Million Dollar Boat Party

Le quatre janvier de cette année marquait le trente-huitième anniversaire de l’aîné Walker, dont l’amour des fêtes extravagantes ne semblait avoir fait que croître avec les années. Tout petit, c’était lui (c’est-à-dire, ses parents ou le personnel embauché par ces derniers) qui organisait les goûters d’anniversaire les plus mémorables de son école ; lorsqu’il était entré dans la fleur de l’adolescence et son lot d’acné juvénile, il était le premier à s’être procuré de l’alcool pour sa soirée qui aurait tout autant marqué les esprits si ceux-ci n’avaient pas été neutralisés par ce qui fut leur première cuite à tous ; et lorsque vint l’âge adulte, les célébrations de chaque nouvelle bougie soufflée par Elijah n’avaient fait que gagner en splendeur.

L’année dernière avait toutefois été une exception à la règle établie par un Eli revenu seulement deux mois plus tôt au bercail, et dont l’état d’esprit avait gagné en morosité face à la solitude qui avait caractérisé son retour à Brisbane. Mais aujourd’hui, ce mauvais souvenir n’était devenu rien de plus qu’un prétexte supplémentaire pour mettre les petits plats dans les grands pour ce qui serait sa première soirée d’anniversaire sur le sol australien depuis ses dix-huit ans. Désormais entouré d’un cercle de proches et moins proches dont il appréciait se sentir entouré, Eli avait décidé de ne pas faire les choses à moitié et sa folie des grandeurs semblait avoir atteint des cimes alors qu’il avait pris la décision d’accueillir ses invités sur un yacht de quarante mètres de long amarré au port de Bayside. Le grand moment arrivé, chaque recoin du bateau avait été aménagé de sorte à satisfaire la soif d’excès des convives – un bar où était stocké suffisamment d’alcool pour faire oublier leurs souvenirs à trois fois plus d’individus que le nombre prévu d’invités, des serveurs qui sillonnaient les ponts pour proposer boissons et amuse-gueule, trois cuisiniers parsemés dans différents endroits et préparant à la minute sushis, nouilles sautées et pitas, une piste de danse pour les convives désireux de se trémousser, un jacuzzi sur le pont supérieur, et, pour les plus intrépides, l’arrière du yacht avait été aménagé et éclairé de façon à favoriser une baignade dans la nuit noire.

Dès l’arrivée des premiers convives, l’héritier Walker fut saisi d’une sensation proche de l’euphorie à l’idée de la soirée extraordinaire qu’il s’apprêtait à vivre. Tout en sirotant sa bière à même la bouteille, marquant un étrange contraste avec l’opulence qui suintait de chaque recoin du bateau, il discutait allègrement avec amis et collègues, rejetant parfois la tête en arrière lorsque lui échappait un éclat de rire qui venait alors illuminer l’entièreté de son visage. Le pont ne tarda pas à se remplir de monde, chacun des invités venant saluer Eli dont l’expression ravie ne quittait plus les traits. Alors qu’il était au milieu d’une conversation animée, son regard fut soudain attiré par une silhouette dont la démarche lui était devenue familière. Le son de la voix de son interlocuteur sembla s’évanouir brièvement tandis que le regard azur d’Elijah appréhenda la vision de Flora, accompagnée d’un homme qu’il n’avait jamais vu : à nouveau, le visage de l’architecte sembla s’illuminer de joie, avec plus d’intensité encore qu’auparavant. Alors que la jeune femme s’approchait de lui d’un pas hésitant, Eli écarta les bras pour la saluer avec un large sourire. « Flora ! Tu es venue ! », s’exclama-t-il dès qu’elle fut à portée d’oreille, réduisant la distance qui le séparait de la Constantine avant de brièvement la serrer avec une spontanéité rare dans ses bras. Il s’écarta d’elle et adressa un sourire immaculé à l’inconnu qui se dressait derrière Flora, et qui le surplombait de quelques centimètres. « Eli Walker, enchanté – et bienvenue ! » Il tendit le bras pour lui serrer la main, une pointe de curiosité dans le regard. « Faites comme chez vous, je vous en prie – il y a à boire, à manger, de quoi se divertir… et j’espère que vous avez pris vos maillots », sourit-il avec malice, avant de rectifier : « et si vous les avez oubliés, pas d’inquiétude, il y en a des tas à disposition à l’arrière. »

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million dollar boat party

Elle avait été un peu surprise lorsque Elijah lui avait adressé une invitation pour son anniversaire. Le brun lui avait proposé de se joindre à sa fête en usant de sa spontanéité habituelle, l'invitant au détour d'une conversation tout ce qu'il y a de plus ordinaire, comme si sa présence à ses côtés pour cette soirée était si évidente qu'elle méritait à peine d'être précisée. Ils s'étaient rapprochés depuis leur première entrevue à Weatherton, entre autres circonstances plus ou moins flatteuses, mais jamais la demoiselle n'aurait pensé qu'il l'inviterait quelques mois plus tard à l'une de ses festivités privées. Cette sphère n'était pas une de celles qui s'intègrent facilement, encore moins sans une bonne raison, et la petite souris de la maison de haute couture en était forcément un peu décontenancée. Elle était honorée, évidemment, et très loin de se plaindre, mais n'était pas particulièrement à l'aise - encore moins à l'idée de s'y rendre seule. Heureusement, Elijah lui avait poliment précisé que son invitation faisait foi pour elle ainsi qu'un invité de son choix, et Flora avait apprécier sa réassurance quant à ne pas avoir à se priver d'une compagnie familière au milieu d'une masse d'inconnus qui se connaitraient inévitablement tous entre eux. Elle avait naturellement pensé à Penny, la candidate idéale pour la rassurer et l'accompagner - malheureusement, l'actrice n'était pas disponible. Sa meilleure amie avait à faire avec ses enfants, et Flora avait chassé d'un geste de la main les excuses sincères qu'elle lui avait adressé - elle comprenait. Ses pensées s'étaient ensuite tournées vers Carl ou August, mais après une brève réflexion elle n'avait pas souhaité les déranger ni l'un ni l'autre pour une sortie dans laquelle ils ne se retrouveraient pas davantage qu'elle. Malone ? Elle était certaine que lui aussi se passerait volontiers d'une cérémonie de ce type. et Ambrose, Ambrose quant à lui aurait forcément considéré être le dernier choix même s'il aurait passé du bon temps à flâner avec le gratin de Brisbane - et Flora ne voulait pas le voir réagir de la sorte. Par conséquent et à contrecœur, la brune avait été forcée de constater que ses options pour se rendre à cette soirée accompagnée s'étaient vues considérablement réduites. Ne pas s'y rendre n'en étant pas une, c'est un peu désintéressée - et ne pensant surtout pas qu'il dirait oui, qu'elle avait proposé à un client régulier du café qu'elle avait par la suite revu à l'extérieur de l'accompagner. Oliver, un jeune homme qu'elle ne connaissait pas beaucoup mais suffisamment pour entretenir une conversation, plutôt agréable à l'oeil et qui n'avait pas hésité plus de quelques secondes avant d'acquiescer à sa proposition, serait celui qui lui tiendrait compagnie pour l'anniversaire du Walker. et c'était une bonne chose. Elle lui avait communiqué l'adresse - ou plutôt le quai, de la soirée et ils s'étaient accordés pour s'y retrouver, le temps pour eux de se préparer chacun de leur côté et de se rejoindre là-bas.

Habillée assez simplement d'une robe fluide dont le style fait écho à une chemise, assez travaillée par sa coupe mais à l'allure décontractée en laissant entrevoir son maillot de bain sous son voile semi-transparent, l'ensemble intégralement blanc, Flora arrive au port après que Oliver lui ait signalé l'y attendre. Ils s'étaient mis d'accord pour ne pas arriver trop tôt, peu désireux de s'attirer plus de regards que nécessaire en arrivant sur le pont, et elle n'a plus qu'à se saisir de sa main lorsqu'il la lui tend avec un air désabusement dramatique qui lui arrache un sourire. Le yacht amarré vers lequel ils s'avancent est impressionnant, et même si elle n'a pas de nombreuses références en la matière, l'image renvoyée par ce dernier est suffisante pour lui faire comprendre qu'à l'image du building où Elijah a établi domicile, ce bateau se calque sur la même démesure. Elle ignore combien d'invités sont présents à bord, mais une chose est sûre à la vue du nombre de silhouette qui s'y pavanent déjà, la fête ne les a pas attendu pour commencer. et c'est tant mieux. Tous un verre à la main, les invités plaisantent et échangent dans une bonne humeur qu'elle n'aurait pas cru trouver aussi facilement, la faute à des aprioris ayant la peau dure. La main de son partenaire de la soirée effleurant la sienne pour la faire se reporter vers lui, un serveur les aborde pour leur proposer différentes variétés de cocktails sur un plateau à peine ont-ils le temps d'y penser. La brune n'est jamais montée sur un bateau de ce standing, et elle doit avouer que l'image est aussi troublante que plaisante. « Santé. » Ils trinquent en échangeant un sourire, et le duo s'avance sur le ponton pour entamer un tour du propriétaire, Flora cherchant du regard leur hôte à qui elle ne tarde pas à signaler la présence à Oliver en le désignant d'un regard. et, sans qu'elle ne l'explique vraiment, le comportement de celui qu'elle considère à peine comme un ami à proprement parler semble se nuancer alors que l'héritier les remarque à leur tour et qu'ils s'avancent les uns à la rencontre de l'autre. « Flora ! Tu es venue ! » Elle est heureuse de le voir, comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs semaines, et son coeur se gonfle d'un sentiment tout à fait plaisant lorsqu'il l'étreint et qu'elle enroule à son tour, par reflexe, ses bras autour de son tronc. Bien sûr qu'elle est venue, et si elle n'est pas tout à fait certaine de pouvoir mettre sa remarque sur le compte de la politesse ou de la véritable surprise, elle se contente de l'accueillir dans un rire léger. « Je suis contente de te voir aussi. » Elle se recule juste assez pour réinstaurer une distance convenable entre eux, ses bras quittant la chaleur imprégnée de ses vêtements après une trop longue exposition au soleil, et elle se tourne vers son invité pour entamer les présentations. « Elijah, je te présente Oliver. Oliver, Elijah. » Les deux hommes échangent une poignée de main, une à laquelle elle assiste en guettant leurs réactions - à leur habitude maquillées chez l'héritier, un peu moins claires chez Oliver. « Eli Walker, enchanté – et bienvenue ! Faites comme chez vous, je vous en prie – il y a à boire, à manger, de quoi se divertir… et j’espère que vous avez pris vos maillots » Face à sa malice, elle ne peut s'empêcher de sourire un peu davantage, même si la plaisanterie semble faire mouche auprès de celui qui l'accompagne. Flora lui adresse un regard en coin, sa bouche plissée en une ligne amusée. « et si vous les avez oubliés, pas d’inquiétude, il y en a des tas à disposition à l’arrière. » Oh, ils avaient prévu - même si elle n'avait nullement l'intention de se baigner, certainement pas. Elle se prêtait volontiers au thème et à l'ambiance, et nourrissait un amour profond et sincère pour l'océan, mais n'y tremperait jamais davantage que les pieds. Personne n'avait besoin de savoir qu'elle coulerait aussi vite qu'un caillou si on venait à la mettre à l'eau - et personne ne devait l'apprendre. « C'est parfait, merci Elijah - on va faire le tour. Profite de ta soirée, et encore un joyeux anniversaire. » Car elle le lui avait souhaité ce matin par message, attachant à son sms une photo d'un bout de tissu aux couleurs suspectes, assemblé avec d'autres l'étant tout autant, sans toutefois laisser deviner de quoi il s'agissait. Elle lui avait simplement avoué avoir une surprise pour lui, et lui proposait par la suite quelques dates et horaires pour un nouveau rendez-vous.

Le temps passe étrangement vite par la suite, et heureusement - car, et ce malgré sa prévoyance, Oliver ne se comportait pas tout à fait comme elle l'avait imaginé. L'homme était resté à ses côtés pour poursuivre la visite du bateau, puis s'était naturellement dirigé vers d'autres groupes vers lesquels elle l'avait, dans un premier temps, suivi avant de prendre ses distances. L'autre était bien plus à l'aise qu'elle, avait un contact étonnement facile avec tous - et surtout toutes, ces inconnu.e.s et elle ne se sentait pas tout à fait à sa place à rire auprès d'individus puis d'autres dont elle ignorait jusqu'aux prénoms. Un verre à la main, elle avait profité d'une occasion pour s'éloigner vers un espace un peu plus calme, s'attirant un regard d'Oliver mais l'ignorant en prenant la direction de l'arrière du yacht, allant s'asseoir sur d'épais coussins à même le sol - comme de larges banquettes confortables où prendre le soleil, disposées en un grand carré. Elle s'y était assise pour profiter d'un peu de calme, et n'avait été interrompue qu'un bon quart d'heure plus tard à l'entente de la voix du Walker. « Birthday boy. » souffle-t-elle à son intention en tournant la tête pour croiser son regard, son visage un peu moins rayonnant qu'à son arrivée sur la bateau reprenant en malice et en bonne humeur à sa vue. « Qu'est-ce que tu fais seul, tu as échappé à tes invités ? » plaisante-t-elle, un peu surprise de ne pas le voir accompagné alors qu'un regard derrière lui suffit à la faire s'assurer qu'il n'est pas suivi. Elle se reporte par la suite sur la vue qui les entoure, l'appréciant d'un regard avant de se reporter sur lui. « En tout cas, ce bateau est magnifique. Tu as le goût des belles choses. » complimente-t-elle avec une transparence sincère - tous les éléments sont réunis pour passer un bon moment, même si elle regrette sa meilleure amie avec qui la soirée aurait eu une toute autre saveur.
 

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La soirée venait à peine de débuter, pourtant, elle frôlait déjà la perfection aux yeux de son organisateur, qui était pourtant exigeant en la matière, fort des nombreuses expériences en la matière. En sa qualité d’héritier richissime habitué à l’opulence et aux moyens sans fin, Eli avait toujours eu le goût de la beauté, de l’abondance, du grandiose, et lésiner sur les moyens n’avait jamais été une option. Dans le contexte plus particulier des soirées dont il était responsable de l’organisation, cette folie des grandeurs se voyait décuplée, et absolument tout était mis en œuvre pour marquer les esprits de la plus belle des façons qui soient. Cette fois-ci, il avait encore frappé fort, et il fut rapidement évident que la soirée marquerait les annales tant la béatitude était évidente sur le visage de chacun des invités qui firent leur apparition sur le ponton du yacht. Il s’agissait là du plus beau cadeau de l’architecte, dont les traits reflétaient la joie de partager avec tous un moment aussi époustouflant à l’occasion de son trente-huitième anniversaire. Mais, si c'était possible, son sentiment d’euphorie redoubla d'intensité en reconnaissant un visage en particulier se dessiner dans la foule, et Eli se précipita à sa rencontre. Flora l'avait assure de sa présence dès l'instant où il l'avait invitée, pourtant, il n'avait pas été certain de la voir le jour venu, de nombreuses raisons venant alimenter ce doute. En dépit du naturel avec lequel il l'avait conviée à l'événement, il n'était pas sans savoir qu'ils étaient tous deux issus de milieux radicalement opposés, et que ce qui paraissait à Eli comme un moment agréable pouvait revêtir l'allure d'un vrai cauchemar pour Flora. Soucieux de ne pas créer pour elle une situation susceptible de la mettre mal à l'aise, au milieu de dizaines de personnes qu'elle ne connaissait pas et avec qui elle n'était pas sûre de partager grand-chose, il l'avait encouragée à venir accompagnée de la personne de son choix, sans savoir si cette sécurité suffirait à lui donner l'envie de venir. Eli se rendit compte qu'il l'avait sans doute sous-estimée en la voyant – et pour la voir, il la voyait.

Flora s'était toujours présentée avec élégance et bon goût, ses tenues témoignant du soin qu'elle apportait à son apparence. Sans jamais avoir porté de pièces extravagantes lors de ses entrevues avec Eli, elle avait toujours ce don d'apporter de la personnalité à des tenues qui plaisent généralement universellement, et Eli s'était fait la réflexion, plus d'une fois, qu'elle s'habillait sacrément bien – cette observation l'avait d'ailleurs conforté dans sa décision de lui confier le soin de lui confectionner une tenue sur mesure. L'apparence de Flora dans sa globalité avait, bien évidemment, également joué un rôle dans l'attirance qu'Eli avait ressentie à son égard dès les premiers instants de leur rencontre, et qu'il s'était efforcé de réprimer au profit d'une relation dont le professionnalisme ne pouvait déborder que sur un début d'amitié, et rien de plus. À de nombreuses reprises, il s'était vu captivé par ses traits poupons, ses mimiques délicieusement expressives qui contrastaient si bien avec les siennes calibrées au millimètre près, la façon dont ses cheveux cascadaient autour de son visage, la douceur et la chaleur de son regard noisette, et l'air général qu'elle dégageait. Mais jamais il n'avait été subjugué de la sorte en posant son regard sur elle. Elle ne paraissait pourtant pas avoir eu besoin de fournir des efforts démesurés pour s'apprêter, et comme toujours, sa beauté semblait sublimée davantage par des choix stratégiques que par l'application d'une ribambelle de procédés, conférant à son apparence un résultat simple mais frappant par son efficacité. Elle revêtait la beauté de celles qui enfilaient leur tenue de soirée après une journée passée à laisser le soleil leur embrasser la peau et l'air frais leur caresser les cheveux. Son regard semblait plus pétillant que jamais, rehaussé par un maquillage léger, et le hâle de sa peau la rendait rayonnante. Et sa tenue… elle avait l’air d’un ange dans cette robe blanche, un ange dont les charmes appelaient toutefois au désir et à la convoitise. Le parfum floral de Flora se fit entêtant en pénétrant insidieusement les narines de l’héritier lorsque celui-ci l’étreignit, et il faillit se perdre dans la douceur de son corps au contact du sien. Eli dut se retenir de la dévorer du regard, et se faire violence pour se rappeler que l’attirance qu’elle avait le don d’éveiller en lui était strictement prohibée. « Cette robe est magnifique. Et elle te va à ravir », complimenta-t-il, aussi sobrement que possible, réprimant avec une efficacité surprenante l’émoi qui menaçait de l’emporter, avant de se reporter sur l’ami de Flora que cette dernière lui présenta sans fournir d’informations au-delà de son prénom. Il ne laissa rien transparaître, hormis peut-être une pointe de curiosité, et serra avec un sourire affable la main d’Oliver tout en se demandant quelle relation il pouvait bien entretenir avec Flora. Les deux nouveaux arrivants ne s’attardèrent pas, au regret de l’architecte qui se serait volontiers détourné un peu plus longtemps de la conversation qu’il venait de quitter pour échanger davantage avec l’intrigante jeune femme. Il lui adressa un sourire radieux lorsqu’elle réitéra les souhaits qu’elle lui avait déjà adressés en début de journée, et qui lui avaient mis du baume au cœur avant même d’avoir entamé sa journée de travail. « Merci ! Profitez bien », s’exclama-t-il, avant de tourner la tête lorsque quelqu’un lui attrapa le bras pour attirer son attention. Lorsqu’il reporta le regard en direction de Flora, quelques instants plus tard, celle-ci avait déjà disparu en compagnie de son cavalier. Eli ne s’en formalisa pas et se résolut, finalement sans trop de difficultés, à poursuivre pour le moment sa soirée de son côté.

Près de deux heures s’écoulèrent pratiquement en un clin d’oeil, rythmées par les verres qu’on leva à sa santé, les retrouvailles plus ou moins riches en émotions, et les agréables qu’avaient à lui proposer les proches qu’il avait tant tenu à réunir ce soir, et dont il se réjouissait de la présence. Eli n’eut pas un instant de répit, et n’eut pas une seconde pour s’ennuyer ; son sourire bienheureux ne quitta jamais son visage tandis qu’il savourait la soirée tout en souhaitant qu’elle ne prenne jamais fin. Au terme de ce qui devait être le vingtième toast porté en son honneur, Eli décida toutefois de faire une pause, encouragé dans cette démarche par la légère sensation de tournis qui était venue s’emparer de sa tête. Il se mit à arpenter les recoins moins peuplés du yacht, saluant avec un sourire enthousiaste les convives dont il croisa la route, avant de discerner, à l’arrière du bateau, une silhouette habillée d’une robe blanche aisément reconnaissable. Il plissa les yeux et constata qu’elle était seule. Les quelques minutes passées sans descendre cul-sec un énième verre à shot avait permis à la brume de se lever dans son esprit, et Eli jugea judicieux de faire un crochet par le bar avant de rejoindre Flora sur les coussins délaissés par les invités – sans doute parce que la musique y était moins audible et les boissons moins accessibles. « Besoin d’un peu de compagnie ? », demanda-t-il afin d’annoncer sa présence. Un léger frisson parcourut sa colonne vertébrale lorsque leurs regards se croisèrent tandis qu’elle lui répondit, la voix à peine plus élevée qu’un murmure. Il lui sourit et son regard azur se fit pénétrant, comme s’il cherchait à jauger les émotions de la jeune femme, dont l’air enjoué semblait cacher quelque chose de plus triste, bien qu’il n’aurait su l’affirmer avec certitude. « Figure-toi que j’ai eu l’occasion de discuter avec tous mes invités, sauf une – mais c’est sur le point de rentrer dans l’ordre, j’ai trouvé sa cachette », lui répondit-il malicieusement, avant de prendre place à ses côtés, assis en tailleur sur l’un des coussins. « Merci, je suis ravi qu’il te plaise », sourit l’héritier, jaugeant d’un regard appréciateur les environs. Il avait grandi avec l’amour de l’océan et de la navigation, et adoré les bateaux depuis qu’il était gamin. « Je suis d’accord. C’est pour ça que j’ai tenu à travailler avec toi », lui glissa-t-il lorsqu’elle évoqua son amour des belles choses, sans préciser s’il parlait bien des créations qu’elle était en train de concevoir pour lui. « J’ai apporté du ravitaillement en quantité », annonça-t-il en désignant du menton la cruche de cocktail que le barman lui avait concoctée quelques instants plus tôt. « Sex on the beach. C’est ton préféré, il me semble ? », s’enquit-il, tout en remplissant leurs verres, avant de trinquer. « À votre santé, mademoiselle Constantine », souffla Eli, avant de prendre une gorgée du cocktail fruité. « Dis-moi… à propos de cette photo mystérieuse que tu m’as envoyée ce matin – est-ce que ça fait de moi un gosse pourri gâté si je suppose que c’est un cadeau d’anniversaire ? », l’interrogea-t-il avec légèreté, le regard pétillant.

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Ses lèvres s'étirent lorsque les bras de l'héritier l'entourent, et ne retombent pas lorsqu'ils réinstaurent une distance plus raisonnable entre eux. Elle est heureuse de le voir, d'une manière assez idiote quand ils ne se sont pas vus depuis une semaine ou deux tout au plus - mais il rayonne, passe du bon temps en compagnie de ses proches, et la légèreté lui va bien. Le brun n'est pas de ceux dont les épaules sont toujours contractées ou les sourires trop rares, mais elle apprécie de le voir profiter de cette journée qui est la sienne auprès de ceux qui comptent pour lui. et plus encore, elle apprécie de pouvoir y assister. Leurs regards se scellent bêtement, et la brune échappe un rire léger avant que le brun ne reprenne la parole. « Cette robe est magnifique. Et elle te va à ravir » Prise légèrement de court, elle sourit un peu davantage en regardant à la dérobée les tissus crèmes qui virevoltent brièvement sous la brise tiède. En réalité, cette robe n'en est pas une - simplement une chemise oversize que Flora a récupéré à Weatherton après qu'elle ait été abîmée pendant son transport. Mais quelques découpes et ajustements plus tard, la chemise tout ce qu'il y a de plus ordinaire s'était transformée en une jolie robe d'été, et si cette histoire n'avait pas sa place dans leur discussion les compliments de l'héritier la touchaient ainsi plus qu'en apparence. « Merci beaucoup Elijah. » souffle-t-elle d'un ton plus bas, marquant une pause. Il ne la regarde pas de la même façon que d'habitude, et Flora le regarde à son tour surement un peu trop longtemps - Eli lui accorde toujours une importance particulière lors de leurs échanges, mais celle d'aujourd'hui semble un peu différente sans qu'elle ne puisse décrire de quelle façon. Son regard échappe toutefois au sien pour lui présenter celui qui l'accompagne, et la demoiselle reprend une certaine contenance en invitant les deux hommes à se serrer la main. Elle est avare en précisions, consciemment, n'ayant pas de nom à donner à Oliver autre que celui qu'il porte et ne souhaitant pas s'attarder sur son sujet. Il n'a pas d'étiquette, leur relation quel qu'elle soit n'en porte pas non plus, et les deux hommes ne se reverront probablement jamais - il n'est pas une personne importante ni une de celles qui rythment son quotidien, et elle ne juge pas nécessaire pour l'héritier de s'encombrer avec des détails à son sujet. « Merci ! Profitez bien » Elle lui rend son sourire avant de disparaître, profitant qu'on agrippe son bras pour juger l'avoir suffisamment interrompu, prenant une direction assez aléatoire en compagnie d'un Oliver silencieux.

Un Oliver silencieux puis fantôme - elle l'avait poliment suivi près d'autres groupes, lui lançant à plusieurs reprises des regards entendus sans qu'ils ne trouvent les yeux du concerné, puis s'était finalement résolue à prendre ses distances. Elle ne sociabilisait pas aussi facilement que lui, se prêtait au jeu des sourires et des rencontres hasardeuses dans le cadre de son travail pour faire bonne impression auprès des clients - qu'ils commandent un mocha ou une tenue sur-mesure, mais ne se plaisait pas à l'exécuter en dehors. Elle est authentique Flora, gentille mais pas pipelette, et aller sympathiser auprès d'étrangers simplement pour ne pas rester seule ne l'intéresse pas. Les quelques assises moelleuses à l'écart de l'ambiance l'intéressent davantage, elles et le bruit de l'océan avec une vue à couper le souffle, et cela lui suffit. Elle s'y assoit, replie ses jambes, et souffle doucement en laissant son regard s'égarer sur l'horizon tout en s'interrogeant quant à la légitimé de sa présence. Elle serait toute aussi bien vraiment seule sur une plage loin d'ici, même si ce bateau est superbe et qu'à n'en pas douter tous les éléments pour une soirée parfaite sont réunis. Mais l'élément de sa soirée idéale n'est nul part en vue - du moins, c'est ce qu'elle croit. Elijah s'annonce, et elle sort de sa rêverie en croisant ses yeux azur. « Besoin d’un peu de compagnie ? » Sa bouche fait une petite moue coupable, aussi douce qu'elle est amusée, et la brune acquiesce quasi timidement en se redressant un peu - pas par manque de place, cette étendue de coussins aussi grande que son appartement. Mais il la sort de sa trompeur, et elle ne tient pas à le perturber d'un quelconque égarement qu'il pourrait interpréter d'une façon ou d'un autre. De la compagnie, elle n'en a pas besoin - mais la sienne lui plairait bien, oui. « Si tu m'en fais l'honneur. » souffle-t-elle avec une certaine malice, l'accueillant d'un sourire doux. « Figure-toi que j’ai eu l’occasion de discuter avec tous mes invités, sauf une – mais c’est sur le point de rentrer dans l’ordre, j’ai trouvé sa cachette » Ses dents pincent discrètement sa lèvre inférieure à la remarque - elle ne se cache pas. Ou peut-être que si, un peu, mais Elijah ne doit pas croire qu'elle tient à échapper à la pire soirée qu'elle ait jamais connu. Cette soirée est très bien, et elle ne cherche pas à la fuir à tout prix. Mais le bruit des vagues et l'air marin lui plaît encore davantage que la musique et les déhanchés sur le pont. « et moi qui pensait m'épargner une longue conversation ennuyeuse - mince. » Elle le taquine, partant d'un rire tout en appuyant sur le brun un regard tendre. Trop doux pour qu'il puisse douter une seconde qu'elle pense ne serait-ce un peu ce qu'elle dit, sa voix bien assez moqueuse et son air dramatique se chargeant du reste. Elle est ravie qu'il se soit, même hasardeusement, réservé du temps pour qu'ils échangent sans que le devoir ne l'appelle d'une minute à l'autre. Tant qu'ils en ont quelques unes pour eux. « Merci, je suis ravi qu’il te plaise » Elle se demande, l'espace d'une seconde, si ce bateau lui appartient - pour n'importe qui, l'idée serait ahurissante. Mais pour un homme de sa classe, quelques bateaux et différentes voitures ne doivent rien avoir de trop extravagant - il en faut pour subvenir à toutes les envies, n'est-ce pas ? et au-delà de ça, Flora est presque sûre de reconnaître un attachement pour l'océan lorsqu'elle en voit un. et la façon dont Eli regarde l'horizon est étrangement similaire à la sienne. « Je suis d’accord. C’est pour ça que j’ai tenu à travailler avec toi » mais brusquement, elle s'interrompt dans ses réflexions, battant brièvement des paupières en attrapant son regard. Ses joues se teintent d'une manière à peine perceptible, et l'excuse de l'alcool est toute trouvée. Elle sait qu'il parle de la tenue qui l'attend chez elle, et pourtant. « Tu fais ça souvent ? Toucher à l'océan, aux bateaux. Ou c'est pour l'image ? » demande-t-elle après une pause, avec une franchise assez déconcertante sans rien perdre de sa bienveillance - elle n'émet pas de jugement, mais est curieuse et a envie d'éclaircir cette zone d'ombre. S'ennuie-t-il ici ou aime-t-il vraiment cette ambiance particulière ? « J’ai apporté du ravitaillement en quantité. Sex on the beach. C’est ton préféré, il me semble ? » Son attention quitte ses traits pour se reporter sur la carafe qu'il brandit fièrement, et elle sourit en acquiesçant après un léger moment de latence - oui, l'assortiment de pêche, orange et canneberge est son préféré. La brune lui avait partagé ce détail entre deux conversations, mais ne pensait pas qu'il s'en souviendrait - ils discutaient de beaucoup de choses, et son cocktail préféré n'était pas une information capitale. « C'est mon préféré oui. Prévoyant même si tu devrais te la couler douce et ne penser à rien d'autre que profiter de ton moment. » Ils trinquent l'instant suivant et elle sourit avant de prendre une gorgée, ses yeux dans les siens - sait il complètement lâcher prise ? « À votre santé, mademoiselle Constantine » « À la vôtre, monsieur Walker. » souffle-t-elle sur le même ton, usant d'un sérieux qui ne lui ressemble pas - mais son sourire est tout ce qu'il y a de plus Flora. Elle se pose beaucoup trop de questions à son sujet, mais peine à refouler toutes les interrogations qu'ils suscitent en elles - certaines plus avouées que d'autres.

Une nouvelle gorgée de ce cocktail parfaitement exécuté - même elle ne les réalise pas aussi bien, son regard à tout juste le temps de capter sa curiosité qu'Elijah ne fait pas durer plus de suspens. Il aborde, une seconde durant, une expression délicieusement infantile qui la fait sourire d'une manière un peu plus large avant même qu'il ne s'exprime. « Dis-moi… à propos de cette photo mystérieuse que tu m’as envoyée ce matin – est-ce que ça fait de moi un gosse pourri gâté si je suppose que c’est un cadeau d’anniversaire ? » Ses lèvres révèlent un sourire malicieux et elle secoue la tête comme si un tel comportement la surprenait - mais de la plus agréable des façons. « Elijah Walker... » prononce-t-elle d'une manière désabusement lente en prenant un trop grand soin à articuler chacune des syllabes qui composent son nom. « Non, je ne présumerais jamais une chose pareille. » désapprouve-t-elle en secouant à nouveau la tête, toujours de cette façon légère et un peu ironique. Elle reporte ensuite son attention sur son cocktail lorsque le regard du brun devient trop difficile à soutenir, se reportant sur l'océan après une gorgée. Elle le taquine volontiers de mots et d'autres, mais lui est trop doué pour la faire se détourner et cesser ses idioties. « C'est peut-être le cas, oui. Peut-être. » avoue-t-elle, retrouvant ses yeux par la suite. Cette fois, elle est plus douce et sérieuse. « Ne te fais pas de faux espoirs, c'est une broutille. Je ne voudrais pas que tu sois déçu. » prévient-elle doucement, avant de poursuivre avec un peu plus d'entrain. « En revanche, j'ai une vraie bonne nouvelle : ton costume est fin prêt. Je pourrais te donner les deux en même temps, le pseudo cadeau et ta pièce. » Elle avait mis beaucoup plus de temps que n’importe quel styliste pour penser, créer puis finaliser cette tenue. Elle avait fait des erreurs, avait dû recommencer, reprendre, redessiner, et ce à de trop nombreuses reprises pour lui fournir ce costume dans des détails raisonnables. Mais Flora avait tenu à ce qu’il soit parfait, autant qu’il puisse bien l’être, et la demoiselle avait été particulièrement intransigeante avec elle-même. Maintenant, Elijah devait achever la dernière étape du processus en essayant la tenue, et la brune était aussi impatiente qu’elle redoutait l’échéance. Si l’ensemble lui plaisait et tombait correctement, leur collaboration toucherait à sa fin, et la paire n’aurait plus aucune raison de se revoir. et tous ces moments deviendraient des souvenirs, ceux que le Walker oublierait avec le temps et qu’elle entretiendrait pour deux. « Tu n’auras qu’à me texter tes disponibilités, et je me débrouillerai pour venir te voir avec tout ça. » affirme-t-elle avec un sourire. et, alors qu’ils échangent avec leur légèreté habituelle, des éclats de rire résonnent un peu plus loin et Flora se ressaisit. L’heure n’est pas aux agendas ni à la nostalgie, Eli ne veut probablement pas parler de ça maintenant, et elle termine son verre avant de le poser à leurs côtés. « Mais rien ne presse, on parlera de tout ça plus tard. » et sur ces mots, elle se lève, légère et souriante avant d’entreprendre de se débarrasser de sa robe - elle dénoue le noeud qui la cintre à la taille, révélant un maillot de bain crème qui jusque lors ne faisait que se deviner sous le tissu, et abandonne cette dernière sur les coussins tout en se passant une main dans les cheveux. Son regard capture celui de l’héritier, et elle lui tend la main. « Viens, je me sens coupable de te faire rester ici alors que tout le monde s’amuse. » lui lance-t-elle en lui souriant un peu, l'encourageant d'un signe de tête à se lever pour aller retrouver le reste des invités - et s'amuser plutôt que de parer à sa solitude.

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Million Dollar Boat Party

D’un instant à l’autre, sans l’ombre d’un préambule, l’atmosphère changea du tout au tout, et Eli avait quitté la soirée animée et la musique assourdissante au profit d’un échange calme, à l’ambiance intimiste, à l’arrière du majestueux yacht. Prenant place aux côtés de Flora, l’héritier ne sembla nullement déçu de ce changement d’ambiance, la joie de la voir enfin se lisant sans peine dans ses prunelles. Eli lui-même s’était fait la réflexion de combien il était surprenant qu’il l’ait invitée – il avait déjà convié certains de ses collègues les plus proches à ses anniversaires, mais elle ne pouvait même pas être qualifiée de la sorte. Compte tenu du tempérament d’Eli, il s’était déjà pris d’affection et de sympathie pour des commerçants et autres personnes avec lesquelles ses rapports avaient excédé la simple relation transactionnelle ; mais jamais la complicité n’avait été poussée jusqu’au point de les inviter à l’un de ses événements. Flora semblait occuper une catégorie inédite, et si Eli ne s’était jamais permis autant de proximité avec la jeune femme qu’il ne l’aurait fait à l’occasion des diverses amitiés qu’il avait nouées au cours de sa vie, il ne pouvait nier que l’étiquette de relation professionnelle qu’il avait apposée au lien étrange qui les unissait peinait à qualifier fidèlement ce dernier. Ainsi, lorsqu’il lui avait proposé de venir, sans savoir si elle le ferait effectivement, il s’était posé la question de si cela avait été la chose adéquate à faire, tout en se doutant que la réponse était probablement négative. Lorsqu’il s’était surpris à espérer qu’elle lui ferait l’honneur de sa présence, au même titre que ses amis les plus proches qu’il souhaitait à tout prix voir ce soir, il avait arrêté de se poser des questions, sans doute parce qu’il redoutait d’en découvrir la réponse. Et maintenant qu’il ressentait cette joie inexpliquée le réchauffer de l’intérieur en croisant son regard noisette, le refoulement de ces mêmes questions reprit de plus belle, et il se concentra avec une mauvaise foi interpellante sur le moment présent. Cela ne lui coûta pas l’ombre d’un effort – il lui suffit de l’entendre échapper un petit rire accompagnant une taquinerie à la gentillesse caractéristique de Flora pour se sentir aussitôt aspiré par leur interaction. « Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop t’assommer, et au pire, tu n’auras qu’à me planter là », suggéra l’héritier avec un air malicieux qui surplomba l’expression faussement coupable qu’il avait tenté, sans succès, d’arborer. La tendresse manifeste dans les yeux de Flora fit remuer quelque chose dans ses entrailles, sans qu’il sût dire quoi.

Au terme de quelques bavardages sans réel intérêt, mais toujours aussi plaisants, Flora interrogea Eli sur son choix d’organiser la soirée sur un bateau, et ce dernier posa un regard légèrement surpris sur la jeune femme. Surpris, car il entraperçut, comme il avait déjà pu le faire quelques fois, des indices de l’image qu’il semblait dégager auprès d’elle, et dont de nombreux points ne correspondaient pas à ce qu’il pensait être. Ce constat le renvoya à nouveau à leurs différences, attribuables à combien les mondes dans lesquels ils avaient grandi étaient dissemblables. Sans savoir grand-chose de l’enfance de Flora, à l’exception des quelques bribes qu’elle avait accepté de partager avec lui lors d’un repas improvisé chez Eli, l’héritier savait que la styliste en herbe n’avait certainement pas connu l’opulence qui avait été son quotidien à lui depuis sa plus tendre enfance. Et pour avoir côtoyé suffisamment de personnes issus d’autres milieux que celui, si restreint et en-dehors de la réalité, qui l’avait vu grandir, Eli n’était pas sans ignorer quels étaient les stigmates qui lui collaient à la peau. Les gens comme lui étaient perçus comme superficiels, faux, déconnectés, m’as-tu-vu et matérialistes. Il avait cru avoir partagé suffisamment d’aperçus sur son tempérament, authentique et sans artifices en dépit de ses réserves à se livrer plus que de raison, pour briser cette image qui lui collait à la peau en raison de son seul rang social. Mais force était de constater que les préjugés avaient la peau dure, et qu’il demeurait manifestement un mystère à part entière pour celle qui l’interrogeait avec sincérité et sans impertinence sur ses motivations. Nullement offensé malgré l’éclair de perplexité qui avait traversé son visage au moment de la question de Flora, Eli esquissa un sourire et reporta son regard sur l’étendue d’eau en face d’eux. « Quand on était gamins, mon père nous emmenait souvent naviguer, Chan et moi. On adorait ça », racontait-il, un petit sourire empli de tendresse à l’évocation de ces précieux souvenirs d’enfance ponctuant ses propos. « J’ai toujours eu la chance de pouvoir continuer à naviguer. Ça me repose, ça me permet de m’éloigner des gens – enfin, pas ce soir, de toute évidence », plaisanta Eli, conscient que les dizaines d’invités présents sur le yacht ne correspondaient pas au tableau relaxant qu’il était en train de dépeindre. « J’aimerais beaucoup t’emmener sur mon voilier, à l’occasion – si ça te tente, bien sûr », proposa-t-il sans réfléchir, formulant les paroles aussitôt l’idée venue à son esprit désinhibé par l’alcool. « C’est plus petit, moins bling-bling que ce gros machin. Naviguer au large, griller des sardines au barbecue, puis aller nager avec les poissons. Ça fait longtemps que je l’ai pas fait », sourit Eli, en retrouvant le regard de Flora.

Il s’était surpris à l’avoir invitée à sa soirée d’anniversaire, avec la possibilité de justifier cette démarche incongrue par le nombre de convives avec lesquels ils partageraient ce moment, et le voilà qui surenchérissait en conviant la Constantine pour une journée entière entre quatre yeux, sans rendez-vous professionnel pour expliquer le temps qu’ils passeraient ensemble. Ces derniers temps, le travail semblait être devenu de plus en plus un prétexte pour initier les longues conversations qu’ils se plaisaient à partager, mais il n’en avait pas moins été une constante dans leurs entrevues – ici, Eli transgressait pour la deuxième fois délibérément ce cadre qu’ils avaient respecté jusqu’à présent, et la démarche s’expliquait aisément : l’échéance de la fin de leur collaboration approchait dangereusement, et avec elle, celle des opportunités de se côtoyer. Une perspective qui ne manquait pas de lui nouer les entrailles tant elle lui était déplaisante, et à laquelle il ne voulait pas trop penser, tant il s’était surpris à profiter des moments qu’ils avaient pu passer ensemble, et attaché malgré lui à ce bout de femme qui ne cessait de le surprendre. Un imperceptible frisson le parcourut lorsqu’elle prononça, lentement et doucement, son nom, tout en arborant une moue malicieuse. Sans chercher à masquer sa curiosité, le Walker la dardait du regard, sondant ses prunelles d’ambre à la recherche d’un indice jusqu’au moment où Flora détourna les yeux et admit qu’il avait vu juste. « C’est vrai ? Tu m’as fait un cadeau ? », s’exclama-t-il avec l’excitation d’un enfant, un petit sourire incrédule venant étirer ses lèvres pleines. « Comme si tu pouvais me décevoir », renchérit-il avec détachement, balayant les réserves de Flora d’un vague geste de la main tout en lui adressant un regard complice. Il perdit néanmoins de sa superbe les secondes qui suivirent, alors que Flora le ramena à la réalité qu’il s’évertuait à ignorer au sujet de la fin approchante de leurs échanges. « En voilà, une bonne nouvelle », répondit-il avec un large sourire qui ne refléta en rien l’étrange pincement au cœur qui l’assaillit. « Je vais devoir t’en commander d’autres, alors, si je veux te revoir ? », plaisanta-t-il, seulement à moitié, ne se permettant la réflexion que grâce à tout l’alcool qui avait considérablement délié sa langue. « Génial, j’ai hâte de voir ça. Merci beaucoup, Flora », répondit, plus sérieux, l’héritier lorsqu’elle lui proposa de lui faire parvenir ses disponibilités pour qu’elle puisse lui montrer le fruit de son dur labeur. Il avait réellement hâte de découvrir le résultat final – mais la fin comportait quelque teintes doux-amer pour celui qui aurait aimé que la collaboration dure bien plus longtemps.

Flora avait-elle deviné les sentiments contradictoires qui se chamaillaient dans l’esprit confus d’Eli, et était-ce là la raison pour laquelle elle coupa court au sujet de conversation ? Elle ne fit en tout cas aucun commentaire, et Eli lui en fut reconnaissant. Il remplit un nouveau verre de cocktail fruité, et en but plusieurs grosses gorgées dans un élan d’euphorie et d’ivresse. Lorsqu’il releva les yeux vers Flora, qu’il avait vue se lever du coin du regard, il manqua de recracher sa gorgée. Immobile, tenant son verre à mi-chemin entre sa bouche et la petite table où il s’apprêtait à le poser, il la regarda, comme hypnotisé, et déglutit difficilement la gorgée qui avait manqué de se faire la malle par sa bouche et ses narines. Il ignorait si son cerveau analysait la réalité avec un temps de latence ou si les mouvements de Flora s’effectuaient réellement au ralenti – toujours est-il qu’il la vit défaire sa robe avec une sensualité affolante, révélant un bikini couleur crème et, accessoirement, les courbes dénudées de son corps. Eli savait que la façon dont il la contemplait défiait toutes les règles de bienséance, pourtant, il fut incapable de détourner le regard. Ses prunelles traînèrent, l’espace de quelques secondes, sur ses jambes fines et galbées, le sablier de ses hanches, son ventre tendu, les courbes de sa poitrine, et la façon dont sa main passa dans ses cheveux. Le tout ne dura probablement qu’une poignée de secondes, pourtant, Eli eut l’impression d’avoir perdu le contrôle de son corps pendant une éternité. Il fut tiré de sa transe lorsque leurs regards se croisèrent à nouveau, et qu’il remarqua qu’elle lui tendait la main. Il l’attrapa aussitôt et se redressa, surplombant la jeune femme d’une bonne tête – une chance, car en se levant, il avait réduit la distance entre eux à une poignée de centimètres, et il sentit le souffle chaud de Flora s’écraser contre son cou. Il lui adressa un sourire en coin, frissonnant à nouveau légèrement de se tenir si près d’elle, assez pour sentir à nouveau son parfum lui chatouiller les narines. « Je m’amuse bien ici, moi », murmura-t-il avec un nouveau clin d’œil. Dans une tentative quelque peu maladroite de briser la tension grandissante entre eux, il porta à nouveau son verre à ses lèvres et le vida cul-sec, avant de rétablir une distance plus acceptable entre eux. « C’est un très joli maillot que tu as là, Flora… j’espère qu’il est waterproof », susurra le Walker avec un sourire un peu tordu, se détournant brièvement d’elle pour poser son verre vide sur la table avant de lui faire face à nouveau. Il contourna ensuite Flora afin de se tenir derrière elle, sans mot dire, et, sans crier gare, enveloppa sa taille de ses bras musclés pour la soulever, et parcourir d’un pas lent la distance qui les séparait de l’arrière du bateau. « Il paraît que la température de l’eau est délicieuse, ce soir », chuchota-t-il à son oreille. Avant qu’elle n’ait le temps de protester, il la balança quelques fois dans ses bras pour lui faire prendre de l’élan, et la lâcha enfin dans l’eau, riant au cri strident caractéristique qui accompagna la chute de Flora dans les vagues paresseuses qui léchaient le bateau. Il s’apprêta à déboutonner sa chemise pour la rejoindre, s'attendant à ce qu'elle émerge d'un instant à l’autre pour lui crier un flot de jurons et de noms d’oiseau, mais un sentiment désagréable ne tarda pas à gronder dans le creux de son ventre. Fronçant les sourcils, il constata d’abord qu’elle mettait un temps anormal à remonter à la surface – et lorsque, finalement, la tête de Flora émergea des flots où elle venait de disparaître, l’expression paniquée qu’elle arborait confirma le mauvais pressentiment d’Eli, qui constata à cet instant qu’il avait pris une initiative particulièrement stupide. Immédiatement, l’héritier plongea dans l’eau la tête la première, entièrement habillé à l’exception de ses mocassins dont il s’était débarrassé hâtivement d’un coup de pied. En quelques brasses, il arriva à la hauteur de Flora qui avait dérivé plus loin que ce qu’il n’aurait pensé et enroula à nouveau un bras autour de sa taille, la hissant pour s’assurer que sa tête reste émergée. « Tout va bien, Flora », lui assura-t-il avec douceur, une lueur soucieuse dans le regard, où perçait toutefois une pointe d’amusement coupable. « Je suis désolé, je sais pas ce qui m’a pris. Accroche-toi à moi, tout va bien », répéta-t-il à voix basse, les maintenant à la surface sans effort, à l’exception des mouvements paresseux de sur-place qu’effectuaient ses jambes. Leurs regards se croisèrent, leur proximité à nouveau perturbante.

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« Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop t’assommer, et au pire, tu n’auras qu’à me planter là » Elle affectionne tout particulièrement la répartie du brun. Flora ne craint pas de le froisser, de le voir se braquer ou mal réagir à ses remarques, et elle s'amuse régulièrement de venir le taquiner uniquement pour guetter la réaction que sa malice va provoquer sur ses traits. Elijah est d'une sérénité à toute épreuve, et ses tentatives - qui n'en sont pas de réelles, de le déstabiliser ne font finalement que se retourner contre elle-même. La brune se met régulièrement dans des situations où le rose lui monte aux joues, conséquence de leurs échanges et surtout de ses interrogations, auxquelles les réponses semblent tellement évidentes pour celui qui la scrute avec attention qu'elle détourne fréquemment les yeux pour échapper à l'intensité de son contact. Elle n'est pas assez au contrôle de ses expressions pour pouvoir le regarder de longues secondes sans que son coeur ne s'affole et que son sourire ne s'élargisse bêtement, et si Flora n'est pas exagérément mal à l'aise à l'idée d'apparaître nerveuse, elle n'en est pas moins déstabilisée pour autant. « J'y penserais. » souffle-t-elle sur le même ton, un regard à la dérobée lancé dans sa direction, se reportant par la suite sur leurs verres avant de les faire tinter. et entre deux gorgées de cocktail, les deux complices poursuivent leur échange avec la facilité qui les caractérise, parlant de choses et d'autres sans que cela ne soit trop sérieux mais jamais dénudé d'intérêt. Ils parlent de leur présence ici, celle de ceux qui les entourent, et la demoiselle en vient à questionner avec une spontanéité dont elle-même se surprend le choix d'Eli quant à réunir ses proches sur un bateau plutôt que sur la terre ferme. Elle n'émet pas le moindre jugement ni critique, même si cela pourrait sonner comme tel à bien des égards, et se contente d'attendre les éclaircissements de celui qui se reporte sur l'horizon sans qu'elle ne capture le bref changement qui a balayé ses prunelles. « Quand on était gamins, mon père nous emmenait souvent naviguer, Chan et moi. On adorait ça » Souvent, Flora a l'impression de le connaître. puis d'autres, de plus en plus fréquemment, elle réalise que ce n'est pas le cas. Elle sait de lui ce que la presse partage à son sujet, a appris quelques détails de sa vie au détour de leurs conversations, mais la brune peine à considérer l'héritier Walker et Eli comme deux personnes différentes. Trop fréquemment, les versions du brun s'entrechoquent dans son esprit, et elle peine à passer agilement de l'une à l'autre. Elle affectionne plus qu'elle ne veut l'accepter celui qui plaisante, lui indique de ne pas s'asseoir sur le fauteuil de Zelda, parle des heures durant au sujet des maquettes de son atelier et de la passion qui l'anime lorsqu'il s'y enferme des journées entières. Elle a conscience que ses yeux s'attardent trop longtemps sur sa personne, que sa voix résonne comme la plus douce des mélodies à ses oreilles, et que son parfum semble rester sur ses vêtements dès lors qu'il l'approche de trop près. mais d'autres fois, notamment lorsqu'elle le voit se comporter avec autrui, Flora prend conscience de la façon dont le monde gravite autour de sa personne. Elle note l'aisance qu'il dégage avec tous, les sourires qu'il accorde sans différenciation, et surtout les comportements de ceux qui semblent être aussi proches de lui qu'elle peut se considérer l'être. Parfois, la brune le regarde et serait prête à assurer que quelque chose est différent entre eux, puis d'autres - majoritaires, elle réalise qu'il partage le sentiment d'importance qu'il lui accorde avec tous ceux qui posent leurs yeux sur lui. « J’ai toujours eu la chance de pouvoir continuer à naviguer. Ça me repose, ça me permet de m’éloigner des gens – enfin, pas ce soir, de toute évidence » Le coin de sa bouche s'étire à cela, et elle l'écoute religieusement en profitant qu'il ne la regarde pas pour laisser son attention glisser sur les courbes de sa mâchoire. Alors il aime l'océan, assez pour en profiter seul et ne pas le faire parce qu'on attend de lui qu'il sorte son bateau du port. Il le fait pour son plaisir, de la même façon qu'elle se rend sur la plage et s'y installe des heures durant sans rien chercher d'autre que le calme, le bruit des vagues et l'air marin. Ce n'est pas une façade, et elle est plus heureuse de l'entendre qu'elle ne le laisse paraître. « J’aimerais beaucoup t’emmener sur mon voilier, à l’occasion – si ça te tente, bien sûr » Ses yeux se reportent au niveau des siens, s'arrachant aux lignes de son cou qui disparaissent sous le col de sa chemise, la tirant de ses pensées alors que ses lèvres s'entrouvrent un peu sous la surprise - sur son voilier ? « C’est plus petit, moins bling-bling que ce gros machin. Naviguer au large, griller des sardines au barbecue, puis aller nager avec les poissons. Ça fait longtemps que je l’ai pas fait » Il reporte son regard dans le sien et elle se force à refermer la bouche pour ne pas avoir un air trop idiot, acquiesçant après une brève pause alors qu'elle esquisse un sourire. La proposition résonne entre eux de la manière la plus naturelle qui soit, et bien évidemment la Constantine serait ravie de le suivre pour un après-midi au large - mais elle n'aurait jamais pensé que Elijah ferait une telle proposition, encore moins que cela l'intéresserait ou même lui traverserait l'esprit. et s'il a sans doute bu plus de cocktails que les règles de bienséance auxquelles il se tient d'ordinaire, elle n'a pourtant pas de doute face à la sincérité de ses mots. Elijah est sérieux, elle peut assurer cela. « J'aimerais beaucoup, oui. Pourquoi pas. » Elle n'a jamais eu une telle opportunité. Passionnée de l'océan et tout ce qui y touche, friande de découvertes et de petits plaisirs, Flora n'a pour autant que peu de temps - et surtout trop peu d'argent, pour s'y adonner. Ainsi, le pétillement de ses yeux témoigne de l'enjouement que la proposition fait naître en elle, même si ses propos sont plus prudents et mesurés. S'il vient à oublier avoir suggéré cette idée, elle s'en remettrait et ne ne la lui rappellerait pas. S'il réitère, James risquait fortement de devoir se passer d'elle quelques heures.

La conversation s'éloigne de leur environnement et des détails qui le composent pour se concentrer sur la véritable raison de leur présence ici, et le brun vise juste en soupçonnant un cadeau d'anniversaire de la part de la styliste en herbe. Flora lui a envoyé une photo ce matin même, accompagné de ses voeux, et d'une manière plus douce qu'elle ne l'aurait cru l'héritier s'amuse à présent à essayer d'en savoir plus. « C’est vrai ? Tu m’as fait un cadeau ? » Un rire doux monte dans sa gorge tandis qu'elle acquiesce, ne le quittant pas des yeux pour ne pas s'arracher à l'image qu'il renvoie, s'imprégnant de cet air qui lui va si bien. « Oui, c'est vrai, j'ai quelque chose pour toi qui attend patiemment dans mon appartement. » pour vous deux serait plus juste. « Comme si tu pouvais me décevoir » Il chasse ses inquiétudes d'un geste de la main et elle lève les yeux, trop habituée à le voir se comporter ainsi alors qu'elle est tout à fait sérieuse en le prévenant - ce n'est rien de démesuré, encore moins de trop important. Simplement une attention, quelque chose sur quoi elle a travaillé en parallèle de la tenue, plus souvent chez elle assise en tailleur sur son lit que dans la rigueur des locaux. « En voilà, une bonne nouvelle » Elle tombe pour son sourire éclatant sans même remettre en question son authenticité, lui en rendant un plus doux et moins grand - mais toujours présent. C'est une bonne nouvelle, peu importe ce qu'elle en pense. Elijah avait passé commandé et Flora avait tenu sa promesse pour lui proposer une tenue conforme à ses attentes et qu'il pourrait porter sans honte aucune en société - elle avait été aidée, bien sûr, mais était fière de son travail et de pouvoir lui proposer un ensemble de cette qualité. « Je vais devoir t’en commander d’autres, alors, si je veux te revoir ? » Son verre à mi chemin vers ses lèvres, elle s'interrompt dans un bref sourire, semblant mettre ses pensées en silence une seconde durant. « Tu pourrais. » Mais rien ne l'y oblige, et Eli pourrait demander à la revoir sous n'importe quel prétexte que la brune obtempérerait immédiatement. mais il pourrait, et elle veillerait à lui concevoir une nouvelle tenue digne de son standing, sans jamais être plus rapide que pour la première.« Génial, j’ai hâte de voir ça. Merci beaucoup, Flora » Ses yeux sont tendres en se plongeant dans les siens, et elle ne lui retourne pas ses mots simplement pour lui épargner de les chasser la seconde suivante - chose qu'il ne fait pas avec son regard qui en dit tout aussi long.

Mais, et ce aussi agréable que soit le moment qu'ils partagent, sa culpabilité ne met pas plus longtemps à la rattraper. Elijah est au centre de l'attention ce soir, et elle n'a pas le droit de s'accaparer la sienne sous prétexte que celui avec qui elle est venue lui fausse compagnie. Elle adore leurs conversations mais ces dernières n'ont pas leur place maintenant, et elle doit rendre à sa soirée celui qui la mène si justement en s'assurant que tous ses invités sans exception prennent plaisir à bord. Il doit retourner à la fête, et elle ne met que quelques secondes à se débarrasser de sa robe, se relevant dans un sourire en lui tendant la main pour l'inviter à s'en saisir. et si le brun reste assis sans s'en saisir immédiatement, elle met cela sur le compte de sa surprise à les entraîner vers ce qu'elle veille minutieusement à éviter. « Aller, prends ma main. » l'encourage-t-elle sans se défaire de son sourire, amusée par son air un tant soit peu ahuri dont la raison lui échappe complètement. Finalement, Eli s'en saisit après une pause, et elle l'aide à se redresser - bien consciente qu'il ne se serve pas vraiment de son soutien. Lorsqu'il relâche sa main, elle doit redresser le menton pour pour pouvoir le regarder, soudainement silencieuse sous leur proximité. La dernière fois qu'il s'est tenu aussi près, Elijah était dans son dos - et cela était moins distrayant. « Je m’amuse bien ici, moi » Ses cils papillonnent brièvement, et sa bouche s'entrouvre sans qu'aucun son n'en sorte. Elle voudrait trouver une réplique, lui intimer de cesser son cinéma et de filer profiter de sa nuit - mais elle en est incapable. L'instant suivant, ses lèvres se pincent dans une moue coupable et elle assiste impuissante à la façon dont l'héritier lui expose brièvement - mais pour ce qui lui semble une éternité, la peau sensible et légèrement hâlée de son cou. Celle où, subtilement, une repousse de barbe persiste puis s'efface contre sa pomme d'Adam, offrant à sa vue une peau aussi défendue qu'elle encourage à la tentation. Il termine son verre et elle reprend une discrète gorgée d'air lorsqu'il se détourne pour s'en débarrasser, ses yeux capturant sa silhouette qui disparaît derrière elle sans s'en préoccuper davantage. « C’est un très joli maillot que tu as là, Flora… j’espère qu’il est waterproof » Elle souffle pour ce qui s'apparente à de l'aise, reprenant simplement ses esprits, et sans lui laisser le temps de l'interroger quant à cette remarque idiote, Elijah se saisit soudain de sa taille pour lui faire quitter sol. « Qu'est-ce que- eh ! » se plaint-elle en se débattant une seconde, trop prise de court pour pouvoir faire taire l'amusement qui secoue sa voix. Elle est tout contre lui et l'héritier marche posément vers l'arrière du bateau, son coeur s'affolant dans sa poitrine et ce pour un millier de raisons - sa voix contre son oreille, son corps contre le sien, et son plan évident quant à la balancer à l'eau d'une minute à l'autre. « Non non non, Elijah, fais pas ça » implore-t-elle de la même façon que n'importe qui le ferait - à la différence qu'elle ne le fait pas par principe mais davantage par survie. Elle ne sait pas nager. Elle laisse l'eau submerger ses épaules uniquement lorsqu'elle prend un bain, et sûrement s'affole-t-elle trop pour que cela soit pris au sérieux. et elle le comprend, à la façon dont le sourire du brun ne retombe pas, sûrement habitué à toutes les plaidoiries possible face à ce genre de scène. « Non, me balance pas, je t'en prie Eli » « Il paraît que la température de l’eau est délicieuse, ce soir » Il murmure à nouveau et elle s'accroche désespérément à son cou, nouant fermement ses bras autour de lui, plongeant brièvement son regard dans le sien avant de le reporter vers l'eau. Dans d'autres circonstances, elle paniquerait de leur proximité - mais l'eau la terrifie bien plus que tout ce qu'elle peut ressentir en s'agrippant ainsi à lui. Intraitable, Elijah lui fait prendre de l'élan et elle s'agrippe un peu davantage à lui, trop honteuse de prononcer la seule phrase qui pourrait la tirer de ce faux pas, espérant naïvement qu'il renonce à ses plans. Mais la minute suivante, la brune est lancée à l'eau sans ménagement, et elle est quasi persuadée de sentir son coeur manquer plusieurs battements avant que l'océan ne l'enveloppe dans un soupir.

Les secondes qui suivent sont absurdement longues, et elle est incapable de réagir. Immergée, l'eau lui brûlant les yeux, le nez et les poumons, c'est à la férocité de son instinct de survie que Flora s'agite d'une manière incohérente et désorganisée pour remonter à la surface. Elle aime l'océan, profondément, mais n'en a jamais été autant terrifiée qu'à l'instantané. Sa vision est trouble, le sel lui brûle les yeux, elle boit plusieurs fois la tasse et sent d'une manière presque surréelle le vent lui gifler le visage lorsqu'elle remonte pathétiquement à l'air libre en agitant les bras, ne faisant qu'empirer sa situation et s'éclabousser dans le procédé. La respiration erratique, le coeur qui tachycarde, elle s'interrompt toutefois dans ses gestes au moment où, à nouveau, des mains se posent à sa taille et la font se maintenir à la surface. « Tout va bien, Flora » Elle cesse de s'agiter, ses jambes battant mollement dans l'eau par réflexe primaire, et tousse en quinte pour recracher autant d'eau qu'elle le peut. Trempée, les cheveux plaqués dans le dos et tremblant comme une feuille - pas de froid mais bien de peur,  ses bras s'enroulent à nouveau autour d'Elijah et elle referme les yeux en cachant sa tête dans son cou. « Je suis désolé, je sais pas ce qui m’a pris. Accroche-toi à moi, tout va bien » Elle acquiesce en reniflant, reprenant péniblement son souffle, décollant juste assez son visage de son épaule pour le regarder au travers de ses larmes - provoquées par le sel, sa toux, tout à la fois. Lui aussi est trempé, ses yeux aussi bleus que l'océan derrière lui, ses mèches brunes en bataille tombant sur son front. L'eau perle sur sa peau, et Flora note malgré l'état second dans lequel elle se trouve qu'il est absolument magnifique, son attention s'attardant sur ses traits sans la moindre retenue. « Je- je suis désolée, c'est pathétique.. » articule-t-elle avant de laisser tomber son regard sur sa chemise collée à sa peau, en resserrant légèrement le tissu qu'elle a inconsciemment froissé entre ses doigts. « Tu- tu veux bien me ramener ? S'il te plaît. » murmure-t-elle en comprenant tristement que l'héritier a ruiné sa tenue, son coeur se serrant. Ses yeux retrouvent les siens, et elle les baisse l'instant suivant en retournant nicher sa tête contre son épaule, ne desserrant pas son étreinte. « Je suis désolée pour ta tenue.. » souffle-t-elle contre son oreille avant de se taire, brusquement fatiguée, tâchant de ne pas trop le gêner tandis qu'il les ramène au pont. Lorsqu'ils l'atteignent, Elijah l'aide à se hisser et elle se contente de s'asseoir sur le bord, toussant encore un peu, fuyant honteusement son regard. et, avant qu'ils n'aient le temps d'échanger à nouveau, quelques invités ont été alarmés par leur remue-ménage et s'approchent. et, parmi eux, Oliver. « Flora, est-ce que ça va ? » Elle acquiesce sans redresser la tête, reconnaissant la voix de son cavalier fantôme, enroulant une serviette autour de ses épaules et prenant encore un peu de temps avant de se relever. « Mais ça va pas, t'es complètement malade ?! » et ces propos là, elle sait qu'ils ne lui sont pas adressés. Fronçant les sourcils, la brune se force à redresser la tête pour voir Oliver s'approcher d'Elijah, l'air menaçant et ce malgré une rouquine qui attrape son bras pour le stopper dans son élan. « Oliver. » gronde-t-elle, ses yeux lançant des éclairs malgré la vulnérabilité qu'elle dégage, toujours assise et les jambes pendant mollement dans l'eau. Elle se redresse avec l'aide d'une inconnue qui frotte délicatement son dos, jeune femme qu'elle remercie d'un léger sourire avant de s'avancer vers les deux hommes. « S'il te connaissait un peu mieux, il aurait jamais fait ça. » « Ferme la. » murmure-t-elle en passant à sa hauteur, se retournant ensuite pour adresser un sourire rayonnant aux quelques curieux avant de s'éloigner pour aller récupérer sa robe, Oliver disparaissant avec le reste des invités dans un soupir vexé. Sa main effleure discrètement celle d'Eli lorsqu'elle passe à sa hauteur, signe qu'elle ne lui en veut pas, et Flora lui accorde un sourire avant d'aller retrouver un peu de calme. Lorsque l'héritier refait apparition à ses côtés, elle est à nouveau installée sur les cousins, près de la carafe et de leurs verres abandonnés un peu plus tôt, toujours enroulée dans une serviette. « hey. » le salue-t-elle à voix basse, son ventre se tordant sous la honte. « Je suis désolée Elijah, vraiment - c'était une bonne idée, tu ne pouvais pas savoir. » précise-t-elle un peu précipitamment. « Je ne voulais pas te mettre dans cette situation, et le comportement d'Oliver était déplacé - désolé pour ça aussi. » Ses mots se heurtent avec un empressement et un malaise évident, mais elle est soucieuse de s'excuser.

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Million Dollar Boat Party

En désormais trente-huit ans de vie, Eli avait connu son lot de mauvaises décisions et d’initiatives stupides dont il se dirait par après qu’il aurait mieux fait de s’abstenir. Son caractère impulsif et souvent déraisonnable l’avait, plus d’une fois, fait atterrir dans des situations regrettables, voire catastrophiques, et il avait connu plus d’une frayeur dont il avait été l’instigateur direct. À grands renforts des excès en tous genres et des décisions irresponsables qui avaient ponctué sa jeunesse et les années qui suivirent, Eli s’était ainsi régulièrement dit qu’il l’avait échappé belle après avoir frôlé, quelques fois de manière plus appuyée que d’autres, de véritables désastres. Mais cela faisait longtemps que le sentiment de regret instantané ne l’avait plus frappé aussi fort, ni qu’il ne s’était senti aussi stupide à la seconde où il avait commis un geste. Si, pendant les premières secondes qui suivirent le largage sans cérémonie de Flora dans les flots de la baie de Brisbane, seul un mauvais pressentiment était venu accaparer l’héritier à la regrettable impulsivité, un coup d’œil à son visage paniqué lui suffit ensuite à lui confirmer qu’il s’était comporté comme le dernier des idiots, et que les cris de protestation de Flora lorsqu’il l’avait serrée dans ses bras pour l’emmener au bord du bateau n’avaient finalement pas du tout relevé d’un goût prononcé pour le théâtre. Seule l’adrénaline parvint à occulter le cuisant sentiment de honte qui le submergea lorsqu’il prit conscience de son erreur – une chance, compte tenu des enjeux en cours, qui ne lui auraient pas permis de s’octroyer le luxe de perdre ses moyens dans l’urgence de la situation.

La catastrophe fut désamorcée aussi rapidement qu’elle n’avait été initiée, et Eli partagea avec une intensité presque comparable le sentiment de soulagement de Flora lorsqu’il sentit son corps dans ses bras. Son étreinte autour de sa taille se fit remarquablement ferme, comme s’il redoutait de la lâcher, et son cerveau sembla flotter sous le contrecoup de l’état d’alerte dont il venait de sortir maintenant que Flora était en sécurité. Lui murmurant des mots de réconfort, il la serra un peu plus fort contre lui, tremblant sous l’émotion qui continuait de le secouer. Il prenait progressivement conscience de la catastrophe qui avait manqué de se dérouler sous ses yeux, et de la terreur qui avait dû s’abattre sur Flora – à cette pensée, le sentiment de honte et de culpabilité s’abattit à nouveau, puissamment, sur le Walker. Flora se lova contre lui, nichant son visage dans le creux de son cou, et Eli passa une main dans ses longs cheveux mouillés. Un frisson profond parcourut son corps, et son étreinte se resserra davantage autour d’elle tandis que les flots continuèrent de les bercer paresseusement. Lorsqu’elle détacha sa tête de son corps pour plonger son regard dans le sien, Eli entrouvrit la bouche sans parvenir à émettre le moindre son, puis esquissa un sourire empli de douceur en essuyant prudemment les larmes qui roulaient le long de ses joues, veillant à ne pas frotter ses pouces couverts d’eau salée trop près des yeux de Flora qui avait déjà traversé son lot de souffrances pour la soirée. Quelques instants hors du temps s’écoulèrent ainsi, leurs regards respectifs happés l’un par l’autre, leurs corps enlacés d’une manière pour le moins inhabituelle pour deux personnes finalement pas si proches que cela. « Non, c’est moi qui suis désolé », répéta-t-il précipitamment, éberlué par les excuses formulées par une Flora visiblement honteuse, alors qu’il était de toute évidence le seul et unique fautif de la situation. « Bien sûr… ne bouge pas, on y est dans trente secondes », souffla-t-il en les mettant en mouvement, ralenti par le poids de leurs deux corps mais sans avoir besoin de fournir d’effort colossal pour les emmener à bon port. Alors qu’il battait tranquillement des jambes pour les faire avancer, sans parvenir à détacher ses pensées du visage de Flora niché contre son propre corps, il entendit cette dernière lui murmurer à l’oreille, et il laissa échapper un petit rire sans s’interrompre dans sa progression. « On s’en fout de ma tenue – moi, je suis désolé pour la tentative de meurtre », répliqua-t-il avec une légèreté toujours teintée de culpabilité. Sans s’en rendre compte, le pouce de la main appuyée contre le dos dénudé de Flora traçait de petits cercles sur sa peau, sans doute dans une tentative inconsciente de l’apaiser. « On est arrivés. Fin du cauchemar, ma Flora », souffla-t-il dans l’oreille de l’intéressée, laissant échapper par mégarde le pronom avant son patronyme. Il attendit qu’elle desserre son étreinte autour de son cou pour la soulever par la taille, la hissant hors de l’eau jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment émergée pour s’aider de ses bras contre le ponton, et la rejoignit sitôt qu’il se fût assuré qu’elle ne retomberait plus dans l’eau.

Il attrapa une serviette sur la pile qui avait été prévue à cet effet sur le bord du ponton et eut à peine le temps de la tendre à une Flora qui fuyait résolument son regard lorsqu’ils furent interpellés par plusieurs des invités qui avaient été alarmés par le grabuge. Parmi eux, le cavalier de Flora, Oliver, qu’Eli regarda se précipiter vers la jeune femme avant de le voir se tourner vers lui. Surpris, il n’eut pas le temps de réagir avant de s’en attirer les foudres, et il manqua de reculer d’un pas face à la colère de l’inconnu, se forçant de justesse à résister à l’instinct de fuite en restant dressé là où il se tenait. Sa combativité s’arrêtait pourtant là – Eli ne sut si c’était la fatigue, le choc ou la culpabilité qui l’empêcha de riposter, sans compter la demi-douzaine de témoins qui les dévisageaient curieusement, mais il s’abstint de répondre à la question rhétorique d’Oliver, se contentant de rester les bras croisés, l’air loin d’être fier. Lorsqu’il entendit la voix de Flora s’élever doucement, Eli tourna, dans un réflexe, la tête vers elle, et fut surpris de distinguer le regard réprobateur qu’elle adressa à son cavalier. Toujours silencieux, Eli assista alors à l’échange entre les deux invités dont il ignorait toujours la nature de la relation, mais il fut assuré d’un fait – Oliver semblait tenir à Flora, et semblait décidé à en faire la démonstration devant l’assemblée. Lorsqu’il justifia sa colère par le fait qu’Eli ne la connaissait pas aussi bien que lui, le Walker détourna le regard, perturbé. Il voyait clair dans le jeu d’Oliver et savait qu’il s’agissait, sans doute en grande partie, d’une question d’égo. Pourtant, il ne pouvait nier que l’inconnu marquait un point – Eli ne la connaissait pas. Il avait beau se leurrer au nom de la complicité incomparable qu’ils partageaient, des quelques anecdotes qu’elle lui avait confiées à la volée et du caractère mémorable des moments qu’ils avaient passés ensemble, il ne savait, finalement, presque rien d’elle. Il ne savait même pas comment qualifier leur relation, à défaut de pouvoir la considérer déjà comme une amie, car il ne la connaissait même pas suffisamment pour qu’elle puisse en être une. Si Flora avait été son amie, n’importe qui de proche, n’aurait-il effectivement pas dû savoir qu’elle ne savait pas nager ? Même l’idiot à la grande gueule dont il n’avait jusque-là jamais entendu parler était au courant – et là encore, le fait qu’Eli n’ait jamais entendu parler d’Oliver était-il significatif ? Peut-être s’agissait-il de l’une des personnes les plus proches de Flora, et Eli n’en saurait rien, parce qu’il ne la connaissait pas. Eli déglutit, sonné par ce constat pour le moins désagréable. La bulle d’ignorance et de déni dans laquelle il se complaisait à chaque fois qu’il voyait Flora venait une nouvelle fois d’éclater et le ramener à cette réalité où, finalement, ils ne partageaient pratiquement rien. Sinon, il aurait su quoi faire, et surtout quoi éviter, pour ne pas la mettre en danger. Sonné, Eli n’avait même pas entendu la réponse abrupte de Flora à Oliver, et il ne fut ramené à la réalité que par le contact aérien de sa main contre la sienne lorsqu’elle s’éloigna vers les coussins où ils s’étaient installés un peu plus tôt. Quelque peu confus, il lui retourna son sourire, un peu hésitant, avant de se reporter sur les convives qui commençaient à se disperser, certains en lui assénant des plaisanteries innocentes. Les gens étaient, fort heureusement, déjà passés à autre chose, et la soirée reprit son cours comme si de rien n’était.

C’est quelque peu réticent, et avec bien moins de panache qu’une heure auparavant, qu’Eli se résolut finalement à rejoindre Flora sur l’étendue de coussins, s’apprêtant simplement à vérifier qu’elle allait bien avant de la laisser tranquille comme elle souhaiterait probablement qu’il le fasse. Il lui adressa un sourire penaud lorsqu’elle le salua doucement. « Je peux m’asseoir ? », demanda-t-il avec une timidité habituelle, prenant place à côté d’elle lorsqu’elle eut obtempéré. Il s’apprêta à lui présenter une nouvelle fois ses excuses lorsque, à sa stupéfaction, elle le devança dans l’exercice. Les yeux d’Eli s’écarquillèrent dans une expression incrédule, et un bref rire stupéfait s’échappa de sa gorge. « Mais enfin, pourquoi tu t’excuses ? », s’exclama-t-il sous le coup de la surprise, secouant légèrement la tête. « Absolument pas, c’était une idée de merde, et j’aurais jamais dû faire ça. Je sais pas où me mettre tellement j’ai honte de moi », confia-t-il en baissant le regard avec un sourire embarrassé, avant de se faire violence pour le relever. « Je t’ai mise en danger, et je m’en veux énormément. C’était pas le but, clairement. Je suis désolé, Flora », conclut-il, reportant son regard vers le sien en se mordant la lèvre inférieur, les joues effectivement rosies par l’embarras – une vision dont elle ferait mieux de s’imprégner, tant elle était rare chez celui qui camouflait habituellement si bien le moindre état d’âme. « Tu n’as pas froid ? Tu veux une autre serviette ? », s’enquit-il avec inquiétude, esquissant un geste dans sa direction qui eut pour seul résultat de faire couler une traînée d’eau de mer qui avait imbibé sa chemise trempée. « Oh, je vais devoir trouver un moyen de mettre tout ça à sécher, je pourrai pas retourner là-bas dans cet état », ricana-t-il en jetant un regard critique à sa tenue, dont le lin clair collé à la peau de son torse et de ses cuisses ne laissait que peu de travail à l’imagination. Il se leva et entreprit de se débarrasser laborieusement de ses vêtements trempés pour ne garder que son short de bain turquoise, orné de petits homards rouges. Eli ramassa le tas informe de vêtements gorgés d’eau et les essora sans cérémonie sur le pont du bateau, avant de jeter un coup d’œil pour repérer une surface qui ferait office d’étendoir de fortune. Lorsqu’il eut disposé les vêtements d’une manière jugée satisfaisante, il reprit place sur les coussins, se félicitant d’être né en plein milieu de l’été et de ne pas avoir à se soucier de la température – même si l’espoir de voir ses vêtements secs avant plusieurs heures était illusoire, il avait au moins la chance de ne pas grelotter en attendant de pouvoir les renfiler.

Un petit silence s’installa, pas particulièrement inconfortable, mais il avait cela de perturbant qu’Eli ne savait trop comment le rompre. Il recourut finalement à la solution qu’il connaissait bien, et attrapa la cruche encore à moitié pleine qu’ils avaient abandonnée quelques minutes plus tôt pour remplir leurs verres. Il en tendit un à Flora et leva le sien. « À ta survie » , plaisanta-t-il avec un sourire coupable. Son regard ne tarda pas à se perdre au loin, se faisant songeur, tandis qu’il but silencieusement une gorgée de son verre. Son regard tomba sur sa veste de costume en lin, qu’il avait laissé traîner sur un coussin en arrivant ici toute à l’heure, et il en extirpa son paquet de cigarettes. Ce n’est qu’en voyant ses doigts trembler finement sous le contrecoup du stress qu’il constata combien il avait besoin d’apaiser ses nerfs, et il sentit effectivement une partie de la tension le quitter dès qu’il tira une première bouffée de la cigarette qu’il s’était hâté d’allumer. Il posa le paquet sur la table devant eux, et sembla se sentir obligé de justifier pourquoi il n’en avait pas d’abord proposé une à Flora. « Je sais que tu ne fumes pas, mais si jamais t’as besoin de te remettre de tes émotions comme moi, n’hésite pas », suggéra-t-il avec une légèreté toute feinte en soufflant un nuage de fumée au loin. Une brise vint leur caresser la peau, et celle d’Eli se couvrit de chair de poule sur toute sa surface, arrachant un frisson à l’héritier. Quelques instants durant, le vent marin de Brisbane fut le seul à briser le silence entre eux, avant qu’Eli ne se résolve finalement à reprendre la parole, avec une vulnérabilité plus facilement décelable qu’à l’accoutumée. « Ton ami… Oliver – il a pas tort, tu sais. C’est vrai que je ne te connais pas, finalement. Parfois, j’ai l’impression de te connaître depuis toujours… mais dans le fond, je ne sais rien, et ça me perturbe beaucoup qu’on soit passés à deux doigts de la catastrophe à cause de mon ignorance. » Il tira à nouveau sur sa cigarette, son regard fuyant résolument celui de Flora alors qu’il parlait, papillonnant entre l’étendue d’eau, les guirlandes lumineuses, les volutes de fumée qui s’échappaient de sa cigarette, sans jamais passer par le visage de la jeune femme. Il ne savait trop pour quelle raison il se confiait à elle. Il n’avait pas le souvenir de déjà l’avoi fait, si l’on exemptait l’honnêteté avec laquelle il s’était livré au sujet de sa passion pour l’architecture, mais les deux types de confessions n’étaient en rien comparables. Eli avait horreur de se montrer sous un jour qui trahissait ses faiblesses et ses insécurités, abhorrait l’idée de ne pas contrôler l’image qu’il reflétait auprès des autres. S’il n’avait jamais manqué d’authenticité à l’égard de Flora, il s’était cependant toujours efforcé de ne lui laisser apercevoir que ses côtés les plus avantageux, et d’enfouir le reste aussi loin que possible. Il ne comprenait pas pourquoi, tout à coup, il lui confiait le sentiment d’insécurité et la remise en question qu’avait suscités la remarque d’Oliver. Il n’avait absolument pas envie qu’elle le voie sous ce jour – pourtant, à ce moment-là, cela avait semblé être la chose à faire. Eli reporta finalement son regard sur Flora, souriant en retrouvant ses prunelles aux teintes désormais familières. « Il a l’air de tenir à toi, en tout cas », souffla le Walker, à nouveau sans savoir pourquoi il abordait le sujet. L’idée que Flora partage sa vie avec cet Oliver ne l’enchantait pas, pour des raisons qu’il n’était certainement pas prêt à envisager. Eli ne cherchait d’ailleurs pas particulièrement à savoir quelle était la nature de leur relation, bien que ce point d’ombre eût titillé sa curiosité dès que Flora eut fait les présentations un peu plus tôt dans la soirée. Dans tous les cas, Eli n’était pas sûr d’apprécier ce que dégageait l’homme en question – il aurait pu faire une plaisanterie à ce sujet, témoigner ses réserves à Flora, mais, assez naturellement, n’en fit rien. Si jamais Oliver comptait à ses yeux autant qu’elle semblait compter aux siens, Eli ne voulait pas être celui qui viendrait faire le trouble-fête à grands renforts de cynisme. Il s’était ainsi efforcé de conserver un ton aussi neutre que possible, en s’abstenant de tout commentaire, et en se contentant, comme à son habitude, de ponctuer ses propos par une nouvelle gorgée de sex on the beach – un breuvage qui n’était certainement pas étranger à ses épanchements de ces dernières minutes.

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million dollar boat party

Elle a conscience qu'Elijah a été particulièrement réactif, et que les bras de l'héritier l'ont entourée suffisamment tôt pour éviter à la situation de dégénérer d'une manière irréparable. Elle le sait, et pourtant, Flora a eu l'impression que ces minutes ont été les plus longues de sa vie. Même maintenant que le vent s'écrase contre ses traits et que l'air filtre à travers ses poumons, la brune sent encore le poids de l'eau sur sa personne - elle sent la brûlure du sel, entend ses cris étouffés et l'écho lointain de son coeur affolé à ses oreilles. La sensation ne disparaît pas, et ce peu importe qu'elle se sente en sécurité dans ses bras - elle se serait noyée s'il n'était pas venu la chercher, et la pensée suffit à la terrifier. Elle s'agrippe à lui sans crier gare, nouant ses bras autour de son cou, y cachant son visage pour étouffer quelques sanglots maquillés par sa toux et sa respiration irrégulière, et se refuse à le lâcher. La vie n'a pas été tendre avec elle, et pourtant Flora ne se souvient que d'une fois où elle a eu aussi peur, pas qu'elle tienne à y repenser maintenant. « Non, c’est moi qui suis désolé » Elle renifle sans trouver ses yeux, secouant la tête davantage pour éclaircir ses pensées que pour contester les propos du brun, et ajuste mollement sa prise contre lui alors qu'il se met en mouvement pour les ramener au bateau. « Bien sûr… ne bouge pas, on y est dans trente secondes » et pour ne pas bouger, elle n'esquisse pas le moindre mouvement. Ses yeux s'ouvrent quelques secondes, s'égarant sur l'immensité à l'horizon puis s'abaissant sur le dos de l'héritier, et elle préfère finalement les refermer pour focaliser son attention sur leur proximité qu'elle jugerait tout à fait plaisante dans d'autres circonstances. et elle réalise, alors qu'elle se laisse bercer par l'eau qui se fend pour les laisser progresser, que ses doigts sont enfoncés dans la chair de l'héritier et que les moindres parcelles de son corps sont tout contre les siennes - toutefois, sa prise n'est pas suffisamment pressante pour marquer sa peau. Elle est capable de sentir, sans les toucher, la façon dont les muscles de ses jambes se contractent pour les faire avancer, et Flora réalise que ces derniers sont d'une tranquillité affolante - il est, d'une manière ahurissante, d'un calme olympien. « On s’en fout de ma tenue – moi, je suis désolé pour la tentative de meurtre » Il échappe un bref rire et elle esquisse un sourire timide avant de sentir d'une manière si douce qu'elle pense l'imaginer sa main tracer de petits cercles apaisants dans son dos. « On est arrivés. Fin du cauchemar, ma Flora » Sa voix et la prudence avec laquelle il s'adresse à elle la fait papillonner un instant, et si elle n'est pas en mesure de le reconnaître Elijah a toutefois un pouvoir d'apaisement sur sa personne qui n'est d'ordinaire réservé qu'à sa meilleure amie et son jumeau. Ils avaient frôlé la catastrophe, et il n'avait fallu que quelques murmures à l'héritier pour la faire s'autoriser à trouver du réconfort dans ses bras. Sa Flora, elle l'était devenue bien plus qu'elle ne s'en rendait compte. L'instant suivant, elle est prudemment hissée sur le pont et y reste plusieurs secondes, reprenant ses esprits en enroulant la serviette tendue autour de ses épaules, se plongeant dans le silence tandis que la chaleur réconfortante de son corps près du sien n'est plus là pour l'aider.

La suite est particulièrement étrange et inconfortable. Oliver surgit et vocifère contre un Elijah silencieux, et Flora est contrainte de se lever pour mettre un terme à leur échange et ainsi dissoudre l'assemblée formée par quelques invités curieux. Elle s'éloigne dans un sourire de façade et retourne là où ils étaient si paisiblement installés avant le drame, espérant ne pas y rester seule trop longtemps, ses sombres souvenirs menaçant de l'envelopper alors qu'elle est toujours légèrement secouée de tremblements. Blottie dans la serviette offerte un peu plus tôt, elle reprend place sur les cousins, et le temps pour elle de sécher ses jambes puis ses cheveux, Elijah ne tarde heureusement pas à la rejoindre - aussi timide que soit sa démarche. « Je peux m’asseoir ? » Elle acquiesce en redressant les yeux vers lui, reposant distraitement sa serviette sur ses jambes, se sentant déjà suffisamment mise à nue. et, sans lui laisser le temps de prendre la parole, Flora s'excuse - avec sa maladresse habituelle, en laissant ses mots se bousculer, fuyant son regard et ne le trouvant que lorsque la réaction du brun l'interpelle. « Mais enfin, pourquoi tu t’excuses ? Absolument pas, c’était une idée de merde, et j’aurais jamais dû faire ça. Je sais pas où me mettre tellement j’ai honte de moi » À son tour, son expression de visage s'affaisse et elle a du mal à soutenir l'air embarrassé d'Eli. Elle n'est pas désolée de ne pas savoir nager, même si elle comprend avec un délai que c'est la façon dont sont perçus ses propos, mais est désolée de la façon dont il l'a appris. Elle l'a mis dans un embarras qu'il ne pouvait soupçonner initié, et c'est de ça dont elle est désolée. « Je t’ai mise en danger, et je m’en veux énormément. C’était pas le but, clairement. Je suis désolé, Flora » Elle secoue la tête en serrant nerveusement un morceau de la serviette toujours sur ses jambes, plongeant courageusement son regard dans le sien qui peine visiblement à garder le cap - détail qui la trouble, compte tenu de l'aisance qu'il a à la sonder en permanence. « Tu ne pouvais pas savoir, et je vais bien. Je sais que tu ne m'aurais jamais fais de mal. » ajoute-t-elle pour le rassurer, jugeant nécessaire d'apaiser les doutes de celui à qui la culpabilité ne va pas. et, d'une manière tout à fait idiote, elle s'en veut de le voir ainsi et se juge toute aussi responsable que lui. Elle aurait dû lui dire, elle aurait dû les empêcher d'en arriver là, et une simple phrase aurait suffit pour les préserver. Il tend ensuite le bras vers elle, s'inquiétant quant à sa condition, ce face à quoi elle secoue la tête par la négative et se contente du suivre du regard la traînée d'eau provoquée par son vêtement dégoulinant. Lui en revanche risque de prendre froid s'il ne se change pas, et Flora craint de le penser à voix haute alors qu'il se relève pour se débarrasser de ses vêtements afin de les essorer. et, en écho à une scène à laquelle elle s'est donnée un peu plus tôt, Elijah entreprend de retirer épaisseur après épaisseur ses vêtements. et peu importe que cela ne soit pas la première fois qu'il se déshabille devant elle, Flora est brusquement silencieuse en le regardant abandonner son haut puis son pantalon sous les lumières chaudes et tamisées du navire. Sa peau est plus hâlée qu'elle ne la lui a connu sous les lumières blanches de Weatherton, et les différents jeux de lumières mettent en valeur les moindres reliefs de son corps - dont il ne manque pas. À le regarder avec une telle négligence s'affairer, Flora peine à le considérer réel - les ombres de ses abdominaux, celles de ses muscles et de son corps en son entièreté semblent avoir été dessinées à l'aide d'un pinceau, et elle reste muette en laissant son attention s'égarer sur la façon dont il est fait. Il essore distraitement sa tenue et elle déglutit un brin nerveusement en se forçant à détourner les yeux, ne les reportant dans sa direction que lorsqu'il revient vers elle - et Flora ne remarque que plus tard les motifs de son short de bain, se mettant à sourire un brin nerveusement avant de se reporter sur son visage et de reprendre une certaine contenance. « Très joli short waterproof. » remarque-t-elle à voix basse, d'un ton complice et doux.

Il reprend place à ses côtés, et le contre coup semble s'abattre sur eux au même moment. Elijah les sert en boisson, puis tend la main pour sortir un paquet de cigarettes de sa veste abandonnée un peu plus tôt, tandis que Flora suit ses mouvements du regard sans esquisser le moindre geste. Elle a bu une gorgée de cocktail mais n'en a plus le goût, et adopte une posture assez vulnérable en laissant ses yeux fatigués onduler sur les doigts du brun. Elle est épuisée et rêverait de se blottir dans son lit, même si elle se refuse à quitter la soirée - encore moins maintenant. Son regard erre un instant, puis la brune récupère sa robe délaissée sur les cousins, l'enfilant et la renouant grossièrement même si cette dernière perd de sa volupté en s'étant froissée. Mais ce n'est pas pour se mettre en valeur qu'elle l'enfile à nouveau, simplement afin de couper la brise qui la fait frissonner, et puisqu'Elijah l'a déjà vu sous bien des apparences cela lui est égal - et en faisant ce constat, elle remarque que les moindres de ses efforts sont toujours réduits à néant lorsqu'il s'agit de retrouver le Walker. Finalement, Flora reporte son regard sur lui, et réalise après coup que malgré les apparences, les rôles semblent s'inverser ce soir. Depuis son rendez-vous dans la maison de Haute Couture jusqu'au dîner partagé chez lui, Elijah l'avait habituée à son regard pétillant, son assurance à toute épreuve et ses sourires indéfectibles. Mais alors qu'il tire sur sa cigarette sans la regarder, quelque chose manque à son apparence, et la brune se surprend à le trouver étrangement authentique - il ne perd pas une once de son charme, bien au contraire, et ce peu importe que ses épaules s'affaissent et ses cheveux sèchent sans aucune discipline. Il n'a pas besoin du moindre artifice, et elle le préfère même ainsi - sans artifice, pas triste. « Je sais que tu ne fumes pas, mais si jamais t’as besoin de te remettre de tes émotions comme moi, n’hésite pas » Elle accorde un regard vers le paquet mais secoue la tête, ses poumons la brûlant bien assez, ne le redressant que pour noter les frissons apparus sur les bras et le torse de celui dont les pensées semblent bruyantes. « Non, merci. » souffle-t-elle sans être certaine de se faire entendre, se levant en silence tout en ramassant la veste entre eux pour venir la poser sur les épaules du brun. Flora se glisse dans son dos et le couvre sans un mot, attardant une seconde ses doigts sur ses épaules qu'elle presse d'une manière réconfortante, avant de venir se rasseoir à ses côtés - plus proche qu'elle ne l'était avant sa prise d'initiative. Elle ne refuserait pas une étreinte en revanche, préférable à une cigarette, mais garde le silence. « Ton ami… Oliver » Il prend la parole et elle baisse brièvement les yeux, les reportant sur ses doigts qu'elle triture alors que ses mains ont trouvé refuge sur ses cuisses. « – il a pas tort, tu sais. C’est vrai que je ne te connais pas, finalement. Parfois, j’ai l’impression de te connaître depuis toujours… mais dans le fond, je ne sais rien, et ça me perturbe beaucoup qu’on soit passés à deux doigts de la catastrophe à cause de mon ignorance. » Ses yeux cherchent les siens, et elle se mord l'intérieur de la lèvre. « Elijah... » murmure-t-elle, peut-être un brin implorante, sans qu'il ne retrouve son contact pour autant - il le fuit, résolument, et une seconde durant la brune sent l'émotion lui nouer la gorge. Elle est fatiguée, a subi bien assez d'émotions pour la soirée, et entendre Elijah se confier ainsi à elle la rend plus triste qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle ne voulait pas le faire se sentir ainsi, encore moins le soir de son anniversaire alors qu'il semblait passer un si bon moment en compagnie de ceux qu'il aime. « Ce n'est pas mon ami. Je le connais à peine. » avoue-t-elle à voix basse, ses doigts continuant de se torturer distraitement les uns sur les autres, son regard s'y reportant. Il regrette ne pas la connaître davantage, aurait aimé s'épargner ce scénario en ayant en sa connaissance une information supplémentaire à son sujet, et Flora aurait pu la lui confier si elle en avait eu le cran. « Il a l’air de tenir à toi, en tout cas » - « Ce n'est pas le cas. » l'interrompt-elle, le regard flottant, alors qu'elle expire lentement par le nez. Sa tête s'affaisse sur son épaule, et elle reporte son regard sur ses mains. « Je l'ai rencontré au boulot - je suis serveuse dans un café en plus de petite souris chez Weatherton. » commence-t-elle d'un ton plat et sans fierté aucune. Flora, elle n'aime pas parler d'elle parce qu'elle ne se considère pas assez intéressante pour le faire, et préfère amplement écouter les autres. Elle n'a aucune fierté à dire à Elijah qu'elle cumule les boulots, ni qu'elle n'a pas assez de proches pour se faire accompagner par l'un d'eux à une soirée. « Ma meilleure amie n'était pas dispo ce soir, et je ne voulais pas demander à mes frères. Je ne voulais pas venir seule non plus, mais je voulais venir. » explique-t-elle sans retrouver ses yeux. « Je ne veux pas que tu crois que tout le monde sait tout ce qu'il y a à savoir à mon sujet sauf toi - surtout pas. Très peu savent que je coule si on me jette à l'eau. » ajoute-t-elle sur une touche qu'elle espère un peu plus légère. Elle décolle un peu sa tête de son épaule pour le regarder, lui accorde un sourire puis l'y repose en marquant une pause. « En réalité, c'est à peu près tout ce qu'il y a à savoir à mon sujet. Je ne sais pas nager, j'ai peur du noir et je limite autant que possible mes déplacements en voiture. » continue-t-elle de préciser sans aller plus loin pour autant. Elle hausse les épaules, et frisonne un peu avant de bailler contre lui. « Je ne te le dis pas parce que je m'y sens obligée - mais je préfère que tu le saches, au cas où. » termine-t-elle sans le regarder, bien incapable d'affronter ses yeux azur après ses confessions. Maintenant, il en sait bien plus que l'écrasante majorité. « Si tu veux retourner à ta soirée, tu peux - vraiment, je comprends. » précise-t-elle sans retirer sa tête de son épaule pour autant.

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Après cette succession d'instants aux connotations dramatiques, Flora retrouva une amorce de leur complicité en mentionnant le maillot pour le moins excentrique d'Eli, dont le visage se fendit d'un sourire surpris et sincère. « Il est beau, hein ? Tu n'aurais pas pu me faire de plus grand compliment ! », renchérit-il joyeusement. Ainsi débuta le retour à la normalité entre les deux protagonistes, bien qu'Eli ne fût pas remis de ses émotions. La scène qui venait de se dérouler dans l'eau, mais aussi celle qui l'avaient suivie dès leur retour sur la terre ferme n'avaient pas manqué de le secouer, et si, progressivement, la tension s'estompait sous l'effet conjoint des minutes qui s'égrénaient, de l'éloignement des témoins un peu trop intrusifs et de la compagnie apaisante de Flora, Eli ne pouvait toutefois pas prétendre être passé à autre chose. Son cœur continuait de tambouriner dans sa poitrine et ses doigts tremblaient encore finement. Quelques bouffées sur sa cigarette plus tard, son corps sembla se détendre quelque peu, mais son esprit demeurait torturé par toutes les interrogations perturbantes que les derniers rebondissements étaient venus remuer. Eli n'avait pas l'habitude d'être accaparé par ces pensées inconfortables, lui qui d'ordinaire agissait et réagissait essentiellement à l'instinct et ne laissait que peu de place aux ruminations dans son fonctionnement. Il ignorait quoi faire de ces interférences envahissantes et des émotions insidieuses que celles-ci faisaient émerger dans ses entrailles. L'homme habitué au contrôle à tout prix et qui abhorrait l'imprévu se sentait étrangement perdu et déstabilisé, à tel point que son regard azur divaguait autour de lui sans voir ce qui s'y trouvait, tout comme ses oreilles n'entendirent pas le refus poli de Flora, à qui il ne se souvient même plus avoir proposé une cigarette. Il remarqua à peine qu'elle s'était levée et ne revint à lui que lorsqu'il sentit le tissu sec et chaud de sa veste lui envelopper les épaules, comme si seul le contact physique était doté de la capacité à l'ancrer dans la réalité. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il réalisa que la brise estivale contre sa peau nue était plus fraîche qu'il ne l'aurait cru – à vrai dire, il n'avait pas été en état de croire quoi que ce soit au sujet de la température ambiante. Le frisson qui le parcourut lorsque Flora pressa légèrement ses épaules, lui, n'avait en revanche pas grand-chose à voir avec la fraîcheur environnante. Il releva les prunelles vers elle et lui adressa un sourire reconnaissant, envahi d'un sentiment étrange de réconfort lorsqu'elle se rassit à ses côtés. Peut-être cette sensation fut-elle la raison pour laquelle il se laissa aller aux confidences, renonçant aux apparences qu'il peinait de toute façon à conserver depuis l'incident.

Eli ignorait à quoi il s'était attendu en confiant à Flora les doutes et les remords qui bouillonnaient en lui, si ce n'est qu'il avait cru que cela lui permettrait de se décharger du tourbillon de pensées qui l'assaillaient sans relâche, le confrontant à des vérités qu'il était pénible d'envisager mais impossible d'ignorer, même avec toute la mauvaise volonté du monde. Si la douceur de la réaction de Flora ne le surprit en rien –après tout, Flora était sans doute la personne la plus douce qu’il connaissait–, sa réaction ne manqua toutefois pas de le prendre au dépourvu. S’attendant à ce que, après avoir prononcé son nom de cette voix à peine audible à la délicatesse déroutante, elle lui dise avec sa gentillesse caractéristique de ne pas s’en faire, que ce n’était pas si grave, qu’elle lui pardonnait sa bévue ou n’importe quelle autre banalité destinée à lui donner bonne conscience, il fut pris de court lorsqu’elle lui dépeignit un tableau qui fit voler en éclats l’image mentale qu’il venait de se construire en suivant ses ruminations. Mais il fut d’autant plus secoué par le geste, en apparence anodin, qu’elle effectua par la suite. Eli se raidit presque imperceptiblement en sentant le contact de la tête de Flora contre son épaule, et son cœur s’emballa de plus belle tandis que son estomac fut remué d’une sensation perturbante mais loin d’être désagréable. Il pouvait sentir le souffle chaud, lent et régulier de la styliste aux doigts de fée s’écraser contre sa peau, et peina temporairement à en détacher ses pensées. Celles-ci ne tardèrent toutefois pas à se focaliser sur les paroles de Flora, qui s’était manifestement autorisée à se les rapprocher tant physiquement que psychologiquement en lui dévoilant la réalité, d’une voix presque plate tant elle semblait vouloir la garder neutre, mais dont Eli perçut sans peine la charge émotionnelle que la jeune femme s’efforçait de garder sous contrôle. Il n’avait pas besoin d’entendre ces émotions pour les percevoir, car le caractère intime de ses propos ne pouvait tout simplement pas s’accompagner d’indifférence. L’architecte garda le silence et écouta religieusement le récit de Flora, laissant traîner son regard sur les mouvements de ses mains qui trahissaient son embarras. Son coeur manqua un battement avant de reprendre avec frénésie lorsqu’il comprit qu’elle s’était embarrassée de quelqu’un dont elle ne voulait pas vraiment simplement pour ne pas rater son anniversaire – la plupart des personnes auraient, à juste titre, passé leur tour plutôt que de se démener pour trouver un accompagnement à une soirée où venir seule eût paru trop intimidant. Eli était profondément touché par ce que lui expliquait Flora, conscient des efforts qu’elle avait fournis pour s’assurer de ne pas rater sa soirée, alors qu’il n’avait même pas supposé qu’elle honorerait l’invitation. Et son émotion ne fit que l’envahir davantage lorsqu’elle lui confia ses secrets, dont la révélation ne devait certainement pas lui être facile. Il fut abasourdi par cet aveu de confiance qu’elle lui faisait, alors qu’il venait de s’apitoyer sur la nature qu’il avait supposée superficielle de leur relation. Elle ne cessait de le surprendre, et chaque nouvelle facette qu’elle lui dévoilait faisait gonfler davantage l’affection qu’elle suscitait dans son cœur. Un peu gauchement, il resta planté là, incertain de ce qu’il était censé faire tant de son corps que de ses mots, et se réfugia derrière sa résolution de la laisser terminer avant d’intervenir sans savoir par où il commencerait, tant les révélations avaient été nombreuses et rapides à se succéder. Mais l’usage de la parole lui revint instantanément lorsque, pour la deuxième fois de la soirée, elle lui donna explicitement l’occasion de la congédier afin de retourner auprès des autres convives de la soirée. La vague de malaise et d’embarras qui l’avait cloué à la façon d’une chape de plomb depuis leur retour sur ces coussins sembla s’envoler lorsqu’il déploya naturellement son bras pour en entourer les épaules de Flora, et il la serra brièvement contre lui en tournant la tête vers elle. « C’est ici que je veux être. Les autres attendront », répondit-il simplement, d’un ton sans réplique où perçait à nouveau son habituelle malice. « Merci d’avoir fait tout ça pour ne pas rater ma soirée. Me faire engueuler par Oliver était un faible prix à payer pour le plaisir de t’avoir ici ce soir. » En apparence, la déclaration aurait pu passer pour une plaisanterie, et la légèreté dans sa voix le suggérait d’ailleurs – mais le regard qu’il lui lança et le sourire qu’il lui adressa se chargèrent de l’assurer de sa sincérité. Il s’assura d’intercepter les yeux de Flora avant de poursuivre, reprenant dans le désordre les points que cette dernière avait évoqués mais qu’il n’avait osé relever avant qu’elle n’ait fini de parler. « J’ai conscience que ça n’a pas dû être facile pour toi, de me raconter tout ça. Je voulais juste que tu saches que ça ne me laisse pas indifférent, que tu aies accepté de me confier ça. » Eli avait déjà eu tendance à se confondre en remerciements auprès de Flora, notamment ce fameux jour où elle lui avait parlé de son enfance, et il tenta cette fois-ci d’éviter l’aspect cérémonieux, se doutant que Flora n’était probablement pas désireuse qu’il fasse tout un foin des confessions qu’elle venait difficilement de lui faire – pour autant, souligner sa gratitude et la valeur qu’il accordait à ses propos lui parut tout aussi crucial, et il avait tenu à le faire.

Machinalement, comme ils avaient déjà eu l’occasion de le faire la dernière fois qu’elle s’était laissée aller à reposer sa tête contre son épaule, à l’arrière de ce taxi qu’ils avaient partagé de manière improvisée, les doigts d’Eli trouvèrent l’extrémité des mèches humides de Flora et entreprirent de les triturer doucement. L’héritier fit serpenter les cheveux entre ses doigts, trouvant un apaisement dans le contact satiné contre sa peau. Sa voix se fit particulièrement douce, tout en ayant retrouvé son assurance habituelle. « Mais, pour ta gouverne, sache que je ne suis pas d’accord avec toi – il y a bien plus à découvrir à ton sujet que ce que tu viens de m’expliquer. À chaque fois qu’on discute, tu m’offres une tonne de rebondissements – même sans manquer de te noyer », plaisanta-t-il, sa main quittant brièvement ses cheveux pour la serrer à nouveau légèrement contre lui dans un élan de complicité, avant de retrouver sa place au sein des mèches châtain de la jeune femme. « Quant à ton petit problème de poids mort dans l’eau, si tu veux, on pourrait s’y atteler pendant notre virée en voilier » , suggéra-t-il avec un sourire mutin, réitérant ainsi l’invitation qui s’était faufilée spontanément à travers ses lèvres un peu plus tôt, et se surprenant à espérer qu’elle intéresse toujours Flora en dépit des retournements de situation qui étaient survenus entretemps. Eli s’était laissé aller à une familiarité et une proximité surprenantes, laissant complaisamment se brouiller les limites qu’il s’était forcé à tracer au sujet de Flora. La spontanéité reprenait impitoyablement ses droits, primant sur les conventions qu’il savait être censé respecter. Tandis qu’il profitait du contact du corps de Flora contre le sien, Eli crut, brièvement, entendre les paroles de Channing résonner dans ses oreilles. Elle est une employée, et toi, le gars qui la paye. Tu ne devrais pas tenter quoi que ce soit avec elle – évidemment qu’elle se sentirait obligée d’acquiescer, si elle tient à son boulot. Ne sois pas ce genre de mec. À l’époque, Eli avait balayé ces propos d’un revers de la main, assurant à son frère que ce n’était absolument pas de cela qu’il s’agissait, avant de prendre conscience qu’il n’en avait en réalité aucune idée, et de décider, dans le doute, de suivre ses conseils somme toute peu réjouissants. Et cela n’avait finalement pas été pas plus compliqué que ça : sans prendre de réelles distances, car ils n’étaient finalement pas plus proches que des connaissances entre lesquelles le courant passait bien, il avait repris la position qu’il était censé adopter, plutôt que celle qu’il aurait aimé incarner. Il avait savamment réprimé l’attirance physique et psychique qu’elle avait suscitée chez lui dès leur première rencontre, et s’était réjoui de voir que leur dynamique fonctionnait tout aussi bien sur un mode amical, qui n’avait rien perdu de sa complicité. Il s’était ainsi convaincu que ce changement avait été pour le mieux, qu’il s’en contentait volontiers, et qu’il avait pris la bonne décision en suivant les conseils de Channing. Pourtant, maintenant qu’il la tenait contre lui, il ne pouvait ignorer les fourmillements qui traversaient chacun de ses membres, tout comme il était parfaitement conscient de l’effet qu’elle lui avait fait lorsqu’elle s’était débarrassée de sa robe devant lui. Il était incapable de prétendre que cette attirance n’existait pas, et même si rien ne lui indiquait que celle-ci fût réciproquée par Flora, force lui était d’admettre qu’il ne pouvait se départir de l’impression que l’alchimie entre eux était réelle, et non dictée par les impératifs hiérarchiques comme l’avait fortement sugggéré Chan.


Eli se secoua mentalement en constatant qu’il s’était à nouveau mis à ruminer, et décida que le sujet de ses préoccupations était bien trop inconfortable pour s’y attarder. Fort du déni auquel il était chroniquement abonné, il mit sur le compte de l’alcool ces pensées perturbantes qui étaient habituellement efficacement réprimées au profit de son sens du devoir, et il opta pour la méthode la plus efficace face à ce genre de situation inconfortable : une distraction, tout de suite. Les doigts d’Eli interrompirent leurs mouvements répétitifs dans les cheveux de Flora, annonçant la prise de parole qui suivit. « J’ai envie de danser. Avec toi. Qu’est-ce que tu en penses ? », lâcha-t-il sans avoir eu le temps de réfléchir. S’il avait pensé que cette distraction-là allait lui permettre de tuer dans l'œuf les pensées ambivalentes qu’il nourrissait à son égard, il se fourvoyait sans aucun doute. Mais Eli, grande autruche qu’il était, coupa court à ces considérations en statuant que c’était le soir de son anniversaire, et que ce soir plus qu’un autre, il avait le droit de faire exactement ce dont il avait envie. Les conséquences et les questionnements, ou leur refoulement pathologique, pouvaient bien attendre demain.

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« Il est beau, hein ? Tu n'aurais pas pu me faire de plus grand compliment ! » Oh, en réalité, Flora pensait à quelques compliments plus grands que celui fait à son short - mais elle le laisserait croire qu'il avait raison, si cela lui faisait plaisir. Sa malice habituelle semble refaire peu à peu surface, et la brune lui accorde tout le temps nécessaire afin d'en reprendre pleinement possession - elle aussi en a besoin, même si elle occulte courageusement les sensations et images désagréables qui la secouent encore malgré son sourire. Lentement, comme si elle ne tenait pas à le faire sortir de ses pensées, elle récupère sa veste et la lui pose sur les épaules dans une pression réconfortante avant de se rasseoir à ses côtés. Sa tête trouve refuge sur son épaule, et elle prend quelques minutes avant de s'hydrater les lèvres pour prévenir sa prise de parole. Elle veut, sans trop comprendre pourquoi, s'ouvrir davantage à lui et préciser des détails de sa vie qui ne franchissent qu'à de rares occasions la barrière de ses lèvres, dans un souci sincère de ne pas le remettre malencontreusement dans une situation similaire. Flora, elle ne sait pas dans quelle mesure ils sont proches l'un de l'autre - c'est à dire qu'elle ignore s'ils se reverront fréquemment ou si, naturellement, Elijah cesserait peu à peu les contacts dès lors qu'elle lui fournirait sa tenue et que leur collaboration prendrait fin. Sa seule certitude était de vouloir en savoir plus à son sujet, et elle se lançait parfois pour creuser sous sa surface - puis se défilait, soudainement nerveuse, et ne se jugeait pas à même de le faire. L'héritier l'intriguait et la couvrait de bienveillance, mais Flora le respectait énormément et peinait à transgresser les barrières troubles qui s'étaient érigées entre eux dès le premier jour de leur rencontre. Elle essayait, parfois, puis Elijah la regardait comme si elle était la chose la plus précieuse sur laquelle il ait posé les yeux, et elle devait se faire violence pour garder les idées claires et s'épargner de trop douloureuses désillusions. Il était patient, charismatique et savait terriblement bien s'y prendre pour faire se sentir écouter son interlocuteur - et elle, elle était particulièrement réceptive à son attention, papillonnait facilement sous ses éclats de rire et ses sourires, et était sûrement terriblement facile à concentrer. Elle était peut-être trop douce pour un homme aussi malin qu'Elijah - et cela la terrifiait, autant que cela lui plaisait. Son regard fixé sur ses mains, elle termine son monologue dans un sourire timide, trouvant brièvement ses yeux avant de se reporter devant elle, puis de sourire lorsqu'il enveloppe son bras autour de ses épaules. Elle se laisse aller d'une manière légère dans le contact, flottant contre lui une seconde, gardant son regard fixé vers l'avant de façon à préserver le rouge qu'il ferait inévitablement monter à ses joues si elle le reportait sur lui. « C’est ici que je veux être. Les autres attendront » Elle ne retrouve pas ses yeux mais se contente de ses jambes, lui signifiant qu'elle l'a bien entendu et l'écoute, mais est incapable de soutenir l'azur de ses prunelles - elle aime entendre qu'il ne se sent pas prisonnier de ses histoires, et qu'au-delà de l'écouter par politesse Elijah prend plaisir à lui accorder de son temps. Ses épaules se détendent un peu, et elle accueille ses mots sans en prononcer un, se contentant de les recevoir en plein coeur. « Merci d’avoir fait tout ça pour ne pas rater ma soirée. Me faire engueuler par Oliver était un faible prix à payer pour le plaisir de t’avoir ici ce soir. » Il est plus léger et elle attrape distraitement sa lèvre inférieure entre ses dents, relevant le regard vers l'héritier d'un air aussi désolé qu'il est coupable - mais sans perdre en amusement face à la remarque. « Quant à moi, je n'irais peut-être pas jusqu'à dire que manquer de me noyer était un faible prix à payer, mais je suis heureuse d'être là. » avoue-t-elle sur le même air complice, flanchant sous le pétillement de l'aîné et se laissant à nouveau aller contre son épaule, y trouvant tout le réconfort dont elle peut avoir besoin. Il lui donne l'impression d'aller un peu mieux, et elle s'autorise à se détendre légèrement en se laissant aller à l'odeur ténue de son parfum mélangée à celle de l'océan. « J’ai conscience que ça n’a pas dû être facile pour toi, de me raconter tout ça. Je voulais juste que tu saches que ça ne me laisse pas indifférent, que tu aies accepté de me confier ça. » en réalité, Eli ne dit pas tout à fait vrai. Ce n'est pas difficile pour elle de s'ouvrir à lui, même s'il n'a pas tord quant au sentiment étrange qu'elle ressent en le faisant. Elle devrait être bien plus timide, mal à l'aise de lui confier de tels secrets, mais Flora se sent assez en confiance en sa présence pour ne pas éprouver de gêne quelconque - si ce n'est celle d'après coup, lorsqu'elle réalise avoir avoué à un homme qu'elle ne connaît que depuis quelques mois ce qui fait d'elle la personne qu'elle est devenue. Mais ce sentiment ne dure jamais.

Elle souffle doucement d'aise, d'une manière quasi imperceptible, expirant par le nez lorsqu'elle sent les doigts du brun gagner délicatement les mèches en cascade dans son dos. et, d'une manière tout à fait particulière, Flora réalise que ce n'est pas la première fois que l'architecte se prête à cet exercice - il avait déjà joué dans ses cheveux, lorsqu'elle s'était assoupie sur son épaule dans le taxi pour la ramener chez elle. et jusque maintenant, elle n'avait jamais repensé à ce trajet jusqu'à Fortitude - mais maintenant que la sensation est familière, le souvenir de son bref sommeil confortable lui revient, et elle doit se faire violence pour ne pas sourire bêtement à la pensée. Ses caresses sont douces, et elle se surprend à les percevoir ainsi - avant de sentir son contact pour la première fois, Flora s'était imaginée un toucher plus froid et moins délicat. Mais cela avait été naïf, surtout compte tenu de la profession du Walker qui avait au même titre qu'elle des doigts d'artiste taillés pour la précision. Des mains habituées à la finesse, dont la chaleur laissait un chemin fantôme sur leur passage. « Mais, pour ta gouverne, sache que je ne suis pas d’accord avec toi – il y a bien plus à découvrir à ton sujet que ce que tu viens de m’expliquer. À chaque fois qu’on discute, tu m’offres une tonne de rebondissements – même sans manquer de te noyer » Ses lèvres se plissent en une moue, et la brune peine bien plus qu'elle ne l'aurait cru à l'écouter. La majorité de ses sens se sont centrés sur la distraction de son dos, et elle est sans doute trop fatiguée pour pouvoir gérer précisément ce sur quoi elle focalise son attention - mais Elijah lui vient en aide en la faisant bouger doucement, la serrant à nouveau de cette façon qui la fait sourire peu importe la banalité du geste. « Mh, surtout quand je manque de me noyer. » murmure-t-elle à voix basse. « Quant à ton petit problème de poids mort dans l’eau, si tu veux, on pourrait s’y atteler pendant notre virée en voilier » À cela, son regard retrouve le sien - et il est doux, voilé par une légère fatigue mais sans rien perdre de son pétillement face à la proposition qui lui plaît bien plus qu'elle ne lui avoue à voix haute. Un voilier a incontestablement bien plus de charme qu'un yacht - même si elle n'irait certainement pas jusqu'à critiquer celui sur lequel ils se trouvent. Mais les voiles et leur mécanique ont un attrait incomparable, et elle est particulièrement tentée de passer du temps sur un navire de ce type en sa compagnie. « Tu veux essayer de m'apprendre ? » demande-t-elle avec une légère surprise, acquiesçant en le regardant. « Si ta proposition tient toujours, j'en suis. » confirme-t-elle en masquant aussi courageusement que possible la certaine impatience et curiosité qui se bousculent dans son esprit. Elle aimerait beaucoup le retrouver sans s'encombrer d'un invité indésirable, et sans avoir l'impression de l'arracher à une fête et des invités qui n'attendent que lui. Elle aimerait vraiment.

Ils restent encore un moment dans cette position, Flora s'efforçant de ne pas papillonner sous les caresses qui pourraient la faire s'endormir, consciente que ce n'est pas encore le moment même si Elijah serait probablement incapable de lui en vouloir - elle, elle s'en voudrait. et comme s'il avait entendu ses pensées, le grand brun s'interrompt dans ses gestes et elle tend l'oreille, consciente de ce que cela annonce et qu'elle risque de devoir se séparer d'un moment à l'autre de l'odeur de sa veste et de sa chaleur si apaisante. « J’ai envie de danser. Avec toi. Qu’est-ce que tu en penses ? » Elle ne réagit pas immédiatement, et se contente de se reculer après une petite pause, se redressant juste assez pour le regarder. Un air léger sur les traits, elle se passe une main dans les cheveux puis hausse les épaules dans une petite moue. « Je danse moins bien que je dessine - mais mieux que je nage. » atteste-t-elle avant d'échapper un rire, ses yeux noisette dansant dans les siens. « Je te suis. » souffle-t-elle en lui tendant la main, prête à se relever et s'exécutant la seconde suivante. Elle se redonne un minimum de contenance et s’étire une seconde durant, avant de se laisser aller sous les indications et mouvements de son cavalier - et Flora s'interroge, à cet instant, s'il y a quoique ce soit qu'il ignore faire. Ni l'un ni l'autre n'auraient leur place dans un ballet, certes, mais Elijah était étonnamment doué pour guider et orienter les moments, et la brune le laissait volontiers en prendre les rênes. Sans chercher à y échapper, Flora se laisse aller à son contact et à la tiédeur de ses mains, plongeant son regard dans le sien et souriant de leur proximité. « J'espère que tu passes une bonne soirée malgré ces quelques imprévus. » demande-t-elle à voix basse, n'ayant pas besoin de parler beaucoup plus fort. « et si tu en doutes - moi oui. » précise-t-elle avec un air complice, ses mains posées près de son cou.

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Eli sourit en sentant la silhouette frêle de Flora se laisser aller contre lui, avec la douceur qui lui était si caractéristique. Son cœur se gonfla d’une chaleur agréable face à la tendresse inhérente à ce rapprochement spontané, tandis que les deux à la relation qu’aucun mot ne parvenait à qualifier continuaient à s’apprivoiser doucement, incertains d’où se situaient les limites à ne pas franchir. Sans s’y attarder consciemment, l’héritier semblait sourire à tout ce que faisait la petite souris de Weatherton – la façon dont elle s’ouvrait à lui, la répartie vive dont elle était dotée, la manière dont son regard soutenait le sien, mais aussi la manière dont il le fuyait lorsque l’échange se prolongeait trop longtemps ou que la conversation se faisait trop intense. Il souriait d’entendre le sommeil ralentir le débit de parole de la jeune femme appuyée contre le haut de son torse, tout comme il avait souri à la plaisanterie qu’elle avait glissée au sujet de sa quasi noyade. Il sourit à nouveau lorsqu’elle sembla s’arracher à sa torpeur à l’évocation de leçons de natation, pris de court par l’entrain de sa réponse alors qu’elle avait semblé sur le point de s’endormir contre lui quelques instants plus tôt. Hochant la tête d’un air presque solennel, Eli renchérit de plus belle. « Si tu me fais confiance pour le faire, bien sûr, avec plaisir. » Eli se pencha légèrement en avant, écrasant sa cigarette dans le cendrier posé sur la table basse et exhalant la fumée avant de regagner sa place, permettant à Flora de se réajuster dans l’étreinte qu’il avait temporairement desserrée. Aussitôt, les doigts d’Eli retrouvèrent les mèches de Flora, reprenant le cours de leurs caresses à la légèreté remarquable. « Tu verras, c’est plus facile que la cuisine – donc ça devrait aller tout seul, vu que tu t’es débrouillée comme une pro la fois dernière. Pas même un début d’incendie », plaisanta-t-il. Dans un mouvement dont la spontanéité releva carrément de l’impulsivité, sa main se délogea brièvement de ses cheveux pour pincer légèrement la taille de la jeune femme, lui infligeant une unique chatouille avant de remonter dans ses mèches châtain. Aussitôt le geste effectué, Eli se demanda quelle mouche l’avait piqué et détourna brièvement le regard taquin jusque-là rivé sur la brune, perplexe face à la quantité de limites qu’il avait franchies et la facilité avec lesquelles il les avait ignorées, et se demandant s’il y en avait d’autres qu’il allait outrepasser de la même façon. Ses bonnes résolutions lui revinrent à l’esprit, et il se secoua mentalement, décidé à ne pas laisser sa désinhibition alcoolisée lui faire commettre la moindre action qu’il risquerait de regretter. Pour autant, il ne cessa de lui caresser les cheveux, et ses réflexions ne l’empêchèrent pas non plus de lui demander de lui accorder une danse. Après tout, se dit-il, il arrivait à des amis de danser ensemble, pas vrai ?

Il se demanda si elle allait accepter sa proposition, quelque peu dubitatif malgré son propre engouement car la fatigue qui s’était abattue sur Flora depuis leur sortie de l’eau ne lui avait nullement échappé. Mais elle le surprit à nouveau agréablement et il lui adressa un sourire rayonnant, brièvement perturbé par un petit éclat de rire lorsqu’elle se fendit d’une nouvelle plaisanterie. Eli s’empara de la main de Flora afin de l’aider à se relever, et ils échangèrent un regard complice avant de se rejoindre dans une étreinte quelque peu différente de celle qu’ils venaient de partager. La musique résonnait un peu plus loin, son volume plus faible de ce côté-ci du bateau, mais parfaitement audible en dépit de la distance entre Flora, Eli et la piste de danse. Même s’il était encore assez tôt, un morceau un peu plus lent s’était frayé un passage au travers de la musique électro qui avait retenti jusque-là, et, assez naturellement, les mains d’Eli vinrent se loger au creux des hanches de Flora, leurs corps plus proches qu’ils n’en avaient l’habitude, mais, bizarrement, moins que depuis le début de la soirée. Un sourire un peu coupable se dessina sur les lèvres pleines de l’héritier en sentant sous ses doigts le tissu de la robe de Flora, imbibé de l’eau qui avait percé depuis son bas de maillot. Il la regarda enrouler les mains autour de sa nuque, et si son cœur n’accéléra pas sa course, continuant de battre paresseusement dans sa poitrine, quelque chose remua à nouveau au creux de son estomac lorsque leurs regards se croisèrent. Il n’avait jamais eu de chronomètre à portée de main pour s’en assurer, mais il eut l’impression que jamais elle n’avait gardé ses yeux accrochés aux siens aussi longtemps que maintenant. Il la devina étrangement à l’aise – peut-être parce que lui l’était autant. Il les fit tournoyer, lentement, au rythme de la musique, guidant les pas de Flora avec un naturel qui trahissait combien il avait l’habitude, depuis toujours, de s’adonner à la danse qui avait fait partie intégrante de son éducation bourgeoise. Flora n’avait pas revendiqué de qualités de danseuse, mais elle suivit aisément le rythme donné par le Walker et leur permit de se mouvoir avec une harmonie qui sembla faire écho à la complicité qu’ils partageaient déjà. Eli hocha la tête dès que Flora s’enquit de son vécu de la soirée, et se fendit d’un sourire radieux lorsqu’elle confia son propre ressenti, manifestement beaucoup plus positif que ce qu’il aurait pu pressentir après la mésaventure qu’ils avaient partagée un peu plus tôt. Tous les efforts qu’il fournissait habituellement pour préserver sa composition indéfectible brillaient désormais par leur absence : à cet instant précis, Elijah Walker était un livre ouvert, au cerveau bien trop grisé pour se rappeler ses priorités habituelles. « Je suis heureux que tu passes une bonne soirée, Flora », murmura-t-il à son tour. « Quant à moi, je pense que je me souviendrai très longtemps de cet anniversaire – dans le bon sens du terme, évidemment », conclut-il avec sa malice habituelle. Rien n’était moins sûr, compte tenu de l’alcoolémie de l’héritier, mais sur le moment, il fut convaincu de ce qu’il avançait, et espérait pouvoir chérir longtemps les souvenirs qu’il était en train de construire ce soir.

Le duo poursuivit avec une imperturbable tranquillité leur danse improvisée, y compris lorsque la musique changea à l’issue du morceau sur lequel ils avaient commencé. Comme il l’avait signifié à un peu plus tôt à Flora, Eli n’était pas vraiment concerné par ce qu’il pouvait bien se passer en-dehors de leur interaction à tous les deux. Il était bien trop grisé par la façon dont s’accrochaient leurs regards et par les sourires qui les accompagnaient. « Je n’avais jamais remarqué que tu avais autant de taches de rousseur », souffla-t-il, assez proche d’elle pour dénombrer chacune des petites pigmentations qui parsemaient son nez, ses joues et son front. « J’adore les taches de rousseur, je trouve ça adorable », poursuivit-il, sans réellement se rendre compte des mots qui franchissaient ses lèvres, comme détaché de la réalité. Avec n’importe qui d’autre, il se serait fait dragueur, n’aurait pas résisté à la tentation de la serrer un peu plus fort contre lui, à effleurer ses lèvres des siennes ou à laisser glisser prudemment, de quelques centimètres, ses mains le long de ses hanches. Pourtant, la pensée ne l’effleura même pas d’amorcer le moindre de ces gestes en présence de Flora. Il s’était laissé happer par l’instant présent avec une sincérité déroutante, chacune de ses réactions se faisant avec une spontanéité et une authenticité si pures qu’il aurait été tout simplement incapable de se livrer ne fût-ce qu’à une ébauche de jeu avec elle. Tout ce qu’il lui importait était la richesse de leur échange, la qualité du temps qu’il avait l’occasion de passer à ses côtés – et s’il s’était permis bien davantage d’initiatives que ce qu’il n’aurait cru le jour de leur rencontre, et les jours suivants où ils s’étaient côtoyés sans se connaître réellement, il l’avait toujours fait avec spontanéité et ingénuité, sans arrière-pensée en dépit des émotions parfois perturbantes qui venaient le secouer lorsqu’il croisait ses prunelles de miel.

Sans doute auraient-ils été capables de continuer leur petite danse encore longtemps – en tout cas, Eli l’aurait été. Mais une partie des invités en avaient décidé autrement, et quelques minutes plus tard, quelques-uns d’entre eux vinrent le héler, l’air pressé, lui criant pratiquement de rappliquer de toute urgence afin de venir souffler les bougies sur le gâteau d’anniversaire qui s’apprêtait à faire sa grande entrée dans la soirée. Pris de court, Eli ne manqua toutefois pas d’acquiescer avec un sourire enthousiaste, bien que ses mains se délogèrent à regret de la taille de sa cavalière. « Le devoir m’appelle », renchérit-il, pompeusement, avant de lui demander, presque anxieusement : « Tu m’accompagnes ? » À nouveau, il entoura ses épaules de son bras, dans un geste presque teinté de camaraderie, avant de prendre la direction de l’avant du yacht. Ainsi, les deux comparses retrouvèrent le reste de la foule, amassée dans la partie centrale du bateau. Ils avaient une sacrée dégaine, encore trempés de leur escapade, et Eli avait l’air parfaitement ridicule, affublé de l’ensemble disharmonieux que formaient son maillot criard et son élégante veste de lin ouverte sur son torse nu. Parmi les invités en train de l’attendre, il repéra les visages de Channing et Lexie, et leur adressa un sourire rayonnant. L’expression d’Eli se fit presque enfantine devant le magnifique gâteau qui ne tarda pas à être porté dans sa direction, tandis que les convives avaient entonné le traditionnel chant qui l’accompagnait. Sous l’effet des mouvements des uns et des autres, Flora et lui finirent séparés et Eli se retrouva seul face au gâteau surmonté de bougies. Il s’apprêta à les souffler lorsque son regard retrouva celui de Flora, qui se trouvait désormais face à lui. Il lui adressa un bref clin d’œil avant de prendre une grande inspiration et de souffler l’ensemble des flammes qui s’éteignirent après avoir vacillé, sous les acclamations de ses proches agglutinés autour de lui. Le lendemain, l’alcool aurait efficacement fait disparaître de sa mémoire le vœu qu’il avait intérieurement formulé pour l’occasion – mais il y avait fort à parier qu’il n’était pas sans rapport avec celle dont il avait croisé le regard au moment de souffler ses bougies.

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Jusqu’en août dernier, Flora ignorait tout de lui. Elle avait, certes, entendu quelques bruits de couloirs - l'effigie des collections hommes avait un frère, un aîné récemment de retour à Brisbane et dont les yeux bleus faisaient des ravages, mais la brune avait reçu l'information sans l'entendre et s'était contentée de proposer son paquet de chips à sa collègue, continuant d'y piocher joyeusement. Elle n'avait pas même retenu son prénom, ne s'était pas non plus faite curieuse en regardant ses photos sur internet, et s'était contentée d'ajouter la nouvelle à toutes celles qu'on lui partageait sans qu'elle ne sache quoi en faire. Flora, il y a encore quelques mois, elle aurait ri doucement à l'idée d'être en collaboration avec lui - et aurait probablement eu des crampes aux joues à celle d'être somnolente sur son épaule, sur son yacht, lors de sa soirée d'anniversaire. Pourtant, aujourd'hui et ce au-delà des mentions précédentes, la brune était prête à se laisser aller dans ses bras et à lui faire confiance pour une raison qu'elle peinait à s'avouer. Ils ne se connaissaient que depuis quelques mois et parfois, Flora l'oubliait et se laissait bercer par sa voix et la facilité de leurs échanges en ayant l'impression de le connaître depuis toujours. La facilité de leur relation la rendait évidente, et de la même façon qu'elle n'avait pas hésité plus d'une seconde à lui partager les grands titres de sa vie, elle acquiesçait à présent à sa proposition de l’initier à la nage. « Si tu me fais confiance pour le faire,  bien sûr, avec plaisir. » Elle lui faisait confiance, oui. Mais il s’agissait d’un peu plus que ça - elle faisait également confiance à sa meilleure amie et à ses frères, mais s’était pourtant toujours refusée à leurs propositions quant à la désensibiliser. Elle faisait confiance à Eli quant à la maintenir à la surface, mais comptait également sur sa bienveillance et l’absence totale de jugement qu’il porterait à son égard. et peut-être était-ce parce qu’ils se connaissaient finalement peu - elle se sentait proche de lui sans vraiment l’être, et profitait de ce flou artistique pour s’accorder quelques écarts quant à ce qui était raisonnable et ce qui ne l’était pas. « Pourquoi pas. » souffle-t-elle avec une réserve qui n’en est pas vraiment une, sourire sur les lèvres. Elle le laisse se redresser pour écraser la fine braise de sa cigarette, contrainte d’en faire de même une seconde, et l’air frais qui remplace sa masse réconfortante la fait frissonner. Ses bras s’étirent brièvement, et Elijah reprend sa position initiale pour lui permettre de se réappuyer contre lui - ce qu’elle fait, le remerciant d’un battement de cils voilé de timidité. « Tu verras, c’est plus facile que la cuisine – donc ça devrait aller tout seul, vu que tu t’es débrouillée comme une pro la fois dernière. Pas même un début d’incendie » Un rire s’échappe d’entre ses lèvres, et sans lui laisser le temps d’appuyer un regard réprobateur sur sa personne, Elijah laisse dégringoler sa main jusqu’à sa taille pour la lui pincer brièvement. Prise de court, la brune se laisse surprendre et se tord sous le contact qui fait s’étrangler son rire dans un éclat moins contrôlé, suffisant pour faire monter le rouge à ses joues - fait amplement mis sur le compte des cocktails fruités dont ils ont abusé un peu plus tôt. « C’est ça - moque toi. » plaisante-t-elle sur le même ton en le regardant, uniquement pour le voir se reporter devant eux et en faire de même par la suite, se passant une main dans les cheveux pour se redonner une certaine contenance.

Sa main glisse dans la sienne, et ses doigts s’accrochent aux courbes qui la dessinent alors qu’il l’aide à se lever. Elle ne sait pas danser la brunette - elle sait bouger mais ses pas n’ont jamais rien eu de fluide ou d’aérien, et une seconde durant elle pense susciter l'amusement chez l’héritier. Elle y songe mais n’a pas le temps de le craindre alors que la prévenance des gestes du trentenaire guide leur avancée sur le pont, encourageant ses pieds à ne pas marcher sur les siens et les incitant à suivre un rythme étonnement facile. Existe-t-il quoique ce soit qu'il ignore faire ? Ses yeux trouvent les siens, la chute de son dos se creuse légèrement au contact de ses mains sur sa peau, et elle lui rend son sourire coupable alors que l’eau imbibe un peu davantage le tissu de sa robe. « Oui, c’est à cause de toi. » murmure-t-elle avec un brin de malice, déposant ses mains de part et d’autre de sa nuque, y trouvant une chaleur qu’elle se plaît à lui dérober sans jamais se défaire de son innocence. Un sourire omniprésent sur les lèvres, la Constantine se focalise sur ses yeux tout en laissant ses pas suivre les siens, en appréciant les détails alors que la musique en arrière-plan se réduit à un léger sifflement dans l’obscurité. Elle avait remarqué sa curieuse marque brune dans l’azur de ses iris dès le jour de leur rencontre, mais n’avait jamais pu s’y pencher de plus près - et maintenant qu’elle le faisait, le morceau de terre comme perdu dans l’océan dégageait un charme plus unique encore que celui qu’il renvoyait au premier coup d’oeil. et peu importe qu’elle s’y attarde plus longtemps que les règles de bienséance - le moment est trop agréable pour y mettre un terme. « Je suis heureux que tu passes une bonne soirée, Flora » - « Disons que tu sais recevoir. »  Ses lèvres se ourlent un peu davantage, et ses doigts se réajustent distraitement contre sa peau agréablement tiède malgré la fraîcheur de fin de journée. « Quant à moi, je pense que je me souviendrai très longtemps de cet anniversaire – dans le bon sens du terme, évidemment » - « Je l’espère de tout coeur. » avoue-t-elle quoiqu’avec un peu d’amusement, ayant conscience que l’alcool ingurgité dans la soirée n’est pas pour rien à la chaleur corporelle de l’homme qui assure graver dans le marbre les souvenirs qu’ils sont entrain de créer - eux et ceux de sa soirée d’une manière générale, pas qu’elle s’en désigne au coeur. Un léger silence s’installe à la suite de leur échange, sans rien perdre de sa facilité, et la demoiselle continue de veiller à ne pas écraser les pieds de celui qui la fait tournoyer à une ou deux reprises. Ses pieds nus tournent de ça et là sur le pont, ses cheveux suivent mollement les mouvements de son corps, et elle échappe des sourires un peu plus grands de ça et là - la musique peut changer ou même s’interrompre qu’elle ne l’écoute plus. « Je n’avais jamais remarqué que tu avais autant de taches de rousseur » Sa voix la sort de la curieuse transe dans laquelle elle s’est plongée depuis plusieurs minutes, focalisée sur les moindres sensations et sentiments qui naissent en elle et affolent, jamais plus de quelques secondes, son coeur. Plus proches qu’ils ne l’étaient au début de leur danse improvisée, elle sent le souffle du brun s’écraser sur son visage et doit se faire violence pour soutenir le regard qu’il fait courir sur les lignes de son nez et de ses pommettes. et cette fois, peut-être que son coeur s’agite un peu longtemps que d’ordinaire.« J’adore les taches de rousseur, je trouve ça adorable » Ces dernières s’atténuent brusquement à ces mots, troublées par le changement de couleur de la peau pâle sur laquelle elles contrastent - ses joues se teintent de rose et Flora se pince les lèvres dans une moue coupable, flanchissant faiblement sous son regard en inclinant la tête. « Je - je les masque un peu au quotidien. » avoue-t-elle sans vraiment savoir pourquoi, faisant référence à la noisette ridicule de bb crème qu’elle s’applique le matin et qui se charge de fondre ses tâches de rousseur avec le reste de son teint. Son regard retrouve timidement le sien et elle conserve son sourire doux. « Moi aussi j’aime bien ta tâche - dans l’oeil. » confesse-t-elle avant de se rendre compte de l’idiotie de ses propos une fois prononcés à voix haute. Elle se mord la lèvre inférieure pour étouffer un rire, soudainement mal à l’aise, avant de faire pianoter ses doigts dans sa nuque pour s’apaiser. Ses ongles gagnent puis s’attardent une seconde durant dans la naissance de ses cheveux, caressant doucement les mèches brunes assez courtes qui cascadent mollement à l’arrière de sa tête. « Ça sonnait beaucoup mieux dans ma tête. » s’excuse-t-elle, ne faisant qu’accentuer les couleurs sur ses joues, manquant au passage de lui marcher sur les orteils. « Merci en tout cas. » murmure-t-elle finalement, pudique mais pas moins rieuse en continuant de jouer dans ses cheveux.

Leur danse se poursuit après cet écart pour le moins dramatique, et ce jusqu’à ce que des invités décident d’y mettre un terme - fait aussi regrettable qu’inévitable, forçant Flora à rendre à sa soirée celui dont les proches réclament la présence. Elle se recule lentement pour réinstaurer une distance plus raisonnable que celle qui s’était progressivement réduite entre eux, et l’attroupement ne s’en préoccupe pas plus que de raison - Elijah est au centre de l’attention et cela lui convient tout à fait. L’enjouement autour d’eux la ramène à la réalité, et elle pose sur le brun un regard aussi compatissant qu’il est compréhensif - il peut filer qu’elle ne lui en tiendra pas rigueur. « Le devoir m’appelle. Tu m’accompagnes ? » Son regard s’illumine un peu et elle acquiesce, se laissant à nouveau aller dans l’étreinte amicale dans laquelle il l’attire en enroulant son bras autour de ses épaules, l’entraînant avec elle là où les invités les guident. La paire ne tarde toutefois pas à être à nouveau séparée alors que la foule s’agite joyeusement et que l’ambiance s’électrise l’espace d’un instant. Amusée, Flora le laisse à son devoir et trouve une place non loin pour assister à la scène, jetant un regard autour d’elle et reconnaissant ceux qu’elle présume être de sa fratrie. Une brunette et un grand brun avec des traits similaire à son aîné échangent un air complice, et elle se reporte sur celui qu’ils observent avant d’entamer avec le reste de la foule le chant caractéristique qui accompagne l’arrivée du gâteau - démesuré, en accord avec le yacht sur lequel ils se trouvent. Loin du malaise provoqué habituellement par la chanson, la foule s’amuse et Eli n’a qu’à se pencher pour souffler ses bougies, redressant les yeux au dernier moment - et les flammes qui y dansent ne font qu’élargir un peu le sourire de l’artiste en herbe qui l’encourage d’un mouvement de tête à s'exécuter. et si Flora est sûre d’une chose, elle se contente de se taire et de participer aux applaudissements et cris enthousiastes une fois les bougies éteintes.

Après le moment clé de la nuit, les invités se pressent pour réitérer leurs voeux auprès de l’hôte de la soirée, et Flora sourit en observant la scène de loin. Une part de gateau prise par gourmandise, elle trouve compagnie auprès d’une invitée qui initie joyeusement la conversation, s’inquiétant de sa tenue et lui proposant une paire d’escarpins à la vue de ses pieds nus, haussant les épaules face au refus avant de vanter les mérites de la soirée qu’ils venaient de vivre - et qui se poursuivrait encore plusieurs heures à n’en pas douter. et Flora vise juste. Quelques heures plus tard, à l’heure de la nuit où les premiers travailleurs se lèvent et où les plus nocturnes vont se coucher, le bateau commence à se vider. Les invités disparaissent au compte goutte, et Flora se met en quête de retrouver celui qui s’est volatilisé depuis son moment sous les projecteurs, désireuse de le revoir. « Eli, tu es là. » souffle-t-elle en s’avançant dans son dos, posant brièvement la main sur son bras avant de venir devant lui. Son sourire s’étire, plus fatigué que lors de leur danse, et elle marque une petite pause en le regardant. « Est-ce que je peux faire quelque chose pour t’aider à ranger ? ou pour quoique ce soit ? » propose-t-elle avec son naturel caractéristique, soucieuse de ne pas le laisser gérer tout le rangement seul - même si elle soupçonne quelques employés pour lui prêter main forte. « Je ne sais pas si tu veux t’occuper de tout ça maintenant ou plus tard, mais je ne travaille pas demain - alors j’ai le temps si tu as besoin d’aide. » précise-t-elle avec une douceur renforcée par sa fatigue, ses yeux gentiment plongés dans les siens et ses bras se croisant contre sa poitrine pour préserver sa chaleur.

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Million Dollar Boat Party

Une pointe de regret ne manqua pas de tourmenter le cœur enivré de multiples manières d'Eli lorsque vint le moment de se soustraire à ces instants privilégiés aux côtés de Flora. Il n'aurait certainement pas refusé une opportunité de prolonger les minutes en sa seule compagnie, sans rien pour les perturber si ce n'est la façon toute particulière dont elle parvenait à faire tressaillir son corps entier par sa simple façon d’être. S’il avait eu le choix, il aurait aimé avoir l’occasion de poursuivre cette danse improvisée, et jauger chacune des réactions de la jeune femme à ses propos à lui. S’imprégner pleinement de ses mimiques, la façon dont elle papillonnait des yeux, celle dont ses joues rosissaient sans doute sous l’influence de l’alcool et de la température ambiante, et celle dont elle lui répondait avec un mélange d’humour et de maladresse absolument adorable. Il aurait préféré avoir le choix de continuer à pouffer face à la théâtralité involontaire de la Constantine, et à la timidité qui la rattrapait à chaque fois qu’elle se faisait un peu plus téméraire. Il aurait aimé que les remerciements qu’il lui avait murmurés après s’être amusé de la façon dont elle avait mentionné la tache brune dans son œil ne fussent pas les derniers mots qu’il aurait l’occasion d’échanger en tête à tête avec elle. Et, bien qu’il ne se l’admettrait jamais consciemment, il aurait voulu que le contact des doigts fins de la styliste dans ses boucles ne s’arrête pas tout de suite. En la sentant glisser les doigts entre les cheveux qui habillaient le haut de sa nuque, Eli n’avait pas trahi la moindre réaction, s’était contenté de continuer à se mouvoir sur le rythme de la musique, pourtant, il avait senti un frisson le parcourir de la tête aux pieds et avait dû se retenir à grand-peine de ne pas fermer les yeux tant la caresse, toute légère qu’elle fût, était agréable. Bien trop agréable pour être interrompue aussi rapidement par les fêtards dont les cris enthousiastes eurent tôt fait de percer la bulle de sérénité dans laquelle ils s’étaient enfermés pendant quelques minutes. Mais les cris en question le ramenèrent aussitôt à la réalité – cette réalité où il n’accueillait pas une, mais bien des dizaines d’invités, et où il était peu opportun de snober ces derniers pour passer la soirée entière en tête à tête avec Flora. Alors, avec cette pointe de regret, heureusement trop faible que pour supplanter entièrement le plaisir de fêter en plus grand comité son anniversaire, Eli s’arrêta dans leur danse, se sépara de Flora, et se résolut à reprendre sa casquette d’hôte de la soirée.

Les heures suivantes défilèrent dans un flou artistique qui vint troubler toute notion de chronologie et brouiller les souvenirs précieux de la soirée. Si le moment du gâteau s’était déroulé avec une lenteur paradoxale compte tenu de l’effervescence inhérente à cette étape phare de la soirée, le temps semblant s’être arrêté lorsque les prunelles azur d’Eli avaient croisé celles noisette de Flora, tout ce qui suivit défila dans une tempête effrénée de rires, de musique, de couleurs, de verres levés haut et vidés aussitôt, d’émotions intenses et de ces bêtises qui seraient oubliées sitôt le soleil levé. Eli se retrouva propulsé d’un interlocuteur à l’autre, s’interrogeant sur la façon dont tous semblaient s’être passés le mot pour individuellement trinquer à sa santé, jusqu’au moment où il ne fut plus en état de s’interroger sur quoi que ce soit. Heureusement pour lui, il n’en demeura pas moins capable de donner le change, son degré d’ébriété ne se trahissant que par son regard légèrement vitreux et par ses éclats de rire incessants, encore plus fréquents que d’ordinaire chez l’homme qui était pourtant connu pour toujours avoir le sourire aux lèvres. Autour de lui, ses proches participaient avec animation à la conversation, se réjouissaient de le voir aussi enjoué et s’amusaient avec une bienveillance moqueuse de son accoutrement, Eli semblant avoir définitivement renoncé à enfiler ses vêtements détrempés. L’ensemble hors de prix était condamné à terminer la soirée abandonné à l’arrière du bateau, et son propriétaire se pavanait volontiers dans son maillot ridicule et sa veste ouverte, s’exprimant de plus en plus fort et d’une voix de plus en plus traînante.

Cinq heures du matin sonnèrent et les premiers rayons du soleil vinrent illuminer le bateau où la fête continuait de battre son plein. La lumière du jour était déjà bien installée lorsque les derniers fêtards encore présents terminèrent leur ultime verre et s’apprêtèrent à quitter le navire en vue d’un repos bien mérité. Installé sur un tabouret de bar, une cigarette au bec et le regard perdu vers l’horizon après avoir gaiement salué une paire d’invités qui venait de partir, Eli arborait un sourire dont la béatitude lui donnait un air assez idiot. Son corps était absolument éreinté, pourtant, son regard ne trahissait pas la moindre fatigue. À l’entente de son prénom, l’héritier tourna la tête, quelque peu lentement, mais son sourire s’élargit immédiatement en voyant Flora se matérialiser à ses côtés. « Je pensais que tu étais partie », répondit-il, ses prunelles trahissant la surprise agréable qu’il ressentait en la voyant. « Je ne t’ai plus vue depuis toute à l’heure – tu as passé une bonne soirée ? », s’enquit-il aussitôt, son air à lui témoignant de manière claire de la qualité des moments qu’il avait connus ce soir. Il écrasa sa cigarette et la surprise grandit dans son regard à l’entente de l’adorable proposition de Flora. L’héritier laissa échapper un rire attendri, secouant vigoureusement la tête. « Non, non, ne t’inquiète pas pour ça, c’est gentil », répondit-il, mais il fut coupé dans son élan par les précisions qu’elle lui apporta et qui témoignèrent de l’étendue de sa bonne volonté. Souriant de plus belle, Eli se leva de son tabouret pour faire face à Flora et, dans un élan de spontanéité remplie d’ébriété, la serra dans ses bras avec légèreté. L’étreinte ne dura qu’une poignée de secondes avant qu’il ne se recule. « Tu es adorable. Ne t’en fais pas, il n’y a pas besoin d’aide, vraiment. » Il avait à nouveau cette façon de s’exprimer avec autant de gentillesse que de fermeté, quoique son élocution s’était faite plus traînante et son charisme habituel plus absent. « Tu as l’air frigorifiée », commenta-t-il en fronçant légèrement les sourcils lorsqu’il remarqua qu’elle avait croisé les bras contre elle. Pour la deuxième fois en quelques mois, il se débarrassa de sa veste et en enveloppa les épaules de la brunette, tapotant celles-ci lorsqu’il fut satisfait de la disposition du vêtement trop large sur Flora. Lui n’était vêtu plus que de son maillot, mais cela ne sembla nullement le déranger – il n’était, de toute façon, probablement pas en état d’avoir froid.

« Je t’aurais bien proposé une animation de fin de soirée, mais j’ai comme l’impression que tu commences à fatiguer un peu », la taquina-t-il, conscient de la façon dont l’énergie semblait avoir quelque peu délaissé le regard habituellement pétillant de la jeune femme. « Si tu n’as pas la force de te traîner jusqu’à Fortitude Valley à cette heure, sache que tu es la bienvenue ici. Il y a des cabines en bas, elles sont très confortables », proposa-t-il avec un sourire affable. Il désigna l’intérieur du yacht d’un geste du menton. « Il y a une douche, et je peux te donner un superbe pyjama de fortune. Tu veux que je te fasse visiter, pour voir si ça t’irait ? » Il lui fit signe de le suivre, s’arrêtant une ou deux fois en chemin pour faire ses au revoir aux derniers invités qui s’en allaient, avant de précéder Flora dans les escaliers qui menaient vers les cabines dont le luxe n’avait rien à envier au reste du yacht. Il lui montra la salle de bains, lui détaillant inutilement et avec un certain comique le fonctionnement de la douche et s’affairant laborieusement à extirper une paire de serviettes moelleuses d’un placard, pestant au sujet du manque d’espace dans la pièce avant de les déposer sur le lavabo. Il la mena ensuite un peu plus loin, au bout du couloir où une porte s’ouvrait sur la cabine dont il lui avait vanté les mérites. La fenêtre qui surplombait le lit offrait une vue imprenable sur l’océan. « Tu peux fermer les rideaux si tu as peur d’être scrutée par les requins », plaisanta-t-il tout en vérifiant que la pièce ne manquait de rien pour la courte matinée de sommeil que Flora allait y passer. Il s’éclipsa ensuite quelques instants et revint, un t-shirt à l’effigie des Mets de New York et un short de sport à la main. Il les tendit à Flora en lui glissant : « Je ne dirai à personne de chez Weatherton que je t’ai aussi mal sapée, promis. » Il resta alors planté pendant quelques instants devant elle, ne sachant trop quoi faire, et s’enquit à nouveau : « Est-ce que ça ira comme ça ? Tu n’as besoin de rien d’autre ? » Eli sembla presque anxieux en posant cette question, et le contraste avec son assurance habituelle était frappant. Il fallait dire qu’il n’y avait absolument rien d’habituel à cette situation, qui marquait un nouvel inédit dans leur étrange relation à tous les deux. Finalement, Eli s’estima satisfait du confort qu’il avait été en mesure de proposer à son invitée, et sembla prêt à partir. Il n’en fit pourtant rien, se contentant de se gratter la nuque, l’air quelque peu perdu et incertain. Le sourire qu’il esquissa trahit une timidité qui, elle non plus, n’avait rien d’habituel. Et si sa voix se fit également quelque peu timide, elle n’en conserva pas moins assurance et sérénité. « Merci encore d’être venue – et d’être restée. Ça m’a fait vraiment plaisir. J’ai passé un très bon moment avec toi ce soir, Flora », énonça-t-il, ponctuant ses propos d’une nouvelle étreinte, plus prononcée et prolongée que la précédente. Il la serra contre lui, loin de la retenue qui lui était habituelle, enfouissant brièvement le visage contre le sommet de ses cheveux alors que ses bras entouraient ses épaules. Lorsqu’il la relâcha, ce fut avec un petit sourire coupable, mais dénué de remords véritables. « Désolé, j’ai une tendance à m’épancher un peu trop quand j’ai bu. J’espère que tu ne m’en veux pas », s’excusa-t-il néanmoins, soucieux de ne pas la mettre mal à l’aise en se permettant des familiarités malvenues, bien qu’il ne s’agisse pas du premier rapprochement qu’il avait initié à son égard. « Dors bien, Flora », murmura-t-il finalement, avant de quitter la pièce et de prendre la direction du pont. Il reprit place sur les coussins où il avait partagé ces moments si précieux avec elle, son regardant se perdant bientôt à nouveau dans l’océan qui s’étendait à l’infini devant lui, et c’est avec un sourire plein de sérénité qu’Eli finit par se laisser emporter par le sommeil.

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Souvent, Elijah lui donne l'impression d'être hors du temps. Négligemment assis, sa cigarette entre les doigts et ses cheveux ondulés sans faire de sens qui cascadent autour de son visage, l'héritier renvoie une image tout à fait surréaliste. et si Flora est persuadée qu'il a conscience de ses charmes, elle ignore toutefois dans quelle mesure il songe à son apparence en s'installant ainsi face à l'océan. Pense-t-il, machinalement, à se valoriser ? À veiller à ce que ses mèches s'enflamment sous les rayons de soleil qui apparaissent à l'horizon, à courber le dos pour s'offrir davantage de confort tout en veillant à ne pas s'avachir complètement ? À apparaître à la fois aussi détendu que minutieusement installé ? « Je pensais que tu étais partie » - « Sans te dire aurevoir ? » souffle-t-elle en s'arrêtant à sa hauteur, ses yeux noisette trouvant les siens si bleus jusque lors rivés sur l'océan. L'instant suivant, il s'inquiète quant au déroulement de sa soirée depuis qu'ils se sont perdus de vue, et Flora le rassure d'un sourire qu'elle agrémente de quelques précisions. Elle s'est sentie moins apaisée qu'en sa présence, mais les quelques invités éméchés qui ont croisé sa route ont été amplement suffisants pour lui faire terminer sa soirée avec le sourire. Ivres et joyeux, tous ces gens bourgeois qu'elle considérait comme ennuyants s'étaient révélés bien plus amusants que leurs apparences sobres ne le laissaient deviner. Elle avait passé une bonne soirée, imparfaite certes mais qu'elle chérissait de la sorte, et ne souhaitait en rien la changer. Flora le lui précise donc, puis se soucie à son tour quant à la façon de se rendre utile - elle sait que nettoyer l'endroit où des invités se sont amusés toute la nuit n'est pas la partie la plus plaisante de la fête, et même si elle doute qu'Elijah doive s'en charger seul la brune offre son aide sans se départir de son sourire. « Tu es adorable. Ne t’en fais pas, il n’y a pas besoin d’aide, vraiment. » et ses bras s'enroulent autour d'elle avec autant de spontanéité que de douceur, la demoiselle s'amusant une seconde de son air un peu niais qui trahit son ébriété. Mais l'héritier est doux, toujours prudent et bienveillant, et elle lui rend son étreinte en se laissant envahir une seconde durant par son odeur marine, celle de tabac froid et de cocktail fruité - pas la meilleure qu'elle lui ait connue, mais pas désagréable pour autant. « Si tu le dis. » Il se recule et elle fronce un peu les sourcils face à l'air plus sérieux qu'il adopte. « Tu as l’air frigorifiée » remarque-t-il alors qu'elle baisse le regard sur ses bras couverts de chair de poule, réalisant avec un délai qu'elle tremble d'une manière à peine perceptible. Une moue pour toute réponse, tenant à le rassurer sans que cela ne l'atteigne pour autant, Flora s'immobilise au moment où Elijah s'applique à la couvrir de sa veste. Il s'en défait sans esquisser le moindre frisson, ajustant le tissu sur sa silhouette étonnement frêle sous la largeur du vêtement, et l'artiste en herbe dénoue ses bras pour en rabattre mollement les pans contre elle. Elle songe à protester ou à s'inquiéter pour lui, mais renonce à la façon dont le grand brun contemple le résultat d'un air satisfait, ses yeux auscultant son œuvre avec toute la douceur dont il peut bien faire preuve. « Je ne vomirais pas dessus, c'est promis. » murmure-t-elle sans être certaine qu'il relève la malice de sa remarque, s'en amusant peu importe qu'il soit en capacité de faire le rapprochement de leur nuit à l'Electric Playground ou non.

Ils continuent d'échanger quelques minutes, l'architecte relevant avec sa malice habituelle l'état de fatigue renvoyé par son invitée sans y faire sonner comme un reproche, la couvrant d'un regard étonnement doux. Il s'en amuse tandis qu'elle se passe une main coupable dans la nuque, massant une seconde durant les muscles qui peinent à s'y décontracter, échappant un rire qui se veut désolé sans vraiment l'être - Flora n'est pas friande des nuits blanches, sauf lorsqu'elle les passe à travailler aux ateliers. et plutôt que d'être mal à l'aise de celle-ci, elle est au contraire plutôt fière d'avoir toujours les yeux ouverts compte tenu de toutes les émotions par lesquelles elle est passée ces dernières heures. « Si tu n’as pas la force de te traîner jusqu’à Fortitude Valley à cette heure, sache que tu es la bienvenue ici. Il y a des cabines en bas, elles sont très confortables » Ses sourcils se froncent brièvement alors qu'elle l'écoute, et le visage de Flora se recule légèrement d'une manière incrédule - lui propose-t-il de dormir ici ? Elle pouffe à voix basse, peinant à le prendre au sérieux et trop fatiguée pour réfréner son amusement, le regardant à nouveau lorsqu'elle réalise qu'il continue de la regarder. « Il y a une douche, et je peux te donner un superbe pyjama de fortune. Tu veux que je te fasse visiter, pour voir si ça t’irait ? » - « Eli - c'est trop, je peux appeler un taxi, ne t'embête pas. » se fatigue-t-elle à préciser avant de le suivre sans faire davantage de résistance, se mordant discrètement l'intérieur de la joue comme pour se forcer à rester dans l'instant présent. Elle le suit, salue les invités croisés sur le chemin d'un sourire, puis descend à la suite du brun en direction des cabines. Etrangère à cette partie du bateau, son regard ondule sur le bois vernis qui les entoure, se pose sur les finitions toutes plus minutieuses les unes que les autres, et elle se force à se reporter sur Elijah lorsqu'il s'engage dans une salle d'eau pour lui en expliquer le fonctionnement et sortir une serviette d'un placard. Elle sourit bêtement en le voyant se tordre pour accéder au rangement, l'écoute se plaindre en riant doucement, puis le suit en reprenant un peu de sérieux lorsqu'il l'invite à entrer dans la cabine présentée un peu plus tôt. La chambre s'offre à eux baignée d'une lumière douce, et elle s'interrompt dans l'entrée tandis que son propriétaire en poursuit la présentation. L'endroit semble tout droit tiré d'un magazine, et elle regarde autour d'elle en peinant à admirer comme elle le mérite la beauté de la chambre. Doucement, Flora retire la veste posée sur épaules et la pose délicatement sur le lit, faisant ensuite courir ses doigts sur le mobilier alors qu'Elijah s'absente puis réapparaît quelques secondes plus tard. « Je ne dirai à personne de chez Weatherton que je t’ai aussi mal sapée, promis. » Ses yeux trouvent les siens puis rencontrent l'ensemble tendu avec un sourire, ses doigts se saisissant des tissus dans une moue particulièrement tendre et reconnaissante. La petite souris aurait toutes les raisons d'être gênée face à la générosité du propriétaire des lieux, mais se contente de recevoir ce qu'Elijah a à lui offrir avec un sourire, remettant à plus tard toutes les interrogations qui tordent son estomac. Elle ne s'est pas sentie aussi légitime d'un peu d'attention et de bienveillance depuis longtemps, et peut-être est-ce sa fatigue qui la pousse à abaisser ses murs, mais Flora refoule ses doutes pour profiter de l'instant sans songer à la culpabilité qu'elle ressentira en y repensant demain. « Est-ce que ça ira comme ça ? Tu n’as besoin de rien d’autre ? » Elle secoue la tête et conserve le pyjama de fortune dans ses mains, s'approchant du brun à pas lents, s'arrêtant face à lui en plongeant doucement son regard dans le sien. « Merci encore d’être venue – et d’être restée. Ça m’a fait vraiment plaisir. J’ai passé un très bon moment avec toi ce soir, Flora » Flora, elle découvre de nouvelles facette de l'héritier à chacune de leur rencontre - elle fait face à son charisme puis à sa maladresse, à son assurance et sa délicatesse, puis à présent à sa timidité. La brune, elle sait que cela est dû à la fatigue et à l'alcool - rien de plus, mais cela ne l'empêche pas de profiter du moment avec une gaieté mal dissimulée. « Moi aussi j'ai passé de très bons moments ce soir. Merci de m'avoir invitée. » ajoute-t-elle avant de se laisser aller dans la nouvelle étreinte dans laquelle il l'attire, quoiqu'un peu surprise. Mais après une seconde de flottement, ses bras viennent entourer le tronc de l'héritier, sa peau rencontrant la sienne surprenamment tiède, sa joue se collant délicatement contre son torse. Son parfum l'enveloppe d'une manière bien différente qu'il l'a fait en étant imprégné sur sa chemise, et la brune ferme les yeux alors que son oreille lui renvoie le rythme cardiaque terriblement calme de celui qui niche son visage dans ses cheveux. Une chance pour elle qu'Elijah ne puisse entendre le sien, bien moins paresseux, alors que ses doigts caressent silencieusement les muscles de son dos. Il est fort, grand et si tranquille, et dans des moments comme celui-ci la Constantine réalise à quel point ils sont différents. À quel point ce qu'il dégage l'apaise sans même en avoir conscience, et à quel point elle se sent en sécurité au creux de ses bras. « Désolé, j’ai une tendance à m’épancher un peu trop quand j’ai bu. J’espère que tu ne m’en veux pas » Il la relâche et elle secoue la tête, incapable de répondre quoique ce soit alors qu'elle a l'impression d'être une adolescente et que ses pensées sont bien trop brouillées pour qu'elle puisse en tirer quoique ce soit de cohérent. Ses épaules se haussent mollement pour toute réponse, et elle se penche à son tour vers lui en se hissant sur la pointe des pieds, l'une de ses mains prenant appui sur le haut de son pectoral, l'autre suivant la ligne de son menton pour le lui maintenir en place. et, d'une manière presque fantomatique tant le contact est léger, ses lèvres viennent se presser sur sa joue en guise d'aurevoir. Ses lippes brossent la fine repousse de barbe de l'héritier, s'y attardent à peine plus d'une seconde, et Flora se détourne celle qui suit pour retourner se saisir du pyjama. « Dors bien, Flora » - « Toi aussi Eli. » souffle-t-elle tandis qu'il disparaît, bien incapable de se traîner jusqu'à la salle d'eau et se contentant d'enfiler laborieusement le pyjama avant de fondre sous les draps. Elle oublie à peine a-t-elle fermé les yeux cet élan de familiarité qu'elle a eu à l'égard de l'héritier, incapable de le justifier, conservant cependant la sensation curieusement agréable de sa peau sur ses lèvres, souriant naïvement au souvenir qui s'évanouit en même temps qu'elle.

Le lendemain matin - enfin, quelques heures plus tard soit en début d'après-midi, la brune sent le soleil lui chatouiller la joue. Blottie dans les draps, serrant contre elle un morceau de couverture, ses poumons se gonflent sous une profonde inspiration et elle déglutit en revenant progressivement à elle. Mollement, elle se tourne pour s'abriter de la lumière, puis s'immobilise alors que le lit n'émet aucun craquement sous son mouvement - chose inhabituelle. Ses sourcils se froncent, sa respiration se réduit à un murmure, et elle ouvre prudemment les yeux avant de réaliser et de s'apaiser. Elle n'est pas à Fortitude, n'est pas non plus en retard pour le travail, et a passé la nuit dans le bateau d'Elijah après sa soirée d'anniversaire. Elle s'est endormie ici en quelques secondes et ignore quelle heure il peut être - même si à en juger par la chaleur du soleil, il est plus proche de midi que de l'aube. Prudemment, ayant un peu mal à la tête, Flora se redresse dans les couvertures et pose un regard suspicieux sur le pyjama qui flotte autour d'elle. Sa main pince le tissu ample et elle sourit bêtement, se frottant le visage la seconde suivante avant de jeter un oeil par la fenêtre au dessus du lit - elle a vraiment dormi ici. Après quelques minutes, la brune se résout à se lever et prend la direction de la salle de bain présentée plus tôt dans la soirée, passant sous la douche d'une manière aussi rapide qu'efficace, se contentant de renfiler son pyjama en en sortant - faute de trouver quoique ce soit d'autre et ne tenant surtout pas à fouiller dans la cabine, sa robe quant à elle toujours imprégnée d'eau de mer. Avec une meilleure mine que la veille, elle sort de la chambre et frémit en découvrant le bateau baigné de lumière naturelle, brillant par son luxe et sa démesure et lui apparaissant bien plus propre que dans ses souvenirs. Ses cheveux humides dégringolant dans son dos, Flora met un peu de temps à s'adapter à la lumière du jour une fois sur le pont, lissant nerveusement son ensemble sportif avant de regarder autour d'elle - Elijah doit être quelque part, pas vrai ? Elle s'avance, rencontre en chemin une personne qu'elle devine être un agent d'entretien, puis poursuit sa route en passant près du bar - uniquement pour y trouver un serveur, différent de celui de la veille, occupé à presser des oranges et qui lui offre un sourire resplendissant. et si Flora peinait déjà à s'ancrer dans la réalité, la scène qu'elle juge digne d'un film la fait rire à voix basse alors que l'homme lui suggère de prendre un verre - ce qu'elle fait, machinalement, en prenant même deux avant de poursuivre ses recherches. et c'est finalement là où ils ont dansé dans la pénombre la veille qu'elle retrouve l'héritier, endormi sur les cousins, toujours dans son short criard et allongé de tout son long sur le moelleux des assises. Inconsciemment, sa bouche se tord avec malice et elle regrette de ne pas avoir son téléphone sur elle pour figer le moment, s'avançant après une pause près de celui dont elle est incapable de qualifier la nature de leur relation. Silencieusement, elle dépose les verres de jus à proximité puis s'assoit aux côtés du Walker, posant sa main sur son épaule qu'elle presse délicatement. « Elijah ? » appelle-t-elle à voix basse, patientant avant de réitérer sa pression. « Eli. » Sa main glisse contre son omoplate, ses doigts caressant sa peau étonnement douce, et elle lui laisse le temps de revenir à lui en guettant ses yeux endormis avec un sourire. « Bonjour. » l'accueille-t-elle d'un air un peu coupable, retirant sa main sans pouvoir réfréner son amusement. Le retour parmi les vivants risque d'être désagréable pour celui qui doit avoir la tête lourde comme du plomb, et elle lui laisse tout le temps de réaliser où il est. « Bien dormi ? » l'interroge-t-elle d'une voix un peu moqueuse, toujours basse dans un souci de ne pas le faire se sentir agresser. « J'ai trouvé du jus d'orange, si tu en veux. » Elle lui désigne les verres du regard, incertaine quant à ce qu'il s'en saisisse, et ayant conscience qu'il préférerait sans doute un cachet d'aspirine à un verre de jus de fruits. Ses jambes ramenées sous elle, Flora se reporte un instant sur l'océan, prenant une gorgée de boisson en accordant un peu de privacité à celui qui en rêve peut-être après une nuit de fête et d'interactions sociales en tous genres. En réalité, elle ne sait même pas si elle est la bienvenue à ses côtés - tout lui paraît moins évident sous le soleil et sans musique ambiante. Brusquement silencieuse donc, Flora se laisser bercer par le bruit des vagues qui lèchent la coque et le son des mouettes qui protestent en survolant le port.

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Million Dollar Boat Party

Avec la quantité phénoménale d’alcool ingurgitée par Eli tout au long de la soirée jusqu’au petit matin, l’on aurait pu croire qu’il sombrerait dans un sommeil lourd et obscur, mais les quelques heures de repos de piètre qualité qu’il passa endormi sur les confortables coussins géants furent rythmées par autant de rêves aux couleurs vives qu’il aurait jurés être réels. Une personne en particulier fit des incursions répétées dans les scénarios oniriques de l’héritier, semblable à une créature angélique drapée dans sa longue robe de plage blanche. Des heures durant, il assista au spectacle de son sourire enjoué, du froncement de son nez couvert de taches de rousseur, de ses moues parfois enfantines, parfois dotées du charme d’une femme fatale, de ses répliques vives et bien placées. Aux souvenirs bien réels, partagés autour d’un café, d’un repas fait maison, de croquis de mode, à l’arrière d’un taxi ou bien au cœur de sa soirée d’anniversaire, succédèrent des scènes qui n’avaient pour seul ancrage que l’imagination du Walker. Ainsi, après avoir revécu les moments intenses mais toujours sages, marqués parfois par les élans intrépides dont pouvaient être pris deux amis qui tenaient l’un à l’autre, Eli fut plongé dans des situations dont la nature ne tarda pas, progressivement, à changer. Au départ des quelques étreintes qu’ils avaient partagées au courant de la soirée, et de la sensation de la peau de Flora contre la sienne, un contact qui s’était fait par la force des choses au sein de cette pool-party géante, Eli vécut de manière soudain bien différente le contact de la peau nue de Flora sous ses doigts, ou des doigts de la jeune femme contre lui. Là où, avant de se quitter, elle avait laissé glisser avec légèreté la pulpe de ses doigts contre la peau de son dos, il sentit désormais ses ongles s’y enfoncer, et, au lieu de sentir ses lèvres se poser contre sa joue lorsqu’elle s’était hissée sur la pointe de pieds, c’était un vrai baiser qu’ils se mirent à échanger. L’étreinte partagée à l’arrière du bateau à l’occasion de leur danse improvisée se fit soudain bien plus sensuelle, le souffle de Flora contre son visage bien plus brûlant et son parfum bien plus entêtant. Lorsque leurs regards se croisaient avec cet air qui en disait long sur ce qu’ils voulaient l’un de l’autre, le moment ne se soldait plus par un rire embarrassé ou une plaisanterie lancée avec légèreté, mais la tension continuait d’augmenter jusqu’à ce que leurs lèvres se scellent dans des baisers plus langoureux les uns que les autres, et que leurs corps ne s’entrelacent sur les coussins où Eli était actuellement endormi. Quant à cet étrange moment qu’ils avaient passé dans la mer, il était désormais dépossédé de toute l’angoisse qui l’avait caractérisé la veille et la seule frénésie qui continuait de les habiter était celle qui les poussait à se découvrir, à s’emparer des lèvres de l’autre, à s’oublier dans l’étreinte brûlante qu’ils partageaient au milieu des vagues paresseuses qui les berçaient. Cette succession de visions à l’intensité remarquable fit finalement place à un enchevêtrement d’images vives et pour le moins perturbantes, qui s’éteignit ensuite au profit d’un écran noir qui marquerait le reste du sommeil bien peu reposant d’Eli.

Et si ses rêves n’avaient pas été suffisamment déstabilisants et plus vrais que nature, Eli ne fut que plus confus encore lorsque, au moment d’ouvrir les yeux, il entendit une voix familière accompagner un contact prévenant contre la peau de son épaule. Il cligna quelques fois des paupières, s’arrachant péniblement au sommeil dont il eut l’impression qu’il n’avait duré qu’une quinzaine de secondes, puis plissa les yeux aveuglés par la lumière éclatante du soleil qui se tenait déjà haut dans le ciel. Eli se frotta les yeux dans un geste presque enfantin, avant de se redresser avec une lenteur exagérée et de croiser le regard de Flora. Aussitôt, les images dérangeantes que son cerveau avait fabriquées pendant qu’il était endormi affluèrent dans son esprit quelque peu embrumé, et il ferma brièvement les paupières avant de les rouvrir, peinant à garder contenance face à celle dont son subconscient avait imaginé la moindre courbe dans les détails les plus obscènes. À vrai dire, il fut presque surpris de la voir habillée, tant les visions avaient été réalistes – et cette réaction le désarçonna étrangement. Eli n’avait jamais été prude, ni étranger aux rêves érotiques, qu’il considérait à la fois un divertissement de qualité et un excellent sujet de plaisanterie. Il n’y avait jamais cherché de signification, ni ne s’en était formalisé, éprouvant tout au plus une curiosité amusée à leur sujet. Cette fois-ci, toutefois, il se sentit aussi perturbé que gêné, presque honteux. Mais, surtout, il était confus, et il s’agissait d’ailleurs de la seule émotion qui fut lisible sur son visage encore à moitié endormi lorsqu’il croisa le regard noisette de Flora. Dès que son cerveau eut suffisamment redémarré pour lui permettre de reprendre le contrôle de la machine, Eli esquissa un sourire en écho à celui, amusé, que lui adressait la brune, et lui répondit d’une voix légèrement rauque : « Salut, Flora. » Il s’étira et se passa une main sur le visage, avant de reporter son attention sur elle lorsqu’elle lui demanda comment il avait dormi. Le regard de l’héritier se fit quelque peu amusé, et une pointe d’ironie teinta sa réponse : « Comme un bébé. Et toi ? Tu n’as manqué de rien ? » Il reporta les yeux avec un air agréablement surpris sur les verres de jus que Flora avait posés sur la table, et son expression se fit reconnaissante. « Oh, merci, je crève de soif – bizarrement », s’exclama-t-il, avant de s’emparer du verre devant lui et d’en descendre la moitié d’une traite. Il avait l’impression que sa boîte crânienne était devenue trop petite pour son cerveau, comme si ce dernier s’était gonflé de tout l’alcool qu’il avait ingurgité la veille. Pourtant, la gueule de bois était plus que supportable – sans doute un effet secondaire peu reluisant, mais bien pratique, de l’hygiène de vie assez minable à laquelle il avait habitué son corps depuis la fin de son adolescence. Cela ne constituait toutefois qu’un maigre réconfort, car le mal de crâne n’en restait pas moins présent, et Eli se sentait aussi mal en point qu’il n’avait l’impression d’être poisseux. « J’ai pas la force de me traîner jusqu’en bas pour me laver », se lamenta-t-il, quelque peu théâtral, conscient qu’il formulait un caprice réservé aux milliardaires en se plaignant que la douche italienne de son yacht de luxe était trop loin pour son corps malmené par l’open bar de la veille. Il se leva avec un soupir exagéré, rassuré de voir qu’il ne titubait plus, et s’avança de quelques mètres, comme perdu dans ses pensées. Soudain, il tourna la tête et, par-dessus son épaule, annonça à Flora : « J’arrive dans deux minutes », avant de se précipiter vers le bord du yacht et de plonger gracieusement dans l’eau turquoise qui entourait le bateau. Cela ne valait certes pas une douche en bonne et due forme, mais aurait au moins le mérite de le réveiller et de lui insuffler un soupçon d’énergie vitale. Eli émergea en secouant la tête, barbotant paresseusement dans les flots de la Baie, s’éloignant suffisamment pour retrouver Flora dans son champ de vision. Lorsqu’il croisa son regard, il lui lança, tous sourires : « Hâte que tu puisses me rejoindre ! » Il ponctua sa phrase d’un éclat de rire et d’un clin d’œil complice, comme ressuscité. Difficile de croire que c’était le même homme qui, cinq heures plus tôt, semblait avoir achevé de noyer son cerveau dans l’alcool qui avait coulé à flots toute la soirée. Si l’on exemptait les cernes bleutés qui s’étiraient sous ses yeux azur, il semblait presque à nouveau au sommet de sa forme.

Quelques minutes plus tard, Eli remonta l’échelle menant au bateau et, le temps de rejoindre Flora sur les coussins où elle était installée, le soleil avait presque achevé d’évaporer les gouttes d’eau qui ruisselaient le long de son corps. Il détailla la tenue de la jeune femme, reconnaissant les vêtements bien trop grands pour elle qu’il lui avait tendus quelques heures auparavant avant de lui souhaiter bonne nuit. Son estomac remua légèrement en la voyant porter ses vêtements, mais seul l’amusement se lut sur ses traits lorsqu’il lui souffla, taquin : « Cet ensemble te va à ravir. Presque autant que ta robe d’hier, je dirais. D’ailleurs, je pense qu’elle doit bientôt être sèche. J’ai demandé qu’on te la lave. » Il se pencha en avant et finit son verre de jus d’orange, avant de lancer un regard critique à la teinte rosée que commençaient à prendre certaines parties de son corps. « Je vais chercher de la crème solaire. Tu veux quelque chose à boire, à manger ? », s’enquit-il avant de s’éclipser à nouveau, mû par une énergie dont l’origine restait indéfinissable. Lorsqu’il réapparut, ce fut les bras chargés d’un plateau qui, en plus d’un tube de crème solaire, débordait de nourriture en tous genres – du saumon fumé, du yaourt au granola, des œufs agrémentés de caviar, des huîtres, une corbeille de fruits, un pichet de jus d’orange frais et une bouteille de champagne. Précautionneusement, il déposa le plateau sur la table devant eux. « J’ai l’impression qu’ils ont loupé le moment où j’ai frôlé le coma éthylique hier – ou alors, ils se sont dit qu’il fallait soigner le mal par le mal », commenta-t-il au sujet du champagne, avant de se servir à manger, guidé par un appétit jusque-là insoupçonné. Au milieu d’une bouchée de saumon, il se rappela ses coups de soleil naissants et délaissa le festin pour s’éloigner de quelques pas, désireux de ne pas asperger le plateau de crème solaire. Quelques minutes durant, il entreprit laborieusement de se tartiner le corps, soufflant et soupirant de manière excessive en mimant l’effort surhumain que représentait cette corvée. Il tendit ensuite le flacon à Flora avec un sourire complice. « Tiens. Je ne voudrais pas être responsable de tes brûlures au troisième degré. »

Eli mangea jusqu’à plus faim, bavardant de tout et de rien avec Flora et poussant la témérité jusqu’à leur servir deux verres de mimosa, buvant toutefois avec bien moins de conviction que la veille. Au milieu d’une phrase, il fut distrait par la sonnerie de son téléphone abandonné sous les coussins, et, peu désireux d’être interrompu au milieu de la conversation, Eli coupa la tonalité et s’apprêta à reporter son attention sur Flora lorsque son regard fut attiré par la flopée de notifications qui s’affichèrent sur l’écran de veille. Il en ouvrit une et un rire incrédule s’échappa de ses lèvres en découvrant la publication à l’origine de toutes les alertes qui avaient inondé l’écran. L’un des invités avait immortalisé Eli et Flora au moment où ceux-ci avaient rejoint l’assemblée au moment du gâteau d’anniversaire, et publié la photo devenue virale en quelques heures. Eli, vêtu de son accoutrement ridicule, avait un bras enroulé autour du cou de Flora, ballotant à côté de son épaule, et tendait l’index de l’autre bras en direction de la caméra, souriant à pleines dents, tandis que la brune affichait une expression hilare, le regard porté sur un point en-dehors du cadre de la photo. Le nombre de partages et de réactions sur la publication était hallucinant, et Eli écarquilla légèrement les yeux en faisant défiler les commentaires sous la photo. « Regarde ça, comme on est adorables », rit-il en lui tendant le téléphone, lui-même conquis par la photo et l’air heureux qu’ils arboraient tous deux.

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