When we're in the darkness, Only the blind can see
novembre 2023. ft. @Albane DumasTu avais terminé ta journée. Tu avais l’impression naïve que tu pourrais souffler, reposer ton esprit, au moins quelques heures. Tu rejoignais les vestiaires d’un pas pressé, ne pensant plus qu’à une chose, brûler cette cigarette. C’était une mauvaise habitude que tu reprenais lentement depuis quelques mois. T’étais déjà en train de fouiller tes poches, par réflexe, à la recherche de ton briquet, laissé dans ton casier. Alors ta main s’empare de ton portable, pour substituer ce manque. Tu jettes un œil à tes notifications, remarquant sans peine que Reese n’avait pas pris le soin de te laisser un message après ses appels manqués. C’est que ça ne devait pas être important. Et puis tu relèves tes opales. Tu sens ton coeur s’arrêter. Il peine à redémarrer, quand tu aperçois la silhouette d’Albane sur un brancard. Tu manques d’oxygène, le souffle figé dans tes poumons. Ton corps entier s’est arrêté, alors que tes opales vacillent sur le tube endotrachéal qu’on lui avait posé. Il ne t’a jamais paru aussi effrayant qu’aujourd’hui. Tu sens ton palpitant s’affoler de nouveau dans ta cage thoracique alors qu’elle disparait dans les couloirs. Elle était passée comme un éclair, qui foudroie, qui brûle, et pétrifie. Le myocarde est comprimé, alors qu’il bat plus fort, si bien que t’as peur qu’il explose sous la pression. Tes sens te reviennent lentement et tu retrouves pleinement conscience quand tu attrapes fermement la bouse d’un interne qui suivait le brancard. Tes articulations blanchissent alors que tu serres tes phalanges trop fort et inutilement autour du tissu. Le mouvement est si soudain qu’il sursaute, posant un regard étonné sur toi. « Qu’est ce qu’elle a? » Tu lui demandes, les traits décontenancés fronçant ton minois. C’est les premiers mots qui te viennent en tête. C’est la première chose que tu veux savoir. Parce que ça déverrouillera beaucoup d’autres interrogations. « Je sais pas, ils suspectent une overdose. » Tu fronces tes sourcils, l‘incompréhension ridant ton front. Mais tu ne réponds rien, de nouveau figé dans cette réalité qui t’échappe. Qu’est ce qu’elle consomme, Albane? « Il faut vraiment que j’y aille. Tu peux me lâcher? » Tu relâches rapidement la pression que tu maintenais jusque là de manière inconsciente, alors qu’à son tour il disparaît dans la foule. Et tu restes planté, hésitant. T’es partagé, déchiré entre deux envies contradictoires. C’est toujours comme ça avec Albane, t’as autant envie de l’étrangler que de la prendre dans tes bras. Et aujourd’hui, l’envie de suivre ce brancard surpasse la raison qui te pousse à l’ignorer.
Ça a fait du bruit, cette histoire. Si bien qu’un urgentiste avait du élever la voix pour que le personnel médical cesse de venir l’interrompre toutes les cinq minutes pour comprendre ce qu’il se passait. Y compris contre toi. Peut être surtout contre toi. Il y a eu quelques éclats de voix, et ton inquiétude mutée en agressivité n’avait pas échappé à tes collègues. La pression avait rompu la barrière de la courtoisie, brisé le professionnalisme. Une dispute avait éclaté entre le médecin urgentiste et toi, très peu en ta faveur, simplement parce qu’il n’avait pas exactement le même protocole que toi. Et évidemment, le tien était plus efficace, que tu t’entêtais à croire. Toute la rancoeur que tu avais envers Albane, tu l’avais reportée sur son médecin, comme s’il était responsable de son surdosage. Et on t’a rapidement consigné aux consultations pour te priver du service d’urgence, accompagné d’un blâme.
Ce n’est que le lendemain lorsque l’état d’Albane avait été stabilisé, que tu as été autorisé à rejoindre le service duquel tu as été viré. On t’a prévenu sans doute une dizaine de fois qu’au moindre dérapage, tu aurais affaire aux supérieurs suite à tes trop nombreux débordements. Parce que vous étiez sensés vous détester avec Albane, non? Alors on craignait le pire, avec cette visite inopinée. Tu étais entré dans sa chambre sans même toquer à la porte. Tu fais un pas ou deux, avant de la refermer. Puis tes opales sévères viennent plonger dans les siennes, fatiguées, et tu l’observes silencieusement. Tu restes mutique, de longues secondes, laissant l’atmosphère pesante vous engloutir. Cet éclat de haine, il était revenu. S’il avait été allumé par le sentiment de trahison après les aveux de Léo, il n’avait été qu’intensifié en l’apercevant à l’hôpital. Tu la détestais d’être là. Tu ne comprenais pas ce qu’elle foutait ici, dans ce lit d’hôpital. Comment elle avait pu en arriver là. Comment t’as pu passer à côté. T’as trop de questions qui t’ont privé de sommeil, cette nuit. « Qu’est ce que t’as foutu? » Des reproches, pour ne pas changer. T’as besoin de ça, cracher ce venin qui t’empoisonne. « Depuis quand tu te dopes aux opiacés? » Le secret médical, il avait fuité. Un secret était difficile à conserver au sein de l’hôpital, d’autant plus lorsque tu étais aussi motivé à le déceler. « C’est à ce point là pour que personne ne soit au courant? » C’était forcément à ce point là avec de la morphine. Mais le fait qu’elle s’en cache était toujours de mauvais présage. Et tu n’es pas certain que seule sa profession soit la cause de cette honte silencieuse. T’as bien peur qu’elle ne gère plus rien. Mais c’était peut être la meilleure option, parce que si c’était la première fois qu’elle en prenait, t’as bien peur qu’il soit volontaire, cet accident. Mais ça, tu ne l'envisages pas. gif (c) gifhunts4all
The younger me won't believe what I'm thinkin'. The younger me wanna do some shit different. He freaking out 'cause he don't wanna feel destined to wake up every day not recognizin' his reflection. Confession, sick never looked so sexy. Growin' up never looked so messy. The world we live in never felt so techy. Wonder if I went missin', would anybody miss me?
tw: overdose, ts
Elle aurait préféré ne pas se réveiller. C’était la première pensée qui lui avait traversé l’esprit quand elle avait ouvert les yeux ce matin-là, qu’elle avait enfin repris conscience. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps avant de réaliser où elle était, encore moins pourquoi. Malgré le cerveau dans le brouillard, les souvenirs avaient fini par lentement lui revenir. Elle se revoyait dans son salon en compagnie de Reese, puis dans la salle de bain à fouiller dans la pochette où elle cachait sa morphine. Elle revoyait les cachets dans le creux de sa main, une dose bien supérieure à ce qu’elle était habituée à prendre. Elle était retournée dans le salon, elle en était certaine. Puis, il n’y avait plus rien eu d’autre que le bruit des machines, que l’inconfort des tubes à oxygène contre ses narines et la sensation désagréable de la perfusion. Ce qu’il s’était passé entre temps, elle l’avait deviné. Un médecin qu’elle reconnaissait vaguement de son temps à l’hôpital était venu l’examiner, lui poser des questions sur comment elle se sentait. Il avait eu la délicatesse de parler de surdose de médicaments, de lui parler comme s’il s’agissait d’un malheureux accident. C’était ensuite qu’elle s’était souvenue qu’il était psychiatre, qu’elle avait remarqué les entrées un peu trop fréquentes dans la chambre. Le problème, c’était qu’Albane n’avait pas vraiment le loisir de trop réfléchir. Pas quand elle reconnaissait absolument tous les symptômes du sevrage se présenter. C’était l’avantage de la morphine ; une dose de naloxone, et les effets se retrouvaient inversés. La magie de la chimie qui avait servi d’antidote au poison qui, paradoxalement, était tout ce qui permettait à la française de tenir debout depuis plus de deux ans maintenant. Il y avait les signes qui ne trompaient pas, le cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine, les tremblements légers mais perceptibles, la transpiration même au repos, les crampes d’estomac qui l’incitaient à se recroqueviller. Elle les avait déjà rencontrés ces symptômes, chaque fois où elle avait voulu se reprendre en main. A quelques reprises, elle les avait même bravés. Tout ça pour finir par céder à la suite. Il y aurait les crampes musculaires, la fièvre, les vomissements, l’anxiété, la nervosité. Elle n’avait jamais réussi à surpasser cette phase-là. A chaque fois, Bane avait replongé, avait miraculeusement soigné ses problèmes grâce à un comprimé ou une aiguille. Sauf qu’ici, ce ne serait pas une option. Personne ne lui donnerait de quoi la soulager parce que ça ne l’aiderait pas réellement. On ne la laisserait pas non plus rentrer. Elle resterait juste dans ce lit, impuissante, à subir en attendant que ça passe. Elle savait que sa peine ne faisait que commencer et que chaque heure deviendrait de plus en plus difficile.
Tellement focalisée sur la douleur grimpante, la française n’avait pas eu le réflexe de fermer les yeux, de prétendre ne pas être consciente en entendant la porte s’ouvrir. Pire encore, elle avait fini par tourner la tête. Ses prunelles s’étaient heurtées à celles de Winston et elle sut immédiatement que la douleur dans sa poitrine n’était pas liée à son cœur qui s’affolait sous le manque. La sévérité de ses iris suffisait à rendre le silence insoutenable, à faire baisser les yeux à Albane qui se recroquevilla un peu plus sous ses draps. Elle ne pouvait pas le regarder. C’était au-delà de ses forces, au-delà de toute l’énergie qu’il lui restait de réaliser qu’il savait pourquoi elle était là. Un simple regard à ses analyses de sang aurait suffi à lui faire voir que chaque globule de son être était pollué par la morphine quand elle avait été emmenée en urgence à l’hôpital. Elle voulut répondre, mais sa bouche s’ouvrit sans qu’aucun son n’en sorte. Ses pensées semblent ricocher dans son esprit, cherchant comment se sortir de cette situation, comment mentir pour préserver ce secret qui avait été étrangement sauf jusqu’ici. Sauf auprès de Leo. Est-ce qu’elle aurait craché le morceau ? La française n'en savait rien. Elle voulait juste disparaître de la surface de la terre, ici, maintenant. « C’était un accident. » Sa gorge était sèche et sa voix bien plus rauque qu’à l’accoutumée. Tant pis. Ce n’était pas à Winston qu’elle demanderait le service de lui apporter un verre d’eau. Pourquoi il ferait ça, quand il avait bien rendu clair qu’il la haïssait ? Il aurait dû tenir ses distances, leur faciliter les choses. « Ça soulageait mes migraines. J’aurais pas dû mélanger avec l’alcool. J’ai perdu le fil. » C’était le mensonge qu’elle avait tenu un peu plus tôt, celui qui suppliait le bénéfice du doute sans toutefois le mériter. C’était plausible, dans un sens. Elle n’aurait pas été le premier cas de surdose de morphine aux urgences. Elle pouvait justifier sa consommation ; pas sa surconsommation. Surtout pour une ancienne infirmière et désormais étudiante en médecine, elle aurait dû savoir. Cela ressemblait à beaucoup de choses, mais certainement pas à un accident. La colère de Winston l’incitait à ne plus le regarder, se tourner dans le lit pour fixer le mur opposé. Quelle version serait la meilleure au final, qu’elle admette être une junkie, ou qu’elle admette avoir manqué de se foutre en l’air ? « Tu le saurais si je me dopais. » Ses ongles s’enfoncèrent dans ses paumes et ses yeux se fermèrent, comme dans une tentative vaine de se protéger d’une discussion à venir. Bien évidemment que non, il ne l’aurait pas su. Parce qu’elle était déjà sous substance quand ils avaient commencé à se fréquenter, qu’elle avait toujours pris le soin de prendre les cachets dans son dos ou de se piquer à des endroits auxquels il ne ferait pas attention. Parce qu’elle avait fait de la junkie sa personnalité et avait maîtrisé l’art de doser juste ce qu’il fallait pour fonctionner correctement. Il fallait croire qu’inconsciemment, elle avait atteint ce stade où elle ne voulait même plus garder le moindre contrôle. Ironiquement, l’overdose avait répondu à ces attentes : d’ici quelques heures, son corps la trahirait au-delà du supportable. « Sors d’ici. S’il te plaît. » Elle était trop vulnérable pour cette discussion, ou même pour sa présence. Il serait capable de la faire ressortir d’ici encore plus brisée qu’elle ne l’était et pouvoir au moins subir le sevrage en paix était l’une des seules décisions qu’elle pouvait encore prendre du fond de ce lit.
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novembre 2023. ft. @Albane DumasTu perds rapidement son regard. Pourtant tu le cherches, même si le tien garde sa sévérité. Mais elle rompt tout contact, comme depuis quelques semaines finalement. Sa voix est rauque, elle racle. « C’était un accident. » Elle adopte la première phrase qu’un accusé crache. C’était prévisible. Bien sur que c’était un accident. Elle n’imagine même pas à quel point tu l’espères ni à quel point tu t’en persuades déjà toi même. Ça te fait trop peur, que ça n’en soit pas un. T’as jamais été confronté à ça, tout ce que tu connais, c’est les overdoses maladroites, celles que l’on finit par faire après avoir repoussé sans cesse les limites. C’est celle que tu veux naïvement qu’Albane ait subi. Ça tu connais. Ça, tu sais qu’on peut s’en sortir, parce que c’était suffisamment fréquent dans les soirées que tu fréquentais en étant étudiant. « Ça soulageait mes migraines. J’aurais pas dû mélanger avec l’alcool. J’ai perdu le fil. » L’air sceptique qui se fige sur ton visage agacé est flagrant. Vu la dose ingérée, il est plus probable qu’elle te mente effrontément -encore-, plutôt qu’elle se soit trompée sur le nombre de comprimés. Ou alors tu t’inquiétais sérieusement des erreurs médicales qu’elle aurait pu commettre jusque là pour ne pas savoir lire une prescription. Faut il deja qu’elle en ait une, d’ordonnance. « Sacrée migraine, alors. » Et ça empestait l’ironie. Tu joues la naïveté à l’excès, feintant l’innocence assez grossièrement pour qu’elle comprenne que tu remettais sérieusement en doute sa parole. Elle te mentait trop, Albane, et chaque fois, ça te brisait un peu plus. Si la naïveté se logeait quelque part ce soir, c’était peut être dans le fait que tu crois encore qu’un jour, elle sera franche avec toi. Que si tu lui sèmes des miettes de confidences -qui à force, ne sont plus tellement des miettes-, elle se livrera à son tour, elle aussi. Et pourtant, tu te heurtes toujours à un mur. Il est glacial, épais. T’as l’impression que tu n’arriveras jamais à le percer. Mais tu t’obstines, quitte à ce que ce soit toi, qui finisses par totalement te disloquer. Elle se tourne face à la cloison, se détourne de toi. Elle n’a pas envie de te parler, la gestuelle était claire. Et ça t’agace. Ça t’agace de t’inquiéter, peut être. « Tu le saurais si je me dopais. » Une frasque de rire jaune brise le silence, léger, à peine perceptible. Parce que même ça, ça a du mal à sortir. Ce n’était pas la première fois qu’elle te cachait des choses. Encore moins concernant ce qu’elle ne considère qu’anecdotique, mais dont la gravité dépassait largement ce stade. « Ouais, bien sûr, je n’en doute pas. » Que tu souffles avec une certaine ironie marquée. Tu continuais d’adopter le second degré, sans doute pour ne pas te confronter à ce que tu penses. C’était plus simple pour toi de gérer comme ça. Parce que tu ressentais trop de choses en même temps que tu essayais d’ignorer. Entre la colère et la peine, tu sentais tes propres émotions te malmener rudement. « Qui est ce qui te fournit? Un médecin de l’hôpital? Ou le lieu où tu bosses? » Tu as la délicatesse de ne pas parler clairement du gang, même si vous étiez seuls. Mais tu as des doutes. Sa consommation vraisemblablement abusive d’opiacés remet rapidement en cause la prescription légale. Ou alors elle a trouvé le médecin le plus incompétent de l’hôpital; elle a même pu monter tout un stratagème, qu’est ce que tu en sais.
« Sors d’ici. S’il te plaît. » Tu marques une pause, l’hésitation t’envahissant. Tu ne sais pas quoi faire, et t’es aussi perdu qu’elle, finalement. Ça te bouffe, cette envie de rester dans cette chambre, de faire ce que tu n’as pas pu faire la veille, la surveiller -ou de veiller sur elle, mais la bienveillance était sérieusement mise à l’épreuve par les reproches incessants. T’as tout autant envie de balancer la chaise contre la fenêtre, pour entendre les éclats de verre ruisseler sur le sol. Tu lui en veux tant de te faire vivre ça, de te faire sentir aussi mal pour une personne qui ne t’apporte rien de bon depuis des mois. C’est un poison pour toi, Albane. Ou une drogue que t’as du mal à lâcher. Un peu comme elle et ses morphiniques, finalement. « Tu fais chier Albane. » Ça, tu le lui as déjà dit. Encore une fois la frustration ressort, mais ta voix est beaucoup moins ferme. C’est presque une plainte, comme si elle venait de te mettre un coup. Elle n’en est pas à son premier. Tu tentes malgré tout de t’avancer vers elle, au pied du lit, gardant néanmoins une certaine distance. Tu entrouvres tes lèvres une première fois, mais rien n’en sort, si ce n’est une sorte de soupir. Qu’est ce que tu pouvais bien répondre à ça. Tu passes une main sur ton visage tout en expirant bruyamment, avant que tes doigts ne viennent se loger dans le creux de ton coude déjà érythémateux. Tu rayes cette peau, traduisant l’anxiété de plus en plus dévorante. « J’ai qu’une envie c’est de me barrer, tu sais. Mais je comprends rien à ce que tu fais, à ce qu’il se passe, et j’en peux plus de ce merdier. » L’agressivité dans la tonalité de ta voix remonte comme en réaction à la fragilité que tu as pu laisser transparaitre. C’est instinctif, c’est de la défense pure. Parce que c’est que ce que tu devais faire avec Albane, te défendre, alors qu’elle ne devait ressentir depuis le début de votre échange que de l’attaque. gif (c) gifhunts4all
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Le mensonge était effronté, condamné avant même d’être considéré. Albane le savait pertinemment et pourtant, au fond de ce lit, il n’y avait pas grand-chose d’autre qu’elle pourrait bien dire. Elle ne dirait pas la vérité. Elle n’admettrait jamais que sa consommation était juste devenue hors de contrôle, et que le mélange avec l’alcool lui avait juste donné envie de s’anesthésier complètement. Ce mensonge, elle le ressortirait à tous les médecins qui passeraient, au psychologue qui viendrait inévitablement tâter le terrain pour évaluer son état. Elle se tiendrait à la même version jusqu’à ce qu’on lui accorde le bénéfice du doute, même si cela devait sérieusement remettre en doute ses capacités professionnelles. Elle n’était plus à une humiliation près Albane, et elle regrettait déjà d’avoir ouvert la bouche, de ne pas juste s’être terrée sous la couverture pour se concentrer sur le fait que son corps était en train de lui faire payer l’affront du sevrage. Feinter un quelconque flegme serait inutile quand elle sentait déjà les tremblements la prendre et la sudation humidifier les draps. Elle ne devait vraiment pas avoir fière allure, à l’instar de ses analyses de sang certainement. L’effet de manque ne serait pas si violent si la prise était occasionnelle. Même dans le brouillard, Albane entendait ses propres incohérences, sa propre manipulation à appeler à l’ignorance du brun. Il n’avait pas vu les signes quand ils se fréquentaient parce qu’elle savait comment les cacher, comment dissimuler l’euphorie avec l’alcool et l’apathie avec la fatigue. La morphine l’empêchait de vriller, lui offrait sans doute la seule constante dans sa vie. Toxicomane fonctionnelle, c’était le terme adéquat pour la décrire. Elle aurait aimé que l’ego de Winston gagne, qu’il se dise qu’il n’aurait jamais pu manquer les signes. Pourtant, il n’y avait rien dans sa voix qui laissait penser qu’il croyait le moindre mot qu’elle prononçait, bien au contraire. Comme si c’était un combat perdu d’avance, un qui serait sans la moindre once de pitié ou même de compassion pour son état. La question trop pointue lui arracha un frémissement désagréable. Sans doute parce qu’elle réalisait que à ce stade, Winston était la personne au monde qui connaissait la majorité de ses secrets à enterrer. Il savait pour Blanche, pour la Ruche, pour son addiction maintenant -quand bien même le mot n’avait pas encore été prononcé-. Cela aurait dû suffire pour une vie. A la place, elle se rappelait qu’elle pourrait être épinglée aussi sur le trafic de médicaments et falsification d’ordonnances. « J’avais du stock. » répondit-elle faiblement. Un mensonge qui aurait pu tenir trois ans plus tôt, là où tout avait démarré. Un accident de voiture, des fractures qui avaient justifié la prescription de ces cachets. Elle ne les avait jamais tous utilisés, alors quand l’idée d’en abuser s’était immiscée dans son esprit, elle n’avait eu qu’à ouvrir un tiroir. C’était occasionnel au début, tout comme le serait le fait de fumer un joint. Puis elle a amenuisé ses réserves et a dû trouver une solution. Son excuse était révolue depuis plusieurs années à ce stade. Mais quoiqu’elle dise, elle ne s’en sortirait pas. Winston ne la laisserait pas s’en tirer sans la moindre accusation, et le voir était bien trop difficile. Elle réalisait à quel point la distance s’était creusée entre eux. Si pendant de longs mois sa présence s’était toujours montrée extrêmement réconfortante, ce n’était plus du tout le cas. Il la fixait durement quand encore un an plus tôt, il serait sans doute venu s’asseoir à côté d’elle pour la serrer fort. Elle avait tout foutu en l’air, Albane le savait. Mais elle n’était pas en état de le réaliser pleinement. Elle faisait chier, peut-être bien. C’était pas la première fois qu’il le lui disait ou lui écrivait. C’était ce genre de paroles qui restaient gravées au fer rouge dans son esprit, continuait de la heurter dès qu’elle y repensait. Elle ne broncha pas, restant prostrée. Du coin de l’œil, elle le vit s’avancer, un mouvement stoppé net. De quoi rajouter à la douleur de la française, une qui se rajoutait à la liste de tout ce qu’elle était en train de traverser. Le pire étant qu’elle avait causé tout cela, toute seule comme une grande. Il n’en pouvait plus, à quoi bon rester et les torturer alors ? « Barre-toi pour de vrai alors. » Parce que c’était le fond du problème, n’est-ce pas ? Il était toujours là, elle aussi. Incapables de juste lâcher l’affaire et tourner le dos quand il le faudrait. Incapables de faire ce qui serait bon pour eux, de faire la part entre ce qui serait sain et ce dont ils auraient envie. « Je suis une salope, tu te souviens ? Celle que tu veux plus voir. » Sa gorge se serra, ses yeux s’humidifièrent. Elle ne les avait toujours pas oubliés ces messages, ou les semaines qui avaient suivies. Elle avait voulu se convaincre qu’il n’avait dit ça que sous la colère, qu’elle le méritait amplement. Sauf que cette fois-ci, elle avait été juste incapable de revenir et de prendre le risque d’encore s’en manger plein la gueule avant qu’il ne songe à se radoucir. « Tu peux pas décider de t’en faire quand ça t’arrange. » Venir la frapper quand elle était déjà à terre. « Je tenterai rien. » Que ce soit avec lui, avec les médicaments, avec sa vie. Elle serait encore exactement où il l’avait laissée s’il lui tournait le dos à nouveau.
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novembre 2023. ft. @Albane DumasElle est clairement peu encline à répondre, Albane. Tu la sens, cette gêne qui doucement s’installe avant qu’elle n’entrouvre ses lèvres. « J’avais du stock. » Sa voix est faible, et ses yeux évitent volontairement les tiens. Tu fronces tes sourcils, perplexe. « Il sort d’où ce stock? » Tu ne sais pas où elle veut en venir. Elle contourne le sujet, évitant soigneusement de te dévoiler la source de ses comprimés. Et pourtant, t’as du mal à lâcher l’affaire. Curiosité malsaine, tu cherches à comprendre comment Albane a pu en arriver là. Et plutôt que de saisir ce qui l’a poussée à consommer, tu cherches comment elle a pu se les procurer. « Barre-toi pour de vrai alors. » Tu devrais, n’est ce pas? Tu devrais prendre la mouche, claquer la porte en lui pointant ton plus beau majeur. Et pourtant tu restes hésitant. Tu crèves d’envie de tout effacer et tout recommencer avec elle. Mais t’as tout autant envie de lui cracher au visage avant de tourner les talons. « C’est ce que tu veux? » Tu lui lâches comme un reproche. Vous vous renvoyiez la balle, pour que le premier qui oserait tourner le dos porte toutes les responsabilités de votre échec aujourd’hui. Et pour l’instant, tu n’as envie qu’elle puisse te reprocher cet épisode plus tard et pointer du doigt ton absence. Ta présence faisait peut être mal, mais au moins, tu étais là. « Je suis une salope, tu te souviens ? Celle que tu veux plus voir. » Tu le lui avais craché au visage, témoignant ta rage, ou plutôt par téléphone il y a quelques semaines. Tu n’avais même pas trouvé le courage d’aller lui dire ça en face. Et c’était sans doute mieux, parce que ça aurait pire. C’était peut être finalement une forme de sagesse dont y avais fait preuve si on poussait la réflexion trop loin. Parce que tu ne saurais même pas quelle émotion aurait débordé en premier ce soir là, ni même ce que tu aurais pu dire ou faire. Tu ne préfères d’ailleurs ne pas y songer, trop effrayé de tes excès. « Oui je m’en souviens. » Et tu n’amorces même pas un mot évoquant un possible regret. Parce qu’elle l’avait été, une salope. Elle t’avait piétiné lorsqu’elle avait couché avec Leo. Un peu plus lorsque Leo te l’avait avoué. Et ça te brise de constater que ta première réaction, a l’évocation de la brune, à l’instant précis des révélations, avait été de camoufler ces yeux qui brillaient un peu trop dans le noir, trop humides en plein été. Tu aurais préféré t’époumoner dans la colère, comme tu le faisais si souvent.
Tu remarques ses yeux s’humidifier dangereusement et ça rajoute encore une tension. Tu avais déjà bien du mal à gérer tes émotions, alors celles des autres… Tu en étais incapable. Tu basculais sans cesse entre l’irritation et la compassion. Et ça en était d’autant plus agaçant. Elle te rajoutait une pression dont tu n’avais pas besoin. Si l’épreuve n’avait rien de simple pour toi, elle s’acharnait visiblement à te rendre la tâche plus complexe. Et tu ne penses pas un instant à la douleur qu’elle devait subir actuellement. Tu ne te doutes pas que sa souffrance psychologique était aussi aussi forte, si ce n’était plus, que la physique. Bien sûr, tu voyais ce visage blafard, ses yeux fatigués, son front humide, ces tremblements légers. Mais tu ne t’étais pas posé la question un instant, d’à quel point elle se sentait mal. À quel point elle avait touché le fond, à une profondeur que tu n’avais pas encore atteint. Comme d’habitude, tu ne te concentrais que sur toi et sur tes émotions ingérables, qui t’abîmaient un peu plus, lentement. « Tu peux pas décider de t’en faire quand ça t’arrange. » Ta réponse est rapide, comme une provocation face à la vérité qu’elle t’impose. Comme d’habitude, l’esprit de contradiction s’éveille brutalement. « Si. » Que tu souffles simplement. Tu avais toujours fonctionné ainsi. Et il fallait dire que tu ne choisissais pas toi même tes propres réactions, tu les subissais souvent, elles étaient trop spontanées pour que tu puisses les contrôler. La haine déferlait toujours plus vite que les remords, et la compassion peinait à faire surface. « Tu peux pas décider de la façon dont je suis sensé réagir. » Parce que tu n’arrives pas toi même à te décider sur la façon dont tu devais lui parler ce matin. Tu ne sais pas à quel point tu lui en veux, à quel point tu as peur, à quel point tu peux oublier les peines que vous vous êtes infligés. Et surtout qu’elle t’a infligé. « Et ça ne m’arrange absolument pas, de m’en faire aujourd’hui, tu sais. » C’était comme un aveu de l’inquiétude qui te rongeait autant que la colère. Tout serait si simple si tu n’en avais juste rien à foutre d’elle. Tu ne serais pas venu dans cette chambre, tu n’aurais pas emmerdé pendant de trop longues minutes un urgentiste, et tu n’aurais pas passé la nuit à fixer ton téléphone pour essayer de ne pas penser à Albane. « J’aurai préféré que tu ne sois pas ici. » Ne pas la voir, tout simplement. C’était pas première fois que tu la croisais depuis que Leo avait fini par avouer. Et c’était dans les pires circonstances. Tu n’avais même pas le temps de digérer la trahison que tu devais faire face à ce que tu as cru être un décès, l’espace de quelques minutes. « Je tenterai rien. » Tu ne comprends pas. De quoi est ce qu’elle parle? Tu ne sais même pas le sujet de cette confession. Elle pouvait autant parler de la morphine, que de toi. Tu sens ton coeur se serrer trop fort dans ta poitrine à cette simple pensé. « Qu’est ce que ça veut dire? » Tu as peur de la réponse sans doute. Ta gorge se serre dans un noeud douloureux. Mais t’as toujours cet air fermé, accusateur, qui fige tes traits crispés. gif (c) gifhunts4all
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Albane ne voulait plus répondre aux questions. Elle ne voulait plus devoir peser ses mots de peur d’être incriminée encore plus qu’elle ne l’était déjà, comme si mentir devenait encore plus difficile. C’était le tas, dans un sens. Elle était épuisée, se sentait incapable de détacher son attention du manque grandissant. Elle avait envie de disparaître six pieds sous terre plutôt que de se battre. Et plutôt que de lui laisser de l’espace, Win était là. C’était la première fois qu’ils se parlaient en face à face depuis qu’il avait appris pour Leo, pile dans un moment où elle se sentait extrêmement vulnérable. La confiance semblait réduite à néant, l’incitant à juste garder le silence quant à la provenance du stock. Elle pourrait lui donner l’histoire initiale de son accident de voiture, assurer qu’elle avait une prescription. Mais à quoi bon ? Il décèlerait le mensonge, risquait juste de se rapprocher du fait qu’elle consommait depuis bien trop longtemps. La française se sentait juste incapable d’affronter l’interrogatoire. Elle voulait juste être seule, loin de toute forme de jugement. Ce serait plus facile s’il pouvait juste tourner les talons. Sauf que s’il le faisait, elle n’était pas sûre qu’il revienne. C’était dire le niveau de fragilité que leur relation avait fini par atteindre. « J’ai jamais voulu que tu partes. » Elle avait merdé, oui. Sa connerie et ses non-dits l’avaient rattrapée bien des mois après la faute. Il fallait se rendre à l’évidence qu’elle les avait envoyés droit dans le mur. Mais subir l’impact quand elle pensait qu’ils allaient enfin s’en sortir avait fait un mal de chien, assez pour qu’elle ne sache plus comment les sauver une énième fois. Elle avait fini par respecter sa décision de lui tourner le dos pour de bon. Ils avaient eu leur lot de disputes en un an de relation, mais c’était bien la première fois qu’il l’avait insultée. Et ce n’était pas tant l’insulte en soi qui avait achevé de la briser, mais le fait qu’elle savait au fond de ses tripes que Win le pensait. La preuve était que rappeler cette conversation n’amena ni excuses, ni culpabilité. Ce n’était que la conséquence directe de ses actions. Malgré tout, le bouclé était encore là, au bout de son lit, à lui faire amèrement regretter d’être atterrie ici. Mais serait-il revenu à un moment si elle n’avait pas été dans un lit d’hôpital ? Albane ne voulait pas de son inquiétude, de ses questions, de ses reproches. Elle refusait d’entendre quoique ce soit concernant sa consommation, pas après autant de mois à la cacher savamment. Elle s’étouffait déjà assez sous la honte comme ça. Cette conversation avait un air de déjà vu, ironiquement. Ce n’était pas la première fois qu’elle essayait de temporiser ses réactions, et qu’il rejetait cela en bloc. Il avait raison, Win. Il n’y avait rien qu’elle ne puisse faire pour le dissuader de s’inquiéter s’il en avait envie. Elle était la seule à vouloir dédramatiser la situation quand sa simple présence dans ce lit était un signe d’alerte inquiétant. « Alors tu peux arrêter de t’en faire. J’irai bien. » Il savait comme elle qu’elle serait gardée sous haute surveillance, même si sur le point de vue médical, le sevrage n’aurait rien de fatal. Ce serait juste extrêmement désagréable. En réalité, c’était probablement cette journée qui était la moins inquiétante ; elle était dans un entre-deux, médicalement sortie d’affaire, et encore capable de tenir le coup sans avoir à grincer des dents. « Crois-moi, j’aurais aussi préféré ne pas être ici. » Sa vie lui manquait. Ses secrets lui manquaient. Ses trips chimiques au fond de son lit lui manquaient. Ne pas être regardée comme un danger pour elle-même lui manquait encore davantage. Et c’est sans doute ce qui l’effraie le plus. Elle n’a aucune idée d’où elle aurait préféré finir ce soir-là, si elle avait consommé en se disant que cela ne changerait rien à d’habitude, ou si elle avait pensé passer directement par la case morgue. Reese était là ce soir-là, elle osait croire que même défoncée, elle ne lui aurait pas imposé ça. Même dans ses pires jours, Albane s’était toujours vue trop lâche pour tenter quoique ce soit avec sa vie, préférant plutôt geler toutes ses émotions. Alors cela lui semblait nécessaire de préciser que cela ne se reproduirait pas. Tous ses schémas toxiques, mettre sa vie en péril aussi stupidement, se servir de Win comme bouée de sauvetage quand ils tanguaient déjà tous les deux. Non, elle ne tenterait rien de plus. Elle ferait ce qu’il fallait pour que sa vie redevienne comme avant, pour un peu que cela soit possible. « Ça veut juste dire que ça se reproduira pas. J’ai jamais eu l’intention d’en arriver là, c’était un accident. Je veux juste rentrer chez moi. » Cela n’avait pas empêché la situation de devenir hors de contrôle, chose qu’elle n’était pas prête à admettre. Peut-être qu’avec un peu de chance, une fois sevrée, elle y verrait plus clair, déciderait d’être une nouvelle personne. L’espoir faisait vivre, quand bien même aucune forme d’optimisme ne semblait habiter son corps à ce moment précis. « Alors rends-nous service à tous les deux et ne reviens pas me voir. » Si le regard était fuyant, le ton se voulait suppliant. Elle ne voulait pas qu’il parte, et cette pensée lui serrait le cœur. Mais elle n’avait pas voulu qu’il soit présent en premier lieu. S’il pensait qu’elle était tombée bas, alors il était inutile qu’il en soit témoin quand les symptômes plus violents du sevrage prendraient le dessus.
When we're in the darkness, Only the blind can see
novembre 2023. ft. @Albane DumasElle est silencieuse, évite consciencieusement certaines questions, pour réitérer des secrets qu’elle garde jalousement. Tu avais tout tenté avec Albane. T’avais essayé de t’ouvrir, de partager, de discuter. Pourtant, elle ne t’avait disséminait que quelques miettes en contrepartie. « J’ai jamais voulu que tu partes. » Et ça te créé un noeud, au creux de ton estomac. Déglutir devient inconfortable, t’avais l’impression que ta gorge se serrait lentement, comme pour t’étouffer. Alors tu redresses la tête, avales ta salive et prends une longue inspiration avant d’ouvrir tes lèvres, pour que cette gêne s’efface au mieux. « Moi non plus. C’était pas prévu, à la base. » T’étais bien, dans votre routine, initialement. Bien n’était sans doute pas le bon mot, puisque depuis le début, votre relation n’a jamais été saine. Mais elle t’allait bien, jusqu’à ce que Léo fasse irruption dans ce que vous aviez. « Ni la première, ni la deuxième fois d’ailleurs. » Ça ressemble à un reproche. Peut être parce que ça en était un. Tu n’avais pas pu lui en faire de vive voix depuis votre dernière séparation, puisque tu avais finalement opté pour un message venimeux. Tu ne sais pas quelle rupture, entre les deux, avait été la plus douloureuse. Sans doute la seconde, puisque tu as eu l’impression d’être franchement seul, après avoir compris le rôle qu’avaient joué Léo et Reese dans cette histoire. La trahison avait été plus violente, puisqu’elle venait de trois personnes à la fois. Le pire avait été le cas de Léo, celle avec qui tu avais passé plus de temps suite à ta première rupture avec Albane et à la disparition de Reese. Celle qui se foutait littéralement de ta gueule, et contre qui toute la rancoeur se concentrait. Si tu devais choisir une cible à abattre, c’était elle. « Alors tu peux arrêter de t’en faire. J’irai bien. » Tu souffles, exaspéré, tournant le regard vers un mur quand tu mors la muqueuse de ta joue pour ne pas siffler ton agacement. T’as pas envie de te battre pour briser cette carapace de faux semblants. Tu n’étais pas son psychiatre. Tu n’étais finalement plus grand chose en réalité. « Ouais. Si tu le dis. » Que tu abandonnes finalement, gardant tes opales portées sur n’importe quel objet plutôt que les opales bleutées d’Albane. Tu n’avais plus rien envie d’affronter, même plus son regard. « Crois-moi, j’aurais aussi préféré ne pas être ici. » Un soufflement de nez moqueur rétorque face à la réponse d’Albane. Elle est pourtant l’unique responsable de sa présence ici. L’unique à blâmer. « Dommage, fallait pas jouer avec des pilules si t’es pas capable de te gérer. » Tu passes à la provocation, ne sachant plus comment lui répondre. Tu ne sais même plus pourquoi tu avais mal aux tripes, ni pourquoi tu commençais à étouffer. C’était un mélange de colère, d’inquiétude, de rancoeur et de l’impuissance. Tout t’échappait. Albane t’échappait. Alors tu ne cherchais plus la meilleure façon de répondre. Tu te contentais de répondre. Et c’était déjà bien.
« Ça veut juste dire que ça se reproduira pas. J’ai jamais eu l’intention d’en arriver là, c’était un accident. Je veux juste rentrer chez moi. » Encore une fois, la lassitude face à ses réponses naïves se font remarquer. T’étais pourtant mal placer pour juger une addiction, encore moins le déni qui en découle. « Si t’as pas eu l’intention d’en arriver là, t’es pas à l’abri que ça t’arrive encore. J’vois pas ce qui changera la prochaine fois, vu ce que tu me dis. » Si elle compte reprendre ses habitudes, t’es certain de la recroiser non pas comme élève mais comme patiente. Tu te permettais ce genre de remarques quand celles la même devraient raisonner en toi. Tu faisais exactement la même chose qu’elle mais dans un autre secteur. Tu dilapidais ton argent et chaque fois tu en empruntais, t’espérais pouvoir être raisonnable. Pourtant la finalité était toujours la même, de plus en plus de dettes. Et tu ne te rends même pas compte de la similarité des histoires, baignant tous les deux joyeusement dans un déni profond. « Alors rends-nous service à tous les deux et ne reviens pas me voir. » Ça te blesse très clairement. Ça t’affecte assez pour que tu ne répondes pas. T’aurais bien envie de l’insulter de tous les noms, quand la seule chose que tu avais fait de mal depuis hier c’était t’inquiéter pour elle. Mais même tes réflexes aussi instinctifs qu’assassins te lâchaient aujourd’hui. Tu restes là, comme un con, tes sourcils se fronçant à peine. Tu entrouvres pourtant tes lèvres mais rien ne sort. T’es touché, visé dans le thorax et en plein dans ton crâne déraillé. Alors si ton corps te lâche autant que ton cerveau qui ne parvient plus à comprendre ce que tu ressentais, tu finis par complètement abandonner. Tu te terres dans le mutisme, dégluti une dernière fois en refermant tes lippes à présent scellées et tu sors de sa chambre. Tu ne claques même pas la porte en partant. Et c’était sans doute ça, qui était le plus inquiétant, ton manque de réaction. gif (c) gifhunts4all