(fin février) Alice est grande. Elle a beaucoup changé, déjà. Bientôt deux mois. Le temps passe à une allure folle, c’est ce que tout le monde dit ; et c’est loin d’être ce que Lily pense. Le temps ne passe pas à une allure folle alors que les journées font vingt heures et que les heures de sommeil sont absentes. Le temps ne passe pas non plus à une allure folle alors qu’Alice a toujours besoin d’être changée ou nourrie, quand ce ne sont pas les deux en même temps. Tout le monde vient visiter, tout le monde veut prendre des nouvelles. La mère de Lily est passée, bien trop soulagée de connaître sa petite-fille, et tout simplement d’en avoir une avant de passer l’arme à gauche. Bien d’autres visages ont découvert cette maison et la nouveau-née avec, forçant Lily à toujours montrer un nettoyage et une décoration impeccables, parce qu’elle refuse d’être de ces mères dépassées par l’arrivée d’un enfant qu’elles ont pourtant désiré. Au-delà de l’avoir désirée, Lily l’a surtout attendue toute sa vie durant.

Désormais, elle lui dédie chaque minute de ses journées, même si elle continue de se rendre aux bureaux de l’association de temps à autre, ou au bar le reste de ce temps. Elle refuse d’abandonner son travail sous couvert qu’elle est désormais une mère, incapable de faire la moindre confession où que ce soit. Lily veut tout gérer de front, qu’il s’agisse de son couple, de sa fille, de ses deux travails, et surtout de son image de parfaite ménagère. Bientôt, elle sera cette mère qui amènera sa fille à l’école en étant sur son trente et un, peu l’importe l’heure matinale. Ezra ira travailler de son côté et elle, elle en fera de même à la seconde où Alice aura franchi le portillon de l’école, ses cheveux parfaitement tressés et ses dents lavées. Pour l’heure, cependant, elle est encore bien loin de cette vision, cantonnée au besoin de la nourrir plusieurs fois par jour. Pour peu, elle jurerait presque que le canapé finira par porter l’empreinte de son corps d’ici quelques maigres semaines tant il n’existe que cette position dans laquelle elle arrive confortablement à donner le sein à sa fille. “Ez, je suis là.” La jeune mère souffle lorsqu’elle entend la porte d’entrée s’ouvrir, pour lui faire comprendre où elle se trouve. La maison n’est pas immense, il aurait sûrement trouvé rapidement sans son aide, mais c’est sa façon de se penser utile. “Tu peux prendre la petite ? Elle s’arrête pas de pleurer, je sais pas ce qu’elle veut.” Elle a fait les cent pas à la bercer dans toutes les pièces de la maison, elle a tenté de lui donner à manger, elle a vérifié qu’elle ne puisse pas avoir froid ou chaud. Elle a tout vérifié, elle s’est assurée de tout. Elle a fait tout ce qu’il y avait à faire, et pourtant elle en est toujours au même point: Alice pleure à s’en brûler la gorge, encore et encore, et Lily ne peut plus le supporter. Maintenant qu’il est rentré du travail, elle sait au moins qu’il va pouvoir se contenter de la prendre dans les bras et qu’elle arrêtera de pleurer comme par magie, parce que c’est toujours ce qui se passe. “Tu peux… Tu peux gérer ?” Bien sûr qu’il peut ; il le fait depuis des semaines, et bien mieux qu’elle. “Je vais juste aller me passer la tête sous l’eau, je me sens pas très bien.” Un peu d’eau, le remède de tous les maux.

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Toute la journée, ses yeux s’accrochaient de trop nombreuses fois à la pendule du bureau, de la pièce principale du garage, de toutes celles qu’il était apte à croiser. Il adorait travailler, et ne rechignait jamais à faire des heures en plus en toutes circonstances. Pourtant, il fallait avouer que ces derniers temps, l’esprit d’Ezra était bien ailleurs qu’au travail. Il adorait toujours ce qu’il faisait, bien sur, mais ce n’était pas sur ces taches quotidiennes là que son esprit avait particulièrement envie de se focaliser. Depuis que Alice était née, il préférait passer une grande partie de son temps à la regarder grandir - même si les changements ne pouvaient se voir de façon si radicale et si facile, bien sur, même s’il clamait le contraire - qu’à faire quoi que ce soit d’autre. S’il avait la possibilité, surement qu’il ne quitterait plus l’intérieur de leur maison, afin de profiter à fond de chaque instant. Il savait à quel point il pouvait être chanceux d’avoir ce petit être désormais dans sa vie, dans son quotidien, de l’avoir dans ses bras et de la voir tout court, en réalité. Bien qu’il ne souhaitait pas faire des parallèles en permanence parce-que ce n’était pas là ce qui lui permettrait d’aller de l’avant sans remuer le couteau dans la plaie, bien sur qu’il ne savait faire autrement que de penser aux différences qui se soulignaient facilement entre l’arrivée d’Alice et celle de Noah une décennie plus tôt; au moins, cette fois-ci, il pouvait jouer son rôle à la perfection. Il aimait tant le faire d’ailleurs que dès l’instant où la pendule afficha une heure qui semblait être presque raisonnable, il rassembla ses affaires pour rentrer chez lui - lire ici: il prit son portable, ses clefs de voiture et son panier-repas du midi, laissant de toutes façons tout le reste sur place, le garage c’était chez lui, l’inverse était tout aussi vrai.

« Ez, je suis là. » Il avait à peine poussé la porte d’entrée de la maison que déjà la voix de Lily se faisait entendre - autant que celle d’Alice qui semblait en proie au plus gros chagrin du monde, apparement. Un fin sourire, autant amusé qu’attendri en réalité, étira un instant les lèvres d’Ezra alors qu’il refermait la porte à sa suite. C’était idiot, mais il n’avait besoin de rien de plus en réalité pour se sentir parfaitement à sa place; oh, les nuits étaient autant courtes que les journées étaient longues, mais c’était à ses yeux un pur plaisir. « J’arrive, j’arrive. » Avant de se rendre directement au salon, il passa par la salle de bain pour se laver les mains - d’ordinaire, avoir encore du cambouis sous les ongles n’était pas quelque-chose de dérangeant à ses yeux mais avec un nouveau né, ce n’était pas l’idéal qu’il avait compris. « Tu peux prendre la petite ? Elle s’arrête pas de pleurer, je sais pas ce qu’elle veut. » A l’oreille, il ne pourrait deviner ce qu’elle voulait exactement non plus, mais qu’importe: il la prendrait dans ses bras sans hésiter un seul instant, il la garderait contre lui toute la vie s’il le fallait pour qu’elle se sente rassurée. « Tu peux… Tu peux gérer ? » Il était enfin arrivé dans le salon, à hauteur des deux femmes de sa vie, alors qu’il se penchait pour récupérer Alice. « Je prends le relai. » Il glissa ses mains qui paraissaient immenses à côté du corps de la petite sous ce dernier pour la soulever et la serrer avec amour et douceur tout contre lui. Bien sur, à son habitude, elle arrêta de pleurer à l’instant où sa tête se posa contre le torse de son père. Bien sur, son coeur à lui explosa de bonheur rien qu’à ce contact aussi. « Bah alors, gros chagrin ma princesse. » Déjà, il couvrait son crâne maigrement couvert d’un duvet de baisers, comme s’il n’avait pas vu sa fille depuis au moins dix jours - au moins, cette durée ne tenant qu’en une poignée d’heures en réalité.

« Je vais juste aller me passer la tête sous l’eau, je me sens pas très bien. » Et s’il aurait préféré garder son attention toute focalisée sur la petite, il savait petitement qu’à ce type de paroles, ce n’était pas chose possible. Alors, reportant son regard vers Lily - qu’il n’avait même pas pris le temps de saluer proprement, il se rendait compte, et elle ne l’avait pas réprimandé pour cette erreur, c’était étrange -, Ezra fronça quelque peu les sourcils. Il n’aimait guère entendre ce type de nouvelles: il savait parfaitement à quel point Lily essayait de tenir sur tous les fronts, ces derniers temps, et à quel point elle était à deux doigts de l’épuisement. Il faisait du mieux qu’il pouvait de son côté pour palier à tout ça, mais bien sur que les rôles n’étaient en rien égaux et que bien des choses restaient entre ses mains en tous temps. « Tu veux pas aller t’allonger plutôt ? T’as besoin de te reposer. » Sans bouger Alice d’un pouce contre lui, pouvant se contenter de la tenir d’une main contre lui tant elle était petite, il fit le tour du canapé pour s’asseoir aux côtés de Lily. Il attrapa sa main, déposa un baiser sur le dos de cette dernière - déposant un baiser ensuite contre sa joue. « Je prends le relai pour la soirée, va te reposer. Tu l’as bien mérité. » Parce-qu’il avait beau être fatigué, il n’était pas celui ayant donné naissance à un être humain plusieurs semaines en amont: elle avait plus de raisons que lui d’abuser de l’excuse d’être fatiguée et de réclamer davantage de repos. Peut-être qu’il ne saurait gérer de préparer un repas digne de ce nom et que la maison ne serait pas aussi bien rangée avant d’aller rejoindre Morphée, mais au moins il saurait gérer Alice et le retour de Noah d’ici à quelques poignées de minutes sans l’aide de Lily - les enfants, c’était dans son domaine.

Elle sent un véritable poids se retirer de sa poitrine lorsqu’Ezra récupère Alice dans ses bras, et ce n’est pas qu’au sens propre du terme. Lily l’observe faire avec tout le soin du monde, bien sûr, et une part d’elle s’émerveille encore et toujours d’une scène qui fait pourtant partie de leur quotidien, maintenant, mais l’illusion n’est que de courte durée alors qu’elle fait place à une difficile réalité. Déjà, contre lui, Alice cesse presque automatiquement de pleurer, comme si seule Lily était la source de tous ses maux. Encore une fois. La mère sourit sans chaleur, au moins heureuse de retrouver Ezra à ses côtés. Sans lui, les journées semblent parfois être terriblement longues. « Bah alors, gros chagrin ma princesse. » Il la couvre d’attention et de baisers, preuve supplémentaire (dont personne n’avait besoin) pour prouver qu’il est un père exceptionnel. Lily aurait dû comprendre il y a longtemps que c’est avec lui qu’elle voulait fonder sa famille. Aujourd’hui, elle n’y pense pas vraiment, déjà débordée par l’existence d’un seul bambin et bien plus fatiguée qu’elle ne l’a jamais été. Des gros chagrins, Alice semble en avoir à longueur de journée.

Sans plus de transition, Lily l’informe ne pas se sentir très bien, ce qui est aussi une parfaite excuse pour le laisser avec sa fille sans avoir à supporter le regard difficile à déchiffrer de l’australienne. Elle les aime, tous les deux, mais la réalité des choses rend son quotidien difficile à accepter. « Tu veux pas aller t’allonger plutôt ? T’as besoin de te reposer. » Déjà, ses mèches volent doucement autour de sa tête lorsqu’elle marque la négation. Elle n’a pas le temps pour ça. Elle n’en a pas envie non plus. Elle le devrait, oui, mais personne ne l’y forcera. “Ça fait quelques jours que je me sens comme ça. C’est peut-être un des médicaments que j’ai du mal à tolérer, je regarderai ça de plus près.” Mais ce n’est pas le manque de sommeil. Elle en aurait besoin, c’est un fait, mais ce n’est pas ce qui lui cause cette éternelle sensation de mal être sans pour autant que ce puisse être considéré comme une douleur. Lily peine à l’expliquer, mais il n’y a rien à plus de dire quand tout se résume à un je ne me sens pas bien - et il n’est question que d’une détresse physique, bien entendu. Une détresse passagère, qui plus est, et qui n’a rien à voir de près ou de loin avec l’omniprésence de sa fille dans son quotidien. Pour autant, aussi têtue est-elle lorsqu’il s’agit de ne pas se reposer sur l’aide de personne, elle laisse à Ezra le temps de s’installer à ses côtés et de l’embrasser avant de vouloir prendre la fuite. La main de Lily trouve refuge contre sa nuque, ce qui est une façon comme une autre de lui dire qu’il lui a manqué, même pour quelques heures d’absence. « Je prends le relai pour la soirée, va te reposer. Tu l’as bien mérité. » Ses yeux se posent sur sa fille et y restent, maintenant qu’elle peut enfin l’observer calme et apaisée. “Non, je veux rester avec vous.” Chaque instant et précieux, surtout ceux qu’ils passent à trois. Bientôt, Alice quittera le nid familial pour l’université, alors Lily tient à profiter de chaque instant quand elle le peut encore. “Tu as un don avec elle.” elle souffle, ses pensées douces-amères. Peut-être qu’il avait un don avec Noah aussi, mais Alice est la seule qu’il connaisse depuis la naissance. Avec elle, tout est différent.

Doucement, la brune laisse donc sa tête retomber près de l’épaule de son petit-ami, et quand bien même elle refuse l’idée d’aller se coucher alors qu’il vient à peine d’arriver, ses yeux se ferment naturellement. Il existe bel et bien une différence entre ce qu’elle veut et ce dont son corps a besoin, mais ce n’est rien face à la nausée soudaine la prenant aux tripes, la poussant à se lever immédiatement pour trouver refuge dans la salle de bain adjacente. Un instant penchée en avant, ses coudes de part et d’autre de l’évier et ses mains posées contre son front, elle récite mentalement la liste des médicaments et autres vitamines en tout genre qui pourraient avoir de telles conséquences. En vain. Après quelques secondes, elle concède à se mouiller les mains et les placer de nouveau contre ses joues et son front. Quelques secondes plus tard à peine, elle prend une grande inspiration (supposée soigner tous les maux, évidemment), avant de sortir de la pièce. “Elle n’est même pas encore à l’école et j’ai déjà l’impression d’avoir hérité de la première maladie venue.” Elle annonce, de son diagnostic plus hasardeux que jamais, repoussant désormais la faute sur une maladie inconnue.

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A peine avait-il émis l’idée qu’elle aille se reposer, que déjà Lily secouait la tête pour affirmer qu’à ses yeux, ce n’était pas une idée à réaliser. « Ça fait quelques jours que je me sens comme ça. C’est peut-être un des médicaments que j’ai du mal à tolérer, je regarderai ça de plus près. » Mais bien évidement, ce n’était pas avec de simples paroles de la sorte que l’inquiétude qui s’était d’office nicher dans le coeur d’Ezra allait s’effacer. Même si c’était effectivement un médicament ou un autre qui la rendait affaibli, en plus de la convalescence de l’accouchement, cela pas pour le rassurer. Comme un réflexe protecteur, il se glissa finalement un instant à ses côtés sur le canapé, en profita pour lui accorder un baiser et un autre alors que son regard la couvrait d’une inquiétude qu’il ne cherchait pas à dissimuler. Il était vrai qu’elle avait les traits tirés, Lily, mais c’était chose qui lui semblait être normale et presque attendue de la part d’une jeune mère; il ne pouvait être à ses côtés une bonne partie de la journée, ce qui faisait qu’elle gérait bien des choses seule lorsqu’il n’était pas là. Elle méritait de prendre du repos quand il pouvait être à ses côtés. « Non, je veux rester avec vous. » Il pinça les lèvres, retenant de justesse d’y aller de son avis et de son commentaire. Oui, il était bien sur content de profiter de moments tous les trois, de forger des souvenirs dès la plus jeune année d’Alice, mais il fallait aussi que la brune songe à se reposer si elle voulait justement être pleinement hâte à profiter de ces instants. Et puis vraiment: il s’inquiétait pour elle. Surtout si elle formulait à haute voix le fait de ne pas se sentir au mieux - Lily n’était pas du genre à aimer se montrer en difficulté devant autrui, même lui.

« Tu as un don avec elle. » Là où ses yeux à lui s’étaient uniquement concentrés sur elle, cette dernière n’avait su lâcher leur fille du regard. Les iris de Beauregard s’accordèrent alors au doux visage d’Alice, action qui eut le don de lui tirer un petit sourire attendri. « Il parait surtout que les petites filles sont fans de leur papa et qu’elles ont tendance à être ultra mignonnes avec lui. » D’attendri, son sourire vira niais - l’inverse était surtout vrai. Mais oui, il avait un don avec la petite qui s’était montré dès la première heure de vie d’Alice, et il était bien heureux que ce soit le cas; lui avait une peur bleue que les choses ne se passent pas comme il le fallait, alors qu’il n’avait pu être présent pour son premier né, il voyait la vie sous un angle différent avec ce qu’il vivait désormais quotidiennement. Lily finit par poser sa tête contre son épaule, et pendant un instant, un manteau d’apaisement les couvrit. Il aurait pu rester des heures, comme ça, à simplement sentir la présence de Lily à ses côtés et celle de sa fille dans ses bras. Qu’importe ce qui aurait pu se passer autour, c’était suffisant pour perdre la notion du temps.

Il fut cependant rapidement de nouveau ancré dans le présent lorsque Lily se leva rapidement du canapé pour disparaitre de son champ de vision - dans la salle de bain, apparemment, d’après le mouvement qu’il avait réussi à enregistrer du coin de l’oeil. Pinçant les lèvres, il déposa un baiser sur le front d’Alice, avant de déposer la crevette dans le berceau du salon. Ses yeux étaient toujours grands ouverts, à observer les mouvements des lumières et les bruits des sons autour d’elle; Ezra alluma le mobile accroché au dessus d’elle pour maintenir cette attention focalisée le temps qu’il fasse quelques pas pour se poster juste en dehors de la salle de bain. La porte ne mit qu’un instant supplémentaire pour s’ouvrir, et de suite son regard accrocha le visage d’autant plus blême de la brune, ses sourcils froncés au dessus de ses yeux claires. « Elle n’est même pas encore à l’école et j’ai déjà l’impression d’avoir hérité de la première maladie venue. » Attrapant les bras de sa compagne par les mains avec délicatesse, frottant ces derniers doucement de haut en bas comme pour retirer tous les maux que son corps pouvait contenir, il soupira. « Je suis sur que t’es juste très fatiguée. Ton corps a besoin de repos, c’est sa façon de te le dire. » Il n’était pas médecin - heureusement et loin de là -, mais c’était un diagnostique qui lui paraissait acceptable à ses yeux. « Je vais te faire couler un bain chaud, et comme je sais pas cuisiner je vais commander à diner pour ce soir. Y’a peut-être quelque-chose qui te ferait plaisir ? » De toutes façons, il fallait qu’il s’absente encore un instant pour aller chercher Noah qui était à l’entrainement de rugby ce soir, il pouvait donc au pire faire un détour pour aller récupérer un diner qu’elle préférait à d’autres. « La pizza, ça passait toujours bien quand t’avais mal au ventre et des nausées, au début de ta grossesse. Tu veux qu’on essaye ce soir pour voir si ça peut passer aussi ? Je dis jamais non à une pizza en plus, tu sais. » Il se trouvait presque amusant, avec un faible sourire amusé accroché à ses lèvres. « Noah sera content aussi, et Alice - bon Alice c’est pas une pizza à diner qui va l’intéresser elle. » Il déposa un nouveau baiser, délicatement sur les lèvres de Lily. « Je vais commencer par te faire couler le bain. » Il étira un petit sourire qui se voulait rassurant, réconfortant, avant de contourner la jeune femme pour entrer dans la salle de bain dont elle venait de sortir.

« Il parait surtout que les petites filles sont fans de leur papa et qu’elles ont tendance à être ultra mignonnes avec lui. » Il paraît, oui, et si Lily était comblée à l’idée d’être mère d’une petite fille, elle ne peut que se retrouver parfaitement troublée par l’idée qu’elle puisse préférer son père, alors qu’il est justement le seul des deux à ne pas l’avoir portée durant neuf mois. Tant que c’est Ezra qui récolte son amour, elle jure qu’elle est encore capable de partager les parts du gâteau avec lui. Il est un bon père, il donne beaucoup de sa personne et, surtout, sans lui elle n’aurait jamais pu avoir Alice. Alors, elle lui est redevable, et elle accepte l’idée que leur fille l’aime à ce point, pour le moment du moins. C’est grâce à lui qu’elle peut avoir une minute de repos contre son épaule, à simplement profiter de sa chaleur autant que son odeur, avant que la nausée la ramène soudainement à elle et brise ce pseudo-tableau idyllique.

Sans grand romantisme, Ezra la rejoint assez rapidement dans la salle de bain, ses bras libérés du nourrisson. Elle est sagement au fond de son landau, sans doute, chose qu’elle n’a jamais voulu accepter dès que Lily tentait de l’y déposer. « Je suis sur que t’es juste très fatiguée. Ton corps a besoin de repos, c’est sa façon de te le dire. » Il y a sûrement de ça, oui, elle ne peut pas le nier, mais elle ne peut pas non plus se cacher derrière l’idée que tout est la seule faute de sa fatigue. La fatigue a ses symptômes propres, généralement bien connus ; et ils ne vont définitivement pas en ce sens. Et quand bien même elle a l’impression de se sentir mieux grâce à la présence d’Ezra et à ses caresses, Lily sait très bien qu’il y a une immense part psychologique là-dedans et que ce n’est pas tout ce qui importe. Elle a seulement l’impression d’aller mieux. “C’est pas comme ça que j’imaginais les choses, après l’accouchement.” Elle savait que les premiers jours allaient être difficiles mais justement, elle réservait ça aux premiers jours. Elle a accouché il y a près de deux mois maintenant, la mode n’est plus à la fatigue incommensurable et à toute une liste de symptômes qu’elle ne serait même pas capable de citer de mémoire. « Je vais te faire couler un bain chaud, et comme je sais pas cuisiner je vais commander à dîner pour ce soir. Y’a peut-être quelque-chose qui te ferait plaisir ? » Il a toujours ce don pour la faire rire, sans même parfois chercher à le faire. Le rire de Lily est difficile, il revient de loin, mais il a au moins le mérite d’exister. Lentement, elle reprend possession de ses bras uniquement pour les passer autour d’Ezra et nouer ses mains au bas de son dos, sa tête volontairement reposée contre son épaule. Aujourd’hui, il n’y a pas la moindre once de mascara pour lequel elle doit faire attention. Face à son silence, il prend les devants et donne lui-même une idée quant au possible repas de la soirée, sans même que Lily n’insiste pour vouloir cuisiner. Pas cette fois. « La pizza, ça passait toujours bien quand t’avais mal au ventre et des nausées, au début de ta grossesse. Tu veux qu’on essaye ce soir pour voir si ça peut passer aussi ? Je dis jamais non à une pizza en plus, tu sais. » Il en rigole, Ezra. Il s’en amuse, il utilise la comparaison uniquement parce qu’elle n’est pas si lointaine et parce que tout ceci était une bonne excuse pour faire bien plus de soirées pizzas qu’à son habitude. Il en rigole, et il passe déjà à autre chose, alors qu’elle l’entend parler de Noah et d’Alice, leurs deux parfaites excuses pour s’excuser lui-même. Pour autant, Lily n’écoute déjà plus, ses oreilles bourdonnantes et ses yeux grands ouverts fixés contre son cou, sans qu’il ne puisse sans doute la voir.

Elle lève la tête un instant et embrasse Ezra avec délicatesse, une de ses mains déjà à nouveau posée contre son cou. « Je vais commencer par te faire couler le bain. » Et elle sourit tel un miroir, le laissant passer pour qu’il effectivement lui faire couler le bain dont il parle. “Ez…” Et finalement, ses mots sont coupés par ses pensées, alors que son regard se repose sur le meuble de la salle de bain, qui sert aussi d’immense armoire à pharmacie capable de soigner une armée entière. “Attends.” Elle a acheté des tests de grossesse en quantité faramineuse, pour le temps où elle ne passait pas une semaine sans en essayer un, juste au cas où. Aujourd’hui encore, elle sait qu’elle en a ; et c’est justement l’un d’eux qu’elle tire rapidement de son emballage, avant de trouver le chemin jusqu’aux toilettes. “Ne te fais pas d’idées.” Elle le prévient, son regard retrouvant brièvement le sien, ses sourcils froncés et son index levé alors que ses autres doigts tiennent le test contre sa paume. Ce n’est sûrement pas ça. Ce n’est même certainement pas ça. Tout ce qu’il a fait, c’est utiliser une comparaison maladroite.

* * *

Lily, elle revient en essuyant une larme invisible contre sa joue, le test amené du bout des doigts et posé contre l’évier, avant qu’elle ne se rue déjà sur le savon à sa disposition. “Deux minutes.” Elle a mis un chronomètre sur son téléphone, pour être certaine du temps, et la voilà qui attend maintenant en croissant les bras sous son torse, ses yeux n’osant pas retrouver ceux d’Ezra, et ses dents maltraitant en silence l’intérieur de ses lèvres. “T’as sûrement raison. Pour la fatigue. Je me fais des idées. J’en ai encore en stock et… oui, c’est sûr que je me fais des idées.” Statue-t-elle, n’ayant aucun mal à passer outre la parfaite ressemblance entre ses symptômes et ceux de toutes les grosses différentes qu’elle a déjà connues. Cette fois-ci, ce n’est pourtant pas de joie qu’elle vient retrouver les bras d’Ezra, se faisant naturellement une place contre son torse dans l’attente du résultat final du test, qu’elle ne veut pas voir revenir positif. Pour la première fois depuis toujours, elle ne veut pas être enceinte. Pas déjà. Pas à nouveau.

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« C’est pas comme ça que j’imaginais les choses, après l’accouchement. » Le petit sourire qu’il esquissait était compatissant, et quelque peu perdu aussi. Il ne s’imaginait de son côté pas grand chose après l’accouchement, si ce n’était que de ressentir une joie immense; cette partie là du contrat était remplie, alors pour lui le reste n’était que détails. Cependant, ce n’était pas lui qui avait mis au monde un petit être aussi parfait, et donc il n’était pas celui ayant le plus à redire sur tout ça. Lily vivait forcément les choses différemment; il aurait préféré que ce ne soit pas le cas, mais il n’y avait qu’à voir comment elle était aujourd’hui pour comprendre la réalité du quotidien. « Ca va passer, t’en fais pas. » Il tentait de la rassurer, à son niveau, comme il le pouvait. Il n’avait aucune certitude qu’effectivement, la façon dont elle se sentait en cet instant allait finir par s’effacer mais il faisait partie de ceux pensant qu’en y croyant assez fort, cela pouvait finir par arriver. Finalement, ce fut avec délicatesse qu’elle prit la jeune femme dans ses bras, tentant tant bien que mal d’ajouter là une couche de légèreté à leur discussion. Il y avait au moins une partie de ses dires qui fonctionna, puisqu’un léger rire s’échappa d’entre les lèvres de la brune alors qu’elle posait sa tête contre lui. Ezra n’était pas de ceux possédant toutes les qualités d’un compagnon de vie parfait, mais il avait pour lui le fait de savoir amuser la galerie. Ca ne fonctionnait pas pour toutes les étapes de la vie, bien sur, mais souvent ça pouvait permettre de servir d’un tremplin pour mieux affronter les épreuves suivantes.

Aujourd’hui serait surement une de ces fois là, même avant qu’il ne comprenne ce qui se passait sous ses yeux. Alors qu’il s’était dégagé avec douceur de Lily pour se diriger vers la baignoire, afin de lui faire couler un bain chaud, la brune l’avait arrêté dans ses gestes par un simple « Ez… » Il s’était retourné vers elle, fronçant quelque peu les sourcils, l’interrogation emplissant son regard. Il n’aimait pas particulièrement le ton alloué à son surnom. « Attends. » Parce-que si Lily n’était pas particulièrement en forme, il savait que ce n’était que passager et que les choses reviendraient d’elles-mêmes en place d’ici quelques jours. Pourquoi ce vent d’inquiétude dans tout son être, s’immisçant dans ses veines à son insu ? Ses yeux suivaient les mouvements de la brune, de son mouvement jusqu’au meuble de la salle de bain jusqu’au moment où elle en sortit quelque-chose. Fronçant toujours les sourcils, elle avait déjà eu le temps de reprendre la parole qu’il n’avait toujours pas associé l’image qu’il avait sous les yeux à ce qui se passait réellement. « Ne te fais pas d’idées. » Ce ne fut qu’à ce moment là qu’il comprit que dans la main de Lily se trouvait un test de grossesse - ses yeux s’écarquillèrent sous l’effet de surprise, alors qu’elle sortait de la salle de bain. Il ne se faisait aucune idée, puisqu’il ne s’était même pas imaginer cette finalité là à l’état de santé de Lily. Se fut sur le bord de la baignoire qu’il s’assit la seconde suivante, toujours autant choqué que cette idée ait été mise en avant. Etait-ce seulement possible ? Voyons, Alice était encore qu’un nouveau-né, toute petite dans son berceau - là où elle avait envie trouvé un peu de calme et peut-être même un peu de sommeil. Machinalement presque, Ezra secouait la tête de gauche à droite; il ne devait pas se faire d’idées, mais il ne saurait empêché son esprit de les faire seul. Se pourrait-il qu’ils puissent avoir un autre enfant ?

Ce ne fut que lorsque la brune entra de nouveau dans la salle de bain qu’il se releva, alors qu’elle posait le test sur le bord du lavabo. « Deux minutes. » Il hocha machinalement la tête, sans trop savoir si elle disait la vérité ou si elle temporisait simplement pour qu’il ne se rut pas dessus pour voir si une ou deux barres s’affichaient sur le bâton. « T’as sûrement raison. Pour la fatigue. Je me fais des idées. J’en ai encore en stock et… oui, c’est sûr que je me fais des idées. » Au fond de lui, Ezra avait l’impression qu’il n’était même plus possible qu’il ait raison, finalement. Comment pouvait-il lui avoir raison et Lily tort lorsqu’il s’agissait d’affaires médicales ? Ses bras se resserrent autour d’elle lorsqu’elle s’y réfugia, déposant presque machinalement un baiser sur son front. Il attendit une seconde, et une autre également avant de prendre la parole. « Mais ce serait possible ? » Qu’elle soit de nouveau enceinte. « Je veux dire… Ca peut arriver comme ça là ? » Oh, elle n’avait pas besoin de lui expliquer de nouveau comment le premier enfant était arrivé, il connaissait amplement le mécanisme. Simplement, dans ses idées reçues, Lily ne pouvait pas retomber enceinte aussi rapidement après avoir accouché. « T’es pas censée ne pas être capable de… avant encore quelques temps ? » Il n’osait même pas prononcer l’idée de retomber enceinte à haute voix, tant il avait peur que cela invoque le fait et que le résultat soit positif. Parce-que ce n’était pas une idée qui le dérangeait, loin de là; Ezra devait même se faire violence pour ne pas se faire des idées, comme Lily lui avait demandé. Il avait toujours voulu avoir plusieurs enfants, et il lui semblait que c’était là une idée partagée par la femme dans ses bras en cet instant. Simplement, cette dernière était fatiguée et il n’était pas sur qu’elle soit prête à remettre ça de suite - pas aussi rapidement, pas déjà, pas de nouveau. Un jour surement, dans un futur proche sans trop se faire de soucis. Mais si proche ? Ce fut la sonnerie du téléphone qui fit pivoter la tête d’Ezra vers l’appareil, vers le bâton posé sur la lavabo, puis descendre son regard vers la brune. « Faut que ce soit toi qui regarde, sinon je risque de comprendre l’inverse de ce que ça dit. » Mais il glissait l’une de ses mains dans celle de Lily, parce-qu’il ne quittait pas ses côtés pour autant.

Les secondes s’égrènent bien trop doucement et jamais deux minutes n’avaient autant parues être une éternité. Ce n’est pas le premier test de grossesse qu’elle fait, pourtant, et bien loin de là, mais celui-ci a une saveur toute différente. Une saveur que Lily n’est pas certaine d’aimer et, au contraire, qu’elle est plutôt assurée de détester. Elle se réfugie dans ses bras et en fait une capsule temporelle assez puissante pour la protéger du monde qui l’entoure. Un rêve impossible d’enfant, encore une fois. « Mais ce serait possible ? Je veux dire… Ça peut arriver comme ça là ? » Elle hoche la tête, emmêlant tout aussi rapidement ses cheveux contre le t-shirt de son petit-ami. C’est possible, c’est tout à fait possible. C’est rare ; et pourtant cela arrive chaque année, justement parce que les jeunes parents partent du principe que leurs corps va attendre au moins un an avant de leur donner un autre bambin. “Oui. Oui, c’est possible.” Elle finit par statuer bien malgré elle, déjà assurée de ce à quoi ressemblera le test dans une minute à peine. Les symptômes ne mentent pas. « T’es pas censée ne pas être capable de… avant encore quelques temps ? » Il n’ose pas prononcer tous les mots, peut-être par pudeur, peut-être pour la ménager. Elle n’en sait rien mais cela ne l’empêche pas de ne pas être touchée pour autant, parce qu’elle sait à quel point Ezra ne lui souhaite rien d’autre que son bien autant que son bonheur. “C’est une idée reçue.” Malheureusement. Elle aurait aimé ne pas être capable de… avant un long, long moment. Ils ont Alice, maintenant, et c’est tout ce qui importe. Un premier bébé, c’est bien plus que tout ce qu’elle n’a jamais réussi à avoir durant une dizaine d’années.

Lorsque l’alarme du téléphone se fait entendre et leur annonce la fin des deux minutes imparties, Lily sursaute et serre les dents. « Faut que ce soit toi qui regarde, sinon je risque de comprendre l’inverse de ce que ça dit. » Elle sent qu’il pose son regard sur elle, tout comme elle sent bien sûr ses doigts qu’il enroule autour des siens. Lily les serre à son tour, avec amour et surtout avec appréhension pour cette situation bien précise. La jeune mère souffle une dernière fois avant d’enfin accepter l’idée d’ouvrir les yeux et surtout de les poser sur le test de grossesse, pour lequel elle n’a aucun mal à comprendre ce que les bâtons dessinés signifient. “C’est positif.” Elle souffle bas, tout bas, son ton de voix se faisant à peine entendre. Si elle ne le dit pas trop fort, alors peut-être que le résultat pourrait changer et peut-être que le Destin pourrait changer d’avis. Elle sait que non, et pourtant cela ne l’empêche pas de le désirer de tout son cœur. Et si Lily a besoin de quelques secondes pour encaisser l’annonce, elle n’en a pas besoin de plusieurs autres pour déjà laisser ses émotions gagner la bataille et ses larmes ruisseler le long de ses joues. “J’en ai pas envie. J’ai pas envie de déjà tomber enceinte à nouveau, on a déjà Alice et Noah a aussi besoin qu’on s’occupe de lui et…” Et il y a le bar, il y a l’association, il y a la vie qu’elle doit continuer de mener comme si de rien n’était. Il y a le problème de Joseph qu’elle doit régler, il y a Eliot qu’elle doit tenir éloigné de sa famille. Il y a beaucoup trop de paramètres qui entrent en compte et aucun auquel ils ont pensé, justement parce que l’idée d’agrandir la famille n’était pas sur le tapis pour l’heure. “C’était pas supposé se passer comme ça.” Depuis l’accouchement d’Alice, plus rien ne se passe selon les plans établis par Lily, et c’est loin d’être dans ses habitudes. Elle a besoin que tout suive ses plans, tout comme elle a besoin que la vie réponde à ses ordres. Ces derniers jours, et en cet instant plus que jamais, cela n’a rien d’une réalité. Tout contrôle lui échappe, pour la première fois depuis plus de trois décennies, et elle en est terrorisée. Elle sèche ses larmes avec la paume de sa main, ne souhaitant pas imposer plus longtemps ce spectacle à Ezra, dont rien n’est la faute, et de la part de qui elle n’attend pas la moindre solution, et pour cause: il n’en existe aucune. “Donne moi quelques jours avant qu’on le dise à Noah.” Elle veut travailler son rôle et son sourire avant ce moment. Il est important que le garçon soit rapidement mis au courant, parce qu’il est bien trop intelligent pour ne pas se rendre compte de la chose lui-même.

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« Oui. Oui, c’est possible. » Il déglutit avec un brin de difficulté, pinça les lèvres avec un peu trop d’insistance surement. Il ne s’attendait pas à ce que la réponse soi effectivement positive, là où il avait toujours cru et pensé à tort apparemment que ce ne pouvait être le cas. Pas de suite, pas aussi rapidement. « C’est une idée reçue. » Si l’idée reçue n’était pas une catastrophe en soi à ses yeux, il était évident que d’aborder le sujet maintenant ne rendait pas Lily heureuse. Il ne l’avait jamais vu hésiter autant, il ne l’avait jamais vu autant alarmée là où elle contrôlait avec aisance tous les autres aspects de leur vie.

Deux choses auraient pu les sortir du silence dans lequel ils se tenaient là, debout dans la salle de bain en cet instant: les pleurs d’Alice, et la sonnerie du minuteur qu’avait mis Lily. Ce fut la seconde option, et alors qu’elle avait demandé de l’aide à Ezra à peine avait-il passé le seuil de la porte de l’appartement, il aurait mis sa main à couper qu’elle aurait préféré se dépêcher d’aller reprendre la petite dans son berceau en cet instant. Après une hésitation, il lui laissa prendre les devants pour lire la réponse qui devait s’afficher désormais sur le bâtonnet, car ce n’était pas son domaine que de savoir interpréter ce genre de chose. Et à voir l’état dans lequel il se trouvait déjà Lily, il ne voulait pas donner de faux espoirs - lesquels, il allait rapidement s’en apercevoir. « C’est positif. » Elle n’avait eu besoin que d’un coup d’œil pour comprendre ce qui s’affichait, et à la façon dont elle s’exprimait sur le sujet, ce n’était pas une bonne réponse. Ezra ne lâchait pas l’autre main de la brune, resserrant avec tendresse ses doigts autour des siens. Peut-être un jour, bien plus tard dans le temps, il avouerait à Lily qu’en cet instant là il était le plus heureux des hommes; il n’avait jamais caché désiré une grande famille et c’était grâce à ce type de nouvelles qu’il se rapprochait un peu plus de son rêve. Cependant, à voir la façon dont elle réagissait de son côté, il ne pouvait se permettre d’exprimer sa gratitude: les larmes de Lily faisaient bien trop mal à voir pour se montrer un seul instant égoïste. « J’en ai pas envie. J’ai pas envie de déjà tomber enceinte à nouveau, on a déjà Alice et Noah a aussi besoin qu’on s’occupe de lui et… » - « Eh, eh, viens là. » Lui reprenant le bâton des mains, il le reposa sur le bord du lavabo avant de l’attirer de nouveau dans ses bras. Bien sur qu’ils avaient déjà tout ça, bien sur qu’il se rendait compte que c’était déjà un sacré travail que de tout mener d’une main de maitre. « C’était pas supposé se passer comme ça. » Ezra déposa tour à tour un baiser sur sa jour, sur sa tempe, sur le dessus de son crâne avant de resserrer doucement ses bras autour d’elle. « Je sais, mais ça va aller. » Il ne savait pas comment, il ne savait pas pourquoi il avait l’impression que c’était le cas, mais pour lui là résidait l’évidence. « Ca va aller. » Que pouvait-il ajouter de plus, de toutes façons ? Il était évident que cette nouvelle était en train de bouleverser la réalité de Lily, qu’elle remettait en question tout ce qu’elle s’était imaginé pour au moins les quelques mois à venir - si ce n’était pas les prochaines années. Alice n’avait qu’une poignée de semaines, c’était encore un bambin. Quelques années de tranquillité avec leur petite princesse n’aurait pas été de refus, il était vrai; mais Ezra ne savait accueillir la nouvelle d’une grossesse surprise comme une bénédiction.

« Donne moi quelques jours avant qu’on le dise à Noah. » Continuant un instant de frotter son dos du plat de la main, Ezra se recula un instant pour plonger son regard dans celui de la brune, secouant la tête, fronçant un brin les sourcils. « On est pas pressés, ça peut attendre, t’en fais pas. » Même s’il comprendra peut-être plus rapidement qu’eux ne l’auraient voulu, ce n’était pas quelque-chose qu’ils ne pouvaient pas gérer; et puis Noah était assez malin pour ne pas s’aventurer sur un sujet qu’il pouvait savoir sensible. Finalement, Ezra laissa échapper un soupire, étira une petite moue. « On est pressés de rien, on peut prendre tout notre temps. Ok ? » Il insistait bien sur le on de cette affaire, pour souligner à Lily qu’elle était peut-être celle dont la réalité venait de nouveau d’être bouleversée, mais qu’il ne la laisserait pas affronter cette nouvelle aventure seule; la question ne se posait même pas. « Je suis désolé d’avoir fait une blague qui n’en était pas une. » Qu’il laissa échapper, parce-que maintenant qu’il s’avérait que la réalité était telle qu’il l’avait dépeinte dans un tableau qu’il ne pouvait penser vrai, il s’en voulait un peu. Au moins, ils l’apprenaient surement plus rapidement que s’il n’avait pas suggéré l’idée - mais bien sur que jamais les idées d’Ezra avaient été dans cette direction là, à aucun moment. « Mais ça va bien se passer. Ca s’est bien passé pour Alice, ça se passera bien de nouveau. Et pense à l’idée qu’elle puisse avoir un meilleur ami pour la vie, avec un deuxième enfant né juste après elle. » Bien sur qu’il parlait en connaissance de cause; il avait bien vu avec sa soeur, alors qu’ils avaient plus d’écart en âge que l’aurait donc Alice avec ce nouveau bébé. Il l’avait vu avec tous les membres de sa fratrie, en réalité.

Sans plus chercher à contrôler quoi que ce soit, Lily éclate en sanglots, prise de court par une nouvelle qu’elle n’aurait jamais pu anticiper ou imaginer. Elle sait très bien qu’elle pouvait retomber enceinte, mais aussi naïvement qu’Ezra, elle se disait que cela n’arriverait pas aussi rapidement. Déjà, elle s’en veut de ne pas avoir pris les mesures nécessaires, tout comme elle s’en veut d’avoir été naïve. Elle s’en veut aussi d’imposer cette scène à Ezra, lui qu’elle a catapulté au cœur de sa vie et de ses plans sans jamais le prévenir de tout ce que cela pourrait engendrer. De tout ce que ça engendre déjà, à commencer par les pleures d’une Keegan contre son torse. « Eh, eh, viens là. » Sans opposer la moindre objection, elle vient et se blottit contre lui, lâchant le bâton sous l’impulsion d’Ezra. Elle a besoin de ses mains libres pour les serrer contre son t-shirt, de toute façon. « Je sais, mais ça va aller. » Il répond à ses craintes une à une, il fait au mieux dans les circonstances, et malgré ses propres larmes elle est pleinement reconnaissante de son attitude. « Ça va aller. » Pas de suite, pas dans les jours à venir, mais un jour. Un jour, ça ira mieux. Un jour, ça ira bien. Lily doit simplement réfléchir à la situation, elle doit se poser, elle doit établir un plan d’action. Elle en a besoin pour elle, mais aussi pour Alice et pour Ezra. Ce dernier a toujours eu à cœur de fonder une grande famille comme celle dans laquelle il a grandi, et il sera merveilleux avec cet enfant à naître, comme il l’est déjà avec son fils et sa fille. Lily renifle et tente de formuler des excuses, sans y arriver.

Sans vouloir laisser la scène s’éterniser, Lily tente déjà de chasser ses larmes autant que possible, pour ne pas imposer davantage cette scène pathétique à son petit-ami. Il n’est pas le problème, et elle ne veut pas risquer un seul instant qu’il puisse s’en vouloir d’une chose ou d’une autre. « On est pas pressés, ça peut attendre, t’en fais pas. » Elle hoche la tête, soulagée. Elle n’est tout simplement pas prête à en parler à Noah pour le moment, comme il en est de même pour qui que ce soit d’autre. Elle a besoin de temps pour accepter la nouvelle elle-même, et elle a aussi besoin de temps pour s’assurer que cet enfant est viable, ce qui n’a jamais été une certitude dans son histoire. « Je suis désolé d’avoir fait une blague qui n’en était pas une. » Elle sèche ses empreintes de doigt contre son t-shirt, avant de poser sa paume contre la joue du brun. “Tu pouvais pas savoir.” Il ne pouvait pas savoir qu’elle était bel et bien enceinte, et il pouvait encore moins savoir quelle pourrait être la réaction de Liy face à une telle nouvelle. Elle est celle qui est venue le trouver il y a plus d’un an de ça pour lui demander qu’ils aient un enfant ensemble ; comment aurait-il pu en deviner la suite ? « Mais ça va bien se passer. Ça s’est bien passé pour Alice, ça se passera bien de nouveau. Et pense à l’idée qu’elle puisse avoir un meilleur ami pour la vie, avec un deuxième enfant né juste après elle. » Ça ne se passe bien avec Alice, non, et c’est justement là que réside toute la nuance qu’Ezra ignore totalement. Le sourire de Lily est faux et forcé, parce qu’encore une fois elle n’a pas la force ni le temps de soigner sa mise en scène. Néanmoins, elle est d’accord avec lui sur un point: “Ils seront dans la même classe à l’école.” Si l’enfant naît dans huit mois, alors ils seront dans la même classe, et c’est le genre de détail qui n’importe sans doute à personne sauf à la future mère, dont cette idée suffit à la faire sourire. “Je sais que tu t’occuperas bien de lui aussi. Et que ça te rend heureux.” Elle veut le souligner, sans reproches. Elle veut qu’il sache qu’elle ne l’oublie pas, dans toute cette histoire, et certainement pas à un tel niveau. Sa carrière et sa vie passent avant tout le reste, mais elle pense aussi à Ezra, malgré l’air qu’elle donne. “Je suis désolée pour ma réaction. Je t’aime, tu sais. Et j’aime notre vie.” Malgré les larmes, malgré le premier refus catégorique de ne pas avoir un nouvel enfant: la question de l’avortement n’est de toute façon pas envisageable pour Lily, alors elle ira au bout du processus. “J’avais prévu de me consacrer à mon travail, pas de déjà recommencer à aller à l’hôpital.” Elle statue simplement, parce qu’il peut aisément comprendre à quel point leurs nombreux rendez-vous ont été aussi éreintants que stressants. “Tu devrais faire un week-end juste avec Noah, un de ces jours. Ce sera difficile pour lui d’accepter tous ces changements.” Et il est un enfant, donc Lily veut son bonheur, ce qui passe par l’idée qu’elle refuse qu’il pense un seul instant être remplacé par l’arrivée des enfants du couple. Il n’est pas de son propre sang, mais elle ne le traitera jamais différemment pour autant.

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Il ne fallut qu’un instant et qu’un seul pour que cette nouvelle réalité soit acceptée par Ezra; cela ne faisait que rejoindre les rêves qu’il avait toujours eu depuis qu’il était enfant, alors bien sur que c’était là une nouvelle qu’il aimait particulièrement entendre. Cependant, il pouvait comprendre que ce n’était pas le point de vue de Lily, même si son coeur aurait souhaité que ce soit aussi simple. « Tu pouvais pas savoir. » La main de la brune contre sa joue était tendre, mais il s’en voulait tout de même de voir qu’une blague tournait en cauchemar aux yeux de la tout nouvelle mère. « Peut-être, mais quand même. » Il avait l’impression que la nouvelle aurait plus facile à entendre si elle était tombée d’une autre façon dans leur conversation.

Néanmoins, Ezra réussissait déjà à voir des avantages à l’idée d’avoir deux enfants se suivant autant dans le temps: ils auraient toujours quelqu’un sur qui compter; et même si les choses étaient complexes entre Lily et son frère, lui avait un point de vue qui ne pouvait être que positif de la chose, une fois de plus. Il était proche de ses frères et soeur, et avait toujours été ravi que les écarts d’âge soient si peu développés entre eux. Même avec Thomas, qui était l’ainé de la fratrie, il n’avait finalement que six ans d’écart. « Ils seront dans la même classe à l’école. » Son sourire à elle n’était que peu convainquant, et le coeur d’Ezra se sera à cette vision. « Je sais que tu t’occuperas bien de lui aussi. Et que ça te rend heureux. » Il hésita un instant à répliquer avec ses pensées, avec ce qu’il avait sous les yeux, mais se dit que c’était tellement évident qu’il ne pouvait pas faire autrement que de se le souligner. « Mais c’est pas ton cas. » Ca se voyait comme le nez au milieu de la figure que c’était une couche de soucis qui était en train de s’installer en elle, et dont elle n’avait clairement pas besoin pour le moment. Les paroles d’Ezra ne comprenaient pas de reproches, loin de là; il était si ce n’était autre chose surtout peiné de constater que ce n’était pas une nouvelle réjouissante aux yeux de Lily, là où lui se retenait de ne pas sauter au plafond. « Je suis désolée pour ma réaction. Je t’aime, tu sais. Et j’aime notre vie. » Il secoua rapidement la tête, fronçant les sourcils, frottant doucement ses mains le long des bras de la brune dans un geste désespéré de lui apporter un peu de réconfort. « T’as pas à être désolée. » Il pinça ses lèvres un instant. « Je t’aime aussi, et j’aime aussi notre vie sois en sure. Mais t’as pas à être désolée de réagir comme ça tu sais. Parce-que c’était une nouvelle qui chamboulait beaucoup de choses, il en était conscient; d’autant plus que ce n’était pas lui qui subissait cette grossesse, lui n’étant là que pour les à-côtés faciles de cette dernière. « J’avais prévu de me consacrer à mon travail, pas de déjà recommencer à aller à l’hôpital. » A ces mots, il ne sut faire autrement que de soupirer quelque peu. Effectivement, qu’importe à quel point il pourrait tenter de faire en sorte d’être présent pour elle, il y avait des choses auxquelles il ne pouvait se substituer. Et s’il avait l’occasion de se rendre disponible pour s’occuper d’Alice sans trop de soucis, il ne pourrait pas se rendre aux rendez-vous imposés par les médecins à la place de Lily, c’était sur. « C’est moi qui suis désolé, pour le coup. » Parce-qu’il avait plutôt une part de responsabilité assez importante dans cette situation. « On trouvera comment s’organiser pour que tu puisses quand même retourner bosser autant que ta santé te le permettra. » Parce-qu’elle serait fatiguée bien plus rapidement, parce-qu’elle n’aurait pas encore eu le temps de récupérer du premier enfant qu’elle devra de nouveau y retourner pour le second.

« Tu devrais faire un week-end juste avec Noah, un de ces jours. Ce sera difficile pour lui d’accepter tous ces changements. » Fronçant les sourcils, Ezra hocha rapidement la tête. « Je verrai ça avec lui, t’en fais pas. » S’il y avait bien quelque-chose sur laquelle les soucis de Lily n’avaient pas à se diriger, c’était la situation entre Noah et son père; disons que les derniers évènements, de tous les côtés, faisaient que le garçon avait de toutes façons bien plus besoin de la présence de son père que ce dernier n’avait pu envisager il fallait être vrai; il y avait encore quelques semaines, Alice n’était pas née et Noah habitait à Sydney. Aujourd’hui, toute cette réalité avait été chamboulée et à cette équation se rajoutait un nouvel enfant apparemment en chemin pour les rejoindre. « Je pense en vrai que ça lui fait du bien de passer du temps avec Alice et toi aussi. » Parce-qu’il ne fallait pas ignorer une vérité qui était la suivante: ce n’était pas la première fois qu’il devenait grand frère, mais c’était la première fois qu’il allait pouvoir autant profiter de ce nouvel ajout dans sa famille. « Je sais qu’il aime bien passer du temps avec toi, tu sais. » Replaçant une mèche de cheveux de Lily derrière son oreille, il esquissa un maigre sourire. Pour ce que ça valait, cela prouvait qu’elle savait déjà parfaitement acter comme la mère de deux enfants et qu’elle avait les capacités d’agrandir les bras encore un peu pour un nouvel enfant sans trop de soucis. Cela ne remplacerait pas le temps que Noah passait normalement avec sa mère, cette dernière n’ayant toujours pas refait surface ou donné de ses nouvelles, mais il avait la chance de se savoir entouré par des personnes qui tenaient à lui et qui feraient tout pour qu’il se sente au mieux à travers les périodes difficiles.

« Mais c’est pas ton cas. » Mais ce n’est pas son cas, non. Elle s’occupera bien de cet enfant, elle peut déjà le jurer, mais cela ne la rend effectivement pas heureuse. Elle accorde à Ezra le droit de prononcer ces mots, aussi simples que ravageurs, mais une fois le soleil levé à nouveau, elle peut aussi jurer qu’elle aura un nouveau plan en tête et la parfaite conduite de la mère de famille comblée. Ils ne seront pas quatre bien longtemps, et déjà une cinquième tête blonde s’ajoutera à l’équation. C’est ce dont elle a toujours rêvé, après tout. Tout ce dont elle a besoin, c’est d’un peu de temps pour se faire à cette nouvelle vie. Ce n’était pas initialement prévu, mais il n’y a rien qu’elle ne puisse pas faire pour sa famille, surtout pour celle qu’elle a espéré et désiré toute sa vie durant. Si elle accepte déjà péniblement de montrer ses faiblesses face à Ezra, il est déjà certain qu’elle le refusera catégoriquement face à n’importe qui d’autre. A ses côtés, elle accepte avec bienveillance tout ce qu’il entreprend pour tenter de la rassurer quand, de son côté encore, elle n’a pas la force de feindre un sourire d’aparrat. « T’as pas à être désolée. » Face à lui, elle l’est. Lily lui a imposé toute cette nouvelle vie, et maintenant elle n’arrive pas à être aussi heureuse qu’elle le voudrait et le devrait alors oui, bien sûr qu’elle est désolée. « Je t’aime aussi, et j’aime aussi notre vie sois en sure. Mais t’as pas à être désolée de réagir comme ça tu sais. Sans un mot, elle ramène son visage près du cou de son petit-ami, et ses mains autour de son torse, ne serait-ce pour lui faire comprendre qu’elle arrivera à passer outre, comme elle l’a toujours fait toute sa vie durant. « C’est moi qui suis désolé, pour le coup. » Elle sourit, parce qu’elle sait très bien ce à quoi il fait allusion, tout comme elle refuse de lui en tenir rigueur. « On trouvera comment s’organiser pour que tu puisses quand même retourner bosser autant que ta santé te le permettra. » Lily sait déjà qu’elle retournera travailler peu importe l’état de sa santé, et c’est donc uniquement pour faire plaisir à son compagnon et tenter de le rassurer malgré tout qu’elle hoche la tête. Elle veut lui donner la sensation d’être utile malgré tout, et elle n’a pas beaucoup de façons différentes d’y parvenir. “J’en parlerai à mon assistante.” Non pas qu’elle demandera l’avis ou l’autorisation de qui que ce soit, Lily. Elle se contentera de lui parler, pour la tenir informée de la situation autant que de sa seule et unique décision finale: elle retournera travailler d’ici quelques jours, avant que la fatigue liée à sa nouvelle grossesse ne soit trop grande, d’ici quelques mois. “Et je vais essayer de trouver un acheteur pour le DBD. Plus sérieusement.” Ils en avaient déjà parlé, il sait que le projet est dans les tuyaux, mais il se doute aussi sûrement qu’elle repousse l’inévitable, encore bien plus attachée au bar et à tout ce qu’il représente pour qu’elle ne veuille l’avouer.

Pour tenter de contenter Ezra à son tour, et parce qu’elle se souvient sans mal que cette famille n’est pas la sienne mais bien la leur, Lily lui soumet l’idée de passer un week-end seul à seul avec son fils. Noah a été baladé d’un côté à l’autre du pays et il a connu bien plus de changements dans sa vie que l’immense majorité des adultes pourraient supporter. Il mérite un temps calme avec son père, qu’il aime sincèrement, et qui l’aime tout autant sincèrement. « Je verrai ça avec lui, t’en fais pas. » Et sur ce sujet-là, au moins, elle ne s’en fait effectivement pas et elle hoche simplement la tête, ramenant une de ses mèches derrière son oreille. « Je pense en vrai que ça lui fait du bien de passer du temps avec Alice et toi aussi. » Elle relève son regard en sa direction, incertaine. Lily considère Noah comme sa propre famille, elle aime ce garçon comme le sien, mais jamais elle ne saurait lui imposer que le contraire soit tout aussi vrai: il a une véritable mère, ailleurs. “On devrait lui laisser proposer des idées de prénom, pour le bébé.” Elle ne promet pas de faire de ses propositions la réalité, bien trop au fait de l’imagination débordante du garçon, mais sans doute que ce serait un bon moyen pour lui de se sentir inclus dans une famille soudainement agrandie. « Je sais qu’il aime bien passer du temps avec toi, tu sais. » Il replace une mèche de l’autre côté de son oreille. “Je remplacerai jamais Ginny. Ni auprès de toi, ni auprès de lui.” Ils n’en ont jamais vraiment parlé, mais le moment n’est sans doute pas si terrible pour enfin aborder le sujet. “Mais ça n’empêche pas de vouloir le meilleur pour lui, et pour toi.” Elle lui assure une fois de plus, anticipant sans doute déjà bien d’autres sujets qui seront soumis à des différends de leur part.

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Ils avaient tout le temps nécessaire devant eux pour s’organiser. Ou plutôt: ils avaient plusieurs mois et ce serait amplement suffisant pour qu’ils trouvent l’équilibre qui leur était nécessaire. Bien sur que cette nouvelle allait de nouveau bouleverser leur quotidien, mais ce n’était pas quelque-chose pour laquelle Lily devait s’excuser, en aucun cas. Il était le mieux placé des deux pour penser de la sorte, mais l’avenir qui se dessinait ne lui faisait pas peur, à Ezra; du moment qu’ils étaient tous les deux et qu’ils restaient soudés, ils réussiraient à trouver leur nouvel équilibre sans grand soucis. Il savait également que ce n’était pas dans les habitudes de la brune de se montrer aussi vulnérable, elle qui était présentement prise de court et qui perdait le contrôle de la situation. Mais elle n’avait pas non plus à être désolée, c’était normal que d’être bouleversée par ce que ces simples traits annonçaient pour la suite. « J’en parlerai à mon assistante. » A son tour, il hocha doucement la tête; si cela pouvait l’aider à trouver des solutions pour que tout se mette en place pour le mieux, il ne fallait effectivement pas qu’elle hésite à en parler à qui pourrait se montrer utile. « Et je vais essayer de trouver un acheteur pour le DBD. Plus sérieusement. » A ces mots là en revanche, il pinça quelque peu les lèvres. Ce n’était pas une surprise, loin de là, mais comme à chaque fois que le sujet était mis sur la table un pincement au coeur se faisait chez Ezra. Il savait très bien à quel point cette partie là du futur pouvait être source d’angoisse et de stress, même si elle clamait le contraire, pour Lily avec tout ce qui pouvait encore être rattaché au DBD. C’était légitime - mais surtout, ce n’était peut-être pas le moment de se pencher sur ce type d’exercice, malgré tout. « C’est pas pressé, on a le temps d’en rediscuter et de voir ça. » Il n’était pas impliqué officiellement dan ile bar, mais désormais ils partageaient leur quotidien et il était hors de question qu’il la laisse gérer seule avec la petite à peine à leurs côtés dans ce monde et ce nouvel enfant désirant pointer le bout de son nez bien rapidement apparemment. Ils avaient le temps d’en rediscuter, elle avait le temps de prendre une décision définitive sur la question. Ce n’était en rien pressé, malgré tout.

Et comme pour tout le reste, prévenir Noah pouvait attendre quelque peu. Oh, il comprendrait rapidement que quelque-chose se tramait sans qu’il ne soit mis au courant - surtout maintenant qu’il était de retour auprès de son père à temps plein -, mais il ne poserait pas de questions dérangeantes et serait tout à fait apte à comprendre les choix de deux adultes de son quotidien. « On devrait lui laisser proposer des idées de prénom, pour le bébé. » Un doux sourire s’étira sur les lèvres d’Ezra alors qu’il laissa son regard plonger dans celui de Lily. « J’aime bien l’idée. Je pense que ça lui plairait en vrai. » Parce-que cela pourrait également lui montrer qu’il faisait partie intégrante de cette nouvelle famille aussi, qu’importe comment elle pouvait désormais être composée, et malgré ce qui pouvait se passer à côté de tout ça; il était son fils, il resterait toujours son premier enfant, et personne ne pourrait le remplacer. Simplement, l’attention de son père serait désormais non pas divisée en deux, mais en trois - et c’était effectivement quelque-chose qui allait également affecter Noah. Ezra savait cependant que cette nouvelle configuration plaisait autant à son premier né que ça pouvait lui plaire à lui, pour en avoir discuté avec ce dernier plus d'une fois. « Je remplacerai jamais Ginny. Ni auprès de toi, ni auprès de lui. Mais ça n’empêche pas de vouloir le meilleur pour lui, et pour toi. » Bien sur qu’il ne se défit pas de son petit sourire, même si ce dernier aurait toujours un gout doux-amer lorsqu’il serait question de mélanger présent et passé de la sorte. « C’est sa mère, c’est pas pareil. » Et c’était aussi simple que ça: Ginny était celle qui l’avait mis au monde, et qui avait pris soin de lui depuis ce jour là. Cela n’empêchait pas au garçon d’éprouver une certaine affection pour Lily alors qu’elle occupait une partie de son quotidien désormais. « Tu verras avec le temps avec Alice que personne peut remplacer une mère. Mais c’est pas pour ça que t’es pas importante pour lui aussi. » Il déposa un baiser sur son front de façon chaste. « Et je sais que tu veux que le meilleur pour lui aussi. Je te remercierai jamais assez pour ça, tu sais. » Parce-que fonder une nouvelle famille avec elle état une chose, mais réussir à intégrer celle qu’il possédait déjà au sein de celle qui était en construction était un exercice qui pouvait se révéler particulièrement compliqué. Heureusement - et presque de façon surprenante en réalité -, Lily était son meilleur allié dans l’affaire. Finalement, il fronça quelque peu les sourcils, ne décrochant pas son regard du sien. « Ca va aller ? » Pour aujourd’hui, au moins; il n’était pas question de tous les jours qui s’ajouteraient au calendrier, car la question était bien trop vague et vaste pour se porter sur une telle durée. Ezra avait cependant besoin de s’assurer qu’au moins pour l’instant, pour le reste de la journée si ça allait aller pou elle. Car si le bonheur de Noah était primordial pour lui, celui de Lily l’était tout autant - et en l’occurence, il savait que ce dernier était entaché avec la nouvelle qu’ils venaient de recevoir. « Prends un bain, pour de vrai, ça te fera du bien. » Il ne pouvait pas proposer bien plus pour le moment, et se sentait quelque peu inutile et démuni de ne pas pouvoir aider davantage.