Est-ce que je regrette la baffe que mon frère vient de se manger ? Ce serait mentir si je disais oui. Tout comme ce serait mentir si je disais non. Dans le fond, ce geste n'est que pure vengeance, car je n'ai, littéralement, pas la tête à trouver les mots justes pour lui faire comprendre à quel point il a merdé. Mais je sais qu'une fois que toute cette situation sera calmée, j'irais lui parler et nous aurons une vraie et sincère discussion lui et moi. En attendant, toutefois, je suis incapable de pouvoir lui faire face et c'est pour cela que je demande à Jackson de m'accompagner.

Le trajet jusqu'à l'hôpital se fait en silence, mon meilleur ami n'ayant pas besoin d'exprimer son désarroi par des mots. Une fois sur place, nous passons tous les deux par les mains des professionnels de santé qui décident que Jackson peut partir, mais qui préfèrent me garder encore en observation cette nuit, car le coup-de-poing était assez violent pour me filer une légère commotion cérébrale. Rien ne bien grave en soit et une situation de laquelle je devrais sortir sans séquelles, mais ils ne font suivre que le protocole nécessaire.

C'est ainsi que nous nous retrouvons, Jackson et moi, dans une chambre, moi allongée dans le lit inconfortable de l'hôpital et lui assit sur une chaise à côté de moi. Mon regard est posé sur lui depuis plusieurs minutes jusqu'à ce que, dans un soupir, il ne finisse par dire qu'elle va le rendre fou. Déglutissant, je baisse le regard et pince les lèvres « J'ai bien remarqué, oui » soufflais-je pour lui donner raison « Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Est-ce que tu vas aller lui parler ?» Demandais-je «Et si oui, est-ce que tu as déjà une idée de comment tu vas amener la chose ? » je me mordille la lèvre inférieure « En tout cas, je pense que Malik a retenu la leçon, lui » reprenais-je, un demi-sourire narquois s'affichant sur mon visage « Faudra que j'aille lui parler plus tard. »

Du temps. Voilà ce dont il a besoin Jackson. Il l'exprime clairement, mais même sans ses paroles, je pouvais connaître la réponse. C'est, avec un sourire compréhensif et un léger soupire, que je hoche doucement la tête, lui donnant silencieusement raison. « Ne rush pas les choses » dis-je en plantant mon regard dans le sien « Je sais que dans nos métiers, on ne cesse de nous répéter 'if you think you're dead' mais là… Réfléchis bien avant de prendre une décision et trouver la meilleure façon de la confronter »

Je prends une profonde inspiration, puis repose ma tête contre l'oreiller, levant un instant le regard vers le plafond avant que mon sourire ne se transforme en une légère grimace narquoise lorsque je parle de Malik et du fait qu'il a retenu la leçon, lui. C'est dommage, en vrai, qu'il en soit arrivé là. Je sais que les deux hommes de ma vie ont toujours été proches, autant par la force des choses que par le biais d'une réelle amitié et j'espère sincèrement qu'ils vont réussir à se rabibocher. Mais je me garde bien de le dire, ce n'est ni l'endroit et encore moins le moment pour aborder ce sujet. Et puis si Jackson a besoin de temps pour Marley, il en aura sans doute aussi besoin pour Malik.

Mon regard se repose à nouveau sur l'australien, lorsque celui-ci soupire en disant que c'est le karma et que Odin le punit pour l'histoire avec Mary. Je cligne un instant les yeux puis pouffe de rire « Non, le karma ça aurait été si c'est MOI qui avait couché avec Marley» répondais-je, amusée « M'enfin, y a pas de risque, ce n'est pas mon genre » elle est trop sexy, trop sulfureuse « Encore moins maintenant que j'ai un mariage à préparer. Et aussi ... »

Je laisse moi voix en suspens, pinçant les lèvres et mettant mon cerveau en route pour essayer de mettre les mots justes sur mes pensées. « Avec Erika, on a décidé de se lancer dans une démarche d'insémination » je relève la tête pour reposer mon regard sur Jackson « j'en ai jamais parlé à qui que ce soit, mais ça fait quelque temps que mon envie d'être mère grandit en moi et je ... » Je pince les lèvres « Enfin, on va commencer les démarches d'ici début février» ce n'est sans doute pas ce à quoi, Jackson s'attendait, mais en même temps nous n'avons jamais réellement évoqué nos envies respectives de procréer.

Peut-être n'aurais-je pas dû annoncer cela de but en blanc et encore moins maintenant ? Est-ce que l'hôpital est vraiment l'endroit propice à ces nouvelles ? Je n'en foutrement rien. Tout ce que je sais, c'est que Jackson est surpris, voire carrément choqué par ce que je viens de lui dire. Et y a de quoi je dois avouer ! S'il avait été à ma place et qu'il m'avait annoncé qu'il allait être père bientôt, je crois que j'aurais mis encore plus de temps que lui avant de réagir. Il me dit être heureux, que c'est formidable, mais le pense-t-il réellement ? Il y a fort à parier que non, il ne soit pas très sincère. Ne vient-il pas de voir tous ses rêves de couple voler en éclats il y a quelques heures ?

Je ferme un instant les yeux et soupire doucement, me sentant brusquement idiote et conne de lui avoir fait part des projets que nous avons Erika et moi « Désolé» soufflais-je alors qu'il me demande qui va le porter « Non, non oublie, je ... » Je lève la main et me pince l'arête du nez « je n'aurais pas dû le dire… Enfin, si je voulais te le dire, mais je m'étais imaginé la scène tellement différente. Je… On aurait dû être chez moi, avec une pizza, des bières et un match de basket, pas ici à l'hôpital. Et surtout pas après… » Avoir vu Marley et Malik se galocher comme des chèvres ajoutais-je, le passant sous silence.

«Enfin bon » je laisse échapper un lourd soupir et secoue doucement la tête « maintenant que c'est fait hein» je pince les lèvres et repose ma tête sur l'oreiller, relevant le regard sur le plafond « On ne sait pas encore qui le portera» haussais-je les épaules «Et pis, il nous faut un donneur » reprenais-je en reportant mon attention sur Jackson. L'espace d'un instant, je m'imaginais déjà lui demander s'il veut bien jouer ce rôle, mais je ne le fais pas. Ce ne serait pas intelligent de le faire.

Je n'aurais pas dû parler de cela maintenant. Ce n'était ni l'heure ni le moment, mais c'est fait, c'est dit. J'ai enfin mis des mots sur les désirs que je gardais enfouis au plus profond de mon être. Car si je n'en ai parlé avec personne d'autre que la principale concernée, c'était simplement car je ne savais pas comment l'emmener ni même si nous serions capable de mettre en route toutes ces démarches. Mais je me rends rapidement compte qu'au final, le plus simple, c'est d'être direct. Alors même si j'avais imaginé la scène et surtout l'ambiance bien différente, je suis, je dois l'avouer, assez soulagée de savoir que Jackson, la personne qui m'est la plus chère, est au courant.

Et lorsque je croise son regard après avoir exprimé le besoin d'avoir un donneur, l'idée folle de lui demander me traverse l'esprit. Mais est-ce réellement de la folie ? Ne serait-ce pas juste parfait en vrai ? Je connais l'homme qui me fait face, je connais la douceur et l'empathie qu'il peut dégager. Sous sa carapace forgée depuis des années, il est un homme qui aime les choses simples, qui est compréhensif et passionnant. Est-ce donc si fou que d'imaginer que c'est son ADN qui se mêlerait au mien ?

Lorsqu'il se déplace et qu'il vient poser sa tête sur mon ventre, me regardant à l'horizontale avec sérieux, il finit par briser le silence en m'avouant penser que le sperme me dégoûtait. « Pas le tien » soufflais-je, mes paroles étant plus rapides que mes pensées. Je ferme un instant les yeux et soupire doucement «Ce n'est pas le sperme le problème, c'est juste le fait que de coucher avec un homme ne me procure aucun plaisir et que je n'en vois pas l'intérêt » haussais-je les épaules alors que je lève une main pour la poser sur le crâne de Jackson, caressant doucement ce qui lui reste de cheveux « Et l'avantage avec l'insémination artificiel c'est que je ne suis pas obligé de coucher avec le donneur » reprenais-je, me demandant de plus en plus si mon meilleur ami arrive à lire dans mes pensées.

Cette conversation est tellement improbable dans tous les sens du terme et sur tous les plans et pourtant, nous la tenons bel et bien. Jackson remarquera très rapidement que, malgré toutes les circonstances, je suis on ne peut plus sérieuse lorsque je lui annonce, plus ou moins directement, que je le souhaite lui comme donneur. Même s'il le prend un peu avec humour, je vois bien dans son regard qu'il y songe sérieusement. Ou est-ce simplement mon envie profonde qui me fait voir de telles choses ?

Lorsqu'il dit que c'est triste de penser comme je pense, je hausse simplement les épaules sans faire de commentaire. Jackson a toujours accepté mon homosexualité à cent pour cent, il a toujours été là autant à me charrier qu'à me protéger des remarques désobligeante qu'on pouvait me faire en sa présence. On s'en est même souvent amusé. Et pourtant, je sais que dans le fond, mon meilleur ami à beaucoup de mal à comprendre mes différents raisonnements. Si je ne lui ai jamais demandé de me comprendre, je sais qu'il les accepte en général sans dire un mot.

Et puis, vient LA question qu'il aurait dut posé en première : quelle est la position d'Erika concernant cette idée ? Je hausse les épaules « On a vite fait évoqué l'idée, et même si ça ne l'enchante pas des masses, je sais qu'elle l'accepterait » je pince les lèvres « Ce sur quoi on est d'accord, ce sont les origines. Ne me demande pas pourquoi, mais je ne me vois pas porter un enfant venant d'un donneur Européen » je me mordille l'intérieur de la joue « Et les donneurs d'origine africaine sont un peu plus rare en vrai » je souris doucement « ça réduit un peu le champ des possibilités » mais j'ai l'avantage que mon meilleur ami a des origines botswanaises, ça aide pas mal que j'ajoute pour moi-même, incapable, pour l'instant, de trouver la bonne formulation.