Toute sa carrière avait appris à Atlas à apprécier le petit matin, le calme avant le fourmillement incessant qui s’emparait de la base dès que tout le monde s’activait à son poste. Aujourd’hui, la base lui paraissait être à des milliers de kilomètres de là, comme un lointain souvenir auquel on ne voudrait pas avoir à penser trop régulièrement. Atlas n’avait pas pris de garde depuis ce qui lui paraissait être une décennie, il lui arrivait de se rendre sur la base pour gérer les questions administratives entourant son équipe, mais dès que les exercices débutaient à l’extérieur, le capitaine quittait les lieux sans demander son reste. Ses matins débutaient tous à l’appartement depuis sa sortie de l’hôpital et Atlas s’était construit une routine parfaitement huilée. Une douche pour se réveiller, fermer tout doucement la porte d'Autumn lorsqu’il finissait par émerger dans le couloir, puis aller se faire couler un café avant de s’installer sur le mini balcon que les deux colocataires s’amusaient à appeler terrasse. Ils avaient réussi à caser une table minuscule qui ne pouvait accueillir qu’une seule chaise et laissait à peine de la place pour un tabouret, mais c’était leur coin, celui qu’Atlas appréciait tout particulièrement pour observer le soleil se lever. Si la plupart du temps, il profitait du calme pour lire les news ou traiter les quelques messages auxquels il n’avait pas répondu depuis des jours, Atlas avait bien une autre mission en tête depuis une semaine. Il lui avait fallu un peu de temps pour tout mettre en place, pour sécuriser les rendez-vous et surtout tout centraliser sur une seule journée, mais il avait réussi et il comptait bien aller jusqu’au bout. Afin de rassurer son esprit, il entreprit de vérifier une nouvelle fois que personne n’avait annulé de rendez-vous et check pour la troisième fois depuis la vieille qu’il avait bien imprimé tous les papiers nécessaires. Désormais, il ne lui restait qu’une seule chose à faire : réveiller sa colocataire.

Atlas n’a jamais véritablement connu la colocation avant sa sortie du centre de rééducation. Il ne voulait plus vivre seul et avait strictement refusé la proposition de ses parents qui lui laissaient accès à son ancienne chambre d’adolescente. L’annonce d’Autumn avait été une véritable opportunité et si le début fut quelque peu chaotique, désormais Atlas avait l’impression de pouvoir compter la jeune femme parmi ses plus proches amis. Et dans le monde du Siede, les amis se devaient de s’entraider. Depuis sa remise de diplôme, Autumn semblait s’être mise en pause, à vivoter par-ci par-là dans un petit boulot qui ne reflétait en rien tous les efforts qu’il lui avait fallu pour obtenir son diplôme. Atlas était fatigué de la voir s’entêter à ne pas vouloir aller vers l’étape suivante. « Le café est encore chaud. » qu’il marmonna alors que la demoiselle venait de se glisser dans la cuisine. Il n’était plus l’heure de faire marche arrière, il allait devoir lui exposer une partie de son plan assez rapidement au vu des minutes qui défilaient à toute vitesse. « T’as 30min pour te préparer. » qu’il vint lui annoncer en prenant appui sur le comptoir qui les séparait. « Habit toi comme si t’allais passer un entretien d’embauche. » Il n’était pas nécessaire de lui mentir, il avait bien dans l’intention de lui tenir tête aujourd’hui si elle décidait de se défiler. Autumn n’avait toujours pas bougé et un sourire se dessina sur les lèvres de son colocataire. « Aller en avant Miss Galloway, dans trente minutes, on quitte la base ! » Si elle se moquait souvent de lui pour sa précision militaire, aujourd’hui elle allait en connaître tous les détails.

@autumn galloway

Tu n’as pas envie de sortir de ton lit. La soirée au restaurant a été trop longue et ta nuit de sommeil bien trop courte. C’est toujours comme ça, quand tu fais la fermeture au restaurant. Tu n’avais pas réalisé à quel point se serait demandé, quand tu avais postulé sur un emploi là-bas plutôt que de faire ce que tu aurais dû faire dès le départ : te chercher un emploi en enseignement. Non seulement tu ne faisais absolument rien pour enfin avancer cette carrière que tu rêvais d’atteindre depuis si longtemps, mais tu t’épuisais à la tâche dans un rôle qui ne t’apportait absolument aucune satisfaction en plus d’un horaire complètement déréglé. Non, tu n’allais pas sortir du confort de ce lit, tu n’en avais pas envie et pour une fois, tu n’avais pas la moindre raison de le faire. Pas d’engagement, pas de rendez-vous quelconque, pas même un quart de travail ce soir. Qu’une journée complètement vide et sans aucune responsabilité, dans laquelle tu comptes bien oublier chacun de tes problèmes, chacune de tes hésitations en t’enfonçant la tête bien profond dans le déni et dans des émissions plus toutes plus mauvaises les unes des autres.

Tu tentes de retrouver le sommeil, mais malgré le confort de ton matelas, tu ne parviens pas à faire taire le flot incessant de tes pensées, et puis finalement c’est ta vessie trop pleine qui te force à quitter la chaleur de tes couvertures. Une fois sortie de la salle de bain, tu es tentée de retourner dans ta chambre comme si de rien était, mais l’odeur de café t’attire vers la cuisine. « Le café est encore chaud. » Tu marmonnes un merci tout en sortant une tasse de l’armoire. Ça ne t’aidera sûrement pas à te rendormir plus tard, mais rien ne t’empêche pas de faire une sieste plus tard cet après-midi, au besoin. Tu n’es pas particulièrement dans une humeur pour discuter, et tu es prête à filer en douce alors qu’il se lève et s’installe à tes côtés, son corps bloquant soudainement ton accès jusqu’à ta chambre. « T’as 30 min pour te préparer. » Tu fronces les sourcils, secouant déjà la tête avant même d’avoir la moindre idée de ce qu’il est sur le point de te demander. « Habit toi comme si t’allais passer un entretien d’embauche. » « Entretien d’embauche? » Tu es trop fatiguée pour faire 1+1, pour comprendre où il veut véritablement en venir, mais une chose est certaine, tu n’as pas l’intention de sortir, surtout pas pour des entrevues. « Aller en avant Miss Galloway, dans trente minutes, on quitte la base! » Depuis que tu connais Atlas, tu sais une chance : l’entrain et la bonne humeur ne font pas partie de son attitude quotidienne, et même si tu as découvert sous son air sombre un homme qui vaut la peine d’être connue, tu trouves ce changement plus ou moins inquiétant. Surtout qu’il semble avoir des plans pour toi, des plans que tu n’as pas demandés. « On est pas à une base ici Siede. Et c’est pas du tout dans mes plans de sortir aujourd’hui. » Tu sirotes ton café tout bonnement, comme s’il ne venait pas tout juste de te donner des ordres, auxquels tu n’as pas l’intention d’obéir. « Au cas où t’aurais oublié, j’ai déjà un boulot. » Tu appréhendes déjà ce qu’il va te répliquer, des remarques que tu te fais toi-même au quotidien. Comme quoi tu perds ton temps dans un boulot minable alors que tu as un diplôme que tu peux mettre à bon escient, que tu pourrais faire quelque chose avec passion plutôt que de te faire chier dans un resto. Mais comment est-ce que tu pourrais lui faire comprendre où repose toutes tes hésitations quand toi-même, tu peines à te les expliquer? « J’ai pas besoin que tu me fasses la leçon dès le première heure Atlas, sérieux. » Mais quelque chose te dit que tes plaintes n’auront pas grand effet sur le Siede et son air bien trop sûr de lui.

L’odeur du café avait au moins réussi à traîner Autumn jusqu’à la cuisine. Atlas prenait chaque étape comme une victoire quand il savait par avance que rien n’était gagner avec son plan. Tout lui paraissait casse gueule, il ne pouvait prétendre connaître sa colocataire par cœur, mais au fil des mois, il avait bien compris une chose : Autumn n’était pas du genre à se laisser faire. Il se préparait déjà à un strict refus de la part de la jeune femme et Atlas avait beau être un bon négociateur, il n’était pas sûr de réellement savoir comment s’y prendre pour changer la donne sur ce point précis. La seule chose qui l’animait était son désir d’aider Autumn, lui donner l’élan nécessaire pour oser un peu plus et surtout pour ne pas laisser périr tous ses efforts passés, toutes les heures où elle avait trimé afin d’obtenir son diplôme. Atlas pouvait être têtu et si sa colocataire ne le savait pas déjà, elle allait en prendre pleinement conscience, et ce, de bon matin. Il fallait juste lui annoncer en douceur. « Entretien d’embauche? » Atlas lui adresse un sourire par-dessus sa propre tasse de café. « Tu m’as bien entendu. » Peut-être que son approche était un peu brutale, qu’il aurait dû annoncer la couleur la veille, mais Atlas avait compris que la jeune femme aurait tout fait pour trouver un subterfuge. Son but n’était pas de la faire se sentir pris au piège, mais il ne voulait pas lui laisser l’occasion de filer en douce.

Malgré toute sa bienveillance, Atlas restait imprégner par des années de carrière militaire, toujours à cheval sur les horaires et légèrement obséder par la ponctualité. « On est pas à une base ici Siede. Et c’est pas du tout dans mes plans de sortir aujourd’hui. » Il est loin d’être surpris par sa réponse, Atlas savait qu’elle allait tout refuser en bloc. Il retint un soupir, ce n’était pas le moment de s’avouer vaincu et surtout, il ne devait pas lui montrer la moindre faiblesse. Elle allait se rendre à cet entretien, il n’allait pas reculer aussi facilement. « Au cas où t’aurais oublié, j’ai déjà un boulot. » Cette conversation, ils l’ont déjà eue dix fois, mais il était prêt à recommencer sans même sourciller. « De merde. » Atlas compléta la phrase avec un sourire en coin. « T’as déjà un boulot de merde. » Il ne lui avait jamais dit de cette façon, il avait toujours été très doux avec elle, mais parfois, il fallait savoir changer de tactique. « Autumn, t’a bossé trop dur pour continuer à être la petite serveuse dans le fast-food du coin. » Toute sa vie, Atlas avait entendu sa mère lui rappeler qu’il n’y avait pas de sot métier et loin de lui l’idée de vouloir dénigrer l’emploi de qui que ce soit, mais tout était différent avec Autumn. Elle avait trop trimé, il avait passé des soirées entières assis dans le canapé, à l’interroger sur les flashcards qu’elle avait tant pris de soin à préparer. Il l’avait vu galérer et elle avait fini par obtenir son diplôme, elle ne pouvait pas juste en rester là. « J’ai pas besoin que tu me fasses la leçon dès le première heure Atlas, sérieux. » Bien sûr qu’elle allait lui reprocher son implication, mais cela aussi, il l’avait déjà prévu. « Je sais pas ce qui te freine à ce point, mais Autumn c’est juste un entretien d’embauche. » Rien de plus, cela pouvait bien se passer comme ne mener à rien, mais c’était la première des étapes. « Je t’ai trop vu galérer pour obtenir ton diplôme, traite moi de con si tu veux, mais on va aller faire ces entretiens ! » Il tente de lui sourire, même si elle lui paraît soudainement être un petit animal apeuré. « J’ai passé des heures pour sélectionner ce qui te correspondrait le mieux, ils ont tous accepté de te voir. Je serais là à chaque étape, je te promets. » Il ne s’était pas autant investi dans un projet depuis longtemps et il avait bien l’intention d’aider Autumn à sauter ce pas.

Il y a des millions de choses que tu pourrais faire avec ta journée de congé. Rattraper ton sommeil, même si ça, ça te semble désormais compromis. Tu pourrais commencer un des livres que tu as acheté dernièrement, une pile qui se fait bien trop haute sans que tu n’en aies ouvert un seul. Tu pourrais passer la journée coucher sur le divan à regarder des émissions toutes plus stupides les unes des autres. Tu pourrais envoyer un message à Will, ou un message à Kieran, ou même les deux si tu te sens complètement impulsive et insouciante. Tu pourrais même être moindrement raisonnable et mettre ton CV à jour ou un truc du genre. Mais tu es à peine sortie du lit que des plans semblent avoir été faits pour toi, sans ton consentement. « Tu m’as bien entendu. » Oui, tu as très bien entendu, mais ce n’est pas pour autant que tu les accepte sans le moindre protestation. Ce n’était pas dans tes plans d’aller passer des entrevues, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans les jours à venir même si tu sais que logiquement parlant, c’est la prochaine étape. Tu es bloquée toutefois. Complètement figée quand tu t’imagines mettre les pieds dans une salle de classe qui est tienne, d’exercer ce métier pour lequel tu étudies pourtant depuis bien trop longtemps. C’est psychologique, c’est un blocage qui ne fait pas de sens, même pour toi la plupart du temps et la dernière chose que tu veux faire ce matin c’est tenter de l’expliquer à Atlas.

« De merde. » Tu roules des yeux, un rire sarcastique s’échappant involontairement de tes lèvres. Tu n’as certainement pas besoin des commentaires de ton colocataire pour savoir que tu as un boulot de merde, mais te le rappeler n’aide en rien à essayer de te convaincre de le suivre dans ses plans pour toi. « T’as déjà un boulot de merde. Autumn, t’as bossé trop dur pour continuer à être la petite serveuse dans le fast-food du coin. » Tu as envie de te boucher les oreilles et te mettre à chanter à tue-tête pour ne pas avoir à entendre ce qu’il a à dire, parce que tu t’offres déjà ce discours bien trop souvent, sans jamais être capable de te sortir de ton cercle vicieux. Tu n’en fais rien toutefois, te contentes d’envoyer un regard noir dans la direction du Siede « C’est mon avenir Atlas, je me souviens pas avoir demander ton opinion. » Il n’est pas ton frère, pas ton père, pas ton copain non plus. Tu considères qu’il n’a pas son mot à dire sur ce que tu fais ou sur ce que tu ne fais pas de ta vie. Tu n’as pas envie de te disputer avec lui, tu apprécies sa compagnie, sa présence rend ton appartement moins vide et déprimant depuis un moment déjà et tu ne cherches pas à changer tout cela, mais s’il insiste trop, tu crains ce que tu pourrais dire. « Je sais pas ce qui te freine à ce point, mais Autumn c’est juste un entretien d’embauche. » « Tu sais pas justement, alors essaye pas de t’en mêler. » Essaye pas de comprendre que tu le supplierais presque du regard parce que tu n’as pas envie de devenir cette fille-là, aux yeux du Siede. Cette fille brisée et compliquée, aux problèmes multiples qui ne saura jamais réellement comment se décider sur quoique ce soit, qui fera toujours tout pour s’autodétruire parce qu’elle ne sait pas comment gérer avec le fait que parfois, des choses bien puissent lui arriver.

« Je t’ai trop vu galérer pour obtenir ton diplôme, traite moi de con si tu veux, mais on va aller faire ces entretiens! » « Non! » Tu t’exclames trop fort sans doute, tes doigts serrent ta tasse à café avec force et tu t’efforces à prendre quelques respirations avant de reprendre sur un ton plus tempéré. « J’apprécie vraiment que tu veuilles m’aider Atlas, mais j’ai pas besoin que tu me tiennes la main pour ça, ok? » Plus il insiste et plus tu te rétractes et tu sais que ça te fait passer pour une fille lâche et ridicule et bien d’autres insultes dont tu t’assènes constamment, mais c’est quelque chose qui est bien plus confortable à tes yeux que de faire face à tes peurs et peut-être réussir quelque chose pour une fois. « J’ai passé des heures pour sélectionner ce qui te correspondrait le mieux, ils ont tous accepté de te voir. Je serais là à chaque étape, je te le promets. » « Je t’ai rien demandé. » Tu t’en veux presque d’être aussi amère et fermée à l’idée parce qu’il y a bel et bien une partie de toi qui est incroyablement reconnaissante pour le temps et les efforts qu’il a dû mettre à cette tâche, mais c’est une cause perdue. Parce que tu es une cause perdue et tu aurais préféré qu’il ne l’apprenne pas comme ça, qu’il ne vienne pas à l’apprendre du tout. « Je suis pas prête, ok? Et c’est pas à toi de tenter de me sauver ou je sais pas quelle idée tu t’es faite de mon cas, mais ça m’intéresse pas. » Tu gesticules avec passion, tes bras et tes mains partant dans tous les sens. « Annule les rendez-vous, s’il-te-plaît. » Tu le supplierais presque, mais quelque chose te laissait croire que le Siede n’avait pas dit son dernier mot.

Elle pouvait rouler des yeux autant qu’elle le désirait, Atlas n’avait pas l’intention de reculer aussi facilement. Il n’avait pas à cœur de faire de sa vie un enfer, mais souhaitait simplement qu’Autumn donne une chance à tous ses efforts. L’attaquer de manière aussi matinale n’était peut-être pas la meilleure des approches, mais Atlas ne voyait dans son processus que le véritable désir de l’aider en lui donnant une légère impulsion vers l’avant. « C’est mon avenir Atlas, je me souviens pas avoir demandé ton opinion. » Non c’est certain, elle ne lui avait rien demander, il avait pris l’autorisation seul. Atlas avait conscience qu’Autumn continuait probablement à le voir que comme son colocataire, le gars qui l’aidait à payer le loyer et qui prenait parfois la peine de cuisiner pour eux deux. Il leur arrivait parfois de partager des moments de complicité, mais la jeune femme semblait rester une solitaire dans l’âme et sur ce point ils se ressemblaient peut-être un peu trop. Alors oui, Atlas n’avait probablement pas son mot à dire, mais il prenait la liberté de le faire, sans réellement se fier des conséquences. « Tu sais pas justement, alors essaye pas de t’en mêler. » Au travers de son regard presque suppliant, il paraît certain qu’Autumn ne voulait pas qu’il cherche à comprendre et il pouvait le comprendre. Elle avait son jardin secret et son intention n’était pas d’offrir une psychanalyse à sa colocataire. Il aimerait simplement qu’elle se donne une chance, que tous ses efforts n’aient pas été vains, qu’elle puisse avoir la fierté d’enfin mettre à profit toutes les heures qu’elle avait passées à plancher comme une malade. « Non ! » Mais clairement Autumn n’était pas de cet avis-là. « Autumn… » Atlas avait conscience que la conversation pouvait déraper à tout moment, qu’il se devait de peser ses mots et de ne pas laisser son impulsion prendre le dessus au risque de compromettre le processus qu’il cherchait à engager.

« J’apprécie vraiment que tu veuilles m’aider Atlas, mais j’ai pas besoin que tu me tiennes la main pour ça, ok? » Cet argument il pouvait l’entendre, lui qui était le premier à rejeter sa famille dès que quelqu’un lui tendait la main après une séance de rééducation plus complexe que les autres. « Je suis pas obligé de venir avec toi si c’est ça le souci. » Il lui avait décroché des entretiens, son rôle pouvait s’arrêter là. Il pouvait lui donner les adresses et le nom des personnes avec qui elle avait rendez-vous et espérer qu’Autumn fasse le saut dans le vide. « Je te donne toutes les infos et tu en fais ce que tu veux. » Elle allait probablement ne pas se rendre aux entretiens, il était lentement en train d’en prendre conscience. « Je t’ai rien demandé. » - « Je sais… » Elle n’avait rien demandé, mais lui pouvait la voir revenir à chaque fois un peu plus malheureuse après un shift trop long à son job du moment. Il avait vu à quel point elle avait apprécié son court stage pour valider son diplôme. Tout ce qu’il désirait était de revoir se dessiner un sourire sur le visage de sa colocataire. « Je suis pas prête, ok? Et c’est pas à toi de tenter de me sauver où je sais pas quelle idée tu t’es faite de mon cas, mais ça m’intéresse pas. » Elle s’agitait dans la cuisine, commençant à gesticuler dans tous les sens comme pour donner encore plus d’emphase au moindre de ses mots. Elle ne voyait dans l’action d’Atlas qu’un acte de pitié et cela venait blesser le jeune homme. Ce n’était pas son intention, ce n’était pas ce qu’il voulait. « Annule les rendez-vous, s’il-te-plaît. » Il serait si simple de céder, de baisser les bras et de tout annuler sans jamais remettre le sujet sur la table, mais Atlas restait quelqu’un de têtu et il n’avait pas dit son dernier mot.

Conscient que sa colocataire se sentait quelque peu attaquer par son approche, il prit néanmoins le temps de trouver ses mots, ne voulant rien lui imposer de drastique. « Pour commencer, ce n’est pas de la pitié Autumn. » Il voulait qu’elle entende cela avant tout le reste. « Je sais que je suis pas toujours le gars le plus bavard qui soit, mais je t’apprécie vraiment tu sais. » Elle avait su le recueillir en silence, elle savait prétendre ne pas avoir entendu ses cauchemars et lorsqu’ils passaient la soirée à regarder une série ensemble le monde paraissait un peu moins noire. « Je t’ai vu travailler comme une dingue pour ton diplôme, et j’ai conscience que cela t’effraye, mais tu en es capable. » Elle pouvait passer au-dessus de cela. « Je veux pas savoir le pourquoi, je veux pas fouiner ta vie personnelle, je suis pas là pour jouer les psy et t’offrir des conseils de comptoir. Je… Je voulais juste t’aider à faire le premier pas. » A ses yeux son intention était louable, mais peut-être qu’il se mettait le doigt dans l’œil. « Je vais pas te traîner de force si tu veux pas y aller, mais te rendre à ce rendez-vous ne t’obliges à rien. » Il allait essayer de la convaincre malgré tout, juste une dernière fois. « Tu peux voir ça comme un exercice, si tu n'es pas prête, tu leur diras que ça ne correspond pas à tes attentes, tu les connais pas on s’en fiche bien de la raison. » Il serait même capable de rédiger le mail à sa place. « Mais imagine que ça fonctionne vraiment, que le feeling se fasse et qu’on te propose de faire ce pour quoi tu as si longuement travaillé. » Il n’avait aucun doute sur cette issue, Autumn était faite pour tout cela. « C’est juste un essai et je te propose de t’accompagner, pas parce que je cherche à te sauver, mais juste parce que j’estime que tu es mon amie, que j’ai confiance en toi et que j’aimerais juste te voir revenir avec le sourire après une journée de travail. » C’est lui qui était en train de lui sourire en douceur à cet instant précis, pour tenter de véhiculer tout ce que son intention avait de réel. « J’ai aucune autre idée en tête que de vouloir te voir réussir tu sais… » qu’il ajoute toujours sur le même ton calme. « Parce que si on commence à parler de sauvetage, clairement je suis autant dans la merde que toi. » Ils étaient aussi perdus l’un que l’autre même peut-être qu’ils pouvaient tout de même se filer quelques coups de main.

« Autumn… » Ton prénom sonne comme une supplication que tu ne veux pas entendre. Parce que tu n’as pas envie de connaître les arguments qui ont poussé Atlas a pensé qu’il devait faire ça pour toi. Tu ne veux pas l’entendre te dire ce que tu te répètes déjà toi-même, tenir un discours que tous tes proches doivent penser quand ils te regardent. Toi la grande ratée. Diplômée, mais sans emploi. Sans ambition, sans envergure, à ne jamais se donner une chance. À quoi bon avoir bosser comme tu l’as fait si ce n’est pas pour faire quelque chose de ton diplôme? Tu aimerais avoir une réponse à donner à tout cela, une explication qui fait moindrement du sens, mais la vérité c’est que tu ne comprends pas toi-même. C’est le blanc, le vide. C’est la peur qui te fige sur place, c’est la crainte d’échouer une fois de plus qui te pousse à rester dans le confort de tes jobs de merde pour des salaires tout aussi merdiques. Au moins, si tu échoues à être une serveuse ou une aide-ménagère, tu peux simplement dire que c’est le boulot qui ne t’intéressait pas, que le manque de volonté est ce qui t’a valu un licenciement ou une énième démission. Mais si tu échoues dans une salle de classe, si tu ne réussis pas à être l’enseignante que tu voudrais être, alors franchement, qui est-ce que tu peux blâmer si ce n’est ton incapacité à faire quoique ce soit de correct? « Je suis pas obligé de venir avec toi si c’est ça le souci. » Si seulement. Ce serait un problème facilement régler, mais malheureusement, tes craintes étaient bien plus profondes que cela. « Je te donne toutes les infos et tu en fais ce que tu veux. » « Rien. Je veux rien en faire. » que tu insistes automatiquement. Tu ne veux pas qu’il te les donne. Tu ne veux pas voir tes options s’étaler sous tes yeux, le genre qu’il a pu te procurer avec bien trop de facilité pour logiquement justifier pourquoi tu ne l’as pas fait toi-même depuis des semaines.

Tu ne peux pas être plus claire lorsque tu lui demandes d’annuler les rendez-vous. Tu es naïve de croire que cela puisse être la fin de la conversation, mais tu l’espères quand même. Tu veux simplement prendre ta tasse de café et repartir te cacher dans le fond de ton lit pour les jours à venir, idéalement. Mais Atlas ne compte pas te rendre la tâche si simple. « Pour commencer, ce n’est pas de la pitié Autumn. » Pourtant, c’est bien difficile pour toi d’avoir l’impression que ce soit autre chose que de la pitié, justement. « Je sais que je suis pas toujours le gars le plus bavard qui soit, mais je t’apprécie vraiment tu sais. » Et voilà qu’il sait exactement quoi te dire pour que tu te sentes coupable de ta réaction légèrement excessive. Tu te mords légèrement la lèvre, le nez baissé dans ta tasse de café, bien incapable de faire face au Siede là tout de suite. « Je t’ai vu travailler comme une dingue pour ton diplôme, et j’ai conscience que cela t’effraye, mais tu en es capable. Je veux pas savoir le pourquoi, je veux pas fouiner ta vie personnelle, je suis pas là pour jouer les psy et t’offrir des conseils de comptoir. Je… Je voulais juste t’aider à faire le premier pas. » « Je l’apprécie, vraiment. » que tu commences, avec plus de douceur cette fois. « C’est juste… C’est compliqué, ok? Je suis une fille compliquée. » que tu admets avec un rire triste avant de prendre une nouvelle gorgée de café, ne serait-ce que pour t’occuper. « Je vais pas te traîner de force si tu veux pas y aller, mais te rendre à ce rendez-vous ne t’oblige à rien. Tu peux voir ça comme un exercice, si tu n'es pas prête, tu leur diras que ça ne correspond pas à tes attentes, tu les connais pas on s’en fiche bien de la raison. » « Comment est-ce que t’arrives à faire ça? » que tu lui demandes, osant finalement lever le regard vers lui. « Comment tu fais pour simplement te foutre de l’opinion des autres? J’ai jamais été capable. Même des gens que je sais que je vais probablement jamais revoir. » C’est toujours tout ou rien. Tu te fous absolument de tout, ou bien tu te crées des scénarios tellement chaotiques que tu en deviens incapable de te mettre dans la situation, complètement paralysée.

« Mais imagine que ça fonctionne vraiment, que le feeling se fasse et qu’on te propose de faire ce pour quoi tu as si longuement travaillé. » Il n’a pas encore compris Atlas, que c’est précisément ça qui t’effraie le plus. « C’est juste un essai et je te propose de t’accompagner, pas parce que je cherche à te sauver, mais juste parce que j’estime que tu es mon amie, que j’ai confiance en toi et que j’aimerais juste te voir revenir avec le sourire après une journée de travail. » « J’ai l’air si malheureuse que ça? » Si tu le demandes avec une touche d’humour dans la voix, tu ne peux t’empêcher de te demander si c’est si flagrant que ça, dans ta vie de tous les jours. « J’ai aucune autre idée en tête que de vouloir te voir réussir tu sais… Parce que si on commence à parler sauvetage, clairement je suis autant dans la merde que toi. » « Je l’aurais pas dit comme ça… » Mais il est évident que dans cet appartement, tu n’es pas la seule à te noyer dans le malheur. « Est-ce que t’as toujours su que tu voulais être dans l’armée? » La question peut sembler sortir de nulle part, mais ça fait sens, avec tout ce que tu ressens présentement, tout ce que tu ne saurais expliquer clairement. « T’as jamais eu peur de pas être à ta place, de pas être qualifié pour ça malgré ton training? »

« C’est juste… C’est compliqué, ok? Je suis une fille compliquée. » Son rire triste vint secouer quelque chose chez Atlas. Elle paraissait abattue, déjà vouée à être vaincue par les épreuves de la vie, sans jamais se donner le moindre espoir de pouvoir s’élever. Il aurait pu tomber dans la facilité, lui rappeler que tout a chacun se vouait à n’être qu’un être de plus complexe, mais Atlas savait qu’elle ne voulait pas entendre ce genre de paroles génériques. Il s’en voulait déjà d’insister autant, mais ses paroles ne partaient que d’un bon sentiment qu’il avait laissé à ruminer pendant trop longtemps. « Comment est-ce que t’arrives à faire ça? » Il releva un sourcil froncé dans sa direction. « Faire quoi ? » Atlas n’était pas sûr de comprendre où elle voulait en venir. Avait-il dit quelque chose d’aussi invraisemblable que cela ? « Comment tu fais pour simplement te foutre de l’opinion des autres? J’ai jamais été capable. Même des gens que je sais que je vais probablement jamais revoir. » Un léger rire lui échappa face à la bêtise qu’il s’apprêtait à lui dire. « Je suis devenu un vieux sage ? » Il préférait plaisanter que lui mettre une pression qui n’avait pas lieu d’exister. Atlas n’allait pas prétendre avoir réponse à tout, conscient que chaque personne sur cette planète possédait son propre caractère et sa manière d’aborder une situation. « Je ne saurais pas vraiment t’expliquer, mais si tu les revois jamais, il n’y aura pas d’incidence et toi tu pourras te servir de l’expérience pour aborder la prochaine étape avec un peu plus de confidence ? » C’est tout ce qui semblait lui manquer pour le moment, un peu de confiance en soi. Atlas avait conscience que cela ne pouvait se gagner en un claquement de doigts et parce qu’il avait décidé de lui donner un coup de main. Autumn se devait de vouloir tout cela pour elle-même, mais il osait espérer que sa proposition allait au moins lui donner envie de se jeter dans le vide.

Certains diraient qu’il insiste probablement trop, mais Atlas n’a jamais été du genre à abandonner facilement. Au fond de lui, il pouvait tout de même sentir que ses propos étaient venus piquer la curiosité de sa colocataire. « J’ai l’air si malheureuse que ça? » Atlas se mordit la lèvre, conscient de ne pas avoir employé les meilleurs termes pour se faire comprendre. « Je dirais pas malheureuse. » Ce n’était pas ce qu’il voulait qu’elle entende en tout cas. « Plutôt que tu semblais plus épanouie quand tu te perdais dans tes lectures pour les cours. » Autumn avait mis un temps avant de se lancer dans ses études, Atlas ne doutait pas une seule seconde qu’elle eût mis toute sa réflexion avant de se jeter à l’eau et que cela faisait donc sens pour elle.

« Je l’aurais pas dit comme ça… » Elle versait clairement dans la politesse alors que ce n’était pas nécessaire. Atlas se savait perdu lui aussi, errant bien trop souvent dans l’appartement à chercher à forcer sa mémoire quand cela paraissait évident que tout n’allait pas lui revenir en un claquement de doigts. « Est-ce que t’as toujours su que tu voulais être dans l’armée? » Surpris par la question, Atlas releva les yeux vers Autumn. « T’as jamais eu peur de pas être à ta place, de pas être qualifié pour ça malgré ton training? » La précision lui arracha un léger rire incertain. « Je savais que je n’étais pas fait pour faire de grandes études. » Sa détermination s’était tenue là au départ. Il ne voulait pas entrer à l’Université et avait fini par déloger un vieux rêve de gamin. « C’était un peu mon rêve d’enfant, je disais toujours que j’allais être un soldat quand je serais grand. » Le petit Atlas n’avait aucune idée de ce que ce métier pouvait représenter, il n’aurait jamais eu conscience de tous les sacrifices qu’il allait devoir faire pour réussir. « Mais ce serait te mentir que de dire que tout a toujours été simple et que j’ai gravi les échelons sans sourciller. » Les premières étapes furent les plus simples, mais quand les ambitions d’Atlas l’ont amené à loucher sur des postes de haut gradés tout avait commencé à changer, sa certitude s’ébranlant au milieu du parcours. « Les hauts gradés sont souvent des gens avec des diplômes et tout ce qui fait beau sur les murs d’un bureaux. » Diplôme de grande école et les récompenses et médailles qui s’en suivent. « Moi j’ai commencé comme petit marin à la sortie du Lycée et j’avais pas le niveau de ceux qui se sont engagés après leurs études supérieures. J’ai toujours eu peur de ne pas être à leur niveau, j’avais pas tout leur savoir tactique et les connaissances qui font de toi un adulte aux yeux de la société. » Combien de fois lui avait on rappelé qu’il n’était qu’un paumé qui s’était engagé à la fin du Lycée à défaut d’avoir une meilleure ambition ? Il lui avait fallu des années avant de gagner les grades qui lui ont valu un peu plus de respect de la part de ses paires. « Je me suis ramassé plus d’une fois avant de devenir capitaine et j’ai sacrifié beaucoup de choses pour en arriver là. » Toute sa vie personnelle avait été mise au second plan durant des années, lui coûtant sa meilleure relation et mettant en berne son désir de paternité. « Et malgré ce que je traverse aujourd’hui, si tu me demandais de recommencer, je crois que je ferais pareil. » Un Atlas averti aurait peut-être essayé de sauver au moins sa relation, mais il savait que sa carrière aurait toujours fini par se mettre au milieu. « Je te dis clairement pas de suivre mon exemple, mais j’ai une carrière un peu à part, on ne sait pas faire les choses à moitié dans l’armée. » C’était tout ou rien, sacrifié sa vie pour la nation ou rester au bercail. « Je vais pas t’embêter plus Autumn, je comprends ce qui te retient et personne ne pourra te forcer la main, ce serait stupide. » Il n’avait pas à cœur de rendre l’expérience traumatisante pour elle. « Tu veux un petit déj ? » Et si tout ce qu’elle voulait était de rester à l’appartement aujourd’hui, alors Atlas se plierait à la règle, ça, il savait le faire.

« Je suis devenu un vieux sage? » La réponse d’Atlas t’arrache un rire, plus triste que joyeux, mais un rire quand même. Tu apprenais à le connaître au fil du temps, et si tu savais qu’il n’était pas encore remis de son accident et de ce que ce dernier lui avait volé dans les dernières années, tu ne pouvais t’empêcher d’admirer la manière avec laquelle il persévérait, avec laquelle il semblait assuré de ce qu’il voulait retrouver, comme si sa personne n’était pas complète sans son métier alors que toi, tu n’osais toujours pas te projeter dans le tien alors que tu avais enfin tous les outils pour le faire. « Je ne saurais pas vraiment t’expliquer, mais si tu les revois jamais, il n'y aura pas d’incidence et toi tu pourras te servir de l’expérience pour aborder la prochaine étape avec un peu plus de confidence? » Tu hoches la tête. C’est parfaitement logique et si tu arrives à le comprendre, tu n’as jamais été en mesure de l’appliquer, trop préoccupée à vouloir te faire apprécier de tout le monde sans jamais avoir l’impression d’y parvenir. Plutôt que d’essayer de l’expliquer toutefois, tu prends le conseil pour ce qu’il est, te rappelle que ce ne serait pas une si mauvaise idée de l’appliquer, une fois de temps en temps. Mais pas aujourd’hui. Pas tout de suite. Tu as encore besoin d’un peu de temps, qu’importe ce qu’Atlas peut en penser. Ou peut-être que tu ne fais que repousser l’inévitable, la peur toujours bien trop grande et inexplicable. « Je dirais pas malheureuse. Plutôt que tu semblais plus épanouie quand tu te perdais dans tes lectures pour les cours. » « C’était plus simple. » que tu avoues, échappant un long soupir. « Si j’échouais, c’est parce que j’avais pas assez bosser ou bien j’étais pas assez appliquée. Mais si je suis nulle comme prof alors que j’ai un diplôme que j’ai toutes les qualifications nécessaires, qu’est-ce que ça fait de moi? » Tu sors les mots les uns après les autres, sans même être certaine de faire réellement du sens. Comme toujours, c’est le bordel dans ta tête. « Oublie ça, c’est un problème pour ma psy à gérer. » que tu ricanes sans humour. Faudrait que tu reprennes un rendez-vous pour gérer tout ça, déjà. Un problème pour un autre jour, comme tout le reste.

Retourner la conversation sur Atlas était une meilleure tactique que t’étendre plus longuement sur toi et tes millions défauts de fabrication. « Je savais que je n’étais pas fait pour faire de grandes études. C’était un peu mon rêve d’enfant, je disais toujours que j’allais être un soldat. Mais ce serait te mentir que de dire que tout a toujours été simple et que j’ai gravi les échelons sans sourciller. » Tu restes silencieuse, curieuse d’en savoir plus. Tu oublies trop souvent que tu n’es pas la seule à avoir eu des problèmes pour te rendre là où tu veux être, là où tu refuses pourtant de te rendre. « Les hauts gradés sont souvent des gens avec des diplômes et tout ce qui fait beau sur les murs d’un bureau. Moi j’ai commencé petit marin à la sortie du lycée et j’avais pas le niveau de ceux qui se sont engagés après leurs études supérieures. J’ai toujours eu peur de ne pas être à leur niveau, j’avais pas tout leur savoir technique et les connaissances qui font de toi un adulte aux yeux de la société. » Tu grimaces à l’entendre, te retrouvant bien trop facilement dans ses propos. Tu avais beau avoir un morceau de papier à mettre sur tes murs désormais prouvant tes acquis, tu avais mis une décennie à y parvenir là où la majorité des gens y arrivaient en quelques années seulement, et tu ne pouvais t’empêcher d’être jalouse de tout ceux pour qui la certitude était venue rapidement, alors que tu te perdais dans les peut-être et les hypothétiques de ton esprit malade. « Je me suis ramassé plus d’une fois avant de devenir capitaine et j’ai sacrifié beaucoup de choses pour en arriver là. » « Comme quoi? » que tu ne peux t’empêcher de demander, ta curiosité l’emportant toujours sur ton gros bon sens qui te rappelle que c’est peut-être un peu trop personnel comme question. Tant pis, il a voulu se mêler de ton avenir, tu peux bien te faire curieuse sur son passé. « Et malgré ce que je traverse aujourd’hui, si tu me demandais de recommencer, je crois que je ferais pareil. » Sa réponse et sa certitude te surprennent. Peut-être parce que toi, à l’inverse d’Atlas, tu passes ton temps à regretter tes choix et te demander ce que serait ta vie si tu avais pris des chemins différents. « Je te dis clairement pas de suivre mon exemple, mais j’ai une carrière un peu à part, on ne sait pas faire les choses à moitié dans l’armée. » « J’aimerais avoir un peu de ça, moi aussi. » que tu avoues à demi-mot, te mordillant la lèvre nerveusement. « J’ai du mal à mener un projet jusqu’au bout, c’est déjà un miracle que j’ai finalement ce diplôme en poche. » Un rire t’échappe, mais ce dernier ne contient aucune joie. Un autre regret que tu portes sur tes épaules, le simple fait d’avoir tardé à finir tes études te semble être un énième échec. « Je vais pas t’embêter plus Autumn, je comprends ce qui te retient et personne ne pourra te forcer la main, ce serait stupide. » Voilà que tu te sens mal désormais pour ta réaction légèrement exagérée, un soupir pour toute réponse. « Tu veux un petit déj? » Tu secoues la tête de gauche à droite, l’estomac désormais noué, l’idée de manger quoique ce soit te causant pratiquement des nausées. « Peut-être… peut-être que tu pourrais me donner les coordonnées des personnes que tu as contactées? » que tu proposes, ne te sentant pas prête à faire des entrevues sous le coup de la pression comme ça, mais pas non plus naïve au point de ne pas savoir accepter l’aide que le Siede t’offrait. « Peut-être que je pourrais demander à les remettre plus tard dans la semaine. » Avec un peu de temps pour te faire à l’idée, pour t’y préparer, peut-être que ce ne serait pas la pire des idées. « Est-ce que tu accepterais quand même de venir avec moi? » Atlas avait sans doute bien mieux à faire de son temps que te chaperonner pour quelque chose d’aussi simple qu’une entrevue d’embauche et pourtant, la simple idée de ne pas devoir y faire face toute seule avait quelque chose de rassurant.

« C’était plus simple. » De faire semblant ? De prendre son temps ? Ou bien encore d’étudier sans avoir un réel but à atteindre ? Il existait tout un tas de raisons qui pouvait pousser Autumn à trouver plus simple le fait d’apprécier ses cours. « Si j’échouais, c’est parce que j’avais pas assez bossé ou bien j’étais pas assez appliquée. Mais si je suis nulle comme prof alors que j’ai un diplôme que j’ai toutes les qualifications nécessaires, qu’est-ce que ça fait de moi? » Surpris par la réflexion, Atlas n’avait aucune répartie pour bombarder une réponse intelligente dans la seconde. Il se mit à bégayer tel un enfant de cinq ans, incapable d’avoir la moindre idée d’une quelconque répartie quand il était celui qui avait lancé le sujet en premier. « Oublie ça, c’est un problème pour ma psy à gérer. » Et c’est alors qu’elle se met à ricaner pour dédramatiser les choses qu’Atlas finit par comprendre ce qui manquait à Autumn depuis le départ. « Ça ferait de toi quelqu’un qui a au moins essayé. » Le courage. Voilà ce qui manquait à sa colocataire, juste un peu de courage pour aller de l’avant. Elle allait devoir se jeter dans le vide. C’est effrayant, on ne sait jamais à quoi l’atterrissage va ressembler, mais parfois, il faut le faire.

Atlas n’a jamais été très doué pour les grands discours. Il a pour habitude de laisser les gens gérer leur propre problème et impose rarement sa vision de la vie aux autres. Pourtant, aujourd’hui, quelque chose le pousse à parler plus que de raison. Atlas ne voulait pas lui faire la morale, il n’avait pas à cœur de faire culpabiliser sa colocataire, mais elle avait tellement travaillé. Il ne pouvait tout simplement pas la laisser gâcher son potentiel talent. Il comprenait la peur, mais ne pouvait la laisser gagner toute la personnalité de celle qu’il considérait désormais comme une amie. « Comme quoi? » Peut-être qu’il s’était quelque peu emballé en la qualifiant d’amie. « Le but c’était pas que je te raconte toute ma vie. » Il insistait sur l’entièreté du deal, mais est-ce qu’Autumn ne venait pas d’en dire beaucoup sur sa personne ? Il lui devait au moins cela. Une sorte de donnant-donnant dans leur relation bancale, à l’image de leur vie de travers. « J’ai laissé partir la femme que j’aime. » Il ne pouvait pas être plus honnête que cela. Pour grimper les échelons, Atlas avait laissé Matilda partir. Elle en avait épousé un autre, avait eu des enfants avec ce dernier. Il n’était désormais que le gentil copain d’antan dans la vie de la brune, témoin de cette vie qu’il aurait rêvé avoir avec elle. « Pathétique hein ? » C’était son tour de rire amèrement.

« J’aimerais avoir un peu de ça, moi aussi. » - « Un peu de courage ? » Atlas haussa les sourcils avant de sourire comme un idiot. « Il paraît que les drogues sont pas mal pour ça. » L’idée était complètement idiote, mais il était très clairement fier de sa petite répartie stupide. « J’ai du mal à mener un projet jusqu’au bout, c’est déjà un miracle que j’ai finalement ce diplôme en poche. » C’est quelque chose qu’il pouvait comprendre. Elle était effrayée par la prochaine étape, une grande inconnue. « Mais tu l’as eu ce diplôme. » Il en avait été témoin. Elle avait tout donner pour cela, elle s’était démenée pour en arriver là. « Va falloir se jeter dans le vide maintenant girl. » Une nouvelle fois, Atlas lui adressa un léger sourire. Il avait l’impression de s’adresser à l’une de ses petites sœurs. Il voulait tellement l’aider, mais désormais, il ne savait plus réellement ce qui s’avérait être la limite. « Peut-être… peut-être que tu pourrais me donner les coordonnées des personnes que tu as contactées? » Sans aucune hésitation, Atlas se mit à hocher la tête avec force. « Bien sûr. » Il avait tout de noter dans son téléphone, plus quelques mails qui attendaient seulement d'être transférés dans la boîte d’Autumn. « Peut-être que je pourrais demander à les remettre plus tard dans la semaine. » - « On peut commencer, comme ça. » Il n’allait plus la presser comme il avait tenté de le faire quelques minutes plus tôt. Atlas avait reconnu son erreur, mais il n’avait pas l’intention d’abandonner complètement. « Est-ce que tu accepterais quand même de venir avec moi? » La question était innocente, mais Atlas se trouva touché. « Bien sûr Autumn. » Il était à deux doigts de la traîner en dehors de cet appartement pour se rendre à un entretien d’embauche, cela pouvait désormais attendre quelques jours. « On va faire un pacte. » Il n’était pas sûr où cela allait les mener, mais il ne voulait pas la laisser tomber. « Je te donne une semaine pour prendre rendez-vous avec au moins l’un d’entre eux. » Il sortit son téléphone afin de lui montrer toutes les informations. « Je viendrais avec toi, de toute façon c’est pas comme si j’avais un programme chargé. » Elle pouvait choisir son moment, Atlas sera présent. « Et en attendant, on va déjeuner, parce que j’ai faim ! » Il n’insistera pas plus pour aujourd’hui, mais il n’avait pas l’intention d’abandonner non plus. Au moins, Autumn était désormais au courant.