Une pléthore d’émotions m’a envahi ces derniers temps. À vrai dire, je n’ai jamais eu une vie aussi mouvementée que celle de ces deux dernières semaines. Énormément de choses se sont passées, énormément de personnes se sont bousculées. Et j’en ressors non pas grandie, mais blessée, plus que jamais. Je suis arrivée dans une impasse, à un point de non-retour. Je ne peux me défaire de la colère qui s’est emparée de mon corps. J’ai d’abord revu mon voisin, ce monstre sauvage assoiffé de sexe, qui m’a encore une fois attirée dans ses filets. J’ai ensuite subi un silence radio de la part de Loghan. Je me suis d’abord dit que c’était de ma faute, qu’il avait peut-être appris pour Bryan mais je me suis vite ravisée. À moins qu’il ait installé des caméras dans mon appartement, il n’aurait jamais pu découvrir le pot-aux-roses. Et puis, une blonde est entrée dans l’équation. Et pas n’importe quelle blonde. Pas une blonde comme je m’imagine d’habitude. Pimbêche, conne et à la limite du vulgaire. Non, cette blonde là, c’est de la dynamite. Une grande femme, élancée, une quadra assumée et surement une grande prédatrice au passage. Je l’ai remarqué plusieurs fois dans la boîte et je n’ai pu m’empêcher de penser au pire… De penser qu’elle venait pour lui. Parce que cela était possible, tellement elle est sublime. Et puis parce que cela correspond avec le silence auquel Loghan me gratifiait. Alors j’ai osé. Je l’ai interpellée et je lui ai longuement parlé pour finir par apprendre que… oui, elle se tapait Loghan. Mon coeur est brisé. J’ai pris congé, parce que je ne peux pas affronter la réalité en face. Je risquerai de faire un scandale si je le revoyais. Je ne peux pas. Je suis enroulée dans ma couverture et je pleure. Parce que j’ai mal d’avoir encore été prise au piège. J’ai encore une fois été une femme dans toute sa splendeur. Je me suis faite avoir à mon propre jeu. Et j’ai été trop bête de croire que Loghan pouvait être différent avec moi. La colère monte, mes poings se serrent et je brûle d’envie de me défouler. Cela fait deux jours que je me morfonds et je ne peux plus supporter cette dépression. Je dois être plus forte que ça, je dois affronter mes démons, je dois être digne, putain. Je me relève et essuie mes yeux rouges de rage. Je regarde ensuite l’heure sur mon radio-réveil. Dix-neuf heures. Loghan n’est pas encore au travail. D’ailleurs il y vient de moins de moins, surement parce qu’il a quelque chose de mieux à faire, comme batifoler avec cette espèce de blondasse. Je sors le grand jeu, je veux lui en mettre plein la vue, je veux qu’il regrette d’avoir osé imaginer que j’étais une gentille. Parce que je suis très loin de l’être, et il va bientôt l’apprendre. J’enfile un pantalon moulant en cuir et un débardeur trop court sensé mettre en valeur mes attributs. Je décide ensuite de me maquiller et d’opter notamment pour un rouge à lèvres carmin, chose qui ne me ressemble pas. Je mise sur mon apparence plus pour assurer mes arrières que par accès de coquetterie. J’ai envie de lui montrer que je suis indéboulonnable, même si au fond je suis loin de l’être. J’enfile ensuite une paire de bottines à talons et sors en trombe de mon appartement pour héler un taxi. Ce dernier se poste quelques secondes après à ma hauteur et je le prie de me conduire chez Loghan. Durant tout le trajet, je ne peux m’empêcher de respirer à grand coups et d’essayer de préparer ce que je vais dire, pour ne pas paraître brouillon et surtout pour mettre en place tout ce qui se bouscule dans ma tête. Il ne me faut que quinze minutes pour arriver devant l’appartement de mon cher patron. Je paie alors ma course et descend pour me diriger d’un pas assuré vers son immeuble. J’essaye de pousser la porte d’entrée et à mon plus grand bonheur, elle est restée ouverte. Je monte alors jusqu’au deuxième étage pour finir par me poster devant sa porte d’entrée personnelle. Une hésitation s’empare de moi, très vite balayée par un bruit émanant de l’appartement. Je tambourine contre le battant et m’acharne sur la sonnette. Le pauvre, il ne sait pas ce qui l’attend. Loghan finit par ouvrir la porte après quelques secondes, une serviette de vaisselle posée sur son épaule. Je le regarde avec des yeux noirs, remplis d’une haine viscérale avant de le pousser de toutes mes forces pour pénétrer dans l’appartement et refermer la porte dans un geste théâtral. Je pose ensuite mon index sur son torse en hurlant. « TU ES LE PLUS GROS DES CONNARDS, LOGHAN WELLINGTON! » Il me regarde d’un air ébahi, visiblement surpris par ma visite. Il a surement du penser que je suis venue pour lui faire plaisir. Raté. Je continue de l’invectiver, trouvant cela presque jouissif. « Tu pleures dans mes bras et tu te fais une autre fille deux jours après, mais à quoi tu joues? » Mes yeux vont presque sortir de leur orbite. Mes tempes ne peuvent s’empêcher de battre à tout rompre. Mes doigts me démangent. Je retire mon index de son torse pour lui donner une gifle monumentale. « Ça, c’est pour m’avoir manqué de respect, espèce d'imbécile. Et moi qui pensais valoir plus que les autres... Tu me dégoûtes. » Je crache mes mots. Il ne s’y attendait pas à celle-là. Moi non plus, à vrai dire. Il faut croire que je sous-estimais mes sentiments pour lui…
Les jours passent mais ne se ressemblent pas. J’ai l’impression que tout prend des dimensions différentes dans cette ville. Tout va plus vite, tout part en couilles à une allure folle. Je n’ai jamais vécu autant de choses que depuis les 4 derniers mois que je suis là. A Londres, c’était la routine, la merde. Ici c’est comme un autre monde qui s’ouvre sous mes pieds. De nouvelles opportunités de faire les choses bien, mais de tout foirer aussi. Je ne sais pas ce que je veux. Et puis il y a ce putain de coeur qui bat dans ma poitrine et qui ne sait pas ce qu’il veut, bien trop partagé entre tout ce que je peux ressentir. Brisbane aura ma peau. Si je suis arrivé ici à la base, c’était pour retrouver Kelya, pas pour me sentir piégé, emmêlé dans les sentiments que je ressens pour deux femmes complètement opposées. Il y a d’un côté Constance, petite brune piquante comme je les adore, celle qui a su me faire comprendre que j’avais un coeur, que je pouvais développer des sentiments pour quelqu’un. Celle qui a su être là pour moi lorsque j’en avais besoin, celle avec qui j’aimais passer du temps. Et puis depuis peu il y a Caitlyn, grande blonde sublime, caractériellement tout l’inverse de Constance. Pus âgée, plus posée, le genre de femme avec qui on pourrait facilement imaginer un avenir, si tenté qu’on veuille calquer aux belles histoires des livres pour enfant. Mais est-ce que c’est vraiment ce dont j’ai envie ? De toute manière, je me perds beaucoup trop souvent dans mes réflexions ces derniers temps. Je m’étais toujours promis de ne jamais m’attacher à une femme pour cette simple et bonne raison. Mon esprit n’est plus que confronté à mes réflexions focalisées sur ces deux femmes. C’est l’enfer. Il est 15h quand je me réveille, je n’ai pas dormi beaucoup, de toute manière ces derniers temps je ne dors pas beaucoup. Ce n’est pas si étonnant que ça. Pour me changer les idées, je décide de faire le ménage dans mon appartement, tout ranger, tout nettoyer, les lessives, la vaisselle. Tout y passe, pour espérer un minimum arriver à penser à autre chose qu’à elles. Mais c’est mission impossible. Sûrement que seul un rail de coke pourrait changer ça. Alors une fois fini ma vaisselle, torchon sur l’épaule, je quitte la cuisine pour rejoindre le salon, ouvrant un tiroir pour en sortir un petit sachet de poudre. Voilà. Exactement ce dont j’ai besoin. Je pars bosser dans plusieurs heures, ça me laisse le temps de voir les effets se dissiper. Je me prépare deux jolies lignes, mais avant même d’avoir pu en inhaler une seule, j’entends frapper à la porte de mon appartement, sonner, et frapper encore. Ça m’étonnerait même pas que ce soit ma voisine complètement tarée qui vient faire chier le monde encore. Je soupire un peu, place mon petit plateau argenté sur lequel reposent mes lignes sous la table basse, au cas où, et je lève pour aller ouvrir. « Ouais ça va j’arrive ! » Putain mais c’est qui cet abruti qui fait chier là ? J’ouvre la porte et mon regard tombe sur Constance, visiblement dans un état pas croyable. Je fronce un peu les sourcils en voyant son regard noir qui m’est adressé. Ça fait plusieurs jours que je ne l’ai pas vue, qu’elle s’est mise en ‘maladie’ et qu’elle ne répond pas à mes messages. J’ai bien essayé de savoir ce qu’elle avait pourtant. Je sens déjà qu’elle va m’en foutre plein la gueule, avant même de savoir la raison. Elle me pousse violemment dans l’appartement et claque la porte derrière elle telle une furie avant de s’approcher. « TU ES LE PLUS GROS DES CONNARDS, LOGHAN WELLINGTON! » Ma tête a un mouvement de recul, surpris. Qu’es-ce qui lui prend putain ? Je fronce à nouveau les sourcils, n’aimant pas vraiment me faire traiter de connard comme ça sans en connaître la raison. « Ok, tu vas te calmer. C’est quoi cette histoire ? » Pour l’instant, ma voix est plutôt calme, bien qu’un peu sèche, par la surprise. Mais je ne m’attends pas à ce qu’elle se calme par cette simple demande. Non, Constance n’est pas de ce genre. « Tu pleures dans mes bras et tu te fais une autre fille deux jours après, mais à quoi tu joues? » Ah, nous y voilà. Je suppose qu’elle a dû rencontrer Caitlyn, ce qui n’est pas étonnant étant donné qu’elle vient régulièrement à la boîte ces dernières semaines. Je lève les yeux au ciel et soupire un peu, prenant une respiration pour lui répondre, mais je n’en ai pas le temps que déjà sa main vient s’écraser sur ma joue. La salope. « Ça, c’est pour m’avoir manqué de respect, espèce d'imbécile. Et moi qui pensais valoir plus que les autres... Tu me dégoûtes. » Je fronce les sourcils, cette fois, elle m’a énervé. « Mais de quel respect tu parles putain ? On est pas mariés que je sache ! » Je secoue la tête en la regardant avec une pointe d’agacement. « Bien sûr que tu vaux plus que les autres, Le simple fait qu’on ait couché ensemble plusieurs fois, que je me sois confié à toi, tout ça fait que tu vaux plus que les autres. » Son regard est tellement noir que je ne distingue même plus la couleur de ses iris. « Mais putain tu t’attendais à quoi ? Que je t’épouse et qu’on fasse des enfants ? J’pense que tu me connais assez bien maintenant pour savoir que je vais pas m’asseoir sur 20 ans de coucheries pour les beaux yeux d’une nana ! » Je secoue la tête. « Quoi ? Il aurait fallu que je te prévienne ? Que j’te dise qu’on finirait pas notre vie ensemble ? Arrête Constance. T’en as toujours été consciente, aussi bien que moi. ».
Je fulmine. Je suis une toute autre personne. Je revois la Constance d’il y a quelques mois, la meurtrière, la meurtrie aussi. Je voulais à tout prix éviter ce cas de figure, cet embobinement si caractéristique de l’être humain, ce piège tendu par les hommes, ce fruit défendu aux faibles âmes. Et pourtant, je savais ce qui m’attendait. Je savais que Loghan n’était pas un homme pour moi, je savais que je n’étais tout autant pas faite pour lui. Mais pas pour les mêmes raisons. Je suis instable psychologiquement parlant, et lui instable tout court. Il ne sait pas se tenir et j’ai été bête de penser le contraire. J’ai été bête de croire que je l’avais changé, que j’avais trouvé la faille et que je l’avais aidé à la surmonter. Inconsciemment, je crois que j’avais placé tous les espoirs que je croyais perdus dans cette amourette. Je crois que je l’ai pris pour mon sauveur, celui qui au départ était aux antipodes de ce dont j’avais besoin et qui s’est avéré m’être indispensable. Je crois que j’ai trop misé sur lui, que j’ai été aveuglée par notre magnétisme. Au final, il ne reste qu’un homme, avec tout ce que cela implique. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris de lui donner une gifle. Peut-être est-ce ma colère qui est devenue incontrôlable avec le temps. Peut-être que depuis mon geste fatal il y a déjà presque un an, je ne suis devenue qu’une brute. Je me suis clairement laissée emportée par ma rage, par mes sentiments. Mon cerveau n’a pas agi comme médiateur et c’est d’ailleurs ça qui me fait défaut depuis longtemps déjà. Je me laisse trop gagner par mes émotions, jusqu’à risquer un débordement. Le pire, c’est que je ne regrette pas mon geste. À l’intérieur, je souris. Je suis satisfaite. « Mais de quel respect tu parles putain ? On est pas mariés que je sache ! » Je tressaille dès qu’il parle de la notion du mariage. J’ai envie de me jeter sur lui pour avoir osé prononcer ce mot. S’il savait tout ce que cela signifie à mes yeux… Mes pupilles se dilatent de plus en plus, j’ai l’impression que tout mon corps tremble, bouillonne de l’intérieur. Il continue son laïus alors que je suis à deux doigts de lui arracher la tête. « Bien sûr que tu vaux plus que les autres, Le simple fait qu’on ait couché ensemble plusieurs fois, que je me sois confié à toi, tout ça fait que tu vaux plus que les autres. » Je hurle de nouveau, parce que c’est trop, parce qu’il n’a pas le droit de me dire ça après ce qu’il a fait. « Mais alors, pourquoi? POURQUOI LOGHAN? T’as tout gâché. » Je secoue la tête comme une échappée de l’asile, plus pour essayer de chasser toutes les idées noires qui me traversent l’esprit. « Mais putain tu t’attendais à quoi ? Que je t’épouse et qu’on fasse des enfants ? J’pense que tu me connais assez bien maintenant pour savoir que je vais pas m’asseoir sur 20 ans de coucheries pour les beaux yeux d’une nana ! » Je soupire et murmure: « Qu’est-ce que j’ai été conne… » Je ferme les yeux pour essayer de récupérer un semblant de normalité. « Quoi ? Il aurait fallu que je te prévienne ? Que j’te dise qu’on finirait pas notre vie ensemble ? Arrête Constance. T’en as toujours été consciente, aussi bien que moi. » Oui, j’en ai été consciente depuis le début. Je savais ce qu’il était, je savais le challenge qui s’offrait à moi. Je l’ai détesté dès que je l’ai rencontré, parce qu’il était ce qu’il était. Mais seulement, voilà, au fil du temps et des moments de plus en plus intimes passés à ses côtés, j’ai cru avoir la force de le changer. J’ai même osé lui avouer qu’il était important à mes yeux, j’ai osé lui promettre d’être là pour lui. Et en quelques coups de reins il a tout effacé. Je recule légèrement et me met à applaudir, dans un véritable accès de folie. « Je vous félicite, monsieur Wellington. Vous avez gagné la palme du plus beau trou du cul. » Je m’exécute ensuite dans un geste de révérence tout en lui lançant un regard glacial. Je me rapproche de lui après ma petite mise en scène et lui lance d’une voix la plus maitrisée possible: « Je te souhaite de t’amuser dans ta vie minable. Tu ne risqueras pas de l’engrosser elle au moins, elle est bien trop vieille. » Un sourire carnassier vient se dessiner sur mes lèvres avant que je ne fasse un volte-face pour me diriger vers la porte. Je sens déjà les larmes monter, emprunter le chemin des artères de mon coeur pour perler au bord de mes yeux noircis par la haine. Je dépose ma main sur la poignée quand je sens le bras fort de Loghan me stopper dans mon élan. Je crois que je l’ai énervé sur ce coup là. Oups.
Je veux qu’elle soit consciente, qu’elle sache que je ne me suis pas foutu de sa gueule quand je lui faisais comprendre que je tenais à elle. Et c’est le cas. Seulement, j’ai toujours eu conscience que nous étions trop différents, trop brisés tous les deux pour espérer construire quelque chose. Je n’ai jamais espéré ça de nous, même si je me suis toujours senti bien avec elle, c’était une évidence. Mais souvent ça ne suffit pas. Je ne dis pas non plus que je me vois finir mes jours avec Caitlyn, parce qu’en soit, je ne me vois finir mes jours avec aucune femme. Je sais que ce serait sans doute une bonne chose, mais coucher avec une seule femme jusqu’à la fin de ma vie ? Je crois que je ne suis pas encore prêt. « Mais alors, pourquoi? POURQUOI LOGHAN? T’as tout gâché. » Je soupire un peu. Je vois bien qu’elle est déçue, et au fond de moi, je le suis aussi. J’aurai aimé pouvoir lui dire que je veux construire quelque chose avec elle, que j’imagine un futur pour nous deux, mais ça ne me ressemble pas. Je ne suis pas fait pour elle, je la ferai beaucoup trop souffrir, aujourd’hui en est déjà la preuve. Je ne suis quelqu’un de bien pour personne, et d’ailleurs, je ferai bien de montrer mon vrai visage à Caitlyn avant de la faire souffrir comme je fais souffrir Constance. Mon coeur se serre en voyant son regard me fusiller. Mais je ne peux pas rester là sans rien dire, j’essaie de rester le plus calme possible mais je m’emporte un peu, comme toujours. « Qu’est-ce que j’ai été conne… » Je soupire un peu, à nouveau. J’ai envie de la prendre dans mes bras, lui dire à quel point je suis désolé, mais ce serait déplacé, puisque je suis en train de lui dire que nous deux ça rime à rien, et ça n’a jamais rimé à rien. Je la regarde faire un pas en arrière et commencer à frapper dans ses mains. Je fronce un peu les sourcils, ne comprenant pas vraiment à quel jeu elle est en train de jouer. « Je vous félicite, monsieur Wellington. Vous avez gagné la palme du plus beau trou du cul. » Elle finit par se rapprocher de moi et je ne quitte pas son regard. « Je te souhaite de t’amuser dans ta vie minable. Tu ne risqueras pas de l’engrosser elle au moins, elle est bien trop vieille. » Mes mâchoires se serrent, elle va loin, trop loin. Son sourire me donne envie de lui mettre une baffe, alors que je n’ai jamais levé la main sur aucune femme de toute ma vie, et ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Elle fait vole-face et se dirige vers la porte mais je me précipite vers elle pour attraper son bras assez fermement, la forçant à se retourner pour me regarder. « Mais pour qui tu te prends pour dire des trucs pareil ? » Mon regard a changé. Si tout à l’heure elle me faisait de la peine, là elle a réussi à m’énerver. « A quoi tu joues Constance ? C’est quoi ? Une battle entre elle et toi c’est ça ? Tu comptes te comparer à elle pour savoir laquelle vaut mieux que l’autre ? » Je la lâche et ne quitte pas son regard qui me fusille encore et toujours. « Et puis qui me dit que tu t’es pas tapé 10 mecs à la semaine sans que je m’en rende compte hein ? Est-ce que j’ai quelque chose à dire ? ». Ok, putain là je vais trop loin. Je soupire et passe nerveusement mes mains sur mon visage et dans mes cheveux. « Putain, c’est pas c’que j’voulais dire excuse-moi. » La voir les larmes au bord des yeux comme ça me fait vraiment mal au coeur. « Je… merde ! » Je baisse la tête, honteux, confus. « Je voulais pas te blesser. J’aurai sans doute dû être plus clair avec toi. J’suis pas un gars pour toi, tu mérites bien mieux. J’suis un gars pour personne. Je pensais juste que tu t’en étais rendue compte. » Piètre estime de moi-même, comme toujours.
Je n’en peux plus, je ne sais d’ailleurs même pas ce qu’il m’a pris de venir le voir. Au fond, ça ne mène à rien. Je lui prouve juste que je ne suis qu’une folle dingue, une vraie psychopathe, une jalouse possessive et hystérique pour couronner le tout. Mais je n’ai pas pu me contenir, parce que dès que j’ai su pour son histoire avec la grande blonde, dès qu’elle me l’a annoncé en plus de ça, je n’ai plus été maître de moi-même. C’est comme si une Constance enfouie était ressortie de son trou, comme si la meurtrière refaisait surface. Et ce n’est pas bon, pas bon du tout pour mon image. Je m’en rends compte après avoir invectivé Loghan et surtout après l’avoir provoqué sur ce qu’il m’avait confié il y a quelques temps, une parcelle de sa vie mouvementée. Pour la première fois, je l’avais vu affaibli, vulnérable. Et je n’ai rien trouvé de mieux que de l’attaquer sur ce point précis, ce point sensible. Je le regrette aussitôt, et fais volte-face. Je suis tiraillée entre l’envie de m’excuser et de partir et je préfère opter pour la deuxième proposition. Je suis bien trop en colère que pour oser lui demander pardon pour ma remarque. Et puis, la Constance meurtrière ne s’excuse pas, voilà tout. Elle tue, aussi bien littéralement qu’au sens figuré. Alors je m’élance vers la porte d’entrée, pour ne pas causer plus de dégâts, satisfaite de ma prestation même si des larmes viennent perler au coin de mes yeux. Je ne suis pas triste, c’est plutôt le trop plein d’émotions qui provoque cela. Je pose ma main sur la poignée de la porte et me fais stopper aussitôt par le bras puissant de mon cher amant. « Mais pour qui tu te prends pour dire des trucs pareil ? A quoi tu joues Constance ? C’est quoi ? Une battle entre elle et toi c’est ça ? Tu comptes te comparer à elle pour savoir laquelle vaut mieux que l’autre ? » Son regard est différent, il a l’air énervé. Touché. Je ne peux m’empêcher de soutenir son regard en essayant de ravaler mes larmes, parce que je ne veux pas lui montrer que cette discussion me fait mal. Mon rôle d’aujourd’hui est de le faire souffrir de m’avoir prise pour une conne, je ne dois pas perdre mon objectif de vue. Je me contente de hocher la tête tout en continuant de le fixer. Il ne comprend rien. Ce n’est pas elle le problème, c’est lui. C’est ce qu’il fait, c’est ce qu’il dit. Il n’est pas cohérent ni dans sa tête, ni dans sa vie. Et j’ai vraiment été naïve de croire qu’il avait réussi à trouver une once de stabilité en me fréquentant. « Et puis qui me dit que tu t’es pas tapé 10 mecs à la semaine sans que je m’en rende compte hein ? Est-ce que j’ai quelque chose à dire ? » Il continue, il va aussi loin que moi. Et il n’a pas tort de m’attaquer, même si ça me fait terriblement mal. Ma bouche s’ouvre mais rien ne sort, parce que je suis choquée qu’il puisse penser ce genre de choses. Parce que jamais je n’aurais pu imaginer qu’il puisse croire que moi aussi, je suis aussi instable que lui. Il est vrai que j’ai entretenu une relation purement sexuelle avec quelqu’un d’autre, mais j’y ai mis un terme dès que j’ai fréquenté Loghan. J’ai toujours été dévouée à le satisfaire. Il voit ma réaction et s’empresse de s’excuser. « Putain, c’est pas c’que j’voulais dire excuse-moi. » Les larmes sont remontées et il ne peut s’empêcher de se sentir mal à l’aise. J’ai toujours été fidèle dans mes relations, même si elles ne voulaient rien dire, même si elles ne menaient à rien. Parce que je ne supporte pas l’idée de fractionner son âme pour des êtres différents. « Je… merde ! Je voulais pas te blesser. J’aurai sans doute dû être plus clair avec toi. J’suis pas un gars pour toi, tu mérites bien mieux. J’suis un gars pour personne. Je pensais juste que tu t’en étais rendue compte. » Il se sous-estime encore et toujours, et comme d’habitude, il m’attendrit. Mes traits s’adoucissent, parce que je supporte pas le voir comme ça. Il est ma faiblesse. « Arrête de croire que tu ne vaux rien Loghan…. » Je soupire et balaye mes larmes du revers de ma main. « Tu es un gars bien et tu mérites quelqu’un de bien. Même si je suis loin de remplir cette condition, je pensais qu’on avait un truc… Que je comptais plus à tes yeux, assez que pour t’empêcher d’aller voir ailleurs… » Je baisse la tête, me sentant paradoxalement plus soulagée en lui disant tout ça qu’en le provoquant avec des piques inutiles. « Enfin, voilà, le mal est fait et on ne peut rien y changer… » Je finis par remonter mon regard vers lui avec toute la force du monde.
Je m’emporte, je ne peux pas faire autrement. Elle dépasse les bornes, et elle le sait très bien. Le ton monte très rapidement, je la rattrape avant qu’elle n’ait franchi le seuil de la porte. Mon regard désormais planté dans le sien, je déverse sur elle tout ce que j’ai besoin de déverser. Voilà, elle m’a énervé. Il ne faut pas réveiller la bête. Elle devait savoir que je n’allais pas l’épouser et lui faire des gamins, elle devait bien se douter que je n’allais pas devenir fidèle rien que pour ses beaux yeux. Je ne suis pas pour elle, je ne suis pas quelqu’un de bien. Je pourrai bien la foutre en l’air. Elle vient de vivre un deuil, il y a à peine un an, pas question que je lui fasse des promesses que je ne pourrai jamais tenir. Non. Etre fidèle à quelqu’un, ce n’est pas fait pour moi. Et même si Constance est particulière, même si elle a réussi à entre-ouvrir la carapace qui me sert de bulle de protection, ça ne suffit pas à me faire changer du tout au tout, du jour au lendemain. Non, ce serait beaucoup trop compliqué. Et puis, j’espère mieux pour elle qu’un pauvre paumé drogué. Le problème, c’est que quand je m’emporte, je ne sais plus m’arrêter, et je dis des choses que je ne pense pas. Non, je ne voulais pas dire ce genre de chose, faire passer Constance pour une salope. Je sais qu’elle ne l’est pas, et quand bien même, si elle couche avec d’autres mecs, c’est sa vie, elle fait ce qu’elle veut. Je ne lui ai jamais demandé l’exclusivité. Mais au moment où je prends conscience que j’ai été trop loin, je m’excuse. Chose que je ne fais jamais. JAMAIS ! Jamais personne n’a eu droit à mes excuses, mis à part peut-être Kelya, et encore. Pas formulées de cette manière en tout cas. L’idée même de la blesser me blesse aussi, je ne veux pas ça. Constance a au moins changé ça en moi, parce que jusqu’à présent, blesser les gens, j’en avais rien à foutre. Mais elle, elle c’est différent. « Arrête de croire que tu ne vaux rien Loghan…. » Je soupire en même temps qu’elle. Pourtant, c’est bel et bien le cas. Je ne rendrai jamais personne heureux, je fais toujours tout de travers. « Tu es un gars bien et tu mérites quelqu’un de bien. Même si je suis loin de remplir cette condition, je pensais qu’on avait un truc… Que je comptais plus à tes yeux, assez que pour t’empêcher d’aller voir ailleurs… » Je soupire à nouveau, haussant un peu les épaules. « Tu vois que je te mérite pas, je suis même pas foutu de te prévenir que je vais te blesser. Si je t’avais dit ça dès le début, on aurait sûrement évité cette discussion. ». J’enfourne mes mains dans mes poches, un peu penaud. Mon coeur me brûle dans ma poitrine. C’est bien la première fois que ça me fait ça. « Enfin, voilà, le mal est fait et on ne peut rien y changer… ». Elle redresse son regard pout le laisser flirter avec le mien, et je me sens comme le besoin de lui dire ce que je ressens. « Je… je t’estime beaucoup Constance… » Estimer est le seul mot ‘sentiment’ qui arrive à sortir d’entre mes lèvres. Je ne me risquerai pas à employer le mot ‘aimer’, ou même ‘aimer beaucoup’, ‘aimer bien’. Rien de tout ça. Trop compliqué. Trop de répercussions. « … et c’est justement pour cette raison que je t’interdis de t’attacher à moi plus que c’est sûrement déjà fait. Je deviendrai pas fidèle, j’aime trop les femmes pour m’en contenter d’une seule. J’ai pas envie de te faire plus de mal. Tu comprends ? » Je m’approche un peu d’elle et viens poser délicatement ma main sur sa joue. « Si je dois redevenir le connard que tu connaissais quand je suis arrivé ici, je peux faire ça… si ça peut t’aider… » Le fait même qu’elle ait été jalouse d’une autre femme prouve bien qu’elle tient à moi, qu’elle aurait voulu une vraie histoire. Mais je ne peux pas lui offrir ça. C’est au dessus de mes moyens.
Je ne sais même pas dire si cette discussion aura une fin heureuse. A priori non, et je ne suis pas venue pour faire la paix. Mais est-ce que je me sens mieux pour autant? À y réfléchir, pas vraiment. J’ai eu la confirmation de ce que je pensais, que Loghan n’a aucun sentiments pour moi, du moins pas assez que pour s’empêcher de sauter sur tout ce qui bouge. J’ai été idiote de me penser irrésistible. Après tout, le seul homme que j’ai aimé m’a trompé et ce, plus d’une fois. Je devrais peut-être me poser les bonnes questions. Je pensais juste ne pas avoir de chance, mais avec Loghan j’en ai la preuve formelle, je ne suis pas assez pour quelqu’un. Pas assez bien ou pas assez belle, non, rien de tout ça, juste pas assez. Je n’ai pas ce petit truc en plus, je ne provoque pas l’étincelle chez l’autre qui fait qu’il n’aurait envie que de moi. Je ne suis qu’un maigre bout de viande. Faible. Et j’ai envie de me terrer rien que pour ça. Je me renferme et joue la carte de la diplomatie, parce que je me rends vite compte que crier ne sert à rien, que ça n’empêchera pas Loghan de se taper la belle blonde, ni toutes les autres dont je n’ai surement pas connaissance. Moi qui était venue pour lui refaire le portrait, me voilà plus calme tout à coup. Plus sereine, comme si j’avais trouvé la clé du problème. Et la clé, c’est bel et bien moi. Je lui explique mon ressenti alors que quelques larmes coulent sur mon visage. Je me sens soulagée de lui faire part de tout ça. J’ai même l’impression que ça devient plus vrai quand je le dis à haute voix. Et même si ça me fait terriblement mal, même si la douleur d’être rejetée doit être la pire qui existe, ça me fait quand même un peu de bien de mettre des mots sur mon ressenti. « Tu vois que je te mérite pas, je suis même pas foutu de te prévenir que je vais te blesser. Si je t’avais dit ça dès le début, on aurait sûrement évité cette discussion. » Voilà qu’il pense que c’est de sa faute. Je hausse les épaules, perdue dans tout ce flot d’information. Je me contente juste de lui lancer une phrase bateau, sans intérêt, parce que nous sommes arrivé dans une impasse, où rien de ce que nous pourrions dire ne nous sortira de ce merdier. Je finis par plonger mes yeux dans les siens, à la recherche de quelque chose que je ne trouverai probablement jamais quand il finit par dire: « Je… je t’estime beaucoup Constance… » Je fronce les sourcils. Que veut-il dire par là? Il m’estime? Cela veut surement dire que j’ai de la valeur à ses yeux. Mais quelle valeur? Cela peut tout dire comme ne rien dire. Il continue. « … et c’est justement pour cette raison que je t’interdis de t’attacher à moi plus que c’est sûrement déjà fait. Je deviendrai pas fidèle, j’aime trop les femmes pour m’en contenter d’une seule. J’ai pas envie de te faire plus de mal. Tu comprends ? » Je baisse les yeux. Il est fort, très fort pour me ramener à ma condition de femme fragile. Celle qui est sous le joug des hommes, celle qui ne peut survivre sans eux. Mais la Constance de tout à l’heure est déjà trop loin, je n’ai plus la force de me battre contre lui. Il s’approche de moi et dépose sa main bien trop familière sur ma joue. « Si je dois redevenir le connard que tu connaissais quand je suis arrivé ici, je peux faire ça… si ça peut t’aider… » Je respire un grand coup, frissonnant au toucher de mon bel amant. Je retire ensuite délicatement sa main de ma peau. « Ne te donne pas tout ce mal, Loghan… C’est juste ma faute. Je t’ai pris pour ce que tu n’es pas. Un sauveur. J’ai cru que tu pouvais m’aider à surmonter la mort de mon mari. » Je le regarde avec des yeux perçants. « J’ai placé trop d’espoir en toi en croyant valoir quelque chose à tes yeux… » Mes doigts se mettent à trembler. « Mais tu l’as dit toi-même, tu m’estimes et je crois que ce n’est pas suffisant. » Je hausse une nouvelle fois les épaules, un nouveau flot de larmes perlant dans mon regard trouble. Ma voix est faible, tremblante. « Je… je vais juste disparaître de ta vie je crois, ça vaut mieux pour tout le monde. » Je m’éloigne légèrement et éclaircis ma voix. « Je démissionne. » Mon annonce, prise sur un coup de tête, le laisse bouche bée. J’ai envie de fuir, de courir, loin, de m’enfuir de son emprise bien trop grande sur moi. J’ai envie de me défaire de lui et mon cerveau m’a dicté la seule chose qui pourrait être un bon début. Je ravale ma salive et essaye également de ravaler mes larmes, avec beaucoup de difficulté.
Mettre des mots sur ce que je ressens ? Trop compliqué. Pour la simple et bonne raison que je n’ai jamais eu besoin de le faire. Pour moi, ça n’a jamais eu aucune valeur de faire une introspective, me demander pourquoi je pouvais ressentir telle ou telle chose, me sentir bien ou mal dans telle ou telle situation. Les sentiments sont comme proscrits dans ma tête comme dans mon corps. Ceux qui m’importent sont plutôt les ressentis, les sensations, le réel plaisir à l’état pur. Mais quand il s’agit de sentiment, vous pouvez être sûr que je pars à peine l’esquisse montré le bout de son nez. Alors expliquer à Constance pourquoi je lui fais tant de mal, pourquoi je ne suis pas fait pour elle, pourquoi j’ai été voir quelqu’un d’autre, c’est mission impossible. Dans un monde parallèle, c’est elle que j’aurai choisi pour faire ma vie, tant pis pour la différence d’âge, tant pis pour les différences tout court, parce qu’avec elle, je me suis senti moi plus qu’avec n’importe qui. Et pourtant. Pourtant j’estime que ça ne suffit pas. Parce qu’avec moi, rien ne suffit. Si j’estime que je ne suis pas assez bien pour elle, je sais que je ne le serai jamais. Constance a sûrement un tas de défauts, mais elle en aura toujours moins que moi. Et puis merde, pourquoi je continue de cogiter comme ça ? C’est la vie, elle trouvera quelqu’un de mieux et puis c’est tout. Pourtant j’essaie de me justifier, de faire les choses bien, alors que ça ne m’était jamais venu a l’esprit avec personne d’autre avant elle. Elle retire ma main de sa joue et je dois avouer que mon coeur se serre légèrement. « Ne te donne pas tout ce mal, Loghan… C’est juste ma faute. Je t’ai pris pour ce que tu n’es pas. Un sauveur. J’ai cru que tu pouvais m’aider à surmonter la mort de mon mari. » Je baisse un peu les yeux comme un enfant qui aurait fait une bêtise, une grosse bêtise. Oui, je m’en veux, et je sais que malheureusement je ne pourrai pas effacer ce que j’ai fait. « J’ai placé trop d’espoir en toi en croyant valoir quelque chose à tes yeux… » Cette fois je relève les yeux vers elle, je n’aime pas qu’elle dise ce genre de chose. « Constance, mais non mais… » « Mais tu l’as dit toi-même, tu m’estimes et je crois que ce n’est pas suffisant. ». Non, c’est simplement que je suis incapable de donner plus que ce que je lui ai déjà donné. Je suis incapable d’être un gars bien, incapable de faire les choses bien, la preuve. Même lui dire que je l’aime bien plus que je ne l’estime, je n’en suis pas capable. Sans doute parce que ça me fait trop peur. « Je… je vais juste disparaître de ta vie je crois, ça vaut mieux pour tout le monde. » Je serre les mâchoires, parce que j’ai envie de me mettre des claque autant que j’ai envie de la retenir. Pourtant, je sais que ce ne serait pas bien, pour la simple et bonne raison qu’elle sera bien plus heureuse si je ne suis pas dans les parages. Si je ne suis pas là pour foutre le bordel dans sa vie. Elle s’éloigne un peu et soudain, elle lâche la bombe. « Je démissionne. ». Non. NON ! Elle était là avant que j’arrive, elle a toujours été là, elle est comme le phare de mon bateau, si elle n’est plus là, tous les jours, si je ne peux pas me raccrocher à elle, comment je vais pouvoir faire ? Quelle raison valable je vais pouvoir me donner pour aller au boulot alors qu’elle n’y sera pas. « Qu… quoi ? Non ! Constance Non ! » Je réduis la distance entre nous et attrape sa main. « Je t’en supplie, réfléchis bien, ne prends pas cette décision sur un coup de tête… Je … » Je fronce un peu les sourcils et baisse la tête tout en lâchant sa main. Je n’ai pas le droit de l’en interdir. Si elle se sent mieux sans être près de moi alors je ne peux pas la retenir. « Fais comme tu veux… » Je soupire un peu et hoche doucement la tête, sans savoir vraiment quoi dire. Sans un mot, elle se retourne pour quitter mon appartement mais je ne peux pas m’en empêcher, je dois le faire ou je le regretterai. « Constance attends ! » J’accours vers elle et la fais se retourner sans qu’elle n’ait eu le temps de se rendre compte de ce qui se passe, et je prends son visage entre mes mains avant de l’embrasser, doucement, avec tous les sentiments que j’essaie pourtant de refouler. Et puis je m’écarte d’elle, plongeant mon regard dans le sien. « Je voulais juste… enfin… pour la dernière fois… »
J’ai lâché une bombe. Voilà. Et je n’ai aucune porte de secours, aucun échappatoire. J’ai donné ma démission, comme ça, sans réfléchir et il est déjà trop tard pour faire machine arrière. D’une part parce que ma fierté m’en empêcherait, d’autre part parce qu’une infime partie au fond de moi sait que c’est la meilleure décision. J’ai osé ouvrir ce qui restait de mon coeur après qu’il ait été presque entièrement anéanti et je me suis pris un mur en pleine face. Mais qu’est-ce que je m’imaginais? Que j’allais vivre dans un champ de coton rose avec Loghan et qu’il allait me faire une dizaine d’enfants? Je ne sais toujours pas l’expliquer, je sais juste que c’est entièrement de ma faute. Je savais que cette attraction presque transcendante allait finir par devenir malsaine, qu’elle me conduirait tout droit dans un fossé. Je ne savais cependant pas que ça allait autant m’atteindre. Jamais je n’aurais imaginé pouvoir débarquer en furie chez Loghan pour lui faire la morale, ni même en être autant mordue que pour en pleurer. Chassez le naturel, il revient au galop comme on dit. J’ai beau m’être débarrassée de la Constance pleurnicharde, de l’amoureuse éperdue, il faut croire qu’elle n’a pas complètement été anéantie. Et elle revient en force en plus de cela. Le temps s’arrête alors que les deux mots que je viens de prononcer résonnent toujours dans la pièce à vivre de mon cher amant. « Qu… quoi ? Non ! Constance Non ! » Je lis la détresse dans son regard, je perçois la tristesse dans sa voix et surtout, je sens que j’exerce une force sur lui. Il est destabilisé, presque abattu par la nouvelle, à tel point qu’il se rapproche de moi et me prend la main, dans un véritable geste d’imploration. « Je t’en supplie, réfléchis bien, ne prends pas cette décision sur un coup de tête… Je … » Je hausse légèrement les sourcils, ne m’attendant visiblement pas à une telle réaction de sa part. L’effet de mon annonce est un peu plus fort que ce que je m’imaginais et je dois dire que j’en suis satisfaite, même si mon coeur est brisé à l’idée de devoir quitter l’Electric Playground et par extension mon cher patron. Il me regarde durant quelques secondes avant de baisser le regard et de lâcher ma main. « Fais comme tu veux… » Je hoche la tête, sans dire un mot. Je ne veux pas aggraver mon cas ni causer encore plus de torts. Je me retourne alors et me dirige vers la sortie, pour la troisième fois aujourd’hui. « Constance attends ! » Sa voix résonne dans un terrible écho avant qu’il ne me force à me retourner. Il attrape ensuite sauvagement mon visage entre ses mains pour me couvrir d’un baiser presque diabolique. Je lui rends son baiser. L’échange est long, langoureux. Je me laisse aller contre ses lèvres, je ne pourrais jamais y résister. Il finit par arrêter le mouvement en me regardant avec insistance. « Je voulais juste… enfin… pour la dernière fois… » Je secoue la tête, perdue dans tout ce flot mêlé d’amour et de haine. « P-p-pourquoi...» Je m’avance et me retourne afin de le pousser contre le battant de la porte et réduire l’espace entre nous. Je pose ensuite mon poing sur sa poitrine, là, près de l’endroit qui est sensé abriter un coeur. Si tant est qu’il en ait un. « Pourquoi tu fais ça? » Ma voix se fait de plus en plus faible mais je m’efforce de rassembler le peu de résistance qui réside en moi. « Je ne te comprends pas Loghan, je ne te comprendrai jamais… » Je le frappe à nouveau avant de lâcher prise et de poser ma tête contre son torse. « J’en ai assez de me battre pour des causes perdues… » Je relève délicatement la tête pour le regarder dans les yeux. J’aimerais tellement qu’il comprenne tout ce que j’ai sur le coeur.
Je sais pas, je sais pas ce qu’il me prend, tout se chamboule dans ma tête, tout part dans une cacophonie horrible et j’aimerai juste me taper la tête contre un mur pour peut-être arriver un peu à la calmer. Mais non. Au lieu de ça, ça boue là dedans. J’ai pas envie qu’elle démissionne, j’ai pas envie parce que j’aime quand elle est là, quand je sens son regard sur moi. Alors pourquoi je ne lui dis pas simplement ? Hein ? Mais putain quel con ! Et il faut toujours que j’en rajoute. Je la fais souffrir, et en plus de ça, j’arrive encore à la faire rester une seconde de plus, juste pour l’embrasser, sûrement pour la briser encore un peu, parce que je ne sais faire que ça. Je suis un putain d’égoïste, je ne pense qu’à moi. Le baiser que l’on échange a une teinte différente de celle de d’habitude. Est-ce que c’est parce que ça sonne comme si c’était le dernier ? Mais j’en avais trop besoin, je m’en serai voulue de l’avoir laissée partir sans le faire. Quel connard. « P-p-pourquoi…» Elle me pousse contre la porte et vient se coller à moi. Je ne bouge pas, la laisse faire, mon regard planté dans le sien, le souffle plus court qu’un peu plus tôt. Les bras ballants par la situation, je ne sais plus quoi faire, quoi dire. « Pourquoi tu fais ça? » Elle frappe sur mon torse de son poing, juste là, par dessus mon coeur qui semble se serrer de la voit aussi frêle et fragile. « Je ne te comprends pas Loghan, je ne te comprendrai jamais… » Elle lâche la pression et finit par laisser tomber sa tête sur mon torse. Pris de cours, j’hésite un instant et finit par enrouler mes bras autour d’elle, tendrement. « J’en ai assez de me battre pour des causes perdues… » Elle relève le regard et le plante dans le mien, humide. Je serre un peu les dents, parce que ça me fait mal de la voit comme ça. J’aimerai tellement être différent, pouvoir lui offrir ce qu’elle attend de moi. Mais je ne suis pas cet homme là, celui qu’elle cherche, celui qu’elle attend. Sûrement qu’elle trouvera quelqu’un de bien mieux que moi ailleurs. Pourtant, l’idée de la perdre me flanque une putain de peur bleue. L’idée qu’elle ne fasse plus partie de ma vie me donne envie de vomir, de frapper dans un mur, de rouler à 250km/h sur une route et peut-être rencontrer un arbre. Tous ces sentiments beaucoup trop importants pour moi sont en train de me tuer à petit feu. Ce n’est ni bon pour elle, ni bon pour moi, je le sais. Finalement, sans un mot, je retire mes mains et desserre mon étreinte autour d’elle. « Alors arrête de te battre. Je respecte ton choix. J’accepte ta démission. Mais fais-moi juste la promesse de prendre soin de toi, s’il te plait. » Ton ton est étonnement calme, empli d’un sentiment qui me connaît très mal. Je tiens à elle, oui, je suis un homme et je ne formulerai pas ce sentiment par des mots bien ou mal choisis. Je pense qu’avec ce que je viens de dire, ça pourrait suffit pour qu’elle comprenne. Et même si elle ne comprenait pas. De toute manière, l’avenir est tout tracé. C’est elle dans son coin, et moi dans le mien, pour le bien de tout le monde. Je me racle un peu la gorge pour éviter de trop faire sentir le mal être qui me ronge. « Tu devrais rentrer chez toi. » Oui, il vaudrait mieux. Même si je n’en ai pas du tout envie. « Je suis désolé pour tout ça Constance. Vraiment. Mais c’est mieux pour tout le monde. » Je pose ma main sur la poignée et me décale un peu pour ouvrir la porte. Je veux qu’elle s’en aille. Qu’elle ne voit pas à quel point je risque de tout casser chez moi une fois qu’elle aura passé la porte. Je me déteste de lui faire autant de mal. Jamais auparavant j’avais ressenti ça. Jamais.