la chance de sa vie ? Ce n’est pas l’impression qu’elle donne, moi j’ai le sentiment que si je n’étais pas venue, elle aurait passé la soirée à se morfondre, écouter du jazz et boire du vin seule. « Je vis ma meilleure vie. » Je lève un sourcil. Te fous pas de ma gueule, Jo. N’importe qui à sa place profiterait de l’occasion pour fréquenter toutes les soirées auxquelles elle est certainement invitée - parce qu’elle est Jo Carter et qu’on parle à nouveau d’elle - pour enfiler des robes toujours plus tapes à l’oeil et hors de prix prêtée par la production pour briller en société et surtout, briller plus que les autres. L’image que j’avais dans mon esprit n’incluait pas la chanteuse en peignoir de bain un jeudi soir. « Pour la majorité des gens, être forcé de vivre dans une suite comme celle-ci sans avoir à débourser un centime, c’est le comble du luxe tu sais. » - « Bla bla bla. Épargne-moi ces conneries, on sait toutes les deux que t’as rien à faire là. » Pourquoi n’est-elle pas en train d’écumer la ville en se montrant le plus possible pour que, peut-être un producteur la remarque et relance sa carrière avant même la fin de cette stupide émission ? « Tu caches quelque chose, Joséphine Carter, et je vais découvrir quoi. » Après tout, je suis maître en la matière. Mon haut niveau de compétence en termes de fouinage m’a apporté son lot de problème, mais personne ne peut prétendre que je n’ai pas de talent pour découvrir la vérité. « Et toi aussi tu serais blasée si on te posait vingt-cinq fois la même question en moins d’une heure. C’est épuisant de parler de soi-même tout le temps, je te jure. » - « T’adores parler de toi. » Mes yeux roulent dans leurs orbites face à ce mensonge éhonté. Jo et moi sommes faites dans le même bois, jamais les dernières lorsqu’il est question de se mettre en avant.

Si je m’approche du lit pour m’installer à ses côtés, c’est dans l’espoir qu’un contexte plus intime et moins interrogatoire soit plus propice aux confessions. Bien sûr, ce n’est pas vraiment pour ça que je suis là. Mais aussi égocentrique que je suis, je tiens à Jo, et je me suis promis de tout faire pour être un peu plus digne de son amitié, alors, me voilà. « Quoi, tu veux dire que t’as besoin de moi pour entrer dans les soirées sélects ? Elle est passée où la grande égérie aux dizaines de milliers de followers ? » - « Moi je peux juste rentrer dans les soirées chiantes pour le moment. » Et surtout, si à Brisbane je commence à avoir mes entrées un peu partout grâce à mon joli minois, mon nom de famille et mes quelques campagnes publicitaires, à Sydney, je ne connais pas grand monde. « Et je suis certainement pas amie avec l’une des plus grosses stars de la pop du pays. Fais moi rêver, à quel genre de soirée il t’a déjà invitée, et toi, t’as choisi de rester ici en pyjama pour une sombre raison ? » L’amitié - ou plus - entre Jo et Midas Sterling fait de nouveau les gros titres et, si je me moque de ce que raconte la presse à scandale - si, c’est promis - mes années d’expérience derrière l’objectif m’ont convaincue d’une chose : il n’y a jamais de fumée sans feu.

« Et puis, t’es pas venue là pour me raconter tes décadentes vacances avec ton époux ? » Oh, la voilà à nouveau la délicieuse teinte rosée sur mes joues. Je ne suis ni timide, ni prude. Pourtant, je n’ai pas la langue aussi pendue que par texto lorsqu’on en vient au sujet de ma vie privée. « Alors ? Je suis sûre qu’il est du genre à chialer juste après. » Dans cet ordre : je lève les yeux au ciel, éclate de rire, et la repousse doucement du plat de la main. « Non, pas de larmes. » J’ai avant toute chose à cœur de rétablir la vérité et, en même temps, l’honneur du jeune homme. « Il m’a emmenée là où il est supposé avoir demandé ma main - » Sous entendu, là où nous n’étions jamais allés, puisque Jo connaît la vérité derrière notre union. « - pour notre anniversaire de mariage. Sérieusement, un type a déjà fait ce genre de chose pour toi ? » Si je commence par là, c’est parce qu’il est clair que mon concernant, la réponse à cette question est un immense non : personne n’a jamais fait preuve d’autant de tendresse à mon égard. Il est trop compliqué de soutenir le regard de la brune sans que le rouge ne me monte (plus) aux joues, alors je m’allonge, le dos sur le matelas et mon regard dirigé en direction du plafond. « Il avait fait mettre des pétales de rose sur le lit et fait dresser la table du dîner sur la plage, le premier soir. Et c’est allé vraiment vite. » Je fronce les sourcils pour trouver les mots justes pour décrire à la fois les choses et ce que j’ai ressenti. « Tu vois c’est comme si je prenais des murs à chaque fois que j’essayais de faire un pas dans sa direction depuis des mois et, ce soir-là, ils avaient tous disparu. » Étrangement, j’ai d’abord été déroutée par ce revirement de situation, bien qu’il ne me dérangeait alors nullement, de toute évidence. « C’est un amant formidable, pour répondre à ta question. » Je tourne la tête dans sa direction, une lueur amusée au fond des yeux. « On a discuté, après. Il m’a dit qu’il avait réalisé que ça faisait un moment qu’il avait envie de ça, d’essayer, d’être avec moi. Qu’il était bien avec moi. » Sans pivoter à nouveau ma tête en direction du plafond, je baisse toutefois les yeux. « Tu vas dire que c’est trop beau. » Pour être vrai, pour durer : je connais le cynisme de la brune.

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Jo Carter & @Megan Williams (crédit gif/falwcll)

Elle avait failli oublier que Megan avait un pendant de sa personnalité qui vrillait sévère vers la petite fouine prête à foutre les mains dans les poubelles pour dépiauter des sales petits secrets. Sur le coup, ça l’amusa assez pour qu’elle continue à jouer le mystère et qu’un tour de clef imaginaire plus tard sur sa propre bouche, elle ne pipe mot justement, l’écoutant simplement mettre en avant l’idée qu’elle avait des choses à cacher. Peut-être, peut-être pas. Elle ne confirma ni n’infirma quoi que ce soit, pas d’humeur à quoi que ce soit d’autre que de s’intéresser à la vie de la blonde qui était venue lui rendre visite et pour qui elle était sincèrement heureuse, malgré les apparences et la mine chafouine qu’elle semblait avoir, toute engoncée dans son peignoir de bain qu’elle était. Elle avait meilleure mine, Meg. Jo la sentait plus légère aussi, et elle se serait contentée de le lui faire remarquer si elle n’était pas aussi obstinée à lui tirer les vers du nez.
Elle roula des yeux à la mention de Midas, soupira aussi discrètement qu’elle le put, et baissa les yeux sur ses ongles dont elle suivit la ligne effilée du bout de son index opposé à la main qu’elle de tendue, tout en lui disant "Ça vire à l’obsession, Meg." Elle ajouta dans la foulée "Et je suis pas son amie, commençons par là déjà." Être amis avec quelqu’un n’incluait pas de connaître le goût de ses lèvres selon la définition officielle du terme. Mais ça, elle ne le dit pas à Megan, et continua sur sa ligne de défense en faisant mine de se souvenir de quelque chose, la pointant d’un doigt nonchalant, celui dont elle s’était servit pour suivre la ligne de ses ongles, quand elle vint s’asseoir à ses côtés "Il m’a demandé ton numéro une fois, je peux te donner le sien si ça t’intéresse autant de savoir à quel genre de soirées il a accès et ce que je manque en refusant de l’accompagner." Elle lui ferait un rapport détaillé, elle savait qu’elle en était capable. Terminant sa parade par une grimace qui voulait dire passe à autre chose, Meg, elle remua de sa posture confortable pour en adopter une autre, espérant que c’était là la dernière fois que la jeune femme essaierait de lui faire regretter de choisir le confort de sa chambre à l’effervescence des folles soirées de Sydney.

Elle avait une tactique pour la mener à considérer de changer de sujet. Se laissant pousser par la blonde lorsqu’elle entama le sujet de son voyage avec Damon, Jo eut un léger rire lorsqu’elle se rendit compte qu’elle rougissait "Regardez-moi ça. Elle rougit comme une collégienne." Ça aussi, ça l’amusait un peu dans le fond, de voir la jeune femme réagir de cette façon quand elle savait qu’elle n’avait rien de la prude de base et qu’elle avait attendu ce moment avec le fils Williams avec une patience que Jo lui enviait en secret. Elle, elle n’était pas aussi patiente que ça, c’était bien pour ça que sa fureur prenait le pas sur tout et n’importe quoi "Les larmes ou la demande en mariage ? Un plus souvent que l’autre, mais t’as pas envie que je te raconte." Elle plaisantait. Jo avait très bien compris ce qu’elle lui demandait ; si quelqu’un avait un jour été aussi délicat avec elle au point de lui organiser un voyage somptueux pour célébrer quelque chose qui était basé sur un mensonge — OK, c’était peut-être pas le moment d’être amère, et parce que Megan semblait vraiment voir la vie au travers de lunettes à verres teintés en rose, elle ne tenait pas à faire comme elle faisait plus souvent qu’à son tour, c’est-à-dire lui gâcher le plaisir de partager quelque chose de positif avec elle, quand bien même c’était le récit romantique de sa première fois avec le type qu’elle avait épousé il y avait un an de ça.
Elle la laissa s’allonger sur le dos, ne pouvant s’empêcher de suivre son inclinaison du regard et de laisser un léger rire lui échapper en se rendant compte à quel point elle semblait conquise par les petits gestes de tendresse de Damon à son encontre. Dans une autre conjoncture, Jo se serait foutue de sa gueule, au jeune homme, de miser sur des grands classiques de comédies romantiques pour conquérir le coeur de sa belle— ou  pour conquérir autre chose, en l’occurence, ça n’avait pas été son coeur qui l’avait intéressé à ce moment-là, elle en était convaincue. Mais chacun sa vision de la romance après tout ; la sienne se composait de fa et de sol et d’accords mythiques, alors elle était sûrement la moins bien placée pour juger en vérité "Et ben là, c’est pas un mur que tu t’es prise." Elle ricana, Jo, avant de se reprendre pour se redresser, et ajouter rapidement, les mains levées devant elle tandis qu’elle se constituait prisonnière de sa muflerie "Déso, tu me tends des perches aussi." Rapidement, elle baissa les bras pour se joindre à la jeune femme, et s’allongea à ses côtés en continuant de rire très doucement.
Adoptant la même position, elle posa ses mains sur son propre ventre, continuant à l’écouter tout de même et réagit avec faux dégoût quand Megan lui confirma que Damon se débrouillait pas mal "Encore heureux en vrai. Si en plus t’avais dû te ramasser un incapable, ça aurait été le comble de l’arnaque, ton mariage." Elle évita d’ajouter à la con, tournant la tête vers la jeune femme pour la regarder se perdre dans la conversation qu’elle avait eu avec le jeune homme à cet instant-là ; et peut-être que ça lui serra un peu le coeur à Jo, de façon tellement contradictoires l’une de l’autre qu’elle ne trouva même rien de sarcastique à lui répondre, se prenant le regard que Megan posa sur elle de plein fouet et répondant à l’anticipation de son discours en léger décalé. Sa tête remua de façon négative, et elle posa de nouveau son regard sur le plafond "C’est pas ce que j’allais te dire, non." commença-t-elle, sincère, retournant aussi vite ses yeux dans sa direction "J’allais te dire que je suis heureuse pour toi. Sois pas si étonnée, ça va… je sais me réjouir quand c’est nécessaire, commence pas." se défendit-elle avec fausse mauvaise humeur, levant juste un peu la tête pour dégager ses longs cheveux humides de sa nuque et en déployant ses mèches sur le couvre-lit tout en marquant une pause qu’elle rompit quand, calmement, elle se repositionna et que tournant de nouveau la tête vers Megan, elle lui demanda "Et toi, t’as envie d’essayer d’être avec lui ?" Elle connaissait déjà la réponse Jo, seulement ce n’était pas mal de s’en assurer pour de bon. Elle ajouta sur la même lancée "T’es bien avec lui ?"

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Megan Williams & @Jo Carter

« Ça vire à l’obsession, Meg. Et je suis pas son amie, commençons par là déjà. » Mon obsession, contrairement à toutes les midinettes qui font la queue sur le trottoir en face de l’hôtel puisque ce dernier leur a interdit de bloquer les accès, ce n’est pas sa relation avec Midas Sterling ou leur absence de relation, pour ce que j’en sais. Comme beaucoup, j’aime les racontars et je ne suis pas la dernière à relayer les derniers “potins” qui tombent en ma possession. Sauf que dans le cas présent, la raison derrière mon insistance est tout simplement que je me fais du souci. J’ai regardé les lives. Jo est magnifique, envoûtante, mais je la connais assez pour être perturbée par l’idée que quelque chose cloche. Le phénomène se ressent d’autant plus en interview et bien plus maintenant que je l’ai face à moi. « T’es quoi alors ? » Croix de bras croix de fer, je serai la gardienne de ses secrets si elle décidait de me les confier. Ce qui a, soyons réaliste, peu de chance de se produire. Pas parce que la jeune femme n’a pas confiance en mon silence - en tout cas, je l’espère - mais parce qu’elle n’est pas du genre à partager ses état d’âme. « Il m’a demandé ton numéro une fois, je peux te donner le sien si ça t’intéresse autant de savoir à quel genre de soirées il a accès et ce que je manque en refusant de l’accompagner. » Je lève un sourcil, dubitative. Évidemment, l’idée que cela puisse être vrai est flatteuse et, dans d’autres circonstances, j’aurais tiré les vers du nez de mon amie. Sauf que le timing est mauvais, je n’ai d’yeux que pour mon mari et, pour couronner le tout, j’ai du mal à croire qu’il s’agit d’autre chose que d’une pique de la part de la brune. « Il serait content que tu files son numéro à une ancienne paparazzi, ton pas ami ? » Je croise mes bras sous ma poitrine et garde un sourcil levé, l’air de lui dire pas à moi, Carter. J’ai raccroché les dents certes, mais les préjugés ont la vie dure.

« Regardez-moi ça. Elle rougit comme une collégienne. » - « Je rougis pas. » Pourtant, je ne résiste pas à l’envie de regarder mon reflet dans l’écran noir de mon téléphone verrouillé, l’air de rien, pendant évidemment être discrète. « Je suis mariée à lui, c’est plus le moment de rougir. » Mais jusque-là, tout ça n’était vrai que sur le papier. Et maintenant ? Maintenant Damon m’a demandé d’être son épouse, pour de vrai et, si j’ignore la portée de cette requête, je sais en tout cas qu’il me signifiait ainsi qu’il ne cherchait pas une relation casual, simple et sans prise de tête, mais quelque chose de vrai, de solide. « Les larmes ou la demande en mariage ? Un plus souvent que l’autre, mais t’as pas envie que je te raconte. » - « Je sais que tu fais pleurer les gens. Tu crois que c’est le genre de truc qui constitue une surprise te concernant ? » Je la pousse gentiment du plat de ma main, me moquant d’elle avec douceur, avant de me laisser tomber sur le dos et d’être bien vite rejointe par la brune. Ainsi, tout ce que je pourrais dire a d’autant plus le ton de la confession. « Et ben là, c’est pas un mur que tu t’es prise. » Mes yeux roulent dans leur orbites et avant que je n’ai le temps d’ajouter quoi que ce soit, la brune se défend de son insinuation lourdingue. « Déso, tu me tends des perches aussi. » - « T’es irrécupérable, franchement. » Mais, toujours sans la regarder dans les yeux, j’ajoute. « Maintenant si tu veux tout savoir, je sais toujours pas trop à quoi ressemble Bali mais on a bien pratiqué la chambre d’hôtel. » Autrement dit, nous y sommes restés enfermés une bonne partie du temps, après avoir balayé les discussions compliquées. Est-ce par conséquent utile de préciser que nous avons cessé de faire chambre à part depuis notre retour ? Sans doute pas. « Encore heureux en vrai. Si en plus t’avais dû te ramasser un incapable, ça aurait été le comble de l’arnaque, ton mariage. » Je me laisse aller à un rire sincère, avant de basculer sur mon flanc pour enfin regarder la brune dans les yeux. Dans cette configuration, la discussion a véritablement tout d’une confession. « C’est pas ce que j’allais te dire, non. » Je plisse les lèvres et lève un sourcil. Vraiment ? La chanteuse est plutôt du genre à tempérer mes ardeurs quand elle trouve que je m’emballe un peu tôt. « Ouais, c’est ça. » - « J’allais te dire que je suis heureuse pour toi. Sois pas si étonnée, ça va… je sais me réjouir quand c’est nécessaire, commence pas. » Un sourcil toujours levé, je tends une main dans sa direction pour la poser à plat sur son front, un air satisfait - je suis fière de ma bêtise - sur le visage. « Etrange. T’as même pas de fièvre. » Je ne mésestime pas mon amie, mais elle est plutôt souvent l’oiseau de mauvaise augure qu’un exemple de confiance et de foi en le futur. « Et toi, t’as envie d’essayer d’être avec lui ? » Bien sûr que oui. J’en ai envie depuis plus longtemps que lui ou, en tout cas, depuis plus longtemps qu’il est prêt à l’admettre. « T’es bien avec lui ? » Un mince sourire - presque timide - étire mes lèvres, et je hoche la tête. « J’ai eu envie d’essayer rapidement, en vrai. » Dès que j’ai commencé à comprendre que nous avions des choses en commun lui et moi, dès qu’il m’a faite me sentir bien. « Et oui. J’aime la personne que je suis avec lui. Il me fait rire, j’aime ce qu’il me fait ressentir, comment il prend soin des gens parce que c’est dans sa nature profonde mais, Jo… » Je replace ma tête sur l’oreiller qui sent bon le propre des chambres d’hôtel. « Il a quelque chose de terrifiant aussi. Il est vraiment facile à aimer, dans tous les sens du terme. » Mais surtout dans le plus évident. « Je sens qu’il suffira d’un rien pour que j’en tombe vraiment amoureuse. » Je n’ai jamais ressenti ce genre de sentiment avant, et ça me terrifie. Tellement que je me chuchote cette dernière phrase.

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Jo Carter & @Megan Williams (crédit gif/falwcll)

"Une collègue de travail." Il ne lui avait fallu qu’une seconde pour s’arrêter sur le statut officiel à donner à Midas. C’était ce qu’ils étaient, officiellement : deux participants à la même franchise qui savaient comment se jouer de l’intérêt du public pour attirer l’attention et ne pas les faire décrocher de leur écran pendant qu’ils se demandaient s’ils l’avaient fait ou pas. Officieusement, ce n’était pas tout à fait ça, et puisqu’il ne s’était pas vraiment passé quoi que ce soit entre eux, ça devenait nébuleux de se lancer dans un exposé détaillé de ce qu’ils étaient l’un pour l’autre. Elle n’avait pas envie de le faire, Jo. À Megan ou à quiconque, ça restait une introspection dans laquelle elle n’était pas prête à se lancer simplement parce qu’elle ne voulait pas paraître stupide de s’accrocher à pas grand-chose ; alors que Megan aurait été la plus à même de lui faire entendre que ça n’était pas mal de s’accrocher, elle qui avait attendu un an pour consommer ce à quoi elle était contractuellement supposée aspirer en tant que femme mariée.
Elle haussa les épaules, sa mauvaise tête reprenant le dessus lorsqu’elle rétorqua "J’en sais rien. T’as qu’à lui demander toi-même, sa chambre est trois portes au-dessus de la mienne." Et c’était tout, elle ne se lança pas dans une mise en garde à son propos pour faire entendre à la jeune femme qu’il avait droit à l’intimité, qu’il avait aussi droit de ne pas avoir les oreilles qui sifflent tandis qu’elles parlaient de lui sans en avoir l’air.

Et parce que c’était simple, et que ça l’intéressait quand même un peu, il fallait quand même le dire, elle se concentra de nouveau aussi vite sur le récit scandaleux de la vie de la jeune femme qu’elle rejoignit en s’allongeant à ses côtés. Elle ne ferait pleurer personne aujourd’hui, c’était une certitude qu’elle tut pour mieux rire en entendant Megan la désigner comme étant irrécupérable alors qu’elle ne pouvait s’empêcher de verser dans le tendancieux. Sur un sujet pareil, c’était beaucoup trop tentant, et ce qui l’était encore plus, c’était de féliciter Damon de savoir tenir une femme comme Megan alors que le cadre qu’il lui avait offert aurait dû la forcer à vouloir sortir pour immortaliser ce qui l’entourait, elle qui avait tant d’années été passionnée de photographies. Dans un petit élan supporter, elle levant ses poings devant son nez, telle une cheerleader mal entraînée, et murmura pour la blague "Go Damon." Elle lui avait conseillé — OK, elle l’avait expressément enjoint de le faire sous la menace — de prendre soin de Megan, et force était de constater qu’il avait pris sa promesse très au sérieux. C’était tant mieux, même si elle avait envie de gerber à l’idée de songer à ce qu’impliquait leurs longs moments entre les draps, elle ne pouvait pas prétendre que dans le fond, ça ne lui faisait pas plaisir que les efforts de Megan soient récompensés par quelque chose à laquelle elle songeait sans en avoir l’air.
Elle était sincère, lorsqu’elle lui dit qu’elle était heureuse pour elle, ce qui surprit un peu la blonde dont elle repoussa la main lorsqu’elle vérifia sa température "Mais vire tes pattes." Et pour la forcer à le faire, elle lui frappa le dos de la main avec ses doigts en continuant sur sa lancée "Je suis pas sympa, on me le reproche ; je suis sympa, on me soupçonne de quelque chose. Ça va jamais, vous me gonflez." Dans le genre Calimero, on repassera, parce que la manière qu’elle eut d’exposer les choses, elle était trop ironique pour que ce soit sincère.

Pas comme la suite des questions qu’elle lui posa sérieusement et auxquelles elle obtint des réponses dans la foulée. La tête tournée dans sa direction, surplombée par son ombre comme elle s’était mise sur le flanc pour mieux la voir, Megan, Jo resta à sa place ; allongée sur le dos, les mains sur le ventre, elle la regarda dérouler les entrées de son journal intime dédié à Damon sans grimacer, sans même se moquer d’elle en soulignant le fait qu’elle était quand même putain de prévisible, et que son besoin d’être aimée, il la poussait à envisager des situations pourries juste pour lui faire ressentir quelque chose. Elle savait pourquoi désormais, elle n’avait plus envie de le lui faire remarquer pour lui faire entendre que c’était mal, qu’elle méritait mieux. Elle était heureuse, c’était ce qui comptait, et elle n’était personne pour juger si les conditions étaient bonnes pour que ça perdure. Elle avait droit de ressentir ce qu’elle ressentait aujourd’hui, même pour un temps donné, et elle, elle pouvait juste se promettre de ne pas la laisser tomber si jamais tout ça venait à tourner court.
Elle eut un léger sourire, de ceux un peu absents qui éclairent sur le fait qu’on comprenait plus ou moins ce que l’autre voulait dire. Et Jo comprenait mieux que personne ce que Megan voulait dire. Sans pour autant se sentir très à l’aise à l’idée de le lui faire savoir, elle lui dit seulement, lorsqu’elle mentionna le fait que Damon était facile à aimer "Ouais, j’en connais des comme ça." Pluriel ou singulier, à l’oral, difficile de savoir ce que ça voulait vraiment dire. Mais elle, elle savait, c’était ce qui comptait. Aussi, ce fût une interjection rapidement balayée, et qui la fit se caler sur la position empruntée par Megan dont la voix se baissa quand elle en vint au plus critique de sa verve — celle qui fit se pencher Jo dans sa direction et emprunter son ton pour lui dire, dans un léger sourire "Et alors, c’est si mal que ça ?" Qu’elle tombe amoureuse de son mari — putain, ça restait une situation tordue quand même, elle ne pouvait pas croire qu’elle commençait à y adhérer "Ça serait pas plus facile si tu t’autorisais à le faire ? Je veux dire, s’il t’a dit qu’il voulait essayer, y a peu de chance qu’il change d’avis." Elle ne le portait pas dans son coeur, le fils Williams, mais elle le savait inoffensif et plein de bonne volonté. Le poing soutenant le poids de sa tête, Jo continua, une épaule se haussant en même temps qu’elle fronçait les sourcils, concentrée sur ce qu’elle disait "C’est un risque à prendre, et puisque vous êtes déjà mariés, c’est pas le pire qui pourrait arriver, que vous commenciez à vous aimer." Il n’aurait pas mis autant de coeur à l’ouvrage s’il n’y croyait pas, Damon, Jo en était curieusement persuadée. Néanmoins, elle marqua une pause, observant un instant les traits du visage de la blonde qui lui faisait face en pinçant les lèvres tout en se demandant si elle avait le droit de lui poser cette question alors que d'expérience, et pour bien des raisons, elle connaissait déjà partiellement la réponse. Pour autant, elle lui demanda après un instant, dans une voix un peu plus mesurée que d’habitude "T’as peur de quoi, si tu te laisses tomber amoureuse de lui ?"

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« Une collègue de travail. » - « Une collègue de travail, hum. » Evidemment, je n’ajoute rien, mais le ton que j’adopte pour répéter son affirmation est bourré d’ironie et j’y instille également un soupçon de doute. La presse ne dépense pas autant d’énergie à écrire sur des simples collègues de travail, nous le savons toutes les deux, mais je connais Jo et je sais quelles sont ses limites. Je sais que si je la pousse trop loin, elle se refermera définitivement et deviendra agressive et je tiens à mes globes oculaires. Alors pour l’instant, je n’enfonce pas cette porte là, j’attendrai qu’elle vienne elle-même rajouter un peu d’eau à mon moulin avant de l’interroger à nouveau à ce sujet. Je ne suis pas inconsciente ou idiote : je sais comment rester dans les bonnes grâce de la brune incendiaire. « J’en sais rien. T’as qu’à lui demander toi-même, sa chambre est trois portes au-dessus de la mienne. » - « Je suis venue passer la soirée avec toi, t’arriveras pas à te débarrasser de moi si facilement. » A nouveau, je la connais assez pour ne pas lancer dans le piège qu’elle me tend pour avoir une excuse pour m’exploser entre les doigts. Pas alors que je n’ai rien à y gagner : à une autre époque, j’aurais sauté sur l’occasion. Dans ce qui ressemble à une autre vie, elle n’aurait pas eu besoin d’insister, j’aurais tenté tenté d’approcher le jeune homme pour les portes qu’il aurait pu m’ouvrir et parce que c’est grisant, de recevoir de l’attention de quelqu’un avec un tel niveau de notoriété. Aujourd’hui, je ne suis plus à la recherche de portes d’entrées dans les soirées VIP dans le seul but de capturer un cliché à vendre à prix d’or, et je ne suis plus à la recherche d’une présence masculine pour me donner l’impression d’exister. Peut-être serais-je délogée de mon petit nuage par la force des choses mais, tant que ce n’est pas le cas, je ne vois que l’homme à qui j’ai dit oui il y a plus d’un an. Celui qui devient rapidement notre sujet de conversation principal.

« Go Damon. » La réaction de mon amie à la mention de notre programme de vacances à Bali à Damon et moi me tire un sourire amusé. Mes fossettes se creusent et mon regard s’éclaire comme c’est à présent systématiquement le cas lorsque le prénom du blond tombe dans la conversation. Go Damon, je n’ai rien à redire à ce sujet. « Mais vire tes pattes. » Jo me tape sur la main et je la retire de mon front en éclatant de rire. « Je suis pas sympa, on me le reproche ; je suis sympa, on me soupçonne de quelque chose. Ça va jamais, vous me gonflez. » - « Comment ça, tu veux dire que je suis pas la seule personne à avoir remarqué ton sens aiguisé de l'amabilité ? » En bonne actrice, je prends mon plus bel air choqué et outré avant de pivoter sur mon flanc pour donner à la discussion des couleurs d’intimité et de confession.

« Ouais, j’en connais des comme ça. » Sa confession me surprend. Je ne l’imaginais pas fleur bleue ou susceptible de tomber dans les affres des sentiments amoureux, Jo. Elle me donne l’impression d’avoir enveloppé son cœur de plusieurs couches de titane indestructibles. Je sais qu’elle n’est pas aussi insensible et fermée qu’elle veut bien le faire croire, mais je ne l’attendait toutefois pas là, la brune. « Des ? » Plutôt que de la houspiller sur ce qui pique vraiment ma curiosité, je ne la taquine que pour l’emploi du pluriel. « Petite coquine va. » Je ris doucement, avant de retrouver tout mon sérieux puisque je n’oublie pas le premier sujet de conversation. « Et alors, c’est si mal que ça ? » Non ce n’est pas mal, mais ça me fait peur. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de trouver un homme qui m’aime comme une folle. Ce n’est pas pour rien que la réciproque n’a jamais été une composante de mes fantasmes et utopies, parce que l’idée de faire tourner mon monde autour de quelqu’un me terrifie. « Ça serait pas plus facile si tu t’autorisais à le faire ? Je veux dire, s’il t’a dit qu’il voulait essayer, y a peu de chance qu’il change d’avis. » - « Il changera pas d’avis. » Il a l’air sûr. Je lui ai posé toutes les questions nécessaires pour être rassurée à ce niveau là, dont celles concernant ses ex. « Mais si moi je faisais tout foirer ? » Pas parce que je ne lui serais pas fidèle - je n’ai pas peur d’avoir la moindre envie ou tentation d’aller voir ailleurs - mais parce que c’est moi, que je viens avec mon lot de bagages et que je ne suis pas la personne la plus équilibrée qui soit. C’est ce qui me fait le plus peur, au fond. De ne pas être à la hauteur de ce dans quoi je me suis engagée. De ne pas mériter ce bonheur que je touche du doigt, avec Damon. « C’est un risque à prendre, et puisque vous êtes déjà mariés, c’est pas le pire qui pourrait arriver, que vous commenciez à vous aimer. » Bien sûr que non, c’est même une idée que j’ai caressé de l’esprit pendant des mois, déplorant la dégradation de notre relation à Damon et moi. « T’as peur de quoi, si tu te laisses tomber amoureuse de lui ? » La réponse est évidente : je n’ai pas besoin de réfléchir. « J’ai peur de souffrir. D’avoir mal au cœur. » Même si ce n’est pas le genre de Damon de faire souffrir qui que ce soit volontairement. « Ma mère, Murphy, Jasper. » J’énumère des prénoms qu’elle ne connaît pas forcément tous, j’évoque des histoires du passé que je ne lui ai pas racontées, mais elle comprendra l’idée générale. « On m’a trop laissée tomber. Je me suis promis de plus jamais dépendre de qui que ce soit après que mon parasite de sœur m’ait prouvé qu’elle voulait juste m’utiliser. » Je prétends être détachée, mais j’ai mal au cœur, terriblement. « Damon est pas Murphy. Il est aucun d’entre eux. » Il n’est plein que de bonnes intentions. « Mais vraiment, j’ai peur de souffrir. Je veux pas avoir mal. » A voix basse, j’ajoute. « Je suis jamais tombée amoureuse. » Et Damon, s’il le souhaite, à le pouvoir d’être le premier garçon à véritablement me briser le cœur avec une facilité déconcertante.

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"T’es venue pour me taper sur les nerfs ? La porte est là-bas sinon, j’étais très bien seule." fit-elle remarquer à Megan en plaisantant sous la mine un peu râleuse qu’elle lui offrit en retour de ses tentatives de lui tirer les vers du nez, mais aussi de la faire passer pour ce qu’elle était bel et bien : une diva qui envoyait bouler à peu près tous ceux qui l’approchaient de près comme de loin. Heureusement pour elle, la blonde avait le privilège de moins taper sur son sytème que le reste de la population mondiale, alors même si elle était à ça de crier à l’injustice alors qu’elle se payait une tranche de son caractère pourri, elle ne la chassa pas pour de bon, préférant entamer le plus gros de leur conversation.

Elle se rasséréna assez vite pour l’écouter religieusement. C’était ce pourquoi elle était vraiment venue, Megan : être écoutée, et Jo consentait à le faire sans rechigner, sans même rebondir sur les accusations qu’elle laissa poindre, relevant l’emploi du pluriel qu’elle avait fait quelques secondes plus tôt et qui n’aurait pas pu être plus erroné. Mais clairement, ce n’était pas elle le sujet de la conversation. Ainsi, pour une fois — notez la date et l’heure —, elle était prête à ce que le monde ne tourne pas autour de son nombril. Toujours le poing résolument fermé pour soutenir le poids de sa tête, elle la recala doucement tout contre, les yeux posés sur le visage de Megan dont elle sentait émaner une énergie différente de ces derniers temps.

Et ça lui serrait le coeur de la bonne façon, de la voir si enjouée à l’idée d’enfin pouvoir prétendre au statut qu’elle avait gagné en épousant Damon. Elle n’était plus une imposteur, ça avait l’air de beaucoup la soulager — encore que, la question qu’elle lui posa en retour après que Jo lui eut demandé si ça ne serait pas plus facile pour eux de tomber amoureux, elle lui fit prendre une profonde inspiration qui lui fit murmurer son prénom avec une délicatesse qui n’était pas vraiment dans ses habitudes "Meg." Je dois  tout t’apprendre ? voulait dire le soupir qu’elle laissa filer comme si elle était une spécialiste du sujet. Si la blonde savait, il y aurait fort à parier qu’elle se ferait rembourser la consultation du docteur love à laquelle elle s’apprêtait à participer "Si tu pars de ce principe-là, tu vas attirer la poisse. Pourquoi tu ferais tout foirer ?" Parce qu’elle avait des traumas, qu’elle avait des issues, qu’elle venait d’un environnement familial qui laissait des traces, qu’elle avait des repères faussés par les épreuves qu’elle avait vécues ? C’était le cas de beaucoup de monde, ça ne faisait pas d’eux des bombes à retardement pour autant, et si au plus profond d’elle-même, Jo comprenait parfaitement son raisonnement, elle ne pouvait pas tellement accepter l’idée que la jeune femme se laisse aussi peu le bénéfice du doute sur ce coup-là.
De Megan, elle avait l’image d’une femme forte et sûre d’elle, autant dire que ça égratignait un peu le tableau sans pour autant la pousser à s’en détourner. Au contraire, ça la touchait plus qu’elle ne serait capable de le lui avouer, l’impression d’avoir à faire à ses propres doutes la menant à prendre le temps de poursuivre, calmement "C’est pas grave de se tromper. Si ça arrive, t’auras au moins eu le mérite d’essayer." Presque en troisième vitesse, elle ajouta "En plus, y a des gens qui sont doués pour pardonner les erreurs de meufs comme nous. Ça veut pas dire qu’on doit pas faire d’effort, mais tu vois, ça facilite les choses de tomber sur quelqu'un de patient. On a besoin d’un temps d’adaptation, c’est pas notre faute." Elles n’étaient pas différentes que ça, Megan et Jo. Jo était probablement plus brute que Megan, mais sur le fond, elles avaient le même genre de traumas — dont elle ne fera pas étalage, reprenant comme si elle ne s’était pas interrompue "Je suis certaine que Damon fait partie de ces gens-là. T’es en sécurité, laisse-toi porter." Elle replia son bras juste pour se laisser retomber sur le dos, puis laissa un très léger rire lui échapper à la suite des paroles de Megan à propos de la peur qu’elle ressentait à l’idée de souffrir. C’était là qu’elle perdait un peu de sa délicatesse, Jo. Mais elle avait du mal à se dire qu’elle avait tort "Je vais casser l’ambiance, mais ça arrivera." Elle haussa les épaules l’air de rien, sa bouche opérant un léger mouvement vers le bas lorsqu’elle poursuivit "Et faut pas nécessairement laisser cette crainte-là de côté. Faut juste apprendre à la canaliser parce que c’est ça qui va mener au désastre sinon." Elle l’écouta enchaîner sur sa famille et ses sourcils se froncèrent "C’est pas la même chose, c’est pas le même amour non plus. Damon, il s’est réveillé à temps et il choisit d’essayer d’être avec toi." Elle roula des yeux, ses mains se posant sur son propre abdomen en même temps qu’elle tournait la tête vers Megan pour lui avouer "Je suis pas fan du gars, mais je suis à peu près sûre que tu peux t’attendre à ce qu’il tienne sa promesse et qu’il soit réglo si du jour au lendemain il se rend compte qu’il en a assez de toi. Il te respecte, ça se voit." Elle aurait aimé avoir l’éloquence de ceux qui savent réconforter pour de bon, mais Jo avait des lacunes en la matière.

Elle s’obstina cependant à ne pas lui dire qu’elle souffrirait quoi qu’il arrive — comme quoi, elle savait tout de même tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de déclamer des horreurs. Bien que ça faisait partie de l’action d’aimer quelqu’un, d’en souffrir un peu, comme s’il ne pouvait en être autrement et que c’était plus savoureux avec un peu de sel sur les plaies, elle rongea admirablement son frein jusqu’à ce qu’elle reprenne la parole pour laisser un sourire effiler ses lèvres lorsque Megan lui avoua n’être jamais tombée amoureuse — tant mieux, tant pis, songea la jeune femme sans pouvoir vraiment statuer sur ce que ça lui inspirait vraiment, se redressant tout de même en même temps. Et sa nonchalance à le faire, elle se répercuta sur le ton qu’elle employa pour reprendre le plus sérieusement du monde "C’est affreux." Elle fronça le nez juste pour ajouter un peu plus bas, avec le genre de mine malicieuse qui faisait d’elle qui elle était, et qui détruisit tout le solennel de sa verve "Mais tu vas adorer ça, tu verras."

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« T’es venue pour me taper sur les nerfs ? La porte est là-bas sinon, j’étais très bien seule. » - « Moi ? T’es complètement parano Joséphine. » J’esquisse un sourire amusé, presque celui d’une gamine, et hausse les épaules et lève les yeux au ciel comme si j’étais parfaitement innocente de ce dont elle m’accuse, et outrée d’avoir été accusée à tort. Bien sûr que je suis curieuse. Je suis de celles dont la curiosité n’est complètement assouvie que lorsque je connaîs l’entière vérité. Mais si pousser certaines personnes à la confession fonctionne, avec Jo, c’est la méthode douce qu’il faut employer. Et s’armer de patience, aussi.

Et je suis en partie ici pour parler de moi, pour me confier, pour lui raconter Bali et la façon dont tout se passe à la perfection depuis que nous sommes rentrés. Au point que cela me terrorise, parce que plus les choses vont bien, plus j’ai peur d’être celle qui fera tout foirer. « Meg. Si tu pars de ce principe-là, tu vas attirer la poisse. Pourquoi tu ferais tout foirer ? » - « Fais pas comme si tu savais pas. T’es la première à me rappeler que j’ai pas toujours des idées brillantes. » Jo n’a pas peur de me dire les choses et de me mettre face à mes conneries. Au fond de moi, j’aime ça, qu’elle joue le rôle de garde-fou, qu’elle me mette des limites que je ne serais pas capable de fixer seule parce que personne ne m’a appris à le faire. J’ai appris à me débrouiller seule tôt, et pour me mettre dans la merde, je suis particulièrement inventive. « Parce que c’est moi. Et que j’ai l’impression que je sais pas avoir quelque chose de bien, de bon sans tout foutre en l’air. » Je n’en ai pas la moindre envie, mais ça me terrorise, sans fondement aucun. J’ai à coeur de tout faire comme il faut avec Damon, mais j’ai cette peur irrationnelle de prendre une décision qui le blessera, de dire quelque chose de mal, de ne pas savoir comment me comporter dans cette situation inédite pour moi. Je suis la petite amie de quelqu’un. Je suis même sa femme, et il ne fuit plus nos promesses et nos alliances. « La dernière fois que je suis vraiment sortie avec quelqu’un, il m’a accusée de n’être avec lui que pour me sentir mieux dans ma peau. Il pensait que je m’investissais pas assez, que j’en avais rien à foutre de notre relation. » Il m’a quittée parce qu’il me soupçonnait d’être infidèle aussi, ce qui était en partie vrai. Mais cela ne se reproduira pas avec Damon, si j’ai une certitude c’est celle là, alors à quoi bon remuer la merde ? « Il a sous entendu que je voyais rien au delà du sexe et l’envie de plaire. » Et c’est faux. J’ai vraiment essayé avec Aiden, d’être une vraie petite amie. Aiden et Damon n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Avec Aiden, je voulais être avec quelqu’un. Cette fois, c’est Damon que je veux. Mais est-ce que c’est mal, d’aimer l’image de moi qu’il me renvoie ? Est-ce que c’est égoïste de le penser, quand il y a beaucoup d’autres choses que j’aime chez lui ? « Il m’a envoyé un sms pour me dire que c’était fini. Un jour, je te raconterai la honte que je lui ai foutue à un gala de charité. » J’esquisse un sourire. Parce que c’est terminé depuis longtemps, parce que je n’ai pas bien souffert longtemps de ma rupture avec l’acteur, parce qu’il n’a même jamais compté. Mais ce qu’il a fait en revanche, c’est abreuver ma certitude enfouie de ne pas être digne de vivre quelque chose de vrai, de simple, et de beau. Après lui, j’étais convaincue de ne rien mériter de plus que l’attention et l’obsession d’un homme marié, et quelques coups d’un soir de temps en temps. On accepte que ce que l’on pense mériter. Je ne me souviens plus qui a dit ça.

« C’est pas grave de se tromper. Si ça arrive, t’auras au moins eu le mérite d’essayer. En plus, y'a des gens qui sont doués pour pardonner les erreurs de meufs comme nous. Ça veut pas dire qu’on doit pas faire d’effort, mais tu vois, ça facilite les choses de tomber sur quelqu'un de patient. On a besoin d’un temps d’adaptation, c’est pas notre faute. » - « Je voudrais que ce soit parfait pour lui. » Notre histoire est déjà assez compliquée. Et je suis consciente qu’il a eu mal, à cause de moi et de mes décisions. Aujourd’hui, je suis tétanisée par l’idée d’en prendre d’autres qui me sembleraient innocentes, mais qui le blesseraient. « Je suis certaine que Damon fait partie de ces gens-là. T’es en sécurité, laisse-toi porter. » Je secoue la tête, pas parce que je pense que Damon n’est pas de ceux qu’elle décrit - je suis au contraire certaine qu’elle a raison - mais pour une raison simple que je lui expose. « J’ai promis que je lui ferai plus jamais mal au cœur. » Et je ne sais pas comment m’en assurer, ça pourrait se résumer à ça. C’est étrange, de se confier aussi intimement à la brune, alors que les secrets que nous partageons habituellement sont bien différents.

« Je vais casser l’ambiance, mais ça arrivera. » Je pousse un grognement. Je m’y attendais, mais ce n’est pas plus agréable à entendre pour autant. « Et faut pas nécessairement laisser cette crainte-là de côté. Faut juste apprendre à la canaliser parce que c’est ça qui va mener au désastre sinon. » Je tourne la tête dans sa direction, je laisse ma joue retomber sur l’oreiller et j’esquisse un sourire triste. La loi d’attraction, c’est de ça qu’il s’agit, non ? « C’est pas la même chose, c’est pas le même amour non plus. Damon, il s’est réveillé à temps et il choisit d’essayer d’être avec toi. » - « Tu penses qu’il voit quoi, en moi ? » Au fond, je suis une adolescente terrifiée par l’idée de tomber amoureuse, pétrie de doute, qui n’a pas assez confiance en elle pour savoir ce qu’il y a d’Aimable, au sens le plus noble du terme, chez elle. Je suis une adolescente qui n’a jamais eu ce genre de conversation avec une mère qui aurait pu la rassurer. « Je suis pas fan du gars, mais je suis à peu près sûre que tu peux t’attendre à ce qu’il tienne sa promesse et qu’il soit réglo si du jour au lendemain il se rend compte qu’il en a assez de toi. Il te respecte, ça se voit. » - « Qu’est ce que tu lui reproches, en vrai, à Damon ? » Puisqu’elle le trouve digne de confiance - elle me l’a fait comprendre à plusieurs reprises maintenant - pourquoi continue-t-elle à ne pas l’apprécier ? « Je veux pas qu’il se réveille un matin en se disant qu’il en a assez de moi. C’est ça le problème. » N’y a-t-il pas un moyen de l’éviter ? Une recette magique du couple heureux ? Une solution qui marche à tous les coups ?

« C’est affreux. Mais tu vas adorer ça, tu verras. » « Hm. » Qu’est ce que tu en sais, Jo ? Pourquoi ne supporte-t-elle pas de parler d’elle, quand ça touche au sentiment ? Qu’est ce qui l’a rendue si pudique ou méfiante ? « Qui t’as pardonné tes erreurs, à toi ? » De qui t’es tombée amoureuse, Jo ? Je chuchote, comme si j’espérais que parler à voix basse la pousse à se confier, à me faire confiance avec certains de ses secrets, à son tour.

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"Putain, c’est vrai que t’as toujours les pires idées." A côté de ça, Jo ne pensait pas que ça méritait pour autant que la blonde soit aussi sévère avec elle-même. Peut-être parce qu’elle se reconnaissait dans ses paroles, elle avait pour le coup tendance à vouloir lui laisser le bénéfice du doute ? Probablement. Dans la foulée, alors que Megan continuait à douter de ses propres intentions, Jo ajouta avec l’air impatient qui la caractérisait lorsqu’on ne se rangeait pas à son opinion. Elle aurait fait une parfaite despote, c’est certain "Ça c’est des fausses idées que tu te fais. Tu te tiens bien depuis que t’es mariée, non ?" Elle se souvint soudain très bien que, lorsqu’elle était en train de revêtir sa sublime robe de mariée, la jeune femme lui parlait toujours de son amant. Ce souvenir en particulier, c’est ce qui lui fit ajouter en troisième vitesse, son visage balayant son impatience d’un clignement yeux "OK, réponds pas à cette question." Elle reprit, donnant l’impression que ce petit aparté n’avait pas eu lieu "Ce que je veux dire, c’est que si t’as envie que ça fonctionne, c’est déjà une bonne chose." Replaçant sa main sur laquelle sa tête était appuyée, elle continua sur sa lancée "T’es pas en train de me dire Jo j’ai envie de tout foutre en l’air, t’es en train de me dire Jo je veux me donner les moyens d’être heureuse. J’y connais pas grand-chose, mais ça me donne l’air d’être positif comme façon de voir." Elle l’espérait. Pour tout un tas de raisons, il fallait que ce soit une bonne chose. Jo avait besoin d’y croire autant que Megan parce que ça voulait dire qu’il y avait un peu d’espoir pour elle aussi qui ne savait faire que des efforts que lorsqu’elle se sentait acculée, mise devant ce qu’elle risquait de perdre. C’était un peu égoïste sûrement, de partager son opinion avec la jeune femme en espérant trouver des réponses à ses propres questions sans en dire davantage sur elle-même, seulement elle n’était capable que de ça sur l’instant. Elle remerciait le talent que Megan avait pour vouloir autant attirer l'attention, sur l’instant ça la prémunissait de l’idée de devoir casquer en confidences de son côté.
Un petit pff lui échappa lorsqu’elle mit sur la table l’une de ses relations passées. Jo roula des yeux, pas impressionnée le moins du monde par les griefs machistes d’un ex-petit-ami "C’est un mec, ils sortent tous ce genre de conneries quand ils sont avec des femmes fortes et qu’ils savent pas comment les tenir. Ça pue le mec qui a zéro confiance en lui si tu veux mon avis, t’as pas perdu grand-chose." Amen, voulait dire le petit air suffisant qu’elle prit pour mieux poursuivre, sûre de ses paroles "T’étais pas sa mère à ce que je sache. Etre un couple c’est pas materner l’autre." Et c’était elle, bourrée de daddy issues qui disait ce genre de choses. Un petit sourire fit remonter l’une de ses pommettes lorsque ses yeux trouvant ceux de Megan qu’elle continua d’écouter attentivement, elle lui fit "T’as vraiment le chic pour dénicher les connards, toi." Quitter sa copine par texto, c’était so 2008.

"Et lui, qu’est-ce qu’il t’a promis ? Hé, je juge pas depuis tout à l’heure, je vais continuer à bien me tenir." Elle s’acharnait à s’épancher sur son histoire, Megan, et Jo ne tournait pas la tête en ayant la sensation d’assister à quelque chose qu’elle n’avait pas le droit de voir. Au contraire, elle suivait le fil de la conversation avec attention, assez en tout cas pour que ça lui fasse quelque chose de se rendre compte que, sous ses grands airs, Megan n’était pas la femme pleine s’assurance qu’elle avait toujours cru qu’elle était — elle n’en était pas surprise néanmoins. Après tout, elle l’avait laissé empiéter sur un pan de son histoire qui l’avait rendue tributaire de l’idée qu’elle avait morflé, que ses actions étaient dictées par ça, et que son bonheur, elle le méritait. Jo n’en démordrait pas, quand bien même elle lui avait juré de ne jamais la prendre en pitié, elle ne pouvait pas prétendre la voir de la même façon depuis qu’elle savait pour sa petite-enfance ; ça les avait rapprochées "Les boobs. Direct." lui dit-elle pour plaisanter lorsqu’elle lui demanda ce que Damon voyait en elle. Elle eut un petit rire, parant le geste que Megan serait tentée de faire pour se venger de sa muflerie en se redressant pour s’asseoir en tailleur sur le lit.
Et l’inspiration qu’elle prit pour reprendre la parole, elle vint avec un petit temps de réflexion qu’elle gomma lorsqu’elle posa ses yeux sur elle, et qu’elle lui répondit avec plus de sérieux "T’es forte. Je te l’ai déjà dit et je le pense. Et puis franchement, t’es de bonne compagnie. Je veux dire quand on passe au-dessus de tes choix discutables, t’es plutôt marrante… et attachante, tu donnerais presque envie de te protéger si t’étais pas si cruche." Evidemment, il fallait qu’elle parsème son discours d’un peu de dureté sinon ça donnerait une image trop tendre d’elle. Elle se mettait à la place de Damon, Jo. De ce point de vue, elle n’avait aucun mal à se figurer du pourquoi il pourrait tomber amoureux de la jeune femme. C’était évident, et au-delà de son physique de poupée, elle gagnait surtout à être connue "T’es quelqu’un de bien, c’est un motif suffisant pour avoir envie d’être avec toi. Je crois." Je crois, elle ajouta ça uniquement pour que ses propos ne les fassent pas tomber dans un état trop émotionnel. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas puisque la nouvelle question de Megan arrivant à ses oreilles, Jo laissa l’occasion à son caractère de cochon de revenir en trottant lorsqu’elle parla de Damon et de la raison pour laquelle elle semblait ne pas l’aimer. Qu’avait-elle à lui reprocher ? "Rien. Il est juste le mec de ma copine. J’en serais une lamentable si je le faisais pas galérer un peu." Très mature, Josephine.

"Hm-hmm." imita-t-elle à la suite à la jeune femme qui lui avait avoué n’être jamais tombée amoureuse. Ce n’était pas le cas de Jo, sauf qu’elle ne le lui dit pas ouvertement ; comme Megan ne lui posa pas ouvertement la question non plus, et c’est à ce moment-là qu’elle prit vraiment conscience qu’elle pouvait tout aborder sans craindre grand-chose "Personne. J’y travaille." Ça ne serait pas plus explicite que ça, encore qu’elle ajouta en se redressant pour s’approcher du bord du lit et s’en lever dans la foulée, un peu trop pudique dans ces moments-ci pour accepter de soutenir le regard de la blonde sans broncher "Je te ferais un point quand je serais certaine d’avoir toutes les cartes en mains pour fêter ma rédemption. Mais là je t’avoue que j’y suis allée vraiment très fort." C’était une chose de l’avouer, c’en était une autre d’oeuvrer pour réparer ses erreurs. Elle ne le faisait pas, elle attendait que ça passe parce qu’elle avait autant peur que Megan en vérité.
Pour libérer la petite tension qu'elle ressentait grouiller dans le bout de ses doigts, Jo tapa dans ses mains pour attirer l’attention de la jeune femme et lui dire, histoire de passer à autre chose, et de lui retirer l’envie de lui poser davantage de questions "Tu veux qu’on aille emprunter des tenues dans le vestiaire des primes ?"

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« Ça c’est des fausses idées que tu te fais. Tu te tiens bien depuis que t’es mariée, non ? » Sans surprise, c’est une grimace que je lui adresse en guise de réponse à sa question. Bien se tenir, jusqu’à il y a quelques semaines, cela n’avait pas la même définition dans mon mariage que celle que cela a dans la plupart des unions. Bien se tenir, c’était préserver les apparences et ne rien faire qui pourrait mettre l’autre dans l’embarras publiquement. « Ok, réponds pas à cette question. » - « J’ai fréquenté Scott pendant l’année dernière, si c’est ta question. Mais j’y ai mis fin juste après la mort de ma mère. » Je baisse les yeux, avant d’ajouter - puisque je suppose que cela joue en ma faveur. « Avant qu’il se passe quelque chose entre Damon et moi. » L’un n’est pas la conclusion de l’autre. J’ai mis fin à ma liaison puisque j’en avais marre de n’être qu’une chose, un objet d’obsession, jamais digne de nobles sentiments. J’ai mis fin à ma liaison pour me sentir digne, tout simplement. « Ce que je veux dire, c’est que si t’as envie que ça fonctionne, c’est déjà une bonne chose. » J’ai toujours envie que les choses fonctionnent. Je ne suis pas du genre à m’auto saboter ou, en tout cas, je ne le fais jamais consciemment. Et c’est ce qui me fait le plus peur, d’être incapable au fond de vouloir les bonnes choses et d’arriver à les conserver. « T’es pas en train de me dire Jo j’ai envie de tout foutre en l’air, t’es en train de me dire Jo je veux me donner les moyens d’être heureuse. J’y connais pas grand-chose, mais ça me donne l’air d’être positif comme façon de voir. » Je ne suis qu’à moitié rassurée mais, pour donner le change et parce que je sais que gagner confiance en moi en l’espace d’une soirée. Ces choses là prennent du temps, je suppose.

« C’est un mec, ils sortent tous ce genre de conneries quand ils sont avec des femmes fortes et qu’ils savent pas comment les tenir. Ça pue le mec qui a zéro confiance en lui si tu veux mon avis, t’as pas perdu grand-chose. » Je n’étais pas amoureuse d’Aiden. Je n’étais pas particulièrement attirée par lui, à vrai dire. La seule chose qui m’attirait, c’était l’idée d’être une femme ”comme les autres”, d’avoir une relation dans la norme, sans drama ou tromperie, de rentrer le soir et d’avoir quelqu’un pour m’attendre et me montrer de l’affection. « T’étais pas sa mère à ce que je sache. Être un couple c’est pas materner l’autre. T’as vraiment le chic pour dénicher les connards, toi. » - « J’ai pas été irréprochable non plus, à sa décharge. » Parce que je n’étais qu’à moitié là, la plupart du temps. Parce que j’ai continué à fréquenter Scott, contrairement à ce que je m’étais promis. « C’était plus une illusion de relation qu’autre chose. Mais ça en dit long sur mes repères en termes de couple. » Je n’en ai pas. Je n’ai même pas de modèle parental auquel me raccrocher. Je n’ai pas plus connu Jo en couple, celà dit, et ce en la fréquentant depuis plus de quatre ans. « Mais je suis pas venue pour que tu me donnes des cours. Promis. Ce serait une vraie idée de merdre. » Je lui adresse un sourire de craneuse, avant d’exploser de rire. Ma légèreté est feinte, mes inquiétudes sont toujours dans un coin de ma tête, évidemment.

« Et lui, qu’est-ce qu’il t’a promis ? Hé, je juge pas depuis tout à l’heure, je vais continuer à bien me tenir. » Je secoue la tête, un sourire amusé au coin des lèvres. « D’être avec moi. Et uniquement avec moi. » Et c’est nouveau, ça. « On a discuté un moment. Il m’a laissé poser toutes les questions que je voulais poser, et on s’est rien caché sur ce qu’on avait pu faire et qui on avait pu fréquenter cette année. » Nous nous sommes tout dit ou en tout cas je le crois, même ce qui faisait mal au cœur. « D’être honnête avec moi. Et de faire de son mieux. » Contrairement à ce que les apparences laissent supposer, Damon m’a avoué ne pas avoir plus d’expérience de la vie à deux que moi. « On vit ensemble depuis plus d’un an. La transition est étrange, du coup. On a rien décidé pour nos chambres, mais je dors dans la sienne tous les soirs depuis qu’on est rentrés. » Je n’ai pas délaissé ma salle de bain, mais mon lit est fait au carré depuis notre retour de Bali. « Les boobs. Direct. » Surprise, je ne le suis que l’espace d’un instant. J’entrouvre les lèvres et fini par éclater de rire, avant de la repousser doucement de la paume de la main. « Idiote va. » Sur ce point, je n’ai pas le moindre doute : Damon m’a affirmé et prouvé à quel point il me trouve désirable, ces deux dernières semaines. « T’es forte. Je te l’ai déjà dit et je le pense. Et puis franchement, t’es de bonne compagnie. Je veux dire quand on passe au-dessus de tes choix discutables, t’es plutôt marrante… et attachante, tu donnerais presque envie de te protéger si t’étais pas si cruche. T’es quelqu’un de bien, c’est un motif suffisant pour avoir envie d’être avec toi. Je crois. » Je ne suis pas de ces femmes indépendantes qui crient sur tous les toits qu'elles n’ont pas besoin qu’on les protège, et qu’elles n’ont certainement pas besoin d’un homme pour ça. Que j’en ai besoin ou pas, c’est ce que j’ai toujours recherché, c’est ce que je désire ardemment faute de l’avoir été - protégée par qui que ce soit - en grandissant. La stabilité, la sécurité et le confort sont des choses que je recherche chez un partenaire, autant que son amour et sa dévotion. « Tu peux reprendre ta respiration. Je te demanderai plus de dire des choses gentilles dans les trois prochaines années, c’est promis. » J’ironise plutôt que de montrer à quel point je suis touchée par les compliments de la brune. Pourtant, à voix basse, je lui témoigne malgré tout ma reconnaissance. « Merci… » Je voudrais lui dire que je ne suis pas vraiment persuadée d’être quelqu’un de bien, mais les mots me restent en travers de la gorge. Il s’agit du genre de sujet sur lequel je n’ai pas envie de débattre, pour des raisons évidentes.

« Rien. Il est juste le mec de ma copine. J’en serais une lamentable si je le faisais pas galérer un peu. »
« Tu le faisais déjà galérer bien avant que ce soit mon mec. » Elle n’est jamais tombée dans le panneau, Jo, je ne lui en ai pas laissé le temps non plus. Quelque chose chez elle m’a poussée à accoucher de la vérité à l’instant même où je lui ai annoncé mes fiançailles.

« Hm-hmm. Personne. J’y travaille. » C’est vague, je la soupçonne de l’être volontairement. Mais c’est bien plus que ce qu’elle livre en confession habituellement. Il y a quelqu’un. Quelqu’un qui ne l’a pas pardonné, mais quelqu’un quand même, et qui qu’elle ou il soit, c’est certainement à cause de ça qu’elle a l’air taciturne, la chanteuse. « Je te ferais un point quand je serais certaine d’avoir toutes les cartes en mains pour fêter ma rédemption. Mais là je t’avoue que j’y suis allée vraiment très fort. » - « T’y vas toujours fort. C’est ça le souci. » Ce n’est pas une attaque dirigée contre elle. Nous allons bien, elle et moi, dernièrement. Nous avons cessé de nous déchirer pour des divergences d’opinions. « Fais ton mea culpa si ça en vaut la peine. » Elle n’est pas bien douée dans ce genre d’exercice, mais elle l’a fait avec moi. Suis-je curieuse ? Evidemment. Mais quand Jo a décidé qu’elle ne parlerait pas, il est impossible de lui forcer la main, alors je ne m’y essaye pas. « Tu veux qu’on aille emprunter des tenues dans le vestiaire des primes ? » J’esquisse un sourire, avant de hocher la tête. « Seulement si je peux poster des photos sur insta sans me faire allumer par ceux qui te disent quoi faire. » Les têtes pensantes de l’émission. Oh, Jo doit détester ça, qu’on lui dicte sa conduite.

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Jo Carter & @Megan Williams (crédit gif/falwcll)

Le regard que Jo accorda à Megan lorsqu’elle lui avoua avoir mis fin à sa relation avec Scott juste avant de passer à la casserole à Bali voulait dire à peu près tout et son contraire. Elle avait tendance à se montrer très critique sur ce genre de sujet parce qu’elle, elle se connaissait par coeur, et qu’à défaut d’enchaîner les dates, préférant cent fois faire miroiter des possibilités à ceux qui s’intéressaient à elle pour ne pas avoir à donner de sa personne, mieux servie par elle-même que par les incapables qui se bousculaient à sa porte, elle se savait trop honnête pour verser dans l’adultère. Disons que c'était facile à assurer quand on était seul, et que tout en restant spectatrice des histoires des autres, elle était bien trop sûre d'elle sur ce coup-là. Mais passons. Dans tous les cas, elle évita de revenir sur l’opinion qu’elle se faisait du sujet puisque c’était encore ça le plus important à retenir dans la présente, que Megan avait arrêté ses conneries. Finalement, c’était ce qui comptait.
"Ça sert à rien de ressasser ce que t’as fait de mal. Franchement, ça te fera pas avancer. Le passé, c’est le passé." Encore une fois, c’était elle qui disait ça. Ce n’était pas de l’hypocrisie au demeurant, elle y croyait vraiment sur le moment, ne prenant pas le temps de comparer toutes les situations qu’elle rencontrait d’un point de vue de spectatrice à la sienne — quelle situation d’ailleurs ? Elle roula intérieurement des yeux, se concentrant de nouveau sur Megan.
Camper sur le passé, ça l’aiderait peut-être à ne pas commettre les mêmes erreurs, mais ça Jo n’avait pas besoin de le lui dire. Elle n’était pas idiote Megan, même si à défaut de savoir exactement miser sur ce qui lui faisait du bien, elle avait au moins la présence d’esprit de chercher à s’améliorer, ce qui n’était pas donné à tout le monde, et de ça, Jo pourrait très bien en témoigner "Je te rappelle que j’écris des chansons, connasse." qu’elle lui cracha gentiment au visage lorsqu’elle se défendit d’être venue pour lui demandé des conseils en la matière, sous entendant alors que ses plus beaux textes, elle ne les tenait pas d’histoires qu’elle avait fantasmées — ou si au contraire, mais ce qu’elle ne savait pas ne pouvait pas lui faire de mal après tout.

"Attends une minute, ça veut dire quoi ?" Jo se réveilla soudain — symboliquement parlant, elle n’était pas endormie, trop prise dans le récit de Megan pour lui faire l’offense de piquer un somme. L’une de ses mains barra l’espace qui la séparait de la blonde à ce moment, les traits de son joli petit minois démaquillé se fronçant tous en même temps "T’es en train de me dire que lui aussi s’amusait à aller voir ailleurs jusqu’à récemment ? Genre, Damon ?" Genre, dans quelle version du multiverse exactement ? semblèrent ajouter ses yeux devenus ronds "Si tu me poses la question, j’ai toujours cru qu’il était puceau, et que c’est pour ça qu’il profitait pas de l’occasion sans mentir." Sans mentir, mais quand même un peu, tandis qu’elle avait du blond une image quasi angélique. Putain de cachotier, ouais "Vous êtes tordus, ça me donne l’impression d’être archi-saine à côté. J’aime bien, ça fait monter ma cote d’amour propre, continuez comme ça." Et c’était déjà quelque chose de le penser, mais de le dire, c’était encore mieux, si bien qu’elle en souffla sur la mèche qui lui tombait dans les yeux.
Quand bien même ça la rassurait de savoir que le jeune homme était dans les mêmes dispositions de son épouse, elle devait avouer que ça la laissait un peu perplexe, ce soudain revirement pour devenir monogame. Mais soit. Ne jamais dire fontaine je ne boirai pas de ton eau, c’est bien ça qu’on dit non ? Si laisser le bénéfice du doute n’était pas un de ses paramètres par défaut, Jo était trop touchée par le sentiment de bien-être qui émanait de Megan pour vouloir remettre en doute quoi que ce soit dans le fond. C’était ce qu’elle faisait de mieux d’ordinaire, sauf qu’elle n’en avait pas envie à ce moment-là, ayant appris sa leçon lorsqu'il s’agissait de se montrer tranchante dans sa façon de voir les choses. Autrement dit, même si elle n’en pensait guère moins, ça ne la regardait pas de toute façon "Me tends pas de perche pour faire une sortie salace et m’accuser ensuite d’être vulgaire." lui dit-elle lorsqu’elle lui avoua dormir dans la chambre du jeune homme tous les soirs depuis leur retour d’escapade ; elle ne se défendit pas d’être une idiote, mais elle joua le jeu de la corvée atroce de faire des éloges à la jeune femme comme si elle ne venait pas de le faire sans être forcée de le faire. Ça avait été beaucoup trop naturel pour que ce soit un vrai effort dans le fond "J’ai cru que j’allais perdre ma voix en cours de route. Maintenant ça me brûle d’avoir été si sympa avec toi. De l’eau, vite." Elle ne prit même pas la peine de faire varier les nuances de son ton, disant tout ça d’une voix monocorde alors qu’un clin d’oeil lui échappa lorsque Megan la remercia — et qu’elle ne lui répondit pas autrement que comme ça.

Pas quand Megan campa sur l’impression qu’elle-même avait de ne jamais y aller avec le dos de la cuillère. Le soupir qu’elle lâcha, il était dense, et sa voix était un peu plus aiguë, mais pas vacillante. Elle le fut encore moins qu’elle resserrait étroitement la ceinture de son peignoir en même temps "Je sais." Au moins, elle en était consciente, c’était déjà ça. A défaut de savoir comment faire pour corriger ses erreurs, elle savait au moins qu’elle était une putain d’emmerdeuse — les petite choses, tout ça. Elle reprit sur elle, relevant la tête qu’elle avait baissé en s’accordant aux paroles de Megan, et retrouvant sa posture de diva rutilante lorsqu’elle lui assura, plus pour faire le spectacle qu’autre chose, son menton dressé droit devant elle, et ses cils battant la mesure "Je me fais pas de souci au fond. Je sais que mon charme opérera et qu’un battement de cils suffira." Josephine Ophelia Carter et sa charmante tendance à croire que le monde lui pardonnait ses erreurs parce qu’elle était bonne. Foncièrement, elle n’y croyait pas — sans mentir —, mais ça la rendait attachante de prétendre le contraire, et puisqu’elle ne comptait pas admettre que ça vaudrait le coup effectivement, de faire son mea culpa, comme elle ne comptait pas en dire davantage pour qu’elle la convainc de le faire pour de bon, la proposition qu’elle venait de faire à la jeune femme lui sembla être le seul vrai moyen qu’elle avait de changer de sujet. Fort heureusement, elle accepta, et alors qu’elle revêtait l’une de ses mines malicieuses, elle fit à Megan tout en toupillant sur elle-même pour enfin aller s'habiller "On s’en fout, il faut savoir prendre des risques. Et puis de toute façon, tu crains rien, c’est moi qu’on grondera." Et à bien y regarder, c’était presque comme si cette éventualité en particulier ne lui déplaisait pas autant que ça.

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Megan Williams & @Jo Carter

« Ça sert à rien de ressasser ce que t’as fait de mal. Franchement, ça te fera pas avancer. Le passé, c’est le passé. » Ce n'était pas mal mais j'abandonne l'idée que Jo puisse réellement comprendre l'arrangement tacite qui avait court entre Damon et moi jusqu'à il y a peu. J'abandonne à cause de la voix qui souffle dans ma tête ce n'était pas bien non plus. Non, ça ne l'était pas, parce qu'aucune règle n'avait été définie et aucune autorisation donnée clairement. La preuve, j'ai souffert de ce flou artistique pendant près d'un an. « Je te rappelle que j’écris des chansons, connasse. » - « Tu fais ça toi ? Ça fait longtemps qu'on en a pas vu la couleur si je me souviens bien. » Avec Jo, il est bien trop facile de retomber dans mes vieux travers et de ne communiquer qu'à l'aide de piques et de remarques acides. Et puis après tout, elle m'a tendu une perche plus grande qu'elle, non ?

« Attends une minute, ça veut dire quoi ? » Mes yeux roulent dans leur orbites. Ce n'est pourtant pas bien compliqué, de comprendre ce que ça veut dire. « T’es en train de me dire que lui aussi s’amusait à aller voir ailleurs jusqu’à récemment ? Genre, Damon ? » - « On était pas ensemble Jo. Alors c'est exactement ce que ça veut dire. » Ce n'était pas vraiment aller voir ailleurs puisque nous ne faisions que vivre ensemble et faire chambre à part. Mais dans ce cas, pourquoi ne jamais avoir ramené qui que ce soit à l'appartement ? Pourquoi ne pas avoir clairement établi de règles ? C'est beaucoup plus facile pour moi d'affirmer que la situation était entendue et claire pour nous deux et que personne n'avait quoi que ce soit à se repprocher quand, dans les fait, j'en ai souffert. Je m'attachais à lui, nous nous embrassions parfois en privé et pas qu'en public sans que ça n'aille plus loin que ce genre de marque d'affection, alors non, ce n'était pas simple. « Si tu me poses la question, j’ai toujours cru qu’il était puceau, et que c’est pour ça qu’il profitait pas de l’occasion sans mentir. » J'explose de rire et je secoue la tête. « T'es loin du compte. Et loin de le connaître aussi. » Si j'en crois les rares confessions qu'il m'a faites sur sa vie étudiante, il me semble que l'on peut dire qu'il cache bien son jeu le petit Damon, et qu'il n'a jamais eu froid aux yeux. « Vous êtes tordus, ça me donne l’impression d’être archi-saine à côté. J’aime bien, ça fait monter ma cote d’amour propre, continuez comme ça. » - « C'est différent maintenant. On est vraiment un couple. » Personne ne pouvait s'attendre à ce qu'il ne nous faille pas du temps, une période d'adaptation pour comprendre comme naviguer cette relation, non ?

« Me tends pas de perche pour faire une sortie salace et m’accuser ensuite d’être vulgaire. » - « Je te tends pas de perche, t'imagines ce que tu veux imaginer. » Je hausse les épaules et pince mes lèvres, mon plus bel air innocent sur le visage. Pourtant, il n'y a pas trente-six interprétation au fait de ne pas avoir quitté l'hôtel, je dois bien l'avouer et mon affirmation voulait dire exactement ce que la brune a compris. « J’ai cru que j’allais perdre ma voix en cours de route. Maintenant ça me brûle d’avoir été si sympa avec toi. De l’eau, vite. » - « Je te le redemanderai pas avant au moins cinq ans, t'en fais pas. » Jo est peut-être dure, Jo est peut-être hargneuse et parfois agressive, mais il n'en reste pas moins vrai qu'elle est capable de bien plus de compassion et d'empathie que la plupart des gens le soupçonnent. Jusqu'à il y a peu, je faisais partie de la plupart des gens.

« Je sais. » Je pousse un soupir et l'observe pendant quelques secondes, avant de me risquer à une simple question. « Pourquoi tu le fais alors si tu le sais ? » Pourquoi se montre-t-elle dure, parfois cruelle même si ce n'est pas toujours volontaire, et en tout cas si fermée ? Il faut des années pour percer la carapace de Joséphine Carter. Nous nous connaissons depuis plus de quatre ans, et il y a encore des moments où je ne suis pas tout à fait certaine d'y être arrivée. « Je me fais pas de souci au fond. Je sais que mon charme opérera et qu’un battement de cils suffira. » Je lève les yeux au ciel et pousse un soupir avant de me permettre d'ajouter. « Fais attention à ce que tu dis aux gens auxquels tu tiens Jo. Y'a des gens qui valent la peine que tu te fasses violence. » Parce qu'un jour, battre des cils et compter sur son charme naturel ne suffira plus, parce qu'un jour elle aura blessé quelqu'un trop profondément pour que ce soit possible. Cela vaut la peine de se faire violence, si c'est pour que les gens comprennent à quel point on tient à eux. Ma peur de me retrouver seule m'a appris ça. « On s’en fout, il faut savoir prendre des risques. Et puis de toute façon, tu crains rien, c’est moi qu’on grondera. » - « Mes futurs nouveaux followers te remercient. » Je lui adresse un clin d'oeil avant de me lever du lit, excitée comme une puce à l'idée de découvrir les studios de l'émissions et de me prendre pour l'un d'entre eux, même quelques minutes. « Allez, habille toi et maquille toi. Je veux pas effrayer mes abonnés. » Je lui tire la langue, avant de me diriger vers le miroir de sa chambre pour relever mes cheveux et m'admirer au passage.