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 holding onto little pieces of what remains (rakai #2)

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyJeu 5 Jan 2023 - 23:05

Cela fait probablement la quinzième fois que je débranche mon smartphone de son chargement pour m'assurer que Raphael ne m'a pas écrit de nouveau puis reconnecte l'appareil au courant. Dans l'appartement de Dani, je me sens tel un lion en cage, à parcourir les mêmes mètres de distance inlassablement, mes méninges tournant à vive et étourdissante allure dans ma boîte crânienne. Armé d'une frénésie machinale, je vérifie à intervalle régulier l'heure affichée dans la cuisine avant d'expirer longuement et m'échouer lourdement sur le canapé qui fait office de mon lit depuis quelques semaines.

Je passe mes mains précautionneusement contre mon visage et reprends possession de mon outil de communication. Cette fois-ci, je délaisse Instagram pour voguer sur Whatsapp. Je considère mes conversations avec mes meilleurs amis. L'envie de leur parler de Raphael est ardente néanmoins je me ravise, faute de mots assez abstraits pour décrire le garçon et ce que je ressens à son égard, faut de courage pour assumer ces émotions aussi spontanées à mon cœur qu'interdites à ma raison. Soudain, je réalise que ce stress délicieux qui m'habite en pensant à ma prochaine proximité avec le Elly s'apparente à celui qui m'étreint avant que je ne m'embrase sur les planches sous les traits de Bea. Un fin sourire en coin navigue sur ma bouche à ce constat, aux nuances désolées et songeuses. Il n'est pas encore question que je mêle mon identité à celle de la drag queen que j'incarne, pourtant, encore une fois, auprès de l'australien, je me suis permis d'innovants aveux avec un naturel désarmant. Un soupir franchit la barrière de mes lèvres, je rejette prudemment ma tête contre le dossier du canapé. Je considère quelques instants les tuiles du plafond et en me remémorant les dernières paroles écrites par le danseur, je me redresse et m'enferme dans la salle de bain.

J'ai enfilé une tenue qui se voulait à la fois élégante et décontractée. Le genre qui montre que j'ai produit un effort sans réellement l'assumer parce que clairement, je refuse de ressembler à un plouc face à ma prochaine compagnie mais je ne souhaite pas avoir l'air de celui qui en a trop fait. Je croise mon regard en amande en me ressassant que, dans quelques dizaines de minutes, j'entamerais mon premier date officiel avec un garçon. A cette idée, mon cœur s'emballe dans sa cage, comme un oiseau qui découvrirait enfin ses ailes et s'autoriserait à les déployer comme elles le mériteraient. Mon seul regret repose sur mon épiderme marquée par mon agression survenue en début de mois de décembre. J'ai hésité à user de mes talents en maquillage pour subtiliser ces traces indésirables par quelques artifices cependant, inavouablement, j'aurais eu le sentiment d'être malhonnête envers Raphael et je préférais encore arborer ma face altérée plutôt que lui dresser un mensonge.

Sauf que mon regard est intensément critique vis-à-vis de mon portrait. Je me mordille la lèvre inférieure pendant que je trace du bout de mon index l'hématome encerclant mon œil puis le violet soulignant une de mes pommettes. L'arrête de mon nez est barrée d'une coupure récalcitrante et le subterfuge de ma barbe de quelques jours s'évertue à dissimuler une ecchymose à ma mâchoire et l'hématome bordant ma lèvre inférieure. Je me console sur le fait que toute enflure a disparu, que mon œil jadis blessé n'est plus injecté de sang. Je porte simplement quelques nuances peu réjouissantes. Je malmène le col de ma chemise comme s'il y avait un angle magique qui voilerait également les marques dans mon cou qui laissent deviner la poigne qui s'y est refermée et témoigne de la semelle qui s'y était acharnée. J'inspire profondément, plisse les yeux avant de m'asseoir sur le rebord de la baignoire. Ma raison domine sournoisement quelques instants mon organisme à m'en glacer le sang. Sans doute est-ce une erreur de rencontrer Raphael ce soir, dans cet état-là. Je martyrise nerveusement mes doigts, dont les jointures sont indemnes, preuves que je n'ai porté aucun coup, sans réellement en extraire une fierté. Je me juge honteusement naïf d'avoir pensé que l'absence de violence m'aurait épargné subir ces offenses. Je me mordille la langue, fixe l'emplacement sur mon crâne où quelques points de suture sont cachés par mon cuir chevelu d'ébène. Je résiste à la tentation de demander conseil à l'un des five et je me ravise de nouveau, conscient que je cherche surtout des raisons pour faire faux bond à Raphael alors que je crève d'envie de le revoir.

Je reviens au canapé-lit. Les cadeaux sont empaquetés, je me force à ne pas penser qu'ils sont ridicules, qu'ils sont inadéquats. Je m'incite à être moi-même, après tout, c'est ce que j'aime avec le Elly : il me donne l'impression que je suis correct comme je suis. Je lève les yeux vers la pendule et me raidis, constatant que je suis en retard sur l'horaire que je m'étais fixé. Je ne compte pas me présenter à dix-neuf heures piles devant le logement du garçon mais je ne veux pas non plus être irrespectueusement à la bourre. J'attrape mon téléphone et ma veste, je fourre les présents dans un sachet en papier, me disant qu'au pire, si je change d'avis, j'en laisserais sur la route. La brise estivale m'enlace alors que mes pas martèlent l'asphalte.  Mon cœur bat la chamade, de hâte mais aussi d'appréhension parce que sortir à l'orée de la nuit me fait encore frissonner. Peut-être qu'il est trop tôt. Je ne suis jamais vraiment sorti seul depuis.

Je ne peux pas me faire attaquer en Kai, je me répète à chaque mètre, les poings serrés dans mon blouson. Ca sonne comme une prière, un moto, une incantation et une fois que ma localisation correspond à celle envoyée par Raphael, je me fige, réalisant à quel point mon souffle est saccadé. Un juron en portugais s'extrait de ma bouche, je lève les yeux vers l'immeuble. Un nouveau juron, je vérifie n'avoir reçu aucune notification, je porte mon regard sur le sachet en papier. Mes épaules s'affaissent tandis que je m'encourage mentalement. T'as vécu pire, je me lance. Je fronce les sourcils, rappelant : c'est pas une mauvaise chose. Mes doigts pianotent sur le clavier électronique.

kai_
Je suis en bas de chez toi

Envoyé à 19:05


« T'as dit que tu ne me dévisagerais pas, » je déclare dès qu'une silhouette s'approche, sur un ton qui se voulait malicieux. S'il savait à quel point ses paroles m'avaient fait du bien et m'avaient encouragées, avaient fait battre mon cœur de cette façon dont seul Raphael qui me surprend a le talent.

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyVen 6 Jan 2023 - 2:13

Rouge et bleu. Non. Violet et blanc. Non, non, non, non. Vert et jaune ! Parfait. Des couleurs estivales qui rappellent la limonade. Pendant un instant, alors que Raphael exerce toute sa concentration à l’application de vernis sur ses ongles fraîchement trimés, il oublie la raison pour laquelle il se pouponne.

Puis, lorsqu’il observe son œuvre dont il est parfaitement fier parce qu’il a réussi à ne faire dépasser aucun trait, il se souvient, et ce souvenir lui tombe dessus comme un énorme poids lui retournant l’estomac. Il court à la salle de bain, se suspend au-dessus de l’évier, et bien que la nausée le prend ainsi depuis plusieurs heures déjà, il sait qu’il ne vomira pas. Il n’a absolument rien mangé de la journée, faute de trouver un brin d’appétit à travers son anxiété.

Et, pourtant, Kai n’a rien de ses cauchemars. Il l’écoute avec ses oreilles mais aussi avec ses yeux, accompagne ses questions d’un intérêt aucunement pailleté, complètement naturel, tout comme sa personnalité. Aucun jugement. Aucun rire déplacé et, surtout, un regard qui s’accroche au sien pour le sortir de son trou.

L’une de ses colocataires lui demande s’il va bien. Il ment. Prétend qu’il a mangé quelque chose de périmé et que son corps lui fait regretter. Elle le croit et, même, elle lui propose de lui apporter un verre d’eau avec de la glace ; une offre qu’il refuse parce qu’il n’y a que Kai qui sait comment il aime son verre d’eau – oui, bon, la recette n’est pas bien compliquée. La vérité, c’est que Raphael n’a aucunement envie d’être accompagné dans la salle de bains alors qu’il lutte contre un énième haut-le-cœur qui ne se conclue pas. Il lâche un soupir. Insulte son reflet dans le miroir parce que sa tempe est rougie par l’irritation, ses lèvres sont gercées par tout ce stress qui lui assèche la gorge. Il avale un peu d’eau, plaçant directement sa bouche sous le filet d’eau du robinet. Puis, il se souvient le miroir brisé en mille morceaux et il sort des toilettes rapidement pour laisser son hantise derrière lui.

Après avoir jeté cinq coups d’œil à son téléphone, et après avoir hésité cinq fois à annuler la soirée, il finit par trouver assez de force pour ouvrir son tiroir à chemises duquel il extirpe trois modèles différents qui le font longuement hésiter. Il choisit celle décorée de motifs rappelant le vitrail d’une Église et, sans surprise, la couleur ne se raccorde pas à ses ongles limonades. Tant mieux. Il enfile un pantalon beige fermé au niveau des chevilles ainsi qu’une paire de chaussettes noires… NON. Grises. Grises c’est mieux. Quand il se redresse de son lit, dans lequel il s’était étendu pour contempler le plafond ainsi que les minutes qui s’écoulent à vue d’œil, il attrape sa trousse de fars à paupières et s’immobilise en constatant que sa main est trop tremblante lorsqu’il l’approche de son œil. Il inspire doucement, expire doucement. Regarde à nouveau son reflet, évite de constater pour la deuxième fois la présence d’une plaque d’eczéma à la commissure de son sourcil, s’insulte, c’est inévitable, lâche deux ou trois larmes qu’il essuie honteusement. Des larmes tristes ou heureuses, il ne pourrait en être certain. Coup de poing dans son oreiller en forme de cupcake (un cadeau qu’il a reçu), encore une fois, insulte, crise de panique.

Il a peur. Terriblement peur. Mais, en même temps, l’excitation se mélange à toutes les émotions enflammées qui le traversent. Un garçon. Ce n’est pas son sexe, le problème. C’est l’autre personne qu’il lui rappelle. Quel hasard ; les deux prénoms commencent par la même lettre. Kieran… Kieran...? Kie… Ki… Kai…? PUTAIN DE MERDE. « FUUuUUUuUuCCkKK !!! » Silence, il se mord l’ongle, regrette aussitôt en se tachant les dents de vert lime. « Désolé ! J’ai vu un perce-oreille ! » Qu’il lance à voix haute afin d’informer ses colocataires qui l’ont certainement entendu beugler comme un enfant. Nouveau silence – aucune réponse. Peut-être qu’elles se fichent bien de la crise d’adolescence qui se produit dans la chambre de Raphael.

Il retourne à son miroir. Choisi de l’or, parce que l’or c’est brillant, c’est heureux, c’est riche. Avec un peu de chance, l’or arrivera à camoufler les maux de Raphael, qui ne souhaite pas les transmettre au jeune homme qui le rejoindra dans à peine trente minutes. Et, justement, le temps passe tout comme la troisième insulte qu’il s’adresse, et le téléphone dans sa poche vibre. Le monde cesse de tourner, il se fige comme un bloc de glace. D’une main lente, il attrape l’appareil et son cœur fait un bond dans sa poitrine quand il lit le message que Kai lui a envoyé. Il est en bas de chez lui.

Il est là. Devant la porte d’entrée, il fait patienter le cupidon qui s’est planqué derrière un cadre posé sur l’un des murs de l’appartement. Il se pratique à sourire, bien que rien ne paraisse vrai. Il veut être heureux, mais l’or sur ses paupières l’est à sa place. C’est compliqué, de faire un premier pas en dehors de sa zone de confort. Ses chaussures sont effritées, ses jambes épuisées. Mais il l’ouvre, la porte, et aussitôt qu’il croise le regard de Kai, c’était comme si un ange venait l’enlacer de ses ailes. La chaleur lui monte aux joues, exactement comme elle le faisait au bar, et il esquisse un sourire bien plus authentique que toutes les tentatives. Ce n’est pas l’angoisse qui le plante là, mais la timidité et, surtout, la fébrilité.  « T'as dit que tu ne me dévisagerais pas, » Oh, certes, il s’était perdu dans la contemplation des traits du jeune homme, mais il ne regardait pas le violet et le bleu qui coloraient ses yeux pas de la même façon que l’or colore les paupières de Raphael. Seulement maintenant qu’il le dit, il y repense, à cette incarcération qui a eu lieu. Il a honte de voir la fissure séparant le cartilage de son nez, mais elle est là, et il ne peut pas l’ignorer. « Je ne te dévisage pas. » Il dit enfin, redressant ses yeux vers les siens, son sourire plus enjoué. « Tu… Tu… » Es beau. Bien habillé. Resplendissant malgré les blessures. J’ai envie de tuer ces gens qui t’ont fait ça. « Tu es là. » Oui, en effet. Il est là. « Eum, pardon, pardon, viens, entre. » Qu’il lâche en se poussant sur le côté, replaçant ses cheveux vers l’arrière, vérifiant discrètement son haleine – c’est bon, il s’est brossé les dents au moins trois fois depuis quinze heures. « Mes colocataires sont dans leur chambre alors je crois qu’on peut voler quelques trucs à la cuisine avant de se cacher. » Il bredouille en se dirigeant vers la cuisine, revenant aussitôt sur ses pas, maladroit : « Tu peux laisser tes chaussures dans le tas de chaussures à droite. » Il lui propose en pointant la fameuse pile de souliers. « Et… Et eum, fais comme chez toi ! J’habite ici depuis seulement quelques semaines alors moi-même j’ai l’impression de ne pas connaître le coin par cœur. » Les odeurs ne lui sont toujours pas familières et ne se sont pas encore collées à ses vêtements. Non. Il sent encore son ancienne colocation. « Tu veux quelque chose à boire ? J’ai trois sortes de jus, de l’eau pétillante, un smoothie chelou tout vert, du lait d’avoine, d’amande, de l’eau ou… » Son regard s’attarde sur l’armoire au-dessus du four. « Des trucs un peu plus… forts, si on veut. » Alors, Kai ? As-tu l’intention de rester à jeun ce soir ?

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyMer 18 Jan 2023 - 3:30

Raphael pénètre à pas feutrés dans mon champ de vision, touché par la lueur de l'astre lunaire. Mes paroles se sont envolées quelques secondes plus tôt, lui rappelant, avec crainte d'un éventuel recul ou rejet, qu'il m'avait indiqué par messages interposés qu'il ne me dévisagerait pas lorsque je l'avais prévenu que j'arborais malgré moi quelques hématomes et ecchymoses ; néanmoins, sa réponse et son attitude vis-à-vis de mon allure m'importent soudainement peu alors que je suis celui qui le couve éhontément du regard. Un sourire étire spontanément la commissure de mes lèvres, teinté d'une sincérité qui m'était bannie durant les deux dernières semaines ; un rictus dont j'avais presque oublié le goût et la forme tant je m'étais forcé à sourire à mes proches depuis mon agression pour gommer les soucis qu'ils pouvaient entretenir à mon égard. La simple vision du Elly, toutefois, fait éclore en moi cette félicité qui fait écho jusque sur mon portrait et avide, mon regard prend précieusement note de ses cheveux à mes yeux un peu différemment coiffés, ses paupières parées d'or, cette petite rougeur surplombant son sourcil, sa chemise aux couleurs excentriques, ses ongles verts et jaunes, son pantalon beige en joute avec ses chaussettes grises. A mesure que je le décris, mon rictus s'élargit, mon regard pétille. J'inspire profondément l'air humide de cette soirée et depuis le début du mois de décembre, c'est la première fois que je me sens aussi bien, autant à ma place, autant en sécurité parce qu'auprès de Raphael, je me sens libre d'être qui je suis et je m'autorise enfin à exister sous mes vraies couleurs.

« Je ne te dévisage pas, » il assure et sa voix m'enveloppe, ramène mon regard directement au sien. Nos pupilles se croisent, mon cœur manque un battement. « Tu… Tu… Tu es là. » Je me demande sérieusement si j'ai atteins la largesse maximale de mon sourire mais celui-ci me paraît toujours s'accroître. J'avais tant redouté sortir de chez Dani où j'avais élu domicile cet hiver, j'avais tant craint faire cette route jusque Redcliffe. J'avais suivi mon cœur, comme très rarement je me le permets, et Dieu que je ne le regrettais pas. Je suis là, Raphael, et c'est ma plus belle décision du mois. « Une preuve de plus comme quoi je ne te dis pas de mensonge, » je fais avec malice. « Eum, pardon, pardon, viens, entre. » Le garçon se décale dans l'encadrement de la porte et je m'exécute à passer devant lui, l'observant du coin de l'œil mettre de l'ordre à ses cheveux que j'imagine doux et surtout, que je convoite un jour caresser, avec son autorisation. « Mes colocataires sont dans leur chambre alors je crois qu’on peut voler quelques trucs à la cuisine avant de se cacher. » Se cacher. Si certains pouvaient considérer cette nuance alarmante, pour ma part, j'y adhère avec une sensation de jeu serein. Être discrets, voire secrets, avec le Elly me convient parfaitement. Je ne souhaite pas le partager avec ses colocataires et même si je ne porte aucun jugement sur ceux-ci, je favorise un comité très réduit ce soir - de deux individus. « Tu peux laisser tes chaussures dans le tas de chaussures à droite. » Mon regard se rive sur le dit amas de souliers. Je me déchausse rapidement, range mes chaussures dans un coin du tas, là où je pense qu'elles seront peu visibles, suivant soigneusement la dynamique des cachotteries. « Et… Et eum, fais comme chez toi ! J’habite ici depuis seulement quelques semaines alors moi-même j’ai l’impression de ne pas connaître le coin par cœur. » Les questions fusent déjà dans mon esprit et je suis convaincu que cela paraît sur mon visage. « Tu veux quelque chose à boire ? J’ai trois sortes de jus, de l’eau pétillante, un smoothie chelou tout vert, du lait d’avoine, d’amande, de l’eau ou… » Je suis mon hôte dans la cuisine et alors que celui-ci me fait l'inventaire des boissons disponibles, je me plais à y évoluer discrètement, curieux du moindre détail de ce nouvel environnement, me retenant difficilement de ne pas toucher à tout. « Des trucs un peu plus… forts, si on veut. » Je suis le regard du trentenaire fixant l'armoire au-dessus du four. Un sourire en coin s'invite sur mes lippes, je m'adosse au comptoir, les mains dans mon dos, mon sachet de carton accroché à l'un de mes doigts, soumettant : « Tu ne m'avais pas parlé de mojitos ? Je peux nous en faire, si tu veux. » Mes prunelles continuent d'étudier la cuisine, notant les différents éléments et ingrédients à découvert. « Et si tu penses que tu vas assez mieux pour ça, » je me rappelle et me soucie des maux qu'il m'avait décrits plus tôt. « Tu es très élégant, » je complimente doucement, n'élevant jamais ma voix au-dessus du chuchotement, de peur d'attirer les colocataires desquels nous devrions nous cacher. « J'aime beaucoup, » je confesse en désignant l'entier de Raphael en orientant mon regard de ses cheveux à ses chaussettes grises. « Le doré te va très bien, » et sa chemise, et ses ongles, et ses cheveux derrière son oreille... Le Elly est parfaitement unique et rien n'est plus beau. Je me mordille discrètement la lèvre inférieure, songeant que j'aimerais voir toutes les couleurs possibles sur ses paupières, je voudrais des tas de rendez-vous à venir pour toujours être surpris de quelle couleur Raphael soulignera ses yeux. « Est-ce que toi ou un de tes colocs est végan pour avoir du lait d'avoine et d'amande ? » Je demande curieusement. J'ai conscience que ce n'est pas nécessaire de suivre un régime spécial pour disposer de tels rafraîchissements mais la présence de ces deux laits m'interpellent. « Vous êtes combien ? Ce sont tes amis ? » J'enchaîne. Vu le tas de chaussures, j'aurais tendance à penser qu'ils sont au moins quatre, mais je ne peux que présumer des affections pour les chaussures des personnes vivant dans cet appartement. « Tu... Aimes le coin ? » Je continue, ayant tiqué sur le fait que mon interlocuteur avait indiqué habiter ce logement depuis peu, quand bien même je me souvenais qu'il était de Brisbane. Cela attisait forcément ma curiosité et j'étais intéressé de savoir d'où il venait pour investir une colocation de la sorte. « T'es pas obligé de répondre à tout, » j'assure avec un sourire désolé, me rendant compte que je le mitraillais de nouveau d'interrogations, dont certaines avec un potentiel houleux, propulsé par mon intérêt vif pour le garçon. « Tu... » m'as manqué, les mots se contorsionnent dans ma gorge. « Je suis vraiment content qu'on se revoie. » Un bref et discret rire, gage de mon bonheur, franchit la barrière de mes lèvres. Mon regard, préalablement éteint, était désormais animé d'entrain et de joie et il n'avait fallu que quelques secondes auprès du danseur pour que mes maux, mes craintes, mes doutes deviennent futiles face à lui.

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyVen 10 Fév 2023 - 23:36

Il est là. Il est là. Un garçon est là, au cadre de sa porte, bien vivant, en chair et en os, six pieds et quelques centimètres – plus si la longueur de ses cheveux relevés en vague vers le haut compte. Pendant un instant, c’était comme si Raphael avait avalé sa langue : il passe plusieurs secondes à le dévisager, Kai, mais pas parce que son visage est taché par la haine d’autrui mais parce qu’il n’a pas changé d’avis comme l’autre a voulu le faire avant de se ressaisir à la dernière minute. Ce doit être la première fois de sa vie que Raphael ne prétend pas être malade jusqu’au bout. Il a eu peur de le rejoindre en public – de sortir, surtout, puisqu’il n’avait pas encore rechargé entièrement sa batterie sociale – mais il a trouvé une solution qui, il espérait, pouvait autant plaire à son partenaire de la soirée. Ainsi, ils passeront du temps dans cet appartement où loge le danseur, bien qu’il ne soit pas encore un habitué des lieux. Il lui arrive encore de trouver des hangars ou des trappes bizarres de temps en temps, puis il oublie d’en noter l’information dans sa tête, et il retombe dessus le jour suivant, toujours aussi surpris et hébété. « Une preuve de plus comme quoi je ne te dis pas de mensonge, » Il pourra donc apprendre à Raphael l’honnêteté puisqu’il n’est pas expert en la matière. Il ne veut jamais blesser mais, parfois, une situation l’angoisse tant que la concoction d’un mensonge devient nécessaire pour qu’il ne tombe pas dans les pommes.

Bien rapidement, surtout conscient d’être en plein milieu du chemin, Raphael se pousse sur le côté et invite Kai à entrer. Aussitôt, il se met à parler, parler tant, parler encore plus, parce que les silences et les malaises l’insupportent. Il devient un guide touristique aux yeux d’un Kai qui a à peine le temps d’analyser l’information qu’il en reçoit des dizaines d’autres. Son monologue se clôture sur une question et toute l’attention est rivée vers celui qui doit choisir de quoi se noyer le gosier, ce soir. « Tu ne m'avais pas parlé de mojitos ? Je peux nous en faire, si tu veux. Et si tu penses que tu vas assez mieux pour ça, » Par automatisme, il se met à opiner du chef, laissant ses mains se balancer autour de lui comme s’il réfléchissait à une question dont il connait déjà la réponse : « Ouaip. On a sûrement tous les ingrédients, sauf la menthe, peut-être… » Une remarque qui le propulse vers le réfrigérateur alors qu’il y plonge la tête pour mieux se cacher. Il prolonge les recherches inutilement, faisant claquer sa langue contre son palet comme un père prêt à annoncer à son fils qu’il n’y a plus de bonbons d’Halloween parce qu’il les a lui-même dévorés pendant la nuit. « Nope, pas de menthe. » Il conclue en s’extirpant de la porte pour reposer ses yeux timides sur Kai, celui-ci occupé à analyser son accoutrement, son visage, certainement le doré à ses yeux, qu’il a posé avec coquetterie. « Tu es très élégant, » Le rire qu’il lâche est incontrôlable mais il dissimule à nouveau son visage dans l’électroménager afin de récupérer les ingrédients nécessaires pour la fabrication de mojitos. C’est bien la seule boisson dont il connaît la recette. Balançant le club soda sur le comptoir, il empêche un second rire de s’échapper de sa gorge quand Kai complimente la ligne brillante sur sa paupière. « Merci… » Il ne pourra jamais accepter un compliment sans détourner les yeux, sans rougir du petit orteil à son cuir chevelu, surtout parce qu’il n’est pas prononcé par sa grand-mère mais plutôt par un garçon bien plus beau que lui. Au fond de lui, il n’arrive pas à le croire. Pourtant, Kai lui a déjà informé qu’il ne mentait jamais.

Étrange.

« Tu vas ruiner mon look si tu continues à me complimenter comme ça. Je vais me mettre à transpirer comme une fontaine. » Berk. Pourquoi a-t-il dit ça ? « Euh… Ça sonnait moins dégoûtant dans ma tête. Désolé. » Il s’excuse aussitôt, tétanisé, se précipite vers le four pour atteindre l’armoire au-dessus contenant toutes les boissons alcoolisées de cet appartement. Il aurait dû le complimenter en retour plutôt que de se la jouer humoriste amateur. « Est-ce que toi ou un de tes colocs est végan pour avoir du lait d'avoine et d'amande ? » Lèvres pincées, il réalise qu’il ne connait même pas la réponse à sa question. Quoique… « Je ne crois pas. Peut-être ? Je leur demanderai… » Puis il réalise qu’il souhaitait probablement connaître la réponse pour lui parce que c’est lui qu’il est venu voir, ce soir, par ses deux colocataires. « Je ne suis pas végan. J’ai toujours fait du sport alors j’ai rapidement été habitué à un régime carnivore, et le lait au chocolat est un produit miracle après une séance, crois-moi ! » Et il réalise seulement maintenant qu’il n’a pas énuméré cette boisson parmi toutes les autres disponibles. « Et toi tu… Tu… » Ça ne l’intéresse pas particulièrement de savoir s’il est végan. Il n’en connait pas beaucoup à ce sujet. « Tu fais du sport pour garder cette shape ? » Une autre manière de dire qu’il est bien sculpté – même s’il n’a rien vu en-dessous de ce t-shirt. Les ingrédients tous rassemblés sur le comptoir, Raphael s’éloigne de quelques pas et les désigne afin de laisser à Kai l’honneur de réaliser sa magie.

« Vous êtes combien ? Ce sont tes amis ? » Mathématiques… « Tu... Aimes le coin ? » Il hausse les sourcils, surpris par sa rapidité. « T'es pas obligé de répondre à tout, » Il rit à son tour puis secoue la tête. « Ça ne me dérange pas. Tu es juste… Très, très, très rapide. Mon cerveau ne va pas aussi vite. » Notamment parce qu’il concentre toute son énergie dans son apparence, sa posture, la position de ses mains dans l’espace. « Nous sommes trois et, oui,  avant que tu le demandes, c’est hors de mon budget. » Parce que l’appartement est grand, sa chambre aussi mais, heureusement, il s’est trouvé un emploi récemment. Il ne pourra jamais s’offrir un diamant mais le salaire n’est pas si terrible. « Je ne connaissais pas les deux colocataires avant mon arrivée, non. On s’entend plutôt bien. Il n’y a pas encore eu de bagarre au milieu du salon et personne ne touche à mon shampoing, ce qui est une bonne nouvelle. » Il ricane, observant les mains habiles de Kai s’atteler à la tâche, empoignant une bouteille après l’autre, versant un peu de sirop, de lime, et ils peuvent bien rapidement trinquer à leur santé et avaler une première gorgée qui étonne le palais de celui qui n’est pas encore habitué à l’alcool. « Ouuuuf. Tu as mis deux doses d’alcool ou c’est moi qui suis beaucoup trop fragile ? » Il demande déjà hilare – effet placebo qui vient dès le premier contact des lèvres avec la boisson.

« Tu... » Il se crispe, attend. « Je suis vraiment content qu'on se revoie. » Son sourire miroite le sien. Ses yeux pétillants aussi. Il replace (encore) ses cheveux derrière ses oreilles, avale une seconde gorgée. « Moi aussi. Désolé d’avoir presque annulé. » S’il avait le courage de le faire, il lui dirait qu’il n’a jamais été malade, qu’il était simplement intimidé de le revoir, cet homme extraverti qui le sort de sa zone de confort. « Viens, avant qu’une des filles décide de faire un tour dans la cuisine. » Il propose à voix basse, faisant signe à Kai de le suivre jusque dans sa chambre, dans laquelle il s’enferme avec lui, claquant doucement la porte, sans soulever la poussière ou réveiller les mouches. Puis, seulement maintenant, il réalise qu’il a fait entrer quelqu’un dans son intimité. Aux premiers abords mal à l’aise, il finit par inspirer et expirer calmement pour ralentir la course de son cœur en panique. « Je n’ai pas encore de chaise… » Il réalise, à voix haute. « Probablement parce que cet appartement dépasse mon budget. » Il pouffe, ayant maintenant déniché la meilleure raison de toute. Il pourra blâmer tous les manquements sur cet appartement trop dispendieux pour lui. « On peut se mettre sur le lit… Former une barrière avec les oreillers contre le mur et… » C’est trop compliqué. Kai choisira la position dont il a envie, il est assez grand pour ça. « Ou alors, fais comme tu le sens, il est bien assez grand pour nous deux. » Au moins, il a bien aplatit les draps et la pièce a été rangée malgré les quelques boîtes de déménagement qui traînent encore sur le coin du mur. Le seul hic (et point positif pour Raphael) c'est que l'endroit n'a pas encore été emménagé à son goût alors les murs sont dégarnis et les armoires délabrées. Il n'y a que son coffret de maquillage qui traîne près de l'oreiller (il ne l'avait pas mis ailleurs ???) et son garde-robe rempli à ras bord de toutes ces chemises vintages plus laides les unes que les autres.

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptySam 25 Fév 2023 - 23:08

Le tambour de mon cœur produit un rythme des plus bienheureux tandis qu'un sourire demeure imperturbablement accroché à mes lippes. Mes pupilles décrivent chaque centimètre carré qui composent Raphael que je me plais à redécouvrir, de sa coiffure à son maquillage à sa tenue sans oublier ses manies, ses manières, ses expressions ; et lorsque je cesse de le contempler de dos pendant qu'il me guide innocemment vers la cuisine de son appartement, mon attention rebondit sur le décor du logement. Le garçon me présente avec une richesse de détails la situation : la stratégie des chaussures, ses colocataires, son emménagement récent, le contenu du frigidaire ; je note tout dans un coin de ma mémoire, capable de rester silencieux le temps de ces quelques pas, et je reprends la parole pour proposer que je nous fasse des mojitos, comme évoqué lors de nos conversations par téléphones interposés.

Nouvelle impudique session d'observation de Raphael alors que ce dernier se concentre sur le frigidaire à la recherche de menthe. Mon cœur effectue des soubresauts et lorsque je croise de nouveau son doux regard, je formule le compliment qui me brûle les lèvres depuis que j'ai porté mes yeux sur sa silhouette ce soir. Il est très élégant, et l'expression me paraît faible quand j'admire sa chemise, son pantalon, ses chaussettes, sa coiffure, ses ongles peints, ses paupières fardées. J'aime tout, absolument tout, et pas que ce que je perçois en surface. Le danseur me répond par un rire qui accentue mon rictus et le contact visuel se rompt lorsque son visage s'oriente de nouveau vers l'intérieur de l'électroménager. « Merci… » Il souffle en déposant les différents ingrédients sur le comptoir et je m'approche, prêt à nous concocter nos cocktails festifs.

« Tu vas ruiner mon look si tu continues à me complimenter comme ça. Je vais me mettre à transpirer comme une fontaine. » Je pouffe légèrement tout en dévissant la bouteille de club soda. « Euh… Ça sonnait moins dégoûtant dans ma tête. Désolé. » Je hoche la tête en signe de dénégation, dans l'objectif de lui faire entendre de cette manière de ne pas s'en soucier. Je lève ensuite mon regard vers mon interlocuteur. « J'espère ne pas te forcer à te transformer en fontaine, mais rien que pour te faire rire comme je l'ai fait, je risque fortement de désirer continuer, » j'avoue, la malice luisant au creux de mes pupilles. « Du genre, j'aime beaucoup te parler sur Instagram mais te parler en face à face présente aussi des avantages non négligeables. » Mes prunelles couvent son minois. « T'as déjà sauté tout habillé dans un lac ? » Je demande curieusement, l'image d'un Raphael en tenue imbibé se superposant à celle de la fontaine. Cette vision ne me déplait assurément pas, par ailleurs, mais le jeune trentenaire se dérobe vers les buffets et j'enchaîne sur les différents laits reposant dans la portière du réfrigérateur. « Je ne crois pas. Peut-être ? Je leur demanderai… Je ne suis pas végan. J’ai toujours fait du sport alors j’ai rapidement été habitué à un régime carnivore, et le lait au chocolat est un produit miracle après une séance, crois-moi ! » Je hausse les sourcils, mon intérêt aguiché. « J'aime beaucoup le lait au chocolat pour me remonter le moral, » je confesse. « Et toi tu… Tu… Tu fais du sport pour garder cette shape ? » Un sourire en coin. « Tu l'aimes, cette shape ? » J'ose demander sur un ton qui se veut plaisantin dans une stratégie de démontrer à Raphael qu'il n'est pas obligé de répondre. « Je fais beaucoup de sport mais ce n'est pas tant pour garder cette shape. C'est plus pour... M'aérer l'esprit. » En réalité, je faisais du sport car en pleine discipline, je contrôlais mieux mon hyperactivité et elle s'avérait ainsi moins étourdissante. En somme, solliciter mon organisme physiquement me procurait une pseudo pause cérébrale salutaire. « Tu fais quoi comme sport, à part la danse ? » J'interroge avec avidité.

Tout en me concentrant sur les verres, d'autres interrogations franchissent la barrière de mes lèvres sans ménagement. Je m'en rends compte au bout de la troisième et me stoppe dans mon mouvement, le temps de croiser le regard de ma compagnie et de lui préciser qu'il n'est pas obligatoire de répondre à toutes mes questions. « Ça ne me dérange pas. Tu es juste… Très, très, très rapide. Mon cerveau ne va pas aussi vite. » Une sensation de chaleur m'envahit quand il me répète que mes questions ne le dérangent pas, similaire à celle qui incomberait aux plus beaux compliments qu'il pourrait m'offrir. « Il va moins vite quand je fais du sport, » j'explique timidement, armé de l'envie d'expliciter davantage à Raphael les bienfaits du sport sur mon cerveau - comme le lait au chocolat sur mon moral, comme lui sur ma personne entière. « Nous sommes trois et, oui, avant que tu le demandes, c’est hors de mon budget. Je ne connaissais pas les deux colocataires avant mon arrivée, non. On s’entend plutôt bien. Il n’y a pas encore eu de bagarre au milieu du salon et personne ne touche à mon shampoing, ce qui est une bonne nouvelle. » J'affiche une mine optimiste. « C'est téméraire, ça, d'emménager dans un appartement sans connaître tes colocataires au préalable, » je remarque. « Ils avaient posté une petite annonce et tu y as répondue ? » Je demande, tentant de me jouer la scène, une partie de mon esprit focalisée sur le shampoing de mon interlocuteur, celui qui rend ses cheveux qu'il glisse ici et là derrière son oreille d'apparence si soyeux et si doux et que j'imagine parfumés d'aloe vera. Cette plante possède effectivement énormément de vertus et de bienfaits, j'imagine Raphael capable d'apaiser les brûlures comme celle-ci. En tout cas, c'est ce qu'il fait avec moi. En sa compagnie, mes angoisses, mon désamour, mes mauvais souvenirs, mes propres violences se taisent, pansées solidement par ce sentiment de bien-être que le jeune homme me procure. A ses côtés, je me sens bien, je me sens libre d'être qui je suis. Je me sens en sécurité.

Le cocktail terminé, j'en tends un fièrement à mon hôte. Nous trinquons et nos lèvres trempent dans le rafraîchissement. « Ouuuuf. Tu as mis deux doses d’alcool ou c’est moi qui suis beaucoup trop fragile ? » Je me mordille la lèvre inférieure. « C'est souvent l'effet de la première gorgée, » je tente de rassurer, mais le Elly est hilare et ma mine est réjouie. « Je peux t'en faire un moins fort, » j'offre doucement, à contrecœur, parce que je refuse sincèrement qu'il cesse de rire ainsi. A chacune de ses notes hilares, mon cœur se gonfle, et finalement, mon bonheur de le retrouver s'échappe : « Tu... Je suis vraiment content qu'on se revoie. » « Moi aussi. Désolé d’avoir presque annulé. » Mon sourire atteint sa capacité maximale, j'en suis convaincue, j'en aurais presque mal aux maxillaires. Je bois une nouvelle gorgée du mojito, euphorique, tout en hochant la tête à la négative, lui signifiant qu'il n'avait pas à être désolé. « T'en fais pas pour ça. Je suis surtout content que tu te sentes mieux. » Et d'être ce soir avec toi. « Viens, avant qu’une des filles décide de faire un tour dans la cuisine. » Je suis docilement Raphael qui me conduit jusque sa chambre. La porte se referme derrière lui et accompagné du bruit du loquet qui se faufile dans son interstice, mon cœur manque un battement.

Sa chambre. Je ne suis pas parfaitement certain de comment je me sens entre ces quatre murs. Mes pupilles bondissent d'un détail à un autre, frénétique, quand bien même la pièce est plutôt impersonnelle. Mon rythme cardiaque s'accélère. Une partie de moi est comblée d'avoir été convié dans ce que je soupçonne être le cocon de Raphael, lui qui m'avait confié être casanier. Dans cette pièce, nous sommes à l'abri des regards indiscrets et peut-être que cela me fait peur d'être seul avec un garçon que j'apprécie, sans réelle échappatoire ni l'accès à un n'importe qui que l'on retrouve dans les lieux publics. Mes doigts triturent nerveusement l'anse du sachet contenant les cadeaux d'anniversaire à l'attention du danseur. J'ai conscience qu'il ne faut pas que je me terre dans le passé, qu'il ne faut pas que je gâche le présent de mes mauvais souvenirs, mais les démons sont présents et me glacent le sang. « Je n’ai pas encore de chaise… » Sa voix, néanmoins, a pour effet de décontracter mes épaules. « Probablement parce que cet appartement dépasse mon budget. » Il continue, il pouffe, et je m'anime légèrement. « On peut se mettre sur le lit… Former une barrière avec les oreillers contre le mur et… Ou alors, fais comme tu le sens, il est bien assez grand pour nous deux. » J'échappe un léger rire nerveux tout en baissant la tête. Soudainement, j'ai envie de le prendre dans mes bras parce que c'est beaucoup plus facile à vivre et à écrire l'histoire avec lui, c'est beaucoup plus léger et il a cette magie qui me donne foi en qui je suis et en qui sont les autres. Cependant, je n'effectue aucun mouvement, me ressassant comment le Elly n'avait pas l'air très confortable lorsque j'avais posé ma main sur la sienne au bar, et ne voulant pas causer de malaise.

Ou du moins, pas de ce genre. « Joyeux anniversaire, Raphael, » je tends le paquet, aussi fier qu'espiègle. Je m'installe précautionneusement sur le matelas, attrapant le coffret de maquillage. « Je peux l'ouvrir ? » Je demande, même si c'est plutôt au Elly, d'ouvrir ses cadeaux. « Tu veux t'asseoir ? » Je poursuis, alors que l'ordre des choses veut que ce soit plutôt à Raphael de me dire de m'asseoir. On est chez lui, après tout. « J'espère que ça te plaira, » j'annonce, enfin une réplique davantage censée. « Oh attends ! » Je m'exclame discrètement, gardant en mémoire les colocataires desquels je dois me cacher, comme mes souliers. « Celui-là, c'est par rapport à Instagram, » je présente en désignant un bat à œufs mécanique vintage, empaqueté dans un emballage marron à pois bleus. « Celui-là, c'est par rapport à notre première rencontre, » je continue, comme un enfant qui s'amuse à jouer aux devinettes. Le paquet rectangulaire dans un papier de soie rose enferme une palette de fards à paupières dans les tons foncés, qui s'harmoniseront selon moi très bien à la couleur de ses yeux. « Et ça c'est... Euh... » Je n'aurais peut-être pas dû l'ajouter, celui-là. La photo de Bea dans une enveloppe mauve et jaune autographiée d'un "Joyeux anniversaire Raphael" surplombé d'un cœur. « Un fruit du hasard. » Ca sonne bien, comme ça, et ça a l'avantage de tout dire et ne rien dire à la fois. Ca me va bien.

@Raphael Elly  :siren:  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f496  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f379 holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f379
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyDim 26 Fév 2023 - 4:21

Il se sent comme un adolescent. Les premiers ci, les premiers ça, la première expérience, et, il espère, pas la dernière. À trente ans, il a l’impression de vivre une relation de nature qui lui était jusqu’à présent inconnue. Que se passe-t-il entre lui et Kai ? Tout est allé vite, mais rien n’est poussé contre son gré et la situation est naturelle. Le garçon donne à Raphael l’impression de  mériter, et c’est une émotion qu’il ne voudrait jamais perdre, qu’il craint déjà de se voir volée. Autant en profiter jusqu’à la moindre miette. Peut-être que tout changera dès que le soleil se lèvera le lendemain matin. Alors il a envie de boire, non seulement pour se détendre, mais aussi pour se laisser la chance de vraiment exister en compagnie de l’autre. Il ne veut laisser aucune gêne le bloquer, souhaite rire à gorge déployée sans craindre de faire des bruits de cochon en perdant le contrôle. Avec un peu de chance, il vivra la meilleure soirée de sa vie et il fera rire Kai tout comme ce dernier le fait glousser comme une dinde.

Bon. Sa première tentative n’est pas la plus réussie. Il se compare à une fontaine et réalise seulement trop tard que ses propos n’ont rien d’une fable de Lafontaine et que ce n’est pas « mignon » de transpirer comme une chute d’eau. « J'espère ne pas te forcer à te transformer en fontaine, mais rien que pour te faire rire comme je l'ai fait, je risque fortement de désirer continuer, » Il capte la malice dans ses yeux et balaie l’air du revers de la main comme il sait si bien le faire pour chasser des mots qu’il ne veut pas croire. « Du genre, j'aime beaucoup te parler sur Instagram mais te parler en face à face présente aussi des avantages non négligeables. » Leurs discussions sur internet avaient fait naître en lui l’excitation d’un gamin qui aurait englouti trop de sucreries. Encore là, ça avait été la première fois qu’il se sentait si complice à travers un téléphone. « T'as déjà sauté tout habillé dans un lac ? » La question l’étonne comme toutes les autres que pourrait poser Kai. Il est téméraire, ce garçon, balance toute sorte de propositions étranges qui arrivent à voler un sourire au danseur. A-t-il pensé à voix haute ? « Non, je n’ai jamais fait ça, et je crois que cette question vient de détrôner les autres questions bizarres que tu as posées. » Par politesse, il la lui renvoie, mais ce n’est absolument pas le genre de question qu’il aurait posée en premier. « Tu me demandes parce que tu as une folle anecdote à me raconter à ce sujet ? » Sa voix tinte comme une clochette et ses yeux s’attardent à observer les mains finement tracées du garçon quand elles s’enroulent autour de la bouteille d’alcool. Il a de belles mains aussi. Tout de lui mériterait d’être pris en photo est exposé dans un musée.

Il n’en connait pas beaucoup au sujet de ses colocataires et il se note de s’informer un peu mieux à leur sujet les prochaines fois, histoire de ne pas paraître complètement désarmé et ignare. Ceci dit, il n’a pas l’impression que le végétarisme d’une personne est la première chose qui se soulève lors d’une discussion alors il ne s’en veut pas de ne pas connaître les raisons derrière ces sortes de laits végétaux dans la porte du réfrigérateur.  « J'aime beaucoup le lait au chocolat pour me remonter le moral, » Parfait, il pourra lui en proposer la prochaine fois, quand ils ne rempliront pas leur gosier de mojitos. « Tu l'aimes, cette shape ? » Il ouvre grand les yeux, lui envoie des éclairs, lui signifie qu’il ne lui offrira une réponse ni positive ni négative. Mais il peut quand même se permettre de se passer la réflexion dans la tête : oui, il l’aime, sa shape. Elle est similaire à la sienne mais il ne pourrait pas en être certain puisqu’il ne sait pas ce qui se cache sous ce t-shirt. « Je fais beaucoup de sport mais ce n'est pas tant pour garder cette shape. C'est plus pour... M'aérer l'esprit. » Il sort de ses rêveries et relève la tête pour le regarder. Encore, il tente d’ignorer les plaies qui ont été peintes sur son visage. C’est difficile d’ignorer les ecchymoses et les points de suture mais il ne trahira pas Kai en les mentionnant à nouveau. Il lui avait promis de ne pas le faire. « T’aérer l’esprit… » Il répète d’une voix contemplative, paupières plissées, sans décrocher ses prunelles des siennes : « Tu fais genre… Du yoga ? » Il s’essaye à deviner, quoiqu’il n’imagine mal comment un sport aussi statique pourrait sculpter de tels bras (oui, ses bras il peut les voir, ainsi que les muscles qui les définissent et les sculptent). « Tu fais quoi comme sport, à part la danse ? » Il secoue la tête de droite à gauche, prêt à décevoir Kai : « Seulement de la danse. Je cours un peu pour prendre soin de mon cardio mais c’est à peu près tout. » Seulement de la danse, c’est déjà bien. Après tout, comme la natation, ce sport ne cible pas juste un muscle mais bien l’ensemble de son corps qui le remercie certainement d’en prendre grand soin – il ne lui reste plus qu’à cesser de se goinfrer de soupes instantanées bourrées de sel.

Il s’était préparé à la vivacité de Kai et à son ton de voix rapide comme une voiture de course. Devant le miroir, il avait même pratiqué sa propre diction, s’était interrogé lui-même, avait tenté de répondre avec charisme et aisance – mais il s’était surtout senti très ridicule à ainsi jouer la comédie dans la salle de bains. « Il va moins vite quand je fais du sport, » Oh. S’aérer l’esprit. C’était peut-être ce qu’il voulait dire. « T’inquiète. » Il prononce simplement pour le rassurer et lui faire comprendre qu’il ne lui en veut pas d’avoir un débit aussi fluide. Ça compense pour lui. « C'est téméraire, ça, d'emménager dans un appartement sans connaître tes colocataires au préalable, » Il se pince les lèvres. « Ils avaient posté une petite annonce et tu y as répondue ? » Il passe sa langue sur ses dents, le temps de réfléchir à la quantité d’informations qu’il veut partager. « Oui, c’est ça. Une petite annonce sur Facebook. J’ai dû me trouver un appartement assez rapidement pour quitter mon ancien alors j’ai sauté sur la première offre que j’ai vue. » Il hausse les épaules, désigne autour de lui d’un signe de la main. « Turns out, ce n’était pas le pire choix. » Puis il relance pour en savoir plus sur lui parce qu’il déteste être le centre d’attention quand ce n’est pas pour briller un danseur de Broadway. : « Tu es en colocation, toi aussi ? »

L’heure de boire sonne est Raphael n’est pas particulièrement intimidé à l’idée de consommer en la présence de Kai : ce dernier le rassure, et il se sent assez confortable pour baisser certaines de ses barrières devant lui. La première gorgée l’étouffe presque mais il préfère en rire que de couiner. « C'est souvent l'effet de la première gorgée. Je peux t'en faire un moins fort, » Il secoue aussitôt la tête parce que 1) il n’a pas envie de déranger 2) il préfère boire plus d’alcool en moins de temps parce que le goût le dégoûte. Pour prouver son intérêt pour le mojito tel qu’il est, il en prend une autre gorgée et, cette fois, il fait mine d’en apprécier la moindre goutte, mais il ne garde pas son sérieux bien longtemps et trébuche dans une autre quinte de ricanements incontrôlables. Un gamin, vraiment. Il aurait regretté annuler cette soirée, tout compte fait. « T'en fais pas pour ça. Je suis surtout content que tu te sentes mieux. » Il le couvre d’un sourire reconnaissant puis l’invite à le suivre jusqu’à sa chambre, là où ils pourront mieux se cacher et éviter de croiser le chemin d’une des filles qui aurait pu avoir envie de faire un petit passage improvisé à la cuisine.

La pièce n’est pas encore sa plus grande fierté. Bientôt, il l’aura décorée à son goût et s’y sentira comme chez lui, mais ce sera pour plus tard. L’unique lit au centre de la pièce semble les appeler, mais ce n’est que parce que l’endroit est dénué de canapé ou de chaise. La situation n’embarrasse pas Kai, au contraire, il ne semble même pas capter l’offre que lui a faite Raphael puisqu’il passe du coq à l’âne et soulève devant les yeux du danseur un petit sachet cadeau qu’il avait fait semblant de ne pas encore avoir remarqué. « Joyeux anniversaire, Raphael, » Sa bouche s’ouvre en forme de O. Il attrape les cordons du paquet, garde le précieux objet près de lui sans pour autant l’ouvrir tout de suite. Il n’a même pas le temps d’entamer ses remerciements que Kai se perd à nouveau dans le fil de ses paroles infinies, demande à ouvrir le coffret de maquillage qu’il n’avait visiblement pas rangé, il hoche de la tête pour lui donner son accord. « Tu veux t'asseoir ? » C’est son lit… Il rigole, pose sa main sur sa bouche pour cacher son hilarité. Il devrait envoyer Kai courir un petit marathon avant de le laisser revenir, ce sera plus simple de le suivre ainsi. « J'espère que ça te plaira, » Il reprend aussitôt que Raphael a posé ses fesses sur son lit qui grince un peu en s’enfonçant. « Oh attends ! » Ok, ça commence à être compliqué. Mais c’est plus marrant qu’agaçant. « Celui-là, c'est par rapport à Instagram, » Il enroule la boîte marron à pois bleus de sa main, près à l’extirper du sac, mais il est encore interrompu. « Celui-là, c'est par rapport à notre première rencontre, » Doit-il s’emparer du triangle rose maintenant ? Que faire, que faire ?? « Et ça c'est... Euh... » Il baisse ses yeux sur la petite enveloppe qui cache un secret. « Un fruit du hasard. » Ses joues se réchauffent, il avale une autre gorgée d’alcool et pose sa coupe sur le tabouret adjacent. Il replace ses cheveux derrière ses oreilles pour se libérer la vue et empoigne la première boîte renfermant le cadeau lié à Instagram. Il y découvre un batteur à œufs qui paraît tout droit sorti d’un film d’époque. « Oh ! » Il s’exclame en actionnant le mécanisme pour en constater la qualité. « Tu lis les descriptions des posts ? » Il demande, son sourire s’étendant de son oreille gauche à sa droite. Kieran ne faisait certainement p… NON. Il ne faut pas penser à lui. « Merci, je l’adore ! Je te ferai un gâteau, un jour. Mais je risque d'oublier. » Il s’exclame en riant juste avant de déballer le second cadeau qui se révèle être une palette de fards à paupières. Il ne se détache pas de son sourire, toujours plus fort, si fort qu’il lui engourdit les joues. « J’adore les couleurs… » Il prononce, honnête, touchant le paquet du bout des doigts comme s’il s’agissait d’une pierre précieuse. Et, le dernier secret, celui qui l’intrigue le plus de par sa forme de lettre. Quel genre de mots aurait-il bien pu lui écrire ? Sûrement des mots qu’il ne pense pas mériter, comme toujours.

Mais, au contraire, ce ne sont pas sur des mots qu’il tombe, plutôt sur une photographie dont il reconnait aussitôt le sujet. Il ne peut cacher sa surprise en découvrant l’autographe de Bea ainsi que sa calligraphie, il relève les yeux pour mieux interroger Kai du regard, mais une étrange impression se met à flotter au-dessus de lui. Comment a-t-il obtenu cette attention ? Depuis qu’il savait que Bea avait un compte instagram, il le suivait religieusement en attendant qu’elle remonte sur scène. Elle n’avait toujours pas donné de nouvelles depuis sa dernière annonce. Des problèmes médicaux, qu’elle avait écrit. Soudain, au milieu du visage de Kai, la cicatrice paraît plus évidente qu’elle ne l’était plus tôt. « C’est… » Gentil. Incroyable. Une belle attention – rien ne s’échappe de ses lèvres pétrifiées. Et si ? Non. C’est impossible. Mais… ? « Je me suis déjà maquillé. » Il lance, un propos sorti du nulle part mais qu’il détaille juste après : « Tu ne voudrais tout de même pas couvrir la ligne dorée qui m’a coûté tout mon temps et ma patience ? » Il l’interroge du regard mais ne le laisse pas répondre qu’il l’interrompt, les rôles s’étant inversés maintenant qu’il a trouvé la motivation de résoudre un mystère : « C’est moi qui devrais te maquiller. » Il se pose en tailleur, face à Kai, et l’invite à faire de même en tapotant la place devant lui. « Tu me laisses le faire ? » Il ne lui imposerait rien, c’est une évidence, mais il a besoin de se débarrasser de ce doute qui… le fait douter.  

@Kai Luz glitters glitters holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 3373067906
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyDim 26 Fév 2023 - 6:53

Sa manière de pouffer, sa façon de balayer l'air quand je lui adresse des mots auxquels il ne saurait manifestement entièrement adhérer, la mélodie de son rire, ses joues qui s'empourprent, son regard fuyant ; mon palpitant navigue sur une véritable grande roue à l'observer, qui se balancerait d'une extrémité à l'autre des commissures de mes lèvres, tirées en un sourire radieux.

Je me plais plus que de raison à jouer, à le taquiner, et je me sens libre de pouvoir formuler une partie des questions qui franchissent à vive allure mon esprit, tels des papillons surexcités qui font écho à ceux qui naissent au creux de mon estomac. J'aimerais tous les attraper pour les lui dédier, lui offrir un bouquets de pensées sincères, mais à défaut, je réalise que tirailler mon interlocuteur d'interrogations n'est pas des plus sympathiques, même si le garçon rassure de nouveau que ma curiosité fertile ne le dérange pas, ce qui m'autorise à abaisser une partie de ces filtres qui m'ankylosent d'ordinaire. C'est probablement ainsi que la question du saut dans un lac tout habillé surgit, ce qui arrache un rictus au danseur. « Non, je n’ai jamais fait ça, et je crois que cette question vient de détrôner les autres questions bizarres que tu as posées. » « Ah oui ? Tant que ça ? » Je fais en me mordillant délicatement la lèvre inférieure, bien qu'elle soit encore boursoufflée part endroit. « Tu me demandes parce que tu as une folle anecdote à me raconter à ce sujet ? » Mon sourire s'élargit. « Franchement, tu devrais essayer. C'est libérateur. C'est comme faire quelque chose d'interdit, mais qui n'a aucune conséquence tangible. Une magnifique carte joker. » Je décris, avant de hausser les épaules. Quelques secondes de silence nous enveloppe. « Une fois, quand j'étais gamin, ma mère me préparait pour aller au bain et elle avait oublié de retirer mes chaussettes. Elle s'en est rendue compte seulement une fois qu'elles étaient trempées et elle a réagit comme si, je sais pas, comme si ça allait me brûler le pied d'entrer dans le bain en chaussettes, » j'expose avec légèreté. « Elle est une femme vraiment stricte et carrée. Les choses doivent être faites dans un sens précis ave elle et c'était comme si c'était complètement indécent d'entrer dans le bain habillé, même qu'avec des chaussettes. Enfin bref. Ca m'a fait spontanément rire à gorge déployée, sur le coup. Tellement que ça l'a fait rire elle aussi. C'est un peu bête mais ces chaussettes trempées font partie des souvenirs les plus joyeux et complices que j'ai avec elle. » Et j'ignore pourquoi je raconte ça à Raphael, ça n'a pas réellement de sujet en soit, si ce n'est une corrélation avec des vêtements plus ou moins volontairement trempées. J'inspire profondément, l'air désolé de mon égarement. « J'imagine que dans un coin de ma tête, il a été gravé que sauter tout habillé dans un lac est indécent, sauf que ça a aussi aucune raison de vraiment l'être. Et ça me fait toujours aussi rire que cette première histoire de chaussettes dans le bain. » Un air malicieux traverse mon portrait. « T'aimerais tenter ? »

Je reporte mon attention sur les ingrédients pour nos futurs mojitos, que je m'applique à concocter avec cœur, mettant en exécution les meilleurs conseils de Hugo, mon meilleur pote expert en mixologie. Des laits végétaux, nous passons au sport, puis plus précisément aux silhouettes et forcément, je saisis la perche pour titiller davantage mon interlocuteur, qui m'offre de gros yeux qui me font irrésistiblement rire avant que je rive les miens de nouveau sur les cocktails, tel un enfant qui sait qu'il est sur la sellette. Maladroitement, je tente de lui expliquer comment les activités sportives me canalisent et que je m'y adonne davantage pour cette faculté que pour ma musculature. « T’aérer l’esprit… Tu fais genre… Du yoga ? » Je souris doucement, accordant que ma description n'était pas des plus claires. « Plutôt du vélo, de la course, du sport en salle... » Un moment d'hésitation. « Au Brésil je faisais de la boxe. Je me tâte un peu pour reprendre ça. » Parce que je me dis que ça pourrait peut-être me permettre de me défouler plus directement, et aussi puisque ça me donnera l'impression de savoir mieux me défendre, même si honnêtement, je n'avais même pas essayé de le faire contre mes derniers agresseurs, pensant naïvement qu'ils lâcheraient l'affaire vu que je ne leur cherchais pas de noises. Je cille, chasse mes cafards de pensées et je me concentre de nouveau sur Raphael, tout en tranchant un citron vert. « Seulement de la danse. Je cours un peu pour prendre soin de mon cardio mais c’est à peu près tout. » « C'est déjà pas mal, » je complimente sincèrement, nourrissant intérieurement le désir de voir un jour le Elly danser.    

Mes mouvements ralentissent lorsque le danseur relate les raisons l'ayant mené à emménager dans cette colocation. « Turns out, ce n’était pas le pire choix. » Je lève les yeux, lui adresse un sourire heureux pour lui, quand bien même ma curiosité est férocement aguichée de ce qui a pu pousser Raphael vers la porte de son précédent logement. Une histoire de retard, comme avec Sophie ? « Non. Ca a vraiment l'air sympa. Le hasard a dû, encore une fois, bien faire bien les choses, » je soutiens avec positivité. « Tu es en colocation, toi aussi ? » Mes yeux quittent les siens pour suivre mes mains terminant les rafraîchissements. « Oui, avec ma meilleure amie, Dani, » je réplique. « Je dors sur son canapé depuis quelques temps. Elle commence à fréquenter quelqu'un. » Une grimace étire mes traits. Non pas que le fait que la Hwang partage ses draps avec quelqu'un m'indispose, bien au contraire, je ne souhaite que son bonheur, mais la trame sonore de leurs ébats ne compose pas ma berceuse favorite.

Un trait tiré sur nos colocataires respectifs, je tends avec fierté et enthousiasme sa potion à mon hôte. « J'y ai mis tout mon cœur ! » Je déclare. Nos verres tintent, la première gorgée a un certain effet sur Raphael qui me fait largement sourire tout en m'attendrissant férocement. Je propose à contrecœur de lui servir un verre moins corsé, ce qu'il refuse, à mon grand ravissement. Puis, je suis intimement convaincu que les prochaines gorgées lui seront plus aisées - même si à la seconde, le garçon ricane encore en grimaçant, ce qui m'incite à rejoindre son rire.

Le trentenaire dispose d'une chambre, pour sa part, et tandis que la porte se referme derrière nos silhouettes, une nervosité certaine s'empare de mon être. Mon estomac se tord, comme lorsque le doute nous happe, ou qu'on ne se sent plus vraiment à sa place, qu'on a le sentiment d'être perdu, dépaysé. Mon palpitant s'emballe, mon esprit milite contre les griffes du passé ; la voix de Raphael me ramène peu à peu au présent et tout le positif qui peut découler encore de cette soirée improvisée - de ce date d'anniversaire. A cette pensée, je tends le sachet contenant ses présents au Elly, rictus fier et impatient aux lippes, puis je prends place sur son lit, tout de suite appâté par le coffret de maquillage. Une fois l'autorisation de l'ouvrir obtenue, je le saisis mais me retiens difficilement d'en découvrir le contenu, provoquant l'hilarité chez le danseur en lui demandant s'il souhaitait s'asseoir à côtés de lui, comme si les rôles étaient soudainement inversés. Je serais bien capable de me justifier en indiquant qu'il s'agissait là d'une stratégie pour que le Elly s'assoie plus vite à côté de moi, le cas échéant. Le jeune homme tire sur les cordons de manière à visualiser le contenu du sachet et je l'interromps soudainement, dans un objectif d'ajouter davantage de jeu en présentant de manière énigmatique chaque cadeau. Raphael m'écoute, une main en suspens dans le sac, l'autre entourant son verre qu'il porte de nouveau à ses lèvres. Je l'admire glisser une mèche de ses cheveux que je rêve exponentiellement de caresser derrière son oreille et je mordille de nouveau prudemment et nerveusement ma lèvre inférieure, avant de m'abreuver des réactions du Elly qui découvre peu à peu ses cadeaux.

« Oh ! » Il actionne les fouets et je souris largement. « Tu lis les descriptions des posts ? » « Oui, j'aime bien. Ca me permet d'avoir une idée de ce à quoi la personne pensait en postant la photo. » j'avoue. « Parfois je lis les commentaires aussi, quand il y en a pas trop, en petit plaisir coupable. C'est mon côté fouine. » Je ris brièvement. « Merci, je l’adore ! Je te ferai un gâteau, un jour. Mais je risque d'oublier. » Je ris, bien que sincèrement touché par l'attention. D'autre part, je questionne soudainement : « Tu crois qu'on peut faire un gâteau avec toutes les sortes de lait dans ton frigo ? » Ses doigts fins et colorés décrochent les pans de l'emballage du deuxième présent et je me surprends à retenir mon souffle. Mon regard vire des mains de l'australien aux expressions se relayant sur son portrait. « J’adore les couleurs… » Il annonce et mes muscles se décontractent, le soulagement mêlé à la joie de lui avoir fait doublement plaisir. « Je pense que ceux-là iront bien si un jour tu veux faire un dégradé avec le fard à paupières que tu portais l'autre soir, » je soumets. « Et avec celui, tu vas faire encore plus de ravages avec tes yeux, » j'ajoute en lui dédiant un œil complice.

Je retiens de nouveau mon souffle lorsque Raphael saisit le dernier présent, enfermé dans sa petite pochette cadeau. Face à la surprise et au silence du trentenaire, une boule de nerfs alourdit mon estomac et les regrets s'immiscent bien vite dans mon humeur. Je triture nerveusement la couette du lit sans réellement m'en rendre compte, scrute son visage quand le Elly rompt le silence : « C’est… » Je prends mon mojito, buvant une généreuse gorgée. « Je me suis déjà maquillé. » Je cille, incertain. Mes pupilles passent de la photographie aux paupières en effet fardées de mon interlocuteur, tentant de lier ces deux informations. « Tu ne voudrais tout de même pas couvrir la ligne dorée qui m’a coûté tout mon temps et ma patience ? » J'ai à peine le temps de sourire de nouveau que mon hôte poursuit : « C’est moi qui devrais te maquiller. » Il se mouve, sa souplesse lui permettant de s'installer naturellement en tailleur sur le lit. Pour ma part, mon estomac n'est que roche qui sombre lourdement au fond de mes entrailles. Il tapote l'espace du lit pour que je l'imite, j'ai beau respecter sa magnifique ligne dorée, je demeure immobile. « Tu me laisses le faire ? » Je déglutis, frotte nerveusement ma mâchoire, sursaute légèrement en pressant par inadvertance une ecchymose dont j'avais oubliée l'existence. « Hum, » j'émets. Les mots me manquent, les langues que je sais parler se superposent pour mieux s'annuler.

Je quitte le lit sans m'en rendre compte pour effectuer un préambule aux cents pas dans la chambre. Mes pensées valsent, tumultueuses, fougueuses. Peut-être que je n'aurais pas dû tenter le Diable et sortir ce soir, finalement ? Peut-être que je n'étais pas réellement prêt à vagabonder de nouveau le soleil couché ? Ma gorge se serre, mes doigts se malmènent entre eux. J'avais hésité mais j'avais voulu me donner une chance, j'avais voulu cesser de vivre dans la peur, et peut-être que j'étais trop gourmand, trop audacieux ? Je me rends compte de mon manège une poignée de secondes plus tard et je me stoppe à côté de la fenêtre, m'appuyant sur son rebord. Mon regard fuit Raphael, il se pose sur le coffret de maquillage encore mystérieux et la palette que je viens de lui offrir. Le manque de Bea s'impose en une déferlante amère en moi. M'éloigner de tout ce qui me fait devenir elle est un crève-cœur quotidien mais je suis terrorisé à l'idée de m'autoriser de nouveau à vivre ma passion, quand celle-ci m'a conduit à l'hôpital en début de mois. Machinalement, mes doigts effleurent la cicatrice dissimulée dans mon cuir chevelu, j'entends encore la bouteille de bière se briser puis s'impacter contre mon crâne. « J'aimerais bien, » je finis par souffler, ne soutenant qu'un millième de seconde le regard de Raphael. J'aimerais bien, oui, mais je ne produis aucun geste pour le rejoindre sur le lit, figé à côté de la fenêtre, transi par ma peur qui s'oppose à ma volonté de vivre comme je l'entends, notamment par le biais de l'offre du Elly.

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyLun 27 Fév 2023 - 3:55

Au milieu de Brisbane, dans la ville où s’agitent des gens qui ne savent pas s’arrêter de peur de louper le train, une petite bulle se forme autour de deux garçons. Comme le début d’une chanson qui se terminera sur une bonne note, ou un poème qui, lui aussi, fera l’éloge d’une amitié comme on en voit rarement. Deux artistes, l’un en cachette, l’autre qui l’affirme haut et fort parce que son art est sa raison de vivre mais peut-être que la composition de son oxygène se modifiera un peu maintenant qu’il comprend ce que ça fait de parler sans avoir peur de dire la mauvaise chose ou de prolonger un regard sans que ses yeux ne se mettent à brûler d’envie de se dérober. Et il n’a pas encore besoin d’alcool pour se sentir léger.

Il l’écoute comme un enfant qui apprend l’existence d’un certain père-Noël qui viendrait poser des cadeaux sous son sapin. L’anecdote de Kai lui ouvre une porte sur l’un de ses souvenirs familiaux et il peint naturellement un portrait de sa mère dans sa tête. Il imagine la couleur de ses cheveux similaire à celle de son fil, ainsi que sa peau légèrement colorée par le soleil, peut-être portait-elle une robe ou un pull – l’image se confond dans sa tête, mais il se concentre sur le plus important. Les minuscules chaussettes enrobant les pieds d’un minuscule Kai. L’idée le fait rigoler. Il voit l’eau asperger les parois du bain, imagine le son des clapotis, se laisser bercer par un souvenir qui ne sera jamais le sien mais qu’il chérit quand même. « Ce n’est pas bête, en tout cas, pas selon moi. » Il le rassure quand il met fin au récit. Son sourire ne s’est pas éteint et il adore chercher celui du jeune homme dont les yeux brillent encore parce qu’ils abritent plein de choses que Raphael aimerait découvrir. D’autres souvenirs, des anecdotes, des histoires en tout genre. Il voudrait connaître ses bonheurs mais ses tristesses aussi, parce que, à la fin, les jours pluvieux sont aussi importants que les jours ensoleillés. « C’est mignon. J’aimerais avoir ce genre de souvenir à te partager mais j’ai tendance à me rappeler que le négatif. » Et, ainsi, il ne se rend parfois pas compte qu’il a grandi en étant aimé par deux parents, le moindre de ses malheurs ayant dépassé les bonheurs dans la course. Il est comme ça, Raphael. Il oublie de se poser, de fermer les paupières et de se repasser les bons moments de sa journée. Il se concentre sur le négatif, craint qu’il s’empire, et ça lui bouffe le ventre. Quand ses relations se terminent, il oublie qu’elles lui avaient avant tout apporté beaucoup de positif. « J'imagine que dans un coin de ma tête, il a été gravé que sauter tout habillé dans un lac est indécent, sauf que ça a aussi aucune raison de vraiment l'être. Et ça me fait toujours aussi rire que cette première histoire de chaussettes dans le bain. » À cette idée, il se froisse le nez. Il n’y avait jamais pensé autant, mais c’est vrai que de plonger dans l’eau vêtu de la tête aux pieds lui envoie un frisson indescriptible. L’interdit qui ne l’est pas : des croyances normalisées sans que personne ne les ait écrites sur un bout de papier. Tout comme un ne mâche pas un chewing gum déjà mâché, on ne saute pas dans un lac tout habillé. « T'aimerais tenter ? » Il le regarde d’un air malicieux, amusé, pétillant avant d’accepter sa proposition pour un futur rapproché : « Défions l’indécence ensemble. »

Tandis que Kai concocte les boissons qui noieront leur gosier, il est incapable de rester immobile. Il se pose dos au mur, se décolle, croise ses bras sur sa poitrine, chasse une mouche invisible, cherche un moyen de ne pas rester statique parce qu’il en est incapable. Quand il danse, il sait où placer ses membres. Il suit les règles, la chorégraphie, et jamais il ne se trouve perdu au centre de l’univers. Il le domine, cet univers, en fait son palais ou sa salle de bal. « Plutôt du vélo, de la course, du sport en salle... » Voilà donc les activités qui permettent à Kai de s’aérer l’esprit. Raphael n’a jamais eu le courage de se rendre dans une salle de sport parce que le public le regarde (oui, c’est dans sa tête). « Tu connais la salle Everybody à Spring Hill ? » Il demande sans réfléchir parce qu’il vient d’être engagé là-bas, bien qu’il n’ait pas encore envie de l’annoncer puisqu’il déteste recevoir les compliments du genre « wow félicitations j’espère que tu te plairas dans ton nouvel emploi ». Il ne sait jamais quoi répondre.  « Au Brésil je faisais de la boxe. Je me tâte un peu pour reprendre ça. » Kai qui fait de la boxe ? L’image le rend curieux. Il imagine de gros gants rouges enrobant ses poings, ses pieds qui sautillent sur place, prêts à bondir en bas, en haut, à droite, à gauche, pour éviter un coup. C’est un peu comme de la danse, la boxe. Plus violent, certes. « Alors là ! Je veux voir ça ! Tu dois absolument t’y remettre ! » Il affirme plus fort qu’il n’aurait voulu, se plaquant aussitôt la main sur la bouche pour étouffer sa surprise. Ses colocataires l’ont entendu, c’est certain. Parce que, rappelons-le, il n’est pas seul dans cet appartement et, heureusement, parce qu’il ne pourrait pas se payer un endroit aussi spacieux sans l’aide de deux autres portefeuilles. « Non. Ca a vraiment l'air sympa. Le hasard a dû, encore une fois, bien faire bien les choses, » Il hoche timidement de la tête pour acquiescer puis s’empresse de s’informer sur son logement à lui. « Oui, avec ma meilleure amie, Dani, » Oh, il y a une meilleure amie dans le paysage, désormais. Il ne peut s’empêcher de se demander s’il lui a parlé de Raphael. « Je dors sur son canapé depuis quelques temps. Elle commence à fréquenter quelqu'un. » Tiens… Il connait ça. La grimace du garçon l’amuse et il le rassure : « Oh, c’est pas si mal le canapé, tant qu’il n’y a pas un énorme cactus qui traîne juste à côté. » Et il marque une pause, réalisant enfin ce que le rictus dégouté de Kai signifiait : « Oh tu… En fait tu parlais de… Des bruits… » Et il place encore sa main devant sa bouche pour dissimuler le plus possible les rires qui s’échappent cruellement de ses lèvres. « Au moins, tu peux t’assurer que la personne qu’elle fréquente s’occupe bien d’elle. » Bon, là, il a lui-même tendu la perche vers une discussion qu’il évitera à tout prix. Il est ainsi. Il tâte le diable avec la pointe d’un bâton.

Leurs boissons terminées, testées et approuvées par les papilles gustatives amatrices de Raphael, ils peuvent retrouver sa chambre dans laquelle ils s’enferment pour encore plus se créer une impression de petite bulle. Rapidement, il est bombardé de cadeaux et, certes, l’attention le touche énormément, mais il ne sait pas où mettre du cœur. Trois cadeaux, qu’il révèle un après l’autre, et chacun d’entre eux lui provoquent un sourire. « Oui, j'aime bien. Ca me permet d'avoir une idée de ce à quoi la personne pensait en postant la photo. Parfois je lis les commentaires aussi, quand il y en a pas trop, en petit plaisir coupable. C'est mon côté fouine. » Il le couvre d’un regard complice : « Tu n’as pas besoin de chercher des excuses… Je fais pareil. » Il admet à son tour. Ce côté fouine, il fait partie de sa personnalité à lui aussi. Un peu trop, parfois. Ça lui arrive de dépasser certaines limites. « Tu crois qu'on peut faire un gâteau avec toutes les sortes de lait dans ton frigo ? » Il réfléchit, sourcils froncés, puis finit par hausser les épaules en reposant son bat à œufs dans sa boîte en carton : « Sûrement. Les végans doivent bien manger des gâteaux eux aussi, sinon c’est triste. » Puis, l’ensemble de fars à paupières aux couleurs plus extravagantes les unes que les autres qui laissent déjà Raphael s’imaginer toutes sortes de looks. Quand il arrivera à affiner sa technique grâce aux tutoriels YouTube qu’il se bouffe tous les jours, il les tentera. Ceux que Kai propose aussi, et qu’il note religieusement dans le fond de sa mémoire pourrie (du coup il oubliera certainement, comme le gâteau). « Et avec celui, tu vas faire encore plus de ravages avec tes yeux, » Il s’empourpre, secoue la tête pour rejeter cette idée. Non, voyons. Il ne fait pas de ravages avec ses yeux. Enfin… Peut-être, si Kai le dit ? Il ne ment toujours pas. « Arrête ça ! » Il s’offusque faussement en rangeant ses nouveaux trésors dans la trousse déjà grande ouverte sur le matelas.

Puis, la troisième pièce du puzzle, ou plutôt la première, qui plante une graine de doute dans l’esprit de Raphael. Le fruit du hasard, cet autographe ? C’est possible. Mais Raphael ne croit pas en ce genre de magie. Les yeux qu’il pose sur Kai ne sont pas accusateurs ; au contraire. Habilement, il lui propose de le maquiller, lui, pour ne pas défaire la ligne dorée qu’il avait tracée en y mettant tout son cœur. « Hum, » L’hésitation le fouette de plein fouet. Il se sent mal à l’aise, honteux. Il a l’impression de l’avoir insulté ou d’avoir prononcé des propos haineux. Ce n’était pas ses intentions. Suivant Kai du regard alors qu’il se redresse sur ses longues jambes, il reste silencieux et attentif au moindre signal qu’il envoie. Un milliard de questions se fracassent dans sa boîte crânienne. Les doigts du jeune homme dansent ensemble puis viennent cacher les blessures bien apparentes sur son visage. Rapidement, Raphael précise, pour le rassurer : « Je ferai attention. Je ne te ferai pas mal, je te le promets. » Il se sent ridicule d’avoir oublié ce détail alors qu’il était tout à fait visible juste sous ses yeux. Il était trop occupé à élaborer une théorie insensée.

Non, Kai ne connait pas Bea. Et… Mais… Et si ?

« J'aimerais bien, » Son ton incertain brise quelque chose en Raphael. Il oublie de respirer parce qu’il ne veut pas faire le moindre bruit et importuner Kai dans ce qui ressemble à une crise de panique. Il connait les ravages que ces dernières peuvent faire. Elles l’ont cloué à son lit pendant presque un an. L’anxiété, la peur, les phobies qui prennent source dans les pires souvenirs et expériences. Quelque chose cloche. Kai n’a pas seulement peur qu’un pinceau tapote son ecchymose. C’est plus profond que ça. Sa main immobile le long de son flanc, il vient la chercher avec douceur. Il prend ses doigts, s’assure qu’il ne se confronte à aucune raideur, puis le tire délicatement vers le lit afin de l’aider à trouver le chemin. « Ferme les yeux et respire doucement. Concentre-toi sur le silence mais n’essaye pas de te battre contre tes pensées. Tu ne gagneras pas comme ça. Laisse-les faire. » Quand il se retrouve à nouveau face à lui, il relâche sa main, fait plonger la sienne dans la pochette de maquillage. Il en sort sa toute première palette, celle qui propose plusieurs teintes de rouges et de roses, parce que c’est la couleur qu’arbore la paupière de Bea sur la photographie. « Je vais venir tapoter ta paupière, ne fais pas le saut. C’est juste un pinceau. » Il avise, couvrant les poils de rouge cerise, exécutant des cercles dans la poudre pour bien imbiber le pinceau. Il se coupe le souffle quand il approche davantage de Kai pour appliquer la couleur sur l’œil qui n’est pas taché par la malveillance. D’une patte délicate, il rehausse sa paupière, prolonge le dégradé jusqu’à son sourcil. Il prend une pause : « Tout va bien ? » Il demande pour s’en assurer. Et, quand il croise le regard de Kai, sa gorge se noue. Il lorgne la photo de Béa, déglutit devant la ressemblance. Il lui demande de refermer les yeux pour colorer l’autre côté. Tandis qu’il s’exécute, toujours avec la même douceur, il souffle : « Est-ce que c’est Bea qui s’est fait frapper comme ça ? » Et le temps s’arrête, la bulle se referme.    

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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptySam 18 Mar 2023 - 22:43

Un sourire nostalgique habite mes lèvres tandis que je remonte les horloges de ma mémoire, m'arrêtant sur l'un des premiers souvenirs de mon enfance, logé entre les chutes de vélo, les anniversaires traditionnels, les anecdotes scolaires, les ennuyeux repas de famille. Les bandes de la scène se rejouent dans mon esprit à mesure que je la relate à Raphael, parfait public attentif, dont le regard me semble réagir à chaque nuance que je lui décris, mes propres traits évoluant de la surprise à l'amusement tout en faisant brièvement escale par la désinvolture et la nonchalance. Je conclus en banalisant ce souvenir qui repose pourtant dans la mince vitrine des morceaux de complicité rattachés à ma mère, mon regard abritant une nuance de gratitude doublée d'affection lorsque le danseur redore les blasons de cet interlude du passé par l'opinion positive qu'il lui voue éhontément. « C’est mignon. J’aimerais avoir ce genre de souvenir à te partager mais j’ai tendance à me rappeler que le négatif. » Je me mordille discrètement, machinalement, la lèvre inférieure, adaptant la pression de mes dents à la boursoufflure violacée de ma chaire. « Il m'arrive souvent de tricher, avec les miens. Je m'applique à en tirer que le positif et fermer les yeux sur le négatif. Par exemple, je vais me focaliser sur la sensation de fierté et de liberté que je ressentais en détalant sur mon vélo quand j'avais neuf ans plutôt que sur le savon qu'on m'a passé quand je suis rentré les habits déchirés et mon bolide rayé, » je conseillais avec bienveillance, quand bien même la naïveté s'entrelaçait à ce conseil candide, dès lors que j'ignorais en grande partie la teneur de l'enfance du garçon. Je reprends ainsi sur cette histoire de chaussette trempée, découlant sur la carte joker de l'indécence sans conséquence qu'elle a inculquée à ma morale. « Défions l’indécence ensemble, » acte mon interlocuteur et le large sourire que je lui dédie est éloquent, l'impatience que nous sautions ensemble, tout habillés, dans ce lac, à défier la bienséance du haut de notre trentaine d'années qui pourrait sous-entendre que nous ayons passé l'âge de ces drôleries, m'est impétueuse. « It's another date, then, » je souffle avec malice, mon palpitant pulsant dans ma cage thoracique à l'idée de garantir une continuité à nos rencontres, quand bien même la présente ne faisait que démarrer.

Je dédie mon attention à nos cocktails festifs, mettant en application tous les conseils prodigués par mon meilleur ami mixologue. Tout en remplissant les verres, je signifie à Raphael les disciplines que je pratique, secouant doucement la tête en signe de dénégation lorsqu'il me questionne sur la salle Everybody située à Spring Hill. « Non... Je connais peu Spring Hill, » j'avoue sur un ton désolé. « Tu me la conseilles ? Tu la fréquentes ? » Je questionne, levant un regard étincelant d'intérêt vers mon hôte. Mes yeux se portent de nouveau sur les breuvages et je confesse mon hésitation à reprendre la boxe. Je ressens le besoin de bouger, de me défouler dans un cadre, avec des stratégies et des règles, seul contre un adversaire de tissus ou de chair. Cela fait néanmoins plus d'une décennie que je n'ai pas enfilé des gants de boxe et je redoute un échec cuisant, que Raphael fait temporairement taire de son entrain spontané : « Alors là ! Je veux voir ça ! Tu dois absolument t’y remettre ! » Un rire file entre mes lèvres, sa main aux ongles colorés se plaque immédiatement sur sa bouche comme pour mettre en sourdine ses paroles déjà envolées. Mon index barre à la perpendiculaire la forme de ma bouche, le conviant ainsi au silence, de manière à ce que nous tendions l'oreille. Aucun son n'émane du couloir et je souffle avec espièglerie : « La voie reste libre. Tout est sous contrôle. » Je lui adresse un regard complice, poursuivant : « Promis, je te fais signe quand je m'y remets, » je m'engage déjà, comme si Raphael détenait une faculté exceptionnelle pour effacer ces cordées de doutent qui saucissonnent mon cœur déformé par la peur du ridicule, du rejet, de l'échec. « Est-ce qu'ils font aussi de la boxe, à la salle Everybody ? » Je m'enquiers.

Lorsqu'il est question de mon logement, je me surprends à dépeindre armé d'une franchise spectaculaire ma situation domiciliaire. « Oh, c’est pas si mal le canapé, tant qu’il n’y a pas un énorme cactus qui traîne juste à côté. » Je fronce doucement les sourcils, intrigué. « Oh tu… En fait tu parlais de… Des bruits… » Mon ricanement se mêle au rire étouffé de Raphael et j'opine du chef, validant sa déduction. « Au moins, tu peux t’assurer que la personne qu’elle fréquente s’occupe bien d’elle. » « Ah ça... Je me fais aucun souci sur ce volet-ci, » j'assure en terminant mes verres, quelque peu maussade. « T'aimes les cactus ? Y en a-t-il un énorme à côté de ton lit ? » Je rebondis sur la plante exotique.

Je pourrais démystifier la chambre de Raphael dont l'éventuelle présence en ses lieux d'un tel végétal car elle est notre prochaine destination. Mojito en mains, je découvre l'antre encore impersonnelle dans laquelle le garçon a emménagé récemment. Je m'attache aux différents éléments et mobiliers de la pièce, en parcours sa distance de quelques pas, puis je me pose aux côtés du nouveau trentenaire sur son lit avant de lui tendre le sachet contenant trois présents à son attention. Le cœur battant, je le guide vers la découverte de chacun d'entre eux, retenant mon souffle, pendu à ses lèvres, avide de ses réactions que je guette sans relâche. Mon portrait s'illumine quand Raphael agrée avec mon habitude de lire l'entier de certains posts instagram ; il nourrit mon imagination sur la recette d'un gâteau gorgé de toutes les sortes de lait réfrigérées dans sa cuisine. « Sûrement. Les végans doivent bien manger des gâteaux eux aussi, sinon c’est triste. » « Comme les gens allergiques au gluten ou intérolants au lactose, » je fais. Il existait toujours des manières de détourner certains aliments pour la pâtisserie, ce que j'estimais plutôt inspirant : comme si rien ne pouvait se mettre en travers de la satisfaction incombant à un gâteau.

La passion m'habite avec férocité lorsque Raphael découvre la palette de fards à paupières que je lui dénichée. Brûlant d'impatience d'être témoin de la poudre surplomber les yeux du Elly, je ne sais me retenir de lui prodiguer divers conseils et avis sur les différentes teintes avant de conclure : « Et avec celui-là, tu vas faire encore plus de ravages avec tes yeux. » Même (surtout ?) avec ses joues pivoine, j'en suis intimement convaincu. Je le couvre du regard pendant qu'il hoche vigoureusement la tête, comme pour chasser un embarras qui se veut néanmoins colonial tant il colore chaque parcelle de son visage. « Arrête ça ! » Je ris gentiment. « Je peux pas, parce que... » je joue, invitant quelques secondes de suspens. « Ce serait pas être honnête. »

Mon assurance se dégonfle néanmoins lamentablement dès l'instant où Raphael saisit le troisième cadeau. Derechef, les regrets me mordent sévèrement l'échine, un frisson désagréable court le long de mon échine. Mon palpitant se stoppe, mon souffle se stoppe, mon regard virevolte du portrait du danseur à ses doigts fins qui s'appliquent à déchirer l'emballage. Je m'impose d'inspirer profondément, générer un rythme cardiaque habituel, tout en me préparant à la suite, maintenant que je suis incapable de faire marche arrière sur cette énième folie que j'effectue vis-à-vis de Raphael. Pour des raisons que je ne saurais l'expliquer, cet homme m'incite à être plus transparent que je ne l'ai jamais été. Il me pousse sans cesse à me dévoiler, à m'affirmer, et quand bien même mes épaules sont infiniment plus légères à ses côtés, je demeure terrifié par mes vérités et les éventuelles conséquences qu'elles pourraient causer. Mes chaussettes les plus secrètes sont ce soir enfilées autour de mes pieds et je ne cesse de vagabonder dans le lac de notre relation, le cœur léger et en confiance mais le cerveau martelant ses craintes de boire prochainement une tasse fraîche qu'amère.

Je suis en apnée quand Raphael émet le souhait de me maquiller, l'autographe de Bea sur ses genoux. Sa surprise muette se voulait déjà tortionnaire de mes nerfs à découvert et tyran de mes appréhensions exponentielles ; mes pupilles fuient précipitamment le portrait de l'australien, s'échouent de la photographie au maquillage. Une boule se matérialise dans ma gorge, telle une tasse inversée, faisant écho à mon estomac à l'envers et mon sang qui se glace. Finalement, je me détache du lit comme s'il était magma, effectuant les cent pas dans la chambre de l'artiste sans même savoir m'en retenir, en proie à des houles d'émotions qui fracassent inlassablement les murs dressés par mes propres soins autour de l'essence-même de ma personne.

Chaque geste me fait valser au rythme de mon désamour. Je me maudis d'avoir été trop loin, je me déteste d'avoir été si inconscient. Lorsque mes yeux ne se posent pas sur Raphael, il m'est si aisé de me perdre au sein de cette spirale infernale au bout de laquelle je me terre dans les non-dits, les faux-semblants, les doubles-jeux, aussi malsains soient-il. Je repousse avec ardeur les souvenirs de mon agression survenue au début de ce même mois que j'associe malgré moi au maquillage, car c'est ce que représente la drag queen qui a causé offense et j'ai contrôle sur ces artifices et cette passion, à défaut de la sauvagerie et l'intolérance des Hommes. Même si je me mine en me privant d'être Bea, je me conforte en la cataloguant d'un sacrifice à mener pour ne pas subir de nouveau la volonté gratuite et injustifiée d'étrangers de me voir disparaître. Les muscles de ma mâchoires se contractent, mes lèvres tremblotent pendant que j'observe, le regard vide, à travers la fenêtre de la chambre de Raphael, sans même savoir ce qui s'y trouve réellement, les conflits internes monopolisant mon cerveau. Il est si aisé de s'accuser, de s'abhorrer, surtout lorsque cela revient à se ranger au même rang des attentes des gens qu'on aime ou de mœurs véhiculées à tort. Kai n'assumait déjà pas être Bea, quand bien même elle représentait sa bouffée d'oxygène vitale à son épanouissement sur cette planète ; rien n'était plus efficace que des déferlantes de dégoût d'hommes que je ne connaissais ni d'Adam ni d'Eve pour solidifier ma honte et me désoler dans un subterfuge de conformité.

Par réflexe, ma main se porte fébrilement à ma tempe sensible et suturée, épicentre de mes cauchemars. « Je ferai attention. Je ne te ferai pas mal, je te le promets. » Je déglutis difficilement, un voile d'exténuation se révèle sous mes paupières. Raphael me ramène à la réalité, j'ai autant confiance en lui que je désire être moi-même à ses côtés, et c'est peut-être ce vorace vœu qui m'incite à lui déclarer, incertain, que j'aimerais bien le rejoindre et qu'il me maquille, en dépit de tout ce que cela peut représenter et répercuter en moi, quand bien même mes jambes sont paralysées et l'angoisse croît pernicieusement au creux de mes entrailles. Un manège infernal sévit dans ma tête, dont les rails grincent à en crisper d'abomination l'entier de ma silhouette. Mon cœur tonne dans ma poitrine, mon souffle n'est que saccades, je perds progressivement pied dans la conscience de ce qui m'entoure, du moment présent, obnubilé par mes hantises, mes terreurs. L'angoisse est impériale, mes doigts se font de plus en plus pressants contre ma tempe, comme si cette blessure représentait la zone la plus fragile de mon être, comme si la protéger rimait à ne pas sombrer totalement. Mes muscles sont si contractés que la sensation d'être un bloc douloureux de béton m'anime et pourtant, je ressens bien la pulpe des doigts de Raphael contre les miens, geste aussi doux que tendre qui ne manque néanmoins pas de me faire légèrement sursauter. « Ferme les yeux et respire doucement. Concentre-toi sur le silence mais n’essaye pas de te battre contre tes pensées. Tu ne gagneras pas comme ça. Laisse-les faire. » Raphael m'attire sur le lit, sur lequel je m'assis, aussi tendu que décontenancé. Lâcher prise alors que j'ignore comment vivre sans cette résistance m'apparaît bien saugrenue et dangereux, voire mortel ; toutefois, plutôt que de me focaliser sur cette finalité, je m'applique à suivre les premiers conseils de la phrase du Elly. D'abord fermer les yeux, ensuite respirer doucement. Pas à pas, comme la magique recette de cuisine d'un gâteau extra riche en lait. Mes doigts s'enroulent nerveusement dans un pli de la couverture du lit, une bouée en mer agitée. Concentre-toi sur le silence, je me répète intérieurement alors que je m'applique à respirer aussi doucement que possible, mon autre main ayant quitté ma tempe pour se pendre entre deux boutons de ma chemise, là où je sens mon cœur encore tambourinant. Le silence semble une denrée bien rare face à ce tam-tam brinquebalant, qui couvrirait presque la mélodie de la fermeture éclair de Raphael vers sa pochette de cosmétiques. « Je vais venir tapoter ta paupière, ne fais pas le saut. C’est juste un pinceau. » J'acquiesce d'une manière frisant l'imperceptible, ma lèvre inférieure plus malmenée que jamais par mes dents, témoin de ma concentration à obéir. Cependant, piètre élève et la mémoire du corps toute puissante, je trésaille en sentant le pinceau de Raphael, même si je m'applique à rester aussi immobile que possible par la suite, ma main désormais un poing tenant prisonnière la couverture du lit. « Tout va bien ? » Je libère ma lèvre, me permets d'expirer aussi lentement que discrètement, telle une pieuse prière à la contenance face à la question de mon interlocuteur à qui je rêverais de répondre par l'affirmative. L'espace d'un instant, je songe à mentir, comme si la question du danseur créait une autorisation à la malhonnêteté, comme s'il avait pu passer à côté de mon malaise, bien que je me doute que s'il la pose, ce n'est pas par banalité d'usage. Résigné, j'ouvre les yeux, les mots manquant aussi cruellement que la confiance que je vouerais à ma voix de rester sobre et stable si je venais à la solliciter de suite. Je plonge temporairement mon regard dans le sien, muni d'une vaillance que je ne saurais expliciter, et le contact est rompu lorsque Raphael lorgne sur la photographie de Bea, la comparaison que je l'imagine produire me serrant douloureusement le cœur. Son invitation à fermer les yeux m'est salutaire et je ne me fais pas prier, aspirant soudainement à la noirceur, frémissant de nouveau au premier contact du pinceau sur ma paupière, aussi délicat soit-il. « Est-ce que c’est Bea qui s’est fait frapper comme ça ? »

Les trémolos deviennent fortes. Le concert odieusement désorganisé de mon cœur est abasourdissant, alors que mon sang me semble se figer, mes poumons se heurtent à l'inertie momentanée. Même mes méninges s'accablement d'un arrêt, comme si elles venaient désormais à saturation, comme si elles ne pouvaient pas assumer ce scénario-ci et tout ce qu'il impliquait au niveau de ma raison déraisonnée par les règles sociétales. Mon cerveau se court-circuite, se noie au cœur de ses secrets, au cœur de ses mensonges, au cœur de ses stratagèmes tortionnaires pour préserver mon cœur frénétique.

Mais mon cœur, lui, continue de battre, encore et encore, toujours plus fort, toujours plus vrai. Lui, il n'a pas cessé de fonctionner, il est le seul en action véritable et prodigieuse au milieu de l'interruption fantôme de mon organisme. J'ignore si c'est parce qu'il monopolise toute la force, ou si c'est parce qu'il est le plus hardi. Cependant, puisqu'il a le contrôle et se doit d'agir seul, dernier debout et puisqu'il qu'il tient tant à répondre à Raphael, c'est par ses témoins d'émotions qu'il communique, laissant naître à la naissance de mes cils les perles les plus sincères qu'il n'a jamais façonnées, qui sillonnent l'une de mes joues d'une tranchée humide d'aveux pourtant asphyxiés de la notion d'inavouables.

« Ca va pas si bien, » je réponds intérieurement, à retardement. « Ca va pas bien. Tout va pas bien. » Le credo commence, s'enchaîne, et d'une main maladroite, je gomme de ma joue les peines. « Oui, » je souffle dans un murmure frisant l'inaudible. Mon regard s'anime, se pose sur le portrait de Raphael. « Je suis désolé, » je m'excuse, sans trop savoir pourquoi exactement, si ce n'est que ça me semble juste. Je suis navré de me trouver dans cet état alors que nous devons célébrer son anniversaire, je suis désolé de n'avoir su être plus fort, je lui demande pardon de n'avoir pu être plus honnête, plus fier de toutes mes composantes. Je répète, comme si soudainement, à mesure des secondes qui défilaient, il y avait beaucoup trop de raisons de s'expliquer, que tout s'écroulait, que peut-être que je n'aurais jamais dû laisser ce secret-là se dérober, que peut-être importunais-je Raphael, le heurtais-je, le blessais-je, et cela, je ne le réfute de toutes mes forces. « Je m'excuse, Raphael. Je suis vraiment désolé, » je prononce d'une voix tremblante mais criante de franchise. « Personne - » je commence, les vecteurs de mon coeur s'y remettant, embrouillant ma vision, inondant mes cils, solidifiant les tranchées. « Je l'ai dit à personne, volontairement. » Entre des dedrag forcés et une agression qui m'a conduit aux urgences d'un hôpital de Brisbane, mon secret avait toujours explosé sous la contrainte, bien malgré moi. Kai qui parle de Bea est inconditionnellement accompagné de traumatismes. « Presque personne le sait, » je conclus, rejetant mon regard fardé sur la photographie de Bea. « Elle me manque, » je confesse, endeuillé. Je me sentais déséquilibré, sans le drag, à l'image d'un oiseau inadapté qui sautille malhabilement dans sa vie puisque ses ailes avaient été brisées, trop différentes de celles d'une majorité. Bea constituait mon exutoire, ma passion, celle qui m'insufflait la vie ; Kai, sans elle, se contentait d'exister dans une pénombre dénuée de goût et de couleurs. Je regrettais et étais désorienté sans cet alter ego qui était mon sens.
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyDim 26 Mar 2023 - 21:49

Raphael les écoute, ses conseils, parce qu’ils semblent avoir été conçus pour lui et ses oreilles pessimistes. Kai lui présente l’idée de se concentrer sur les bons sentiments qui ont été mélangés aux moins bons, parce que l’un ne vient pas sans l’autre, et l’autre se pince les lèvres en hochant de la tête. Convaincre Raphael est une chose difficile à faire parce qu’il est têtu (une vraie tête de cochon, même), mais il y a une certaine certitude dans les yeux du jeune homme qui lui donne envie de laisser une chance à cette technique. Il s’est cassé la jambe, n’a pas pu passer les auditions de l’école de danse de ses rêves, mais il s’est trouvé un amour pour l’enseignement ainsi que les enfants, eux qui le terrorisaient jadis avec leurs pensées toujours prononcées à voix haute, sans filtre. « Noté. » Il affirme en lui adressant un sourire reconnaissant. Et, juste après, il apprend que cette date ne sera pas la dernière, parce qu’ils ont déjà prévu de se jeter complètement habillés dans l’eau et, si dans un autre monde il penserait que cette occasion ne viendrait jamais, ici, ce soir, en présence du garçon à l’aura réconfortant, il a l’impression que la proposition s’est transformée en promesse au gré d’un regard, d’un sourire, et d’un petit rire indispensable.

Il n’a pas nécessairement envie de parler de l’emploi qu’il a réussi à dégoter au Everybody. Les félicitations ne l’intéressent pas parce qu’ils le placent au centre d’attention et, quand il ne danse pas, Raphael ne veut pas sentir les yeux rivés sur lui. Il ne saurait pas comment réagir. Et, du peu qu’il connait de Kai, il sait qu’il le bombarderait de questions auxquelles il n’a pas encore les réponses. Plutôt éviter d’entrer dans le ventre du sujet, le contourner est plus judicieux. « Tu me la conseilles ? Tu la fréquentes ? » Il hausse les épaules, se met à la place d’un client alors qu’il n’y est jamais allé avec ce statut. Il n’avait pas mis les pieds dans cet établissement avant de se faire engager. Ils cherchaient un professeur de danse et c’est l’une des seules choses qu’il peut offrir. « J’y suis allé quelques fois, oui. » Il ment à moitié, triturant la manche de sa chemise. « J’en parle parce que c’est une salle très inclusive, tu n’as pas besoin d’entrer dans le moule pour t’y sentir à ta place, tu vois ? » Il explique avec confiance, avant d’apprendre que le garçon juste sous ses yeux a déjà pratiqué de la boxe. Ce n’est pas qu’il ne l’imagine pas en faire, c’est que l’idée de le voir vêtu de gants l’amuse un peu. Il aimerait le voir ainsi paré, à dédier ses poings à des sacs ou même à des adversaires. Était-il talentueux quand il pratiquait encore ce sport de combat ? Le questionnement anime son enthousiasme et il se surprend à monter le ton alors qu’il murmurait jusqu’à présent. Heureusement, personne n’est alerté dans l’appartement ou, alors, les deux filles ont compris qu’il avait besoin d’intimité avec cet étranger dont l’odeur se mélangeait à celle déjà présente. « La voie reste libre. Tout est sous contrôle. » Il se mord la lèvre inférieure, repose ses yeux sur Kai après d’être assuré de ne voir aucune ombre dans le couloir. C’est excitant, ce jeu de gamins. Kai est son petit secret.  « Promis, je te fais signe quand je m'y remets, » Une autre promesse ; il aime ça. « Est-ce qu'ils font aussi de la boxe, à la salle Everybody ? » Oui. Il le sait, l’image est claire comme de l’eau de roche dans sa cervelle parce qu’il a parlé quelques fois au garçon qui anime les ateliers de boxe, mais il fait semblant de chercher l’information dans sa tête. « Hum… Oui, je crois bien avoir aperçu quelques sacs de boxe dans l’une des salles. » Il hausse même les épaules pour crédibiliser sa comédie. « Tu pourras venir y jeter un coup d’œil. » Il propose, sachant pertinemment qu’il trahit d’avance ses mensonges blancs. Ce n’est pas qu’il veut lui cacher son emploi, c’est juste qu’il ne veut pas parler de lui. Kai le comprendrait.

Et, tandis qu’il apprend que le jeune homme a été déplacé dans le salon pour passer les nuits, il se fie à sa propre expérience pour lui assurer que ce n’est pas si mal de dormir sur le canapé. Il suffit de bien savoir emménager l’endroit et de ne pas poser un cactus de vingt kilos exactement là où les pieds d’un occupent dépassent. C’était con, cette idée ; mais Raphael était encore plus con de ne jamais se proposer à trouver un nouvel emplacement à la plante épinée. C’était aussi con de penser que la discussion les mènerait jusqu’ici alors que Kai, visiblement, présentait un problème d’ordre auditif. « Ah ça... Je me fais aucun souci sur ce volet-ci, » Il voit son visage s’affaisser quelque peu, se demande s’il n’y aurait pas un problème derrière cette histoire de petit copain qui fait couiner sa meilleure amie. « On dirait que ça te dérange. » Il affirme d’un ton détaché, détournant les yeux, pour ne pas le forcer à répondre. Plutôt feindre la passivité que d’admettre qu’il a envie de savoir comment il est, avec ses amis. Leur pose-t-il autant de questions ? Ses yeux s’illuminent-ils de la même façon que lorsqu’ils rencontrent ceux de Raphael ? Des questions qui ne devraient pas avoir lieu d’être, mais l’esprit compétitif du bouclé ne lui laisse jamais de répit. « T'aimes les cactus ? Y en a-t-il un énorme à côté de ton lit ? » Il pouffe d’un autre rire : bien sûr qu’il allait lui demander. Personne ne parle de cactus sans avoir d’expérience à raconter. « À vrai dire, je les déteste. » Il admet en fredonnant, tapotant le comptoir avec ses doigts. « J’ai dormi sur le canapé pendant quelques mois à mon ancien appartement. Il n’y avait que deux chambres et on était trois. Comme j’étais le dernier arrivé, j’ai hérité du salon, mais le cactus d’un mètre en avait déjà hérité avant moi. » Il se pince les lèvres, passe sa main dans sa coiffe, déteste repenser à ce salon, ce cactus (qu’il a d’ailleurs enfin brisé). « J’ai dû passer des journées entière à retirer les épines rentrées dans mes mains ou dans mes pieds avec une pince à épiler. » Il admet, rougissant, avant de relever sa bêtise avant que Kai ne le fasse : « Et, non, j’étais trop timide pour demander à ce qu’on le déplace. » Une jolie métaphore à sa personnalité. « De toute façon, il n’y avait pas meilleur endroit. » Il ment à demi-mot, se cachant derrière son verre. Au moins, ça lui fait une drôle d’anecdote à raconter aujourd’hui. C’est ça le positif dans l’histoire. Il commence déjà à mettre à exécution les conseils de Kai.

D’un moment à l’autre, ils se retrouvent dans l’intimité de sa chambre et, si au départ l’idée le déstabilisait un peu, il se retrouve complètement à l’aise quand ses cadeaux sont étalés sur le lit, ainsi que leurs deux corps recroquevillés. Ici, ils n’ont plus besoin de filtrer leur voix ou de faire attention à ne pas attirer des témoins. De toute façon, ni Adriana ni Andrea ne pousseraient la porte de sa chambre sans son accord. Ils ne sont plus à le vue de tous. Les trois cadeaux le comblent de gratitude mais il n’arrive toujours pas à accepter les compliments de Kai. Ils le prennent toujours par surprise parce qu’il n’a pas l’habitude de plaire, mais ça lui plaît, de plaire. « Je peux pas, parce que... »  Il fronce les sourcils en lui lançant des éclairs avec les yeux. Il sait déjà ce qu’il va dire. Et il le dit. « Ce serait pas être honnête. » « Je te déteste. » Il fait en dissimulant son énième sourire derrière le revers de sa main. C’est sa manière de le remercier.

L’ambiance passe du rose au gris en un battement de cils et, guidé par les indices qui se trouvent juste sous son nez, Raphael commence par faire des liaisons entre A et Z. Cette photo autographiée de Bea n’aurait pas pu se trouver dans l’enveloppe si Kai ne la connaissait pas personnellement – ou c’est autre chose, mais quelque chose qu’il aurait besoin de vérifier avec un coup de pinceau avant de sauter à la conclusion. Sans penser qu’il créerait un ouragan, il demande au jeune homme si son visage pourrait être sa toile alors que sa main s’occupe déjà à trouver la palette de fars à la couleur recherchée. Sur la photographie, les paupières de la drag ressemblent à deux cerises bien rondes et, ça tombe bien, il se souvient s’être procuré une palette dans ces teintes un mois plus tôt. Il ne réalise pas que son enquête brusquerait tant Kai qui, sans prévenir, bondit en dehors du lit pour faire les cent pas. À cet instant, il réalise qu’il n’aurait même pas besoin de mener son expérience pour que son hypothèse soit affirmée. Si Bea s’est envolée des réseaux sociaux, c’est parce que Kai ne la fait plus vivre. Avec toute la douceur dont il peut faire preuve, il présente la possibilité à l’agité de revenir s’asseoir prêt de lui. Ses mains trahissent ses pensées, viennent toucher les blessures récentes qui ont fait craquer son visage de porcelaine, il est désormais un livre ouvert et chaque page décrit les injustices et la haine qui l’ont pris pour cible ; lui, ou Bea. Comme s’il prenait soin d’un bébé oisillon tombé du lit, il tapote doucement le dessous du sourcil du garçon et, même s’il n’avait pas besoin d’une dernière preuve, il la prend, s’en sert, pour reprendre la parole et offrir à la victime la possibilité de s’ouvrir. « Est-ce que c’est Bea qui s’est fait frapper comme ça ? » Il suffit de voir sa réaction, son corps qui s’immobilise, ses poumons qui peinent à maintenir le rythme et ses iris fuyant pour obtenir une réponse. Il recule son pinceau dès que des perles d’eau s’agglutinent à la ligne de sa paupière, le pose sur le matelas, détend sa posture et se contente de l’écouter s’il a vient envie de s’exprimer. « Je m'excuse, Raphael. Je suis vraiment désolé, »  Il secoue déjà la tête pour lui signifier qu’il n’a pas besoin de s’excuser. Il n’a rien fait de mal. Il s’accroche à ses lèvres, cherche à comprendre mieux l’origine de ce chagrin qui fait bouillir le sang dans ses veines. « Je l'ai dit à personne, volontairement. » Est-ce qu’il l’avait fait volontairement, ce soir, en lui offrant cet autographe, ou avait-il cru que Raphael ne comprendrait pas ? Certains peuvent rester aveugle devant l’évidence, lui-même en constitue une preuve, mais il a appris de ses erreurs et tente de son mieux de ne pas les reproduire. Bien sûr que Kai est plus qu’il n’a prétendu : il lui a bien dit qu’il savait maquiller un visage, lui qui ne portait pourtant rien le jour de leur rencontre. « Presque personne le sait, » Il suit son regard qui se pose sur le cliché de Bea, se pince les lèvres, acquiesce. Il s’agit d’une demande, celle de ne pas en parler à personne. Il peut lui faire confiance pour ça. « Elle me manque, » La pluie dans sa voix lui gonflent le cœur d’empathie, il se rapproche un peu du garçon, pose sa main sur la sienne, ne sent pas son pôle négatif réagir. Il peut le toucher sans que son corps ne s’offusque et cette nouvelle sensation le rassure, tout comme elle lui permet de murmurer sans prudence : « Qu’est-ce qu’il s’est passé, Kai ? » Il n’aura peut-être pas envie d’en parler mais il juge important de lui offrir la possibilité de le faire. Ils sont dans leur petite bulle, ici, et rien n’en sortira. « Est-ce que tu sais qui fait ça et pourquoi ils l’ont fait ? » Il craint d’entendre la réponse la plus facile : celle de la haine, de l’homophobie, des cœurs qui ont appris à rejeter l’inconnu plutôt que d’apprendre à le connaître.

@Kai Luz  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f631  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 2764  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f4a3  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f4a7
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyLun 17 Avr 2023 - 5:51

Mes mains s'appliquent à préparer le meilleur mojito à l'attention de Raphael tandis que mon esprit, lui, vagabonde tout autour de la pièce armé d'un indéniable dynamisme. Un drôle de sentiment m'enveloppe, frise la sensation d'être blotti, pendant que j'emmagasine toutes les informations disponibles sur ce logement tout en retenant le moindre geste et le moindre terme émanant de Raphael. Ma concentration se dédie à mimer l'expertise de mon meilleur ami barman afin d'offrir une boisson mémorable à mon hôte et je ne peux m'empêcher de penser que quand bien même il s'agisse de la première fois que je mets les pieds dans cet appartement, je m'y sens étonnement bien. Comme si j'y avais ma place alors que j'y suis le secret de Raphael ; comme si j'y étais libre alors que nous communiquions en murmures et chuchotement. Finalement, je réalise que cette sensation de liberté mêlée à un bien-être incommensurable provient du fait qu'auprès du Elly, je m'autorise simplement à être moi-même, et de par ce fait, je me défais d'un moule inadapté dans lequel je me heurte habituellement. A ses côtés, les exigences toxiques auxquelles je me plie d'ordinaire à me rompre sont abstraites ; son aura détient ce pouvoir salutaire d'annihiler les interdits qui régissent religieusement mon existence et me soumettent à une comédie funeste.

« J’en parle parce que c’est une salle très inclusive, tu n’as pas besoin d’entrer dans le moule pour t’y sentir à ta place, tu vois ? » Mon regard passe des agrumes aux prunelles du danseur. Est-ce que le garçon a saisit à quel point j'en souffre, de ce moule ? Tant qu'il me propose une salle de sport dite inclusive, dont la sémantique pourtant me renverse l'estomac ? Je reconnais que c'est sans doute idiot mais je demeure quelque peu embarrassé de ce genre d'endroit, tout comme les bars dits queer. J'adore m'y rendre, les fréquenter, mais je n'oserais jamais y entrer en plein jour, comme si la réalité aurait plus de chance de me nuire à la lumière du soleil. La salle Everybody attise férocement ma curiosité, cependant, une certaine dose d'audace me sera nécessaire pour oser en franchir le seuil. Dans un sens, j'ai peur de m'y découvrir, je crains devoir affronter le Kai authentique qui a tant l'habitude de se contorsionner pour entrer dans un rôle défini qu'il serait très maladroit d'être soudainement dénoué de toutes obligations nocives à sa plénitude.

La réaction suivie d'un rire de Raphael interrompt l'infernal jeu interne de chat et de souris avec mon identité. Un sourire sincère émeut la commissure de mes lippes, je décris son portrait avec une sincère tendresse ; mon cœur manque un battement lorsque mes pupilles se dilatent sur l'arrête de son nez et se fendent sur la forme de ses lèvres. J'inspire profondément, détourne le regard vers le couloir, constate à voix haute que le caractère secret de notre entretien n'est pas éradiqué. Je termine les boissons, ressasse cette salle de sport qui m'envoûte déjà car je l'associe désormais à Raphael et que je souhaite me rapprocher de lui même si cela se limite à suivre ses conseils ou à me rendre à un endroit qu'il me recommande. Je l'observe curieusement tirer sur sa manche tandis que je lie le lieu sportif à mon souhait potentiel de reprendre la boxe, je tente de décrypter l'origine de cet inusité malaise qui transparaît chez le garçon. Une drôle de balle magique tombe dans mon estomac quand l'australien invite : « Tu pourras venir y jeter un coup d’œil. » Un rire nerveux en franchit la barrière de mes lippes et j'acquiesce, timoré. « Tu crois qu'on pourrait s'y retrouver ? » Je m'entends demander, dans cette drôle de stratégie où le cœur prend toute la place et manipule les cordes vocales avant même l'aval de la raison. Néanmoins, aucun regret ne me mord furieusement en retour ; plutôt, je fixe avec avidité mon interlocuteur, tambour tonnant dans ma cage thoracique, espoir véhément qu'il adhère à ma proposition grossièrement déguisée.
Un saut tout habillé dans un étang, un passage à la salle de sport inclusive, les opportunités se multiplieraient avec félicité.

Une partie de mes réflexions se portent soudainement sur mon appétence à parler de mes meilleurs amis avec Raphael. Le reste de la bande a une place privilégiée dans ma vie : ils sont ma famille de coeur ; toutefois, je me demande si les personnes en général parlent beaucoup de leurs amis et à chercher dans ma mémoire, je n'en ai pas énormément l'impression. Je me promets d'interroger les principaux concernés à ce sujet prochainement, tout en me rassurant du fait que le Elly ne semble pas importuné de la facilité avec laquelle je lui décris des parts chéries de ma vie. Certes, me plaindre des ébats amoureux de Dani avec son petit ami du moment n'est pas le moment le plus réjouissant de mon histoire, cependant, j'adore ma colocataire et en bout de ligne, c'est cette partie de moi que j'aime que je veux partager avec Raphael. « On dirait que ça te dérange. » Je ris nerveusement, frotte la peau sous mon œil, hausse une épaule nonchalamment. « Je suis content qu'elle soit heureuse et qu'elle prenne du plaisir mais... C'est juste un petit peu rengaine. Il faudrait simplement que j'investisse dans des boules quies, en fait. » je réalise. En aucun cas je ne souhaitais que la Hwang cesse ses amourettes, sans compter que j'étais déjà très heureux de vivre avec elle et encore plus qu'elle puisse s'épanouir dans les bras d'un homme - même s'il n'était pas Hugo, mais cela composait une toute autre histoire. J'inspire profondément, mets de côté la vie sentimentale de la coréenne pour m'intéresser à cet intriguant cactus que m'avait dépeint plus tôt le trentenaire. « À vrai dire, je les déteste, » il pouffe et mon sourire s'élargit, à la fois intrigué et attendri. « J’ai dormi sur le canapé pendant quelques mois à mon ancien appartement. Il n’y avait que deux chambres et on était trois. Comme j’étais le dernier arrivé, j’ai hérité du salon, mais le cactus d’un mètre en avait déjà hérité avant moi. J’ai dû passer des journées entière à retirer les épines rentrées dans mes mains ou dans mes pieds avec une pince à épiler. » Je grimace, compatissant. « Et, non, j’étais trop timide pour demander à ce qu’on le déplace. De toute façon, il n’y avait pas meilleur endroit. » « Tu as vraiment bon coeur pour avoir cohabité avec tant d'abnégation avec cet imposant et tortionnaire cactus, » je complimente. Après tout, Raphael aurait peut-être pu demander à ce qu'ils se débarrassent de la plante grasse ou qu'elle investisse la chambre d'un colocataire ? « Si tu adoptais une plante, tu prendrais quoi ? » Je demande curieusement, cherchant désormais l'opposé du cactus dans la liste des préférences végétales du bouclé.

Les papillons reprennent leur parade agitée dans mon estomac alors que nous migrâmes vers la chambre de Raphael. Au cliquetis de la porte, mes appréhensions de me sentir mal à l'aise d'être au creux d'une telle intimité avec le garçon que j'apprécie pourtant exponentiellement s'évaporent derechef. Comme s'il ne me suffisait de croiser le regard de Raphael pour me rappeler que tout allait bien, que j'allais bien, que j'étais bien ; comme si l'australien avait ce pouvoir exceptionnel pour apaiser mon âme et conforter mon essence. A mesure que j'offre ses présents d'anniversaire au tout jeune détenteur de trois décennies, je réalise que le Elly m'insuffle une confiance rare : je me plais à me dévoiler sous son regard, je m'autoriser à exposer qui je suis malgré toutes ces facettes multicolores et éclatantes qui d'ordinaire m'embarrassent. Je me sens en sécurité d'éclore à ses côtés, comme s'il me préservait de toute bourrasque qui ferait sombrer lamentablement ces pétales fragiles que je déploie précautionneusement, comme si de toute façon avec lui, ce genre de tempête était impensable. De bon coeur, je m'enthousiasme de la palette de maquillage tout en le conseillant et le complimentant avec franchise, imposant une teinte pivoine sur ses joues. « Je te déteste. » Je ris avec douceur puis souffle avec malice : « Moi aussi. »

L'orage de ma raison gronde sur la fleur qui s'est ouverte avec tant de candeur. Elle tonne sur les pétales fragiles qui pourtant se réjouissaient d'être enfin à découvert, se félicitaient de se sentir valables, justes, peut-être même appréciées. Les papillons qui l'entouraient s'agitent, paniqués, leur poudre se répand dans un véritable carnage par delà mon jardin secret et bientôt, j'étouffe. L'air est dense, pollué des doutes, des craintes, des peurs, des cauchemars, des hantises. Ma vision s'assombrit et se trouble. Mes muscles se raidissent désagréablement, mes souvenirs me happent et m'entraînent dans une spirale infernale à m'en provoquer des haut-le-coeurs acerbes, à m'en serrer douloureusement le coeur. Un papillon se meurt dans ma gorge, boule indigeste, fragilité violentée, qui m'impose mutisme alors que l'horreur me transperce, que la vérité me blesse. Dans un noble paradoxe, chaque coup de pinceau de Raphael sur mon visage me rassure et me pétrifie. Je retrouve un réconfort à me cacher sous les traits de Bea qu'il improvise, sous ces artifices qui l'invoquent, mais aujourd'hui, je reconnais que le jeu est dangereux, que le flirt est épineux. J'ai peur de me brûler les ailes, de me briser le coeur, de faire tomber des barrières alors que la vulnérabilité est à son paroxysme et que les papillons s'envolent à tout jamais parce que la fleur a fané. Je me retiens péniblement de ne pas marquer ma lèvre de mes dents, mes doigts s'entortillent plutôt au drap sans défense du lit de Raphael. Je m'évertue à calmer ma respiration, à ne pas céder à la panique, bercé par les mots réconfortants et encourageants fournis par le garçon.

« Est-ce que c’est Bea qui s’est fait frapper comme ça ? » Le couperet tombe. Cette fois-ci, je ne peux m'empêcher de planter mes dents dans ma lèvre inférieure et deux segments s'imposent, violacés, à côté de la boursoufflure vestige d'un récent hématome. Une montagne se dresse dans mon esprit, gigantesque de regrets, de remords, d'appréhensions. Des perles nouées de stress et de désarroi s'accrochent péniblement à mes cils sombres, sel de mes désarrois qui menacent de brûler toutes mes pétales. Je me sens démuni de confier mon identité artistique à Raphael car d'une certaine manière, je perds de mon emprise sur mon secret en le partageant avec une nouvelle personne. J'ai confiance en le garçon, mon être vibre de croire en lui, mais la démarche est téméraire alors que nous ne nous voyons que depuis la deuxième fois. Aussi, il me paraît superflu que le poids de mes non-dits soit un peu moins lourds de les confier au Elly ce soir. C'est une adaptation gauche de continuer sa route plus léger et ce nouveau rythme m'étourdit tant il m'est peu habituel.

Souligner encore et encore le fait que Bea est un secret et que je ne l'ai révélé à personne crie ma volonté de faire comprendre à mon interlocuteur que cette omission n'est pas entièrement volontaire, que je ne lui ai pas menti faute de respect envers sa personne mais plutôt de courage vis-à-vis de moi-même. J'argumente en lui signifiant à quel point peu de mon entourage est au courant de mes pratiques passionnées et je sais pertinemment que les calvaires qui se creusent sur mes joues et menacent de ruiner le maquillage ne sont pas exclusives au deuil du secret entier de Bea. Il y a aussi le deuil de Bea dans son intégralité, quand je me refuse de la faire réapparaître depuis que quatre inconnus ont voulu l'annihiler. Peut-être ont-il même réussi et ne pas savoir répondre à cette énigme m'accable au-delà de tout le traumatisme afférant à cette violente agression. Il y a une partie de moi-même en suspens, le corps est en pilote automatique, grince en mode survie.

« Qu’est-ce qu’il s’est passé, Kai ? »
Mes mains tremblent, mon regard se fixe sur mes doigts qui s'enfoncent nerveusement entre les épaisseurs du lit du danseur pour récupérer un peu de contenance. Je déglutis difficilement, ma pomme d'Adam trésaille, mes traits se tirent dans une expression tantôt de terreur, tantôt de souffrance. De ma main libre, je gomme promptement les larmes sur mes joues et je renifle aussi discrètement que possible. Je me sens me décomposer sur ce matelas, bien malgré moi. A mesure des secondes qui se dérobent, je perds pied, je peine à me reconnaître, je misère à confronter les réponses aux questions de Raphael, je me noie dans mes émotions exacerbées d'avoir été si longtemps retenues.

Je n'avais pas pleuré au moment des faits, j'avais subi en espérant qu'ils arrêtent. Lorsque j'avais compris qu'ils ne raviseraient pas le déversement de leur haine, je m'étais contenté de tenter de survivre jusqu'à ce que quelque chose vienne les interrompe. Passer à travers.
Je n'avais pas pleuré à l'hôpital parce que je voulais être fort pour mes amis, pour mes collègues. De plus, je ne pensais qu'à sortir de cet hôpital et pour cela, j'ai menti autant que possible sur mon état. Se mentir à soi-même.
Je n'avais pas pleuré à la gendarmerie alors que la honte cuisait tout mon organisme, alors que j'ai dû une nouvelle fois relater le récit de ces attaques physiques et psychologiques sous des regards bien trop expressifs. Se voiler la face.
Je n'avais pas pleuré même si j'étais réduit à un amas de bris et de poussières que je n'étais même pas certain de pouvoir recoller un jour. Se perdre.
Je n'avais pas pleuré lorsque j'étais rentré chez Dani et qu'il m'était incapable ne serait-ce que de me regarder dans un miroir tellement je me dégoûtais, tellement je ne me reconnaissais plus, tellement je ne voulais plus me connaître. Se fuir pour oublier.
Je n'avais pas pleuré lorsque ma House, la première en qui j'avais fait confiance en plus de douze ans de drag, m'avait signifié ma sortie, motivée par leur crainte que mon agression salisse leur réputation. S'isoler.

Je n'avais pas pleuré. Je n'avais pas su pleurer.
Parfois par orgueil, par amour, par courage. D'autres par peur de craquer et de ne pas pouvoir remonter la pente si je me laissais trop aller au chagrin.

Et la chambre de Raphael était probablement le pire lieu pour me mettre à pleurer, pour déverser tous ces tombaux d'émotions acides que j'avais si longtemps et si férocement retenus, sans compter que le moment était tout aussi mal choisi. On ne pleure pas pendant les anniversaires. Encore moins un cap vers trente ans.
J'assumerais difficilement de m'effondrer ainsi, transi par le désamour. Si ma gorge n'était pas si nouée, je m'excuserais de nouveau.

« Est-ce que tu sais qui fait ça et pourquoi ils l’ont fait ? » Je déglutis, la voix du garçon me ramène à la réalité tandis que sa main vient se poser doucement sur la mienne. J'inspire fébrilement. « Oui et non, » je souffle, tel un secret inavouable, comme si nous étions de retour dans la cuisine et qu'il ne fallait absolument pas que les colocataires de Raphael m'entende. « Je ne les connais pas personnellement mais je sais pourquoi ils ont fait ça. » Mon regard n'est que vagues, je me demande si c'est ça, le vague à l'âme. Elles me conviennent bien, elles altèrent ainsi les images de mon agression, les bleus à l'extérieur et le blues à l'intérieur. « Je le sais parce qu'ils me l'ont dit. Ils me l'ont répété. » Encore et encore et encore. Ma mâchoire trésaille, mes lèvres tremblent. Leurs manifestations de mépris, de dégoût, de haine, retentissent incessamment dans ma boîte crânienne. Cela faisait deux semaines et pourtant, je pourrais répéter mot pour mot, scène par scène, l'événement. Je pourrais en rédiger un aussi minutieux que sinistre script, tant tout est vivace, vorace, vigoureux, dans ma mémoire. « Ils voulaient que - » Et je cherche les mots tendres reflétant la sémantique pourtant si cruelle, si assassine. « Ils - » J'inspire, dépité devant l'absence de vocabulaire adéquat. « Ils voulaient qu'elle disparaisse. » Je fixe la photographie de Bea, efface de nouveau les larmes sur mes joues. Ils voulaient me casser, me briser, me mettre hors d'état de nuire alors que je ne faisais de mal à personne, que je désirais simplement rentrer chez moi. Ils voulaient me faire payer ma différence, me punir de ne pas être comme eux, évacuer toutes leurs frustrations sur ma personne parce que cette nuit-là, à leurs yeux, je ne valais rien et je méritais d'être bafoué. Une carte joker pour la haine. Rien n'allait avec moi, rien n'allait chez moi. Tout était mauvais, faux, condamnable. Ce n'était pas que Bea. J'avais beau me priver, j'avais beau m'éloigner, ils n'avaient pas tapé que sur Bea. Kai aussi était coupable. La séparation des deux mondes n'avait pas tenue en cette sombre nuit ; pour l'une des premières fois, elle s'était fracassée, et ceci dans une synergie mortelle, éclatée dans des morceaux qui m'étaient pour l'heure introuvables. « Ils voulaient que je disparaisse. »

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Dernière édition par Kai Luz le Ven 8 Sep 2023 - 17:33, édité 1 fois
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyLun 1 Mai 2023 - 3:57

Pourront-ils se retrouver à la salle de sport comme ils se retrouvent ce soir ? Peut-être. Certaines personnes sont capables de faire des promesses mais Raphael a été habitué à la déception, aux plans changés à la dernière seconde, aux excuses trouvées pour reporter l’occasion. Tellement habitué qu’il a lui-même trouvé des moyens de s’éviter une sortie quand le jour J approche. Il veut penser que Kai ne lui fera pas peur parce que, en cet instant, il se sent confortable. Mieux, il se sent bien, et c’est grâce à la chaleur et à la gentillesse qui irradie du jeune homme. Il est un soleil en plein milieu de la cuisine. Il a envie de croire qu’ils se reverront, à la salle de sport, ailleurs. Qu’importe. « Oui, peut-être. » Il clame alors, replaçant ses bouclettes indisciplinables derrière ses oreilles tout en baisant le nez pour dissimuler l’énième vague de sang qui lui monte aux joues. Pas de promesse mais l’ouverture est bien là.

Vivre avec un colocataire n’est jamais facile. Parfois, les personnalités se fracassent et forment des étincelles. Si Raphael apprécie les deux filles qu’il côtoie ici, il espère encore trouver la perle parfaite qui pourrait supporter tous ses défauts et apprécier toutes ses qualités. Quelqu’un qui le voit pour la personne qu’il est, le positif et le négatif, les bonnes journées tout comme les mauvaises. Du côté de Kai, il semble s’être déniché de bons amis ; Raphael n’en sait toujours rien, il ne connait pas leurs noms, leurs occupations, si ce n’est que les activités nocturnes et bruyantes de sa colocataire actuelle. « Je suis content qu'elle soit heureuse et qu'elle prenne du plaisir mais... C'est juste un petit peu rengaine. Il faudrait simplement que j'investisse dans des boules quies, en fait. » S’empêchant de pouffer de rire, il acquiesce. Il avait presque eu envie de le couper dans son discours pour lui proposer d’écouter de la musique ou le silence grâce à des boules quies mais il avait lui-même tiré la solution. Elle se trouvait juste devant ses yeux depuis le début. « Moi je mets des écouteurs quand je n’ai envie d’entendre personne. » Il se perd dans ses milles et unes compilations de comédie musicale et il oublie momentanément que ses colocataires ont une vie plus trépidante que la sienne. C’est mieux que rien. Ceci dit, même si Raphael prétend connaître les solutions à tous les petits problèmes, ça ne l’a pas empêché d’endurer le supplice du cactus pendant plus d’un an. « Tu as vraiment bon coeur pour avoir cohabité avec tant d'abnégation avec cet imposant et tortionnaire cactus, » Il aime cette manie qu’il a d’utiliser des mots compliqués et de les adoucir au détour d’une note poétique. Ça lui arrache toujours un rire surpris, un rictus d’étonnement, comme s’il avait oublié à tous les coups qu’il souhaitait devenir journaliste et qu’il manipulait bien la langue. « Si tu adoptais une plante, tu prendrais quoi ? » Voilà une autre question à laquelle il n’avait jamais pensé. C’est tout naturellement qu’il répond la première chose qui lui passe par la tête : « Une touffe de pissenlits. Avec l’herbe et tout. » Les seules plantes qu’il a manipulées dans son enfance, lui qui avait rapidement appris sa leçon en s’aventurant dans un buisson de baies plein d’épine. Il se souvient avoir hurlé pendant des heures lorsque ses deux pères s’étaient attelés à l’immobiliser pour lui retirer les échardes plantées dans sa peau. Visiblement, sa vie ne manquait pas de piquant.    

Un clash cinglant fait passer Raphael d’une réalité à une autre. D’abord les quelques gorgées d’alcool et les anecdotes futiles racontées sur un ton léger et papillonnant, puis l’énigme rapidement résolue et la vérité qui surgit. Au départ, le danseur ne sait pas quoi répondre quand comprend que Kai n’est pas la seule personne qu’il a accueillie dans son intimité. Bea s’y trouve aussi, et il a l’impression de le savoir depuis le début comme si c’était une évidence dont il n’arrivait pas à s’emparer complètement. Un coffre-fort bien visible devant lui mais un cadenas à la combinaison inconnue. Puis, il finit par dire quelque chose pour ne pas laisser le duo mutilé dans sa souffrance. Bien sûr, il veut savoir ce qu’il s’est passé. Ce n’est pas de la curiosité malsaine, au contraire. Il veut savoir pour mieux aider. Pour l’instant, il ne possède pas les outils nécessaire à la résolution de ce problème – il ne les possèdera peut-être jamais, non plus, il ne se croit pas si indispensable que ça.

Ça lui serre le cœur de voir Kai, un garçon si souriant et enjoué, se refermer telle la fleur desséchée. Ses larmes sont des fleuves sur ses joues brillantes, mais leur courant est interrompu par les mains fébriles du garçon qui s’entête à les effacer. Elles ne sont pourtant pas honteuses. Elles ont besoin d’exister. Raphael veut les voir parce qu’il sait comment il se sent quand il se retient pendant trop de temps et qu’il explose quand c’est trop tard. Il en a fait, des bêtises, parce qu’il se refusait de pleurer. « Oui et non, » Que son ami répond enfin après avoir lutté contre la nausée. Raphael est là pour l’écouter, et c’est tout. « Je ne les connais pas personnellement mais je sais pourquoi ils ont fait ça. » Il n’est pas ignorant. Il a vécu les injustices, faisant lui-même partie de ce groupe facilement ciblé. C’est tellement facile d’attaquer ceux qui cherchent encore à solidifier leurs fondations branlantes. Pour cette raison, Raphael appréhende la suite qui ne pourra pas le surprendre. Mais les mots que Kai utilisent, son insistance sur le terme « disparaître », lui dresse le poil sur les bras. Son visage se décompose, la chaleur entre sa main et celle du garçon détruit monte en ardeur et trahit la colère qui fait bouillir le sang dans les veines de Raphael. Sa peine se manifeste au détour du mutisme qui le sidère, et il doit reprendre contenance en se secouant les puces afin de reprendre parole plus ardument : « Je t’interdis de les écouter. » Devra-t-il lui donner des ordres pour se faire écouter ? « Ces gens qui font ça, ils sont jaloux parce qu’ils aimeraient être aussi courageux que toi. Ils veulent se prouver qu’ils valent quelque chose et ils n’ont pas trouvé meilleure façon que de détruire les autres. » Ses dents sont tellement serrées qu’elles lui font mal. « Des mecs mal élevés qui vont finir complètement seuls alors que, toi, t’es pas seul. Bea non plus. Vous êtes une grande communauté, vous vous serrez les coudes, et le moindre de vos problèmes c’est les mecs qui ont besoin de compenser pour leur petite bite. » Il dérape. Il n’arrive pas à faire autrement. Raphael n’est jamais le plus raisonné lorsqu’il s’agit de régler un conflit. « Daddy issues, ou un autre truc du genre. » Il ajoute cet exemple, conscient qu’il ne pourra pas poser le doigt sur le vrai problème, mais ça l’aide de ridiculiser les assaillants et il espère que ça aide aussi Kai. « Ne les laisse pas te faire croire qu’ils ont raison, Kai… » Il murmure enfin, serrant ses doigts dans les siens contre le matelas, exerçant cette petite pression qui signifie qu’il est là et qui ne le laissera pas se battre seul contre ses démons. « Moi je ne veux pas que tu disparaisses. » Il ne prétend pas qu’à lui seul il peut séparer la mer en deux, mais deux soldats se battront toujours mieux qu’un seul.  

@Kai Luz  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f485  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f4a6  holding onto little pieces of what remains (rakai #2) 1f4a5
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Message(#)holding onto little pieces of what remains (rakai #2) EmptyDim 11 Juin 2023 - 18:23

Un sourire amusé se dessine sur mes lippes lorsqu'à ma question sur l'éventualité que Raphael et moi nous retrouvions à la salle de sport Everybody, décrite comme inclusive par le danseur, ce dernier me formule un « Oui, peut-être » en fuyant mon regard, dissimulant quelque peu le rose qui colonise promptement ses joues. « Je vais le prendre comme un jeu alors. Si j'ai de la chance, je gagne ta présence là-bas quand je m'y rendrais, » j'annonce avec espièglerie et enthousiasme avant de reporter mon attention sur les deux rafraîchissements que je concocte avec coeur, allant jusqu'à puiser dans mes forces mentales pour me concentrer sur la recette et veiller à ne rien oublier ou ne pas me mêler dans les dosages.

Discuter colocation peut certes paraître banal mais mon intérêt est assurément aguiché quand Raphael me révèle les péripéties épineuses qu'il a essuyées auprès de ce cactus avec qui il cohabitait précédemment. Je cueille les éléments de son histoire qu'il m'attribue, y faisant mon propre bouquet de pissenlits, herbe comprise, que je dispose à même mon coeur, là où les informations précieuses se tiennent, les trésors du passé qui colorent l'essence des personnes du présent. « Tu savais qu'on les appelait comme ça pour leurs propriétés diurétiques ? » Je partage mon lot de savoirs sur ces plantes considérées telles des mauvaises herbes. « Et dent-de-lion aussi, pour la forme de leurs feuilles. »

Du pissenlit, j'en perd rapidement l'éclat, quand la fête d'anniversaire et les présents sélectionnés avec affection mènent Raphael à ma double identité. Probablement en suis-je responsable, pour avoir semé des indices sur la route du garçon qu'il empruntait, à mon plus grand ravissement, jusqu'à moi. Si je n'étais pas certain d'être doté de la hardiesse pour l'affirmer, j'étais aujourd'hui aussi fier que terrorisé à l'idée que le danseur puisse valser aux côtés de mon alter ego chéri. Je redoute qu'il lui piétine les pieds et le cœur, mais Bea exulte de ne plus être seule, d'être accompagnée de quelqu'un qui génère des milliers de papillons colorés dans son jardin secret et éblouissant de passion et de fantaisies.

Cependant, Bea est saccagée, Bea est à terre, Bea n'a pas su se relever de son passage à tabac qui remonte à plusieurs semaines maintenant. Peut-être la porte a-t-elle été ouverte à Raphael parce qu'elle espérait si férocement être approchée de sa douceur, de sa candeur et de son soutien. Peut-être avait-elle besoin de lui pour oser se redresser, risquer de respirer sans regretter d'exister hors les normes dictées froidement par la société. Des perles roulent inlassablement sur mes joues livides. Des termes, hachés d’angoisse comme de désamour, s'arrachent en trémolos douloureux de mes lèvres tremblantes. Mon bras libre se referme en une moitié de croix contre mon buste comme pour me protéger pendant qu’une de mes mains repose au creux de la chaleur de celle de Raphael. Je m'ordonne de prendre les bouffées d’oxygène indispensables à ne pas m'asphyxier dans les souvenirs insupportables de mon agression et m’étouffer sur leurs cauchemardesques conséquences, qui font déjà écho aux innombrables heurts reçus pour avoir osé être non seulement qui il me plaisait, mais mon authenticité.

Bea méritait-elle la peine capitale ?

« Je t’interdis de les écouter, » tranche Raphael sur un ton catégorique que je ne lui connaissais pas auparavant. Mes pupilles croisent furtivement les siennes, comme pour y puiser l’encre de son âme et graver ses paroles dans mon esprit, solace que je me répéterais lorsque mes nuits seront hantées de malveillance. « Ces gens qui font ça, ils sont jaloux parce qu’ils aimeraient être aussi courageux que toi. Ils veulent se prouver qu’ils valent quelque chose et ils n’ont pas trouvé meilleure façon que de détruire les autres. » Je passe fébrilement une main sur mon visage, gommant de nouveau les larmes indociles qui ne cessent d’y rouler. Le contrôle sur mon chagrin est perdu, ma tolérance saturée, tout se déverse sur mon portrait pendant que je me sens prodigieusement inconsolable, en pleine rupture avec le monde et comment il le traite. « Je me suis pas défendu. J’ai essayé de les convaincre d’arrêter, mais je les ai pas frappés, » j’avoue, honteux, mais aussi peiné car j’avais appris une leçon cette nuit-là : que j’avais été naïf de penser qu’il y avait du bon en chacun et qu’on pouvait l’invoquer. Coupable, je redoutais m'être laissé tomber moi-même, avoir provoqué ma déchéance. « J’avais espoir qu’ils comprennent que je ne méritais pas ça. Qu’ils comprennent que je ne faisais pas de mal. Je fais pas de mal, » je répète dans un sanglot péniblement étouffé pourchassé par un haut-le-coeur, essayant de me convaincre ne pas être ce monstre à éradiquer qu’ils ont décrit avec une assurance dévastatrice, de ne pas être cette tare à débarrasser, de ne pas être une faute, un nuisible, une abomination, entre autres insultes. « Des mecs mal élevés qui vont finir complètement seuls alors que, toi, t’es pas seul. Bea non plus. Vous êtes une grande communauté, vous vous serrez les coudes, et le moindre de vos problèmes c’est les mecs qui ont besoin de compenser pour leur petite bite. » Je ne peux m’empêcher de former un rire bref et nerveux aux courts atouts décrits par Raphael. Je me presse les lèvres, tente d’inspirer profondément. « Ma House m’a viré parce qu’ils avaient peur que je leur apporte des ennuis, » j’informe, piteusement, mes yeux plongés sur le drap que je malmène nerveusement de mes doigts. « Généralement je fais jamais partie d’une House parce que je me dedrag jamais et ça frustre un peu. » J’étais incapable de compter les fois où on m'a reproché que Bea ne montre jamais son vrai visage. « Mais cette House me semblait différente alors je me suis dit pourquoi pas… Que ça pourrait être sympa de faire officiellement partie d'un groupe. » Grave erreur. « Mais il y a quand même des gens, oui, » je confirme le soutien communautaire auquel l’australien se réfère. Bea était peut-être vouée à être un électron libre, mais elle n'était pas seule. Si je n’avais pas osé écrire sur Instagram que les raisons médicales qui la forçaient hors de la scène étaient causées par une intolérance haineuse, les messages de soutien que j’avais reçus par vague avaient indéniablement couvert mon coeur d’un baume salutaire. « Ne les laisse pas te faire croire qu’ils ont raison, Kai… » Je tente de nouveau d’emplir mes poumons crispés par le cocktail explosif d’émotions qui me tétanise. Je m’accroche aux yeux clairs du trentenaire, sens ses doigts étreindre sévèrement les miens, ce que j’interprète telle une promesse, que je sens telle un partage de force. Des compressions sur le palpitant affaiblie de Bea. « Moi je ne veux pas que tu disparaisses. » Je me mordille la lèvre inférieure, la déclaration balayant tous mes doutes quant au fait d’être si ouvert face à Raphael. Les papillons se posent à l’unisson sur mon coeur meurtri, pansements sur ses failles, apaisement sur ses souffrances. L’effet est d'une infinie tendresse, l’antidote indubitablement inestimable ; le danseur est un élixir d’une unicité exceptionnelle. La parole m’est dérobée, toutefois ; les mots me paraissent bien faibles pour exprimer la gratitude et l’affection exponentielles que je dédie à mon interlocuteur. Alors, même si généralement je reste précautionneux de ne pas engager de contact physique, de peur de mettre mal à l’aise le danseur et forcer d’éventuelles barrières, j’annihile les quelques centimètres qui nous séparent pour m’abandonner dans une étreinte contre lui. Je l’imagine d’apparence probablement très gauche de l’extérieur, décousue de membres qui se serrent spontanément alors que mon oreille se pose contre le coeur du Elly et que ma silhouette tremble peu à peu moins au contact de sa chaleur. Toutefois, elle est la plus réconfortante que je n’ai jamais connue, celle que je n’ai jamais autant puissamment désirée, celle qui coule de la source de mon instinct - ma favorite de toutes. Au loin, une pensée s’ose à espérer que les larmes qui se meurent sur l'habit du garçon constituent des graines qui feront naître de nouveaux liens entre nous, maximiseront notre relation avec la même persévérance tranquille que la nature représente.

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