This slope is treacherous
@Kai Luz  

 
Fin Mars 2023 // Ça faisait maintenant plusieurs jours… semaine à vrai dire, que Jiyeon n’avait pas été sobre. « L’eau c’est pour les faibles » donc elle carburait essentiellement au redbull et à l’alcool, et c’était bien la seule chose qui la forçait à sortir de son lit le matin… quand toute fois elle finissait la nuit dans son lit. Elle avait raté le début de la soirée, s’étant tout bonnement perdue dans le centre ville, incapable de retrouver son chemin, ni même de se souvenir où elle avait garé la voiture de son frère. Ce dernier point étant plutôt rassurant, lui évitant de prendre une nouvelle fois le volant dans cet état. (Comme elle l’avait fait ce matin). Elle avait donc marché du centre ville jusqu’à Fortitude, et malgré son taux d’alcoolémie bien trop élevé, elle donnait presque le change, marchant plutôt droit, bien que faisant des pauses à répétition quand sa tête tournait trop ou lorsqu’elle se sentait étrangement essoufflée.
Elle poussait la porte du Saucibar à plus de minuit, alors qu’elle devait, initialement, retrouver les five vers vingt heure. Elle était souvent en retard, mais là c’était un nouveau record. Elle saluait Hugo d’un signe de la main, lui qui était derrière le comptoir, toujours entrain de bosser, jamais dispo, et elle se faufilait pour rejoindre leur table où il ne restait que Kai, penché sur son téléphone portable. « Les autres sont pas là? » avait-elle demandé machinalement en se laissant tomber sur la banquette inconfortable qui faisait face à Kai, posant son sac à main sur la table. Noor et Dani devaient probablement travailler le lendemain et étaient donc parties, après une soirée de bavardage à laquelle Jiyeon n’avait, du coup, pas assistée, faute de ponctualité. « Merde attend, j’ai rien pris à boire. » Notait-elle en se retirant de sa place, sortant son porte monnaie de son sac pour rejoindre le comptoir. En soit, elle avait une bouteille dans son sac à main, mais il valait mieux boire ce qu’offrait la maison et faire rentrer un peu d’argent dans les caisses de ce bistrot où, trop souvent, ils ne payaient rien. « Soju et bière s’te plait. Et laisse moi la bouteille de soju. » lançait-elle à Hugo qui s’exécutait, non sans la regarder de haute en bas. Jiyeon mâchait nerveusement son chewing-gum en attendant que sa pinte soit pleine, payait rapidement sans contacte avant de prendre son verre et sa petite bouteille de soju pour rejoindre Kai. Elle échappait un petit soupire en se réinstallant en face de son ami, rouvrant la bouteille de soju pour en rajouter un peu plus dans sa bière, déjà persuadé que Hugo avait eu la main trop légère. « Tu fais quoi ? t’es sur Grindr ? Tu mates des culs ? » lâchait-elle, notant que Kai avait toujours son téléphone dans la main. Elle prenait une gorgée de sa pinte, avant de la reposer pour reprendre la bouteille de soju et en mettre dans le verre de Kai, mélangeant du coup ce qu’il avait déjà au fond de son verre avec l’alcool coréen, sans même lui demander son avis.

Un peu avant dix-neuf heures, Dani et moi nous étions orientés vers le Saucibar afin d'y rejoindre les autres membres de notre bande d'amis, comme nous nous étions donnés rendez-vous sur notre conversation de groupe whatsapp. A notre arrivée, Hugo se trouvait religieusement à son poste derrière le bar et épatait un groupuscule de minettes, à en tordre le nerf oculaire de Dani que je guidais vers notre table traditionnelle. Bien vite, nous furent rejoints par Noor qui nous relata les dernières péripéties issues de sa colocation avec notre français favoris et les verres se suivirent avec précaution, chacun d'entre nous travaillant le lendemain.

Noor fut la première à quitter le bar. Elle nous annonça sur un dernier verre de tequila qu'elle était épuisée et devait récupérer pour attaquer un projet d'envergure le lendemain dans les meilleures conditions. Dani, quant à elle, prit la poudre d'escampette une vingtaine de minutes plus tard, après de longues tirades sur son téléphone qui nous firent, Lyb et moi, échanger plus d'un regard moqueur tout au long de la soirée. Je soupçonnais sérieusement que la coréenne irait rejoindre Trent mais je me retenais de la lancer sur ce sujet, ne souhaitant pas spécialement parler du pompier de toute façon. Hugo, quant à lui, faisait quelques allers-retours entre le bar et les tables, dont la nôtre, selon l'affluence.

Une fois les filles parties, je m'enfonçais davantage dans la banquette, piochant dans le sac de chips que j'avais acheté au bar plus tôt pour accompagner ma bière fraîche. Je scrollais négligemment sur Instagram puis ouvrais pour une énième fois la conversation privée que j'avais avec Jiyeon pour constater que la jeune femme n'avait pas été connectée depuis plusieurs heures maintenant. J'hésitais sérieusement à contacter son frère, à ce stade-là, mais ce n'était pas non plus la première fois que le bébé du groupe nous posait un lapin et son aîné risquait possiblement de me rire au nez de m'entendre me tracasser pour sa cadette lorsque j'avais plus d'une fois raccompagné Jiji ivre jusque dans sa chambre. De plus, depuis sa rupture avec Marceline, j'essayais de ne pas trop me mêler des affaires de ma meilleure amie et encore moins de sa manière de gérer ses émotions, de peur de la frustrer ou la vexer.

« Les autres sont pas là? » Je levais enfin les yeux de mon écran de téléphone et un large sourire apparut sur mon visage en constatant l'arrivée, plus que tardive, de Jiyeon. « Ha ben te voilà enfin ! Lyb et Dani sont rentrées, » j'annonçais. « T'as l'air crevé, bae, » je me permettais avec un sourire en coin soucieux et amical. Jiyeon semblait avoir fêté un peu avant de venir, aussi. La vingtenaire se laissa tomber sur la banquette avant de soupirer : « Merde attend, j’ai rien pris à boire. » Je la suivais du regard rejoindre Hugo, échangeait à distance un coup d'oeil entendu avec lui, puis reportais mon attention sur mon téléphone. « Tu fais quoi ? t’es sur Grindr ? Tu mates des culs ? » Je pouffais. « J'ai pas besoin de Grindr. J'ai touuuuut c'qui m'faut. » Je me figeais, les mots ayant franchit mes lèvres bien plus spontanément que je ne l'aurais voulu. Jiji versait gentiment de son soju dans ma bière. « Merci darling. » Je levais un regard curieux vers mon interlocutrice. « T'es sur quoi comme app', toi ? » Je tentais de noyer le poisson tout en étant sincèrement intéressé : après tout, Jiyeon avait toujours les bons plans en matière de nouveautés sur la toile. « T'as déjà rencontré des asexuels ? » Je questionnais de but en blanc sur un ton qui se voulait détaché, le genre de questions qui sort de nulle part et dont j'avais le talent, ayant tendance à mitrailler mes interlocuteurs sur une base régulière d'interrogations diverses et variées. Néanmoins, ce soir, il y avait plus que de la curiosité à ma question particulière. Je cherchais également une expérience, et qui de mieux (sans compter Raphael, pour ce volet précis) que la queer avouée de notre groupe ?

This slope is treacherous
@Kai Luz  

 
cw : acephobie
Fin Mars 2023 // « Ha ben te voilà enfin ! Lyb et Dani sont rentrées, » Rentrées alors que la soirée ne faisait que commencer ? Jiyeon ne relevait pas mais s’indignait intérieurement. « T'as l'air crevé, bae, » Elle haussait les épaules, s’éclipsant déjà en notant qu’elle n’avait rien à boire. Elle revenait bien vite avec une pinte et une bouteille de soju. « J'ai pas besoin de Grindr. J'ai touuuuut c'qui m'faut. » Le regard de Jiyeon s’illuminait aussitôt en entendant ça. « T’as des plans culs? » questionnait-elle déjà, un peu trop excitée à l’idée que Kai parle enfin de sa vie sexuelle avec elle. Mais non, fausse alerte, il changeait déjà de sujet : « T'es sur quoi comme app', toi ? » « Alors on a pas de Grindr pour les filles, donc je suis principalement sur Tinder et sur Her. » expliquait-elle. « Les deux app sont similaires, enfin Her c’est queer, donc ya un côté communautaire qu’il n’y a pas sur Tinder, mais bref, sinon c’est kiffe-kiffe, tu swipes, tu matches, tu parles et si t’es chanceuse tu baises. » Lâchait-elle, très décontractée avant de prendre quelques gorgées de bière au soju. Autant sobre elle restait plus pudique, autant avec tout ce qu’elle buvait en ce moment, les mots franchissaient ses lèvres sans qu’elle n’y prête attention. « T'as déjà rencontré des asexuels ? » Elle reposait son regard sur Kai, détaillant son visage, cherchant s’il y avait quelques choses qui se cachait derrière cette question, sans réussir à y lire quoi que ce soit, sa lucidité ayant depuis longtemps foutu le camps. « Non, enfin si, j’en ai rencontré mais clairement c’est des gens que j’ai du mal à comprendre. » avouait-elle sans détour, déjà prête à mettre le pieds dans le plat. « Je les vois comme des romantiques, un peu naïfs et certainement mal dans leur peau… sans quoi ils aimeraient le sexe, parce que c’est magique. » Elle n’était pas du tout objective, ne mâchait pas ses mots, trop alcoolisée pour faire la part des choses, pour s’imaginer que peut-être Kai s’identifiait comme tel et qu’elle risquait de le froissé. « Ou alors ils ont jamais eu une vraie bonne partie de jambe en l’air, ce que je trouve bien triste. » concluait-elle, en tout honnêteté. « Pourquoi ? T’as rencontré quelqu’un? … ou t’aimes pas le sexe ? » demandait-elle enfin, sans pour autant s’inquiétée d’avoir dit quelque chose de maladroit, bien plus inquiète d'avoir en face d'elle quelqu'un qui n'aime pas s'envoyer en l'air. « Raconte. Je veux tout savoir. » Elle reprenait quelques gorgées de bière avant d’ajouter: « Parce que si t’aime pas le sexe faut que tu m’expliques, parce que vraiment ça me dépasse ça. Le cul c’est la vie. »

Jiyeon est enfin arrivée au Saucibar et peu à peu, sa présence me donne envie de célébrer en excédant le nombre de verres que j'avais compté ingurgiter ce soir, mon réveil ne manquant pas de retentir dans quelques heures pour me sommer de me rendre au travail. Après tout, ces soirées sont faites pour en profiter et dieu sait de quoi demain sera fait. Au pire, je pourrais me reposer demain soir si vraiment je ne suis pas en forme. Ce n'est pas quelques doses supplémentaires d'alcool qui ruineront ma vie.

Jiyeon revient, armée d'une bière et de soju, dont elle verse généreusement une partie dans ma propre boisson. Je lui accorde un sourire tout en la remerciant poliment et sans quitter mon téléphone duquel j'ai du mal à me détacher malgré le fait que ma meilleure amie soit installée à mes côtés, je me sens lui répondre avec un détachement qui m'est rare que je n'ai pas besoin de Grindr. En règle générale, je lui aurais grimacé et j'aurais prodigieusement ignoré sa remarque, plutôt que de rebondir sur cette dernière. D'ailleurs, en levant mes pupilles vers celles de mon interlocutrice, je remarque que je suscite désormais tout son intérêt. « T’as des plans culs? » Je déglutis, mon regard dévie sur l'écran de mon téléphone sans que je puisse me concentrer sur ce qui y défile. Je fais diversion, interrogeant la coréenne sur ses propres terrains de jeu. « Alors on a pas de Grindr pour les filles, donc je suis principalement sur Tinder et sur Her. Les deux app sont similaires, enfin Her c’est queer, donc y'a un côté communautaire qu’il n’y a pas sur Tinder, mais bref, sinon c’est kiffe-kiffe, tu swipes, tu matches, tu parles et si t’es chanceuse tu baises. » Je fronce les sourcils, attentif, avant d'afficher une petite mine approbatrice. « Et donc, "Her", comme son nom a l'air de l'indiquer, est réservé uniquement aux femmes j'imagine ? » Il faut avouer que le terme "communauté" m'accrochait. « T'as genre plusieurs communautés de femmes dessus qui cherchent à se rencontrer et à... Baiser ? » Je suppose à voix haute, reprenant les termes de mon amie. Et bien sûr, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a ce 1% que m'a décrit Raphael quelques semaines plus tôt qui y est peut-être représenté et qui, lui, ne souhaite pas baiser. D'où mon spontané : « T'as déjà rencontré des asexuels ? »

Jiyeon m'examine, je porte mon verre à mes lèvres avec un sourire en coin, feignant l'indifférence. « Non, enfin si, j’en ai rencontré mais clairement c’est des gens que j’ai du mal à comprendre. » Elle en a rencontré, plusieurs même, et à cette nouvelle mon cœur produit un salto. « Je les vois comme des romantiques, un peu naïfs et certainement mal dans leur peau… sans quoi ils aimeraient le sexe, parce que c’est magique. » Ouch. Je ne peux m'empêcher de grimacer parce que 1. selon Jiyeon, manifestement, le sexe est le summun et 2. la profonde volonté de défendre Raphael m'étreint. C'est peut-être excessif : je ne saisis pas entièrement la légitimité de me sentir vexé pour lui et de vouloir rétablir son honneur, quand après tout, nous n'étions pas en couple. Cependant, nous avions eu un date et il avait été mon Valentin, ça comptait pour quelque chose, non ? « Ou alors ils ont jamais eu une vraie bonne partie de jambes en l’air, ce que je trouve bien triste. » Mon cœur se serre, pas pour Raphael cette fois-ci, mais pour moi. Ce n'est pas la première fois que j'entends ce genre de réplique, et à de nombreuses sauces, tant qu'elle me hante - avec même la nuance d'épouvante. « Pourquoi ? T’as rencontré quelqu’un ? … Ou t’aimes pas le sexe ? » Je termine ma bière cul sec. « Raconte. Je veux tout savoir. » Je ris nerveusement et affiche un léger rictus désolé. « Parce que si t’aimes pas le sexe faut que tu m’expliques, parce que vraiment ça me dépasse ça. Le cul c’est la vie. » Je me rejette la tête en arrière sur la banquette. Achevez-moi avec le sexe.

« T'as toujours aimé ça ? T'as toujours kiffé le sexe en règle générale ? » Je demande finalement en fixant le plafond. « Genre, dès les premières fois, t'as trouvé ce que t'aimais et tu savais quoi faire ou faire faire pour prendre ton pied ? C'est ça qui le rend magique pour toi ? » J'ai conscience que j'ai l'air d'un enfant de cinq ans avec ces questions mais j'essaie, finalement, de comprendre le secret. J'ai bien compris que tout le monde veut coucher avec tout le monde si je grossis les traits ; que ce soit dans la vie réelle ou à la télé, on ne parle que de ça. J'imagine bien l'excitation, la chaleur, le coup de tension, le désir fulminant. Je comprends bien la fougue qui saisit les gens quand ils commencent à se saluer les amygdales et la frénésie qui s'enchaîne lorsqu'il y a plus d'affinités. Mais comment les gens savent réellement ce qu'ils aiment ? C'est à force de tenter ? Le sexe est une sorte de bingo géant ou à force d'essayer des combinaisons, on trouve des recettes gagnantes, le code vers le coffre magique de l'orgasme ? « En plus toi t'aimes tout, » je remarque. « J'veux dire, t'aimes les meufs et les mecs. » Alors, ça doit être encore plus magique pour elle, j'imagine. Deux coffres-forts du plaisir. Mais Nono, Dani et Hugo n'ont pas l'air d'être à plaindre non plus même s'ils jouent que dans la cour du sexe opposé. Sans crier garde, je pose mon front sur mon avant-bras qui repose sur la surface de la table. « J'vais nous chercher encore à boire, » j'annonce.

Je reviens avec un pichet de bière fraîche et glisse sur la banquette où j'étais précédemment assis. « Hugo va bientôt rentrer, il est KO, » j'annonce. « Je pense pas que ce soit des naïfs qui sont mal dans leur peau, les asexuels. Je pense que c'est juste... » Je remplis mon verre. « Genre Hugo, il coucherait jamais avec un mec. Ca l'attire pas. Pareil pour Nono avec les meufs. Les asexuels, j'pense que c'est le même principe, sauf que c'est ni l'un ni l'autre. Juste que ni les hommes ni les femmes les attirent sur le volet du sexe. » Je hausse les épaules nonchalamment. « Tu penses vraiment que quelqu'un pourrait ne pas aimer le sexe parce que toute sa vie, il a juste eu des parties de jambe en l'air craignos ? » Je me mordille nerveusement la lèvre. « Ce serait vachement triste, en effet. » Ne pas penser à Solveig, ne pas penser à Mila, ne pas penser à Ryan. Surtout ne pas penser à Ryan. « Comment on appelle quelqu'un que le sexe dégoûte ? Un alien ? Y'a une communauté pour les gens-là, sur Her ? » Je me penche sur l'écran de téléphone de Jiji, comme si la réponse allait y apparaître. C'était bien ça, mon problème. Ce n'était pas une question d'aimer ou de ne pas aimer, d'être attiré ou d'être indifférent. A mon niveau, ma principale réaction quand j'entendais parler de sexe était de grimacer ou de vouloir formuler un "berk" et ça, je doute que ce soit normal, pour un mec de trente piges. Peut-être que c'était parce que j'étais en overdose, à force d'avoir essayé d'aimer ça. Je portais de nouveau mon verre à mes lèvres. Le sexe, pour moi, ce n'était pas magique. C'était un devoir ou une punition et franchement, ça me tordait l'estomac autant que me laissait envieux des autres.

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@Kai Luz  

 
Fin Mars 2023 // « Et donc, "Her", comme son nom a l'air de l'indiquer, est réservé uniquement aux femmes j'imagine ? » « Hm…c’est pas réservé aux femmes. Y’a quelques mecs ici et là, des personnes non-binaire aussi, des homme trans, des femmes trans… bref un peu de tout. Mais pas trop de mec gay en tout cas. » Ils avaient déjà Grindr, ils n’allaient quand même pas squatter Her en plus, right? « T'as genre plusieurs communautés de femmes dessus qui cherchent à se rencontrer et à... Baiser ? » « Ouais. Enfin pas que, y’en a qui cherche l’amour hein, ils sont un peu naïfs, mais chacun fait ce qu’il veut. » concluait-elle, presque agacée. Autant avant elle ne jugeait pas ses gens là, limite elle en avait un peu fait partie, mais depuis Marceline : elle avait décidé, d’un commun accord avec elle même, que l’amour n’existait pas, qu’on racontait ça aux enfants pour qu’ils trouvent une sorte de sens à la vie. Que c’était du vent.
La conversation dérivait sur le sujet du sexe et Kai évitait savamment les questions de Jiyeon avec d’autres interrogations. « T'as toujours aimé ça ? T'as toujours kiffé le sexe en règle générale ? » Elle se pince les lèvres, réfléchissant sérieusement à la question.« Genre, dès les premières fois, t'as trouvé ce que t'aimais et tu savais quoi faire ou faire faire pour prendre ton pied ? C'est ça qui le rend magique pour toi ? » La question était loin d’être bête, Jiyeon ne se l’était simplement jamais posé, elle avait fait son petit bonhomme de chemin sans vraiment se questionné sur le sujet. « Je crois qu’au tout début j’aimais pas trop ça. Parce que … Bah je savais pas ce que j’aimais précisément en fait. » concluait-elle un brin pensive, tentant, sans grand succès, de se souvenir de ses premières fois. « En fait, à mes yeux le sexe c’est un peu … une sorte de challenge, mais aussi… un jeu ? Je sais pas comment l’expliquer. » Il lui en demandait bien trop vu son état actuel, mais elle tentait quand même. « Genre tu découvres le corps de l’autre, chacun dit ce qu’il aime, t’essaies des trucs, tu vois ce que ça fait, comment le corps de l'autre réagi…  » Après ce que Jiyeon préférait c’était quand même cette sensation de contrôle qu’elle avait dans ces moments là, l’instant où elle pouvait sentir que l’autre était prêt à supplier pour plus, là elle prenait vraiment son pied. « Faut tester pour savoir ce que t’aime et après : c’est magique. » concluait-elle enfin, reprenant plusieurs gorgées de sa bière. « En plus toi t'aimes tout, » lâchait Kai. « J'veux dire, t'aimes les meufs et les mecs. » Puis il lâchait le plafond des yeux pour venir se cacher dans ses bras, contre la table. « You okay ? » demandait-elle en pouffant de rire, voyant que Kai avait l’air préoccupé par le sujet, voir un brin dépité. « J'vais nous chercher encore à boire,  » Jamais il ne répondait à ses questions, c’était frustrant. Il se tirait de sa place pour partir vers le bar et Jiyeon sortait déjà son smartphone pour tuer le temps, swippant à droite sur Tinder tout en terminant sa bière.

« Hugo va bientôt rentrer, il est KO, » Jiyeon relevait les yeux de son téléphone pour regarder Kai qui se glissait sur la banquette, posant un pichet de bière sur la table. « Je pense pas que ce soit des naïfs qui sont mal dans leur peau les asexuels. Je pense que c'est juste...  » Ah il avait cogité sur le sujet en allant prendre à boire. Jiyeon se redressait, l’observant se servir un verre de bière, attrapant déjà la bouteille de soju pour amélioré (selon elle) la boisson de son ami. « Genre Hugo, il coucherait jamais avec un mec. Ça l'attire pas. Pareil pour Nono avec les meufs. Les asexuels, j'pense que c'est le même principe, sauf que c'est ni l'un ni l'autre. Juste que ni les hommes ni les femmes les attirent sur le volet du sexe.  » Il avait l’air bien renseigné sur le sujet en tout cas et Jiyeon le laissait parler, attrapant le pichet à son tour pour re-remplir sa pinte. « Tu penses vraiment que quelqu'un pourrait ne pas aimer le sexe parce que toute sa vie, il a juste eu des parties de jambe en l'air craignos ?  » Un peu (beaucoup) de soju dans sa bière et elle reportait son attention sur Kai pour se concentrer sur ce qu'il disait. « Ce serait vachement triste, en effet. » Il était nerveux, clairement ce sujet lui tenait à coeur, il fallait peut-être qu'elle prenne cette conversation au sérieux et arrête de dire tout ce qui lui passait par la tête, avec un jugement non dissimulé. « Comment on appelle quelqu'un que le sexe dégoute ? Un alien ? Y'a une communauté pour les gens-là, sur Her ? » « Un alien.… » répétait-elle en secouant la tête, reprenant deux grandes gorgées de bière. Ok, clairement Kai était plus concerné qu’elle ne l’avait initialement pensé, elle reposait sa pinte sur la table, posant ses mains sur celle ci d'un air sérieux. « En fait, je pense que l’asexualité c’est un… comment on dit …. » elle cherchait ses mots, passant en coréen dans sa tête avant de trouver l’anglais : « Spectre ? » elle n’était pas certaine du mot, mais enchainait quand même. « J’pense qu’en effet ya des gens qui ont juste pas de libido, genre, le sexe ça les intéresses juste pas, puis y’en a qui sont moins radicaux. Ils sont quand même asexuel, mais ils sont juste plus….réservés, ou plus romantique ou plus ... sélectif, pas autant obsédés par le sexe que d’autre… » Son explication étant bancale, mais un peu plus nuancée que ce qu’elle avait dit un peu plus tôt, elle reprenait quelques gorgées de bière avant d’enchainer, le regard droit dans les yeux de Kai. « En fait tu peux aussi être demi-sexuel, lithsexuel, aromantique…  Y’a plein plein d’étiquettes, y’en a pour tout le monde si t’as vraiment envie de t’en coller une. Et dans l’asexualité y'a plein de sous option : Tu peux être asexuel mais avec du désir sans sentiments, avoir de l’attirance romantique sans désire sexuel ou n’avoir aucun des deux… ça fait pas de toi un alien, y’a plein de gens comme ça ! C'est loin d'être mon cas, donc j'avoue que ça m’échappe un peu, mais ça fait pas de toi un alien. Et t’as totalement ta place sur Her ou tout autre application de rencontre lgbt friendly. » Concluait-elle. Oui a aucun moment Kai n’avait dit qu’on parlait de lui, mais Jiyeon était bourrée, pas aveugle. « Après, si tu trouves la bonne personne et que t’as envie d’essayer quand même, tu peux. C’est pas parce que tu te dis asexuel que tu peux pas essayer non plus. C’est comme pour la bouffe en fait : ya des trucs qu’on aime, des trucs qu’on aime pas, t’essaie, tu goûtes, si t’aimes pas tu te force pas, et voilà. C’est aussi simple que ça. » Elle haussait les épaules. A ses yeux c'était simple, mais évidemment ça restait un cheminement intérieur bien plus complexe pour ceux directement concernés.« Du moment que tu te respectes et respectes les autres : it’s all good. » concluait-elle, se re-concentrant sur sa bière, même si à chaque nouvelle gorgée elle avait cette désagréable douleur dans l’abdomen. Elle attrapait machinalement le paquet de chips de Kai pour en piquer quelques unes, pensant naïvement que le fait de boire sur un estomac vide pour la énième fois de la semaine, devait être la raison de cette douleur. « Quand c’est que tu sors de placard du coup ? » demandait-elle soudain entre deux chips, reposant ses yeux sur Kai en toute décontraction. Le drag était une première étape, soyons honnête, les artistes drags hétéros existaient, évidemment, mais étaient clairement une minorité. Mais malgré ce premier pas, Kai avait encore beaucoup de chemin à faire et Jiyeon perdait un peu patience. (puis elle avait bien trop bu pour retenir cette question).

Il avait fallu une allusion à l'application Grindr, une certaine dose d'alcool déliant ma langue et une pseudo intimité avec Jiyeon pour que la conversation s'oriente vers un sujet que je fuyais ordinairement comme la peste : le sexe. J'ignorais si c'était parce que la relation que j'entretenais avec Raphael me montait de plus en plus à la tête, le garçon ayant assurément ébranlé mon monde et ma vision de ce dernier ; ou s'il s'agissait d'un savant mélange entre ma reconstruction fragile après mon agression et ma volonté de m'affirmer de plus en plus afin de mener ma vie comme je l'entendais plutôt que comme Autrui me le dictait. Dans tous les cas, je notais avec intérêt l'explication que me fournissait mon amie sur les propres plateformes qu'elle fréquentait, quand bien même je doutais fortement m'y inscrire un jour, même si comme elle le signifiait, tout le monde ne cherchait pas forcément à y trouver un partenaire sexuel et certains étaient davantage en quête de romance - un objectif qui paraissait dépasser de nouveau la Park mais que je ne relevais pas, comprenant qu'elle souffrait de sa récente rupture avec Marceline et craignant remuer le couteau dans la plaie en développant ce point.

J'évitais ainsi soigneusement le débat sur l'amour, auquel je ne croyais pas plus que cela non plus de toute façon, il fallait l'avouer. Selon moi, on pouvait être attiré par quelqu'un, et comme une étude le laissait entendre, cette attirance, communément appelée amour, durait trois ans. Ensuite, l'habitude ou l'affection prenait le relai, les phéromones périmées - comme des antibiotiques desquels on abuserait et qui ne feraient ainsi plus effet, notre système s'y étant habitué. Je ne croyais pas aux âmes sœurs, je ne croyais pas à l'amour qui faisait bouger les montagnes. Je pensais simplement que les êtres humains étaient dotés de degré de dépendance ou de passion différents les uns des autres et que certains atomes crochus facilitaient des proximités qu'il serait assez loufoque de penser éternelles. Puis, l'Homme en soit était sociable, il rejetait la solitude. Quoi de mieux pour l'éviter que de se promettre à quelqu'un ?

« Je crois qu’au tout début j’aimais pas trop ça. Parce que … Bah je savais pas ce que j’aimais précisément en fait, » explique Jiyeon sur ses premières expériences. La coréenne qui semblait tellement envoûtée par le sexe, qu'elle qualifiait même de la vie, révélait ne pas avoir toujours été charmée par ses expériences et secrètement, cela me confortait et me rassurait profondément. Je ne m'imaginais pas que Jiyeon était hissée au septième ciel grâce à chacune de ses aventures, mais savoir qu'elle n'avait pas aimé ses coups dès le départ de son palmarès charnel nourrissait sournoisement l'espoir en moi qu'un jour je puisse aimer faire l'amour à quelqu'un. « Et ça a duré combien de temps, ton "tout début" ? Il t'a fallu beaucoup de fois avant de trouver ça magique ? » Je questionnais. « Pourquoi t'as continué de le faire si t'aimais pas trop ça ? » Jiyeon m'éclairait de nouveau : « En fait, à mes yeux le sexe c’est un peu… une sorte de challenge, mais aussi… un jeu ? Je sais pas comment l’expliquer. » Je fronçais les sourcils, intrigué et dubitatif. Un jeu pour elle, une corvée pour moi ; je nous visualisais à deux opposés. « Genre tu découvres le corps de l’autre, chacun dit ce qu’il aime, t’essaies des trucs, tu vois ce que ça fait, comment le corps de l'autre réagi… » Je prends une longue gorgée de bière. Sa description rime avec fastidieux dans ma tête. Les coucheries de Jiyeon semblent nécessiter une certaine communication et transparence et, si cette découverte de l'autre est enthousiasmante pour la brune, aux miens, il s'agirait d'une langueur de stress à tenter de dénicher une combinaison spéciale pour que mon partenaire décroche sa dose de plaisir et qu'on passe enfin à autre chose. « Faut tester pour savoir ce que t’aime et après : c’est magique. » Je me pince les lèvres, peu friand d'appliquer ce conseil, même si j'aimerais y croire. « Ca te fait pas bizarre de coucher avec des gens que tu connais pas ? Je veux dire, tu te fous à poil, tu te montres dans des instants vulnérables où tu peux aller jusqu'à te lâcher, ce sont des moments que t'offres quand même pas à tout le monde. C'est une... magie particulière. » Je reprends ses termes. « Ca te soule pas parfois que quelqu'un puisse te tripoter comme ça à tenter de trouver ce qui te fera plaisir ? » Rien que cette idée me refroidit. « Je sais que c'est normal et je critique absolument pas mais ça te fout pas dans le malaise parfois de te retrouver dans cette situation-là, en toute intimité avec une autre personne que tu connais pas spécialement des masses et que tu verras peut-être même plus après, à chercher ce qui vous fait vibrer ? » Et en plus, Jiyeon aimait les hommes comme les femmes, ce que je ne me privais pas de souligner avant d'abattre ma tête dans mon coude, sur la table, puis opter pour une nouvelle dose d'alcool.

Je revenais auprès de ma meilleure amie muni d'un pichet de bière blonde et de mon point de vue sur l'asexualité que je lui décrivais. Pendant que Jiyeon partageait généreusement son soju, je me rattachais désespérément à l'idée que quelqu'un puisse ne pas aimer le sexe simplement parce qu'il n'a pas trouvé ce qu'il aimait dans cette discipline. Cependant, j'ai beau déployer toute mon énergie à me voiler la face, force m'est de constater que peu importe les scénario auxquels je pense, je n'ai pas envie d'avoir des rapports sexuels avec qui que ce soit ; pire, l'idée même me révulse, me fatigue, m'exaspère. Je ne veux plus essayer, je ne veux plus me forcer. Peut-être ai-je brûlé toutes mes cartouches à tant tenter et désirer aimer ça. Peut-être me suis-je saturé à me fourrer dans des situations et dans des rôles qui ne me correspondaient pas et où je me sacrifiais pour le plaisir des autres tout en me brisant toujours plus dans le processus, comme une pièce qu'on effrite encore et encore à s'entêter à la faire entrer un moule flagramment incompatible.

« Un alien.… » Jiyeon reprend mes termes et j'émets un rire nerveux, réalisant à quel point je l'assaillais de questions sur une thématique qui était de surcroît très peu exploitée de ma part. « En fait, je pense que l’asexualité c’est un… comment on dit … Spectre ? » Je lève les sourcils, incrédule. « Un spectre ? Comme un fantôme ? » Est-ce que je peux me cacher sous un drap ? Mieux encore : une cape d'invisibilité. « J’pense qu’en effet y'a des gens qui ont juste pas de libido, genre, le sexe ça les intéresse juste pas, puis y’en a qui sont moins radicaux. Ils sont quand même asexuel, mais ils sont juste plus… réservés, ou plus romantiques ou plus... sélectifs, pas autant obsédés par le sexe que d’autre… » Mes épaules s'affaissent. Ca fait beaucoup de possibilités d'un coup et ça a un côté réconfortant tout comme intimidant. « En fait tu peux aussi être demisexuel, lithsexuel, aromantique… Y’a plein plein d’étiquettes, y’en a pour tout le monde si t’as vraiment envie de t’en coller une. Et dans l’asexualité y'a plein de sous option : Tu peux être asexuel mais avec du désir sans sentiments, avoir de l’attirance romantique sans désir sexuel ou n’avoir aucun des deux… » Mes lèvres s'entrouvrent, mes joues rougissent. Je réalise à quel point il y a plein d'étiquettes, comme le dit Jiyeon, dont une partie dont j'ignore même la sémantique et dont j'entends les termes pour la première fois ce soir. « Ca fait pas de toi un alien, y’a plein de gens comme ça ! C'est loin d'être mon cas, donc j'avoue que ça m’échappe un peu, mais ça fait pas de toi un alien. Et t’as totalement ta place sur Her ou tout autre application de rencontre lgbt friendly. » Mes muscles se contractent de concert, mon cœur sombre lourdement dans mon estomac, telle une roche indigeste, face au changement de pronom de Jiyeon. Il m'aurait fait disparaître au passage s'il en avait le pouvoir. « Jaipasditquejparlaisdmoi, » je défends timidement mais je me doute que la Park a compris que notre conversation n'était pas un pur débat social et que je lui transmettais mes propres sentiments. De plus, je la respecte assez pour ne pas la considérer pour une idiote et me jouer d'elle. Je ne suis néanmoins pas certain d'apprécier et encore moins d'assumer cette nouvelle transparence, en particulier quand tout paraît encore si abstrait à mes sens. Dépité, je pose de nouveau mon front sur mon bras, lui-même calé sur la table. « Après, si tu trouves la bonne personne et que t’as envie d’essayer quand même, tu peux. C’est pas parce que tu te dis asexuel que tu peux pas essayer non plus. C’est comme pour la bouffe en fait : y'a des trucs qu’on aime, des trucs qu’on aime pas, t’essaies, tu goûtes, si t’aimes pas tu te force pas, et voilà. C’est aussi simple que ça. » Je soupire contre mon bras. Encore une fois, c'était rassurant de ne pas s'enfermer dans une définition et considérer que la sexualité était continuellement fluide, qu'elle pouvait évoluer selon ce qu'on désirait, selon où l'on se trouvait dans son cheminement de vie, qu'elle n'avait pas à être figée et cadrée. Que l'on pouvait tenter des choses sans que cela ait des répercussions sur le reste de sa vie, sans que cela nous définisse à tout jamais. Que l'on pouvait même ne pas aimer, ou aimer certaines fois et pas d'autres, et peut-être que l'envie, le désir et le plaisir pouvaient se présenter similairement, comme un échocardiogramme avec des hauts, des bas et des lignes plates et le tout sur des milliers de fréquences possibles. J'étais d'accord avec le fait que suivant la présentation de Jiyeon, tout ceci était simple mais dans le fond, ça me paraissait tellement insurmontable et complexe. « Du moment que tu te respectes et respectes les autres : it’s all good. » « Ca a jamais été mon respect envers les autres, le problème, » je grommelle de nouveau sans filtre, regrettant amèrement mes paroles révélatrices. Certes, j'ai enchaîné les faux semblants, les doubles jeux. J'ai menti si fort que je me suis empêtré moi-même dans mes mensonges, refusant la vérité. J'ai perdu de vue qui j'étais et ce que je voulais moi-même. Je n'ai jamais été réglo avec moi-même, je n'ai jamais été honnête dans mes relations, mais je n'ai jamais intentionnellement voulu faire de mal ni voulu trahir. Au contraire, je souhaitais plus que tout me conformer, je désirais répondre aux attentes de mes partenaires, je voulais être celui qu'on attendait de moi. J'étais convaincu qu'à force de mimer, je deviendrais cette personne-là. « C'est pas si simple, Jiji, » Je me redresse enfin. « Quand t'es un mec, t'es censé vouloir coucher. » J'ai conscience que je grossis les traits en vulgaire et honteuse caricature, mais les émotions me permettent guère de faire dans la finesse. « On peut pas juste aimer quelqu'un. On peut pas juste vouloir être avec quelqu'un sans avoir besoin de coucher, » j'exprime avec désarroi. « On te demande forcément du sexe dans une relation parce que si tu couches pas avec la personne, elle croit que tu la désires pas, que tu l'aimes pas, que tu veux pas d'elle, que tu te joues d'elle, que tu la trompes, que tu la trouves moches... Si tu couches pas avec la personne, la relation est bancale, incomplète. C'est comme si tu pouvais pas assez bien l'aimer, comme si t'étais pas assez. Puis l'expression le dit elle-même : faire l'amour. Alors c'est quoi ? Tu peux aimer quelqu'un mais tant que t'as pas couché avec, tant que tu le lui as pas fait, l'amour, t'es pas crédible ? Et c'est pas l'histoire d'une fois et on en parle plus. Non il faut que tu le fasses encore et encore et encore, plusieurs fois par semaine, sinon t'es pas un bon copain, t'es pas réglo. Sinon tu l'aimes pas assez. Pas assez bien. » Je déglutis, le cœur battant. « Si demain je sors et y'a quelqu'un qui me plaît, il faut que j'le prouve en couchant avec aussi, il faut que j'ai envie de coucher avec, alors que - » Je me mords la lèvre, ravalant amèrement mes termes. « C'est comme si c'était une preuve, le sexe. Une justification. C'est comme si... J'sais pas. C'est comme si j'avais construit le bateau mais je le portais pas à la mer parce que j'avais le mal de mer alors il vaut rien, mon bateau. Il sert à rien. Il fait tâche. Et tout le monde veut naviguer. Ou presque. » 1% de la population ne le voulait pas, selon Raphael. Une personne sur cent, dit comme ça, on pouvait se sentir quand même moins seul, mais en attendant, les mœurs voulaient que le sexe était monnaie courante autant dans les soirées sans lendemain qu'au sein de couples. C'est pas si commun, le mal de mer.

Jiyeon tend ses doigts fins vers le paquet de chips et je le déplace de manière à ce qu'il lui soit plus accessible, le cœur en berne. « Quand c’est que tu sors de placard du coup ? » J'appuie mon dos sur la banquette derrière moi, je lève mes mains à l'horizontale, démuni. « J'ai pas de placard Jiji. J'ai un bateau sans mer et avec un mal de mer. » Je fais, avant de sourire nerveusement et de lever un regard à la fois désolé et dépité vers ma meilleure amie. « Je peux pas sortir d'un placard, je sais pas ce que je suis. J'aurais rien à dire. » Je hausse les épaules, désabusé. « Je peux pas être... Juste Kai ? » Je hausse légèrement mes épaules puis m'accoude à la table, plaçant mon visage entre mes mains. « Ou un fantôme ? J'aimais bien, ton histoire de fantôme. »

This slope is treacherous
@Kai Luz  

 
Fin Mars 2023 // Evidemment Kai y allait de ses questions : combien de temps ça a duré avant que ce soit agréable ? Pourquoi t’as continué si t’aimais pas ça ? C’est pas bizarre de coucher avec des inconnus ? Le challenge n’est-il pas laçant ? Etc. Les questions n’étaient pas bêtes, loin de là, mais Jiyeon, n’y répondait pas, trop prise par ses explications, trop bourrée aussi pour réussir à tout suivre. Le sujet était sérieux, surtout que vraisemblablement il concernait directement son ami. Elle tentait tant bien que mal de rattraper les conneries qu’elle avait dit au début de la conversation, se lançant dans une explication plus juste de l’asexualité, ne voulant en aucun cas que Kai se sente comme un alien, alors qu’il était bel et bien humain. « Jaipasditquejparlaisdmoi, » Riiiiiight. Elle ne relevait même pas, sachant pertinemment qu’on parlait de lui. Le fait qu’il soit asexuel semblait évident maintenant qu’elle y pensait. Il n’avait jamais été très porté sur la chose, souvent gêné quand le sujet était abordé. Jiyeon lui assurait qu’il n’y avait rien d’étrange à ça, trouvant la situation assez simple, parce qu’à ses yeux ce n’était tout simplement pas difficile d’être ce qu’on voulait être, unapologetically, elle le faisait sans se poser autant de question. « C'est pas si simple, Jiji, quand t'es un mec, t'es censé vouloir coucher. » déclarait-il enfin en se redressant. Et il se lançait dans une longue explication que Jiyeon écoutait sans vraiment écouté. Non pas que ce n’était pas interessant, simplement qu’elle avait trop bu pour réussir à se concentrer aussi longtemps et que, surtout, elle trouvait que Kai se prenait la tête avec des détails sans importance. Elle tendait les mains sur la table pour attraper les mains de son ami, les serrant tendrement. « Babe…On s’en fou des autres, on s’en fou de ce qu’est la ‘norme’. Le sexe c’est pas le centre du monde, et t’es pas obligé de coucher pour prouver ton amour ou ton attachement à quelqu’un. Y’a mille et une façon de le faire. » Concluait-elle. Avant de reporter son attention sur le paquet de chips et d’ajouter : « Je te donnerais le numéro de Marceline, elle t’expliquera mieux que moi. J’suis nulle avec les mots. » Ouais Marceline elle saurait quoi dire, elle savait toujours quoi dire…Puis elle savait montrer son amour de mille et une façon, contrairement à la coréenne. Jiyeon en oubliait presque qu’elle était supposée la détester... « J'ai pas de placard Jiji. J'ai un bateau sans mer et avec un mal de mer.  » Elle mâchouillait bruyamment ses chips, pas certaine d’avoir réussi à comprendre cette métaphore. Il lui en demandait vraiment trop ce soir. « Je peux pas sortir d'un placard, je sais pas ce que je suis. J'aurais rien à dire. Je peux pas être... Juste Kai ? » « Bah si, tu peux. » répondait-elle aussitôt. « Ou un fantôme ? J'aimais bien, ton histoire de fantôme. » « Non mais c’était pas une histoire de fantôme … » soufflait-elle. « Tu peux juste être toi, ça me semble pas si compliqué que ça… » notait-elle en haussant les épaules, repoussant le paquet de chips vers Kai pour se remettre à boire. « Je crois que tu te prends trop la tête en fait. » à ses yeux ça semblait si simple. Elle savait bien au fond que ce n’était pas si simple pour tout le monde, que c’était ça l’expérience queer, que s’accepter était plus ou moins difficile en fonction de chacun… mais pour elle c’était tellement facile qu’elle en comprenait pas que Kai puisse se torturer à ce point et se rendre malheureux, alors qu’il lui suffisait de dire : ‘je suis Kai, j’aime pas le sexe’. Et voila ! « Soit pas un fantôme, s’il te plait. » ajoutait-elle, grimaçant en sentant cette douleur aiguë toujours présente a chaque gorgée de bière. « Et arrête de te masturber le cerveau comme ça. » concluait-elle reprenant une gorgée de bière, ajoutant d’un air limite agacé : « T’es asexuel, peut-être aussi homo, ou pan, ou bi, on s’en fou, les étiquettes c’est relou. Tu peux être juste toi, c’est bien suffisant comme ça. »

A défaut d'avoir vomi mes tripes en raison de l'alcool ingurgité lors de cette soirée, j'avais offert à ma meilleure amie un incomparable dégueulis de mots que je misérais déjà à assumer et qui me procurerait assurément le désir de disparaître de la surface de cette planète dès demain matin. A mesure que je sentais l'attention de mon interlocutrice s'épuiser, je regrettais amèrement avoir été si transparent. Non pas que je ne fasse pas confiance en Jiyeon, sans compter que je savais qu'elle me respectait entièrement, mais j'avais moi-même du mal à accepter ces termes au fond de mon être, comment pouvais-je maintenant tolérer qu'ils vagabonderaient éventuellement au sein de notre relation ? Je n'avais plus qu'à espérer que l'alcool gomme la mémoire de la coréenne, cependant, je n'étais pas certain qu'il soit aussi efficace, vu l'investissement dont m'avait tout de même fait preuve la vingtenaire plus tôt. Ce fichu poison m'avait délié la langue sans être en mesure de censurer notre mémoire.

« Babe… On s’en fout des autres, on s’en fout de ce qu’est la ‘norme’. Le sexe c’est pas le centre du monde, et t’es pas obligé de coucher pour prouver ton amour ou ton attachement à quelqu’un. Y’a mille et une façons de le faire. » « T'es drôlement romantique, d'un coup, » je taquinais avec un sourire en coin, sans joie, peu convaincu par les paroles de Jiji. Le souci reposait sur le fait que je ne me foutais pas des autres, ni de la norme. J'avais été élevé dans un rang, dans un cadre, que je devais respecter à tout prix sous peine d'être un échec impardonnable ; tant qu'encore aujourd'hui, je souffrais d'être si inadapté à cette vision à laquelle on m'avait dicté devoir ressembler. De plus, il m'était douloureux de ne pas intégrer la majorité et de surcroît errer d'appellations en appellations, ignorant à quel groupe appartenir. Aussi, ultimement, même si l'amour se démontrait via des milliers de façons, il n'en demeurait que le sexe était un facteur souvent non négligeable. « Je te donnerais le numéro de Marceline, elle t’expliquera mieux que moi. J’suis nulle avec les mots. » « Je l'ai unfollowed, » j'annonce. Loyal, quand j'avais appris que l'amour entre les deux femmes s'était meurtri, j'avais cessé de suivre la star.

Dépité, je déclarais être incapable de sortir d'un quelconque placard puisque généralement, un tel événement s'accompagne d'un discours et de révélations. Or, je n'avais rien à articuler, mis à part le fait que je n'étais que confusions, ce qui n'avancerait personne réellement. Un fin sourire apparut sur mes lèvres lorsque Jiyeon m'affirma que je pouvais être simplement moi sans m'étiqueter de différents qualificatifs bien qu'en cet instant précis, j'avais surtout envie de disparaître. L'image du fantôme s'esquissait ainsi envoûtante. « Non mais c’était pas une histoire de fantôme… » J'affichais une mine déçue. « Tu peux juste être toi, ça me semble pas si compliqué que ça… » Je plissais les yeux, le cœur serré de ne pouvoir véritablement expliciter à Jiyeon à quel point c'était compliqué pour moi d'être juste moi, d'assumer qui j'étais, de m'accepter tel que j'étais, de me définir dans tout ce brouhaha où se mêle ce que j'aime et ce que je dois aimer, qui je suis, qui j'aimerais être, qui je ne peux pas être et qui je suis déçu de ne pas être. « Je crois que tu te prends trop la tête en fait. » Je ne pouvais pas contredire la Park sur ce point. « Soit pas un fantôme, s’il te plait. » « Jvaisessayer, » je promettais d'une petite voix, plongeant ma main dans le sac de chips à mon tour, intimidé et défait. « Et arrête de te masturber le cerveau comme ça. » Je souriais doucement, aussi amusé par l'expression choisie que désolé de sentir Jiyeon agacée. « T’es asexuel, peut-être aussi homo, ou pan, ou bi, on s’en fout, les étiquettes c’est relou. Tu peux être juste toi, c’est bien suffisant comme ça. » Je hochais la tête en signe de dénégation, me sentant submergé par toutes ces options, l'estomac renversé, le sang glacé, le souffle saccadé. « On va se contenter de Kai pour l'instant, okay ? Juste Kai. Kai rien du tout. Kai même pas fantôme, » je suppliais, à en parler de moi-même à la troisième personne. « T'as faim d'autre chose ? Tu veux qu'on se commande un truc ? » Je proposais, ayant bien remarqué Jiyeon se trémousser, visiblement mal à l'aise, sur son siège et picorant à contrecœur dans le sac de croustilles.

This slope is treacherous
@Kai Luz  

 
Fin Mars 2023 // « T'es drôlement romantique, d'un coup, » Elle était à deux doigts de lui dire « ta gueule » mais restait concentrée sur le sujet principal, notant tout de même que Marceline serait bien plus apte à l’aider et le conseiller. Elle saurait trouvé les mots elle.« Je l'ai unfollowed, » « Pas moi. » concluait-elle simplement. Et elle ne le ferait certainement jamais, parce que Marceline aurait toujours une place importante dans sa vie, elle se refusait de la bloquer ou de se désabonner, elle préférait avoir mal au coeur à chacun de ses postes que d’ignorer ce qui se passait dans la vie de la blonde.

« Jvaisessayer, » concluait Kai alors que Jiyeon tentait de repousser cette idée de fantôme qui trottait dans l’esprit de son ami. « On va se contenter de Kai pour l'instant, okay ? Juste Kai. Kai rien du tout. Kai même pas fantôme, » Jiyeon hochait la tête entre deux gorgées de bière. « Kai c’est bien. C’est parfait. » concluait-elle en reposant sa pinte sur la table dans une énième grimace. « T'as faim d'autre chose ? Tu veux qu'on se commande un truc ? » Les sourcils de Jiyeon se fronçaient aussitôt. « Non. » la réponse était clair, pourtant elle piquait une nouvelle chips. « Bon si. Je vais demander du pain. » déclarait-elle, se tirant déjà de sa place pour rejoindre le bar, demandant à Hugo du pain. Elle n’avait pas faim, mais se figurait que le pain serait parfait pour éponger un peu les excès de la journée et pour, peut-être calmer ces douleurs étranges que les chips ne parvenaient visiblement pas à stopper. La pas hésitant, le sol se dérobant presque sous ses pieds, elle parvenait tout de même à répondre le bar. Le français lui passait une petit panière remplie de tranches de baguette avant de faire remarquer à Jiyeon que l’heure de la fermeture approchait. Elle levait les yeux au ciel, attrapant déjà un morceau de pain pour mordre dedans d’un air provocateur, avant de rebrousser chemin pour retrouver Kai, lâchant la panière sur la table. « Ils vont fermés. » notait-elle, la bouche pleine de pain, avalant sa bouchée en se laissant tomber à sa place. « j’ai mal au ventre… enfin pas au ventre mais … » Elle indiquait d’un geste vague son ventre, sa poitrine, elle ne savait pas trop, c’était dans cette zone là. Elle avait eu une désagréable sensation de vertige en se levant, mais c’était certainement l’alcool. Rien de plus. « C’est relou. » ronchonnait-elle reprenant une bouchée de son morceau de pain. « c’est pas bon le pain, ça va me faire grossir. Ça aussi c’est relou. » elle abandonnait son misérable morceau de baguette sur la table, s’adossant au fond de son siège, la tête en arrière. Elle commençait à avoir froid et tirait machinalement sa veste sur ses épaules. C’était certainement la fatigue. Il était bien deux heures du matin, peut-être plus et Jiyeon ne dormait pas beaucoup ces derniers temps, donc ça ne pouvait être que ça. « En fait j’ai pris du pain mais peut-être que tu voulais un vrai repas toi. » notait-elle, le regard perdu au plafond avant de se redresser pour planter son regard vitreux dans celui de Kai. « Fromage ? Charcuterie ? » demandait-elle alors qu’elle avait envie de vomir rien qu’en prononçant ces mots. Elle reprenait sa pinte pour en prendre une nouvelle gorgée qu’elle regrettait presque.

Un vide désagréable s'installait en moi, comme si l'on venait d'extraire un morceau de moi-même pour le jeter au plein jour et que désormais, je me sentais odieusement nu, gauche, inadapté. Pourtant, les aveux que j'avais adressés à Jiyeon avaient été spontanés, la jeune femme ne m'avait en aucun cas tiré quelconques vers du nez. Seul l'alcool avait su un peu trop habilement délier ma langue, ainsi que ce besoin cuisant et exponentiel de me révéler de plus en plus à mes proches depuis que je les avais retrouvés à Brisbane et que j'avais été lamentablement laissé pour mort dans une ruelle de cette grande ville australienne. Cependant, partager un secret que je conservais précieusement au fond de mes entrailles comme s'il était vital qu'il ne soit jamais découvert imposait désormais un profond malaise qui nouait amèrement mon estomac, embarras que je tentais d'apaiser en banalisant mes confidences et en me rassurant sur le fait que peut-être que ma meilleure amie aurait tout oublié d'ici quelques heures.

Car en effet, la Park avait l'air de moins en moins en forme. Son teint s'apparentait au livide, elle gesticulait douloureusement sur la banquette, fronçait ses sourcils en maugréant. Lorsqu'elle se levait pour obtenir du pain d'Hugo, j'en profitais pour saisir sa petite fiole de soju afin de constater qu'elle était quasiment vide, ce qui n'était pas pour me rassurer. Je m'attribuais derechef le rôle de conduire Jiyeon chez elle pour la nuit, question d'être certain qu'elle soit en sécurité et ne manque pas d'anti-douleurs à son réveil qui promettait d'être migraineux. Lorsque la coréenne revint, le pas titubant, je lui offrais un sourire en coin pendant qu'elle se laissait mollement tomber à sa place. J'attrapais un morceau de baguette. « Ils vont fermer. » Je jetais machinalement un coup d'œil à l'heure affichée sur l'écran de mon smartphone puis je portais mon regard vers le bar à la recherche de mon meilleur pote. « J’ai mal au ventre… enfin pas au ventre mais… » Mes yeux décrivait la zone que me désignait Jiji. « C’est relou. » « Ouais, t'as pas l'air en forme bae, » je confessais sur un ton bienveillant, aucunement doté de jugement. « Ca ira mieux demain, » j'annonçais, optimiste et encourageant. « C’est pas bon le pain, ça va me faire grossir. Ça aussi c’est relou. » « T'inquiète, j'pense que tu peux te permettre un morceau, » je faisais alors que l'aliment été rejeté sur la table, mordillé négligemment par la brune. Je ris doucement de cette attitude en prenant un morceau du mien. « En fait j’ai pris du pain mais peut-être que tu voulais un vrai repas toi. Fromage ? Charcuterie ? » Et à mesure qu'elle parlait, Jiyeon se décontenançait, se décomposait. « Non, t'inquiète. On rentre ? » Je lançais, estimant que ma meilleure amie avait cruellement besoin de repos et que la meilleure solution était de partir d'ici pour se rendre chez elle ou chez Dani. « Tu peux p'tet passer la nuit chez Dani et moi ? » Je l'invitais, désormais tracassé de l'état de mon amie et épris de la volonté de garder un œil sur elle, même si la Park n'était pas spécialement de ceux qui aimaient être couverts. Cependant, un mauvais pressentiment invoquait quelques frissons qui couraient le long de mon échine. Jiyeon se mettait régulièrement des mines, mais elle n'était pas du genre à se plaindre d'avoir mal au bide. « Ca fait longtemps que tu es pas venue, » je jouais éhontément la carte du chantage affectif. Puis si Jiji passait la nuit avec moi, à son réveil, je pourrais m'assurer de ce qu'elle se rappelle ou pas de notre conversation. Qui sait, je pourrais peut-être même nier des trucs si je suis assez lâche d'ici là. Cette stratégie présentait décidément de nombreux avantages.

This slope is treacherous
@Kai Luz  

 
Fin Mars 2023 // « Ouais, t'as pas l'air en forme bae, » Elle prenait un air boudeur en entendant ça. Qu’elle dise ne pas aller bien était une chose, mais que quelqu’un d’autre ose lui dire qu’elle avait mauvaise mine ? Rude. Just rude. « Ça ira mieux demain, » Elle hochait lentement la tête, râlant de plus belle en prenant un bout de pain.« T'inquiète, j'pense que tu peux te permettre un morceau,  » « Non. » répondait-elle simplement à mi-voix, jetant son reste de pain sur la table avant de tout de même s’inquiéter que Kai ai quelques choses de plus insistant à manger. « Non, t'inquiète. On rentre ? » Jiyeon prenait une énième gorgée de sa bière qui semblait bruler jusqu’à son estomac. Elle reposait sa pinte sur la table avant de remettre une main sur son ventre, le regard dans le vide, tentant de se concentrer pour ne pas grimacer de douleur. Entre ça et les frissons qui se faisaient de plus en plus présent, elle commençait à se dire que peut-être, son corps tentait de lui dire quelque chose. « Tu peux p'tet passer la nuit chez Dani et moi ? » « Non. » lâchait-elle de nouveau, tel un disque rayé, re posant brièvement son regard sur Kai en secouant la tête. Son poing se serrait sur le vêtement qui recouvrait son ventre, froissant le tissu alors qu’elle se recroquevillait machinalement dans un grognement. « Ça fait longtemps que tu es pas venue, » notait Kai. « J’veux dormir chez moi. » grommelait Jiyeon, de manière presque inaudible alors qu’elle tremblait de plus en plus et que ses traits se déformaient malgré elle sous l’effet de la douleur.  « Fait froid. » notait-elle tout de même, alors qu’elle sentait sa tête tournée et qu’elle venait la poser lourdement sur la table, manquant de renverser sa pinte au passage.


HJ: j'ai fait court, je me dis qu'on peut maybe clôturer en faisant le lien avec le début du rp 3 des five ?