whisper words of wisdom

ROSALIE CRAINE & @MABEL GRIFFITHS

Tu n’avais pas gardé contact avec beaucoup de mères de ce groupe de first time mums que l’on t’avait assigné après la naissance de Gabriel. Tu avais suivi les quelques semaines où le groupe était animé par une infirmière qui prodiguait des conseils que tu étais incapable d’utiliser avec ton fils. Tu avais même été aux premières rencontres du groupe qu’une autre des mamans avait organisé au parc, et puis dans un café, mais tu étais rapidement venue à la conclusion que tu n’avais pas d’affinités avec ces mères qui semblaient apprécier chaque seconde de leur maternité, toujours prêtes à en faire un peu plus alors que tu avais longtemps eu l’impression que tu gardais à peine la tête hors de l’eau. Mais si au sein du groupe tu n’avais jamais eu l’impression d’avoir ta place, tu t’étais toutefois liée d’amitié avec Mabel qui avait su te comprendre et t’écouter au sein du groupe, qui t’avait aussi fait savoir que pour elle aussi, la maternité n’était pas que joie et moments parfaits. Garder contact avec elle n’avait pas été une décision difficile à prendre, et tu appréciais de pouvoir voir la petite Rosalie grandir au même rythme que ton Gabriel, de les voir développés des capacités similaires mais à la fois différentes, selon leur propre timeline.

Gabriel s’amuse avec les copeaux de bois qui entourent l’air de jeux du parc, qu’il inspecte avant de les relancer sur le sol. Depuis qu’il a commencé à marcher il y a quelques semaines de cela, il est fasciné par toutes les petites choses qu’il peut attraper, mâchouiller, lancer, écraser et plus encore, rendant chaque petite tâche et chaque transition d’autant plus longue. « Désolée du retard. » Tu relèves le regard pour voir ton amie et la petite Rosalie qui s’avance tranquillement en direction de ton fils, bien que ce dernier soit toujours aussi occupé avec les copeaux de bois. « Cette petite demoiselle vient d’acquérir la marche, et elle ne perd pas une occasion de pratiquer! » « Oh, mais regarde-toi aller miss Rosie, tu as encore grandi depuis la dernière fois! » C’était fascinant de réaliser à quel point les enfants grandissaient vite à cet âge-là, et même si tu voyais Mabel de manière assez régulière, la petite Rosalie te semblait complètement changée à chaque fois. « Comment tu vas depuis la dernière fois? » Le temps des fêtes venait de se terminer, tu retrouvais peu à peu une certaine routine dans ton quotidien, même si tout pouvait potentiellement changer dans les mois à venir. « Bien, occupée. Entre Gabriel et la parution prochaine du premier roman que j’ai édité, disons que ça laisse pas beaucoup de temps libre. » que tu lui réponds avec un léger rire. « Et toi? Comment tu vas? Tu as passé un beau temps des fêtes? » Gabriel semble enfin remarquer la présence de la petite fille et c’est à petits pas qu’il s’approche d’elle, lui tendant un copeau de bois. « Je sais pas pour toi, mais Gabriel veut toujours à absolument tout en ce moment. » que tu commentes en hochant la tête, amusée de le voir émerveiller par les choses les plus simples qui soient.

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« Il est à propos de quoi ce roman déjà? » Un léger sourire apparaît sur ton visage, une fierté visible s’y faisant aussi une place. Tu n’avais pas pour habitude de vanter les mérites des autres, toujours bien plus centrée sur tes propres projets et tes propres réussites, mais il y avait longtemps que tu n’avais pas écrit quoique ce soit à ton nom, si ce n’est pour de la musique que tu ne te sentais pas encore prête à partager avec qui que ce soit. Le roman de Gaïa demeurait donc, dans l’immédiat, ton seul pied dans le monde de l’écriture et le fait d’y avoir contribuer, à ta manière, suffisait toutefois à t’apporter un certain sentiment d’accomplissement que tu n’avais pas ressenti depuis presque deux ans maintenant. « C’est un thriller juridique. » que tu réponds simplement avant d’ajouter : « Quelque chose de vraiment captivant, mais je suis peut-être un peu biaisée. » Tu connaissais l’histoire à l’endroit et à l’envers, tu connaissais tous les petits détails, avaient discuter les trous et les personnages au point d’en devenir presque folle, mais tu aimais le résultat final et tu espérais que ce serait aussi le cas des futurs lecteurs. « Tu lis beaucoup? » que tu lui demandes, curieuse. Tu n’avais plus le temps de lire comme avant depuis la naissance de Gabriel, et tu imaginais bien que la situation devait être similaire pour Mabel, mais tu ne dirais jamais non à une conversation littéraire, toi qui t’ennuyais un peu de ton ancien cercle de connaissances ne serait-ce que pour ça. « On a passé Noël juste toutes les deux, et c’était très agréable. Un peu étrange d’être couchée si tôt un jour de fêtes, par contre! » « Je comprends, nous nonn plus, on a pas veillé très tard. Gabriel est en charge de l'horaire. » que tu commentes avec un rire. Les journées ont tendance à commencer bien trop tôt depuis la naissance de Gabriel et puis vous non plus, vous n’aviez pas cherché à célébrer avec de la famille élargie. Ça n’avait été que Wyatt, Gabriel et toi, votre petit cocon et ça avait été absolument parfait. Surtout que depuis, vous aviez pris la décision de potentiellement ajouter, à ce petit cocon.

« Depuis qu’elle marche, elle veut elle aussi toucher à tout, et surtout tous les objets auxquels elle n’avait pas accès quand elle était à la hauteur du sol. Au moins, ça m’a permis de refaire un gros tri dans le salon. » Tu échappes un léger soupir, comprenant un peu trop bien ce à quoi Mabel fait mention. « Oui, nous aussi on a été obligé de refaire la décoration du salon. Gabriel nous a fait une petite frousse avec des livres dans la bibliothèque qu’on avait pas bougé assez vite. » Une vague de gêne et de honte te parcoure, avec cette sensation d’horreur qui ne te lâche jamais quand tu repenses à l’accident de ton fils. Tu n’avais pas l’habitude d’en parler, mais tu faisais confiance à Mabel, et si elle pouvait apprendre de ta maladresse pour s’éviter une visite à l’urgence avec la petite Rosie, c’était toujours ça de gagner. « C’est fou ce qu’ils sont rapides, une fois qu’ils commencent à bouger par eux-même. » Tu n’arrives toujours pas à croire qu’il y a un an à peine, un minuscule Gabriel était complètement dépendant de toi, et maintenant, il peut marcher, décider d’où il va, manger par lui-même (en faisant bien évidemment un vrai bordel sur son passage) et plein de petits acquis comme ça qu’il a accumulé sans même que tu ne le réalises. « C’est fou, j’avais l’impression qu’il était tellement plus grand qu’elle au début, mais maintenant ils ont presque la même taille. » Tout de la maternité était fou, il te semblait, et tu étais toujours aussi rassurée de réaliser que Mabel avait les mêmes pensées que toi face à tout ça, qu’elle aussi avait du mal à réaliser l’ampleur de tout ce qui avait pu se passer en une courte et à la fois très longue année. « Imagine tenir un nouveau-né à côté de Rosie ou de Gabriel, ils auraient encore plus immense. » que tu ne peux t’empêcher de commenter, l’idée d’un nouveau bébé dans ta vie omniprésente depuis que Wyatt te l’avait proposé, le matin de Noël. « C’est quelque chose à quoi tu penses, avoir d’autres enfants, si les circonstances te le permettent? » que tu ne peux t’empêcher de lui demander, consciente toutefois que Mabel est divorcée et qu’aux dernières nouvelles, elle n’a personne d’autre dans sa vie. Mais tu es aussi bien placée pour savoir qu’une famille, ça ne se construit pas seulement de la manière la plus traditionnelle qui soit, même si le portrait de la tienne se veut de plus en plus conventionnel, malgré son début un peu (beaucoup) chaotique.

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« Je lis beaucoup… De romans pour enfants. Honnêtement, je lisais déjà pas beaucoup avant, parce que je prenais pas le temps de sélectionner des livres qui auraient pu me plaire. Mais là, clairement, je lis que pour Rosie. Toi, tu dois prendre un peu plus le temps de lire, avec ta boîte d’édition? » Tu hoches la tête légèrement. Ton niveau de lecture n’était clairement plus ce qu’il était, mais il était vrai que pendant l’édition du roman de Gaïa, tu avais été emmené à te replonger dans différents univers de suspense, ne serait-ce qu’à titre de recherche, mais aussi un peu par plaisir. Plus Gabriel vieillissait, plus tu avais le temps de retrouver un peu de tes passions, de ta personne en dehors de ton rôle de mère, mais aussi en dehors de ton couple à la fois récent mais de ta relation avec Wyatt qui date pourtant depuis plusieurs années. « Ma bibliothèque est aussi remplie de livres pour enfants. » que tu avoues avec un rire. « Mais j’ai pu recommencer à lire un peu dans les derniers mois et bosser sur le roman de Gaïa était l’excuse parfaite pour ça. La prochaine étape serait de recommencer à bosser sur mes propres projets. » Mais ça, ce n’était pas encore à l’ordre du jour et tu ne savais pas si ça le serait de sitôt. « Oh j’imagine assez bien… La première fois qu’elle a vraiment rampé plus de quelques centimètres, c’était pour aller toucher ma guitare que j’avais posé plus loin… J’ai juste eu le temps de l’attraper pour pas que ça lui tombe sur le nez. » Il y avait quelque chose de drôlement soulageant à entendre les accidents ou les risques d’accidents d’un autre parent, qui te rappelait que tout le monde passait par-là à un moment ou un autre. « Je savais pas que tu jouais de la guitare. Ça fait longtemps? » La musique était une passion chez toi que tu redécouvrais depuis peu et tu ne pouvais que te faire curieuse sur la place que cette dernière prenait dans la vie de la Griffiths. « Un jour, ils râlent parce qu’ils n’arrivent pas à se tourner, et le lendemain ils traversent le salon en deux secondes, juste quand on regarde ailleurs deux secondes! » Et bientôt, les deux bambins se mettraient à courir, à grimper partout et de simplement les voir ensemble, émerveiller par les plus petites choses, tu peinais à réaliser qu’il y a quelques mois encore, ils étaient tout petits.

« J’ai plein de photos de Rosie avec sa cousine Paola. Dont une quand Pao avait quelques jours… Rosie était toujours mon petit bébé, mais elle était si immense à côté de sa cousine! » Tu avais toi aussi quelques photos de Gabriel avec la petite fille de Maddy, et la différence entre les deux étaient époustouflantes, quand bien même il n’y avait que quelques mois qui les séparaient. « Avoir un enfant, c’était pas vraiment quelque chose que je voulais… Mais en avoir un deuxième? Je crois que j’aurai trop peur de reproduire les erreurs que mes parents ont fait avec ma sœur et moi. » Tu hoches doucement la tête. Tu connaissais vaguement l’ambiance dans laquelle les sœurs Griffiths avait grandi, une ambiance bien trop similaire à celle qui avait régné chez les Craine et tu devais admettre que l’idée même de reproduire ce schéma te terrorisait, même si tu n’avais pas envie qu’elle te bloque dans ton envie d’agrandir ta famille. « Avoir deux enfants me terrifie. Et je trouve toujours Rosie si petite, je vois pas comment je pourrais m’occuper d’elle tout en gérant un nouveau-né. » Tu acquiesces une fois de plus. « J’ai à peine un an de différence avec mon grand frère. Je sais pas non plus comment ma mère a pu gérer, même si bon, la présence d’une nounou a clairement aidé à la chose. » que tu commentes avec un léger rire amer, penser à ta mère et ton grand frère n’ayant rien de quelque chose d’agréable dernièrement. « Tu penses à donner un petit frère ou une petite sœur à Gabriel? » Mabel avait visiblement compris pourquoi tu lui avais posé les questions, et c’est avec un peu d’hésitation que tu hochas doucement la tête de haut en bas. « On y pense sérieusement. Les choses vont bien avec Wyatt, et tous les deux on imagine pas Gabriel rester un enfant unique. » Wyatt avait toujours eu une relation complice avec sa sœur, malgré le fait qu’aujourd’hui elle était aux abonnées absentes, et même si tes propres liens avec tes frères et sœurs étaient complexes, tu savais toute l’importance qu’avait ta fratrie dans ta vie, dans ton développement et tu voulais offrir ça à ton fils, sans l’aspect malsain de compétition. « Je veux pas trop attendre parce que ma grossesse avec Gabriel a déjà été compliqué et j’approche la quarantaine… Mais j’veux pas non plus sauter d’étape. » La crainte que tout puisse aller mal de nouveau te paralysait, mais tu ne voulais pas non plus attendre et prendre le risque qu’une nouvelle grossesse ne soit pas dans les cartes pour toi.

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« Depuis que je suis enfant. Mes parents tenaient à ce qu’on fasse de la musique, et j’ai vite préféré la guitare au piano. Je pourrais pas dire vraiment pourquoi. » À tes yeux, il est difficile de comparer le piano et la guitare. Ce sont deux instruments qui apportent une touche complètement différente à une chanson, à une mélodie et il n’y a selon toi pas d’instrument qui soit supérieur à un autre. Tout est une question de préférence et lorsqu’il s’agit d’en jouer, c’est peut-être même une question d’être complètement à l’aise avec l’instrument lui-même. « Tu joues souvent? Ou c’est plutôt un passe-temps, quand l’envie te prend? » Tu avais toi-même un clavier et une guitare à l’appartement, les deux que tu mettais à bon usage depuis plusieurs mois maintenant, même si tu ne savais pas réellement quoi faire des multiples compositions qui s’entassaient désormais dans un coin de ton bureau. La passion était là, l’inspiration tout autant, mais tu ne connaissais rien de l’industrie de la musique, tu n’étais même pas certaine d’avoir envie de t’exposer de cette façon, l’impression claire que ta musique te rendrait bien plus vulnérable que tes romans ne l’avaient jamais fait par le passé. Il y avait tellement de choses à considérer, trop de variables à additionner et pour l’instant, tu te contentais, à défaut de réellement t’y plaire, de ton rôle d’éditrice en espérant qu’un jour, les réponses à tes questions t’apparaissent clairement.

« Un an d’écart? J’admire… L’idée de repartir dans les couches et les biberons alors que Rosie a encore eu mal à faire ses nuits… Je la trouve mignonne parce que c’est mon bébé, mais vraiment, j’ai hâte qu’elle sache parler, et qu’on puisse plus facilement aller se promener sans devoir penser à prendre la moitié de la maison! » Un rire t’échappe au commentaire de Mabel. Il est vrai que malgré l’indépendance que gagnait vos bébés au fil des semaines, ils avaient encore énormément besoin de vous et rendaient la tâche compliquée de faire des plans moindrement spontanés. « Je pense que c’est justement parce qu’on est encore dans les biberons et dans les couches avec Gabriel que je me dis "aussi bien tout faire d’un coup". » que tu admets en haussant légèrement les épaules. Si tu tombais enceinte dans les prochaines semaines ou les prochains mois, il y aurait plus ou moins deux ans de différence avec Gabriel et ça te semble être un écart pas complètement impossible, même si franchement tu ne sauras pas réellement ce que c’est tant et aussi longtemps que tu n’auras pas la pleine responsabilité de deux petits êtres humains. « Si c’est important pour vous, et que vous êtes soudés pour vous occuper d’eux, tout devrait bien se passer. » Tu hoches doucement la tête, laissant les mots de la Griffiths se graver dans ta tête. Tu voulais réellement croire que vous étiez soudés et que vous étiez dans une place assez forte et assez bonne pour pouvoir mettre à bien ce projet qui allait tout chambouler sans l’ombre d’un doute. « J’ai toujours voulu une grande famille, mais je m’y prend un peu tard. J’imagine pas Gabriel rester enfant unique. » Et si tu n’aurais jamais osé imposer quoique ce soit à Wyatt, le fait que l’idée et l’envie vienne de lui avait allumer un rêve auquel tu n’avais pas envie de renoncer.

« Mais bon courage! Mes souvenirs du premier trimestre, c’est tellement de fatigue que certains soirs, j’arrivais à peine à lever la main pour pouvoir manger. Peut-être que quand tu as déjà un enfant, et qu’il est là à te demander des trucs, tu oublies plus facilement ton inconfort? » Tu hausses les épaules. « Je pourrais pas dire. J’ai fait un déni de grossesse avec Gabriel. Quand j’ai su que j’étais enceinte, j’étais déjà dans mon deuxième trimestre. » Tu ne sais pas pourquoi tu lui confies tout ça subitement, mais les mots coulent et pour une fois, tu décides de ne pas avoir honte. De ne pas te terrer derrière tes secrets et tes cachettes, derrière ce que ta famille voudrait effacer de ton histoire. « C’était une période compliqué, je venais de me séparer de mon ex-fiancé et clairement, la grossesse n’était pas à l’agenda. » Mais jamais tu n’avais regretté de continuer ta grossesse. Jamais tu n’avais douté de l’amour que tu pouvais porter pour ton fils. Tout le reste avait été incertain à ce moment-là. Mais pas ça. Et maintenant, tu étais plus heureuse que jamais, plus comblée que tu ne l’avais été depuis des années et ça, tu le devais à Wyatt et à votre fils. Mabel te sort de tes rêveries lorsqu’elle avertit sa fille de ne pas mettre des copeaux de bois dans sa bouche et ça t’arrache un nouveau rire. Vraiment à cet âge-là, il n’y a rien à l’épreuve de vos enfants. « Tu sais qu’on a des snacks si tu as faim? Ce sera meilleur que tout ce bois sale. » « Ça aide à booster leur système immunitaire. » que tu commentes en blague alors que Mabel et toi vous occupez à sortir les collations et installer le tout pour obtenir l’attention de vos petits humains. « Comment va Maddy et la petite Paola? Il y a un moment que je n’ai pas eu de ses nouvelles. » que tu lui demandes tout en offrant un biscuit à ton fils.

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« Ma guitare est toujours sortie, mais elle ne sert plus qu’à divertir Rosie… Ça me manque un peu de ne plus pouvoir vraiment en jouer! » Tu hoches doucement la tête, affreusement consciente toi aussi du manque de temps qui semblait s’accumuler plus Gabriel grandissait. Certes, il n’avait plus besoin d’être dans tes bras en permanence, mais il était encore clairement dépendant de ta personne et avait besoin d’une surveillance accrue, surtout pendant cette période actuelle où il semblait avoir envie de se mettre absolument tout dans la bouche. Tu savais que ça ne serait pas éternel et qu’éventuellement, tu aurais plus de temps pour toi, sauf si évidemment, tu retombais enceinte prochainement et que tout serait à refaire. L’idée ne te déplaisait pas toutefois, tu sentais ton horloge biologique qui se faisait de plus en plus rapide et tu savais que tu n’avais que quelques années encore avant que l’idée d’être enceinte de nouveau ne devienne dérisoire. « Tu es proche de ta fratrie? » La question était traîtresse en quelque sorte, puisque tu ne savais plus vraiment quelle réponse offrir. « En grandissant surtout, oui. » que tu réponds d’abord, pinçant les lèvres alors que les souvenirs de cette relation privilégiée que tu avais longtemps entretenue avec ton aîné te revenaient les uns après les autres. « Je sais plus si je t’ai dit que j’étais la deuxième d’une famille de cinq enfants? » Et qu’évidemment, tu ne connaissais rien d’autre que le schéma d’une famille nombreuse, bien que vous aviez été élevé plutôt par des nounous que par des parents aimants et bienveillants, un pattern que tu cherchais évidemment à changer avec ton fils et tout autre enfant potentiel. « On avait pas les parents les plus présents, mais entre nous, on a toujours été plutôt protecteurs. » Et si tu déplorais les circonstances actuelles entre Garrett et toi, tu souhaitais tout de même offrir cela à ton fils : quelqu’un qui serait là dans les hauts et dans les bas, quelqu’un avec qui faire les quatre cents coups et sur qui compter en toutes circonstances. Peut-être conservais-tu une idée biaisée de ce que ça pouvait être, mais tu avais envie d’y croire même si la réalité risquait d’être bien différente.

« Tu as fait un déni? » Tu hoches doucement la tête, peu étonnée par la surprise habitant désormais le visage de Mabel. Ce n’était pas quelque chose d’incroyablement commun, et tu te considérais chanceuse d’avoir réaliser être enceinte au début de ton deuxième trimestre et non pas plus tard dans ta grossesse, ou même à l’accouchement, considérant déjà que tu n’avais pas eu assez de temps pour te préparer à l’idée entre les conflits avec Wyatt et ceux avec ta famille. Au final, malgré les complications, Gabriel demeurait la plus belle chose qui te soit arrivée. « C’est… Je trouve ça fascinant la manière dont le corps peut cacher tous les symptômes! » « Quand j’ai eu ma première échographie, j’arrivais pas à y croire. J’étais déjà à quatorze semaines. » que tu lui avoues avec un léger rire nerveux. C’était surréaliste, de te retrouver là et de voir le petit être déjà bien formé, qui n’avait rien à voir avec ce petit blop que ta belle-sœur t’avait montré lorsqu’elle était enceinte de ton neveu et qu’elle avait fait sa première échographie, à sept semaines. « Et Gabriel est né prématuré, ça m’a pas donné beaucoup de temps pour me faire à l’idée. » que tu lui avoues et tu te dis aujourd’hui que c’est probablement pour ça que tu as eu du mal à connecter avec ton fils, pendant ces premières semaines où le sommeil se fait rire, en plus de tes hormones en vrac et de ta convalescence compliquée. Mais malgré tout ça, tu considérais l’idée d’avoir un autre enfant. C’était peut-être stupide, mais tu avais envie de croire qu’une autre expérience pourrait être complètement différente, et peut-être venir apaiser les traumatismes qu’avaient engendrés toute cette première grossesse.

« Je pense que la crèche a bien boosté son système immunitaire! Au moins, j’aurais enfin appris à lui laver le nez avec les pipettes de sérum physiologique. » Tu fais une grimace avant d’échapper un rire, les maladies constantes des enfants étant quelque chose à quoi vous n’échappiez pas non plus. « Gabriel ne va pas encore à la crèche, mais on n’y échappe pas non plus. Entre les parcs et les salles de jeux, on réalise pas à quel point ces petits monstres sont de vrais porteurs de microbes. » Tu avais beau faire ton possible pour empêcher la propagation des germes dans l’environnement de ton fils, tu avais rapidement dû te rendre à l’évidence : les enfants aiment tout partager et tout se mettre à la bouche et c’est une réalité qu’il est impossible de complètement éviter. « Maddy et Paola vont bien! Pao commence à être assez grande et réveillée pour vouloir suivre Rosie, et c’est assez drôle de les voir essayer de jouer avec l’autre sans trop savoir quoi faire. » Il y avait en effet quelques mois entre les cousines et tu pouvais facilement t’imaginer la scène, quoique très attendrissante. « Tu vas sans doute le vivre mille fois si tu as ce deuxième enfant, mais chaque fois que je regarde Rosie et Pao ensemble, je me rends compte que mon bébé a bien grandi. » « On le voit bien juste à regarder Rosie et Gabi aujourd’hui je trouve. » Elle te semble loin l’époque où vos petits humains étaient constamment attachés à vous lors de ces rencontres de mums group.

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« Je savais que tu venais d’une famille plutôt nombreuses, mais je ne savais pas combien d’enfants. » Cinq enfants, ça avait tendance à refroidir et surprendre pas mal tout le monde et tu ne pouvais pas les blâmer. Dans un contexte de famille normal, cinq enfants, ça sonne probablement comme beaucoup de travail. Dieu sait que tu ne pourrais jamais t’imaginer tenter d’élever cinq enfants à la fois. Mais ce n’est pas réellement un rôle que tes parents avaient pris avec sérieux. Vous aviez été élevé par une ribambelle de nounous et de tuteurs en tout genre et tu n’étais même pas certaine de comprendre comment tes parents avaient pu en venir à la conclusion de continuer d’avoir des enfants quand il te semble qu’ils ne se tolèrent plus depuis si longtemps. « C’est cool si tu as une bonne relation avec eux. Avec ma soeur, c’était plutôt conflictuel… Je crois que j’aurai trop peur de reproduire ce schéma-là. C’est plus simple avec la fille de Maddy. Elles sont cousines, elles commencent à jouer ensemble. Peut-être que d’ici l’adolescence, elles se seront rapprochées. » « Je vous le souhaite. » Tu pouvais comprendre les appréhensions de ton amie et si elle se sentait plus à l’aise ainsi, de voir évoluer la relation entre sa fille et sa nièce, alors c’était le mieux qu’elle pouvait faire pour elle. Pour ta famille toutefois, tu craignais que ce ne soit pas suffisant, l’absence de relation entre Gabriel et Flynn une évidence qui n’était pas prête de changer. « Je comprends ce que c’est, les rapports conflictuels. Ça a toujours été une course chez moi aussi, à savoir qui serait le meilleur et en vieillissant, ça a clairement créer des fossés avec certains de mes frangins. » Tu penses notamment à Garrett et à Nina, des relations fissurées que tu n’étais pas certaine de pouvoir pleinement réparer un jour. « Mais il y a tellement de choses que je veux faire mieux que ma mère que je me dis sûrement que je peux faire attention à ça aussi. » que tu avoues avec un rire, même si cela n’effaçait pas complètement les craintes que tu possédais, d’un jour recréer le même schéma toxique que celui dans lequel tu avais été élevé. Tu voulais mieux pour tes enfants et tu espérais que tes intentions et le fait de vivre tout cela avec Wyatt qui avait un parcours complètement différent du tien suffiraient à ce que vous puissiez offrir mieux à Gabriel et tout autre potentiel enfant que vous pourriez avoir ensemble.

« Tu n’as pas peur de revivre la même chose? La prématurité, les conséquences qui vont avec… » Tu ne pouvais que hocher doucement la tête de haut en bas. Évidemment que tu étais terrifiée. Toute l’expérience de ta grossesse, de ton accouchement et de tes premières semaines post-partum avait été parsemé de galères en galères et ce serait mentir de dire que tu ne craignais pas revivre des scénarios aussi catastrophiques et traumatisants que ceux-là. « Terrifiée. C’est sans doute un peu masochisme de ma part de vouloir retenter l’expérience. » Mais il te suffisait de regarder Gabriel, de te souvenir de tous les bons moments, toutes ces petites choses que tu avais appris à chérir au fil des mois pour savoir que tu étais prête à tout risquer pour la chance de vivre un amour similaire à celui que tu portais pour ton fils. Pour offrir un autre enfant à Wyatt qui t’avait témoigné l’envie d’être papa à nouveau. Pour voir ce que cela pouvait faire à long terme sur votre relation et votre couple qui te semblait plus solide que jamais. « J’ai vu mon médecin il y a quelques jours qui m’a assuré que malgré ce qui s’est passé lors de mon accouchement avec Gabriel, les chances sont très minimes que cela se reproduise. Il n’y a rien qui dit que je ne pourrais pas avoir une grossesse complètement normale. »  Et tu avais besoin de t’accrocher à cette idée parce que si tu te perdais dans la peur, tu risquais de changer d’idée et ce n’est pas ce que tu voulais. Vous aviez déjà dit adieu à ta pilule et au condom avec Wyatt et même si tu ne t’attendais pas à ce que tu tombes enceinte en un claquement de doigt, tu savais mieux que personne qu’il suffisait d’une seule et unique fois pour que ça tienne. « Je sais qu’elle a grandi, mais je m’en rends jamais autant compte que comparé à un bébé plus petit. Parce que je l’ai vue grandir, et j’ai un peu oublié comment elle se lovait en boule contre moi, maintenant que dormir ensemble ressemble plus à un combat de catch. » « Ah oui, on a le même genre de nuit chez moi aussi. » que tu avoues avec un nouveau rire, les acrobaties constantes de ton fils rendant le sommeil une denrée rare et précieuse malgré les nuits un peu moins en dent de scie. « On pense à faire la transition dans un petit lit simple plutôt que la couchette, puisqu’il est clairement pas intéressé à dormir dedans la majorité du temps. » Le petit bonhomme n’avait pas trop de mal à débuter ces nuits dans sa chambre, mais les finissait rarement là-bas. Peut-être qu’avoir son propre lit de grand garçon pourrait le motiver. « T’arrives à l’imaginer plus grand, toi? Genre à l’école, à apprendre à lire? » « Pas du tout, toi? » C’était difficile de l’imaginer plus grand, surtout que tu peinais parfois à voir tout les progrès qu’il avait fait avant de te mettre à scroller les photos sur ton téléphone et réaliser à quel point Gabriel avait changé et grandi en quelques mois à peine. « Je sais déjà qu’il sera une petite terreur à l’école, comme son père. Il est actuellement dans une phase où il refuse que son père et moi on se démontre de l’affection. Il est le seul à pouvoir recevoir des câlins. » que tu confies en secouant la tête, ton regard rivé sur le petit garçon. « Je préfère pas m’y projeter trop vite. » Oh mais ça viendrait bien assez vite. Tout allait trop vite depuis qu’il était là, et tu aurais bien aimé pouvoir ralentir la cadence un petit peu ne serait-ce que pour réellement pouvoir en profiter.

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« Il y a tellement de choses que j’ai à leur reprocher que parfois, je ne sais pas si je fais vraiment mieux. » Tu peux parfaitement comprendre le sentiment de Mabel et tu réalises à quel point c’est dommage que ce soit le cas, à quel point tu es désolée pour elle pour l’environnement que tu imagines toxique dans lequel elle a grandi, le même qui a laissé durement ses marques sur ta personne, celle que tu étais et celle dont tu tentes avec acharnement de te défaire. « Je fais différemment, certes, mais est-ce que le résultat sera vraiment mieux? » « Le simple fait que tu te poses la question prouve que tu souhaites vraiment le mieux pour Rosie. Peux-tu en dire autant de tes parents? » Tu avais bien du mal à t’imaginer tes parents se remettre en question lorsqu’il était question des choix qu’ils avaient pris, que ce soit pendant ton enfance jusqu’à ce déménagement forcé à l’aube de ta majorité ou même leur décision de te tenir à distance maintenant que tu n’entrais plus dans le moule parfait dédié aux Craine. « Les parents parfaits existent pas, mais il y a une marge entre ceux qui veulent bien faire et ceux qui s’en foutent. » Tu avais beau ne pas connaître la Griffiths depuis très longtemps, une année de rencontres aléatoires au fil du temps ne faisait certainement pas d’elle une très proche amie, mais tu en savais assez sur elle pour dire sans l’ombre d’un doute qu’elle avait à cœur les intérêts de sa fille et qu’elles avaient toutes deux développer un très joli lien. « C’est quand même rassurant! J’espère que tu auras une grossesse normale. Et la joie de découvrir les nausées pas que matinales et la fatigue intense. » Un léger rire t’échappe. Les symptômes sont déprimants, mais tu donnerais tout et n’importe quoi pour la chance de les expérimenter. « Il faut que je tombe enceinte déjà, mais on croise les doigts. » Ce n’était plus entre vos mains désormais, la vie complètement en charge de décider si et quand vous seriez prêts à devenir parents de nouveau.

« Rosalie dort dans son lit à barreaux depuis quelques mois. On a commencé par les siestes, et maintenant elle y passe aussi ses nuits, avec moins de réveils. Ou en tout cas, elle arrive à se rendormir la plupart du temps. Même si elle doit faire du catch toute seule, vu les positions dans lesquelles je la retrouve. » Il n’y a pas à dire, les petits humains étaient des êtres fascinants, à être si minuscule et pourtant parvenir à prendre des espaces immenses dans un lit. « Est-ce que tu l’allaites encore la nuit? Ou elle arrive à faire des nuits complètes toute seule dans sa couchette? » Tu lisais partout qu’il était de plus en plus normal pour les enfants de quinze mois de ne plus avoir besoin de boire aussi fréquemment la nuit, mais tu avais l’impression que ton fils en avait toujours besoin, ne serait-ce que par réconfort. Se comparer était la pire chose qu’une mère pouvait faire, mais aussi la plus naturelle. « J’essaye de pas trop la voir trop grande mais en même temps, j’ai hâte qu’elle sache parler, ou qu’elle arrive à jouer toute seule un peu plus longtemps. C’est compliqué ça… Vouloir qu’elle soit grande, mais en même temps, vouloir que le temps s’arrête et qu’elle reste mon petit bébé… » Le vrai paradoxe des mères, tout vouloir en même temps mais ne rien vouloir manquer à la fois. « Tu penses qu’elle sera quel genre de gamine, quand viendra le temps d’aller à l’école? » Se projeter n’avait évidemment aucune garantie, mais ça t’amusait autant que ça t’effrayait de penser à un petit Gabriel de cinq ans, l’univers au bout des doigts, le monde à ses pieds. Il y avait quelque chose de simple et d’agréable à te retrouver ici dans ce parc avec Mabel et sa fille, regarder vos enfants jouets avec toute l’innocence du monde et pour une heure à peine, se permettre d’oublier tout des pressions extérieures qui pèsent trop souvent sur les épaules des mères.