| | | (#)Sam 7 Jan 2023 - 2:27 | |
| In these sour times please allow me to vouch for mine, bitter taste in my mouth spit it out with a rhyme, I'm losing my religion to tomorrow's headlines. Forrest Gate, sorry mate ? Nah nothing, it's fine. ☆☆ Si elle n’est pas là, je laisse tomber. C’était sa manière à lui de se rassurer, de remettre le bien fondé de cette idée dans d’autres mains que les siennes, lui qui n’avait jamais cru en rien mais qui, au moment de se dégonfler, aurait bien voulu remettre la faute sur le dos d’une divinité quelconque. Il n’était pas ici par hasard, pourtant, et la décision de laisser ses pas l’y conduire n’émanait de personne d’autre que lui-même. Les mains enfoncées dans les poches de son blouson, voilà cinq minutes qu’il observait la devanture du pub depuis le trottoir d’en face, pas tant intimidé parce qui se trouvait à l’intérieur que dubitatif sur ce que dirait de lui le fait de passer la porte. Sauf que tu ne le fais pas pour toi. Tu le fais pour lui. Et à ce sujet Anwar avait déjà fait bien pire que de devoir ravaler sa propre fierté et se mesurer au risque d’être renvoyé dans les cordes par KO. Tu ne faisais pas tant de simagrées, quand il s’agissait d’aller fricoter avec Strange. Ça en revanche, ce n’était pas tout à fait vrai : sa conscience en avait fait les frais, et avec elle son moral et son sommeil, le tout pour un résultat plus que décevant. Suffisamment en tout cas pour que la chute de l’ancienne tête pensante du Club ne serve d’excuse à l’inspecteur pour abandonner ce qui, depuis le départ, avait tout d’une terrible idée. Si elle n’est pas là, je laisse tomber. Ce serait là encore le signe que l’idée était mauvaise, et prenant une dernière grande inspiration après avoir traversé la rue, il s’était enfin décidé à pénétrer dans le pub, traversant le nuage de fumée formé à l’entrée par les amateurs de nicotine. On ne pouvait pas faire ambiance plus éloignée des bars à poulets habitués à recevoir toute la flicaille de Brisbane, mais Anwar ne s’en étonnait pas – et même, il soupçonnait que ce soit précisément la raison pour laquelle Cavanagh en avait fait son lieu de prédilection. Ce coup-ci l’inspecteur s’était débrouillé comme un grand, décidant de se passer volontiers de l’aide de Warrington pour parvenir à mettre la main sur leur ancienne collègue : il y avait eu de sujets sur lesquels l’inspecteur Zehri ne pouvait pas espérer compter sur l’appui de son ancien compère, mais celui-ci en était assurément un. Et Lucy n’avait pas été, au demeurant, si difficile à débusquer … Elle ne se cachait pas spécialement, et se contentait de gérer sa vie et son business aussi loin que possible de ceux qu’elle estimait lui avoir fait défaut. Encore que tout était une question de point de vue, mais Anwar et elle auraient largement le temps d’avoir (ou non) ce débat lorsqu’il lui aurait mis la main dessus. Pour l’heure, autant parce qu’il n’était pas en service que pour se donner un peu de courage supplémentaire, l’inspecteur Zehri s’était approché du comptoir avant toute autre chose, optant pour une Guinness et remerciant d’un signe de tête le barman lorsqu’il avait déposé le verre devant lui. Il y aurait un jour une dissertation entière à faire sur le prix de cette bière au seul prétexte de son importation depuis l’Europe – un jour, mais ce soir-là Anwar avait bien d’autres chats à fouetter. La casquette vissée sur le crâne, le brun slalomait entre les tables en donnant l’air de chercher une place, denrée rare dans n’importe lequel des bras de Fortitude Valley à cette heure de la soirée, mais c’était bien plus la familiarité d’une silhouette familière que n’importe quelle chaise vide qui guidait son intérêt. Si elle n’est pas là, je laisse tomber. Et Lucy n’était pas là. Pris au piège entre la déception et le soulagement, Anwar était toujours debout lorsqu’il avait englouti une immense gorgée de sa bière, et finalement de retour au comptoir il avait décidé d’y rester accoudé faute d’une place assise, profitant là d’un des meilleurs emplacements du pub pour surveiller les allers et venues. Si elle n’est pas là quand je termine ma bière, je m’en vais. Le refrain venait de changer, et la patience d’Anwar quant à elle s’étiolait à mesure que le niveau de son verre descendait, une oreille écoutant distraitement la table près de lui débattre de la nouvelle saison de footy, et l’autre en alerte dès que le tintement de la porte du pub retentissait pour signaler un départ ou une arrivée. Jusqu’à ce que. « Tu carbures toujours à la même chose, à ce que je vois. » Débarquée alors qu’il ne l’attendait plus, son verre pratiquement vide, Cavanagh s’était hissée sur l’un des tabourets du bar et n’avait eu qu’à faire signe au barman – qu’elle semblait connaître – pour obtenir un verre. Le même que celui qu’elle commandait des années auparavant, bar différent mais carburant semblable, donc. « Cavanagh. » Optant volontairement pour le nom de famille, imposant aussitôt une distance que les premières années leur avaient fait perdre, mais que les dernières avaient indubitablement rendues, il avait migré de quelques mètres le long du comptoir et posé son verre vide près de celui toujours plein de la jeune femme. Long time no see.
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| | | | (#)Jeu 12 Jan 2023 - 8:27 | |
| Il est déjà tard lorsque Lucy quitte le petit salon privé de l’hôtel luxueux dans lequel elle a eu rendez-vous avec un client. Une entrevue particulièrement intéressante, une mission assez inédite, qu’elle n’est pas encore certaine de pouvoir accepter. Elle savait parfaitement qui allait rencontrer en se rendant à ce rendez-vous, mais ne s’attendait absolument pas à ce que cet homme la contacte initialement. Ou alors, pas pour lui proposer un contrat. C’est pourtant ce que Connor Myers a fait aujourd’hui, lui proposer de collaborer ensemble pour en apprendre davantage sur le scandale qu’elle a révélé et qui a obligé son père, Logan, à se retirer de la tête de l’entreprise. Elle est celle qui a fait tomber son père et pourtant, Connor aimerait qu’elle continue de creuser, persuadée qu’elle n’aurait trouvé que la partie immergée de l’iceberg. Elle ne devrait pas accepter ce contrat. Elle avait été engagée la première fois pour faire tomber Logan et fragiliser l’entreprise. Travailler pour le fils de ce dernier, qui a repris les rênes de la société, est très certainement contraire à toutes les règles d’éthiques qui doivent régir le comportement d’un bon détective privé … Sauf que Lucy n’a jamais été réellement à cheval sur les règles, ni sur l’éthique d’ailleurs. Pour elle, le curseur entre ce qui est moral et immoral est mobile, changeant. Il peut se déplacer en fonction de nombreux facteurs, et le moins que l’on puisse dire, c’est que Connor a avancé des arguments intéressants en proposant une rémunération particulièrement élevée. Lucy n’est pas obnubilée par l’argent. Son activité lui permet de payer ses charges et de subvenir à ses besoins, et cela lui suffit en principe. Mais ses projets de FIV qui lui trottent dans la tête depuis quelques semaines sont particulièrement coûteux et pourraient faire pencher la balance en faveur de Connor. Dans le taxi qui l’emmène vers son pub préféré, celui dans lequel elle va se détendre pour boire un verre plusieurs fois par semaine, son esprit continue de gambader. Cependant, elle ne s’interroge plus maintenant sur la possibilité d’accepter la mission confiée par le jeune Myers. Elle se questionne sur la manière dont il a su que c’était elle. Comment a-t-il su qu’elle était la détective qui a fait chuter son père ? Avait-elle laissé des indices derrière elle ? N’avait-elle pas été assez discrète ? Avait-elle été vendue par son client initial ? Elle mettait un point d’honneur à ce que la confidentialité soit pourtant respectée, pour elle, comme pour ses clients. Personne ne devait savoir, jamais. Personne ne devait savoir qu’un détective privé s’en était mêlé, ni qui était ce détective, ni par qui il avait été engagé. Et pour une raison ou pour une autre, cette fois-ci, le secret avait été éventé. La brunette repasse toujours dans sa tête les détails de cette enquête quand le taxi la dépose devant son pub habituel. Ses talons claquent sur le trottoir, le temps de quelques pas, jusqu’à la porte de l’établissement. Lucy lisse sa robe fourreau bleue roi, une tenue qu’elle ne porte habituellement pas ici, non adaptée à cet endroit, avant de s’installer sur l’un des tabourets qui jouxte le bar. Elle n’avait pas eu la force de rentrer se changer chez elle avant de revenir ici, avait simplement eu envie de décompresser avant d’aller se glisser sous sa couette. Elle fait signe au barman qui lui sert un scotch dont elle boit immédiatement une gorgée. La jeune femme fait ensuite tourner le verre entre ses doigts, observant le liquide ambré faire des vagues. Elle reprend une nouvelle gorgée et laisse l’alcool lui brûler la gorge, profitant de toutes ses saveurs. Elle a toujours apprécié le scotch, ce whisky fabriqué uniquement en Ecosse, une sorte de rappel de ses origines, un alcool fort, au goût fumé et intense, une boisson avec autant de caractère qu’elle. « Tu carbures toujours à la même chose, à ce que je vois. » Ses sourcils se froncent à cette voix familière, sans qu’elle ne puisse l’attribuer à quelqu’un … jusqu’à ce qu’elle tourne la tête et que ses yeux bleutés rencontrent ceux d’Anwar, son ancien collègue. La brunette se fige instantanément alors que sa mâchoire se crispe. Elle n’a aucune envie de revoir des fantômes du passé, de ceux associés à de très mauvais souvenirs. Il sort d’une autre vie, une vie qu’elle souhaiterait oublier, et d’un monde auquel elle ne souhaite plus être liée. « Cavanagh. » Elle réussit à desserrer les dents pour le saluer et respecter cette fichue politesse qu’on lui a rabâché tant de fois quand elle était gamine. « Zehri. » Il efface la distance entre eux en se rapprochant de plusieurs tabourets, venant s’installer juste à côté d’elle, et elle se crispe davantage. Son esprit s’active alors que les interrogations se multiplient dans sa tête à une vitesse folle. Il n’avait rien à faire là. Ce pub n’était pas un bar de flics. Il était également loin des établissements fréquentés par les policiers de la ville, ainsi que du commissariat. Etait-il ici par hasard ? Sans doute pas. Alors pourquoi la chercherait-il ? Et si elle était de nature curieuse et voulait en principe obtenir une réponse à ses questions, cela ne concernait pas les flics susceptibles d’avoir bousillé sa vie. « Je passais une bonne journée. » Elle se force à esquisser un sourire poli et plante un regard froid dans celui du policier. « Et si on prétendait simplement que cette rencontre fortuite n’avait jamais eu lieu et que tu reculais de quelques tabourets ? On terminerait chacun notre verre, et on éviterait que tu ne gâches ma soirée ou pire, ce super endroit. » Elle ne départit pas de son sourire de façade alors qu’elle hausse les sourcils, d’un air interrogatif, désignant d’un signe de tête le tabouret libre à l’autre bout du bar, le plus loin possible d’elle, hors de portée de voix. Qu’il s’en aille, qu’il sorte de sa vie, immédiatement. |
| | | | (#)Sam 28 Jan 2023 - 2:30 | |
| In these sour times please allow me to vouch for mine, bitter taste in my mouth spit it out with a rhyme, I'm losing my religion to tomorrow's headlines. Forrest Gate, sorry mate ? Nah nothing, it's fine. ☆☆Que l’on ne s’y trompe pas, si Lucy avait suffisamment oeuvré pour se faire oublier de ses anciens collègues, et par là rendre parfaitement clair le fait qu’elle ne voulait plus rien avoir à faire avec eux, Anwar lui non plus ne se trouvait pas dans ce bar de gaité de coeur. De toute la liste des options qu’il faisait diminuer semaines après semaines, mois après mois, tenter d’obtenir la coopération de son ancienne collègue figurait dans le bas du classement, si bas que pratiquement tout ce qui se situait en dessous n’était ni légal ni recommandable. Mais voilà, l’inspecteur était pour ainsi dire : désespéré. Et s’il ne s’attendait pas à un autre accueil que celui amer et peu chaleureux que lui servait Cavanagh sur un plateau d’argent, le « Zehri. » lui échappant avec tout le mépris qu’elle associait désormais à ce nom, le brun n’avait pas fait tout ce chemin et attendu si longtemps dans ce bar pour se laisser décourager par si peu. Décalant de quelques tabourets pour venir se planter à la droite de la brune, il avait fait glisser entre ses doigts la base de son verre vide comme on triturait un grigri pour se rassurer, un sourire cynique lui échappant lorsque l’ancienne policière avait indiqué d’un ton tranchant « Je passais une bonne journée. » tel un reproche qu’on ne se donnait même pas la peine de déguiser. « Chanceuse. » s’était-il dès lors contenté de siffler entre ses dents, avec l’air de se moquer de la situation plus qu’il ne se moquait simplement d’elle. Lui non plus n’était pas enchanté, lui aussi aurait préféré être ailleurs, mais la vie était ainsi faite : on n’y faisait pas toujours ce que l’on souhaitait. Durant les brefs instants de silence qui s’en étaient suivis, l’inspecteur avait profité d’être suffisamment près désormais pour détailler un peu mieux la jeune femme du regard. Elle avait vieilli (lui aussi) et son regard portait quelque chose de plus sombre qu’à l’époque où il la côtoyait (le sien aussi). L'œuvre des presque sept ans qui séparaient leur précédente rencontre de celle-ci, et peut-être aussi l'œuvre d’une période qui n’avait pas été clémente pour elle après son éviction de la “maison” – comme aimaient si bien l’appeler tous les policiers qui la peuplaient. Une maison dont Lucy avait été jetée comme on mettait à la porte un ex infidèle, sans ménagement et avec toute la théâtralité des affaires entassées dans des sacs poubelle, lorsqu'elles n'étaient pas simplement balancées par la fenêtre aux quatre vents. Et comme toutes les anciennes flammes éconduites, Lucy n'aimait pas que l'on vienne lui rappeler sa rupture douloureuse – les deux, même. « Et si on prétendait simplement que cette rencontre fortuite n’avait jamais eu lieu et que tu reculais de quelques tabourets ? On terminerait chacun notre verre, et on éviterait que tu ne gâches ma soirée ou pire, ce super endroit. » Le tranchant de chaque mot jurait avec le sourire de façade qu'elle se forçait à arborer, et optant quant à lui pour une attitude plus neutre – et donc moins artificielle – Anwar avait planté ses deux coudes sur le comptoir et porté son verre à ses lèvres, signe qu'il n'avait pas l'intention de lever le camp tout de suite. « C'est me donner beaucoup trop d'importance, tu penses pas ? » Lui gâcher sa soirée, admettons ; Lui gâcher le plaisir qu'elle trouvait dans ce bar tout entier ? Allons, c'était un peu trop dramatique, même pour quelqu'un de terriblement rancunier. « Et j'te ferai pas l'affront de prétendre que je suis là par hasard. On a dépassé le stade des mensonges toi et moi, hm ? » Les mensonges, c'était pour les gens qui avaient quelque chose à cacher – les gens dont on se souciait, en somme, et là aussi c'était un stade qu'ils avaient tous les deux dépassé. À priori. Mais dans un coin de son crâne, le brun pouvait presque entendre le tic-tac des minutes qu'il perdait encore à tourner autour du pot, quant à tout moment son ancienne collègue pouvait décréter en avoir suffisamment entendu pour aller terminer son verre ailleurs. C'est qu'Anwar n'était pas entièrement stupide, pas au point de ne pas comprendre que pour n'importe qui observant la scène de l'extérieur, il partait avec le désavantage de son genre : un homme abordait une femme, elle lui demandait poliment – et avec le sourire – d'aller voir ailleurs, il continuait d’insister, elle changeait de place pour lui échapper, il la rattrapait … Et à ce stade, tout le monde savait très bien de quoi tout cela aurait l’air. « Et si on se contentait de prétendre que je suis un client anonyme intéressé par tes services, et prêt à y mettre le prix ? » Elle était capable de sourire à pleine dent malgré que tout le reste de son corps trahisse l’envie de déguerpir, alors qu’elle ne prétende pas ne pas être capable de jouer la comédie. Elle l’avait si bien fait durant des années, lorsqu’elle sillonnait le commissariat en prétendant défendre l’ordre et la morale, alors qu’elle ne défendait que les intérêts d’une minorité parasite. « Je parle de tes talents de détective, bien sûr. » Évidemment. Et voilà son verre vide, repoussé aussitôt loin de lui sur le comptoir, tandis que son regard allait se planter avec sérieux dans celui de Lucy.
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| | | | (#)Mar 14 Fév 2023 - 6:54 | |
| Cette journée a été étrange, vraiment étrange. Alors se retrouver dans son bar habituel pour y déguster son alcool préféré est un soulagement et doit pouvoir lui apporter le réconfort dont elle a besoin. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a pris le chemin du débit de boissons, et non celui de son appartement. Mais Anwar semble en avoir décidé autrement, alors que le policier s’installe à côté d’elle et engage la conversation. Elle n’a pas envie de le revoir, ni aujourd’hui, ni un autre jour. Mais alors qu’elle lui demande de quitter les lieux, il s’obstine. « C’est me donner beaucoup trop d’importance, tu penses pas ? » Un rire spontané s’échappe des lèvres de la brunette, alors qu’elle plonge un regard mauvais dans les yeux du Zehri. « Avoue que t’aimes ça ! » Qu’on lui donne de l’importance. Sans aucun doute, il devait adorer cela, c’est du moins ce qu’en pense Lucy, qui n’a dorénavant de lui qu’une image peu flatteuse, alors que les bons souvenirs de leurs années de collaboration s’estompent avec le temps. « Et j’te ferai pas l’affront de prétendre que je suis là par hasard. On a dépassé le stade des mensonges toi et moi, hm ? » Elle hausse un sourcil en secouant la tête, alors que toute son incrédulité se lit sur ses traits. Au contraire, il n’y avait toujours eu entre eux que mensonges, et la situation ne pouvait que s’être détériorée. Car si, à l’époque, il y avait des non-dits, des secrets dissimulés par Lucy, son compagnon, et d’autres membres de la brigade, il y avait pourtant eu, au sein de l’unité, un lien de confiance. La brunette n’avait jamais redouté qu’Anwar ne retourne sa veste en pleine mission d’infiltration. Elle n’avait jamais craint qu’il n’assure pas ses arrières lors d’un assaut quelconque. Elle avait cru en lui, parce qu’ils jouaient dans la même équipe, malgré tout ce qu’il pouvait se passer à côté. Mais ce lien n’existait plus. Il avait disparu en même temps que la jeune femme avait été virée de la police. Aujourd’hui ne lui restait que de la rancœur, de la colère et de la méfiance, ajoutées à sa propension au mensonge. « Au contraire, on est en plein dedans. Et j’ai perdu ta confiance en même temps que t’as perdu la mienne. Alors donne moi une seule bonne raison de ne pas m’en aller, là, maintenant ? » Elle plante son regard bleuté dans celui d’Anwar, haussant un sourcil interrogatif. Après tout, il n’est pas venu ici par hasard, c’est évident. Alors qu’il se lance à l’eau, pendant que Lucy continue de savourer son verre de scotch. « Et si on se contentait de prétendre que je suis un client anonyme intéressé par tes services, et prêt à y mettre le prix ? » Elle penche légèrement la tête sur le côté pour l’observer et tenter d’analyser ses paroles. Ca ressemble étrangement à une proposition indécente, formulée ainsi, et elle se mordille la lèvre pour ne pas rebondir. A l’époque, lorsqu’ils travaillaient encore ensemble, elle serait rentrée dans son jeu, aurait relevé la taquinerie, aurait relancé les sous-entendus. Mais le temps de toute complicité était révolu, au même titre que le temps de la confiance. Pourtant, il a tapé dans le mille, plus sans doute qu’il ne peut l’imaginer. Car si la jeune femme a toujours été de nature curieuse, elle a en plus cruellement besoin d’argent en ce moment, pour mener à bien ce projet de FIV qui lui trotte dans la tête. Il l’a ferrée, et il le sait certainement. Elle jure intérieurement, résistant à l’envie soudaine de lui en demander plus. « Je parle de tes talents de détective, bien sûr. » Elle s’étouffe avec sa gorgée de scotch et tousse de manière peu élégante, lançant un regard noir à Anwar. Finalement, quand elle a retrouvé un peu de contenance, elle fait preuve de toute la politesse dont elle est capable. « Va te faire foutre ! » Elle n’est pas une prostituée, n’en a jamais été une. Et si elle n’a pas hésité à jouer de ses charmes pour ses missions, si elle a déjà fait des strip-tease ou embrassé des hommes, elle n’est jamais plus loin. Elle boit la fin de son verre de scotch avant de le repousser sur le comptoir, à côté de celui du policier. Elle plonge son regard dans le sien, ne scille pas face à son air sérieux, et finit par esquisser un sourire froid. « T’as de la chance, je fais un tarif spécial pour les flics, une jolie augmentation, tu vas adorer. » Son sourire s’efface alors qu’elle poursuit. « Le coût de mon intervention sera non négociable, si tu veux que je bosse pour toi. T’es prêt à y mettre le prix ? » Pour toi. Ces mots lui brûlent la langue et elle fait signe au serveur de les resservir. « Et tu vas payer mes consos de la soirée, aussi. » Parce qu’il ne faut pas pousser non plus, ni penser un instant que Lucy fera preuve de générosité envers Anwar, alors qu’il est potentiellement celui qui a ruiné sa vie. « Tu veux quoi ? » Elle tente de ne pas montrer que sa curiosité a été piquée au vif, mais elle brûle d’envie d’en savoir plus. Qu’est-ce qui a donc pu décider Anwar à venir la voir, elle. |
| | | | (#)Lun 27 Fév 2023 - 17:45 | |
| In these sour times please allow me to vouch for mine, bitter taste in my mouth spit it out with a rhyme, I'm losing my religion to tomorrow's headlines. Forrest Gate, sorry mate ? Nah nothing, it's fine. ☆☆À quoi pouvait bien ressembler la vie de Lucy, désormais ? Anwar mentirait s’il affirmait sans sourciller ne s’être à aucun moment posé la question, mais jamais la réponse ne lui était apparue autrement que comme un vague flou artistique. La faute au fait de l’avoir perdue de vue, sans doute, mais surtout la faute à son incapacité à envisager la vie autrement qu’à travers le prisme de son métier. Il s’apprêtait à fêter les dix-neuf ans de son entrée dans la police ; Cela représentait presque la moitié de sa vie. Et les six mois de congé sabbatique pris l’année précédente, alors qu’il se sentait sur le fil du rasoir, lui avaient amplement suffit à réaliser qu’il était tout bonnement incapable d’envisager sa vie autrement que comme l’inspecteur de police Anwar Zehri. L’entrée par la petite porte s’était faite lors d’un concours de circonstances qui avait tout du hasard, mais la vocation était venue telle une révélation : il était fait pour ça, pour ce métier, et si tant est qu’il en vienne un jour à se laisser tenter par les mêmes sirènes que Lucy et ceux qu’elle avait couvert par le passé, le fait de ne pas vouloir finir comme elle serait une piqûre de rappel suffisante pour le dissuader de commettre l’impardonnable. La jeune femme était celle à avoir franchi une ligne rouge, celle qui aurait eu des choses à se faire pardonner, et malgré cela c’était d’elle qu’émanait la rancœur la plus palpable, jusque dans le ton donné à l’éclat de rire qui lui avait échappé « Avoue que t’aimes ça ! » Le sourire d’Anwar, plus nuancé, s’était étiré en même temps qu’il faisait signe au barman de lui servir un second verre. « Je n’ai pas le temps pour ça, Lucy. » avait-il néanmoins fini par répondre dans un souffle, le ton et l’expression à nouveau sérieuses, avant de balayer d’une phrase et d’un revers de la main la possibilité d’un hasard auquel ni elle ni lui n’auraient de toute façon pu croire. « Au contraire, on est en plein dedans. Et j’ai perdu ta confiance en même temps que t’as perdu la mienne. Alors donne moi une seule bonne raison de ne pas m’en aller, là, maintenant ? » Elle parlait beaucoup, pour quelqu’un qui menaçait de s’en aller, pour commencer. Mais préférant lever les yeux au ciel plutôt que de le faire remarquer à voix haute, le brun s’était contenté de porter son verre à ses lèvres dans un rythme calculé, ménageant son suspens avant de répondre d’un ton faussement égal « Ta curiosité. T’as toujours été incapable de laisser une question sans réponse, me fais pas mentir. » Et à en juger par la nouvelle carrière professionnelle qu’elle avait décidé de se bâtir, c’était un trait de sa personnalité qui n’avait pas disparu avec les années. Mais les ronds de jambe avaient suffisamment duré, et Anwar n’était pas le genre qui appréciait de tourner inutilement autour du pot. Il n’était pas là pour prendre de ses nouvelles, pas plus qu’il ne l’était dans l’espoir de parler du bon vieux temps – lequel, même ? Il était là pour parler affaire, et face à l’hostilité non dissimulée de son ancienne collègue, il n’avait pas résisté à la tentation de jouer sur les mots comme on jouait avec le feu, provoquant un « Va te faire foutre ! » qui ne les avait pourtant pas fait bouger d’un pouce, ni elle ni lui, l’un et l’autre campant sur leur tabouret et le verre de la jeune femme allant glisser vide contre le bois du comptoir avant qu’elle ne reporte toute son attention sur Anwar. « T’as de la chance, je fais un tarif spécial pour les flics, une jolie augmentation, tu vas adorer. » Tiens donc. « Le coût de mon intervention sera non négociable, si tu veux que je bosse pour toi. T’es prêt à y mettre le prix ? » À nouveau, il avait roulé des yeux avec un brin d’impatience et rétorqué d’un ton presque agacé « Tu crois vraiment que j’aurais perdu mon temps à venir jusqu’ici, si c’était pas le cas ? » Et tant qu’à y être, allait-elle sérieusement croire qu’il ne se tournait pas vers elle parce qu’il avait épuisé toutes les autres cartes qu’il pensait avoir dans sa manche ? Il n’était pas là en souvenir du bon vieux temps, elle avait été très claire quant au fait qu’ils n’avaient plus rien à en dire. « Et tu vas payer mes consos de la soirée, aussi. » Soit, à cela il s’était contenté de répondre d’un geste de la main pour l’inviter à commander ce qui lui faisait plaisir ; Il avait déjà un verre d’avance sur elle, qui plus est. « Tu veux quoi ? » Un million de dollars en petites coupures et l’assurance qu’il vivrait assez vieux pour connaître ses futurs petits-enfants, mais ce n’était pas le sens de la question, soit. « Des informations sur un type. Mort, sinon j’l’aurais interrogé moi-même. » C’eut été beaucoup plus simple, mais rien ne l’était dans cette histoire après laquelle il courait. « Ce qu’il foutait de ses journées, qui il fréquentait, comment il gagnait sa vie, l’historique de ses commandes Amazon et UberEats, sa catégorie de porno favorite … J’veux tout savoir. » Et puisqu’il se doutait qu’elle allait poser la question, il avait aussitôt ajouté « C’est pas une enquête officielle. Disons que c’est pour ma culture personnelle. » et éludé ainsi la raison pour laquelle il ne passait pas par les canaux habituels et officiels qu’il avait à disposition. Un argument qui, il l’espérait, jouerait en sa faveur : il ne demandait pas à la jeune femme de bosser pour le compte de la police, son ego de femme bafouée serait sauf. « Tu penses que c’est dans tes cordes ? » Il aurait pu présenter les choses autrement, bien sûr. Mettre directement Frank sur le tapis, expliquer quel était le rapport entre ce type mort et leur ancien collègue (tout aussi mort, au demeurant) … Mais Anwar n’était pas si naïf. On ne jouait pas toutes ses cartes dès la première manche, et on faisait encore moins tapis sans amener d’abord son adversaire à baisser sa garde.
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| | | | (#)Sam 25 Mar 2023 - 7:26 | |
| Lucy devrait partir. Elle devrait laisser son verre à moitié vide, quitter ce bar et espérer ne jamais y recroiser Anwar. Elle devrait s’en aller et tourner le dos au Zehri. Après tout, il est sur sa liste, un des rares noms à figurer parmi les traitres potentiels, un des rares à pouvoir avoir gâché son existence. Il en avait clairement les capacités, l’envie, sans aucun doute. S’il était celui qui avait découvert les arrangements du fiancé de Lucy et de plusieurs membres de brigade, il était celui qui les avait dénoncés, sans aucun doute. Il était suffisamment droit dans ses bottes pour ne pas tolérer un tel comportement, suffisamment carré pour n’accepter aucun arrangement, au risque de dissoudre la brigade et foutre en l’air plusieurs vies, sans même sourciller. Alors elle devrait partir. Le cas échéant, elle risquerait sérieusement de lui éclater son verre sur la tête, ou de se saisir du couteau du barman, celui qu’elle a repéré à environ un mètre d’elle et qu’il utilise pour trancher des rondelles de citron. Elle devrait partir et pourtant, sa curiosité la retient. Soudain, l’expression « la curiosité est un vilain défaut » prend enfin tout son sens, alors que la brunette avait toujours cru qu’il s’agissait d’une qualité, surtout dans leur métier. Cette foutue volonté de savoir, envers et contre tout, la pousse à rester assise sur ce tabouret et à écouter Anwar lui sortir des inepties. Et le pire, c’est que malgré les années qui ont passé, certaines choses en elles n’ont pas changé, et le flic le sait bien. « Ta curiosité. T’as toujours été incapable de laisser une question sans réponse, me fais pas mentir. » Elle pince les lèvres, jure intérieurement, et reconsidère le couteau du barman, à un mètre d’elle. Elle pourrait l’attraper et le planter dans la main d’Anwar, en jouant sur l’effet de surprise. Elle y arriverait, elle en était persuadée, et le fim qui se déroule dans sa tête lui arrache un petit sourire, le premier vrai sourire que le policier la voit esquisser de la soirée. « Tu n’as pas besoin de moi pour mentir … » Elle botte en touche, essaie de se défendre pour ne pas perdre la face, mais elle a déjà perdu, et ils le savent tous les deux. Sinon, elle serait partie depuis bien longtemps, depuis qu’il se serait assis à côté d’elle. Elle a envie d’en savoir plus, et il est bien trop lent à distiller les informations. La brunette laisse son côté professionnel prendre le dessus, et elle fixe immédiatement les conditions financières de son intervention : un tarif exorbitant, une majoration spéciale flicaille, un prix ferme, à prendre ou à laisser. Anwar accepte sans discuter, et Lucy penche la tête sur le côté pour l’observer, plongeant son regard bleuté dans celui du policier. Les sourcils froncés, elle essaie de lire en lui, de comprendre les raisons de sa présence ici. La jeune femme est intelligente, et elle a bien compris que pour faire appel à ses services, il ne devait pas avoir le choix. Les honoraires excessifs ne le découragent pas non plus, et la détective s’interroge de plus en plus. Quelle est cette mission pour laquelle il fait appel à elle, une femme pour qui il doit n’avoir que mépris ? Quelle est cette mission pour laquelle l’intervention de la police n’est pas souhaitée, ou pas suffisante ? Lucy n'y tient plus, et interroge franchement le Zehri. « Des informations sur un type. Mort, sinon j’l’aurais interrogé moi-même. Ce qu’il foutait de ses journées, qui il fréquentait, comment il gagnait sa vie, l’historique de ses commandes Amazon et UberEats, sa catégorie de porno favorite … J’veux tout savoir. » La brunette fronce une nouvelle fois les sourcils : en voilà une demande inhabituelle. En principe, les gens révèlent à Lucy ce qu’ils recherchent, sont plus précis sur leurs attentes ou leurs doutes. Ils peuvent vouloir savoir si leur femme a un amant, si le fiancé de leur fille est un salaud ou si leur concurrent direct a les mains sales. Là, elle ne s’apprête qu’à recevoir un nom et à naviguer dans le noir. « C’est pas une enquête officielle. Disons que c’est pour ma culture personnelle. » Elle laisse échapper un petit rire : la croit-il suffisamment dupe ? Pour qu’il vienne la trouver, c’est qu’il y a une bonne raison derrière, quelque chose de particulièrement important. Et elle crève d’envie d’en savoir plus. « Tu cherches quoi, Anwar ? » S’il a des héritiers ? Un butin caché quelque part ? Un lien avec des dealers ? « Tu penses que c’est dans tes cordes ? » C’est cette fois-ci un rire mauvais qui s’échappe de ses lèvres alors qu’elle secoue la tête. Il ne manque pas d’air, à venir l’emmerder dans son bar et à se permettre de douter de ses capacités. « Si tu ne m’en pensais pas capable, tu serais pas là … » Elle a beau avoir franchi la ligne rouge, elle n’en a pas moins été une excellente flic, et elle est aujourd’hui une formidable enquêtrice. Elle y arrivera, et il le sait. La brunette soulève son verre, boit une gorgée du liquide ambré et en profite pour ôter la serviette qui servait à protéger le bar. Sortant un stylo de son sac, elle inscrit un chiffre, le montant de ses honoraires, et fait glisser la serviette vers Anwar. « Une provision, pour le début des recherches. En fonction de comment je devrai creuser, du temps que ça prendra, des précisions que tu voudras, il y en aura d’autres. A payer d’avance, en espèces, à prendre ou à laisser. » Son ton est ferme et ne laisse place à aucune négociation. Elle tend ensuite son stylo à Anwar. « Le nom du gars, et un moyen de te contacter. » Qu’il note le tout sur la serviette. « Et je travaille seule, dorénavant. » Finies les missions avec la police, pour lesquelles ils étaient au moins deux, pour leur propre sécurité. Maintenant, elle bosse en solo, ne faisant confiance à personne. Et si elle accepte de travailler pour Anwar, en contrepartie de son argent, elle n’a pas accepté de travailler avec Anwar. Elle ne veut pas fouiner avec lui, elle ne veut pas planquer avec lui. Ce temps est révolu. « Je te ferai des comptes-rendus, mais je veux pas de toi dans mes pattes. » Et si elle espère qu’il sera d’accord avec elle sur ce point, elle n’en est pas certaine. Cette affaire semble bien particulière, pour qu’il soit aussi taisant et qu’il bosse en dehors des clous. Ce n’est pas le genre d’Anwar, le carré et le droit, et elle s’attend dorénavant à tout. |
| | | | (#)Jeu 20 Avr 2023 - 4:42 | |
| In these sour times please allow me to vouch for mine, bitter taste in my mouth spit it out with a rhyme, I'm losing my religion to tomorrow's headlines. Forrest Gate, sorry mate ? Nah nothing, it's fine. ☆☆Elle avait toujours eu du caractère, Lucy. Mauvais caractère, ou seulement bien trempé, l’humeur et les circonstances faisaient opter pour l’une ou l’autre de ces réponses, et dans les deux cas on lui reconnaissait le fait de ne pas avoir la langue dans sa poche, et de ne jamais manquer de répondant. Anwar s’en agaçait autant qu’il s’en amusait du temps où ils jouaient dans la même équipe, elle et lui probablement faits du même bois, et pour cette raison si souvent mis en duo lorsqu’il s’agissait d’endosser les costumes temporaires d’autres identités que les leurs. Et peut-être était-ce là où le bas blessait : qu’ils puissent avoir été aussi similaires, et avoir emprunté des routes à l'opposé l’une de l’autre, chacun animé par des convictions s’étant révélées incompatibles. Une partie d’Anwar méprisait Lucy pour les choix qu’elle avait fait, car elle lui rappelait qu’à trop se ressembler il aurait pu en faire d’aussi mauvais ; Et dans toutes les raisons qu’avait la jeune femme d’abhorrer son ancien collègue, il y avait peut-être celle qu’il soit parvenu à tenir un cap dont elle-même s’était détournée. Un « Tu n’as pas besoin de moi pour mentir … » lui avait en tout cas échappé d’un ton mauvais lorsqu’il était venu titiller l’un de ses défauts – encore que, comme tout flic qui se respectait, il ne considérait pas nécessairement que la curiosité en soit un. « J’te retourne le compliment. » s’était donc contenté de répliquer Anwar avec sarcasme, les mensonges dans lesquels elle avait choisi de s’empêtrer durant des années lui suffisant à s’estimer ne pas être le plus malhonnête des deux. Mais il n’était pas là pour remuer de vieilles rancœurs, au fond, et entendait bien poser les bases d’un arrangement uniquement commercial : elle fournissait le service, il mettait l’argent sur la table, et ni elle ni lui n’auraient besoin de prétendre que subsistait entre eux la moindre opinion positive. Un type désespéré, une fouineuse en chef, et le capitalisme pour les réunir tous. « Tu cherches quoi, Anwar ? » Quoi de plus que ce qu’il venait de lui lister ? « Un regard neuf. » Pour le reste, cela dépendrait de ce qu’elle trouverait … Il payait pour la collecte d’informations, pas pour obtenir son avis sur ce qu’il comptait en faire ensuite. La seule vraie question désormais était de savoir si cela lui paraissait être à sa portée. « Si tu ne m’en pensais pas capable, tu serais pas là … » Touché. « Je parlais de ta capacité à faire la part des choses. » avait-il néanmoins rétorqué avec un brin d’acidité, se rendant plus mesquin que ne l’avait été sa remarque de départ, comme pour lui rappeler que ce n’était pas tant les qualités d’enquêtrice que la loyauté qui lui avaient fait défaut par le passé. Se saisissant de son sac à main en silence, son ancienne collègue en avait extirpé un stylo avec lequel elle était venue griffonner la serviette fournie avec les cacahuètes servies à Anwar à son arrivée. « Une provision, pour le début des recherches. En fonction de comment je devrai creuser, du temps que ça prendra, des précisions que tu voudras, il y en aura d’autres. A payer d’avance, en espèces, à prendre ou à laisser. » Faisant glisser la serviette jusqu’à lui, il avait tenté de garder un air impassible en découvrant le montant des “honoraires” de la détective, mais n’était pas parvenu à s’empêcher de commenter « J’comprends mieux pourquoi le salaire de flic te suffisait pas. » avec sarcasme. Probablement qu’il lui fallait au moins ça pour compenser la plus-value faite en piquant dans la caisse avec le reste de sa bande de ripoux. « Le nom du gars, et un moyen de te contacter. » Lui tendant le stylo de plus ou moins bonne grâce, elle avait aussitôt mis en garde « Et je travaille seule, dorénavant. Je te ferai des comptes-rendus, mais je veux pas de toi dans mes pattes. » Le nom et le numéro qu’il était en train d’écrire donnant faussement l’impression qu’il n’écoutait que d’une oreille, il avait néanmoins rétorqué « J’en ai pas plus envie que toi, alors redescends d’un étage. » à la seconde où il avait repoussé la serviette dans sa direction, le nom d’Oliver Gleeson s’accompagnant de la date de naissance du bonhomme pour s’assurer qu’elle ne le confonde pas avec un homonyme. « Contente-toi de faire ce pourquoi on te paie. Et vue la somme, t’as plutôt intérêt à ce que je puisse écrire les mémoires de ce type avec autant de précision que si c’était les miens. » Et dans un monde idéal, la vie probablement intéressante du bougre qui reposait désormais sous un tas de terre encore frais d’un des cimetières de la ville ne serait un tremplin vers quelque chose dont Anwar se chargerait lui-même – il ne faisait pas suffisamment Lucy pour la suite de ses plans. Terminant d’une traite ce qu’il restait de son second verre, l’inspecteur avait ouvert sa veste pour récupérer l’enveloppe jusque-là rangée dans sa poche intérieure, laquelle contenait une liasse de billets récupérés dans un distributeur avant d’arriver au bar. Il avait volontairement large, mais peut-être pas autant qu’il l’aurait souhaité, les quelques billets retournant dans sa veste lui semblant bien peu de choses en comparaison de ceux glissés à nouveau dans l’enveloppe, laquelle avait été déposée près du verre de la détective. « Range ça rapidement, si tu veux pas risquer de te faire dépouiller à la sortie. T’as pas plus envie de devoir appeler les flics qu’eux de te filer un coup de main, hm ? » La question n’en était pas une, et ayant obtenu ce qu’il était venu chercher, Anwar ne comptait pas s’imposer plus longtemps la compagnie hostile de son ancienne collègue. Faisant simplement signe au barman pour qu’il le voit glisser un dernier billet sous son verre et régler ainsi leurs consommations à Lucy et à lui, il avait quitté son tabouret et réajusté sa veste. « J’attends de tes nouvelles. Et crois pas que je saurai pas venir les chercher si je trouve que tu tardes trop. » Il en voulait pour son argent, et venait d’en lâcher une somme suffisante pour s’estimer en droit de jauger lui-même du moment où il pourrait faire preuve d’impatience.
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| | | | (#)Mer 3 Mai 2023 - 23:53 | |
| Anwar détonne dans l’environnement habituel de Lucy, dans ce bar dont elle a fait un repère, un lieu dans lequel elle a l’habitude d’aller décompresser après une dure journée. La détective voudrait qu’il déguerpisse, elle n’a aucune envie de le voir, encore moins de lui parler. Il ne lui inspire que de la rancœur, alors qu’il peut être un de ceux qui ont ruiné sa vie, et elle ne lui fait aucunement confiance. Alors pour tenter de tolérer la présence du flic dans cet endroit qu’il n’est pas loin de gâcher, elle s’imagine le combat intérieur qui a dû habiter Anwar avant qu’il ne vienne la voir. Elle sait que lui non plus n’a pas envie d’être là. Elle devine ce qu’il pense d’elle, et se réjouit qu’il ait admis avoir besoin d’ elle. Car s’il est là, c’est bien qu’il n’avait aucun autre choix, et elle est ainsi son ultime solution. Ce statut lui confère une sorte de pouvoir qu’elle tente de ne pas oublier alors que leur échange ne gagne pas en chaleur et en amabilité. « Je parlais de ta capacité à faire la part des choses. » Il joue avec le feu, et Lucy crispe sa mâchoire en même temps que ses doigts se resserrent autour de son verre d’alcool. Pour être honnête, ce ne sera peut-être pas facile, de se dire qu’elle travaille pour Anwar. Au premier abord, elle n’a pas envie de l’aider, ne lui doit rien. Et pourtant, si elle accepte la mission, il est évident qu’elle voudra réussir, atteindre les objectifs fixés par le flic, pour lui prouver ses compétences. Elle veut qu’il sache qu’elle est toujours aussi douée, voire même meilleure, et qu’elle s’en sort finalement très bien sans la police, une horde de collègues et des bases de données complètes à disposition. Elle se force à esquisser un sourire pour garder le change. « Tant que je ne penserai pas à toi mais à ton argent, ça devrait le faire. » Et acceptant officiellement le contrat suggéré par Anwar, elle note sur une serviette ses honoraires et la passe au Zehri. « J’comprends mieux pourquoi le salaire de flic te suffisait pas. » Elle le fusille du regard, incapable de se contenir face à cette nouvelle attaque. « Va te faire foutre, Anwar ! J’ai jamais rien pris, et tu le sais très bien. » L’enquête interne avait bien prouvé que la brunette n’avait jamais pioché dans les scellés et réserves du commissariat. Elle n’avait jamais pris d’argent, ni de stupéfiants. Mais elle savait. Elle savait ce qui se passait, et il est probable qu’au final, elle ait profité de cet argent sale, puisqu’elle fréquentait un de leurs collègues qui se servait allègrement. Avec cet argent, Jake l’avait invité au restaurant, lui avait payé des bijoux ou avait financé leurs dernières vacances. Alors elle avait beau clamer haut et fort que son rôle s’était limité à garder le secret sur ce qu’elle savait, elle était aussi coupable que ceux qui s’étaient servis sans vergogne, même si elle ne l’avouerait jamais. Elle demande à Anwar de lui indiquer les informations dont elle aurait besoin pour enquêter, précisant au passage refusant de travailler en équipe avec lui. « J’en ai pas plus envie que toi, alors redescends d’un étage. » Elle serre une nouvelle fois la mâchoire, grinçant des dents. Il avait le don pour l’exaspérer et retourner tout ce qu’elle disait contre elle. Elle lui expliquait ne pas vouloir collaborer et vouloir travailler seule, et il la rabaissait en lui indiquant ne jamais vouloir à nouveau faire équipe avec elle. « Contente-toi de faire ce pourquoi on te paie. Et vue la somme, t’as plutôt intérêt à ce que je puisse écrire les mémoires de ce type avec autant de précision que si c’était les miens. » Elle desserre suffisamment les dents pour siffler. « Ce sera le cas. » Elle n’échouerait pas. Parce qu’elle n’avait pas l’habitude de l’échec, et parce qu’elle ne voudrait pas se ridiculiser devant son ancien collègue. Et alors qu’il pose sur le comptoir une enveloppe pleine de billets, elle s’empresse de s’en saisir, de vérifier rapidement le montant et de la glisser dans son sac. On ne laissait pas une grosse somme d’argent comme ça, à la portée et à la vue de tous. « Range ça rapidement, si tu veux pas risquer de te faire dépouiller à la sortie. T’as pas plus envie de devoir appeler les flics qu’eux de te filer un coup de main, hm ? » A cette remarque, elle laisse échapper un rire mauvais. « Ca fait longtemps que les gens n’appellent plus les flics quand ils ont besoin d’aide, ils ont compris l’inutilité de la chose ! » C’est gratuit, mais jouissif, et Lucy ne se privera décidément pas d’une remarque qui pourrait froisser Anwar, ne serait-ce qu’un minimum. Mais enfin, leur conversation prend fin et le voilà qui se lève, au grand soulagement de la brunette. « J’attends de tes nouvelles. Et crois pas que je saurai pas venir les chercher si je trouve que tu tardes trop. » Elle lève les yeux au ciel, laisse échapper un soupire à fendre le cœur, avant de se concentrer à nouveau sur son verre. Après tout, elle était venue ici pour décompresser, et était encore loin d’avoir atteint son objectif. |
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