Quand Soraya était rentrée de l'Emerald Hôtel après sa journée de boulot, elle n'avait croisé personne dans l'appartement. Pourtant, elle n'était pas seule, elle pouvait aisément entendre l'eau de la douche couler dans la salle de bain. Quand elle avait regagné sa chambre, ses deux chiens sur les talons, elle avait vu de la lumière filtrer sous la porte de celle de Carl. Facile alors de faire la conjecture que lui se trouvait à l'intérieur, à s'occuper de ses affaires, et que c'était donc Chel qui était sous la douche - depuis combien de temps, elle n'aurait pas su dire. Consciente que cette dernière viendrait toquer à sa porte tôt ou tard pour discuter, la jeune femme s'était engouffrée dans son antre, avec la ferme intention de terminer ce qu'elle avait à faire avant que la petite rousse ne pointe le bout de son nez. Fatiguée comme elle était, Soraya savait qu'elle aurait un peu de mal à se concentrer, et pensait déjà au type de pizza qu'elle commanderait pour le repas du soir - à moins que l'un de ses colocataires trouve le courage de passer derrière les fourneaux. Avec un soupir, elle s'était laissée tomber sur sa chaise de bureau, avant de sortir son ordinateur vide de batterie de son sac, le branchant sur secteur. Elle avait encore un mail ou deux à envoyer ce soir, et devait mettre au propre ses notes scénaristiques de la journée, et dès que Chelsea serait sortie de la salle de bain, elle y filerait à son tour. L'appartement avait beau être chauffé, elle grelottait presque de froid, les cheveux et la peau humides de la pluie qui trempait le paysage depuis plusieurs heures. Un douche brûlante lui ferait le plus grand bien, à n'en pas douter. Mais pour le moment, il fallait qu'elle avance. Elle venait d'envoyer son dernier mail, d'ouvrir le document qui contenait ses notes, quand d'un coup, tout s'était éteint. Littéralement. Et la scripte s'était retrouvée dans un noir complet, les rayons de la lune, qui venait d'apparaître, très loin d'être suffisants pour qu'elle puisse y voir quoique ce soit. Mais c'était pas ça, le pire. Le pire, c'est que son ordinateur avait disjoncté avec le reste, et qu'il lui faudrait prier très fort pour que tout son travail du jour ne soit pas perdu à jamais. Malheureusement, elle avait jamais vraiment cru en des forces supérieures, il y avait donc de fortes chances pour que tout soit foutu. Et ça la rendait dingue. « Oh non. Non, non, non... » La jeune femme avait essayé de rallumer son pc, sans succès. Une fois, deux fois, trois fois, mais toujours rien. « Putain mais c'est pas vrai, c'est une blague! » À ses pieds, les deux chiens avaient fait un bond, se redressant d'un coup, à l'affut. Peu importe lequel de ses deux colocataires vingtenaires était responsable de cette catastrophe, il y avait forcément un coupable, et il risquait de prendre cher incessamment sous peu. Après avoir activé la lampe torche de son téléphone, la jeune femme était sortie de sa chambre, l'air dépité. Au même moment, Chelsea était sortie de la salle de bain, les cheveux encore mouillés. « T'as encore essayé de brancher le sèche-cheveux sur la multiprise? » Ce serait pas la première fois que l'une ou l'autre faisait faisait sauter les plombs à cause de cet appareil maudit. Elles le savaient toutes les deux, dans leur appartement, l'électricité était quelque peu capricieuse, de manière générale. L'oeil attiré par l'extérieur, elle avait réalisé que c'était tout le quartier qui était plongé dans le noir, au moment même où un coup de tonnerre avait retenti dans l'air. C'était sûrement l'orage qui avait tout fait disjoncter. La jeune femme avait expiré bruyamment, et c'est seulement après qu'elle avait réalisé qu'il manquait quelqu'un, alors qu'un bruit de chute se faisait entendre, provenant de la dernière chambre. Chelsea sur les talons, la brune s'était approchée de la porte, y avait frappé un coup. « Carl? Ça va là-dedans? » Il y avait eu un silence, d'à peine quelques secondes. Mais puisqu'il n'avait pas répondu immédiatement, l'impatience légendaire de la scripte avait rapidement pris le dessus. D'un mouvement brusque, elle avait ouvert la porte, braquant le faisceau de lumière sur le centre de la pièce, et ainsi, sur la planche de ouija qui y trônait.
I am a man who walks alone and when I'm walking a dark road, at night or strolling through the park when the light begins to change, I sometimes feel a little strange. A little anxious when it's dark, Have you run your fingers down the wall and have you felt your neck skin crawl, when you're searching for the light?
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Il n'a pas quitté sa chambre depuis son retour en trombe à l'appartement, pas franchement désireux d'imposer sa compagnie à quiconque ce soir alors que les dernières heures passées à l'Emerald ont déjà eu raison de son moral et du peu d'énergie que Carl pouvait avoir. Ce n'était pas ce que le garçon pourrait appeler une bonne journée, ce travail ne lui déplait pas mais il se sent bien souvent minuscule face aux tâches à accomplir et face à une cadence qu'il peine toujours autant à suivre. Et il n'aime pas avoir l'impression d'être à la traine Carl, encore moins se sentir inutile à côté des collègues gérant bien mieux leur rythme que lui tout en remplissant également leurs objectifs dans les temps. Ce sont encore les débuts, s'adapter ne se fait sûrement pas en un claquement de doigts mais le bonhomme appréhende le fait de ne pas y parvenir et de rester un véritable boulet pour l'équipe, bien conscient que sa patronne ne le gardera pas s'il ne se montre pas plus efficace. Il ne craignait pas grand-chose au DBD, Lily était même là pour assurer ses arrières mais à présent Carl ne peut compter que sur lui-même, avec la crainte perpétuelle d'échouer dans sa démarche d'indépendance comme il a finalement réussi à échouer tout ce qu'il a entrepris dans sa vie jusqu'ici. Sa recherche de reconnaissance auprès de son père qui ne cesse de tourner au rejet, sa venue en Australie qui ne lui aura pas apporté la paix tant désirée ou bien encore sa vie amoureuse ponctuée d'éternelles désillusions, le faisant redouter un peu plus chaque jour de finir seul avec son cœur brisé. C'est l'un de ces soirs où Carl ne risque pas d'être emporté par un excès d'optimisme et dans ces moments-là, le garçon a pris l'habitude de s'en remettre à une alliée insoupçonnée à défaut de savoir vers qui d’autre se tourner. Certains diraient que Kleo n'est qu'une planche mais Carl se plait à lui attribuer les pouvoirs qui l'arrangent, quand bien même celle-ci ne s'est encore jamais manifestée – du moins, pas devant lui. Car il reste persuadé que les phénomènes constatés chez Talia étaient l'oeuvre de Kleo, il lui semble même parfois que la goutte se déplace en son absence et étrangement, cette idée n'effraie pas le grand pétochard qu'il peut être. Au contraire, Carl préfère penser que cette planche est son amie et qu'elle ne se retournera jamais contre lui, à l'image des questions qu'il se risque parfois à lui poser. Elle l'a laissé sans réponse quand il a cherché à savoir si son père accepterait un jour qu'il revienne dans sa vie, tout comme la goutte est restée immobile lorsqu'il lui a demandé s'il viendrait un jour à bout de ses migraines, mais il en faudra évidemment bien plus pour le décourager.
Carl n'a pas dit son dernier mot et ce soir, c'est une question tout aussi prévisible que le garçon formule face à la planche originellement sollicitée pour l'invocation d'esprits. « Dis Kleo, est-ce que Murphy m'aimera un jour ? » Oh, il doit avoir l'air bien pitoyable à chercher une réponse dans cet alphabet disposé devant lui mais ce n'est pas comme s'il pouvait interroger la principale concernée, sans doute encore amoureuse d'un autre et en l'occurrence, du principal responsable de ses cauchemars depuis des mois. Il espère pourtant voir bouger la goutte vers les lettres o-u-i et jurerait même que celle-ci commence à trembler, mais les illusions du garçon sont stoppées net par le bruit soudain d'un violent éclair avant que sa chambre ne se retrouve plongée dans le noir. C'est visiblement aussi le cas pour le reste de l'appartement à en juger les exclamations provenant de la chambre voisine et ce n'est pas pour le rassurer, loin de là. « Oh non qu'est-ce que j'ai fait.. » Le timing est bien trop douteux pour que Carl ne s'affole pas car il a soudainement très peur d'avoir mis l'univers en colère avec une simple question, comme si cette subite réaction était une réponse venue tout droit du ciel et l'invitant bien gentiment à arrêter de rêver. Il n'ose donc pas quitter sa chambre par crainte de se faire enguirlander comme lorsqu'il était enfant et se retrouvait accusé injustement pour tout un tas de choses, qu'il n'avait bien souvent pas commises. « T'es pas cool Kleo, je vais avoir des problèmes moi maintenant. » il peste contre la planche en étant déjà persuadé que ses colocataires ne tarderont pas à venir voir ce qu'il trafique, de quoi le motiver à se rendre le plus silencieux possible en espérant faire ainsi oublier son existence. Carl se redresse quand même pour aller écouter à sa porte mais oublie dans son élan et la pénombre que son sac traine encore au beau milieu de la pièce, trébuchant assez lourdement sur ce dernier pour confirmer définitivement sa présence ainsi que son éternelle maladresse. Cette fois, c'est sûr, il ne peut que s'être fait remarquer et ce n'est sans doute plus qu'une question de secondes avant que Soraya et Chelsea ne viennent s’assurer qu'il est encore en vie.
Vivant Carl l'est toujours mais peut-être plus pour très longtemps, c'est la pensée qui lui traverse l'esprit en entendant toquer une première fois à sa porte avant que la voix de Soraya ne retentisse. Il pourrait répondre que tout va bien mais il est bien trop tétanisé pour ça, Carl reste donc paralysé durant de longues secondes et ces dernières sont apparemment suffisantes pour que sa colocataire estime que le droit d'entrer lui est accordé. Elle sait pourtant que le garçon n'aime pas que l'on s'aventure dans sa chambre sans sa permission mais Soraya considère de toute évidence que les circonstances le justifient, comme en témoigne la rapidité avec laquelle la porte s'ouvre finalement pour laisser entrer un faisceau lumineux. « Soraya je- » Que dire, que faire, Carl se trouve momentanément incapable de réfléchir ou juste à la façon dont ses colocataires ne tarderont pas à le mettre dehors. Parce qu'il a fait une très grosse bêtise, c'est ce qu'il ne cesse de se répéter en se disant que tout ça ne peut être que de sa faute, ce que Soraya doit elle aussi bien penser à cet instant. « J'ai vraiment pas fait exprès, j’te jure ! » il s'exclame en se redressant cette fois pour de bon mais l'attention de sa colocataire se trouve déjà attirée vers la fameuse planche, celle dont Carl leur parle souvent sans pour autant connaître leurs véritables croyances sur la question. « Je comprends pas ce qu'il s'est passé, c'est Kleo qui.. » Elle a fait des siennes, voilà ce qu'il voudrait clamer mais c'est bien lui qui l'a interrogée à l'origine, Kleo ne s'est tout de même pas manifestée toute seule, il aura bien du mal à le faire croire. La possibilité qu'un simple orage soit la cause de tout ce chaos ne lui effleure même pas l'esprit, il n'a de toute façon pas le temps d'y songer alors que sa deuxième colocataire apparaît à son tour, vraissemblablement trempée. « Ah Chelsea, t'es là aussi. Euh.. est-ce que ça va ? » Le peu qu'il distringue d'elle n'est autre que son regard, que Carl devine être mauvais malgré l'obscurité. Pas de quoi le rassurer là encore, toutes les conditions sont même réunies pour le faire paniquer entre tous ces yeux rivés vers lui et ces explications qu'il peine à leur donner. « Pitié dites-moi que c'est que chez nous et pas dans tout le quartier. » Parce qu'il ne pourrait pas entendre qu'il a fait disjoncter l'ensemble du voisinage Carl, ce serait bien trop de responsabilité pour ses frêles épaules et il n'a vraiment pas envie que ses activités lugubres puissent se répandre dans toute la rue. Que penseraient leurs voisins s'ils savaient que le garçon s'adressait à une planche ouija quand tout ça est arrivé ? Sûrement pas du bien, et il passerait encore pour un sacré illuminé. « C'est juste les plombs qui ont sauté, hein, c'est pas si grave pas vrai ? » il ose tout de même demander, incapable pour l'heure de mesurer les conséquences directes pour ses colocataires même s'il a bel et bien entendu l'une d'elles maugréer un peu plus tôt. Carl n'a aucun mal à supposer qu'il va passer un sale quart d'heure comme à craindre d'avoir déclenché un cataclysme dans toute la ville, alors qu'un simple n-o-n aurait finalement suffi.
Les soirées où Chelsea décidait de ne pas sortir étaient rares, le papillon nocturne qu’elle était supportait peu l’inactivité et d’être enfermée, ce qu’elle avait été pendant de nombreuses années lorsqu’elle vivait à Dayboro. On pourrait supposer que la demoiselle n’aimait pas non plus la solitude, elle n’était pourtant que peu accompagnée durant ses sorties tardives, durant lesquelles elle aimait faire tout ce qu’elle voulait, où elle le voulait. Elle pouvait également compter sur le fait de vivre avec deux personnes pour avoir de la compagnie, mais elle n’allait pas systématiquement vers elles. L’étudiante en photographie l’avait prouvé une nouvelle fois ce soir, puisqu’elle avait rapidement remarqué la présence de Carl, mais elle n’était pas allée à sa rencontre pour autant. Elle le connaissait peu malgré qu’il soit un de ses collègues à l’Emerald Hotel, elle ne le croisait pas si souvent que ça sur son lieu de travail car ils ne travaillaient pas au même endroit. La rousse était bien plus proche de Soraya, avec qui elle cohabitait déjà depuis un an, elle se permettait donc bien plus de familiarités avec celle-ci. Elle n’était pas encore rentrée, elle ne pouvait donc pas l’embêter, mais ce n’était pas dramatique en soi, puisqu’elle avait avant tout l’envie de prendre une bonne douche. Chelsea était probablement celle qui passait le plus de temps dans la salle de bain, pour des raisons qui pouvaient paraître un peu obscures pour les autres, parce qu’elle se maquillait peu et laissait souvent ses cheveux au naturel. Laisser couler l’eau sur sa peau en gardant les yeux fermés, était un plaisir simple dont elle raffolait, car il s’agissait d’un des seuls moments où elle arrivait à se vider la tête. Après avoir savouré ce moment de décontraction, elle enfila son peignoir et partit à la recherche du sèche-cheveux, avant de se retrouver soudainement dans l’obscurité. La rousse sortit de la pièce et tomba nez à nez avec la brune, qui s’était armée de son portable comme lampe torche. Soraya l’accusa rapidement d’être la responsable de la catastrophe, alors qu’elle n’y était pour rien. « Non, je comptais retirer la multiprise pour brancher le sèche-cheveux et nous éviter ce genre de problème justement. » Une fois sa justification terminée, elle regarda en direction de la chambre du jeune homme, qui était probablement le coupable, il n’était pas aussi habitué qu’elles aux complications qu’ils pouvaient rencontrer dans cet appartement. Cependant, Chelsea l’avait prévenu qu’il ne fallait pas brancher trop de choses à a fois, sous peine de se retrouver sans électricité, s’il avait le malheur de ne pas s’être montré précautionneux elle allait lui passer un sacré savon. Il fut plus ou moins sauvé par le retentissement du tonnerre, du moins c’est ce qu’elle pensait jusqu’à ce qu’elle n’emboîte le pas à sa colocataire pour rejoindre Carl. Il fut prévenu de leur arrivées par un bruit bref, qui fut rapidement suivi par une ouverture de porte initié par la scripte. L’étudiante en photographie ne se serait guère montrée plus patiente qu’elle, même si elle ne se faisait pas un sang d’encre pour le valet. Découvrir qu’il était en pleine utilisation de sa fichue planche - qu’elle aurait bien aimé jeter aux ordures - lui fit écarquiller les yeux. Elle aurait largement préféré qu’il s’agisse d’un élément douteux de la décoration de sa chambre, elle n’était friande de paranormal que lorsque celui-ci se produisait en dehors de son toit et ne concernait pas les esprits. Les nombreuses histoires contées par ses grands-parents lui avaient appris une chose : il ne fallait jamais jouer avec ces choses là, qui ne faisaient qu’apporter du malheur. Carl finit par deviner sa présence et lui demander comment elle allait, une question dont elle se fichait éperdument. « Qu’est-ce que tu fais avec cette putain de planche au juste ? » Elle voudrait bien savoir ce qui le poussait à l’utiliser, certaines raisons pourraient être plus acceptables que d’autres à ses yeux, même si elles ne l’empêcheront pas de le maudire. Il cherchait à se rassurer en demandant si tout le quartier était privé d’électricité, ce à quoi elle répliqua : « Tu as plongé tout le monde dans l’obscurité. » La nouvelle interrogation du Flanagan l’énerva encore plus. « Bien sûr que si c’est grave, je n’ai même pas pu me sécher les cheveux je vais tomber malade. » Son temps était trop précieux pour qu’elle ne le passe dans son lit. « Je viens d’être embauchée dans une galerie d’art, je vais passer pour quoi moi si ça m’arrive ? » C’était la première fois qu’elle trouvait un boulot en rapport avec sa passion, elle ne pouvait pas se permettre de le perdre. « Cette planche ne peut pas rester chez nous. » Dit-elle en tournant sa tête vers celle de Soraya, afin d’en chercher l’approbation. Elle s’en fichait de savoir comment il s’en débarrasserait, du moment que les voisins ne tombent pas dessus en se rendant aux poubelles.
En admettant que ce n'était effectivement pas la faute de Chelsea et de son sèche-cheveux, comme cette dernière s'en était défendue, il y avait forcément une explication à ce soudain blackout. Qui lui avait probablement foutu son boulot de la soirée en l'air, bordel de merde. Deux colocataires sur trois, il manquait encore quelqu'un à l'appel, et Soraya ne pensait pas à ses chiens, qui ronflottaient probablement sur le tapis dans sa chambre. Malgré le noir, Carl n'était pas sorti de sa chambre, et la brune n'entendait d'ailleurs pas un bruit provenant de cette fameuse pièce. Elle n'avait pas attendu une quelconque réponse de Carl, pas même un grognement, avant d'ouvrir en grand la porte de sa chambre. Le faisceau de lampe de son téléphone braqué immédiatement sur le brun, la jeune femme n'avait mis que deux secondes avant d'apercevoir l'objet qu'il avait dans les mains. « Soraya je- » Dans une autre situation, son air paniqué lui aurait sûrement paru comique. Cette fois pourtant, c'était un peu différent. « J'ai vraiment pas fait exprès, j’te jure ! » Soraya entendait à peine les exclamations de Carl, son attention accaparée par l'objet qu'il avait toujours entre les mains. Est-ce que c'était une planche de Ouija? « Je comprends pas ce qu'il s'est passé, c'est Kleo qui.. » « Kleo? » La jeune femme avait fait un pas en avant, curiosité poussée à son maximum, et dans son sillage avait avancé Chelsea, dont l'apparition avait tendu Carl un peu plus. « Ah Chelsea, t'es là aussi. Euh.. est-ce que ça va ? » « Qu’est-ce que tu fais avec cette putain de planche au juste ? » Soraya avait distinctement vu le brun se recroqueviller à l'attaque de la rousse, qui avait l'air beaucoup moins aimable qu'à l'accoutumé. S'il n'y avait pas le moindre doute sur ce que ressentait la rousse par rapport à la situation, Soraya, elle, était toujours mitigée. « Pitié dites-moi que c'est que chez nous et pas dans tout le quartier. » « Tu as plongé tout le monde dans l’obscurité. » Alors que la brune restait silencieuse, Chelsea semblait décidée à enfoncer le brun plus bas que terre. Rien de ce qu'il pourrait dire n'arriverait à apaiser leur colocataire, et pourtant, il essayait quand même. « C'est juste les plombs qui ont sauté, hein, c'est pas si grave pas vrai ? » Loin de prendre part à leur joute verbale, la brune s'était rapprochée encore un peu plus de Carl, toujours assis par terre, et probablement pas près d'oser se relever. « Bien sûr que si c’est grave, je n’ai même pas pu me sécher les cheveux je vais tomber malade. » Soraya avait levé les yeux au ciel. Il ne faisait pas si froid à l'appartement, et elle comptait bien sur le retour de l'électricité rapidement. Quand bien même, l'air de dehors était lourd d'orage, et même le vent et la pluie devaient être chauds. « Je viens d’être embauchée dans une galerie d’art, je vais passer pour quoi moi si ça m’arrive ? » Oubliant Carl et sa planche maudite le temps d'une seconde, la brune s'était retournée vers Chelsea, les yeux ronds. « T'as trouvé du boulot dans une galerie d'art? » Combien de boulots elle comptabilisait, au juste? Elle allait s'épuiser, à force... Dans un autre registre, ce nouveau job était celui qui se rapprochait le plus de ce dont rêvait la rousse, alors... « C'est génial, Chelsea! Pourquoi tu m'en as pas parlé avant? » Elles étaient comme des soeurs, habitaient ensemble depuis quelques années maintenant, et Raya était assez vexée que la petite rousse ait attendu pour lui annoncer une nouvelle comme celle là. Mais... La planche. Pour le moment, c'était cette foutu planche qui obnubilait la deuxième colocataire, l'air vaguement inquiet. « Cette planche ne peut pas rester chez nous. » Les deux jeunes femmes avaient échangé un regard, et rapidement, Soraya avait pris parti. « C'est qu'une planche de bois, Chel. Une arnaque. » Contrairement à ce que les deux autres semblaient croire, c'était qu'un pauvre objet inerte, sans pouvoir particulier. Bien sûr, ça marchait pas vraiment, ce genre de truc. Elle s'était retournée vers Carl. « Tu sais ça, pas vrai? C'est pas toi qui a plongé le quartier dans le noir, peut importe de ce que tu faisais avec cet objet de malheur. » Comme pour appuyer ses propos, un coup de tonnerre avait retenti dans l'air, illuminant la pièce le temps d'un instant éphémère. C'était l'orage qui était responsable de toute cette situation, pas le brun. Il fallait qu'elle arrive à leur rentrer ça dans le crâne. « C'était qu'une coïncidence. » Le genre de coïncidence qui filait des frissons, mais ça n'était rien d'autre que ça. Pourtant, les deux autres n'avaient pas l'air convaincu. Avançant encore d'un pas, elle s'était mise à genou pour récupérer la planche entre les mains de Carl, qui n'avait opposé aucune résistance. « Mais au cas où... Je connais quelqu'un qui serait peut-être intéressé pour récupérer... Kleo. » La planche qu'elle avait entre les mains était belle, ouvragée, de bien meilleure qualité que celles qu'elle avait déjà pu voir. Elle était prête à parier que son frère serait aussi intrigué qu'elle l'était. Par ce qu'il pourrait en faire, évidemment, pas par ses prétendus pouvoirs. Parler avec des esprits? N'importe quoi. Nouvel éclair, nouveau coup de tonnerre, si puissant qu'il l'avait fait sursauter. Et un bruit inquiétant avait retenti dans la cuisine. Sans lâcher la planche, la brune avait vivement tourné la tête vers la porte de la chambre. « C'était quoi? » Le coeur battant. C'était sûrement rien, après tout. Quelqu'un avait peut-être laissé une fenêtre ouverte, le vent avait fait tomber un objet, c'est tout. La porte d'entrée était fermée à clé. Comment expliquer le frisson glacé qui lui avait parcouru l'échine à cet instant?
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Il n’a pas fait exprès et pourrait le jurer des heures durant si ses colocataires sont disposées à en douter – oui, mais qu’a-t-il fait exactement ? Carl n’est lui-même pas vraiment capable de le dire mais il suppose que c’était encore une bêtise, c’est de toute façon habituel quand on le connaît et Soraya n’a pas besoin de vivre depuis très longtemps à ses côtés pour le savoir elle aussi. C’est pourtant bien la première fois que le garçon attire une telle attention sur lui par ici, le genre d’attention dont Carl n’a pas besoin car il ne faudrait pas que sa réputation soit faite dans cet appartement comme ailleurs, pour une fois que la vie en colocation ne lui réussit pas trop mal. La venue de Soraya dans sa chambre n’a en tout cas rien de très rassurant pour celui qui a éternellement des choses à cacher et cette planche entre ces mains est peut-être bien celle à blâmer, dans toute cette histoire. « C’est elle Kleo. » il l’informe d’une voix manquant cruellement d’assurance car il s’attend bien sûr à ce que le fait d’avoir baptisé ledit objet renforce ce côté étrange que sa colocataire lui associe peut-être déjà. C’était pourtant l’évidence en l’achetant, cette planche se devait d’avoir un nom et pour une fois, le garçon n’est pas allé le puiser dans ses jeux vidéo. Il peut à la rigueur gérer la seule présence de Soraya mais celle de Chelsea s’impose comme un obstacle de plus dont Carl se passerait bien, d’autant plus au ton que la rousse emploie aussitôt contre lui. Que faisait-il avec sa putain de planche, alors ? « Je lui demandais juste un truc, c’est pas un crime. » C’est la seule réponse qu’il se sent capable de donner, préférant ne pas entrer dans des détails susceptibles de le rendre plus minable encore. Il a interrogé Kleo sur ses chances de conquérir le cœur d’une amie mais dans quel monde Carl pourrait l’avouer sans se couvrir de honte ? Sûrement pas celui-ci. Face à lui Chelsea ne décolère pas et plus sa colocataire le met face à des torts qu’il doit de toute évidence avoir, moins il ose relever la tête pour affronter ces derniers. « Je voulais pas te rendre malade moi. » il déplore tristement alors même que Chelsea exagère, ses mots suffisant à le rendre plus coupable qu’il ne l’est déjà. Pourquoi ne pas mettre une serviette autour de sa tête ? C’est la question que Carl se risquerait à poser s’il ne craignait pas de se heurter à un mur, et si les récents accomplissements de la rousse ne récoltaient pas l’attention soudaine de leur autre colocataire. Lui aussi ignorait son embauche dans une galerie d’art et cette nouvelle aurait certainement mérité une bien meilleure annonce, de quoi le laisser penser qu’il a une fois de plus tout gâché. « Oui félicitations Chelsea. » il souffle pour sa part d’une voix à peine audible, n’osant pas interrompre ce moment entre les deux jeunes femmes dont la complicité tend à lui rappeler son statut de pièce rapportée.
Carl pourrait en profiter pour se faire un peu oublier mais Chelsea revient bien vite à la charge concernant la fameuse planche, affirmant que celle-ci ne pourra pas rester chez eux. Et son avis dans tout ça, la rousse s’en moque bien. « Quoi ? » Sa voix est tremblante, autant que son regard peut s’affoler à cet instant car Kleo n’a pas sa place ailleurs que dans cette chambre avec lui. Peu importe ce que ses colocataires en pensent, il ne lui viendrait pas à l’idée de décider ce qu’elles ont ou non le droit de posséder alors l’inverse n’est-il pas aussi censé s’appliquer ? « C’est pas une arnaque, elle bouge parfois Kleo ! » s’insurge-t-il alors que Soraya ne semble pas attribuer le moindre pouvoir à ladite planche, au moins pas décidée à suivre Chelsea sur sa lancée et à lui donner l’approbation espérée. « Mais là elle risque pas de le faire, vous allez lui faire peur à parler si fort. » Comme si Kleo était la seule qu’un tel échange pouvait effrayer, Carl n’étant lui-même pas le plus serein à l’idée de voir ses colocataires se liguer possiblement contre lui. Ce n’est pourtant pas ce que les faits démontrent pour l’heure mais alors qu’il pensait Soraya de son côté et avait même senti son cœur s’alléger en entendant qu’il n’était coupable de rien à ses yeux, son ventre se tord lorsque la brune vient finalement lui dérober l’objet des mains. « Je- » Il voudrait l’empêcher d’emporter Kleo mais n’en a ni le courage, ni le réflexe. Carl se sent alors comme un enfant à qui on confisquerait son unique jouet et cette image n’est évidemment pas sans lui rappeler une certaine période de sa vie. « Quelqu’un ? » il questionne lorsque Soraya dit connaître une personne qu’une telle planche pourrait intéresser, redoutant déjà que la chose lui soit imposée. Il n’aura peut-être pas son mot à dire Carl, comme toujours, et c’est bien ce qui l’inquiète. « C’est avec moi qu’elle doit être, je.. je l’ai adoptée quand personne n’en voulait. » Il l’a surtout achetée avec ses propres deniers et voudrait croire que ça veut aussi dire quelque chose, même si ce ne serait pas la première fois qu’on l’empêcherait de garder une chose à laquelle il tient. Kleo n’est pas qu’un bout de bois, pas à ses yeux du moins. « S’il vous plait. » Sa voix menace déjà de craquer mais l’avantage dans cette obscurité est au moins que ses colocataires ne verront pas son regard les implorer. « Je vous promets de plus l’utiliser quand vous êtes là, elle restera sage si je lui demande. » Le garçon qui murmure à l’oreille des planches, c’est lui. Des promesses, Carl pourrait en émettre beaucoup d’autres mais le tonnerre grondant au-dessus de leurs têtes le réduit brusquement au silence. La coïncidence que Soraya soulignait un peu plus tôt n’en était peut-être pas une, et que dire de cet écho provenant de la cuisine valant aussitôt un frisson au garçon. Il se demande lui aussi ce que peut être cet étrange bruit mais l’orage battant son plein l’angoisse plus encore. « Je sais pas mais ça fait peur, vous.. vous croyez que c’est la fin du monde ? » Ça l’arrangerait presque à cet instant, ne serait-ce que pour éviter les retombées que cet épisode pourrait avoir car il imagine déjà les choses tourner pour de bon à sa défaveur, et sa place entre ces murs en être potentiellement compromise. « Ta lampe, elle.. » il reprend en désignant le faisceau grésillant de son téléphone avant que ce dernier ne s’éteigne soudainement. Le cœur du garçon rate un battement dans cette pénombre qui ne lui manquait pas et le voilà qui se hisse enfin sur ses deux jambes, après plusieurs minutes passées à même le sol de sa chambre. « On.. devrait peut-être aller voir dans la cuisine, non ? » C’est suggéré avec la plus grande hésitation car bien sûr, Carl ne se dévouera pas pour s’y rendre le premier. Il faudrait pourtant s’assurer de l’origine du fameux bruit et si son regard dévie vers Chelsea c’est parce qu’elle est à ses yeux celle que tout ceci devrait effrayer le moins. Lui n’oserait même pas entreprendre un pas en dehors de cette chambre, ce n’est donc pas pour jouer les aventuriers quelques mètres plus loin.
La planche avait un nom ou plutôt il lui avait donné un nom, quel âge avait-il réellement dans sa tête ? Elle se demanderait presque s’il ne s’agissait pas d’un doudou pour lui, elle ne comprendrait son attitude que s’il s’agissait d’un objet légué par un membre de sa famille. Chelsea n’était pas une grande matérialiste, mais elle pouvait aussi faire preuve d’un attachement démesuré pour des objets offerts par des êtres chers. Carl lui donna une justification qui la fit grimacer, à laquelle elle avait bien évidemment déjà une réponse : « Si tu cherches à avoir des réponses, va plutôt voir une médium. » Est-ce qu’une voyante ne pouvait pas également entrer en contact avec les esprits ? Il lui semblait bien que si et cela se ferait en dehors de chez eux, c’était donc la meilleure des options selon elle, même si elle n’était pas certaine de la fiabilité de cette source. Est-ce que cela avait de l’importance de toute manière ? Il cherchait probablement juste à se rassurer plutôt qu’à entendre la vérité. Le collègue de la Cavanagh ne serait pas pour autant exempté d’entendre la vérité, du moins juste la sienne puisqu’elle lui confia sa crainte. Soraya n’était pas convaincue par celle-ci, mais cela ne l’empêchera pas de continuer sur sa lancée en informant tout le monde qu’elle avait décroché un travail. L’expression de sa colocataire changea totalement, elle n’avait pas l’air de saisir que l’étudiante en photographie venait de trouver la meilleure des expériences professionnelles. « Ouai dans une galerie d’art. » Dit-elle fièrement. La brune ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas été mise au courant plus tôt, Chelsea avait simplement oublié de l’en informer. « Parce que je l’ai décroché hier, c’est vraiment tout récent. » Les choses s’étaient passées assez vite en réalité, elle ne savait pas si c’était parce que Jenna cherchait dans l’urgence ou si c’est parce que la choisir elle avait été une évidence pour elle, mais dans tous les cas elle était ravie de ne pas avoir trop attendu. Carl était aussi dans l’ignorance, alors qu’elle avait plus souvent l’occasion de le croiser puisqu’ils travaillaient dans le même hôtel, mais il ne lui en voudrait pas lui, après tout ils n’étaient pas proches. « Je t’y inviterai le jour où je pourrais y exposer une de mes photos. » Chelsea s’avançait peut-être un peu trop, mais elle avait bien le droit de rêver non ? Elle n’avait même pas prêté attention aux félicitations du valet de chambre. Cependant, elle n’en avait pas pour autant oublié son existence, puisqu’elle se tourna vers lui et sa planche, qu’elle ne pouvait définitivement plus se voir. Soraya était persuadée qu’il ne s’agissait qu’une vulgaire planche en bois, une escroquerie dont avait été victime Carl. Le brun répliqua pour la contredire, Chelsea croisa ses bras et écouta les arguments de ses colocataires. La scripte n’hésitait pas à l’innocenter, le véritable coupable se fit voir et entendre, ce qui fit expirer la rouquine. Elle ne savait malgré tout pas encore si elle pouvait mettre toutes ses croyances de côté, mais cela avait au moins le mérite de lui donner le bénéfice du doute. L’aînée des trois colocataires se montra plus entreprenante qu’elle, en se permettant de saisir le bien de Carl sous ses yeux. Elle savait ce qu’elle pouvait en faire ou plutôt à qui elle pourrait la donner. Le jeune homme fit son plaidoyer en utilisant le terme adopté, la rousse roula des yeux. « Arrête d’en parler comme si c’était un être vivant. » Il était en train de donner raison à toutes les personnes qui le traitaient de creepy guy, elle n’avait rien contre le fait de vivre avec quelqu’un d’un peu marginal, mais elle ne voulait pas non plus partager son appartement avec un type trop louche. Carl ignora en beauté ce qu’elle venait de lui demander en racontant que son objet restera sage à sa simple demande. « Carl... » Tu commences sérieusement à me taper sur les nerfs, c’était ce qu’elle allait lui dire avant qu’un énième coup de tonnerre, plus impressionnant que les autres ne l’interrompt brusquement. Un bruit qui fut suivi par un autre, moins identifiable que le premier. La supposition dramatique du jeune homme aurait pu enfoncer le clou, mais Chelsea était encore quelqu’un de suffisamment raisonnable pour ne pas acquiescer. « Ça ne peut pas l’être. » Affirma-t-elle, comme si la fin du monde pouvait être calculée à l’avance, mais surtout parce qu’elle refusait que ça soit le cas, elle avait trop de choses à accomplir pour ça. L’étudiante en photographie avait également envie de résoudre le mystère, mais cela risquait de s’avérer compliqué maintenant que la lampe de Soraya venait de les abandonner. « Great. » Il ne manquait plus que cela. Carl suggéra qu’ils devraient se rendre dans la cuisine, elle comprit qu’il attendait qu’elle prenne les devants. Chelsea n’attendra pas de se faire prier d’avantage, elle sortit de la chambre la tête la première, avant de longer le mur de couloir avec sa main apposée dessus. Une fois arrivée à destination, elle découvrit une fenêtre brisée, une branche d’arbre avait atterri dans celle-ci. Une vision qui la dépita, qui allait devoir payer pour ce désastre ? « Cet appartement est maudit. » S’exclama-t-elle plantée devant les débris de verre.